Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur l'Iran et le Sahel
La séance est ouverte à seize heures trente.
Nous avons le plaisir d'accueillir à nouveau M. Laurent Fabius, pour une audition consacrée exclusivement à l'Iran et au Sahel. Afin de permettre les échanges les plus libres possible, cette réunion n'a pas été ouverte à la presse. Grâce à vous, monsieur le ministre, nous allons pouvoir approfondir des sujets qui concernent directement notre sécurité.
Le dossier iranien est sans doute le plus lourd et le plus compliqué. Comme chacun le sait, l'Iran veut entrer dans le club des puissances nucléaires et nous nous y opposons résolument, à l'instar du reste de la communauté internationale. Les rapports les plus récents de l'Agence internationale de l'énergie atomique – AIEA – sont alarmants, et, en tout cas, moins « sympathiques » à l'égard du régime iranien que du temps de M. El Baradei. Le risque de déflagration lié à une telle évolution est évident, compte tenu notamment des réactions potentielles d'Israël ou des États-Unis. C'est donc un sujet explosif et nous sommes d'autant plus demandeurs de vos éclaircissements que les connections entre l'Iran et la Syrie aggravent encore la situation.
Le deuxième sujet sur lequel nous vous entendrons est le Sahel, et plus particulièrement le Mali. Les données du problème sont connues. Nous avons six otages sur place, retenus par AQMI depuis déjà un certain temps, et les agissements terroristes tendent à s'accentuer dans des proportions inquiétantes, grâce à l'argent de la drogue et aux armes venues de Libye. Au-delà des risques encourus par nos otages, nous devons penser aux milliers de ressortissants français qui se trouvent dans la région. De l'Afrique de l'Est à la Mauritanie, le risque d'attentat est considérable, et il y a tout lieu de se réjouir que certains aient été récemment déjoués à Nouakchott. Les répercussions de ces menaces pour la sécurité de notre propre territoire ne sont du reste pas à négliger.
Monsieur le ministre, je vous cède la parole.
Je commence par le sujet « Mali-Sahel ». Depuis quelques semaines – et cela s'est confirmé lors de la réunion du Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali la semaine dernière à Bamako – le dossier évolue plutôt positivement. Les faits sont connus : un Mali coupé en deux, des terroristes au Nord – avec la « maison mère », AQMI, et ses différentes « filiales » et des Touareg qui ne sont nulle part, si l'on raisonne en terme de contrôle effectif du terrain. Au Nord, la situation est marquée par la présence de plus en plus massive d'armes dont beaucoup ont été récupérées en Libye. Les terroristes disposent notamment d'armes sophistiquées dont ils apprennent le maniement.
Comme ils se sont renforcés, en hommes comme en armes, des connections se sont établies, notamment avec les narcotrafiquants et avec d'autres réseaux terroristes, non seulement d'Afrique de l'Ouest mais aussi d'Afrique de l'Est. Par un phénomène d'entraînement, cette petite région est devenue un pôle central du terrorisme.
Au Sud, les relations entre le président de la République et le premier ministre, longtemps dégradées, tendent à s'améliorer et ils travaillent désormais ensemble. Bien qu'il ait fomenté l'attentat qui devait coûter la vie au président malien, le chef de la junte a été réintégré pour superviser la réorganisation de l'armée malienne (FAM) mais ce processus, qui s'inscrit dans la sortie de crise, relève en premier lieu de l'autorité de l'exécutif. Il convient aussi de ne pas négliger la dimension religieuse, et l'influence du Haut conseil islamique, qui a été capable de rassembler plusieurs dizaines de milliers de personnes au stade de Bamako, il y a quelques semaines.
En résumé : au Nord, des terroristes et des Touareg – que je ne mets pas ensemble – et plusieurs villes occupées. À Bamako, un pouvoir qui se remet au travail malgré une armée en débandade. Telle était la situation avant que ne s'opère une bascule lors de la dernière session de l'Assemblée générale des Nations Unies, sur laquelle je reviendrai.
La position de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est compliquée. Son président, M. Ouattara, que vous connaissez, est un homme estimable mais son pays, qui se relève d'une crise aigue, requiert toute son attention. Les médiateurs chargés du dossier sont le président du Burkina Faso et son ministre des affaires étrangères, homme très intelligent mais qui croit encore possible de dégarnir les rangs d'Ansar Eddine par la négociation. Très vulnérable mais très courageux, le Niger est fortement engagé, avec un gouvernement vraiment décidé à lutter. Au Sénégal, le président Macky Sall s'affirme chaque jour.
Le Tchad fait partie de l'Union africaine et non de la CEDEAO, mais sa position est intéressante car il compte des soldats qui ont derrière eux des années de guerre des sables. Et puis, au-delà de l'Algérie que j'évoquerai dans un moment, il y a des pays d'Afrique de l'Est et de l'Ouest dont on n'attendrait pas qu'ils se sentent aussi directement concernés, comme le Nigeria.
