La réunion

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La séance est ouverte à 16 heures 25.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation a organisé un colloque, ouvert au public, sur le thème : « Place des femmes en politique : encore un effort ! », en présence de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre, chroniqueuse éditorialiste, de M. Sébastien Denaja, député, membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), de Mme Nicole Ameline, députée, membre experte du Comité pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes des Nations Unies (CEDAW), ancienne ministre, et de Mme Véronique Massonneau, députée,

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À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, notre délégation a souhaité organiser un colloque sur la place des femmes en politique. Je salue l'ensemble des députés et députées ici présents, ainsi que les personnes dans la salle. Après avoir hésité sur l'intitulé de cette table ronde, nous avons opté pour celui-ci : « Place des femmes en politique : encore un effort ! ». Nous verrons donc si des efforts restent à faire concernant la place des femmes en politique, après les progrès de ces dernières années.

Un rappel historique. À commencer par la célèbre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791 dans laquelle Olympe de Gouges affirmait : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». La Révolution n'a donc pas donné le droit de vote aux femmes, et le code Napoléon a renforcé cette élimination des femmes de la vie publique en stipulant, en son article 1124, que « les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux ». Le suffrage universel ne sera accordé qu'aux hommes en 1848, et il faudra attendre le XXe siècle pour que le droit de vote et d'éligibilité des Françaises soit instauré.

Dans l'entre-deux-guerres, le Sénat s'est opposé à l'inscription à son ordre du jour d'une loi, votée en 1919 à l'Assemblée nationale, octroyant le droit de vote aux femmes. Je ne peux résister à vous lire un florilège antiféministe de déclarations… Le sénateur Alexandre Bérard a cru bon de dire en 1919 : « Les mains des femmes sont-elles bien faites pour le pugilat de l'arène politique ? Séduire et être mère, c'est pour cela qu'est faite la femme ». En 1932, Alain Calmel a dit la chose suivante : « Nous sommes disposés à accorder aux femmes tout ce que leur sexe a le droit de demander, mais en dehors de la politique ». Tout aussi étonnants les arguments d'un certain Raymond Duplantier qui disait ceci : « La plupart des femmes n'ont-elles pas des bouches trop petites pour qu'en puissent sortir les gros mots qui sont trop souvent la monnaie courante des discussions électorales ? » « Ces dames voudraient être députés ? Eh bien, non ! Qu'elles restent ce qu'elles sont : des putes ! »

Sous la IIIe République, deux arguments étaient avancés pour refuser le droit de vote aux femmes. Le premier : les femmes sont faites pour être mères et épouses, autrement dit leur rôle est de rester au foyer, or être élue députées les aurait amenées à sortir de leur foyer. Second argument : les femmes ne peuvent être autonomes car elles sont trop soumises au curé ou à leur mari, si bien qu'elles auraient voté comme leur mari ou les curés, ce qui aurait représenté un danger pour la République.

Sans des mouvements féministes et féminins, comme les Suffragettes – Hubertine Auclert et Louise Weiss notamment – les femmes n'auraient jamais obtenu le droit de vote. C'est l'ordonnance de 1944, signée par de Gaulle, qui a fini par accorder le droit de vote et d'éligibilité des Françaises. Depuis, il faut le dire, la place des femmes en politique a progressé.

Mais le constat est que sans la loi et la sanction, la place des femmes en politique n'avance guère. La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 est ainsi venue compléter l'article 3 de la Constitution en posant que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » – disposition que nous souhaiterions voir modifiée en « garantit l'égal accès… »

La parité introduite, les partis politiques ont été obligés de s'adapter pour les scrutins de liste – listes appelées « chabadabada ». C'est ainsi que la moitié des conseillers départementaux sont désormais des femmes, contre 13 % dans les conseils généraux auparavant, et qu'au niveau régional, on compte aujourd'hui 47,8 % de femmes conseillères depuis 2015, contre 27,1 % en 1988. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, soumises aux contraintes de la loi sur la parité, les femmes représentent désormais 49 % des conseillers. J'étais favorable aux scrutins paritaires pour toutes les communes, mais que d'arguments n'a-t-on entendus, en particulier sur l'absence de « vivier » de femmes ? Pourtant, les conseils municipaux fonctionnent très bien, avec des femmes très investies dans la politique municipale.

La représentation des femmes au Parlement a sensiblement progressé. Pour autant, elles ne sont que 27 % à l'Assemblée – leur nombre est passé de huit en 1958 à 155 aujourd'hui – et 25 % dans la Haute Assemblée, contre 17 % il y a dix ans. Pour les élections législatives, les partis qui ne présentent pas 50 % de candidats de chaque sexe doivent payer une amende, que nous avons renforcée. Ainsi, pour les prochaines élections de 2017, l'amende sera doublée en cas de non-respect de la parité par les partis politiques.

Reste un domaine où la parité n'avance pas : les exécutifs locaux. En effet, les hommes représentent 84 % des maires, 90 % des présidents de conseil départemental, 92 % des présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), et 91 % des présidents de conseil régional.

L'articulation entre « parité quantitative » et « parité qualitative » – c'est-à-dire la répartition sexuée des rôles et fonctions – est un enjeu important. Notons à cet égard que le gouvernement est paritaire depuis 2012 et que l'Assemblée nationale compte désormais autant de femmes que d'hommes à la présidence des commissions permanentes.

Les débats autour de la parité ont permis de rendre visible les inégalités dans la sphère publique, mais aussi dans l'ensemble de la société. S'interroger sur la place des femmes en politique conduit à s'interroger, d'une part, sur l'articulation entre vie personnelle et vie professionnelle – les temps de vie et le partage des tâches familiales –, et, d'autre part, sur le sexisme en politique et dans le monde du travail. Ce continuum d'inégalités et de freins impose de mettre en oeuvre une action publique volontariste.

Pour débattre ensemble de ces questions essentielles, je suis très heureuse d'accueillir nos quatre intervenants, que je remercie chaleureusement d'être aujourd'hui parmi nous. Nous allons commencer par entendre Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre, chroniqueuse éditorialiste, avec laquelle j'ai eu plaisir à travailler aux droits des femmes lorsque j'étais dans l'opposition.

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Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre, chroniqueuse éditorialiste

Merci de cette invitation qui me permet de retrouver ces lieux qui me sont chers. J'y ai en effet représenté pendant un quart de siècle la première circonscription du Maine-et-Loire et exercé diverses fonctions au banc du gouvernement. Je suis donc très heureuse de vous retrouver, ainsi que Mme Nicole Ameline avec laquelle j'ai mené des combats qui ont transcendé les clivages politiques.

