Nous poursuivons nos travaux relatifs à la prévention et l'accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l'emploi.
Nous recevons tout d'abord Mme Danièle Giuganti, directrice régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Lorraine, accompagnée de M. Sébastien Hach, directeur adjoint emploi de l'unité territoriale des Vosges et de M. Philippe Sold, directeur de l'unité territoriale de Meurthe-et-Moselle.
Madame, je vous remercie d'être venue jusqu'à nous pour nous faire part de votre expérience. Je vous cède immédiatement la parole pour nous présenter brièvement vos actions avant de procéder à un échange sous forme de questions avec les rapporteurs.
L'accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l'emploi étant une question non seulement régionale mais également territoriale, j'ai demandé à deux de mes collaborateurs de m'accompagner.
La création des DIRECCTE en 2010 a entraîné le regroupement de différents services dédiés au développement des entreprises, notamment les ex-directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) et les échelons départementaux et régionaux des services de l'emploi, qui travaillent en étroite collaboration avec Pôle emploi.
La DIRECCTE de Lorraine regroupe 380 agents pour assurer l'ensemble de ses missions : concurrence, consommation et répressions des fraudes, travail avec l'inspection du travail, ainsi que le développement de l'emploi, le développement économique et la mise en oeuvre des politiques d'emploi. Plusieurs outils sont dédiés à la prévention et à l'accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l'emploi, dans une démarche d'intelligence économique, exercée tant au plan régional qu'au plan départemental. La veille sur la situation économique des entreprises nous permet, grâce au Comité départemental d'examen des difficultés de financement des entreprises (CODEFI), de connaître, via les premiers retards de paiement des cotisations sociales et fiscales, les entreprises qui commencent à rencontrer des difficultés. Nous travaillons aussi étroitement avec les commissaires au redressement productif (CRP) sur la veille anticipative. Les visites d'entreprises effectuées par les agents des ex-DRIRE, qui travaillent au développement, nous permettent par ailleurs, au plan régional, de bien connaître la situation économique des entreprises.
Avant la création des commissaires au redressement productif, nous disposions déjà d'un commissaire à la réindustrialisation.
Les CODEFI sont placés sous l'autorité des préfets de départements et de la direction départementale des finances publiques (DDFIP) qui associent les unités territoriales de la DIRECCTE (c'est-à-dire les ex-directions départementales du travail). Il existe également un comité plus restreint au sein de la DDFIP, la Commission des chefs des services financiers et des organismes de sécurité sociale (COCHEF), qui travaille à l'étalement des dettes des entreprises en contrepartie d'engagements de redressement.
L'inspection du travail, auprès de laquelle des représentants du personnel peuvent s'inquièter de la situation de leur entreprise, capte également des signaux faibles, ce qui permet d'enclencher les dispositifs de prévention des conflits dans l'entreprise liés à la situation de l'emploi.
Le PSE ne concerne que les entreprises qui envisagent de supprimer au moins dix emplois sur une période de trente jours. La prochaine loi sur la sécurisation de l'emploi modifiera la procédure actuelle. Des contentieux tendent souvent le climat social.
Les cellules de reclassement ont été récemment supprimées au profit des CSP, dans le cadre desquels nous travaillons étroitement avec Pôle emploi : en effet, ces contrats ne constituent pas seulement une nouvelle catégorie d'indemnisation mais exigent un accompagnement plus important, notamment en termes de reconversion.
La situation de l'entreprise est différente selon qu'elle est en redressement, voire en liquidation judiciaire, ou qu'elle appartient à un groupe qui a les moyens de financer un plan social. La palette des outils s'étend du congé de reclassement – ou du contrat de sécurisation professionnelle –, à l'aide à la création d'entreprise, en passant par l'aide à la mobilité géographique, l'allocation temporaire dégressive, l'aide aux entreprises qui recrutent, l'aide incitative au retour à l'emploi, l'aide au conjoint démissionnaire. Dans le cas des entreprises qui n'ont pas les moyens de financer un plan social, l'allocation temporaire dégressive peut aussi être activée. Enfin, les conventions de revitalisation permettent de prendre en compte la dimension territoriale. L'aide doit évidemment être dosée en fonction des capacités économiques du territoire, de la volonté politique des élus locaux et de la capacité de l'entreprise.