C'est dans ces circonstances que nous nous attachons à trouver une solution qui ne peut être qu'internationale, européenne et africaine. Une alchimie s'est faite fin septembre, au moment de la réunion des Nations Unies qui a consacré une session au Sahel. Se sont retrouvés dans une même salle des chefs d'Etat et de gouvernement et là, la bascule s'est faite. Les participants se sont rendu compte qu'il ne s'agissait pas que d'une affaire malienne mais qu'ils étaient tous concernés parce que le continent africain, magnifique continent d'avenir, ne peut tolérer – au Mali ou ailleurs – une alliance du terrorisme, du narcotrafic et des armes. Si tel était le cas, l'on pourrait oublier tout de suite le développement de l'Afrique !
Cette prise de conscience a entraîné des décisions en cascade auxquelles nous avons contribué. D'abord, une résolution du Conseil de sécurité, sous l'empire du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, adoptée à l'unanimité le 15 octobre, ce qui, par les temps qui courent, n'est pas si fréquent. Portée par la France, cette résolution a été, fait exceptionnel, co-parrainée par tous les membres africains du Conseil de sécurité, dont l'Afrique du Sud. La présidente de la Commission de l'Union africaine, Mme Dlamini-Zuma, s'est personnellement impliquée dès sa prise de fonction. Déjà très complète, la R.2071 donne rendez-vous – ce qui est normal – pour une deuxième résolution à 45 jours, alors qu'aura dû être établi un plan d'action général. Dans le même souffle, la désignation par le Secrétaire général de l'ONU d'un coordonnateur, M. Romano Prodi, peut participer du déblocage de la situation. Est également intervenue une décision européenne donnant mission, sous politique de sécurité et de défense commune (PSDC), de préparer la formation des troupes maliennes.
Vendredi dernier, une réunion positive s'est tenue à Bamako, en présence des autorités maliennes, des Nations Unies, de l'Union africaine, de la CEDEAO et de l'Union européenne – laquelle pourrait désigner un représentant spécial. Bien qu'invité, je n'ai pas souhaité y participer car je considère que la France, si elle doit être active, ne doit pas l'être trop.
Plusieurs décisions ont été prises à Bamako, dont la montée en régime de l'Union africaine – laquelle a levé la suspension du Mali – via la production d'un document intitulé « concept stratégique » qui a fait l'objet d'un accord unanime. Ce texte, qui doit être transmis au Conseil de sécurité de l'ONU dans la perspective de la préparation de la deuxième résolution, parle d'une double approche mais je vous indiquerai dans quelques minutes pourquoi je préfère pour ma part parler de triple approche.
Le processus devant mener à la mise en place d'une opération militaire à dominante africaine est désormais lancé et un cycle de réunions de planification est programmé afin de respecter le délai de 45 jours fixé dans la résolution 2071, première adoptée. Par le biais de la PSDC, l'Union européenne se concentrera quant à elle sur la remise à niveau des capacités opérationnelles de l'armée malienne.
Tout cela est positif à plus d'un titre : la centralité du Mali est reconnue, l'Union africaine intervient de plus en plus, les échéances fixées par le Conseil de sécurité sont respectées et l'Union européenne s'engage.
Au plan bilatéral, nous sommes décidés à reprendre à terme notre coopération militaire, après avoir évalué les capacités résiduelles de l'armée malienne.
En quelques semaines, la situation a donc évolué positivement. Cependant, tout reste à faire et les obstacles sont innombrables.
Dans la nouvelle phase qui s'engage, le rôle de la France doit évoluer et il doit être clair que les opérations relèvent en priorité des Africains. Cela ne signifie pas que nous ne suivrons pas ce dossier avec la plus grande attention. Mais, dans la phase opérationnelle concrète, ce sont les Africains qui doivent assurer le leadership.
D'autre part, il ne faut jamais oublier le sort des otages. Il faut essayer de les récupérer, mais sans donner prise au reproche qui nous a déjà été fait, sous la forme du dernier communiqué du chef d'AQMI qui indique que si nous montons au Nord, les otages en pâtiront. Toutefois, l'argument se retourne car, pour ces brigands, la valeur marchande d'otages vivants est sans équivalent.
Comme je le disais tout à l'heure, à mes yeux, l'approche ne doit pas être double mais triple. Il faut d'abord une opération sécuritaire, à la fois pour renforcer les troupes maliennes et les mettre en situation le moment venu. Ensuite, il y a le volet politique : le pouvoir de Bamako doit être bien établi, il faut discuter avec ceux du Nord avec lesquels nous pouvons le faire - ceux qui récusent le terrorisme et acceptent le principe de l'intégrité du territoire malien. Au passage, je note que nous sommes d'accord à ce sujet avec les Algériens, ce qui est très important. Enfin, il y a la dimension « aide au développement » et action humanitaire car ces événements ont entraîné l'exode de centaines de milliers de personnes au Sud, encore plus démunies que les réfugiés syriens, même si l'attention des médias n'est pas tournée vers elles.