Madame la présidente, les citations de sénateurs que vous venez de faire brillent par leur machisme grossier. Certes, elles renvoient à un temps un peu révolu, mais le combat des femmes pour l'égalité est plus que jamais d'actualité. En témoignent les pires initiatives recensées par Les Inrocks pour la Journées des droits des femmes : salons de soins de beauté, défilés de couture, discussions sur la mode et même un festival de pole dance… Ainsi, un certain nombre d'élus de toute tendance politique pensent que la Journée de la femme doit être magnifiée par ce genre de manifestations…

Dans son livre « Retourne à la maison ! », la journaliste Charlotte Rotman relate les anecdotes dont lui ont fait part des femmes politiques, dont moi-même. C'est ainsi que lors de mon entrée en politique, le président du conseil général – où j'étais nouvellement élue, parmi six nouveaux conseillers généraux –, a présenté les hommes sous l'angle de leurs engagements politiques, associatifs et professionnels, et, pour ce qui me concerne, il s'est contenté de dire : « Et Roselyne Bachelot, dont chacun connaît le charmant sourire »… Autre anecdote : quand je suis montée pour la première fois à la tribune de l'Assemblée nationale – j'étais l'oratrice du RPR sur le revenu minimum d'insertion (RMI) –, un député a lancé : « Tiens, c'est le concert des vagins ! ». Vous l'avez compris : j'ai connu le sexiste paternaliste, mais également le sexisme gras et vulgaire.

Après trente-quatre ans de carrière politique, j'aurais aimé que le combat pour les droits des femmes fût gagné. Malheureusement, tous les jours qui passent me prouvent qu'il n'en est rien, comme en témoignent les récents déboires de Myriam El Khomri. Que de commentaires n'a-t-on lus ou entendus ? Mme El Khomri serait « indisposée » suite à un « accident domestique », elle serait « inexpérimentée ». Et son erreur chez Bourdin à propos du nombre de renouvellements d'un CDD a suscité un florilège de critiques, alors que la bévue du Premier ministre dans une interview au Journal du Dimanche et l'erreur de M. Macron dans la matinale de France Inter n'ont pas entraîné le même procès en incompétence, ni le même mépris. Ainsi, je note que les femmes et les hommes ne sont toujours pas traités de la même façon.

Il ne s'agit pas de contester les progrès réalisés – vous avez eu raison de les rappeler, chère Catherine. À mon entrée dans cette Assemblée, on ne comptait que 5,7 % de femmes, et d'ailleurs certaines ne trouvaient pas cela inconfortable. Quand j'ai commencé à militer pour le féminisme à l'Assemblée, une collègue – et non des moindres – de mon groupe parlementaire m'a dit : « Tu es complètement folle, les caméras de télévision se porteront beaucoup plus volontiers sur nous si nous ne sommes pas très nombreuses »… Les femmes sont aujourd'hui 27 % à l'Assemblée, ce dont je m'en réjouis, et 25 % au Sénat, contre 17 % dix ans auparavant.

Vous avez eu raison également de parler de parité quantitative et de parité qualitative, madame la présidente. En effet, les femmes représentent 40 % des conseillers municipaux, 50 % des conseillères départementales et 48 % des conseillers régionaux, mais seules 9 % sont maires dans les communes de plus de 3 500 habitants, 8 % présidentes départementales et 7,7 % présidentes de région. Et pourtant, les femmes représentent 52,6 % du corps électoral.

Une phrase a guidé ma vie, c'est celle de mon amie Gisèle Halimi qui disait : « On ne mendie pas un juste droit, on se bat pour lui ». Ce combat est plus que jamais d'actualité. À cet égard, je voudrais insister sur trois points.

Premièrement, comme je m'en suis expliquée hier dans une interview au Parisien, j'estime que la démarche différentialiste – en réalité hérité de l'antiféminisme – est extrêmement dangereuse. Je suis très surprise de l'entendre défendue par certaines femmes qui croient défendre le féminisme en vantant les prétendues qualités des femmes, telles que la proximité ou le sens des réalités – j'ai connu des hommes dotés du sens des réalités et des femmes qui en étaient totalement dépourvues… Cette démarche présente le risque, d'une part, de cantonner les femmes dans des postes féminins ou sous-gradés, et, d'autre part, de les instrumentaliser, c'est-à-dire de véhiculer des idées nauséabondes en les faisant porter par des femmes au motif qu'elles susciteraient moins de méfiance.

Deuxièmement, alors que l'ensemble des pays occidentaux connaissent une montée de l'extrême droite et de la droite extrême, ce combat peut être mené par des femmes, et il est d'autant plus dangereux qu'il est mené par des femmes. Vous avez certainement entendu les déclarations de Mme Frauke Petry et de Mme Beatrix von Storch, respectivement présidente et vice-présidente de l'AFD, le parti anti-immigration allemand, selon lesquelles les forces de l'ordre devraient pouvoir tirer sur des réfugiés qui tenteraient d'entrer sur le sol allemand. Notons qu'en France, les deux stars du Front national sont maintenant deux femmes, Mme Marine Le Pen et Mme Marion Maréchal-Le Pen. Notons également la montée du vote féminin dans les droites extrêmes, phénomène extrêmement inquiétant. Jusqu'alors, les femmes répugnaient à voter Front national, mais cela n'est plus le cas : elles sont aujourd'hui 28 % à voter pour le FN, contre 10 % aux élections régionales en 2010. Toutes les élections montrent cette hausse : nous allons arriver à une égalité, voire à un dépassement du vote féminin dans les votes extrêmes.

À cet égard, je vous renvoie aux excellents travaux de la politologue Mariette Sineau sur la montée du Front national. Elle explique que la montée du vote féminin pour le parti d'extrême droite s'explique par différents facteurs : le discours islamophobe, qui a une résonance particulière chez un certain nombre de femmes qui se sentent, à tort ou à raison, menacées par les islamistes ; le discours sécuritaire, auquel certaines femmes sont également sensibles ; mais également le fait que la pauvreté touche massivement les familles monoparentales, donc en majorité des femmes, éloignées du marché de l'emploi, chez lesquelles les discours populistes des droites extrêmes trouvent également une résonance tout à fait particulière.

Je tiens à dire ici qu'on ne peut pas répondre à ces inquiétudes uniquement par un discours de stigmatisation ou de diabolisation. C'est à nous, les féministes, de prendre ces questions à bras-le-corps : nous avons un rôle citoyen, je dirai un rôle éthique, en la matière.

Troisièmement, le combat pour les droits des femmes ne peut être un combat marginal, latéral, car l'égalité entre les hommes et les femmes est un thème structurant de toutes les questions politiques. Par conséquent, il faut revenir aux racines du féminisme, à ce qui faisait sa force en Europe, ce qu'on a appelé le mainstreaming, c'est-à-dire un féminisme qui irrigue l'ensemble des thèmes politiques.

J'en viens aux mesures à prendre dans ce domaine. D'abord, je suis tout à fait favorable à une modification de l'article 1er de la Constitution, visant à remplacer le terme « favorise » par « garantit » l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Ensuite, nous verrons si l'alourdissement des pénalités financières – qui n'a pas été aussi important en raison du risque, soulevé par Mme Marie-Jo Zimmermann et par Mme Vallaud-Belkacen, de voir certains partis totalement privés de financement, ce qui aurait été dommageable pour le pluralisme politique – produira les effets escomptés en 2017. J'avoue avoir quelques doutes fondés sur un pessimisme nourri par l'expérience…

Enfin, comme je l'ai dit en 1995 lorsque j'étais à la tête de l'Observatoire sur la parité, je suis favorable à l'extension du scrutin binominal aux élections législatives. Selon moi, le scrutin proportionnel n'est pas un outil de promotion des femmes, et le scrutin binominal est d'ailleurs beaucoup plus adapté aux élections à l'Assemblée nationale qu'à tout autre scrutin. Il faudrait évidemment diviser par deux le nombre de circonscriptions et en profiter pour ramener le nombre de députés à celui de 1986. Ainsi, avec 240 circonscriptions – notre pays en comptait 103 à la Libération et ne s'en portait pas plus mal – et 480 députés, le scrutin binominal garantirait la parité dans cette Assemblée. (Applaudissements.)