Il faut savoir que la région Lorraine comprend 120 000 demandeurs d'emplois de catégorie A. La progression des chômeurs de longue durée – plus de deux ans de chômage – a progressé 37 % en trois ans en raison des fermetures ou des restructurations des entreprises de la région à la suite du premier choc de 2009. Certaines se sont réorganisées et ont gagné en productivité, mais nous conservons malheureusement un volant incompressible de demandeurs d'emploi.
Si nous connaissons le coût de notre action et si nous savons qu'elle a permis d'éviter la fermeture pure et simple de nombreuses entreprises, toutefois, quantifier avec précision ses résultats demeure très difficile.
Pour être complet, il convient d'évoquer l'activité partielle, qui est une des grandes préoccupations de nos services. Nous avons procédé, dans ce cadre, à de nombreuses indemnisations.
La revitalisation des territoires concerne particulièrement les DIRECCTE.
Aujourd'hui encore, on délaisse trop souvent l'accompagnement des territoires au profit de l'accompagnement individuel. L'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, du fait qu'il organise les négociations à l'intérieur de l'entreprise, pourrait même conduire à négliger encore plus l'accompagnement collectif.
La mise en place, au travers d'un fonds commun pour la revitalisation des territoires, de programmes de revitalisation territorialisés au plan régional ou départemental est-elle à vos yeux envisageable ? Quelles pourraient être les modalités de gouvernance d'un tel fonds ? Les collectivités locales ne devraient-elles pas jouer un rôle plus grand en matière de revitalisation ? La multiplication des acteurs ne nuit-elle pas à l'efficacité des actions qui sont menées ?
Je tiens aussi à aborder la question de la proportionnalité dans laquelle les DIRECCTE jouent un rôle majeur. En l'absence de critères, comment l'évaluer ? La transposition de l'ANI ne devrait-elle pas conduire à définir des critères – le sujet fait débat –, d'autant que votre responsabilité sera accrue demain en la matière ?
S'agissant de la proportionnalité, il serait effectivement utile aux services de l'État de disposer de critères. Ce n'est pas sans crainte que les DIRECCTE abordent cette nouvelle responsabilité parce que l'appréciation réelle de la situation de l'entreprise est aujourd'hui une affaire de spécialistes. L'idéal serait de nous appuyer sur nos collègues des ex-DRIRE, qui ont une vraie connaissance des comptes des entreprises. Toutefois, en vertu de la prochaine arrivée de l'acte III de la décentralisation, ces mêmes personnels seront probablement mis à la disposition des conseils régionaux. Or si les services de l'État se privent de leur compétence, les entreprises qui réussiront à se faire entendre seront celles qui auront le plus de talent pour plaider leur cause auprès du préfet de département, même si le pouvoir propre des DIRECCTE ne sera pas délégable.
Nous avons déjà assumé ce type de responsabilité dans le cadre, notamment, des autorisations administratives de licenciement. L'homologation des PSE ne sera pas comparable puisque nous n'aurons pas à nous prononcer sur le caractère économique ou non des PSE. Toutefois, nous aurons besoin d'expertise économique et il faudra que nous puissions nous appuyer sur des personnels compétents, fins connaisseurs, de la politique des grands groupes. Disposerons-nous demain en nombre suffisant de tels experts, alors même que nos effectifs ne cessent de baisser ? C'est un sujet d'inquiétude.
D'autant que les délais seront très encadrés, allant, selon les cas, de huit à vingt et un jour.