Dans ce processus, la France sera présente directement et indirectement, sans trop apparaître. S'agissant du volet proprement militaire, je me refuse à donner des dates. Nous ne sommes pas maîtres du calendrier. Plus les Africains feront de travail, mieux cela sera. Quant à nous, nous avons plutôt vocation à jouer un rôle de facilitateurs.
J'en viens aux élections, qui ne constituent pas l'aspect le plus simple du dossier. Plusieurs pays, dont les États-Unis, veulent la tenue d'élections. Soit, mais à quel moment ? Demander aujourd'hui à AQMI de contrôler les urnes n'aurait pas grand sens ! Mais je ne nie pas que le processus politique soit indispensable. Il y a un problème d'enchaînement des événements : il faut que les négociations soient suivies d'élections mais, en même temps, reprendre les villes occupées par AQMI.
Je m'attarde un instant sur la position de l'Algérie. Nous avons une discussion confiante avec les Algériens et ils ont déjà bougé. Très touchés par le terrorisme durant de trop longues années, ils connaissent bien AQMI et ils considèrent avec raison que s'il faut aller au nord du Nord, il ne faut certainement pas doubler le conflit réel d'un conflit ethnique entre Africains noirs et arabes.
Nous allons demander aux Algériens de contrôler leurs frontières pour que, le moment venu, AQMI soit neutralisé sans se déplacer on ne sait où.
Voilà où nous en sommes. Je veille à ne pas mettre la France trop en avant. Nous luttons contre le terrorisme, le narco-terrorisme, l'intégrisme, etc. Les Africains sont les premiers concernés. Nous sommes très présents mais sans bomber le torse.
J'en viens au dossier iranien et, plus précisément, à la nature de la menace. Tout indique que ce que fait l'Iran ne s'expliquerait pas s'il n'avait pas décidé de se doter de l'arme atomique. Si le pays a droit au nucléaire civil, la communauté internationale considère qu'une évolution vers le nucléaire militaire serait inacceptable en ce qu'elle constituerait un élément de dissémination gravissime compte tenu de la région considérée et de la nature du régime en place. Quoi qu'il en soit, on constate une augmentation du nombre de centrifugeuses et de l'enrichissement d'uranium. Récemment, le comité directeur de l'AIEA a d'ailleurs adopté une motion indiquant que l'Iran allait vers le nucléaire militaire.
Dans ces conditions, nous avons retenu une double approche qui consiste, d'une part, à négocier avec les Iraniens et, d'autre part, à prévoir des sanctions pour les inciter à évoluer. Sur la proposition de la France, l'Union européenne a prévu la semaine dernière un deuxième train de sanctions, plus dures, en vue d'inciter les Iraniens à négocier. Mais, pour le moment, rien ne bouge. Or la seule bonne solution, c'est de négocier pour que les Iraniens renoncent à l'arme atomique. Un autre cycle de négociation est du reste prévu au mois de novembre, dans le cadre du groupe 5+1 dont l'unité reste notre meilleur atout.
Le premier ministre israélien ayant avancé la date des élections, la campagne électorale risque de se focaliser sur ces enjeux. Si la négociation n'aboutit pas, la majorité qui sortira des urnes israéliennes va exiger des garanties pour que ne soit pas franchie la ligne rouge évoquée par M. Netanyahu aux Nations Unies. Une fois passée l'élection américaine, des discussions devront s'engager pour déterminer une direction. La France est l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et sa voix doit donc porter sur la scène internationale.
Nous disposons d'une certaine évaluation – forcément fragile – de ce qui pourrait se passer si l'Iran était attaqué de manière préventive. L'ampleur des réactions fait l'objet de nombreuses hypothèses mais, quelles qu'elles soient, elles seraient tout de même redoutables, notamment au plan économique. Des mouvements affectant Israël et les pays du Golfe seraient inévitables et il faudrait anticiper la position du Hezbollah. La position de la France est de faciliter autant que faire se peut les négociations. Les Iraniens doivent bouger et si par malheur tel n'était pas le cas, les conséquences seraient redoutables. Pour le moment, nous n'en sommes pas là.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir été aussi clair que direct.
S'agissant du Sahel, notre Commission a constitué un groupe de travail et François Loncle avait déjà beaucoup travaillé sur ce sujet au cours de la précédente législature. Nous n'avons pas encore de groupe de travail consacré à l'Iran mais nous n'excluons pas d'en créer un.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cet exposé si transparent, qui me donne tout de même l'impression que nombre de décisions restent suspendues au résultat des élections américaines. Ne négligeons pas le fait que, d'ici une quinzaine de jours, les choses risquent de se profiler de façon différente.
