La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, président de l'Autorité de contrôle prudentiel, et Mme Danièle Nouy, secrétaire générale de l'Autorité de contrôle prudentiel, sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (n° 566).
Je salue la présence Mme Moutymbo Ayayi, présidente de la Commission des Finances et du budget de l'Assemblée nationale du Cameroun, de M. Koa, rapporteur général, et de M. Komba, député.
Nous accueillons le gouverneur de la Banque de France, président de l'Autorité de contrôle prudentiel, ainsi que la secrétaire générale de cette même Autorité.
Un volet important du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires vise à renforcer les missions de l'Autorité de contrôle prudentiel – ACP –, appelée à devenir l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR. Parallèlement, dans le cadre de la mission confiée à M. Erkki Liikanen, l'Union européenne a entamé une réflexion sur l'organisation structurelle des banques. Comment les nouvelles missions prévues par le texte se coordonneront-elles avec l'union bancaire et la supervision européenne ?
Ce projet de loi équilibré apportera une amélioration substantielle en permettant de mieux encadrer les risques de marché, tout en respectant le modèle de banque universelle. Il a en effet fait ses preuves, surtout si on le compare aux banques anglo-saxonnes spécialisées, les unes, comme Lehman Brothers, dans l'investissement, les autres, comme Northern Rock, dans le service aux particuliers. Le meilleur critère à considérer pour séparer les activités est leur utilité pour l'économie.
Les banques doivent continuer à exercer en toute liberté les activités nécessaires à leur financement : couverture des risques, gestion de la liquidité des banques et tenue de marché. Elles doivent, pour ce faire, disposer d'un volume d'actifs liquides suffisant pour se refinancer sur le marché comme auprès de la banque centrale, afin de répondre aux obligations des ratios de liquidité et de procéder à des opérations d'investissement, par exemple en obligations d'entreprise, en complément de leurs opérations de crédit. En revanche, on doit sinon décourager, du moins cantonner les gros volumes d'activités de marché coupées du client et de l'économie réelle, pour éviter qu'on ne revoie les excès liés à l'empilement d'activités à risque, observés avant 2007. La loi sera un succès si elle y parvient.
Le projet renforce aussi les pouvoirs de l'ACP en matière de prévention et de gestion des crises. Un projet de directive est en cours sur le formatage des activités de résolution, c'est-à-dire la gestion ordonnée des crises et, en cas de besoin, la cessation ordonnée des activités des banques. La France, qui a attendu pendant des années un texte européen, doit anticiper les dispositions de l'Union – récemment, l'absence de règles législatives nous a empêchés de traiter un dossier –, d'autant que les assemblées seraient à nouveau saisies si le texte européen différait in fine de la loi française.
Le texte inscrit la prévention des crises dans les missions de l'ACPR. L'obligation faite au superviseur de veiller à ce que les banques aient prévu des plans de résolution se généralise sur le plan mondial, tout comme le droit de regard et la possibilité de communiquer avec les conseils d'administration. En cas de crise, quand les banques ne coopèrent pas avec l'autorité de contrôle, celle-ci doit pouvoir demander directement aux conseils d'administration d'exercer leurs responsabilités. Le cas échéant, elle doit pouvoir décider du transfert ou de la cession d'une branche, ce qu'elle peut faire aujourd'hui en matière d'assurance, mais non dans le domaine bancaire. Elle doit également pouvoir déprécier ou annuler le capital ou la dette subordonnée, et faire intervenir le fonds de garantie des dépôts ou de résolution.
À ces mesures, dont le but est de préserver les dépôts des épargnants comme les finances publiques, le texte ajoute un troisième volet, qui vise à protéger le consommateur. Il propose des simplifications bienvenues concernant le droit au compte et le traitement du surendettement. À cet égard, on pourrait supprimer la phase de réexamen, qui alourdit inutilement la procédure et pèse indirectement sur le budget de l'État, puisque celui-ci rembourse à la Banque de France les dépenses qu'elle a engagées.
Au total, sous réserve d'adaptations ponctuelles, le texte propose un bon équilibre entre la nécessité de protéger les épargnants, de financer l'économie et de promouvoir la croissance.
Lorsque la Banque centrale européenne – BCE – traitera des dossiers en supervision, le dernier acte consistera sans doute à déclarer qu'un établissement de crédit n'est plus viable et à passer la main à l'autorité de résolution. Nous espérons qu'un jour, il existera une Autorité commune à la zone euro, ce qui en ferait le second pilier d'un dispositif dont le premier est le système de supervision européen. La Commission doit formuler en 2013 des propositions allant dans ce sens.
Pour l'heure, la France doit se doter, comme l'ont fait nombre de pays, d'une instance à laquelle la BCE pourra transmettre les dossiers d'établissement de crédit non viables. Une directive de la Commission, consultable depuis plusieurs mois, paraîtra bientôt. Elle précisera certains concepts, définira le point de non-viabilité et indiquera la manière d'utiliser certains instruments de résolution.
Je reviens sur un point que j'ai déjà abordé avec M. Noyer. Lors d'une audition, un universitaire a fait remarquer que, sans réduire en amont la taille des structures financières, on n'aurait pas le temps d'agir en cas de crise, sachant que toutes les résolutions bancaires se règlent en un week-end, entre le vendredi minuit et le dimanche minuit. Le projet de loi repose sur l'idée que le titre I sera suffisamment précis pour distinguer ce qui relève ou non des activités critiques et permettre l'application du titre II, qui relève de la responsabilité de l'ACPR. Pourtant, M. Oudéa vient de nous dire que seul 1 % de ses activités serait susceptible d'être filialisé. Comment, en un week-end, procéder au tri dans les 99 % restants ?