La difficulté sera évidemment d'apprécier la capacité contributive de l'entreprise. Il fut un temps où nos services disposaient d'économistes – des postes ciblés sur l'analyse de la situation financière ou du bilan. Nous sommes tous formés à ces compétences mais elles relèvent toutefois d'une expertise propre. Nous devrons donc former spécifiquement des personnels - même si, déjà, nous cherchons à enrichir les PSE au regard de ce que nous estimons être les moyens de l'entreprise - pour donner notre réponse dans des délais qui, comme vous l'avez rappelé, seront très courts.
Il est d'autant plus nécessaire de raisonner au niveau du territoire que les salariés licenciés en premier sont à la fois les moins qualifiés et souvent les moins capables de mobilité géographique. On ne saurait cependant faire reposer notre action uniquement sur les territoires car nous ne pouvons pallier l'absence de tissu économique. Les collectivités territoriales ont un rôle à jouer en matière d'attractivité économique, qui dépend beaucoup de la volonté politique.
L'Observatoire régional de l'emploi, de la formation et des qualifications de Lorraine (OREFQ) chargé d'expertiser notre gouvernance en matière de conventions de revitalisation avait conclu que nous devions resserrer le suivi de ces conventions. Un groupe de travail, réunissant la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a permis la publication d'un guide sur la revitalisation.
Le bilan dépend des territoires et de l'implication du corps préfectoral, notamment du sous-préfet d'arrondissement auquel certains départements ont confié le suivi des territoires. Le facteur humain est incontournable.
Dans les Vosges, 30 % des salariés travaillent dans l'industrie – ce qui est un chiffre atypique –, notamment dans des filières historiques : l'ameublement, le papier carton ou le textile. Depuis 2006, le nombre de conventions de revitalisation y est très important.
Le plan de sauvegarde de l'emploi est notifié à l'unité territoriale, qui se tourne vers le préfet pour savoir si l'entreprise est assujettie à la convention de revitalisation.
Les expérimentations sont diverses. Alors que, dans la Nièvre, le territoire recoupe le département, dans les Vosges, les conventions de revitalisation correspondent aux bassins d'emploi. Des périmètres prioritaires et secondaires ont été définis. Un maire dont ferme l'entreprise agroalimentaire installée sur sa commune voudra tout naturellement que la convention de revitalisation soit axée sur son territoire. Mais le taux d'assujettissement à une convention demeure très faible. Il convient d'associer aux plans d'action les collectivités territoriales, qu'il s'agisse du conseil régional ou du conseil général, même si ces conventions mobilisent de l'argent privé.
Nous avons aussi procédé à des diagnostics en ressources humaines, menant ainsi une politique de maintien dans l'emploi, dans le cadre de la sécurisation des parcours professionnels au sein de l'entreprise. Je donne un exemple : les salariés des industries textiles sont souvent d'un bas niveau de qualification, mais ils possèdent un vrai savoir-faire, qui n'a pas toujours été valorisé. Les conventions de revitalisation permettent d'utiliser les outils du service public de l'emploi, tels que des cartographies collectives ou individuelles de compétences, pour obtenir la certification de ces compétences dans le cadre des titres professionnels délivrés par le ministère du travail, des diplômes délivrés par l'éducation nationale ou des certifications de qualification professionnelle interindustries. S'il est vrai qu'à l'origine, les conventions de revitalisation devaient permettre de compenser le nombre d'emplois supprimés par un nombre équivalent de créations d'emplois, aujourd'hui, nous orientons vers la formation professionnelle – les budgets dédiés à la formation ne sont pas extensibles –, l'accompagnement des salariés ou des demandeurs d'emplois. Nous devons, dans le cadre des conventions de revitalisation, parmi d'autres démarches innovantes par rapport à la seule création d'emploi, orienter notre action aussi vers le maintien dans l'emploi. C'est d'autant plus nécessaire dans un département industriel comme les Vosges, où il n'est guère probable que se réimplante une entreprise de 300 salariés.
Si les conventions de revitalisation sont signées sous l'autorité du préfet, elles sont toujours décidées en accord avec les élus locaux. Nous avons la possibilité de conjuguer plusieurs fonds, comme le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) ou le fonds de restructuration de la Défense (FRED). Je le répète : l'aspect humain joue pour beaucoup dans l'action des élus locaux. Nous utilisons également les conventions de revitalisation pour conforter l'activité dans un territoire sinistré, qui est en panne de développement.