Il y aurait beaucoup à dire sur l'Iran mais je concentrerai mon propos sur le Mali et le Sahel, ne serait-ce que parce qu'ils se trouvent davantage dans notre zone d'influence traditionnelle et que l'on attend beaucoup de la position française.
Vous n'avez pas pu être très prolixe sur la nature de ce que serait, si elle devait se préciser – ce qui est probable –, une intervention française de soutien logistique. Au reste, je partage tout à fait votre choix de ne pas mettre la France en première ligne. S'il ne s'agit pas de rester en retrait, la France ne doit pas être trop active. Sachant que des militaires français travaillent sur la question, pouvez-vous préciser quelle serait la nature de l'intervention française ?
Dans quelle mesure associerions-nous nos partenaires européens, comme nous avions su le faire au Tchad ou dans le cadre de l'opération « Atalante » ? Quelle est la position des États-Unis ? Vous vous êtes peu exprimé à ce sujet ; avez-vous au moins pris contact avec l'administration américaine ? Les élections du 6 novembre prochain gèlent-elles toute initiative des États-Unis ? Par ailleurs, êtes-vous entré en relation avec la Libye, d'où proviennent un grand nombre des armes utilisées ? Quelles relations entretenez-vous avec « l'exécutif libyen », si l'on peut s'exprimer ainsi ?
Le Qatar entretient les meilleures relations avec la France, le Président de la République recevant amicalement ses dirigeants. Or la presse nous apprend que les organisations qui sèment la terreur au Sahel en vue d'en prendre le contrôle, ont l'appui financier des Qatari. Avez-vous abordé le sujet avec les représentants du Qatar ?
Nous notons l'intérêt porté aux offres américaines de soutien en cas d'intervention dans la région du Sahel : que pensez-vous de cette incursion dans une région où nos amitiés et nos intérêts demeurent – et doivent demeurer – très importants ? Estimez-vous que le bilan des interventions américaines en Irak ou dans d'autres pays de tradition majoritairement musulmane permette d'être optimiste quant à l'efficacité d'un tel soutien ?
J'en viens à nos otages. Il se trouve qu'indirectement, j'ai de la famille proche de l'un d'entre eux, et les entourages redoutent qu'ils ne soient un peu oubliés, même si je m'emploie à leur affirmer le contraire. Pouvez-vous nous donner quelques nouvelles, au moins sur leur état de santé ? Y a-t-il un espoir de libération à plus ou moins brève échéance ?
Monsieur le ministre, je partage largement votre point de vue sur AQMI mais je ne vous ai pas entendu parler du Maroc : quelle est sa position, sachant par ailleurs que ce pays est le principal fournisseur de cannabis en France ?
S'agissant de l'Iran, vous prônez la négociation, mais que se passera-t-il s'il se dote de l'arme nucléaire dès le printemps prochain, comme le donnent à penser certains indices ? Je ne crois absolument pas à une solution militaire, ni en Iran ni en Syrie. Je crains en revanche un embrasement généralisé. Compte tenu de la ressource pétrolière, des frappes en Iran créeraient des centaines de milliers de chômeurs partout dans le monde. Le gel de la fourniture de pétrole aurait des conséquences inimaginables et risquerait de se propager aux autres pays de la région, dont l'Arabie saoudite. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
On comprend bien que le Premier ministre israélien a avancé les élections pour se donner des marges de manoeuvre d'ici le printemps prochain, en vue d'une éventuelle intervention, mais je répète que je ne crois pas du tout à la « solution » militaire. Le sort réservé à Saddam Hussein – dont je m'empresse de dire que je ne le regrette pas – n'a rien réglé en Irak.
Ce que je déplore, c'est que l'on n'entende pas une voix forte de la France, portée par le Président de la République, sur la scène internationale. A l'ONU, il n'a parlé ni de la colonisation que subit la Palestine ni des atteintes au peuple palestinien. Je le regrette. Force m'est d'admettre que la majorité précédente avait posé des actes forts, avec la reconnaissance de la Palestine à l'UNESCO et son accession au statut d'État associé aux Nations Unies. Un recentrage diplomatique et politique de la France sur la question palestinienne, exprimé en termes forts, me semble donc indispensable.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, la faiblesse du pouvoir politique et militaire au Mali. Le paradoxe, c'est que les institutions fonctionnent : l'assemblée nationale se réunit, nous recevons souvent le président de l'association des municipalités maliennes, les régions sont en ordre de marche même si les recettes – notamment celles de la taxe de développement régional et local – peinent à rentrer. Hier encore, l'agglomération de Bamako a reçu un don de 13 millions d'euros de la communauté urbaine de Lyon au titre de la solidarité, même si le Président admet qu'il y a des faiblesses.
