La réunion

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Nous recevons à présent des représentants de directions du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Cette audition doit nous permettre de mieux cerner le rôle du ministère dans la conception et la conduite des programmes d'investissement d'avenir consacrés à la transition écologique, ainsi que les initiatives qu'il peut mettre en oeuvre pour améliorer leur pertinence. Notre objectif est d'analyser l'utilisation de ces crédits ainsi que les raisons pour lesquelles des redéploiements ont parfois été opérés parmi les programmes.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

Je commencerai par dresser un panorama des actions financées par les programmes d'investissements d'avenir.

Les investissements d'avenir dans le domaine de la transition écologique sont portés par plusieurs outils ciblés sur différentes thématiques. Un premier bloc, dans le PIA 1, le « nucléaire de demain », a financé des recherches et la construction d'outils de recherche dans deux domaines : d'une part, les réacteurs de quatrième génération ASTRID et le réacteur de recherche Jules Horowitz ainsi que des actions sur la valorisation des déchets par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), et, d'autre part, la sûreté nucléaire, pilotée par l'Agence nationale de la recherche (ANR).

Il y a ensuite, dans le PIA 1 et le PIA 2, un volet autour de la transition énergétique et écologique, au sens large, jusqu'à des actions dans les domaines de l'eau et de la biodiversité, avec plusieurs outils complémentaires. Le premier outil, ce sont les démonstrateurs, avec deux programmes, « démonstrateurs de la transition énergétique et écologique » et « véhicule routier et mobilité du futur ». Au moment de passer du prototype à la commercialisation, on a besoin de démonstrateurs industriels, qui sont souvent portés par un ensemble de deux ou trois entreprises – dont une entreprise pilote – et des laboratoires. L'opérateur en est l'ADEME, qui apporte un soutien en subventions et en avances remboursables pouvant déboucher sur des fonds propres. La BPI gère par ailleurs deux outils spécifiques d'apports de fonds propres : d'une part, le Fonds écotechnologies, doté des crédits apportés sur l'enveloppe ADEME et dédié notamment aux PME innovantes dans le domaine de la transition écologique, et, d'autre part, un outil plus générique, les programmes industriels d'avenir (PIAVE), pour les sujets non couverts par l'ADEME. Ce sont nos collègues du CGDD qui suivent ces PIAVE.

Un autre outil relatif à la transition énergétique est la structuration pérenne de la collaboration public-privé autour des instituts de la transition énergétique (ITE), au nombre de dix, plus deux, après un petit taux de chute, certains ITE n'ayant pu être constitués. Cet outil vise à créer des consortiums sous forme de sociétés communes entre des entreprises et des organismes publics de recherche. L'État leur accorde une dotation non consommable, à hauteur de 80 %, et une subvention. Ce sont des consortiums thématiques, sur les matériaux biosourcés, la chimie verte, le photovoltaïque, le véhicule électrique et communiquant… L'opérateur en est l'ANR.

Il y a ensuite un volet autour des territoires, de l'habitat durable et des villes, avec, d'une part, un programme intitulé « projets territoriaux intégrés », opéré par la CDC et suivi par la DGALN, autour de prêts bonifiés, et un programme « ville de demain », également opéré par la CDC. Par ailleurs, le PIA a également financé les actions de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en vue de la rénovation thermique des logements des ménages en situation de précarité.

Pour les programmes « démonstrateurs de la transition énergétique et écologique » et « mobilité du futur », suivis par la DGEC, l'enveloppe globale est de 3 milliards d'euros, engagés à hauteur de 1,6 milliard, avec une prévision de 2,3 milliards fin 2016 et 2,6 milliards à la mi-2017. Pour les ITE, 800 millions sur 875 sont engagés.

La mise en oeuvre s'opère selon une approche interministérielle se concluant par des décisions du Premier ministre sur la base des propositions qui lui sont présentées par le Commissaire général aux investissements (CGI). Pour chacune des actions que j'ai citées, un comité de pilotage réunit notre ministère et les ministères de l'économie, du logement, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que l'opérateur, à savoir l'ANR pour les ITE et l'ADEME pour les démonstrateurs. D'autres ministères peuvent être associés, par exemple le ministère de l'agriculture sur les questions d'agriculture éco-efficiente. Ces comités de pilotage proposent les lancements d'appels à projets et les décisions de présélection et d'instruction. Ils s'appuient sur des groupes de travail.