Vous avez insisté sur le rôle des agents des ex-DRIRE en matière de prévention. Serait-il utile de développer cette mission en lui donnant des moyens supplémentaires ? Si oui, lesquels ? Par ailleurs, est-il envisageable d'instaurer un partenariat avec les tribunaux de commerce, qui agissent eux aussi en matière de prévention des difficultés ? Avez-vous déjà tissé des liens sur le terrain ?
Vous avez évoqué l'aspect régional et territorial de la revitalisation des territoires, qui s'inscrit dans les bassins d'emplois. La transposition législative de l'ANI entraînant un partenariat encore plus important avec les élus locaux et le monde politique, notamment lors des négociations, ne risque-t-on pas de voir se creuser les inégalités entre les territoires ?
La DIRECCTE est destinée à intervenir dans la négociation ou l'homologation du PSE : dans la mesure où les DIRECCTE se seront investies dans la négociation, seront-elles encore légitimes pour homologuer le PSE en cas d'échec de la négociation ?
Pourrait-on améliorer les liens existant entre les organismes de formation – ils sont nombreux ! – et les régions, qui sont chargées de la formation, en vue de mieux accompagner les salariés ?
Notre dispositif régional en matière de prévention est rôdé : son organisation en échelons assure sa fluidité, de l'unité territoriale au commissaire régional au redressement productif. Au niveau des DIRECCTE, nous disposons également d'ingénieurs des mines et d'attachés d'administration qui suivent des filières industrielles précises, et nous pouvons nous appuyer sur les réseaux en région du médiateur inter-entreprises. Notre seule demande est en matière d'expertise dans le cas où l'on serait saisi d'un très grand nombre de PSE. Notre préoccupation, je le répète, est un risque de perte de compétences, à la suite de l'Acte III de la décentralisation, nos effectifs étant fléchés « développement économique ».
La commissaire au redressement productif de Lorraine travaille déjà en étroite collaboration avec les tribunaux de commerce et le réseau des experts-comptables. Il a fallu renouer la confiance avec la direction régionale des finances publiques (DRFiP), compte tenu des questions spécifiques de confidentialité liées aux entreprises en difficulté. Chacun a ses règles déontologiques en matière de circulation des informations. Au plan départemental les liens sont plus étroits avec les administrateurs judiciaires.
En accroissant les pouvoirs des élus locaux, la décentralisation aura nécessairement pour effet d'aggraver les déséquilibres entre les territoires.
Le métier de l'État est en train de changer : ses moyens baissant, il noue davantage de partenariats. Les plus anciens de nos agents, qui ont été formés à gérer des mesures et non à prendre des contacts, n'ont pas toujours le savoir-faire adéquat. Or il est d'autant plus difficile d'assurer la formation que les départs à la retraite liés à la baisse de nos effectifs nous privent parfois des compétences dont nous avons besoin. L'hiatus entre l'évolution de notre métier et la réduction des effectifs à marche forcée nous interdit de conduire certains de nos agents au niveau de compétence nécessaire. Ce n'est pas noircir le trait que d'affirmer que c'est à la fois compliqué pour les directions et anxiogène pour les fonctionnaires.
Je note votre inquiétude.
Il convient, à mes yeux, de bien faire la différence entre prévention et anticipation, lesquelles répondent à des temps différents. Pour paraphraser Jean-Pierre Aubert, je dirai qu'il faut arriver à concilier temps long et temps court, le temps court de la gestion des crises avec le temps long de l'anticipation. Or le chapitre III du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi, destiné à « favoriser l'anticipation négociée des mutations économiques, pour développer les compétences, maintenir l'emploi et encadrer les licenciements économiques » fait appel à lui seul à trois temps différents ! Comment assurer l'articulation de l'action publique entre prévention des PSE et utilisation de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), prévue à l'article 9 du texte, par les branches et leur déclinaison au niveau des entreprises ? Comment pratiquer l'anticipation au plan de la formation pour diriger les salariés vers d'autres métiers ?