Compte tenu de l'Histoire, la France est concernée au premier chef par un règlement le plus rapide possible des conflits locaux. Je ne reviens pas sur les aspects stratégiques que vous avez présentés. En ce qui concerne l'aide au développement, nous avons reçu ici le directeur de l'Agence nationale d'investissement des collectivités territoriales, et il demandait à ce que cette activité reprenne. S'agissant des réfugiés et des personnes déplacées, les collectivités françaises se mobilisent, notamment les villes de Lyon et d'Angers. Partout où cela est possible, le partenariat humanitaire doit être relancé. Le Mali est le pays d'Afrique subsaharienne où nous avons noué le plus d'actions de coopération et il serait bon que votre ministère les soutienne autant que faire se peut.
Lorsque M. Henri Plagnol et moi-même avons présenté à la Commission notre rapport d'information sur la situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne, il y a six mois, les services que nous avions consultés estimaient à 300 le nombre de terroristes permanents dans la région. On estime qu'ils seraient maintenant plus de 5 000 ; entre-temps, il y a eu la guerre en Libye… La presse a par ailleurs fait état, il y a quelques jours, de l'arrivée d'une très importante colonne de salafistes lourdement armés, en provenance de Libye ; ces informations sont-elles exactes ? Comment endiguer ces flux ?
Vous avez mentionné plusieurs mouvances, qui forment un cadre complexe ; estimez-vous possible une négociation avec certaines ? On reproche parfois au Président Blaise Compaoré de privilégier la négociation ; on se gardera d'oublier qu'il est aussi médiateur pour les otages de toutes nationalités, et qu'il a obtenu, il y a quelques années, la libération d'otages espagnols et canadiens. Enfin, alors que le Président de la République va se rendre en Algérie, pays qui occupe une position clef dans la résolution de la crise au Sahel, quels points de désaccord persistants pourraient être surmontés ?
L'Iran, c'est la chronique d'un désastre annoncé, puisque les négociations durent depuis des années sans aucun progrès, et que les Iraniens continuent de progresser dans la fabrication de matériel nucléaire militaire ; quant à « l'unité » européenne à propos des sanctions, et donc de leur respect, elle suscite les plus grands doutes. Il reste aussi à savoir qui décide de quoi en Iran, et avec qui l'on discute. Enfin, alors que les manifestations contre la France se multiplient, principalement à Téhéran, quelles mesures de sécurité ont été prises pour nos représentants ? Peuvent-ils encore exercer leurs missions correctement ?
Je constate également que les négociations avec l'Iran ont été engagées il y a longtemps, sans que l'on réussisse à ralentir le processus d'acquisition de l'arme nucléaire par l'Iran. Une nouvelle phase pourrait s'ouvrir en mars 2013 ; si la négociation n'aboutit pas et si les élections aux États-Unis ne changent pas la donne, Israël pourrait intervenir. Il y a eu des précédents – la destruction du réacteur Osirak en Irak et celle de la centrale syrienne de Dayr a-Zawr le 6 septembre 2007 – mais dans le cas iranien, étant donnée la dispersion des sites et le fait qu'ils soient enterrés, une attaque serait beaucoup plus compliquée à mener. À cela s'ajoute que si les Iraniens décidaient en représailles de bloquer le détroit d'Ormuz où transite la moitié du pétrole du Moyen-Orient, les conséquences économiques qui s'ensuivraient seraient périlleuses. On ne peut donc s'attendre, cette fois, à une attaque « tranquille » ; quels sont alors les scénarios prévus ?
Je suis tout aussi sceptique que M. Philippe Cochet à propos des négociations avec l'Iran ; rien n'ayant été obtenu à ce jour, la date butoir de mars 2013 n'est-elle pas déjà dépassée depuis longtemps ? Au sujet du Sahel, pensez-vous qu'une force africaine efficace puisse être formée dans le bref délai qui reste avant le vote de la deuxième résolution ?
Pour ma part, je ne crois pas possible que les pays membres de la CEDEAO puissent disposer si vite d'une force d'intervention crédible – surtout si les Algériens mettent des conditions à la composition de l'armée. M. François Loncle a mentionné des salafistes arrivés de Libye, mais l'on parle aussi de djihadistes venus en nombre de Tindouf, ce qui ne manque pas de surprendre. Sachant l'extraordinaire croissance du budget militaire de l'Algérie depuis dix ans – le premier de toute l'Afrique -, il est permis de douter qu'elle peine tant à contrôler ses frontières. Pensez-vous, monsieur le ministre, que l'Algérie continuera d'écarter toute intervention militaire et de soutenir la recherche du consensus en vue d'une sortie de crise pacifique dont on voit mal qu'elle puisse exister, même à moyen terme ?