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Je donne maintenant la parole à M. Sébastien Denaja, membre de la Délégation aux droits des femmes, ancien rapporteur du projet de loi pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes et, comme l'a titré récemment un journal local, « l'homme qui a épousé la cause des femmes ».

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Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui et de retrouver celles et ceux – en particulier Nicole Ameline et Sandrine Mazetier – qui ont mené avec moi le combat pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Je m'excuse par avance de devoir vous quitter avant la fin de cette table ronde, mais je souhaite rentrer chez moi pour coucher mes fils de deux ans et quatre ans. Vous le voyez, un député aussi peut vouloir concilier sa vie personnelle et sa vie professionnelle ! (Applaudissements). N'y voyez rien de glorieux : je ne serai pas en famille pour le dîner… D'ailleurs, en matière de répartition des tâches familiales, les pères amènent souvent les enfants à l'école, mais ne vont pas les rechercher, car il est plus contraignant d'aller récupérer ses enfants le soir et de devoir éventuellement interrompre une réunion professionnelle. Mais vous connaissez tout cela par coeur…

Au demeurant, si mes collègues femmes m'ont sollicité pour être le rapporteur de la commission des Lois sur le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, c'est parce que ce combat doit aussi être porté par les hommes : il s'agit d'un combat de toute la société, car faire progresser la cause des droits des femmes fait progresser celle des hommes qui eux-mêmes sont enfermés dans un certain nombre de stéréotypes.

À mon tour, je vais vous raconter des anecdotes dont j'ai été témoin depuis que je suis député. Je me trouvais aux côtés de Véronique Massonneau après minuit dans l'hémicycle lorsque celle-ci fut interrompue dans sa prise de parole par des caquètements provenant de l'un de nos collègues, au demeurant fortement éméché. Par ailleurs, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai repris certains de mes collègues qui s'acharnaient à vous appeler « Madame le président », lorsque vous présidiez la séance publique, chère Sandrine Mazetier. De la même manière, combien de fois ai-je entendu Mme la ministre des droits des femmes interpellée sous l'appellation masculine de sa fonction ? Il est regrettable que de tels incidents sexistes perdurent à l'Assemblée nationale en ce début de XXIe siècle.

Une dernière anecdote, si vous me le permettez. Hier, vous-même, chère Catherine Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes, Mme Maud Olivier, que tout le monde connaît ici pour avoir été rapporteure de la loi de lutte contre le système prostitutionnel, et moi-même revenions de l'Élysée où nous avions assisté à la cérémonie d'installation du nouveau Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), sous le haut patronage du Président de la République. Arrivés à l'entrée du 33, Quai d'Orsay, un huissier nous a ouvert la porte en s'adressant à moi ainsi : « Monsieur le député », puis « Qui sont ces dames ? » (Sourires.) Cette petite histoire nous a plutôt fait sourire : cet agent – qu'il faut, bien sûr, excuser car il est nouveau dans cette maison – n'a pas imaginé que les dames qui m'accompagnaient pouvaient elles-mêmes être députées, dont l'une l'est depuis 2007, ce qui n'est pas mon cas.

Enfin, en plus des anecdotes que vous avez racontées, madame Bachelot-Narquin, le livre de Charlotte Rotman en égrène beaucoup d'autres qui sont très révélatrices d'un sexisme ordinaire.

Voilà pour le diagnostic, certes, différent – et heureusement – de celui du début de la Ve République à l'Assemblée nationale, mais révélateur de la persistance de ces pratiques machistes.

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Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre, chroniqueuse éditorialiste

Je n'étais quand même pas là au début de la Ve République. (Rires.)

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Il aurait été tout à fait inélégant de ma part de suggérer cela ! (Sourires.)

J'en viens aux mesures visant à instaurer la parité.

D'abord, la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a apporté des éléments de réponse. Sans pécher par excès d'optimisme, je crois pouvoir dire que cette loi constitue un ferment de transformation puissant.

D'autres lois l'ont précédée, notamment la réforme des scrutins locaux qui instaure l'élection dans chaque canton d'un binôme homme-femme. Les conseils départementaux comptent désormais 50 % de femmes, contre 12,5 % dans les anciens conseils généraux, et nous sommes heureux de pouvoir dire que le féminin de « conseiller départemental » n'est plus « suppléante », mais « conseillère départementale ». De la même manière, lors des élections municipales de 2014, des listes paritaires ont été présentées dans les communes de plus de 1 000 habitants, au lieu de 3 500. Ces avancées pour la parité en politique sont à ajouter à celles réalisées quelques années auparavant pour les élections régionales.

Ensuite, les pénalités financières sont une piste à laquelle je crois. Lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, le groupe socialiste avait déposé un amendement portant à 200 % l'augmentation de la pénalité financière pour les partis politiques ne proposant pas 50 % de femmes aux élections législatives, mais vu le risque d'inconstitutionnalité, nous avons préféré être prudents en proposant une augmentation de 150 %. Pour un très grand parti qui se voit aujourd'hui amputer de 3,5 millions d'euros par an, l'effort serait ainsi porté à 7 millions d'euros. Nous pouvons donc espérer que tous les grands partis français proposeront des candidatures partiaires en 2017, même si malheureusement cela n'entraînera pas l'élection de 50 % de femmes.

Enfin, le dernier titre de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes constitue lui-même un puissant ferment de changement, en prévoyant la féminisation des sphères dirigeantes économiques, sociales et professionnelles – chambres de métiers, chambres d'agriculture, chambres de commerce et d'industrie (CCI), instances des fédérations sportives. Le modèle stéréotypé est sidérant : il y a ainsi des fédérations sportives qui comptent 95 % de femmes licenciées, mais sont présidées par des hommes, et il n'est pas venu le temps où une femme présidera la FIFA…

Hier, j'ai été frappé d'entendre Mme Danielle Bousquet, présidente du HCEfh, dire que la question n'est plus de savoir si les femmes accèdent aux responsabilités, mais qu'elle est de savoir si les femmes exercent le pouvoir. Car si les femmes sont désormais 50 % dans les conseils départementaux, très peu sont présidentes à cause de la théorie essentialiste qui fait des ravages dans l'attribution des compétences – les femmes se voient systématiquement attribuer la petite enfance, la jeunesse et le social, les hommes conservant les finances, les routes ou les transports. Je connais même une ministre en poste actuellement à qui une personnalité de son parti politique lui avait dit il y a quelques années : « Nous avons pensé à toi comme ministre de la famille parce que tu as quatre enfants »…

En conclusion, il nous faudra beaucoup d'énergie et de constance dans le combat, car désormais la loi ne pourra plus rien – il sera difficile d'aller au-delà du degré de raffinement atteint dans la loi. La lutte pour la place des femmes en politique est donc un combat de toute la société, comme je le disais, et c'est à cela que servent des tables rondes comme celle-ci ; je vous remercie de l'avoir organisée, madame la présidente. (Applaudissements.)

