commission élargie
(Application de l'article 120 du Règlement)
Jeudi 24 octobre 2013
Présidence de M. Pierre-Alain Muet, vice-président de la commission des finances, et de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.
La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.
projet de loi de finances pour 2014
Aide publique au développement
Monsieur Pascal Canfin, ministre chargé du développement, monsieur Benoît Hamon, ministre chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, je suis heureux de vous accueillir avec Mme Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires étrangères. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission « Aide publique au développement ».
La conférence des présidents du 11 juillet 2013 a décidé que l'ensemble des missions serait cette année discutées en commission élargie, afin de favoriser les échanges entre les ministres et les députés.
Je vous rappelle les règles de nos commissions élargies. Nous donnerons d'abord la parole aux rapporteurs de nos deux commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes. S'exprimeront ensuite, pour cinq minutes chacun, les porte-parole des groupes. Enfin tous les députés qui le souhaitent pourront interroger les ministres, leur intervention étant limitée à deux minutes.
L'année qui vient de s'écouler a été importante pour l'aide au développement. Le Président de la République avait souhaité une refondation de notre politique d'aide ainsi qu'un large débat sur cette politique. C'est ce qui a été fait dès le début du quinquennat, avec la tenue des Assises du développement et de la solidarité internationale, que vous avez animées, monsieur le ministre Pascal Canfin, pendant quatre mois au cours desquels de nombreuses tables rondes ont été organisées, qui ont permis aux participants de la société civile, aux ONG, aux experts et aux parlementaires de réfléchir aux axes autour desquels devait s'articuler notre politique, à moins de deux ans de l'échéance des Objectifs du millénaire pour le développement, en 2015.
Un comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a ensuite été réuni, ce qui ne s'était pas fait depuis plus de quatre ans. Je veux donc saluer l'impulsion forte qui a été donnée à l'aide publique au développement et qui va se poursuivre dans les prochains mois puisque, pour la première fois dans notre pays, une loi d'orientation sur l'aide au développement est en préparation, qui sera présentée au Parlement au plus tard au début de l'année prochaine.
La commission des affaires étrangères aura également d'autres occasions de se pencher attentivement sur l'aide publique au développement dans les prochaines semaines, avec le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française du développement, par exemple. C'est dire à quel point notre agenda commun est chargé.
Cela étant, le projet de budget que vous nous présentez, messieurs les ministres, participe comme les autres aux efforts de réduction des déficits, conformément à la trajectoire triennale qui a été décidée. Les crédits inscrits aux programmes 110 et 209, dont vous avez l'un et l'autre la responsabilité, sont donc en diminution, mais l'impact de cette dernière en est fortement atténué grâce à la mobilisation des financements innovants qui viennent les compenser.
Je relève aussi que les priorités que le Président de la République a définies continuent d'être honorées. Je pense, par exemple, à l'aide qui transite par les ONG, lesquelles voient, cette année encore, les autorisations d'engagement en leur faveur augmenter de 9 millions d'euros ; je pense encore à l'effort en direction de l'aide alimentaire, ainsi qu'au soutien à la coopération décentralisée.
Cela étant, cette année 2013 a surtout été marquée par l'intervention de notre pays au Mali. La situation est exemplaire à beaucoup d'égards car, après la victoire militaire qui n'est jamais un but en soi, c'est aujourd'hui la victoire du développement qu'il faut remporter. À ce sujet, on a souvent dit que le Mali n'était pas un orphelin de l'aide : cela n'a pas empêché qu'il reste parmi les pays les moins avancés, malgré les moyens considérables qui lui ont été donnés durant des années.
C'est pourquoi, quelques mois après la conférence des donateurs, que la France a réunie à Bruxelles le 15 mai, je souhaiterais, monsieur le ministre chargé du développement, que vous nous disiez où nous en sommes aujourd'hui sur la question de la reconstruction du Mali et de ses efforts de développement, non seulement par rapport aux promesses considérables qui ont été faites par la communauté des bailleurs, mais aussi sur la manière dont l'aide arrive sur le terrain et dont elle bénéficie, très concrètement, aux populations locales.
Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la question de la traçabilité de notre aide, qui doit nous permettre d'éviter, comme cela s'est trop souvent produit par le passé, que cette aide soit captée au bénéfice de quelques-uns. Ces mécanismes de traçabilité devraient, à notre sens, concerner non seulement l'aide française mais aussi l'aide européenne. Je souhaite que vous nous les rappeliez. Comment pouvons-nous être certains aujourd'hui que les erreurs commises dans le passé ne seront pas répétées ?
, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre Canfin, je salue tout d'abord votre engagement et votre efficacité au service du développement. Mais les bonnes intentions évoquées par Mme Guigou ne se traduisent pas, hélas, dans le budget pour 2014 qui, comme le budget pour 2013, est marqué par une baisse de 6 % des crédits alloués à l'aide au développement, véritable peau de chagrin. Quant aux financements innovants, censés à l'origine être des financements additionnels, ils sont devenus des financements de substitution.
Tout cela est problématique, si l'on veut que la France assume le rôle qui est le sien. Nous ne consacrons en effet que 0,47 ou 0,48 % de notre revenu national brut à l'aide publique au développement et nous ne ferons guère mieux d'ici à 2015, alors que, dans la même conjoncture, les Anglais y consacrent 0,7 % de leur RNB.
J'en viens à mes questions. Tout d'abord, comment la France parvient-elle, au plan européen comme au plan international, à faire jouer son influence ? Quelle est votre stratégie et quels sont les moyens que vous mettez en oeuvre pour affirmer l'action de la France ?