Si le titre Ier, relatif à la filialisation des activités de marché sans lien avec le service aux clients, peut susciter des questions, il ne peut être isolé des titres II à IV, avec lesquels il forme un ensemble équilibré, et qui prévoient des instruments de prévention et de résolution des crises bancaires. Pour la première fois, la France se dote de mécanismes qui permettront de détecter en amont les risques systémiques, tels que la crise des subprimes ou la formation d'une bulle immobilière, comme celles observées en Irlande ou en Espagne.
Le texte étend le champ de compétence de l'ACP aux activités de résolution. À cette fin, il met en place un arsenal juridique que nous espérons efficace. Si, aux termes du code monétaire et financier, les établissements de crédit disposent d'un délai de deux mois pour demander l'annulation par le Conseil d'État des mesures prises par l'ACP, cette disposition ne figure pas dans le projet actuel. Serait-ce que l'impératif de célérité l'emporte sur la nécessité d'un contrôle juridictionnel ?
Comment les mécanismes de résolution s'articuleront-ils non seulement avec les mesures issues des négociations menées actuellement à Bruxelles, mais aussi avec le droit commun des procédures collectives ? Les outils résolutoires excluent-ils de facto le recours au droit commun de la faillite ?
Selon l'article 7, le collège de résolution surveille que les pertes des actionnaires ou des créanciers n'excèdent pas celles qui résulteraient du droit commun des procédures collectives. Par quels moyens l'ACPR évaluera-t-elle le montant des pertes potentielles ? Comment appliquera-t-elle cet article qui vise avant tout à préserver les dépôts des épargnants ?
L'ACP dispose-t-elle de moyens suffisants ? Comment doit-elle évoluer ? Effectue-t-elle assez de contrôles sur place, préférables aux contrôles sur pièces ?
Le texte aborde-t-il la question des prêts toxiques, même s'il ne peut régler le problème des stocks ? Plusieurs amendements proposent de réglementer ou d'interdire certaines pratiques.
Rendra-t-il plus transparente l'implantation de nos banques dans les pays étrangers ? Je crois devoir éviter l'appellation de « paradis fiscaux » ou d'« États et territoires non coopératifs – ETNC – », dont les listes sont à géométrie variable. Il faut plus de transparence sur les effectifs, les moyens, les activités, voire les impôts versés par les banques dans certains pays.
Enfin, si charpenté qu'il soit, le texte doit envisager le consumérisme et la relation de l'usager avec la banque. Le titre VI prévoit certaines limitations pour les publics en situation de fragilité. Comment doit-on définir ceux-ci ? Qui contrôlera et qui évaluera leur situation ? À cette fin, faut-il créer un fichier ou mettre en place un observatoire ? Malgré les réticences du secteur bancaire, ne doit-on pas adopter des mesures d'ordre général, notamment pour limiter et plafonner les commissions d'intervention, comme pour les chèques et les rejets de prélèvement ?
Par définition, madame la rapporteure, quand, dans un établissement, on découvre un problème de manière abrupte et que les activités concernées sont très importantes, il faut agir dans un temps très bref. Le problème ne se limite pas aux opérations de marché.
Le projet de loi oblige les banques à se doter de plans de résolution, sous le contrôle de l'ACPR. Lundi, j'ai interrogé à ce sujet le Conseil de stabilité financière. L'obligation pour les banques de fournir des plans précisant la conduite à adopter en cas de difficulté modifie considérablement leurs règles de fonctionnement. S'ils ne sont pas convaincants, le superviseur contraindra les banques à réduire la taille de leurs activités ou à les cantonner, pour que les risques soient gérables.
M. Oudéa nous a dit qu'il n'était pas capable de distinguer, dans 99 % de ses activités, celles qui sont critiques de celles qui ne le sont pas. Quelle grille de lecture et quels moyens permettront à l'ACPR de faire ce que le responsable de la banque lui-même n'est pas capable de faire ?
Toute banque devra expliquer ce qu'elle fera en cas d'accident selon les activités en cause. À défaut, nous lui ferons réduire telle ou telle, sans nous limiter aux opérations de marché. Par exemple, si une banque n'a pas de solution pour financer ses crédits immobiliers, nous les lui ferons réduire ; mais il est probable que, quand elle aura l'épée dans les reins, elle trouvera le moyen de nous répondre.
L'essentiel est d'éviter, par le biais du cantonnement, l'empilement d'instruments complexes, qui, en 2007, représentaient en moyenne 15 % de l'activité des banques, mais jusqu'à 25 % parfois. En cas de difficulté ou d'accident, les problèmes seront plus faciles à dénouer désormais, et nous n'accumulerons pas de risques qui ne servent pas à financer l'économie. C'est un bon signe que ce pourcentage soit tombé de lui-même à la faveur de la crise, en dehors même des activités en extinction qui ne sont pas concernées. Le projet de loi se justifie amplement s'il prévient ce type d'errements.
M. Oudéa nous a tous étonnés en annonçant que les opérations pour compte propre à caractère spéculatif ne représenteraient que 1 % de son chiffre d'affaires. Selon vous, ce pourcentage atteignait-il 15 à 20 % avant la crise ?
Le chiffre de 1 % me surprend. En moyenne, si le projet de loi est voté, les actifs cantonnés atteindraient 3 % à 5 %, voire 10 % dans les banques les plus exposées.
Ce pourcentage est-il calculé sur le produit net bancaire de la banque de financement et d'investissement – BFI – ou sur celui de l'ensemble de la banque ? M. Oudéa cite le taux de 10 à 15 %, mais au sein de la BFI, qui ne représente elle-même que 15 % à 20 % de l'ensemble. On retombe donc sur le chiffre de 1 % du produit net bancaire.