Nous travaillons en collaboration avec le conseil régional, avec lequel nous avons signé en 2009 un accord sur le travail partiel, auquel ont également participé les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Cet accord vise à financer des formations plutôt qu'à recourir au chômage partiel. Un comité de pilotage a été institué, comprenant le vice-président du conseil régional chargé de la formation, la DIRECCTE ainsi que les numéros un régionaux du MEDEF, de la CGPME, de l'UPA et des cinq organisations de salariés représentatives au plan national. Il faut reconnaître que les deux organisations qui n'ont pas signé l'ANI du 11 janvier dernier constituent des maillons faibles : au moindre incident, la CGT et FO, disparaissent. Compte tenu de l'éventualité du financement d'une GPEC territoriale sur le bassin houiller, il faudra convaincre le responsable de la CGT régionale de revenir dans le comité.
Ce comité tripartite se situe en amont du Comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP), qui est l'instance de concertation stratégique au plan régional.
Nos services ont l'habitude de travailler avec les entreprises, à la fois dans l'exercice des missions régaliennes d'inspection et dans un rôle de médiation. Si les partenaires peuvent avoir temporairement des intérêts antagonistes, ils ont un intérêt commun : la pérennité de l'entreprise et de l'emploi. C'est pourquoi nous avons l'habitude de nous tenir à équidistance des représentants du personnel et de la direction. C'est la raison pour laquelle, si décriés soient-ils, l'inspection du travail et l'ensemble des services de la DIRECCTE conservent la confiance de leurs partenaires en matière de médiation, alors que la médiation professionnelle ne fonctionne pas au sein des entreprises. Le projet de loi contient toutefois le risque que les représentants du personnel refusent de signer des accords, pensant que l'État pourra obtenir mieux. Il faut être lucide.
Chaque année, l'État et Pôle emploi signent une convention régionale, qui n'est qu'une batterie d'indicateurs. Cette année, le ministre et le directeur général de Pôle emploi nous ont demandé de travailler uniquement sur des priorités, notamment sur la formation. Les demandeurs d'emploi les moins formés étant ceux qui restent sur le bord de la route. Le conseil régional de Lorraine a, de son côté, déjà entamé des discussions avec Pôle emploi sur le sujet. Nous serons donc la seule région à signer cette année une convention annuelle régionale tripartite entre la région, l'État et Pôle emploi. La négociation a notamment porté sur la répartition des rôles, les besoins de formation faisant l'objet d'un diagnostic. Cette stratégie partagée anticipe l'acte III de la décentralisation. L'argent devenant rare, nous sommes dans l'obligation de nous organiser pour optimiser les moyens dont nous disposons.
En vous appuyant sur votre expérience, pensez-vous possible d'instituer un critère de mobilité en temps de trajet ou en distance du domicile – les deux ne pouvant être cumulés ?
C'est une vraie question. Dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, le fait que les frais annexes ne soient pas remboursés, ou le sont de manière inégale selon les collectivités, crée une difficulté importante. Le problème de l'accompagnement individuel n'est donc pas tout à fait réglé puisque seule la partie pédagogique est prise en charge.
Il faut également savoir que dans un département comme les Vosges, une heure de trajet signifie un changement de vallée. Or changer de bassin d'emploi, c'est toucher à un élément substantiel du contrat de travail. Si le salarié refuse, il aura droit à un licenciement pour motif économique.
Les zones d'emploi sur lesquelles vous travaillez doivent avoir un périmètre supérieur à trente kilomètres.
Le bassin de vie correspond au mouvement des différents acteurs du territoire.
Est-il fréquent, selon votre expérience, que des aides publiques – participation aux cellules de reclassement ou financement des indemnités différentielles de reclassement – soient attribuées à des entreprises qui ne rencontrent pas de réelles difficultés financières, qui sont en situation de bénéfices nets à N-1 ou qui procèdent à des restructurations dans une logique de délocalisation ?