Ma seconde question porte sur l'Agence française de développement, dont chacun sait le rôle majeur qu'elle joue en matière d'aide publique au développement. Une discussion est engagée avec le ministère des finances sur l'augmentation des fonds propres de l'AFD. Cette discussion ne risque-t-elle pas de s'enliser et entendez-vous fixer une date butoir pour que l'on donne à l'AFD les moyens de son futur développement ?
Pouvez-vous, en troisième lieu, nous préciser les modalités de notre action au Mali, pays dont les institutions et l'économie doivent être intégralement restaurées ?
Pouvez-vous également nous dire quelques mots de la loi d'orientation. Se limitera-t-elle à de grandes lignes ? Comportera-t-elle des dispositions financières ?
Enfin, j'en terminerai avec une proposition dont je doute qu'elle recueille l'assentiment général. Les crédits du programme 209 chutant de 14 % et nos aides bilatérales se limitant désormais à 568 millions d'euros, je vous propose, afin de ne pas augmenter la dépense publique, d'y transférer 200 millions des 600 millions d'euros consacrés, dans le budget de la santé, à l'Aide médicale d'État, c'est-à-dire à la prise en charge médicale d'immigrés en situation irrégulière sur notre territoire. Cela permettrait à la France d'accroître l'envergure de ses aides bilatérales et de mieux assumer les responsabilités qui sont les siennes.
M. Hervé Gaymard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le ministre Canfin, je salue moi aussi votre engagement en faveur du développement, et me félicite du bon déroulement des Assises du développement. Remercions également le Gouvernement d'avoir réuni le CICID, en sommeil depuis des années. Tout cela confirme les propos du Président de la République lors de son discours de clôture des Assises, le 1er mars dernier, et témoigne de la volonté de l'exécutif de reprendre en main la politique du développement.
Cela étant, j'aurai quelques questions en forme de critiques. La première concerne le Mali. J'ai salué et voté la prolongation de l'intervention militaire française au Mali. Faisons-nous preuve de la même alacrité et du même engouement pour la reconstruction et l'aide au développement ? Certes, la France a organisé la Conférence des donateurs à Bruxelles, mais il semblerait que les 280 millions d'euros que nous affectons au Mali ne soient pas des fonds additionnels : ils recouvriraient des sommes ou des dépenses déjà engagées.
J'aimerais que vous dissipiez nos doutes sur notre capacité à être une force d'entraînement dans la reconstruction du Mali et, au-delà, du Sahel, zone à risque où les prévisions démographiques sont extrêmement préoccupantes. Au lieu de disperser nos moyens dans l'aide multilatérale, mieux vaudrait concentrer notre action sur la zone sahélienne, où notre expertise est reconnue.
Ma seconde remarque concerne la santé. L'été dernier est paru dans The Lancet un article soulignant l'effort très important fait par la France depuis quelques années en matière de santé publique en Afrique et dans les pays en développement, effort trop peu mis en valeur selon l'auteur de l'article. C'est ainsi que certaines recommandations du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme sont rédigées en anglais, y compris dans des pays francophones. Quels moyens entendez-vous donc utiliser pour mettre davantage en lumière notre implication dans les politiques de santé en faveur des pays en développement ?
En matière de politique éducative et d'éducation de base, nos crédits sont en baisse et certains pays traditionnellement francophones reçoivent des États-Unis des aides dix fois supérieures aux nôtres. Or les efforts en faveur de l'éducation primaire sont fondamentaux pour le développement de la francophonie.
Enfin, il nous a semblé que la France soumettait son aide à des conditionnalités supplémentaires. Je souhaiterais savoir ce qu'il en est.
J'évoquerai en premier lieu la question du Mali. La France a très largement contribué à mobiliser la communauté internationale, qui s'est engagée, pour les deux prochaines années, à aider le Mali à hauteur de 3,2 milliards d'euros, dépassant les objectifs initiaux de la Conférence des donateurs.
Dans un contexte budgétaire moins tendu, sans doute notre contribution aurait-elle pu grimper de 280 à 320 ou 330 millions d'euros : moins que ce montant, c'est l'effet de levier qui importe et notre capacité à être une force d'entraînement pour l'ensemble des acteurs du développement. Le Mali est, à ce titre, un très bon exemple de la manière dont nous articulons action bilatérale et action multilatérale. Nous avons réussi, grâce à notre influence au sein des instances multilatérales comme la Banque africaine de développement, la Banque mondiale ou l'Union européenne, à mobiliser 3,2 milliards d'euros. Après l'élection présidentielle, les projets soutenus par les bailleurs ont redémarré, et une première réunion d'évaluation devrait avoir lieu à Bamako dans une quinzaine de jours.
L'aide française se monte à 280 millions d'euros pour les deux prochaines années. Cet engagement intègre l'argent gelé, à juste titre, par le précédent gouvernement en 2012. Cela, en soit, ne constitue pas un problème, puisqu'il s'agit de sommes originellement affectées au Mali.
Sur le fond, nous souhaitons qu'une partie plus importante de ces crédits passent par les collectivités locales maliennes. Le Mali vient de tenir ses états généraux de la décentralisation, et nous pensons qu'en matière d'éducation ou de santé, par exemple, la gestion des services publics nécessite une action administrative locale et que l'aide sera d'autant plus efficace que les projets seront pilotés au niveau local. Cette décentralisation est par ailleurs une des clefs de la solution politique qui permettra au Mali de réussir sa démocratisation et son développement économique. Nous avons ainsi obtenu – ce qui est une première – l'engagement que le tiers des crédits passeraient par les collectivités, celles-ci n'étant pas capables, dans leur état de développement actuel, d'en absorber davantage.