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Les stéréotypes sont également le fait de femmes qui choisissent certains domaines pensant qu'elles y réussiront mieux.

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Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre, chroniqueuse éditorialiste

Mme de Staël disait : « On a desserré le collier du servage, mais nous en portons la marque autour du cou ».

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Anne le Gall

Je partage entièrement le point de vue de Mme Bachelot-Narquin, en particulier sur la montée du vote Front national et le vote des femmes pour le parti d'extrême droite. Le danger est là ! Marion Maréchal-Le Pen propose de couper les subventions au Planning familial, aura-t-elle bientôt dans son viseur l'interruption volontaire de grossesse ?

Il faut arrêter de parler de progrès des droits des femmes, car les femmes n'ont toujours pas les mêmes droits que les hommes ! Alors plutôt que d'instaurer des pénalités financières ou autres dispositifs, ce qu'il faut, c'est instituer des assemblées élues comportant autant de femmes que d'hommes ! La démocratie est au coeur de la possibilité pour les femmes d'échapper à ce que Françoise Héritier appelait la « valence différentielle des sexes », c'est-à-dire la domination masculine ou la hiérarchie des sexes, qui existait dès les débuts de l'Humanité. Tant que notre société manquera de conviction, les droits des femmes ne seront ni établis ni respectés !

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La parité à l'Assemblée est une nécessité. La question est de savoir comment y arriver ? Une seule solution : la voter !

Pour faire partie des « Fameuses », un réseau de femmes dirigeantes, élues, expertes, championnes, artistes… dans l'Ouest, je sais à quel point les femmes hésitent à s'engager – j'ai eu moi-même beaucoup de mal à trouver des femmes pour constituer ma liste aux élections municipales. Comment encourager les femmes à s'investir dans la vie politique, et pas seulement celles qui ont un parcours brillant ou qui sont bardées de diplômes ? Car, on le voit, donner des droits aux femmes ne suffit pas.

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Certes, nous peinons à faire avancer le débat sur la parité à l'Assemblée. Mais la solution est technique : c'est soit un scrutin proportionnel, soit un scrutin binominal.

Le vote Front national s'explique, pour partie, par la désespérance sociale, l'inquiétude, le sentiment de déclassement. Or si les femmes votent de plus en plus pour des listes d'extrême droite, c'est parce qu'elles font partie des citoyens les plus précaires, les plus fragilisés, si bien qu'elles expriment plus que d'autres un vote d'exaspération, de colère, de rejet. Dans ma région, le Languedoc-Roussillon, où le chômage atteint des records dans la zone Agde-Pézenas, certaines communes ont voté à 50 % en faveur du FN aux dernières élections. Je ne dispose pas d'éléments statistiques pour dire si le vote féminin y a été majoritaire, mais au vu de ces résultats, la question qui se pose est celle de la pauvreté des femmes en France, ce qui renvoie à plusieurs problématiques : égalité salariale, égalité professionnelle, congés parentaux, garantie des pensions alimentaires. Les droits des femmes sont d'abord un combat social, avant d'être un combat sociétal.

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Étant ancien suppléant d'une députée nommée secrétaire d'État qui a pris le luxe d'un congé de maternité de six semaines, je suis très heureux de participer à ce colloque. Je note d'ailleurs que, dans les assemblées d'Europe du Nord, les suppléants de députées en congé de maternité entrent en fonction.

Le combat de la langue – la féminisation des noms de métiers, fonctions et grades – n'est pas terminé, il se joue aussi dans la grammaire. Il relève aussi de décisions politiques.

À l'heure de la crise de la représentation politique, la problématique de l'accès des femmes en politique s'ajoute à celle de la démocratie participative – thématique portée par une candidate qualifiée au second tour de l'élection présidentielle. Comment renouveler la vie politique sans tomber dans le piège essentialiste ?

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Certes, le pourcentage de femmes à l'Assemblée nationale a augmenté, mais elles ne sont toujours que 27 %, étant le plus souvent investies sur des circonscriptions non gagnables. Après l'alourdissement des pénalités financières, il sera difficile d'aller plus loin. Or si demain une femme ne se représente pas, faudra-t-il décider que la circonscription reste réservée à une femme ? Je suis députée de Loire-Atlantique depuis 1997, mais il serait légitime aussi d'alterner dans ma circonscription avec un homme – et inversement dans d'autres circonscriptions. Par conséquent, la solution réside dans le scrutin binominal aux élections législatives, faute de quoi on n'atteindra pas la parité réelle à l'Assemblée.

J'ajoute que, en deux cents ans, seules trois femmes ont été questeures de l'Assemblée nationale. Il faudrait qu'à chaque législature, au moins une femme soit nommée à cette fonction.

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Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre, chroniqueuse éditorialiste

J'aime à redire la phrase de mon amie Gisèle Halimi : « On ne mendie pas un juste droit, on se bat pour lui ». L'égalité est un principe fondamental, notre République est paritaire. Le temps est venu de mettre en place des solutions d'airain, à commencer par le scrutin binominal. Je suis tout à fait opposée au scrutin proportionnel, qui permet aux partis d'avoir la main sur les investitures. La désaffection de nos concitoyens envers la politique s'explique en partie par l'existence de castes qui se reproduisent de façon endogamique – par expérience, je peux vous dire que le scrutin proportionnel permet de caser les copains, autrement dit de constituer des castes politiques d'affidés et de collaborateurs parlementaires. Grâce au scrutin binominal, des candidatures de terrain peuvent venir casser certains présupposés des partis – on a vu des gens sans investiture être élus grâce à ce mode de scrutin.

Monsieur Premat, vous avez raison de vous battre pour la féminisation des titres. Il y a de cela vingt-cinq ans, une femme brillante à la tête de la direction des transports terrestres du ministère de l'équipement que j'avais appelée « Mme la directrice » m'avait rétorqué : « Madame, quand on sort de l'ENA, on est un directeur, quand on sort d'un IUFM, on est une directrice »… Je renvoie à cette déclaration ceux qui n'ont pas compris l'importance de la féminisation des titres...

Jusqu'ici, les hommes et les femmes ont eu une conception différente du pouvoir. Pour les hommes, comme le disait Chirac, « un chef, c'est fait pour cheffer ». Quant aux femmes, elles ont pu accéder au pouvoir en étant continuellement obligées de se relégitimer auprès du groupe qui leur avait donné ce pouvoir. Autrement dit, elles n'ont cessé de rechercher le consensus, s'inscrivant finalement dans une démarche de démocratie participative. Or tous les managers modernes sont dans cette démarche de relégitimation auprès du groupe qui les a élus. Ainsi, la façon dont les femmes ont géré le pouvoir – une démarche latérale d'entrée dans le pouvoir – est tout à fait moderne. Cette voie ouverte par les femmes permet de réconcilier démocratie participative et démocratie élective. (Applaudissements.)