Vérification faite, le taux concerne l'activité au sein de la BFI.
Il y a de bonnes raisons de laisser le market making dans la banque, par exemple ne pas casser le financement de l'économie, qui devrait être le but à atteindre, et ne pas livrer l'État français, dont les banques tiennent le marché de la dette, pieds et poings liés aux quatre grandes maisons de Wall Street. En l'état, l'objectif du projet de loi est d'inciter les banques à cantonner les activités sans utilité pour la croissance ou l'emploi, lesquelles, très importantes en 2007, ont diminué à la faveur de la crise. Il empêchera qu'elles n'augmentent à nouveau, puisque le financement des activités cantonnées sera trop onéreux pour qu'elles se développent.
Si vous voulez aller au-delà, vers un Glass-Steagall Act à la française, auquel cas le texte est mal adapté, vous risquez de compromettre la capacité des banques françaises à faire autre chose que du crédit, au détriment de l'État, des collectivités locales et des entreprises qui, par exemple, ne pourront plus couvrir auprès d'elles leurs risques d'exploitation, ou des compagnies d'assurance puisque les banques ne seront plus en mesure de leur fabriquer des produits d'épargne spécifiques. Tout dépendra alors de quelques maisons étrangères qui, à la moindre tension sur le marché français, seront les premières à se retirer. Autant dire que vous ferez courir un risque considérable à l'activité et à l'emploi. Concentrez-vous, je vous en supplie, sur les facteurs de risque qui n'ont pas d'intérêt pour l'économie.
Si les activités visées par le projet de loi ne représentent qu'une faible proportion de celles des banques françaises, je m'en réjouis. Cela signifie que celles-ci ont tiré des leçons de la crise. J'insiste sur le fait que le taux cité ne comprend pas les activités en extinction, que le Gouvernement propose d'exclure pour ne pas en aggraver le coût de refinancement, et dont nous contrôlons qu'elles sont bien gérées comme telles.
À mon sens, l'intérêt national est de laisser les banques françaises exercer dans des conditions compétitives la tenue de marché telle que définie par le projet de loi.
Un non-spécialiste pourrait juger dérisoire de légiférer sur une activité qui ne représente que 1,5 % du produit net bancaire. Il pourrait aussi en déduire que le projet de loi sera sans portée, ce qui serait un raisonnement sommaire : sur d'autres sujets, on légifère pour un cas sur 10 000 ! Cessons de nous focaliser sur les chiffres. Il est très important pour nous de connaître les évolutions, et de connaître le poids de ces activités avant la crise. Depuis lors, la situation a changé, mais le texte peut aussi jouer un rôle préventif. La faillite d'AIG aurait été provoquée par une filiale qui ne représentait que 1 % de son activité, preuve qu'un tel pourcentage n'est pas toujours sans conséquences.
Le recours devant le Conseil d'État demeure inchangé pour contester les décisions en matière de résolution. Force est d'agir vite dans de telles circonstances, ce qui risque de limiter les droits de la défense. Mais, si un administrateur provisoire peut être nommé dans l'urgence lorsqu'un établissement n'est plus géré de manière adéquate, le contradictoire intervient dans un second temps, après la décision conservatoire.
Je n'ai jamais vu de telles situations. Pouvez-vous en citer quelques exemples ?
Le texte en prévoit la possibilité. Cela dit, en l'absence d'un texte de résolution, la nomination d'un administrateur provisoire déclenche l'exigibilité du passif, ce qui risque de provoquer ce que l'on voudrait éviter. C'est pourquoi on ne prend pareille décision qu'avec mesure. D'ailleurs, les banques françaises n'ont pas connu les mêmes difficultés que les banques étrangères.
C'est pourquoi il est essentiel de suspendre les clauses d'exigibilité quand l'ACPR nommera un administrateur provisoire ou prendra des mesures de résolution. Des propositions vous ont été faites dans ce sens. Dans le passé, nous avons hésité à procéder à une nomination dont la première conséquence aurait été d'accélérer la crise. Il faut que, dans des limites qu'il déterminera, le législateur nous permette de prendre des mesures d'urgence sans accélérer ipso facto le défaut. Récemment, il nous aurait été utile de pouvoir au moins brandir de façon crédible la menace d'une nomination.
Le principe retenu par l'article 7 est qu'un actionnaire peut perdre la totalité de son apport, mais pas plus. Dans les mêmes conditions, nous pourrions aussi faire contribuer obligatoirement des porteurs de titres hybrides ou de dette senior.
En 2006-2007, avant la crise, la part des activités susceptibles d'être filialisées oscillait entre 15 % et 22 % du produit net bancaire des activités des BFI. Si le texte de loi avait alors existé, ce portefeuille aurait été cantonné, à moins que les banques n'aient renoncé d'elles-mêmes à des activités qu'elles ne pouvaient réaliser dans de bonnes conditions. Le texte jouera donc un rôle préventif. Au reste, je trouve rassurant que la part d'activités spéculatives des BFI soit si faible.
Pour mener à bien les contrôles sur place, il faudrait ajouter une quinzaine de postes à notre plafond d'emplois. Nous n'avons pas encore procédé à tous les recrutements prévus, mais il nous paraît suffisant, sauf pour le secteur de la résolution, étant entendu qu'on effectuera des gains de productivité, grâce à une meilleure articulation avec les services de support de la Banque de France.