Pour ce qui concerne la transparence et la traçabilité, nous avons, pour la première fois, recensé sur un site internet l'ensemble des projets financés par la France au Mali. Y figureront toutes les informations concernant la réalisation du projet, la date de signature du contrat et les dates prévisionnelles de son achèvement. Il s'agit d'un effort de transparence sans précédent qui permettra aux contribuables français comme aux citoyens maliens de se tenir informés, ces derniers pouvant de ce fait mieux s'approprier notre aide et exercer une forme de « contrôle citoyen » en alertant par mail ou par SMS l'ambassade de France en cas de problème ou de retard sur tel ou tel projet. Cela devrait améliorer la traçabilité de l'aide et aider à lutter contre son « évaporation ». Des sites identiques devraient être lancés en 2014 pour les seize pays pauvres prioritaires – tous africains –, ce qui nous permettra de rattraper notre retard en matière de transparence.
L'aide bilatérale représentait 61 % de l'APD française en 2008 et 66 % en 2012, soit cinq points d'augmentation – ce qui contredit vos propos. Quant à l'aide multilatérale, je ne considère pas qu'elle rend la France invisible. J'étais il y a quelques jours en Afrique du Sud avec le Président de la République. Dans ce pays, où le sida fait deux cent mille morts par an, pas un des acteurs institutionnels ou associatifs n'ignore que la France est le deuxième financeur du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et tous l'en remercient car le fonds mondial est le meilleur outil dont nous disposions pour lutter contre le sida
Il est donc légitime de vouloir s'assurer de la visibilité de note action, mais notre premier objectif doit être l'efficacité dans le traitement des malades. C'est la raison pour laquelle nous avons fait un arbitrage très fort dans le contexte budgétaire actuel, en maintenant à leur niveau pour les trois prochaines années les crédits alloués au Fonds mondial, soit plus de un milliard d'euros.
Le budget de l'aide publique au développement n'est certes pas en hausse ; mais la baisse n'est pas aussi importante que ce que vous prétendez. En effet, les financements innovants nous ont permis de préserver la capacité d'intervention dans ce domaine. Les programmes 110 et 209 passant de 3,3 à 3,2 milliards d'euros, la baisse des crédits ne représente que 100 millions ; cela nous permet de respecter les priorités que le Président de la République et moi-même avions fixées. Ainsi, le doublement de l'aide passant par les ONG – qui doit être réalisé sur la durée du quinquennat – se poursuit cette année. Un autre engagement du Président de la République – la stabilisation des dons de projets – est également traduit dans les faits. L'aide alimentaire reste intacte. Si nous participons à l'effort de redressement des comptes publics, toutes ces priorités – véritable coeur de la solidarité internationale – ne sont en rien affectées par la baisse de 100 millions du budget de l'aide publique au développement.
Benoît Hamon répondra en détail à la question portant sur les fonds propres de l'AFD ; la question de leur augmentation devra être tranchée dans le contrat d'objectifs et de moyens – COM – qui doit être adopté au plus tard au premier conseil d'administration de l'AFD, en janvier 2014. Il nous faudra donc arbitrer à la fin de cette année.
La loi d'orientation sur ce sujet – qui correspond à une volonté du Président de la République – représente une première dans l'histoire de la République. Elle symbolisera la rénovation de la politique de développement, consacrant notamment les efforts de transparence, de démocratisation et de mise en débat de ses choix. Cette loi constituera un marqueur en matière de relations entre la France et le reste du monde ; à nous – exécutif comme Parlement – de la rendre la meilleure et la plus ambitieuse possible.
Monsieur Gaymard, l'éducation – une des cinq priorités sectorielles – représente 1,5 milliard d'euros, et les crédits qui y sont affectés ne sont pas en diminution. Cet effort important concerne à la fois l'éducation primaire, mais également, de plus en plus, la formation professionnelle, suivant la demande croissante des pays qui souhaitent améliorer l'accès des jeunes au marché du travail – enjeu central en Afrique, compte tenu des évolutions démographiques. Nous veillons particulièrement aux questions de genre, jusqu'à présent négligées. En effet, les conditions d'accès à l'éducation des filles sont spécifiques, en termes de risques liés aux trajets, à l'absence d'équipements adaptés et à l'insécurité. Dorénavant, nous prenons en compte cette dimension qui devra, en 2017, figurer parmi les objectifs de 50 % des projets financés par l'aide publique française.
Enfin, nous ne soumettons pas notre aide à des conditions de respect impératif de telle ou telle règle précise ; en revanche, notre action repose sur une doctrine et des principes, favorisant certains projets plutôt que d'autres. Elle relève donc de choix politiques – dont l'OCDE avait d'ailleurs critiqué l'absence par le passé. Le contribuable français a le droit de savoir au nom de quels objectifs nous menons notre politique de développement. Ainsi, dans le domaine de l'énergie, pour rester en cohérence avec les grands enjeux du XXIe siècle – dont le réchauffement climatique –, nous favorisons le déploiement des énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, et non les centrales au charbon. Dans le domaine agricole, puisque nous ne voulons pas d'OGM dans notre pays, nous ne les finançons pas non plus dans les pays du Sud. Ces choix représentent une forme de conditionnalité qui prouve qu'au-delà du pilotage budgétaire, notre action repose sur de vrais arbitrages politiques.
Je compléterai les informations fournies par Pascal Canfin sur des points qui concernent plus spécifiquement le ministère de l'économie et des finances – un acteur majeur de la politique française de soutien au développement au travers du programme 110.