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Je m'associe totalement aux propos de Mme Clergeau sur les circonscriptions électorales. Lorsqu'une femme s'en va après trois mandats, ce qui sera mon cas, il n'est pas inenvisageable qu'un homme se présente ; en revanche, il faudra qu'une autre circonscription se libère pour une femme. Sur cette question, on ne peut pas rester au milieu du gué.

Dans le cadre du Parlement des enfants, je me suis rendue cette semaine dans une école située à la campagne. Lorsque les enfants m'ont interrogée sur la faible représentation des femmes à l'Assemblée, je leur ai répondu : « À votre avis, pourquoi y a-t-il si peu de femmes élues ? » Les garçons ont alors déclaré : « Parce que les filles doivent rester à la maison pour s'occuper des enfants, le métier de député est difficile, les filles ne savent peut-être pas assez réfléchir »… Et les filles de dire : « Ce n'est pas facile d'être députée, les filles ne sont pas comme les garçons »… Je vous avoue que je ne m'attendais pas du tout à cela, j'ai même eu l'impression d'un recul en matière d'égalité filles-garçons. C'est dire si l'Éducation nationale a un rôle crucial dans la lutte contre les stéréotypes sexués.

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Je salue tout d'abord l'organisation de ce colloque par la Délégation aux droits des femmes. Lors d'un échange avec une classe de troisième, les garçons, en m'interrogeant sur mon rôle, se sont obligés à poser des questions machistes, mais se sont également rendu compte du ridicule de leurs questions car ils ricanaient en les lisant… C'est dire si l'égalité filles-garçons est au coeur des missions de l'École de la République.

Quand j'ai été élue maire dans une commune rurale, j'ai voulu des délégations non sexuées, en attribuant l'urbanisme à une femme, ce à quoi on m'a dit : « Tu vas le payer cher ». Et effectivement, une fois les élections perdues, cette femme a été persécutée pendant six ans par une partie de la population qui lui a fait un procès permanent d'incompétence. Tout cela pour dire qu'il y a des moments où il faut prendre le risque de perdre pour faire avancer les droits : nous avons pris ce risque, je ne le regrette pas – j'ai tout fait pour soutenir ma collègue qui en a été affectée.

Enfin, en commission des Finances à l'Assemblée, nous sommes neuf femmes sur soixante-douze députés, ce qui est proprement inadmissible. Il est très difficile pour nous d'y prendre la parole par rapport aux autres commissions où les choses sont très simples. Les groupes politiques devraient avoir la volonté commune d'assurer la parité dans cette commission.

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Agnès Cerighelli

Je suis présidente d'une association de femmes d'entreprise et conseillère municipale. Comme maire adjointe en charge des ressources humaines d'une ville de 43 000 habitants, mon indemnité était de 1 200 euros par mois pour gérer 750 agents municipaux et un budget de 30 millions d'euros. J'ai trouvé cela très lourd et insuffisamment reconnu : c'était quasiment un travail à temps plein, inconciliable avec un emploi salarié. J'ai aussi découvert un management très conservateur, étant quasiment la seule adjointe à m'exprimer, ce qui étonnait d'ailleurs le maire, parmi douze adjoints tous issus de professions libérales ou du secteur privé, qui avaient pour partie choisis en fonction de la liberté de leur agenda.

Vous l'avez compris : si les femmes s'engagent peu dans des mandats locaux, c'est parce que le statut de l'élu n'est pas suffisamment encadré et sécurisé. Un mandat est très chronophage – il faut y consacrer des week-ends entiers, organiser des élections, des mariages, des réunions du soir, etc. –, ce qui n'incite pas les femmes à s'engager. Pourquoi ne pas s'inspirer de l'Allemagne, où un maire de ville moyenne est entouré de trois ou quatre adjoints rémunérés entre 3 000 et 4 000 euros et qui ont l'obligation d'abandonner leur activité professionnelle pour se consacrer totalement à leur mandat en gérant eux-mêmes les services municipaux ?

En définitive, il faudrait moins d'élus en France et des mandats mieux reconnus, et mieux indemnisés, pour encourager les femmes à s'engager dans des mandats locaux.

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La démocratie a un coût. Il faut savoir payer ses élus, mais tant que la France comptera 36 000 communes et 600 000 élus, le statut de l'élu n'avancera pas. Se pose également le problème des allers et retours entre la vie politique et la vie professionnelle.

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Agnès Cerighelli

Les intercommunalités pourraient servir à fusionner les toutes petites communes, par exemple.

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Les femmes sont de plus en plus nombreuses à tenir la responsabilité de premier édile dans les petites communes, mais 93 % des présidents d'intercommunalité sont des hommes.

Je suis d'accord sur la nécessité de diminuer le nombre de circonscriptions et d'instaurer le scrutin binominal aux législatives. Mais il faudrait également diminuer le nombre de mandats, car la loi sur le cumul des mandats ne va pas assez loin – certains députés le sont depuis 1978 !

Enfin, ma circonscription de Villeurbanne est réservée aux femmes. Je vais m'arrêter après deux mandats, et c'est une femme qui va se présenter à ma place.

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Je donne maintenant la parole à Mme Nicole Ameline, députée, membre et ancienne présidente du Comité pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes des Nations (CEDAW). Chère collègue, nous aimerions aussi vous entendre notamment sur la situation à l'étranger.

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Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui.

La question des droits des femmes est plus que jamais essentielle, et l'accès à la décision est probablement un sujet transversal dans le monde. En effet, on assiste à deux phénomènes contradictoires. Dans un monde à construire, à inventer, on peut se demander où sont les femmes sur des sujets aussi importants que la société numérique, l'intelligence artificielle, les sociétés post-conflit, la lutte contre l'extrémisme. Ce point est très important, car ce monde nouveau doit se définir avec les femmes, ce qui n'a jamais été le cas – le monde s'est construit par et pour les hommes et les systèmes de gouvernance demeurent masculins.

Dans le même temps, on assiste à un affaiblissement du droit international et à une stagnation de la place des femmes dans les instances politiques – la place des femmes dans les parlements mondiaux se situe aux alentours de 26 % et même la Suède, en haut du classement en matière de représentation des femmes, a reculé aux deux dernières élections.

Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui pensent que le combat pour les droits des femmes était une parenthèse de l'histoire et qu'il faut à présent mettre en oeuvre les cadres législatifs existants. Mais faut-il inventer autre chose ?

Pour ma part, je suis tout à fait favorable à l'idée d'être extrêmement proactifs sur la question des scrutins et de la composition des listes électorales. On a même pensé dans certains pays accompagner des formules très innovantes, et qui vont très loin, comme la recevabilité des listes sous réserve qu'elles soient paritaires. Mais il est vrai qu'un certain nombre de pays réfléchissent aux « mesures temporaires spéciales » envisagées dans la convention CEDAW pour éliminer les formes de discriminations à l'égard des femmes. Ainsi, l'accès des femmes, notamment dans les parlements, est essentiel.

La loi reste l'élément de base. On pourrait penser que l'ère du temps – la pression intellectuelle, la pression des médias – est suffisante. Or il n'en est rien. Dans tous les pays où l'égalité avance, c'est grâce à l'autorité de la loi. Ma proposition en 1996 de quotas de femmes à hauteur de 30 % avait été très mal accueillie, mais nous avons eu raison de nous orienter vers ce choix.