Nous avons industrialisé le procès, accéléré le lancement des programmes et l'instruction des dossiers ; ainsi, vingt appels à projets courent chaque année sur les démonstrateurs aujourd'hui. Nous prévoyons deux ou trois dates de dépôt sur l'année, afin d'éviter que ceux qui ne sont pas tout à fait prêts présentent un mauvais projet. Les délais d'instruction sont passés à moins de trois mois et la décision du Premier ministre intervient en moins de deux mois, ce qui est peu compte tenu de la complexité de projets qui engagent parfois plusieurs millions d'euros et plusieurs entreprises.

S'agissant des démonstrateurs, nous avons, entre le PIA 1 et le PIA 2, élargi les filières, en introduisant la gestion et l'ingénierie de l'eau ou encore le génie écologique et la biodiversité. Nous avons par ailleurs décidé de cibler l'interaction entre transition numérique et transition énergétique, avec un appel à projets Green Tech, annoncé par Mme Royal et M. Macron, qui sera lancé début avril.

Nous nous sommes rendu compte qu'il existait un double besoin. S'il reste nécessaire de financer des projets de consortiums d'entreprises à plusieurs millions d'euros, nous avons aussi besoin d'amorçage auprès des PME – y compris pour préparer de gros projets – et c'est pourquoi plusieurs appels à projets « initiatives PME » ont été lancés sur le stockage de l'énergie, les réseaux intelligents, les énergies renouvelables, et bientôt sur l'économie circulaire et l'écoconception. Nous apportons jusqu'à 200 000 euros de subventions pour un projet d'amorçage. C'est la nouveauté majeure de l'année 2015.

S'agissant des ITE, nous nous sommes rendu compte que le concept de départ – des consortiums thématiques publics-privés dans la longue durée – était très ambitieux et conduisait à quelques difficultés, et nous avons donc introduit plus de souplesse. Ainsi, dans les énergies marines et le sous-sol, les deux ITE ne sont pas aujourd'hui constitués directement sous forme de consortiums ; nous les accompagnons avec un appel à projets qui leur permet de monter en puissance.

L'apport de financements publics vise à pallier les carences de l'investissement privé, qui peuvent être qualifiées de défaillances de marché. En la matière la situation est stable, voire se dégrade un peu parfois. Il se peut que la conjoncture déprimée dans le secteur énergétique rende les décisions d'investissement plus difficiles qu'il y a deux ou trois ans. Pour les fermes pilotes d'éoliennes, voire les fermes commerciales, le besoin de fonds propres est manifeste mais les entreprises hésitent à le couvrir. Cela conduit l'État à co-investir, par exemple dans les fermes commerciales d'éolien marin. Nous participons à la prise de risque, tout en ayant un objectif de retour sur investissement.

Le suivi se fait sur la base des objectifs définis – effet de levier, amélioration des délais d'instruction… – mais aussi projet par projet, en particulier pour les plus gros d'entre eux. Ainsi, la dizaine d'ITE financés font chacun l'objet d'un suivi par des chargés de mission de l'ANR et des ministères, avec une revue annuelle des objectifs et, depuis cette année, une revue triennale permettant de s'assurer que ces organismes franchissent correctement les jalons de pérennisation et de structuration des campus publics-privés. Nous pouvons vous envoyer nos batteries d'indicateurs par écrit.

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Paul Delduc, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature, DGALN

Ce qu'a dit Laurent Michel s'applique aux programmes auxquels participe la DGALN, qui présentent toutefois quelques particularités.