Bailleur important de plusieurs institutions de soutien au développement – tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme –, la France participe aux mécanismes multilatéraux de financement. Cinquième contributeur à l'Association internationale de développement – AID – de la Banque mondiale, elle a contribué à ce que l'AID continue à faire de la politique de soutien et de développement à l'Afrique subsaharienne une de ses priorités, évitant le transfert d'une partie des moyens vers les pays asiatiques, l'Inde. Le poids de la France dans le financement multilatéral a été déterminant dans sa capacité à jouer ce rôle. Quatrième bailleur du Fonds africain de développement – FAD – hébergé par la Banque africaine de développement, la France peut là encore influer sur les choix politiques en matière de soutien aux États les plus fragiles, tels que le Mali, la RDC ou la Côte d'Ivoire. En 2013, la France y a consacré 380 millions d'euros de ressources budgétaires, déclenchant une mobilisation financière importante en direction de pays qui font aujourd'hui partie de ses priorités.
Les besoins de l'AFD en fonds propres – qui s'élèvent à au moins un milliard d'euros – sont liés à l'entrée en vigueur des règles prudentielles de Bâle III. Nous devrons officialiser nos choix lors de l'adoption du COM de l'AFD, début 2014 ; les discussions suivent trois pistes principales. L'intervention de l'État au titre de créances de long terme peut permettre de renforcer les fonds propres de l'AFD en les transformant quasiment en capital. On peut également revoir la politique des dividendes, augmentant la quotité de l'État, afin de procéder à une recapitalisation de l'Agence. Enfin, on peut essayer de rendre le modèle financier de l'AFD plus soutenable à long terme, pour éviter que la question ne se repose dans dix ans. Nous travaillons de la manière la plus transparente possible pour formuler des propositions – certainement une combinaison des trois solutions envisagées – qui seront rendues publiques lors de la première réunion de l'AFD en janvier 2014.
Le groupe SRC votera les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui contribuent à la mise en oeuvre des orientations de la France en matière de solidarité internationale. Ces orientations ont été redéfinies par le CICID du 31 juillet 2013, présidé par le Premier ministre. Ce conseil, qui ne s'était pas réuni depuis 2009, a abouti à vingt-huit décisions opérationnelles, faisant suite à une large concertation avec les ONG, entreprises et collectivités territoriales, qui s'était déroulée sous forme d'assises entre novembre 2012 et mars 2013. Tout cela participe d'une démarche de mobilisation et de clarification saluée par tous.
Dans le cadre de cette dynamique, la loi sur le développement et la solidarité internationale – première loi d'orientation et de programmation – devrait permettre de partager des objectifs et des priorités avec l'ensemble de nos concitoyens et avec leurs représentants au niveau local et national. L'évolution de notre planète et les modifications dans les rôles respectifs des différents continents doivent nous amener à aborder très différemment le développement des pays pauvres.
La mission dont nous parlons ici comprend les programmes 110, relevant du ministère de l'économie et des finances, et 209, piloté par le ministère des affaires étrangères ; elle ne concerne cependant qu'environ un tiers de l'effort de la France en matière d'aide au développement. Pour cette mission, et de manière générale pour les quatorze missions et vingt-cinq programmes qui contribuent, dans les différents ministères, à l'aide publique au développement, les crédits nouveaux pour 2014 s'inscrivent dans l'effort général d'économie. Cela se comprend compte tenu des déficits budgétaires accumulés depuis une décennie ; cependant, ces restrictions ne doivent pas être durables dans un domaine où il faudra au contraire consolider l'effort pour l'avenir.
Si l'on ajoute les annulations de dettes pour près de 1,6 milliard d'euros et les recettes nouvelles attendues des taxes sur les billets d'avions et sur les transactions financières, l'évolution amène l'effort global de la France à 9,6 milliards d'euros en 2014, soit 0,48 % du RNB. Nous sommes encore loin de l'objectif de 0,7 % !
Dans ce contexte, il nous serait utile d'avoir des informations plus précises sur les annulations de dettes, qui ont pratiquement triplé entre 2013 et 2014. S'agit-il de l'inscription de décisions déjà prises ou des prévisions ? Quels pays en sont bénéficiaires ? Beaucoup d'ONG souhaitent des clarifications sur ce point.
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances, maintient un effort particulier en direction de l'Afrique, priorité réaffirmée à juste titre à travers le FAD et le Fonds international de développement agricole – FIDA. Il traite également des bonifications de taux d'intérêt des prêts accordés par l'AFD.
Compte tenu des difficultés budgétaires particulièrement graves des pays les plus pauvres, et de leur encadrement par des règles internationales limitant leur possibilité de recourir aux emprunts, nous souhaiterions savoir comment leur bénéficient les outils financiers du programme 110 et les prêts de l'AFD.
Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », met l'accent sur la coopération bilatérale. Il concrétise notamment l'engagement du Président de la République de doubler l'aide publique transitant par les ONG françaises entre 2012 et 2017, avec une hausse nette de 9 millions d'euros en 2014. Il augmente très – peut-être trop – légèrement le soutien à la coopération décentralisée. Enfin, il continue à tenir compte des attentes de la francophonie à travers l'Organisation internationale de la francophonie – OIF – et l'Agence universitaire de la francophonie – AUF.
Ce programme maintient également les contributions au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Vous connaissez par ailleurs, monsieur le ministre Pascal Canfin, mes interrogations sur la sous-nutrition et la malnutrition, phénomènes qui restent scandaleux en 2013 et constituent des handicaps majeurs pour le développement des pays pauvres et de ceux dont une part importante de la population vit dans la misère.