Mme Michelle Bachelet m'a dit récemment : « Si je n'avais pas été ministre de la défense, je ne serais jamais devenue présidente du Chili ». Concernant les responsabilités que j'exerce à l'ONU et à l'OTAN, je remarque que l'OTAN a souvent plus d'impact que l'ONU, preuve que des stéréotypes extraordinairement violents sont à l'oeuvre. Le pouvoir se conquiert, et nous devons faire en sorte que les femmes se sentent légitimes partout. Il est scandaleux de rester dans un schéma en deçà des droits des femmes – en deçà du « droit d'avoir des droits », selon la formule d'Hannah Arendt.

Nous, Français et Européens, avons trois devoirs.

D'abord, un devoir d'exemplarité sur l'activisme politique en faveur des droits des femmes. Dans un monde où les droits des femmes ne sont pas une priorité dans certains pays – Brunei Darussalam vient de rétablir la lapidation –, la France et l'Europe doivent être en première ligne. Ensuite, un devoir de responsabilité sur la qualité et l'efficacité de nos process, d'où mon soutien à l'égalité « réelle ». Il faut combler l'écart qui existe actuellement entre l'égalité consacrée et l'égalité réelle, ce qui exige d'être créatifs, inventifs.

Enfin, nous avons un devoir de solidarité. Alors que les droits des femmes sont le curseur des démocraties, mais également la cible des terroristes partout dans le monde, les femmes doivent se montrer de plus en plus combattantes. Nous, Européens, légiférons non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour le monde. Moins nous sommes concernés par les principes universels, plus nous nous affaiblissons dans notre façon de penser le monde et de nous exprimer. Comment encourager un pays à faire mieux en matière de parité politique si nos parlements stagnent à 26 % de femmes ?

En définitive, nous devons relever le défi de l'autorité, le défi de la légitimité dans le monde. Porter la voix de la France dans le monde, comme je peux le faire, reste une grande fierté, mais aussi un pouvoir. Veillons cependant à ne pas accréditer l'idée que la France et l'Europe sont très en avance, car cette avance se réduit – il n'y a pas de progrès inéluctable, ni dans la vie, ni dans le monde. Après huit années passées au Comité des droits des femmes de l'ONU, je suis convaincue que la liberté des femmes précède l'égalité hommes-femmes.

C'est ce que l'on appelle l'empowerment ou les principes d'autonomisation. C'est l'idée d'être libre dans sa tête et légitime partout, de ne pas avoir à s'excuser d'être là. C'est également la possibilité d'être ce que l'on est, ce que l'on veut, et de se sentir libéré de la pression sociale. Les stéréotypes sont une injonction sociale, or dans les écoles de ma circonscription, j'observe que l'injonction sociale résiste à la volonté politique. Je pense en cet instant à cette jeune fille de quinze ans qui s'est jetée hier sous un train parce qu'elle ne supportait pas qu'une photo d'elle circule de téléphone portable en téléphone portable, elle était probablement amoureuse et n'a pas osé dire « non ». Il faut que les filles apprennent à dire non, à être à la place qui est la leur, sans réserve, sans intimidation. Tout reste à faire d'une certaine façon, mais faute d'aller beaucoup plus loin sur ces sujets, la France risque de faire perdre espoir, non seulement aux Françaises, mais aussi aux femmes dans le monde. (Applaudissements.)

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On aimerait que l'Europe parle d'une seule voix sur les droits des femmes. Malheureusement, un certain nombre de pays – Malte, la Pologne, l'Irlande, voire l'Espagne et le Portugal – remettent en cause les droits sexuels et reproductifs.

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J'ai cinquante-sept ans et suis nouvellement arrivée en politique avec plein d'envies et d'espoirs. J'ai une expérience professionnelle et un engagement syndical antérieurs. Je suis arrivée à l'Assemblée nationale avec l'espérance d'une même parole pour les hommes et les femmes. Et j'ai reçu cet accueil surprenant dans l'hémicycle. Quelle n'a pas été ma surprise en entendant des caquètements dans l'hémicycle alors que je défendais un amendement sur la loi relative aux retraites. J'ai été tellement surprise que je n'ai pas eu de réaction immédiate, j'étais dans la stupéfaction. Heureusement, la réaction du président de séance, M. Claude Bartolone a été immédiate : interruption de la séance, réunion de la conférence des présidents puis pénalisation financière du député en cause. J'ai reçu le soutien de nombre de députés dont beaucoup d'hommes qui étaient aussi très surpris.

Cet incident a donné une image négative de la représentation nationale et m'a rendue célèbre alors que par ailleurs j'avais travaillé sur beaucoup de sujets. Résultat : j'ai fait tous les plateaux et défendu l'égalité et le respect.

Je viens du secteur privé et je connais les difficultés pour une femme de devenir adjointe au maire. Pour satisfaire aux obligations de parité, on est venu me proposer cette fonction avec au choix les espaces verts, parce que je suis écologiste, et la vie scolaire, parce que je suis une femme ! Les femmes sont trop rarement dans les fonctions régaliennes.

J'ai éprouvé des difficultés pour exercer toutes ces fonctions et dû prendre des jours de congé pour exercer mon rôle d'adjointe. Le parti politique auquel j'appartiens a mis la parité en interne dans le parti et dans les élections, y compris pour les têtes de liste. Nous avons trois femmes à la tête d'une région et six dans les départements. Ma circonscription est réservée aux femmes, la parité est vécue dans tous les domaines chez les verts.

Quelques exemples des difficultés rencontrées : j'étais invitée sur Europe 1 pour un débat avec les auditeurs sur la parité et j'ai entendu des choses incroyables à tel point que je me suis demandé si les auditeurs n'avaient pas été sélectionnés. On remettait en cause ma compétence, comme femme j'étais dépourvue d'autorité et n'étais pas à ma place, il ne fallait pas féminiser les fonctions électives. À la fin, je me suis énervée pour faire valoir mes droits, ce qui n'était sans doute pas une bonne réaction.

Je me suis rendue dans des collèges et des écoles où seuls les garçons s'exprimaient, j'ai eu l'impression d'une certaine régression. Peut-être les femmes plus jeunes n'ont-elles pas la même hargne que les précédentes ? Moi, j'étais dans un terreau favorable. Notre combat doit être quotidien, travaillons pour le scrutin binominal pour les prochaines législatives, votons des lois pour la parité !

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Dans ma mairie, je cherche un directeur de crèche et je n'en trouve pas. À l'inverse, pour la voirie j'ai une femme très compétente et qui a du caractère. De nos débats aujourd'hui, je retiens en particulier que c'est la liberté qui fait l'égalité.

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Je vous remercie tout d'abord, Mme la Présidente, pour cette belle initiative. Je suis élue dans le Finistère, où il y a la parité depuis un certain temps, avec quatre circonscriptions réservées aux hommes et quatre autres réservées aux femmes, et cela a été voté par les militants.