La France est directement visée par les déclarations d'intégristes des pays du Maghreb, et nos compatriotes, au Mali et dans d'autres États de la région, m'ont fait part de leurs graves préoccupations. Pour éviter de mettre en danger la communauté française établie dans les pays considérés, nos responsables politiques doivent, me semble-t-il, éviter tout discours va-t-en-guerre et souligner avec force que, dans la crise qui secoue le Sahel, la France vient en appui logistique, sans avoir l'arrogance ni la prétention de régler le problème à la place des Africains. Sur un plan pratique, a-t-on commencé de concevoir un dispositif d'alerte renforcée rapide pour nos compatriotes résidant dans les pays considérés ? Sur un plan général, ne faut-il pas rendre visible une stratégie de développement de long terme ? L'intervention militaire déstabilisera la sous-région, qui doit bénéficier de coopérations renforcées ; l'appui de la France à l'intégration économique de la région doit être manifeste. Enfin, ne peut-on chercher à obtenir de l'Algérie l'engagement simple que les vannes seront coupées à Tamanrasset, où les principales factions s'approvisionnent en carburant ? Faute de temps, hélas, je ne dirai rien sur l'Iran.
Chacun s'inquiète de l'attitude de l'Iran qui, depuis des années, dit vouloir rayer Israël de la carte et joue au chat et à la souris avec les experts de l'AIEA. Quel argument-miracle mettra fin à tout cela en cinq mois ? Quand on voit les manoeuvres israélo-américaines conjointes, on peut s'attendre au pire ; pourtant, ce n'est pas ce que veulent les populations considérées.
J'ai été très étonnée par les déclarations de M. Hervé Morin, ancien ministre de la défense ; il me semblait que, traditionnellement, en cas de crise, le consensus républicain prévaut pour ne pas mettre en cause la politique étrangère du Gouvernement. Je suis très satisfaite des conclusions du Conseil européen relatives à la reprise de la coopération militaire avec le Mali, mais elle est conditionnée par la définition d'une feuille de route. Selon quel calendrier se fera-t-elle ? Sur un autre plan, on sait que des discussions ont lieu entre l'Algérie et Ansar Eddine, entre le Burkina-Faso et le Mujao, entre la Mauritanie et le MNLA… Mais ces négociations ne devraient-elles pas faire l'objet d'assises nationales ?
Je regrette de ne pas connaître la teneur des propos de M. Hervé Morin, qui ne sont pas parvenus au fond de l'Auvergne…
On me rapporte que M. Hervé Morin a jugé qu'une intervention dans le nord du Mali, soutenue par la France, serait « difficile à mener » et « dangereuse pour nos otages », ajoutant que « les moyens militaires que la France peut mettre [en oeuvre] sont très limités » et s'interrogeant sur « la capacité des États africains à mettre en place une force d'intervention digne de pouvoir porter des coups ». « La capacité de soutien de la France est en fait limitée », a-t-il indiqué, évoquant « une opération difficile à mener » sur « des espaces qui sont plus grands que la France ». « Il y a un affichage ; la réalité sera probablement beaucoup plus compliquée qu'on veut bien le raconter », a-t-il conclu.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir permis de prendre connaissance des propos éclairants de l'ancien ministre de la défense.
À propos de l'Iran, je m'interroge : au nom de quoi peut-on interdire à ce pays de se doter de l'arme nucléaire ? La communauté internationale n'est intervenue ni pour Israël, ni pour le Pakistan, ni pour l'Inde, ni pour la Corée du Nord ; une seule intervention a eu lieu : en Irak, dans un pays qui n'était pas en situation d'avoir l'arme atomique. Selon les informations dont vous disposez, l'Iran veut fabriquer une arme nucléaire, mais la fabriquer ne signifie pas l'utiliser, même si les Iraniens disent vouloir détruire Israël – ce que d'autres États ont dit aussi. Je ne peux croire que le peuple persan puisse souhaiter utiliser l'arme atomique sans savoir que cela entraînera la destruction d'une civilisation. Il y a quelques années, on annonçait déjà une intervention israélienne contre l'Iran ; l'« imminence » d'une attaque israélienne, en mars 2013, doit-elle être estimée à la même aune ?
Comme l'a souligné M. Michel Terrot, l'Algérie a le plus gros budget militaire de l'Afrique et, avec 400 000 hommes dont 170 000 dans l'armée de terre, son armée est plus nombreuse que la nôtre. Monsieur le ministre, vous souhaitez renforcer notre diplomatie économique ; or, les pays fournisseurs de l'Algérie en matière militaire sont multiples, mais la France n'en fait pas partie.