Nous devrons, dans les mois à venir, aborder de nombreux sujets : thématiques et pays prioritaires, aides d'urgence, solidarité, co-développement durable, partenariats de types nouveaux, efficacité des interventions bilatérales et multilatérales, rôles respectifs de la France et de l'Union européenne, coordination des interventions publiques françaises, rôle à venir de l'AFD, etc. Il faudra sûrement aussi considérer l'évolution des financements innovants et les procédures d'investissements à long terme dans des territoires aux fortes perspectives de développement, notamment pour le continent africain.
Compte tenu de l'importance des enjeux, afin que nous puissions débattre et arrêter nos positions, concrétisant ainsi les conclusions de la concertation entreprise depuis plus d'un an, il est nécessaire que votre projet de loi soit inscrit dans notre agenda dès début 2014.
Je ne doute pas de votre volonté de préserver le budget de l'aide au développement au terme de l'exercice d'équilibre auquel vous devez vous livrer. Cependant, nombre d'ONG estiment que ce budget n'est pas à la hauteur de vos ambitions.
Alors qu'un quart de la population mondiale doit compter aujourd'hui encore sur la solidarité internationale, la mission « Aide publique au développement » accuse, dans le PLF 2014, une baisse de 178 millions d'euros. Ce budget interdit à la France d'honorer ses engagements internationaux, puisque nous nous éloignons de plus en plus de l'objectif des 0,7 % du RNB à consacrer à l'aide publique au développement d'ici à 2015. En effet, hors allégement de la dette, la France n'y consacre plus que 0,4 % du RNB.
On peut légitiment s'interroger sur le rôle international que la France entend tenir, tant son influence et sa crédibilité dépendent du respect de ses engagements en matière d'aide au développement et de lutte contre l'extrême pauvreté. Comme l'a rappelé Jean-François Mancel, la Grande-Bretagne, bien que fortement touchée par la crise financière, a décidé d'atteindre l'objectif des 0,7 % ; n'est-ce pas la preuve qu'une politique de développement ambitieuse est une question de volonté politique ?
Le choix de couper dans l'aide publique au développement ne permettra pas de redresser nos finances publiques, car la mission « Aide publique au développement » ne correspond qu'à seulement 1 % du budget total de la France en 2014 ; en revanche, il affectera d'une manière irréversible les populations les plus vulnérables.
Dans le sillage des conclusions et recommandations du Comité d'aide au développement – CAD –, je voudrais savoir quelle trajectoire réaliste vous entendez établir pour atteindre l'objectif de 0,7 %, et dans quels délais.
Le Parlement, la Cour des comptes, le CAD et l'OCDE ont souvent évoqué la complexité du système institutionnel global de la coopération – qui implique une dizaine de ministères et des instances de pilotage peu fonctionnelles – ainsi que l'architecture éclatée du budget qui rend difficile l'appréhension de l'ensemble des moyens engagés. Ces questions ont également été évoquées lors du dernier CICID en juillet dernier. Pourriez-vous nous indiquer les mesures prises pour améliorer la lisibilité de l'aide publique au développement ?
Aujourd'hui, 70 % de l'aide publique au développement mondiale est déclarée sous le standard de l'Initiative internationale sur la transparence de l'aide, dit standard IATI – International Aid Transparency Initiative. Son but est d'améliorer la transparence de l'aide afin de permettre une meilleure compréhension et un contrôle effectif de la part des parlementaires – très demandeurs. L'accessibilité des données concourt à offrir une meilleure connaissance des actions des bailleurs, à en améliorer la gouvernance et à lutter contre la corruption. Pourquoi notre pays n'a-t-il pas encore mis en oeuvre cette norme commune sur la transparence de l'aide ?
Alors que la France reste dernière des États membres du CAD en part d'aide publique au développement transitant par les ONG – 1 % seulement pour une moyenne OCDE de 13 % –, le Président de la République s'est engagé à doubler cette part, sans toutefois préciser les modalités de son action. Quelle est la progression des crédits affectés au soutien des initiatives des ONG françaises ?
Dans ce budget, la taxe sur les transactions financières est à nouveau détournée de son objet. Rappelons que son ambition initiale était de répondre à deux objectifs : une fiscalité internationale dédiée au service des biens publics mondiaux et une limitation de la spéculation financière outrancière. Aujourd'hui, ces deux objectifs sont loin d'être atteints. En 2013, 10 % de cette taxe étaient reversés au budget de l'aide publique au développement. En 2014, par un artifice dont vous avez le secret, vous relevez la participation de cette taxe à 15 % alors que ses recettes sont prévues à la baisse – 700 millions d'euros contre 1,6 milliard initialement attendu.
D'une manière générale, ce budget affiche une bonne volonté de façade, mais reste toujours aussi peu lisible et transparent. Dans l'attente de la mise en oeuvre d'une loi d'orientation, le groupe UMP s'abstiendra lors du vote.
Je tiens à excuser mon collègue Noël Mamère qui n'a pas pu rester ce soir. Ayant partiellement participé aux Assises du développement et de la solidarité internationale, j'ai pu suivre en direct les propositions et les réactions des ONG ; aussi suis-je surprise de la perception qu'en a mon collègue de l'UMP. Ce qui inquiète les ONG – tout comme le rapporteur général Christian Eckert –, c'est que comme tous les budgets, celui du développement a été touché par une baisse de quelque 3 %, et que nous ne parvenons pas à atteindre l'objectif – que nous partageons avec d'autres pays européens – des 0,7 % du RNB à consacrer au développement. Ces insuffisances touchent davantage les dons – en particulier aux pays les plus fragiles – que les prêts ; messieurs les ministres, cette politique sera-t-elle poursuivie ?