Sur le plan international, je suis membre d'un réseau de femmes des pays francophones, qui s'intéresse aux droits des femmes, et je suis allée récemment à Tanger. Dans ce cadre, un travail comparatif est mené sur les codes de la famille dans les pays francophones. C'est vrai qu'il y a parfois plus de femmes dans les assemblées parlementaires africaines que chez nous, par exemple en Angola où elles sont 36 %. Mais, comme ces femmes le soulignaient, si c'est bien de voter des lois et s'il est positif que des femmes soient représentées au Parlement, il faut toujours prendre la mesure de l'écart avec la réalité. Ainsi en France, nous avons beaucoup de lois sur l'égalité entre les femmes et les hommes mais les écarts salariaux persistent. Il est donc important de veiller au contrôle des lois et de mener des actions en aval.

Par exemple, si les femmes sont assez présentes au Parlement dans des pays africains, si l'on regarde le code de la famille, elles n'héritent pas de la même façon, les droits à la terre diffèrent, etc. En définitive, même si elles sont représentées au Parlement, elles n'ont pas réellement accès à la liberté qu'évoquait notre collègue Nicole Ameline. Il faut faire progresser les droits effectifs dans la vie réelle, au quotidien.

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Pour développer le rôle des femmes au niveau international, je pense qu'il est possible d'explorer trois pistes.

Tout d'abord, il faut créer au sein des Parlements nationaux des mécanismes de suivi de l'application des conventions internationales, concernant non seulement l'adoption de lois mais aussi leur mise en oeuvre et des normes dérivées – avec donc en quelque sorte une obligation de résultats.

Deuxièmement, il faut conduire une réflexion sur l'aide publique au développement, en faisant en sorte que la gouvernance tienne compte davantage du rôle des femmes. Aujourd'hui, l'Agence française de développement (AFD) progresse, mais il faut aller plus loin dans ce domaine.

Enfin, il faut que, nous-mêmes, nous parvenions à donner l'exemple et que la nature des responsabilités qu'elles exercent puisse aussi conduire à une vraie transformation sociale. Aux Nations Unies, nous allons d'ailleurs expertiser l'évolution des mécanismes dans les parlements nationaux et dans les gouvernements qui permettent de donner du contenu effectif à la présence des femmes, car c'est un paradoxe, mais le fait d'avoir un nombre de femmes important n'est pas forcément garant du résultat.

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Nous avons reçu récemment des femmes de certains pays africains, notamment le Rwanda, et elles ont indiqué qu'elles éprouvaient les plus grandes difficultés pour faire adopter un texte concernant les droits sexuels et reproductifs. La représentation des femmes en politique est importante mais elle doit aller de pair avec leur autonomisation.

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Cela part peut-être d'un bon sentiment mais, au niveau international, on dit souvent aux femmes que, pour s'autonomiser, elles doivent devenir des autoentrepreneurs. Mais je ne vois pas pourquoi elles devraient nécessairement créer leur entreprise, avec du micro-crédit, pour s'autonomiser : les femmes ont le droit de vouloir travailler dans une entreprise et d'y trouver leur place comme tout le monde.

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Muriel Reus

Pour ma part, j'ai fait une carrière dans le secteur privé, en exerçant des postes à responsabilités, et j'ai eu la chance de ne pas avoir à prouver quelque chose dans mes activités et de diriger des entreprises. Il y a quelques années, j'ai monté un cabinet d'accompagnement des femmes au leadership et au management. J'ai été très sensible à ce qui a été dit ici concernant les réactions des filles dans les écoles. Il faut que le système éducatif intègre les notions de confiance et de leadership, importantes au regard des responsabilités que les femmes doivent exercer. Enfin, je salue les propos qui ont été tenus concernant la confiance et la liberté que les femmes doivent ressentir pour s'épanouir pleinement dans leur vie professionnelle et personnelle.

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Quand la ministre Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors chargée des droits des femmes, avait lancé les « ABCD de l'égalité » à l'école, on a pu observer des réactions épidermiques sur la notion de « genre ». Ce terme, couramment utilisé au niveau international, renvoie simplement à l'existence de stéréotypes et à la construction sociale des rôles. Il n'y a pas de « théorie du genre ». Et en l'occurrence, il ne s'agissait pas, comme cela m'a été dit une fois, de demander à des petits garçons de choisir s'ils voulaient devenir fille ou garçon ! Il y a eu des réactions excessives et d'un autre temps et, dans le cadre des débats sur le mariage pour tous, on a pu constater aussi, concernant la famille et le rôle des femmes, la persistance de représentations stéréotypées et en fait essentialistes ou génétiques, mais il n'y a pas de gène féminin du ménage ! Je me range du côté des propos qui ont toujours été tenus par Mme Catherine Vidal sur ce point : nous sommes tous différents et tous égaux.

Enfin, s'il y a des interrogations sur des reculs concernant les jeunes générations, ce sont nos enfants et nos petits-enfants : au-delà de l'école, qui ne va pas tout régler non plus, les parents, et notamment les mères, doivent veiller à ne pas reproduire des stéréotypes sexués en matière d'éducation.

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Isabelle Perdereau

Je suis conseillère régionale, maire-adjointe à Brétigny chargée du handicap et du personnel. Fille d'agriculteurs, je suis élue dans un territoire pour moitié rural, et j'ai pu constater la persistance de stéréotypes concernant l'engagement politique des femmes, et d'ailleurs bien souvent ce sont les femmes qui vous disent : « Pourquoi t'engages-tu en politique ? Ce n'est pas forcément ta place »... Il y a un travail à faire, notamment au niveau de la ruralité. Par ailleurs, je suis vice-présidente du centre Hubertine Auclert, qui oeuvre à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.

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Le centre Hubertine Auclert fait d'ailleurs un excellent travail. La Délégation aux droits des femmes l'a auditionné à deux reprises.

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Isabelle Perdereau

Je m'interroge en particulier sur les deux points suivants sujets. D'une part, dans les lycées, à un âge où les jeunes manquent un peu d'éducation civique et vont aller voter, il faut qu'ils prennent conscience de leurs responsabilités et il y aurait un travail à faire avec les jeunes filles pour les engager dans la vie civique et voir l'impact qu'elles auront dans leur engagement.

Par ailleurs, je me demande s'il ne faudrait pas limiter les élus à un seul exécutif. Aujourd'hui, si on veut vraiment faire son travail correctement dans un exécutif, que ce soit une mairie ou une région par exemple, cela demande beaucoup de temps. Et si on exerce plusieurs responsabilités au sein d'exécutifs locaux, on est nécessairement obligés de survoler un peu les dossiers.

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Nous avons cependant voté le non cumul des mandats pour 2017. Nous avons d'ailleurs rencontré des freins importants, et nos concitoyens sont parfois ambivalents sur ce point : s'ils sont plutôt contre le principe du cumul, cela ne les empêche d'élire et de réélire des cumulards…

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Il faut réfléchir à la formation des enseignants, car ils peuvent véhiculer des stéréotypes de façon inconsciente, au collège par exemple, mais la question se pose aussi dès le plus jeune âge, y compris en crèche. Un travail de fond doit être mené de façon à ce que le corps enseignant soit porteur de cette égalité.