Il serait précieux de pouvoir effectuer des contrôles sur place à l'étranger, dans le cadre d'accords simplifiés avec nos homologues d'autres pays. Sans signer d'accords-cadres qui donneraient à des paradis fiscaux une apparence de respectabilité, nous pourrions leur demander l'autorisation de procéder à des inspections et d'aller voir sur place si les activités exercées sont conformes aux déclarations. Pour des raisons juridiques, c'est dans ces territoires que se finance, par exemple, le secteur de l'aviation, ce qui a favorisé les ventes d'Airbus dans le monde. Encore faut-il vérifier que c'est cette activité qui est menée sur place et dans quelles conditions elle s'exerce.
La Commission bancaire n'a jamais été chargée de protéger les consommateurs contre les produits toxiques. Cette responsabilité et les pouvoirs y afférant ont été donnés à l'ACP lors de sa création. Nous avons développé cette mission en vérifiant la conception des produits financiers proposés aux clients et la manière dont on les leur présente. C'est la novation la plus importante pour la protection du consommateur. Il nous restera à vous démontrer que nous en avons fait bon usage.
En 2013, nous recruterons cinquante-cinq agents, ce que nous n'avions pas fait fin 2012, bien qu'ils figurent dans notre plafond d'effectif. Vingt-cinq personnes supplémentaires sont nécessaires pour la direction de résolution. Dix d'entre elles seront obtenus par redéploiements internes à l'ACP.
À l'égard des paradis fiscaux, nous faisons tout ce que nous pouvons, compte tenu de nos moyens. Ainsi, ayant contrôlé une banque française implantée dans un paradis fiscal, nous n'avons pu prononcer de sanction contre elle, faute de base légale. Nous n'avions pas signé de convention cadre, qui suppose, avec un pays, une coopération régulière et réciproque. Nous avons travaillé dans le cadre d'un contrat ad hoc, limité à cette mission. Notre commission des sanctions ayant jugé ce fondement insuffisant, nous vous avons suggéré de donner une base juridique à l'utilisation des accords ad hoc.
Jugez-vous suffisantes les mesures de renflouement interne, de bail in, prévoyant que les actionnaires et certains créditeurs puissent être sollicités pour contribuer à la résolution de la banque ? Que pensez-vous de la proposition du rapport Liikanen selon laquelle la rémunération variable de certains responsables de la banque pourrait être composée d'obligations admissibles aux fins d'un renflouement interne ?
Dans un contexte bouleversé par la modification de la fiscalité des revenus de capitaux mobiliers, qui risque de peser sur les flux d'épargne drainés par les banques, donc sur le financement de l'économie, pourquoi ne pas avoir attendu pour transposer le système de supervision européenne, au lieu d'anticiper et de devoir ajuster ensuite ?
De même, l'article 11 qui renforce votre contrôle sur la gestion de trésorerie, les décisions d'investissement et les conditions d'octroi de crédit des établissements, garantira-t-il qu'ils accorderont les financements nécessaires à notre industrie ?
La Commission a été troublée par les réponses relatives à l'impact de la filialisation, qui sera très limité. Du coup, l'interdiction pure et simple des activités spéculatives pour compte propre, préconisée par certains rapports, notamment américains, ne serait-elle pas préférable à leur filialisation, comme le recommande M. Liikanen ? Est-ce d'ailleurs une solution tenable car quel contrôle l'ACPR exercerait-elle sur une filiale située à l'étranger ? Et qu'est-ce qui empêcherait les banques de passer des accords entre elles pour financer leurs filiales respectives ? Comment répondre aux initiatives des banques dont la capacité d'adaptation aux nouvelles règles est pratiquement sans limite ?
Ne vaudrait-il pas mieux, par ailleurs, attendre que se construise l'union bancaire pour présenter un tel texte ?
Pour ce qui est, en troisième lieu, de la protection des fonds des déposants, pourquoi mélanger dans le fonds de garantie et de résolution les sommes destinées à garantir les dépôts avec celles qui sont nécessaires à la résolution en cas de crise bancaire ? C'est choquant.
Enfin, la création d'un organe central chez Groupama, prévue par le titre V du texte procède de l'idée jacobine qu'un système ne peut fonctionner que s'il est centralisé. Or, lorsque le système est décentralisé, la faillite d'une petite banque provoque des pertes moins importantes.
En 2011, le G20 a souligné le « risque systémique » : certaines banques sont si grosses que leur chute entraînerait des faillites en cascade dans le monde entier. La France compte cinq banques de ce type, sur la trentaine qui existent dans le monde, et leurs actifs représentent plus de 300 % du PIB de notre pays. En Allemagne, en revanche, seule la Deutsche Bank relève de cette catégorie, pour plus de 1 500 banques de proximité qui financent le réseau des PME : les ingénieurs allemands sont dans l'industrie, pas dans les salles des marchés.
Les concours que la Banque centrale européenne a consentis aux banques figurent, si je ne me trompe, dans le bilan de la Banque de France. Alors que le capital de cette dernière s'élève à 6 milliards d'euros, les liquidités consommées par notre pays représentent aujourd'hui 180 milliards d'euros. Combien les quatre grandes banques systémiques qui subsistent après les mécomptes de Dexia ont-elles emprunté et doivent-elles encore à la Banque de France ? Comment apprécier la solidité du système bancaire ?
Les radicaux de gauche se réjouissent de ce projet de loi, même s'il propose une séparation a minima des activités bancaires. L'ACPR disposera de pouvoirs très étendus dans le cadre de la procédure de résolution et les banques s'émeuvent d'être à ce point détachées du droit commun. La régulation des activités bancaires devrait être plus stricte, quitte à séparer des opérations de détail la totalité des activités de marché pour éviter toute crise bancaire, au lieu de se montrer peu regardante sur leurs activités en amont mais de confier ensuite la direction à une entité administrative en cas de crise. En d'autres termes, le cadre très strict de la résolution n'est-il pas la contrepartie nécessaire d'une séparation insuffisante des activités ? Vos réponses me laissent penser que, selon vous, cette loi préventive va bien assez loin.