La performance thermique des logements fait l'objet d'un traitement spécifique, et ce depuis l'origine. Le Gouvernement a considéré que parvenir à des performances élevées sur le plan thermique dans les logements des ménages modestes constituait une opération d'avenir car cela supposait des innovations, non pas tant technologiques qu'organisationnelles. L'ANAH a dû organiser ses programmes avec les collectivités, se territorialiser, trouver des méthodes pour convaincre les ménages d'investir. L'investissement moyen par ménage est de 18 000 euros, dont un peu plus des deux tiers sont pris en charge par des personnes publiques, que ce soit l'ANAH, le Fonds d'aide à la rénovation thermique (FART) – financé par le PIA – ou les collectivités locales ; cela laisse des sommes relativement importantes à la charge des ménages, ce qui appelait un travail presque sociologique de façon à lancer le mouvement. Ce travail a été possible grâce au FART. Le choix du Gouvernement a été de consacrer une partie des moyens du PIA à de l'innovation organisationnelle et sociale plus qu'à de l'innovation technologique, mais toujours en vue d'atteindre des niveaux de performance élevés, une exigence issue des principes du PIA. Dans les logements rénovés avec l'appui du fonds, les gains d'efficacité ont été de 40 % en moyenne, ce qui est très élevé.

Autre particularité, le programme Ville de demain s'adresse à un public très large qui comprend aussi bien des collectivités que des entreprises. Il permet de financer des projets à l'échelle d'agglomérations d'une taille significative, dans une vision stratégique transversale touchant tous les aspects de la ville durable. Il a visé en tout premier lieu les collectivités mais a également financé des prises de participation dans des entreprises, comme la tour Elithis à Strasbourg ou l'ilôt Allar sur le site d'Euroméditerranée à Marseille.

Le Gouvernement a décidé de réorienter une partie des financements de l'action Projets territoriaux intégrés : compte tenu des financements disponibles pour les Territoires à énergie positive pour la croissance verte, l'enveloppe des subventions aux collectivités a été réorientée vers le fonds d'aide à la rénovation thermique opéré par l'ANAH ; il reste cependant l'enveloppe de 40 millions d'euros de prêts destinées aux entreprises.

Dans le cadre des programmes que nous avons à connaître, le pilotage est assuré par le CGI et un opérateur qui est la CDC, selon une organisation à deux niveaux : niveau local pour la préinstruction des dossiers et national pour la présentation de propositions au Premier ministre. Les critères d'éco-conditionnalité ont été intégrés dès l'opportunité des projets, par exemple dans le cahier des charges.

L'appel à projets sur les démonstrateurs concernant l'eau n'a pas été un grand succès ; nous avons reçu peu de projets intéressants. En revanche, les deux appels sur la biodiversité ont rencontré un grand succès. Une douzaine de projets ont été suscités par le premier appel, plus de trente pour le second qui est en cours d'examen. Le cadrage permet de vérifier que ces projets n'ont aucun effet collatéral négatif sur l'environnement.

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Vous fournissez à l'État stratège un cahier des charges à partir duquel est fondée une estimation financière des besoins. Le cahier des charges est communiqué au CGI et aux opérateurs, ensuite de quoi vous analysez les résultats de la procédure et les présentez au Premier ministre. Vous sentez-vous bien dans le dispositif ?

Je profite de votre présence pour évoquer, pardonnez-moi, le hamster d'Alsace. D'énormes progrès ont été accomplis sur le sujet mais nous sommes de nouveau dans une phase de très grande crispation, qui va probablement remettre en cause un grand projet d'infrastructure routière dans notre région. Je vous demanderai directement un rendez-vous car, les directions étant éclatées dans la grande région, nous n'avons plus vraiment d'interlocuteurs.

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Vous incarnez en effet l'État stratège. De quelle manière fixez-vous les montants initiaux affectés aux programmes ainsi que la répartition entre les différents types de financement, avances remboursables, fonds propres, subventions ? Par ailleurs, comment expliquez-vous que certains redéploiements de crédits aient eu lieu avant même le lancement des programmes ?

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Laurent Tapadinhas, adjoint à la Commissaire générale au développement durable, CGDD

Le CGDD essaie de suivre globalement l'ensemble du dispositif. Nous dénombrons dix-sept actions dont l'objet principal se rattache à l'objectif stratégique de transition énergétique pour la croissance verte ou à une autre politique publique portée par le ministère de l'écologie ou le ministère du logement.

Dans le PIA 2, nos ministères ont mobilisé en amont leurs différentes directions thématiques afin d'élaborer les propositions de programmes et d'actions portées dans le processus interministériel. Cela a donné lieu à des arbitrages sur les montants et les répartitions par programme ou par action et les rattachements au sein des missions, ainsi que sur la répartition des interventions entre subventions, avances remboursables et enveloppes non consommables.