Envisage-t-on réellement de constituer une force militaire rassemblant des troupes venues des pays voisins du Mali et quelle capacité a, selon vous, l'armée malienne à se structurer ? Dans un autre domaine, il y a un aspect baroque aux contacts noués par les responsables du Burkina Faso, dont on tend à penser que les stratégies diffèrent des nôtres, et par les dirigeants de Mauritanie, pays dont certains analystes expliquent qu'il sert de base de repos pour les djihadistes d'AQMI éprouvés par les combats au Mali… Enfin, quels dispositifs sont prévus pour assurer la sécurité de nos ressortissants en cas d'aggravation de la crise ?
Vous m'avez interrogé, monsieur Poniatowski, sur les schémas d'une éventuelle intervention française au Sahel. Nous travaillons avec le ministre de la défense à différents scénarios pensés en fonction des forces africaines disponibles et des adversaires à affronter. Nous souhaitons être impliqués le moins possible, mais il est prématuré à ce stade de dire le rôle qui nous sera réservé. Le délai de 45 jours entre la première et la seconde résolution du Conseil de sécurité sert à des consultations visant à définir quel type d'opération serait choisi.
L'administration américaine a exprimé très fermement la nécessité de lutter contre les entreprises terroristes menées au Sahel mais, comme pour la Syrie, elle ne souhaite pas en dire davantage avant les élections, et elle demande que les modalités d'une éventuelle intervention armée soient précisées ; nous en sommes d'accord.
Je me rendrai prochainement en Libye, où j'ai été invité à prendre la parole devant le Congrès national. En matière de sécurité, de grandes marges de progression sont encore possibles dans ce pays où prospèrent des milices et qui, pour s'être doté d'un président et d'un premier ministre, n'a pas encore des institutions très assurées. Les armes y circulent en outre en nombre considérable ; Mouammar Kadhafi en avait accumulé bien davantage encore que nous ne l'imaginions.
Monsieur Rochebloine, nous avons interrogé les responsables qataris au sujet des allégations dont vous avez fait état, et leur réponse a été négative ; nos services ont confirmé, après vérification, qu'il n'en est rien.
Je pense que nous sommes tous d'accord ici sur le bilan des interventions menées par les États-Unis en Irak.
Le Président de la République et moi-même avons rencontré les familles des otages français détenus au Mali et le centre de crise du Quai d'Orsay est en contact régulier avec elles. Je n'ai pas l'impression qu'elles aient le sentiment d'être oubliées, car elles savent ce que nous faisons quotidiennement, mais elles sont extrêmement inquiètes, comme nous le serions tous en pareille situation. Nous voulons la libération des otages et nous agissons pour cela ; nous voulons aussi que le Mali soit libéré du terrorisme, et personne ne subordonnerait l'un de ces objectifs à l'autre.
La première plaque tournante du trafic de stupéfiant, monsieur Asensi, est la Guinée-Bissau. La drogue arrive sur les côtes d'Afrique de l'Ouest depuis l'Amérique du Sud et l'Amérique centrale ; une partie traverse ensuite le Sahel vers l'Afrique de l'Est, l'autre est acheminée vers l'Europe. Les sommes en jeu sont gigantesques. La France et les organisations internationales sont de plus en plus préoccupées par ce mal absolu.
Nous pensons tous que pour régler la question de l'Iran, l'option militaire, qui conduirait à un embrasement généralisé, n'est pas une solution. Nous travaillons à l'éviter, mais la France ne peut à elle seule contraindre les Iraniens. Les conséquences économiques, en particulier, d'une frappe militaire seraient redoutables.
La France est l'un des pays les plus engagés dans la défense des Palestiniens et nous entretenons des contacts réguliers avec M. Mahmoud Abbas ; peut-être nos déclarations devraient-elles être plus musclées mais, au-delà des mots, nous agissons.
Nous en sommes d'accord, monsieur Chauveau, il faut relancer la coopération avec le Mali. Pour ce qui est de la coopération militaire, c'est en train de se faire ; la coopération civile reprendra dès que les autorités maliennes auront achevé l'élaboration d'une Feuille de route , mais l'on peut commencer, non pas en se rendant au Nord du pays, ce qui serait irresponsable, mais en aidant les communes.
Vous vous interrogez, monsieur Loncle, sur le nombre de terroristes présents au Nord du Mali. Les chiffres que l'on m'a donnés varient en effet selon les sources, et ceux qu'avancent les spécialistes sont plus importants que ce que l'on m'avait dit quand j'ai pris mes fonctions. J'ai demandé aux services de vérifier les informations relatives à des flux de salafistes et de djihadistes parues dans la presse ; ils ne les corroborent pas pour le moment.