Sans doute faudrait-il, enfin, élargir le Conseil de stabilité financière à un plus grand nombre de personnalités qualifiées, actuellement au nombre de trois. Les crises financières ont montré que les institutionnels sont souvent réticents à intervenir, et ne faudrait-il pas éviter cet entre-soi financier qui peut même aggraver les problèmes ?
Au-delà de quelle limite la mobilisation des créanciers, des actionnaires et du fonds de garantie ne protègera-t-elle plus les déposants ?
Pensez-vous utile d'adjoindre à l'Autorité de contrôle des parlementaires et des membres du Conseil économique, social et environnemental, ou d'autres personnes ?
Les établissements reconnus comme systémiques devraient-ils faire l'objet d'un contrôle additionnel de la Cour des comptes ?
Enfin, quel rôle pourriez-vous jouer dans la mise en place d'un mécanisme de reporting systématique de l'ensemble des activités localisées dans les paradis fiscaux ?
Les statistiques sur les montants de dérivés de gré à gré – OTC – publiées par la Banque des règlements internationaux – BRI – font apparaître une augmentation de plus de 25 % des nominaux depuis 2007. Que pensez-vous de cette évolution ?
Les dérivés traités par les différents établissements bancaires le sont-ils avec des contreparties respectant les règles de l'accord de Bâle III en termes de capital et de ratio de liquidités, ou avec d'autres ?
Le trading haute fréquence crée-t-il réellement de la liquidité sur le marché ou contribue-t-il à déstabiliser les marchés ? Si tel est le cas, que faire pour le freiner ?
Si le titre II du projet de loi, relatif à la résolution, avait été en place durant le week-end des 14 et 15 septembre 2008, marqué par la chute de la banque Lehman Brothers, cela aurait-il alors facilité votre action, notamment pour déboucler des positions le lundi suivant ?
Enfin, l'intérêt que suscite, notamment chez les députés allemands, la législation que la France est la première à adopter dans ce domaine a-t-il déjà donné lieu à des échanges avec vos homologues étrangers, en particulier outre-Rhin ?
Comment les autres pays de la zone euro se comportent-ils et de quels moyens disposent-ils ? Où en est le projet d'agence de régulation européenne ? Il importe en effet de regarder ces questions à travers un prisme européen, d'autant qu'on ignore si la directive Liikanen verra bien le jour à la mi-2013.
Par ailleurs, le risque de désengagement du financement de l'économie, dans le sillage de celui de certaines activités de marché, que dénonçait tout à l'heure M. Oudéa, est-il avéré si nous adoptons ce texte en l'état ?
Dans l'examen de ce texte, notre assemblée poursuit deux objectifs importants : la sécurité des déposants et des contribuables, et le financement de l'économie. Les Français, qui aspirent légitimement à ce que les dépôts soient mis au service de l'économie, se posent toujours des questions. L'adoption de ce projet de loi permettrait-il d'éviter demain une nouvelle affaire Kerviel ? Par ailleurs, bien que la présence nécessaire des banques françaises sur le marché de notre dette souveraine nous invite à user avec prudence de la filialisation des activités de marché, les opérations de tenue de marché sont-elles réellement utiles au financement de l'économie ?
Monsieur Caresche, s'agissant du bail in, le projet de loi ne propose d'attraire que les instruments hybrides, car le Gouvernement préfère attendre qu'il existe des règles européennes pour traiter des obligations « senior », les plus exposées, afin de ne pas avoir à modifier ultérieurement le dispositif pour le mettre en conformité avec les règles européennes. Ce choix est assez raisonnable.
L'idée avancée par le rapport Liikanen d'une rémunération variable des responsables en obligations admissibles mérite une réflexion collective. Les idées nouvelles gagnent toujours, pour avoir une stabilité financière, à être appliquées dans plusieurs pays. Cette question devrait donc être intégrée dans les discussions européennes, mais je n'y ai pas encore assez réfléchi pour vous livrer une position définitive à ce propos.
Madame Dalloz, pour ce qui est du besoin de liquidité, je rappelle que la France se trouve dans une position atypique, avec un ratio créditsdépôts très élevé – et inversement, un ratio dépôtscrédits très faible –, du fait de l'importance des flux drainés par les fonds gérés, comme les SICAV et SICAV monétaires, et, plus encore, par l'épargne réglementée et l'assurance-vie, ces deux dernières étant en outre assorties d'une fiscalité de plus en plus attirante par rapport à l'épargne classique.
Il convient de préciser que, si les banques françaises ont un problème de ratio de liquidité, elles n'ont pas de problème avec la liquidité elle-même, car leur bonne signature leur permet de se refinancer sur le marché, notamment auprès des compagnies d'assurance ou de la Caisse des dépôts. La situation n'en est pas moins fragile, de telle sorte que les banques ont pu craindre que les ratios internationaux ne les obligent à restreindre leur activité de crédit.
C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons besoin que les banques françaises restent actives dans la commercialisation et la tenue de marché des obligations d'entreprises car, avec les nouveaux ratios de Bâle en matière tant de solvabilité que de liquidité, les établissements vont inciter les grandes entreprises, voire les entreprises moyennes, à rechercher de plus en plus sur le marché une partie des financements à long terme dont elles ont besoin, selon le modèle anglo-saxon. Il est donc indispensable que les banques puissent accompagner ces entreprises sur les marchés, sous peine de les livrer elles aussi pieds et poings liés à quatre grandes maisons de Wall Street qui ne s'intéresseront qu'au CAC 40, et certainement pas aux entreprises de taille intermédiaire. Les dispositions du projet de loi en matière de tenue de marchés me semblent donc bonnes.