Les financements innovants de la solidarité internationale – tels que la taxe sur les billets d'avion – ont plutôt bien fonctionné. Certes, la taxe sur les transactions financières mériterait d'être renforcée et instaurée au niveau européen ; j'espère donc, monsieur Christ, que vous nous aiderez à mener ce combat. En prélever 15 % a permis de conforter le Fonds de lutte contre le sida – et pour bien connaître l'Afrique du Sud, j'y vois une nécessité impérieuse –, ainsi que le Fonds vert.
Les ONG ont été particulièrement sensibles à la cohérence qu'introduit dans notre politique l'attention portée au développement durable, en particulier à la lutte contre le changement climatique. En tant que présidente de la commission des affaires européennes, j'ai récemment participé, aux côtés du président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, à la réception du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon. Celui-ci a rappelé que la lutte contre le changement climatique constituait la priorité absolue au niveau international, dans la mesure où il était responsable du développement de la pauvreté et des migrations. Si l'on n'agit pas, ces mouvements de population – déjà à l'oeuvre au Bangladesh et ailleurs – risquent de s'accentuer. Cet avis nous encourage à nous engager dans cette voie en France. Messieurs les ministres, pourriez-vous confirmer que cet axe d'action sera conforté ?
Nous serons tous ravis si l'année prochaine, nous parvenons à augmenter le budget de l'aide au développement et à atteindre le fameux objectif des 0,7 % ; en attendant, le groupe écologiste votera ce budget.
Monsieur le ministre, en tant que responsable de l'aide au développement accordée par la France, vous êtes chargé de mettre en oeuvre la solidarité avec les pays les plus pauvres. Celle-ci se décline de différentes manières, touchant des domaines aussi divers que l'agriculture, l'environnement, la santé, l'éducation ou l'État de droit. L'apprentissage rationnel d'une langue peut également être un instrument au service du développement. Président délégué de la section française de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, j'ai pu mesurer, à l'occasion de déplacements en Afrique ou en Asie du Sud-Est, à quel point la maîtrise d'une langue – le français –, en harmonie avec les langues vernaculaires, participait à l'épanouissement de la jeunesse et, au-delà, des nations en développement.
L'Assemblée parlementaire de la francophonie – APF –, mais également des organisations comme l'OIF, l'Organisation internationale de la francophonie, et l'AUF, l'Agence universitaire de la francophonie, construisent une forme unique de coopération entre pays du Nord et pays du Sud. La préservation de la pluralité linguistique est au coeur du projet francophone. Cette identité collective qui se veut multiple et ouverte consolide, au-delà de la diversité linguistique, celle de la pensée, donc de la démocratie et de l'État de droit – toutes nécessaires au développement harmonieux –, loin des conceptions réductrices reposant sur une langue et une pensée économique et politique uniques ou hégémoniques.
Monsieur le ministre, la rénovation de la politique du développement à laquelle vous êtes attaché comporte-t-elle une dimension francophone ? Le « Forum Afrique – 100 innovations pour le développement durable » que vous préparez pour le mois de décembre prochain intègre-t-il, dans ses différents volets – et comment –, la culture, les langues vernaculaires et la francophonie ? Ces éléments comptent tant en matière de communications, d'institutions ou de citoyenneté que dans le domaine du social, de l'entreprise et de la finance.
Les enjeux liés à la santé restent pour un certain nombre de pays un obstacle au développement. C'est pourquoi nous sommes très heureux de voir le budget de l'aide publique au développement préserver la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Cet engagement est d'autant plus apprécié qu'il est garanti au-delà de l'enveloppe votée cette année pour les exercices 2014 et 2015.
C'est en grande partie la conséquence d'allocations permises par la taxe sur les transactions financières. Ce financement innovant est incontestablement bienvenu, mais l'effort solidaire qu'il a permis de perpétuer est-il suffisant ? Certainement pas. Pour autant, compte tenu des contraintes que nous connaissons tous, il paraît pour l'instant difficile d'aller au-delà. Dès lors, pourrait-on hiérarchiser autrement l'affectation des crédits en donnant un coup de pouce à la santé et à la protection sociale ? Ou encore, pourrait-on imaginer de consacrer à la santé les recettes attendues de la taxe sur les billets d'avion – c'est en partie l'objet de l'article 36 du projet de loi de finances – et celles de la taxe sur les transactions financières ? Nous ne souhaitons pas l'affichage d'objectifs chiffrés ou de pourcentages, mais une annonce de nature qualitative.
Monsieur le ministre délégué chargé du développement, vous avez été chargé par le Premier ministre de mettre en chantier une loi d'orientation et de programmation et, en accord avec le Président de la République, vous avez pris l'initiative d'organiser, parallèlement au sommet de l'Élysée sur la sécurité et la paix en Afrique, un forum consacré aux innovations pour le développement durable. Ces initiatives, annoncées le 31 juillet à l'occasion d'un CICID, et dont nous nous réjouissons, vont-elles réserver aux problématiques de santé une place, sinon centrale, du moins priorisée ?
En ce qui concerne le développement du Mali, j'approuve votre intention d'accorder la confiance aux pouvoirs locaux, qui ont fait leurs preuves.