Les règles d'éco-conditionnalité n'existaient pas dans le PIA 1. Les réflexions à ce sujet ont commencé en 2013. Le CGI a pré-fléché les actions du PIA 2 selon le degré de leur lien avec la transition énergétique et écologique, avec un objectif d'éco-conditionnalité d'au moins 50 % des financements du PIA. Une liste de critères d'éco-conditionnalité a été dressée. Cela s'est d'abord traduit dans l'élaboration des conventions, et le bilan que nous en tirons est globalement satisfaisant.

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Laurent Tapadinhas, adjoint à la Commissaire générale au développement durable, CGDD

Ce n'est pas encore une évaluation des projets mais seulement de la rédaction des conventions. Nous estimons que cette rédaction a intégré les critères de manière relativement correcte. C'est une première étape.

La phase suivante est la rédaction des appels à projets. Les critères doivent également être présents à ce stade. Le CGDD n'est pas à la manoeuvre dans tous les appels à projets mais ceux que nous avons examinés nous semblent avoir pris ces critères en compte. C'est le cas dans le PIAVE. L'instruction des projets étant encore en cours, il est un peu prématuré de l'évaluer à ce stade.

Le processus est largement gouverné par le CGI, chargé de piloter le PIA. Cette gouvernance nous intègre dans de nombreux comités, au sein desquels nous essayons de porter les points de vue de nos ministères.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

J'ai été nommé DGEC début 2013 mais j'avais déjà un peu connu le PIA dans mes fonctions précédentes – sur les volets de sûreté nucléaire – et je constate des améliorations dans le déroulement mais aussi dans le partage des visions stratégiques. Je préside deux comités de pilotage, celui sur les ITE et celui sur les démonstrateurs. Ce dernier se tient une fois par mois ; le flux de dossiers est considérable.

Le démarrage a été un peu laborieux. Le CGI s'installait ; la doctrine du PIA dans le soutien à l'innovation était assez nouvelle, avec à la fois des avances remboursables et des fonds propres ; les ambitions étaient fortes, parfois trop, alors que certains des secteurs économiques concernés étaient ou sont encore en crise. Aujourd'hui, les outils sont calés ; nous lançons vingt appels à projets par an contre cinq auparavant. De même, les discussions interministérielles ont contribué à réduire nos désaccords sur les dossiers, et nous avons introduit la souplesse nécessaire. Nous avons adapté l'outil aux PME. La seconde phase des appels à projets sur l'économie circulaire suscite davantage de projets que la première, car nous avons modifié la configuration des appels, notamment quant à leur intensité capitalistique. Nous avons également établi des liens avec les pôles de compétitivité via les appels à projets initiatives PME. Dans certains cas, nous avons introduit, de manière quelque peu dérogatoire, une notion de déploiement, par exemple sur les infrastructures de recharge de véhicules électriques, afin d'amorcer la démarche.

Le travail interministériel a porté ses fruits en termes de fluidité mais aussi de partage stratégique, d'adaptation et de granulométrie. Nous avons ainsi des projets d'amélioration du rendement dans les scieries par l'utilisation de logiciels ; c'est une typologie très éloignée de projets impliquant des millions d'euros dans le développement d'éoliennes en mer. Nous arrivons à adapter les outils à des secteurs très différents. Nous voyons aussi arriver de nouvelles technologies de rénovation du bâtiment, dont nous avons besoin pour réduire les coûts.

Il y a eu chaque année des redéploiements, à l'intérieur des enveloppes comme entre enveloppes. Dans le secteur de l'énergie, les projets peuvent être très longs ; les porteurs de projets sur les éoliennes en mer ont besoin de trois ou quatre ans. Dès lors que des disponibilités étaient présentes ailleurs, quelques redéploiements ne sont pas choquants.

Après les actions menées sur le déploiement de bornes pour véhicules électriques, il faudrait, dans le PIA 3, faire la même chose pour les infrastructures de gaz pour poids lourds ou d'hydrogène. Si nous avons tendance à pousser au déploiement, le CGI nous rappelle à juste titre l'esprit d'origine d'un programme qui vise à pallier les défaillances du marché.