Savoir s'il faut attendre la transposition de la directive relève d'un choix français. Pour ce qui est de la résolution, nous avons besoin d'un texte le plus vite possible, quitte à devoir l'ajuster légèrement, notamment pour ajouter un volet consacré au « bail in », c'est-à-dire à l'implication des créanciers seniors.
Décider si la séparation doit être opérée dès maintenant, ou s'il est préférable d'attendre, est un choix politique, que je ne peux que respecter. Il convient cependant de veiller à ne pas mettre en péril le fonctionnement de l'économie. En mon âme et conscience, je suis persuadé que la définition prévue ne mettra pas l'économie en péril, même si elle provoque de légers effets marginaux.
Les échanges que j'ai eus avec la Bundesbank et avec des représentants du ministère des finances allemand, ainsi qu'avec le ministre lui-même, me confirment que la position allemande est très proche de la proposition formulée par le gouvernement français, ce qui explique que le projet européen évoqué ce matin même par le commissaire Michel Barnier en reprenne les grandes lignes. On constate donc une convergence franco-allemande sur la distinction cardinale entre ce qui est utile au financement de l'économie et ce qui ne l'est pas.
Monsieur de Courson, dès lors que la filiale serait considérée comme une entité tierce ne pouvant ni être refinancée – à moins que la banque ne traite ce refinancement comme un risque pris sur un tiers –, ni recevoir la garantie du groupe, les risques seraient cantonnés et comptabilisés dans les besoins en fonds propres exigés de la banque. Il ne semble pas que la filialisation pose de problèmes particuliers si la filiale fait l'objet d'un contrôle.
Je suis favorable à ce qu'il y ait un seul fonds de garantie et de résolution. Aujourd'hui, le fonds peut intervenir de façon préventive, c'est-à-dire en aidant à financer la résolution ordonnée une banque, comme il lui est déjà arrivé de le faire, par exemple pour le Crédit martiniquais. Il peut être moins coûteux de mener une action d'extinction en douceur que de laisser une banque déposer son bilan et de devoir rembourser les déposants. L'autre formule est cependant elle aussi concevable.
Quant au niveau à prévoir, le fonds doit être assez important, et le législateur pourrait se demander si, dès lors qu'est posé le principe du financement de la résolution par la profession, une partie de la taxe systémique initialement destinée à compenser le risque pris par l'État ne devrait pas l'abonder.
En ce qui concerne Groupama, il faut choisir entre l'éparpillement de petites structures autonomes les unes par rapport aux autres que l'on peut, au besoin, laisser tomber en faillite au prix d'éventuels transferts de portefeuille, et l'organisation en groupe. Dans ce cas, dans le domaine bancaire comme dans celui des assurances, s'agissant d'une structure mutualiste, le législateur doit donner au centre, qui est la filiale capitalistique des entités décentralisées, des pouvoirs particuliers qui, dans le droit capitaliste normal, découlent automatiquement du fait que le centre est l'actionnaire des entités décentralisées. Un organe central est donc une condition nécessaire, mais non suffisante, au bon fonctionnement du groupe. Le problème du Crédit immobilier de France – CIF – est lié à la gestion de la liquidité, dont les conditions ont totalement changé avec la crise, de telle sorte que ce modèle de fonctionnement n'est plus possible aujourd'hui.
Monsieur Launay, le ratio dépôtscrédits est très différent en France et en Allemagne. Les petites banques allemandes, qui ont plus de dépôts que de crédits, sont dans une situation plus confortable que les banques françaises, lesquelles, ayant un besoin structurel de financement, doivent aller chercher de la liquidité sur les marchés, mais celles-ci sont mieux armées pour le faire. Du reste, l'organisation allemande n'a pas empêché des banques de taille diverse, même si elles n'étaient pas systémiques, de connaître de sérieux déboires qui ont obligé l'État allemand à intervenir. Cela a été le cas pour plusieurs Landesbanken assez importantes. Les difficultés de Hypo Real Estate ont été un drame coûteux, bien plus grave, pour la seule Allemagne, que le problème causé par Dexia en France, en Belgique et au Luxembourg. Commerzbank elle-même a dû être recapitalisée durablement, alors qu'en France toutes les banques – sauf Dexia – ont remboursé depuis longtemps les sommes qui leur avaient été apportées au coeur de la crise.
Pour ce qui est du bilan de la Banque de France, je rappelle que cette dernière ne porte en propre que les opérations de liquidité d'urgence accordées aujourd'hui à Dexia et au CIF. Le refinancement des autres banques qui viennent à notre guichet figure bien à notre bilan, mais le risque encouru par nous correspond à 20 % des risques de l'Eurosystème. Ainsi, lors de la faillite de Lehman Brothers, la filiale française ne nous a rien coûté, car les opérations que nous avions avec elle ont pu être couvertes. En revanche, en tant que membre de l'Eurosystème, nous avons dû provisionner 20 % du risque Lehman Brothers Allemagne, dont une grande partie a heureusement été recouvrée depuis lors grâce aux actifs récupérés.
Bien entendu, en contrepartie de nos financements, nous prenons des actifs en garantie, dont nous calculons la valeur avec les abattements appropriés, selon la méthodologie en vigueur au sein de l'Eurosystème. La Banque de France joue un rôle particulier à cet égard. Je considère que nous sommes aujourd'hui bien couverts contre les risques de défaut qui pourraient se présenter.