Par ailleurs, quel est le coût pour les finances publiques du CSP ? Les cellules de reclassement ont-elles vraiment disparu depuis l'apparition du CSP ?
En cas de conflit majeur, lorsqu'un PSE est notifié à notre unité territoriale, nous le soumettons à une grille d'analyse : plus les capacités financières de l'entreprise sont importantes, plus nous sommes exigeants.
Grâce à la mise en oeuvre des CSP, la question du recours aux cellules de reclassement ne se pose quasiment plus pour les entreprises qui n'appartiennent pas à un groupe. Le recours, depuis 2006, au contrat de transition professionnelle sur le territoire de Saint-Dié y a supprimé le recours aux cellules de reclassement.
C'est une grille d'analyse nationale fournie dans le cadre des formations à l'anticipation des mutations économiques. Elle nous permet de traiter de manière quasi-uniforme les plans de sauvegarde de l'emploi au sein de nos unités territoriales.
Un député a remis un excellent rapport sur les cellules de reclassement en 2009-2010 et sur la question du taux de retour à l'emploi dans le cadre de ce dispositif. Les prestataires privés annonçaient des taux de reclassement situés en 90 % et 100 %. Nous avons procédé à une analyse portant sur quatre à cinq années antérieures : sur le département des Vosges, le taux de retour à l'emploi durable s'élève aujourd'hui entre 45 % et 50 % – CDI, CDD de plus de six mois et créations d'entreprises – ce sont les critères du CSP.
Je tiens à saluer le travail réalisé par Pôle emploi, dont l'antenne de Lorraine doit traiter 1 000 demandeurs de plus par mois depuis un an.
Les CSP sont perçus par les agents de Pôle emploi comme une catégorie différente d'indemnisation qui ouvre un niveau d'indemnisation relativement confortable, avec l'objectif de donner aux salariés les moyens de se former et de se reconvertir. Or, plus l'indemnisation est importante, moins le chômeur se mobilise pour retrouver rapidement un emploi : il attend la fin de son indemnisation pour réagir.
Pôle emploi doit également traiter de manière prioritaire les chômeurs en fin de droit dans le cadre du plan Grande pauvreté – en Lorraine seul un demandeur d'emploi sur deux est indemnisé.
Sans doute, Pôle emploi tend à considérer que les CSP sont des nantis alors qu'il conviendrait au contraire de mobiliser ces demandeurs d'emploi, mais il faut savoir que Pôle emploi assume une charge de travail très difficile, notamment en termes d'accueil des nouveaux demandeurs d'emplois. Je leur tire mon chapeau.
Nous travaillons étroitement avec eux pour réduire le délai entre l'inscription à Pôle emploi et le début de la formation. Alors que la moyenne nationale est de quatre mois et vingt-cinq jours, elle est en Lorraine de quatre mois et vingt-deux jours. Plus on agit en amont, moins on perd de temps et plus l'investissement collectif porte ses fruits.
Vous avez précisé qu'en raison d'un manque de moyens humains, vous rencontrerez des difficultés à mettre en place l'ANI. Avez-vous des préconisations à faire en vue d'agir avec plus d'efficacité ?
Par ailleurs, à vos yeux, la création des droits rechargeables favorisera-t-elle un retour plus rapide à l'emploi ?
Quelles actions recommanderiez-vous en direction des chômeurs de longue durée ?
Nous savons où en sont les comptes publics et il ne serait pas raisonnable de demander des moyens supplémentaires. Nous devons faire des choix mais nous en faisons notre affaire. Ce dont nous avons besoin, c'est de stabilité, après l'épisode brutal de la révision générale des politiques publiques. De ce point de vue, la méthode de la modernisation de l'action publique est à la fois plus profonde et réfléchie. De plus, nous devons absolument conserver nos moyens d'expertise économique : si nous les perdions, l'État se couperait les bras.
Aujourd'hui, 87 % des PSE sont suivis par les DIRECCTE et le nombre moyen de PSE, ces dernières années, s'est stabilisé. L'absence de recours judiciaires durant la procédure simplifiera le travail des DIRECCTE.