Je rappelle que le Gouvernement a présenté un amendement destiné à rétablir les dispositions de l'article 36 du projet de loi de finances. En effet, bien que celles-ci tendaient à modifier des impositions de toute nature, elles n'avaient pas d'incidence sur l'équilibre du budget et devaient, de ce fait, être renvoyées en deuxième partie.
J'évoquerai les crédits correspondant aux annulations de dette, qui passent de 607 millions d'euros à 1,579 milliard d'euros, ainsi que la part des recettes de la taxe sur les transactions financières affectée à l'aide publique au développement – et plus particulièrement aux priorités climatiques, conformément au souhait du secrétaire général des Nations unies.
Sur le premier point, l'incertitude demeure en ce qui concerne le calendrier d'effacement des créances de la part des pays membres du Club de Paris. En 2014, toutefois, nous estimons que la Somalie, le Zimbabwe, le Tchad, la Côte d'Ivoire et surtout le Soudan – soit plusieurs pays entretenant des relations importantes avec la France – pourraient voir une partie de leur dette effacée. En ce qui concerne le Soudan, le montant de la dette annulée devrait atteindre, sur plusieurs années, 2,2 milliards d'euros.
C'est l'incertitude à laquelle j'ai fait allusion et la présence du Soudan dans la liste qui expliquent l'importance des crédits consacrés au traitement de la dette au sein de l'aide publique au développement.
Cela étant, l'effacement de la dette, en transformant des prêts en dons, donne aux pays concernés la possibilité de voir leur situation financière assainie de façon quasi immédiate. Il a donc un impact réel sur leur développement.
En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, son rendement a été inférieur aux prévisions en raison d'une baisse des volumes de transactions liée à la crise. Toutefois, elle a permis en 2013 de collecter 60 millions d'euros au bénéfice de l'aide publique au développement, une somme qui atteindra 100 millions d'euros l'année prochaine. Sur ce montant, 30 millions seront consacrés au financement du Fonds vert pour le climat. Cela illustre la volonté de la France de mobiliser des crédits en faveur des enjeux climatiques.
M. Marsac a souligné l'importance de la coopération décentralisée : nous avons en effet maintenu, voire très légèrement augmenté les crédits qui lui sont consacrés. Même si les montants concernés sont modestes, cela représente, dans le contexte budgétaire actuel, un signal fort en faveur de ce que Laurent Fabius appelle la « diplomatie des territoires ». L'action de la France, ce n'est pas seulement celle de l'État français, mais aussi celle de tout ce qui fait sa diversité, dont les collectivités locales et la société civile – d'où le doublement de l'aide transitant par les ONG.
Je connais, monsieur le député, votre implication sur les questions de nutrition. Sachez que nous avons modifié cet été la doctrine de l'Agence française de développement en matière agricole et pris l'engagement de doubler la part de ses investissements dans le secteur. Ce faisant, nous luttons contre la malnutrition et la sous-alimentation et nous contribuons à répondre, en Afrique notamment, à la nécessité, due aux évolutions démographiques que chacun connaît, de produire plus, intelligemment et de manière écologiquement soutenable.
Plusieurs orateurs ont évoqué l'objectif de porter le montant de l'aide au développement à 0,7 % du revenu national brut. À ce sujet, je vous renvoie aux propos du Président de la République : dès que la situation économique s'améliorera – et cela a déjà commencé –, nous serons en mesure de rétablir la trajectoire initiale. D'ailleurs, comme le fait apparaître l'indicateur APD – qui, il est vrai, agrège des données très différentes –, notre aide va passer de 0,45 à 0,46 %. Si elle n'a rien de glorieux, une telle progression montre que nous n'avons pas décidé, comme l'ont fait les Pays-Bas ou l'Espagne, de pratiquer des coupes claires dans les crédits consacrés au développement et à la solidarité internationale – songeons qu'en Espagne, leur réduction a atteint 60 %. Au contraire, notre logique est celle de la préservation. Nous sommes pour l'instant contraints de faire des efforts sur le plan budgétaire, mais dès que nous disposerons à nouveau de marges de manoeuvre, nous reprendrons le chemin vers le 0,7 %.
Monsieur Christ, le manque de coordination et le faible pilotage de la politique d'aide au développement faisaient en effet partie des principales critiques formulées par l'OCDE, mais l'Organisation a publié depuis une évaluation des réformes mises en oeuvre en juin dans laquelle elle se montre beaucoup moins négative, allant même jusqu'aux louanges dans certains paragraphes… Je me réjouis de cette évolution, qui montre que la politique de solidarité et de développement fait désormais l'objet, malgré la variété des ministères concernés, d'un véritable pilotage. En particulier, l'État parle d'une seule voix au conseil d'administration de l'Agence française de développement, sur laquelle il exerce pleinement sa tutelle – certains la jugent même trop pesante.
Je suis attentif à vos propos sur la transparence. Une des décisions prises lors du CICID du 31 juillet est justement d'appliquer, dès 2014, les standards de l'IATI dans les seize pays recueillant le plus de dons. La première étape a concerné le Mali, compte tenu de l'installation d'un nouveau gouvernement et des montants en jeu. Le site auquel je faisais référence tout à l'heure n'est pas, sur le plan technique, conforme aux standards de l'Initiative, mais il le sera l'année prochaine, de même que les quinze autres. Il s'agit d'un engagement important : jusqu'à présent, les gouvernements successifs n'avaient pas jugé bon de faire correspondre l'aide française aux standards internationaux en matière de transparence.
Vous avez dit que la taxe sur les transactions financières était détournée de son objet. J'ai conscience qu'une part encore faible de ses recettes – 10 % d'abord, 15 % ensuite – est affectée à l'aide publique au développement. Mais n'oubliez pas que nous partions de zéro ! J'espère que cette part va continuer à augmenter, mais en tout état de cause, nous avons déjà fait un bout du chemin.