Les pouvoirs que le projet propose de donner à l'ACPR, plus stricts en matière de séparation des activités afin de pouvoir réduire les risques de crise, me rassurent. En elle-même, la séparation des opérations de marché et de détail ne réduit en rien les risques de crise. Il faudrait plutôt sortir les activités spéculatives, que ce soit pour les interdire ou les cantonner – ce qui permettrait au moins d'éviter, sans faire courir de risque au groupe, de supprimer prématurément des opérations qui pourraient se révéler utiles. Si la séparation évitait le risque de crise, la faillite de Lehman Brothers, pure banque d'investissement, n'aurait eu aucune conséquence pour la finance mondiale, pas plus que les difficultés de Northern Rock en Angleterre, pure banque de détail qui possédait un gros volume de dépôts et ne faisait que du crédit. Celle-ci faisait certes appel au marché, mais, si vous en interdisez l'accès aux banques, préparez-vous à l'idée que le crédit se réduira immédiatement de 20 % ou 25 % en France, car l'activité de crédit y est financée à cette hauteur par le marché. Pour Dexia et le CIF, la séparation entre les opérations de marché et de crédit n'aurait aucune conséquence. Seule la séparation des activités spéculatives contribue à réduire le risque.
Vous disiez tout à l'heure qu'il était très difficile de définir les opérations spéculatives. N'est-ce pas contradictoire ?
Je désignais ainsi à l'instant, par facilité, les activités qui n'ont pas d'utilité pour l'économie, comme des investissements effectués par une banque, pour son compte propre et non pour celui de ses clients, par exemple en produits structurés complexes qu'elle n'a pas fabriqués. C'est là que l'on trouvera les opérations les plus risquées.
Prenons un spécialiste en valeurs du Trésor – SVT – qui vend des obligations assimilables du Trésor – OAT –, puis les rachète à son client qui n'en veut plus et les garde cinq mois en portefeuille. Si – aussi peu vraisemblable que ce soit – ce titre augmente de 50 %, il s'agit d'un gain de « prop trading », c'est-à-dire sur fonds propres. S'agit-il, selon vous, de spéculation ?
C'est là une question autour de laquelle on ne cesse de tourner : où commencent les activités purement spéculatives ? L'exemple pris par Mme Rabault est tout à fait parlant.
C'est là un autre cas d'exemption prévu par la loi : celui de la gestion de la trésorerie. Les accords de Bâle III et la prochaine transposition de la directive CRD 4 fixeront un ratio de liquidité qui obligera les banques à disposer chacune d'un volant de plusieurs milliards ou dizaines de milliards d'euros d'actifs « liquides » – obligations d'État et d'entreprises bien cotées ou assimilables, ou obligations sécurisées. Teneur de marché ou non, il faut bien qu'une banque puisse garder des OAT, soit pour répondre aux demandes de ses clients, soit pour assurer sa gestion de trésorerie et respecter les ratios réglementaires. Elle doit être en mesure d'aller chercher de l'argent sur les marchés en faisant des repos – pensions livrées – ou en vendant des titres. Un autre alinéa du même article 1er prévoit une exemption à cette fin.
La banque n'aura cependant plus le droit, comme elle l'avait avant 2007, de garder dans son portefeuille propre, afin d'en tirer un profit, des produits complexes, du type CDO, c'est-à-dire des obligations adossées à des actifs acquis sur le marché qui ne seraient pas considérés par le superviseur comme des actifs liquides. Ces produits, qui ont créé des problèmes à l'échelle mondiale, devront être placés dans la filiale cantonnée.
Vous envisagez donc une segmentation par produit. Êtes-vous prêt à établir une liste ? De fait, seules certaines tranches des CDO restaient dans les bilans des banques, les autres étant vendues aux clients.
Dans les enquêtes qu'elle mène, l'ACP demande la segmentation, dans les portefeuilles de tenue de marché, des revenus issus des opérations clients et de ceux qui proviennent de la valorisation du titre. Pouvez-vous utiliser ces données ?
Ces enquêtes sont destinées à cerner les grandes masses et à voir comment se forment le résultat et l'équilibre bilanciel. Il ne s'agit pas d'un reporting d'une grande précision.
Si l'on choisit de séparer les activités, la seule possibilité consiste à fixer les principes et à laisser le superviseur faire la police. Il est impossible de tout prévoir dans la loi, car les banques inventeront immédiatement des parades. Écrivez donc les principes : nous n'hésiterons pas à les mettre en oeuvre.
Le Conseil de stabilité financière me semble assez large. Des instances trop étoffées et comportant trop de personnalités qualifiées ont du mal à prendre des décisions rapides et à les garder confidentielles. Je ne suis personnellement pas favorable à un élargissement.
Je ne suis pas favorable non plus à un contrôle des établissements financiers systémiques par la Cour des comptes. La multiplication des autorités de contrôle n'est pas bonne : mieux vaut une autorité vraiment responsable et susceptible de s'expliquer devant le Parlement lorsque celui-ci le souhaite. La confusion des responsabilités est de mauvaise méthode.
À propos d'un éventuel reporting de l'activité dans les paradis fiscaux, je rappelle que l'ACP contrôle tout ce que publient les banques. En cas d'information erronée, nous interviendrions bien évidemment.
Le rapport de la BRI fait état de la croissance des dérivés OTC. Elle touche surtout des produits classiques – de taux et de change –, très utilisés dans la tenue de marché, et je m'en réjouis. Une réforme qui interviendra dans les prochains mois poussera une bonne partie des opérations sur ces produits vers les chambres de compensation centralisées. Lorsqu'ils seront traités sur d'autres plates-formes, les garanties requises au moment où se concluront les opérations et les appels de marge qui s'ensuivront seront très élevés, au point qu'on peut se demander si, compte tenu du volume de collatéral nécessaire, ils ne vont pas purement et simplement disparaître. Afin de s'assurer que les dérivés soient utiles à la couverture et au financement de l'économie, notamment pour les dérivés de change, la France, soutenue par d'autres pays, a demandé une deuxième étude d'impact.