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Certains redéploiements ont eu lieu alors que les programmes n'étaient pas encore lancés. Ce n'est donc pas toujours une question de montée en charge. Vous contribuez à définir les montants initiaux affectés aux différents programmes. Comment évaluez-vous les montants nécessaires et quelle est votre appréciation de ces redéploiements ?

Par ailleurs, pouvez-vous expliciter l'articulation entre les PIA, qui doivent financer des innovations, et des crédits budgétaires destinés à financer le déploiement de ces innovations ou le financement d'infrastructures en général ? La chaîne est-elle bien continue et, après la phase de démonstrateurs, le déploiement est-il bien accompagné ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

Le volet des démonstrateurs a subi des redéploiements à hauteur de 300 millions d'euros et celui des ITE à hauteur de 110 millions. Quand le Parlement a voté le PIA 2, l'ADEME ou l'ANR n'avaient pas engagé tous les crédits du PIA 1 ; les deux se sont chevauchés. Une ponction a eu lieu au moment du démarrage du PIA 2. En outre, au tout début du PIA, un redéploiement a eu lieu dans le domaine du nucléaire : une partie des crédits destinés au CEA et à l'ANDRA ont été refléchés sur l'appel à projets Sûreté nucléaire, à la suite de Fukushima. Nous pourrons vous communiquer des éléments plus précis, si vous avez en tête des redéploiements spécifiques.

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Je prends un exemple qui montre qu'il ne s'agit pas de redéploiements de crédits non utilisés. Nous venons d'auditionner des représentants de l'ANRU. Alors que l'action Ville durable était au départ dimensionnée à 85 millions, avant même son lancement elle a été revue à la baisse à 71 millions. Ce n'est pas le seul exemple.

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Alain Griot, chargé des fonctions de coordination dans le domaine des investissements d'avenir en matière d'innovation et de recherche au sein du CGDD

Au lancement du PIA 2, 100 millions d'euros destinés aux démonstrateurs ont été redéployés vers FranceAgriMer, parce que l'agriculture n'avait pas été prise en compte dans l'épure du programme.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

C'était soutenable budgétairement pour le volet des démonstrateurs.

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Ce qui est difficile à comprendre, c'est que des redéploiements aient lieu immédiatement après que les enveloppes ont été définies.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

La discussion interministérielle animée par le CGI fait remonter des propositions cristallisées à un moment donné, et telle ou telle priorité sectorielle peut alors se rappeler à nous et nous conduire à opérer des redéploiements, parfois dès le début du programme. Les redéploiements représentent 10 % des montants de nos programmes, au détriment des enveloppes des démonstrateurs et des ITE. La définition des enveloppes comporte naturellement une certaine marge. Nous sommes en train d'élaborer des propositions pour le PIA 3 qui seront dans des ordres de grandeur similaires, voire un peu plus élevées dans certains domaines, afin d'accélérer les choses. Le PIA 3 sera nourri par les retours d'expérience sur les outils actuels.

En ce qui concerne l'articulation entre l'innovation et le déploiement, hors logement et rénovation, nous disposons des outils de l'ADEME que sont le fonds déchets et le fonds chaleur, qui permettent de soutenir l'investissement. Jouent aussi les tarifs de soutien à l'électricité ou au gaz d'origine renouvelable.

Un manque a été identifié concernant le déploiement de certaines infrastructures de transport ; c'est pourquoi, dans une certaine hétérodoxie par rapport au financement de prototypes, nous avons conduit une action sur les infrastructures de recharge de véhicules électriques, à hauteur de 63 millions d'euros. Cela étant fait, nous serons probablement moins insistants sur ces infrastructures dans le PIA 3, pour plutôt faire de même pour l'hydrogène ou le gaz naturel pour véhicules.

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Avez-vous abandonné définitivement cette logique, qui ne correspond pas à l'idée de base du PIA ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

Nous pensons qu'il manque un chaînon pour financer les premiers déploiements afin de montrer que c'est faisable.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

Sans soutien au déploiement de ces infrastructures pendant les premières années, la boucle ne se faisait pas, mais nous allons très probablement beaucoup moins insister sur les infrastructures de recharge des véhicules électriques, voire pas du tout, dans le PIA 3, considérant que la pompe est amorcée. En revanche, nous pensons qu'il manque toujours un échelon – démonstrateur ou premières infrastructures – sur le gaz naturel véhicules ou l'hydrogène, qui ne démarrent pas.