Probablement. Toutefois, il ne faut pas oublier les pratiques qui permettent, avec l'accord de tous, y compris des organisations syndicales, de diminuer le nombre de PSE : les ruptures conventionnelles, les départs volontaires, la gestion des intérimaires – l'intérim a baissé de 20 % en région Lorraine –, le non-renouvellement des CDD. Les organisations syndicales ne s'occupent pas des salariés précaires autant que des salariés en CDI.
Dans le cadre de la revitalisation, la formation se substitue-t-elle à la création d'emplois ou est-elle proposée en sus ? Il faut rappeler que les conventions de revitalisation ont pour objectif la reconstitution de l'emploi détruit.
Par ailleurs, procédez-vous en Lorraine – j'ai cru le comprendre pour les Vosges – à la mutualisation de fonds, pour servir de leviers ? Convient-il d'encadrer davantage ces pratiques ?
Enfin, comment voyez-vous l'avenir du FNE formation dans l'éventualité de l'acte III de la décentralisation, compte tenu des besoins que vous détectez ?
Dans le cadre des conventions de revitalisation, la formation intervient évidemment comme un plus. L'objectif demeure la reconstitution de l'emploi. De nombreux rapports ont été rendus sur la question. Par exemple, le financement d'un permis de conduire permet d'accélérer le retour à l'emploi. Le maintien dans l'emploi entre dans l'anticipation, notamment au profit des PME.
Dans les Vosges, nous avons réussi à créer des comités d'engagement communs aux conventions de revitalisation sur chaque territoire. Il existe un comité de suivi départemental.
La départementalisation des fonds de revitalisation créerait un effet de levier. Il ne faut pas non plus oublier le dispositif ALIZE, qui permet de mutualiser les moyens humains, notamment d'expertise, et financiers – crédits à taux zéro –, des grandes entreprises au profit des PME. Il existe également au plan régional le fonds lorrain de consolidation : une partie de l'enveloppe de la convention de revitalisation remonte au niveau régional pour accompagner des projets structurants au profit des PME.
Le département de la Moselle a monté des projets importants en matière de formation.
Si, dans le cadre de l'acte III, l'État ne peut plus être acheteur de formation, ce sera une bonne chose car il convient d'éviter les doublons. Je le dis à titre personnel.
Je tiens à souligner, s'agissant de la question des droits rechargeables, que rien n'est pire que les ruptures de parcours professionnels. Parfois, le demandeur d'emploi renonce à une initiative lui permettant de repartir dans la vie professionnelle parce que cela lui ferait perdre temporairement des droits. C'est favoriser les poches de pauvreté. Il faut raisonner, y compris en matière de protection sociale et de mutuelle, en termes de parcours tout au long de la vie, comme on l'a fait en matière de formation. La création des droits rechargeables s'inscrit dans cette logique et nous y sommes favorables.
Les droits rechargeables inciteront les demandeurs d'emploi à retourner sur le marché du travail puisqu'ils ne perdront plus tous leurs droits dans le cas où, de nouveau, ils se retrouveraient sans travail.
Comment analysez-vous les licenciements diffus au regard de leur nombre, de leur impact et des solutions proposées, notamment dans le cadre de la proposition de loi Cherpion qui prévoyait la mise en place d'un dispositif du type PSE dasn cette hypothèse ? Je pense notamment aux caissières de la grande distribution.
Le dispositif cellule inter-entreprises permettait d'accompagner, avec des moyens d'État, les salariés d'un secteur d'activité concerné par ce type de licenciement. Or les nouveaux dispositifs sont plus centrés sur l'entreprise que sur le secteur d'activité.
Dans un cas de licenciements diffus sur l'ensemble de la France, le ministère du travail a décidé d'assujettir le groupe à la convention de revitalisation et l'enveloppe avait été répartie sur différents territoires en France, dont Saint-Dié. Les licenciements diffus touchent surtout les banques et la grande distribution.