D'ailleurs, lorsque l'on affirme, dans les enceintes internationales, que la France a mis en place une taxe sur les transactions financières dont 15 % du produit sont mis au service du développement, on est sûr d'être applaudi. Nous sommes en effet les seuls au monde à l'avoir fait, ce qui est un motif de fierté.
Cela revient un peu au même.
Cela étant, madame Auroi, il est évident que l'usage de cette taxe au niveau de l'Union européenne constitue un enjeu important. Pour l'instant, la France est, avec la Belgique, le seul État qui a affirmé officiellement son souhait de consacrer au développement une partie « significative » des recettes de la future taxe européenne qui doit voir le jour au plus tard au 1er janvier 2014. Il ne s'agit donc pas de convaincre le Gouvernement, puisque sa position est connue, mais plutôt de voir celle-ci adoptée par la majorité des onze pays de l'Union qui ont décidé de mettre en place une coopération renforcée sur ce sujet. Et dans la mesure où les pays concernés ne sont pas nécessairement du même bord politique que nous, j'invite aussi les députés de l'opposition à user de leur influence sur leurs collègues européens.
En ce qui concerne le Fonds vert pour le climat, le chiffre cité par Benoît Hamon, 30 millions d'euros, est juste, mais je précise qu'il ne correspond qu'à la partie des recettes de la taxe sur les transactions financières qui viendra l'abonder, et non à la totalité de la contribution française, dont le montant sera rendu public dans le cadre de la négociation sur le climat.
Je pourrais consacrer des heures à la question de l'articulation entre le développement et le développement durable, qui constitue un des éléments centraux de mon action depuis dix-huit mois. Ainsi, nous avons décidé que tous les investissements de l'AFD dans le domaine agricole devraient respecter les règles internationales destinées à limiter l'accaparement des terres, au nom de la sécurité alimentaire. De plus, 50 % des engagements de l'Agence devront contribuer à réduire le changement climatique. Enfin, l'ensemble des projets présentés au conseil d'administration font désormais l'objet, outre d'un avis financier – car l'AFD, rappelons-le, est une banque –, d'un avis « développement durable » : le conseil pourra refuser un projet, si pertinent qu'il soit du point de vue financier, s'il ne répond pas à cet égard à certains critères. L'idée est de faire de l'Agence un leader dans la recherche d'un nouveau modèle de développement.
La francophonie, monsieur Dufau, ne relève pas directement de ma responsabilité. Mais à chaque fois que c'est possible, il va de soi que notre politique de développement – qu'elle concerne la santé, l'éducation, les infrastructures, la gouvernance ou les relations avec la société civile – contribue à promouvoir la francophonie, parfois de façon implicite. Ainsi, la transformation de l'actuel fonds social de développement en fonds des sociétés civiles du Sud et le recentrage de l'action des ambassades qu'il entraîne auront, de fait, un impact positif sur la francophonie.
Cela étant, la francophonie est, dans ma conception, une francophonie ouverte, plurielle, multiple, complémentaire avec d'autres langues. Les messages adressés, via les réseaux sociaux, aux innovateurs africains dans le cadre du Forum Afrique sont rédigés en français, mais aussi en anglais, voire en swahili, en bambara ou en peul, car ce sont aussi les langues parlées par nos interlocuteurs. C'est ainsi que l'on attirera dans l'espace francophone des gens qui aujourd'hui n'en font pas partie.
Sachez, monsieur Chauveau, que depuis l'année dernière, l'immense majorité des recettes résultant de financements innovants sont fléchées vers des enjeux de santé, à travers Unitaid, le Fonds mondial et un projet qui, à nouveau, nous rend exemplaires à l'échelle mondiale, l'initiative pour l'accès aux soins des enfants du Sahel. Une partie du produit de la taxe sur les transactions financières, à hauteur de 30 millions d'euros, est en effet destinée à faire bénéficier à 2 millions d'enfants de l'accès aux soins, de façon à améliorer leur situation sanitaire et à construire le capital humain sur lequel les pays concernés pourront fonder leur développement. Il s'agit d'une belle initiative, non seulement par son résultat, mais aussi en raison de l'origine de son financement. Nous sommes les premiers à le faire ; l'enjeu est que rapidement, nous ne soyons plus les seuls.
Pour finir, je remercie M. Gaymard et M. Mancel pour les propos qu'ils ont formulés à mon égard. Je crois effectivement que la politique d'aide publique au développement mérite d'être défendue avec énergie. Je compte sur vous pour que la loi que nous allons élaborer ensemble sur le sujet soit la plus ambitieuse possible.
Merci, monsieur le ministre délégué, d'avoir rappelé que l'objectif de 0,7 % n'était pas abandonné. Dès que nous serons sortis des difficultés budgétaires dont nous avons hérité, nous pourrons reprendre la marche destinée à l'atteindre.
De même, vous avez rappelé à juste titre que la France avait été un précurseur non seulement pour l'institution d'une taxe sur les transactions financières, mais aussi s'agissant de son affectation. Lorsqu'une coopération renforcée aura permis de la généraliser à l'échelle européenne, la taxe deviendra ce qu'elle doit être : une source importante de financement de l'aide au développement.
La discussion et le vote en séance publique des crédits de cette mission auront lieu le mercredi 6 novembre.
La réunion de la commission élargie s'achève à vingt-deux heures vingt.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Michel Kerautret© Assemblée nationale