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Des investisseurs privés sont prêts à le faire ; nous l'avons vu dans le cadre de notre mission sur l'automobile française. Il y a des possibilités du côté du privé.

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

Vous me permettrez de ne pas tout à fait partager ce point de vue. L'hydrogène est encore balbutiant. Nous avons très peu de stations et pas de démonstrateur.

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Paul Delduc, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature, DGALN

Le PIA est arrivé à un moment opportun, quand les ministères de l'environnement et du logement avaient le sentiment qu'il fallait donner un coup d'accélérateur pour aider les agglomérations d'une taille significative à prendre des initiatives et des risques en changeant certaines pratiques, que ce soit dans le bâti, la mobilité, l'espace public, l'eau, la biodiversité… Le PIA l'a permis.

Le programme Ville de demain s'est potentialisé avec la démarche des ÉcoCités, au départ un club d'agglomérations désireuses d'avancer. Le PIA les a incité à aller plus loin, à risquer un peu plus. Un certain nombre d'ÉcoCités ayant acquis de l'expérience et pris le goût du risque, elles ont fait plus de propositions lors de la deuxième tranche. Ce partage du risque entre l'État et les collectivités est une stratégie voulue et n'appelle pas stricto sensu de déploiement : ce sont les collectivités qui assurent ce déploiement, ainsi que des entreprises. Nous nous y retrouvons complètement, nous avons le sentiment que le PIA a véritablement servi les intérêts de la collectivité nationale et a poussé les collectivités territoriales à s'orienter vers une autre façon de concevoir la ville et son fonctionnement.

Il n'y a pas eu beaucoup de redéploiements au sein de ce programme, mais les prises de participation n'ont pas très bien marché. Nous avons donc convenu avec le CGI de réorienter cette partie du programme vers ce qui s'apparenterait à un fonds d'amorçage pour start-ups et serait géré par BPI France, un opérateur sans doute plus apte à gérer cet instrument que ne l'était l'opérateur principal, la CDC. Ces prises de participation seront ainsi spécialisées sur les start-ups, qui en ont vraiment besoin et verront une vraie différence avec les financements qu'elles peuvent trouver sur le marché.

Les débuts ont été un peu laborieux car les visions des uns et des autres, CGI, CDC, ministères, étaient assez différentes mais, dans la deuxième tranche de Ville de demain, les décisions au sein du comité de pilotage sont prises de façon très efficace. Chacun joue son rôle et apporte son regard, ce qui permet de ne pas perdre le cap. Nous sommes en osmose.

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Notre ressenti, à la suite des différentes auditions que nous avons conduites, est que la mise en oeuvre de l'éco-conditionnalité est à géométrie variable et qu'elle n'est pas encore opérationnelle dans le PIA 2.

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Laurent Tapadinhas, adjoint à la Commissaire générale au développement durable, CGDD

En tant que co-président du comité de pilotage sur le PIAVE, je peux témoigner de l'effectivité des critères d'éco-conditionnalité et de leur prise en compte. Les outils pratiques d'analyse de l'éco-conditionnalité ont été définis. Les projets sont examinés à l'aune de ces critères : efficacité énergétique, impact sur le climat, l'air, l'eau, les déchets, les ressources, la biodiversité… Dans le PIAVE, ces critères sont analysés par l'opérateur BPI France et des experts au même titre que les conditions économiques. L'expérience montre que cela ne rallonge pas les délais. Cela a été au départ plus ou moins bien ressenti par les porteurs de projet, mais c'est à présent entré dans les moeurs.

Peut-être que la prise en compte de ces critères est encore inégale et que tous les opérateurs ne les intègrent pas avec la même acuité ; nous avons sans doute encore un travail à conduire sur les modalités types, les grilles d'analyse, les supports de présentation et la simplification, afin que ces critères soient intégrés de la manière la plus transversale possible dans l'examen des projets. Lorsque nous auditionnons des porteurs de projet, il est fréquent que nous leur demandions des compléments d'analyse, et il nous arrive également de refuser des projets en raison du non-respect de ces règles d'éco-conditionnalité.