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Je salue la présence parmi nous de Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des Affaires économiques, et c'est d'ailleurs la première fois qu'une femme exerce ces responsabilités.

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Yasmine Sardi

Je suis étudiante en master de ressources humaines en alternance dans une banque et membre d'une association de femmes cadres. Nous rencontrons le même type de problématiques pour l'accès des femmes cadres à des postes de dirigeants. Je rejoins tout ce qui a été dit sur les filles et la formation : par exemple, dans une classe de trente personnes en ressources humaines, personne ne va vouloir faire de la politique, et pour les filles c'est encore pire. D'ailleurs, dans mon entourage, personne ne comprend vraiment mon choix.

Être une femme en politique, c'est d'une certaine manière un handicap, mais être jeune n'en est-t-il pas un aussi ? Dès lors, au-delà d'une parité entre les femmes et les hommes, faut-il envisager une parité générationnelle ?

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Est-ce votre sentiment qu'être jeune est un handicap, ou bien une interrogation ?

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Yasmine Sardi

Du moins, en tant que jeunes, nous ne sommes pas toujours entendus.

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Pour revenir sur la question de la formation des enseignants, il n'est naturellement pas question ici de mettre en cause le système éducatif dans son ensemble. Dans le cas que j'évoquais tout à l'heure, une inspectrice qui était présente dans la classe est venue me voir à la fin pour me dire qu'elle ne se rendait pas compte jusqu'alors à quel point il était nécessaire de repenser la question de l'égalité auprès des enfants et d'y veiller. Ce type de manifestations avec des personnalités extérieures peut ainsi être l'occasion d'une prise en conscience.

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Concernant la question posée par notre collègue Pascale Crozon, je précise que les étudiants ont désormais une formation sur l'égalité dans les écoles supérieures de professorat et d'éducation (ESPE). Par ailleurs, des documents, accessibles sur le site internet du ministère, ont été préparés dans le cadre d'Educsol pour aider les enseignants à travailler sur ces questions.

Cela étant, comme nous l'avons constaté dans un rapport récent sur les violences faites aux femmes concernant notamment les magistrats et les policiers, au-delà des efforts effectués dans le cadre de la formation initiale, se pose aussi la question des personnels déjà en poste et donc de la formation continue, qui n'a pas atteint tout le monde. Les choses avancent dans ce domaine, mais la formation reste sans doute encore insuffisante.

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Concernant le non cumul des mandats, pour le parti auquel j'appartenais, il nous est toujours apparu comme une possibilité de renouvellement politique, mais tout le monde ne le met pas en place. D'autre part, des dispositions ont été adoptées en la matière, mais elles visent uniquement à proscrire le cumul d'un mandat parlementaire avec celui de responsable d'un exécutif local. Je connais par exemple un maire qui est également conseiller départemental, président de la communauté d'agglomération et siège dans de nombreux syndicats. Et si, de fait, peu de femmes peuvent s'investir, et c'est encore plus vrai concernant les jeunes femmes, cela tient, plus généralement, à la question du renouvellement politique.

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Madame, vous avez raison de dire que tous les âges, catégories sociales, etc., doivent être représentés. Cela étant, si je suis contre le cumul des mandats, je dois dire que l'exercice de mon mandat de députée a pu se nourrir de mon expérience antérieure d'élue locale. En effet, j'ai été notamment chargée des transports et c'est un domaine dans lequel les femmes sont souvent peu représentées, alors que les clients sont majoritairement des femmes. Je me suis battue pour promouvoir leur place dans ce domaine qui n'est pas technique, au sens où il n'y a pas besoin de savoir réparer un bus, comme on me l'a dit un jour ! En revanche, il est important d'être attentif à l'organisation des transports, à leur régularité et à leur fréquence, au choix des lignes et aux attentes des usagères et des usagers.

Se pose aussi une difficulté concernant les jeunes : si vous entrez en politique à l'âge de vingt-sept ou trente ans, et si vous faites deux mandats, à quarante ans, sans expérience professionnelle établie, que faites-vous ? Nous en revenons à la question du statut de l'élu. Il est difficile de passer d'un monde à l'autre – certains pays font sans doute mieux que nous dans ce domaine – et l'on risque ainsi de produire des professionnels de la politique.

Il serait intéressant d'échanger avec les jeunes femmes de formation et pourquoi elles portent un la politique a un respect aussi négatif ou rébarbatif. C'est un peu dramatique, car c'est un engagement formidable, au service du bien commun. Sans orgueil, j'ai la conscience d'être la représentation nationale, d'oeuvre pour l'ensemble de la Nation, et particulièrement lorsque je me bats pour les droits des femmes, nous avons le sentiment de travailler pour l'ensemble de la société. Ce n'est pas simple, bien sûr, mais c'est un engagement passionnant et enrichissant.

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Pour aller dans le sens de Véronique Massonneau, la loi sur le non cumul est d'une certaine manière en verticalité, dans la mesure où ce sont les parlementaires qui ne pourront plus exercer simultanément des fonctions exécutives locales. Cependant, nous avons laissé inchangé le dispositif actuel concernant par exemple des présidents de conseil général, qui sont aussi maires de grandes villes, présidents d'intercommunalité, etc. Cela pose un certain nombre de problèmes car si l'on veut accroître la place des femmes en politique, cela commence par-là, autrement dit par le bas. En effet, en politique c'est une forme de chemin initiatique : de conseillère municipale, on peut évoluer progressivement et exercer d'autres responsabilités. Il reste donc des défis à relever en matière de non cumul des mandats.

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Merci à vous tous et toutes, pour vos interventions et vos réflexions. Le féminisme est toujours bien vivant, nous n'avons pas épuisé les sujets, ni les combats, et si nos droits ne sont pas totalement acquis, il faut aussi mesurer les progrès intervenus.

Nous devons nous battre pour la féminisation des titres, car lorsque l'on ne nomme pas, on rend les femmes invisibles. Cela semble secondaire pour certains, mais lorsqu'on pense que le genre masculin remplace le féminin, on « invisibilise » les femmes et les responsabilités qu'elles peuvent avoir. Des actions doivent également être menées en milieu scolaire et pour lutter contre les stéréotypes.

Je suis heureuse que nos débats sur la place des femmes en politique se soient aussi inscrits dans une perspective internationale, à travers la présence de notre collègue Nicole Ameline. C'est un sujet important. La Délégation aux droits des femmes a d'ailleurs organisé, en décembre 2015, un colloque sur les femmes et le climat, puisqu'elles en sont les premières victimes, mais aussi des actrices de la lutte contre le dérèglement climatique, et comme nous l'avait alors dit une intervenante tchadienne, la planète sera sauvée par des femmes ! Et je reprends ces mots pour conclure aujourd'hui nos débats. Lorsque nous évoquons les lois de parité, certains collègues masculins nous disent qu'à un moment il faudra faire des lois pour eux, et je redis que, précisément, les lois de parité sont valables pour tout le monde. Les femmes ne cherchent pas à prendre tout le pouvoir, mais d'être au pouvoir, au même titre comme les hommes, pour une société dans laquelle les uns et les autres ont une place égale. Je vous remercie. (Applaudissements).

La séance est levée à 19 heures.