Le texte réduit considérablement le périmètre et le volume des opérations susceptibles de générer des fraudes du type Kerviel. Il ajoute également des obligations supplémentaires en matière de contrôle interne des opérations de marché, ce qui donnera les moyens d'être plus intrusif et obligera à une plus grande simplification de ces opérations. Tout ce qui concourt à la simplicité et à une moindre opacité facilite le contrôle et diminue le risque de dissimulation : une fraude durerait moins longtemps et les pertes seraient moindres.
Pour corriger quelque peu la lecture de la loi que vient de faire M. Noyer, je souligne que l'utilité de la tenue de marché pour l'économie dépend beaucoup du sous-jacent. Ainsi, des opérations visant à maintenir le cours de l'action d'une banque ne semblent pas indispensables à l'économie. Il n'est en tout cas nullement question d'interdire la tenue de marché. Le fait de placer une activité dans une filiale ne signifie en aucun cas son abandon.
Par construction, une activité placée dans une filiale sera plus coûteuse, ce qui, dans un univers de concurrence, bénéficiera à une autre banque.
L'augmentation du coût induite par le placement de l'activité dans la filiale est au maximum de l'ordre de quelques points de base – de 10 à 20 selon l'estimation de M. Liikanen. Souscrivez-vous à cette évaluation ?
Par ailleurs, l'ACP sera-t-elle en mesure d'évaluer le poids de la tenue de marché dans les banques françaises et de valider ce chiffre si la loi y faisait référence ?
Établir une distinction entre les activités en fonction des sous-jacents me semble une piste intéressante. En tout état de cause, il reste difficile de trouver une formulation législative de cette distinction.
Savoir si le placement d'une activité dans une filiale revient à l'arrêter dépendra du surcoût. Si les banques ne sont plus compétitives, elles seront peu à peu évincées du marché et nous dépendrons entièrement, pour certaines activités, des trois ou quatre banques américaines dominantes. Si toute l'Europe procède ainsi, elles resteront seules en lice, et elles se retireront en cas de tensions semblables à celles qu'a connues l'Italie.
Il est bien évidemment possible d'établir une typologie des activités en fonction des sous-jacents. La question est de savoir jusqu'où ces activités sont utiles au financement de l'économie française.
Par ailleurs, une banque qui a des activités dans toute l'Europe ne limitera pas son market making aux seuls titres d'État français, mais interviendra aussi, par exemple, sur des titres italiens ou belges.
En matière de financement des entreprises, la vente d'obligations d'entreprises grandes, moyennes ou petites suppose de pouvoir les racheter, et donc de disposer de liquidités. Certaines opérations sur les dérivés sont également destinées à couvrir les risques pris par les entreprises en termes de taux de change, ce qui oblige les banques à chercher sur les marchés des contreparties pour couvrir leurs propres risques. D'autres activités sont également liées à la gestion de l'épargne. Dans ce domaine, un swap de dividendes peut être très utile pour permettre par exemple au gestionnaire d'un plan d'épargne d'entreprise d'éviter une trop grande variabilité des revenus de son portefeuille d'actions et d'assurer une certaine sécurité en échangeant un flux de dividendes, par nature incertain, contre un flux de nature obligataire.
Je suis tout à fait d'accord. Cela représente aujourd'hui moins de 10 % des swaps sur dividendes.
Si cette activité prenait des proportions considérables sans être liée à une activité de clientèle, elle n'aurait aucun intérêt pour le financement de l'économie : il s'agirait d'une activité spéculative qu'il conviendrait de placer dans la filiale. Dans le cas contraire, vous conviendrez peut-être que cette activité puisse être acceptable.
En quoi consiste la compétitivité dans ce domaine ? Affecte-t-elle les fonds propres ou les clients ?
Être compétitif, cela signifie être capable de réaliser les opérations au prix du marché. Au-delà du prix, on perd le marché.
Parce que, sans dépôts ni garantie de la maison mère, la filiale, de taille modeste, devra se refinancer sur le marché à des conditions moins favorables que de grandes banques internationales spécialisées qui la pousseront hors du marché, ce qui signifie qu'elle devra cesser ces activités.
La loi va créer de nouvelles obligations aux établissements en matière d'information du superviseur. L'ACP contrôlera la qualité et la pertinence des données fournies. Il est également prévu que l'ACPR puisse demander le report vers la filiale cantonnée de certaines opérations qui pourraient rendre plus difficile la résolution. Le collège de résolution qui examinera les plans de résolution des banques aura cette disposition à l'esprit. Il lui faut en effet disposer des instruments nécessaires pour prendre des décisions rapides.
Je retiens donc que l'ACPR peut réaliser et valider un chiffrage de la part de la tenue de marché dans la banque en termes de produit net bancaire.
Monsieur le président, madame la secrétaire générale, je vous remercie pour cette audition très intéressante.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 30 janvier 2013 à 11 h
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, Mme Karine Berger, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Pascal Cherki, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Christian Eckert, Mme Annick Girardin, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Valérie Pecresse, Mme Valérie Rabault, M. Nicolas Sansu, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier
Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Alain Fauré, M. Jean-Claude Fruteau, M. Marc Goua, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, Mme Sandrine Mazetier, M. Thierry Robert, Mme Eva Sas
Assistait également à la réunion. – Mme Axelle Lemaire