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Est-ce que cela s'est construit en dialogue avec les porteurs de projet ?

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Alain Griot, chargé des fonctions de coordination dans le domaine des investissements d'avenir en matière d'innovation et de recherche au sein du CGDD

Cela s'est d'abord construit en dialogue avec les opérateurs, qu'il a fallu acculturer à cette notion qu'ils voyaient au départ comme une charge supplémentaire et non comme un outil d'analyse pertinent. Cela dépend aussi beaucoup des procédures. Dans les procédures avec audition, comme pour le PIAVE, un véritable échange a lieu sur les critères. Dans les procédures sans audition, la charge repose sur l'opérateur. Globalement, les porteurs de projet comprennent plutôt bien la finalité de l'exercice et y répondent de façon appropriée.

La notion vise à prendre en considération l'ensemble des impacts environnementaux. Un porteur de projet dans la fabrication de pales d'éolienne nous disait, par exemple, que son projet était éco-conditionnel car il allait contribuer à la diminution des émissions de CO2 ; nous lui avons demandé de prendre aussi en compte les impacts de son procédé de fabrication.

Les mêmes critères ne peuvent d'ailleurs pas s'appliquer à tous les projets. Nous allons prendre cet après-midi, dans le cadre du PIAVE, une décision sur un projet de dispositifs médicaux, concernant des pansements fonctionnalisés. Nous avons convenu avec le porteur de projet que la prise en considération des critères d'éco-conditionnalité ne se situait pas au niveau de l'utilisation mais du processus de fabrication, voire dans une réflexion en termes d'économie circulaire sur la récupération de ces pansements porteurs de molécules actives. Au-delà du cadre générique, dans les conventions et les appels à projet, c'est une discussion au cas par cas.

Une phase d'acculturation des acteurs aux critères globaux du PIA était nécessaire, et les premiers appels à projet n'ont pas été un grand succès, mais aujourd'hui, sur le troisième appel que nous lançons dans le bâtiment, le succès est relativement fort, la réponse des acteurs est bonne, non seulement de la part des grands leaders mais aussi des PME.

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Quelles contraintes rencontrez-vous dans les règles européennes en matière d'aides d'État ?

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Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, DGEC

Nous respectons les règles européennes applicables aux activités de recherche, de développement et d'innovation, dites RDI, et les lignes directrices pour les aides à l'environnement. Nous bénéficions à cet égard de l'expertise de la direction générale des entreprises à Bercy. Certains cas particuliers – des montants importants – peuvent nécessiter des notifications individuelles. Il a fallu que nous nous appropriions ces outils, qui nous sont moins familiers qu'à nos collègues du ministère de l'industrie. Je n'ai pas d'exemple de notification ayant échoué, même si certaines ont dû être rediscutées.

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Alain Griot, chargé des fonctions de coordination dans le domaine des investissements d'avenir en matière d'innovation et de recherche au sein du CGDD

Quelques notifications sont encore en cours, notamment sur les ITE et sur de grands projets. Dans le domaine des transports, l'interdiction pour PSA et ses filiales de recevoir des aides d'État jusqu'au 31 décembre 2015 a conduit certains projets sur lesquels PSA travaillait à ne pouvoir être lancés. C'est la seule difficulté que nous avons rencontrée en termes d'aides d'État, avec aussi des questions de définition des petites et moyennes entreprises, pour quelques entreprises à la limite des seuils. Sur ces points, le CGI se tourne vers le ministère des finances, qui a cette compétence en raison du rattachement de la DGCCRF.

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Merci. Dans les réponses écrites que vous pourrez nous apporter, vous voudrez bien évoquer l'articulation entre les différents opérateurs, et notamment entre l'ADEME et la BPI. Les exigences de rentabilité et d'investissement de la BPI sont-elles adaptées au secteur de la transition écologique ? L'articulation entre les deux fonctionne-t-elle bien ? Deux opérateurs sont-ils nécessaires dans ce domaine ? C'est un autre sujet important.