Peut-on négocier avec certaines des mouvances impliquées au Nord du Mali ? Il faut négocier, mais aux conditions que je vous ai dites : uniquement avec des interlocuteurs qui ne plaident pas, ou plus, en faveur de la sécession d'une partie du Mali, et qui récusent explicitement le terrorisme ou la violence. De nombreux Touaregs sont dans ces dispositions d'esprit, et nous pensons que certains éléments peuvent peut-être être récupérés dans d'autres organisations qui sont là par opportunisme.
Certains dirigeants, servant d'intermédiaires, sont par définition entre les deux parties. J'ai toutefois le sentiment, étayé par des éléments précis, qu'au-delà du rôle qu'ils se sont arrogé ou qui leur a été attribué, ils pensent pour certains que leur propre pays se sortira mieux de cette crise s'ils cultivent l'ambiguïté. La prudence s'impose donc.
Ce serait une grave erreur de faire expressément de la situation au Sahel le sujet central du voyage du Président de la République en Algérie. La question sera certes abordée, mais l'objectif de ce voyage est de traiter des relations économiques, culturelles et de visas entre l'Algérie et la France, non de faire changer qui que ce soit d'avis.
Qui décide de quoi en Iran ? Je ne pense pas, monsieur Cochet, qu'il faille s'intéresser particulièrement à M. Mahmoud Ahmadinejad – il n'est pas au centre du pouvoir, qu'exercent le Guide et ses aides, lesquels ne sont pas plus modérés que lui. M. Saïd Jalili, le négociateur en chef du dossier nucléaire iranien, joue un rôle grandissant dans l'appareil d'État. Et, quoiqu'il en soit, je ne pense pas que le pouvoir iranien s'inspire directement de ce que souhaite la population.
J'ai réduit le nombre de nos diplomates présents en Iran ; notre aperçu de ce qui s'y passe est de ce fait plus limité, mais je ne suis pas persuadé que maintenir sur place cinq diplomates supplémentaires nous donnerait accès aux secrets iraniens.
Il ne faut pas tenir mars 2013 pour une date précise, monsieur Giacobbi. Une intervention israélienne en Iran, pour les raisons que vous avez dites, serait plus compliquée que ne le furent les attaques contre Osirak et en Syrie. Plusieurs scénarios sont possibles. Il existe une différence d'appréciation entre les États-Unis et Israël au sujet du point de bascule. Pour Israël, ce moment est celui où les Iraniens seront capables de posséder l'arme nucléaire ; pour les États-Unis, c'est le moment où ils la posséderaient – le Président Obama a récemment déclaré qu'il ne laisserait pas les Iraniens avoir l'arme nucléaire.
M. Mariani s'est interrogé sur l'utilité de poursuivre les négociations avec l'Iran. Pour l'instant, il n'y a pas d'avancées, c'est vrai, alors même que les sanctions déjà prises coûtent 52 milliards de dollars à l'Iran chaque année. Comme dans toute crise de ce genre, si progrès il y a, ils auront malheureusement lieu au tout dernier moment. Je suis aussi dubitatif que vous l'êtes, mais je considère que nous devons utiliser tous les moyens : négociation et sanctions.
Oui, le délai est bref pour former une force africaine efficace ; c'est pourquoi je me suis gardé de fixer la date d'une intervention éventuelle. Des forces existent dans les pays voisins, mais les forces maliennes sont très faibles et nous devons en tenir compte.
M. Terrot s'est demandé si l'Algérie acceptera d'intervenir militairement. Si, déjà, elle contrôlait ses frontières, ce serait très utile.
Personne, monsieur Assouly, n'a d'argument miracle à faire valoir ; pour autant il ne faut pas renoncer à tout essayer. Quant aux manoeuvres conjointes américano-israéliennes, elles étaient prévues de longue date et il ne faut pas en tirer de conclusions particulières.
Madame Dagoma, je vous remercie de nous avoir permis de prendre connaissance des déclarations de M. Hervé Morin. C'est au moment du vote de la deuxième résolution du Conseil de sécurité que la feuille de route sera fixée. L'hypothèse d'assises nationales au Mali peut être interprétée diversement : si elles sont l'occasion pour le pouvoir de discuter avec les parties prenantes, c'est une bonne chose, mais si elles donnent l'occasion à l'opposition de renverser le Gouvernement, la situation n'aura guère progressé. Je comprends donc que le Président et le Premier ministre maliens se donnent le temps de la réflexion.
Vous vous demandez, M. Bacquet, au nom de quoi on peut interdire à l'Iran de se doter de l'arme atomique. La réponse est simple, elle tient aux obligations de Téhéran qui a signé le Traité de non prolifération et aux risques que, si l'on accepte que l'Iran ait l'arme nucléaire, non seulement il pourra s'en servir mais d'autres pays de la zone pourraient vouloir s'en doter ; on ne peut dire que cela assurerait la paix. Le raisonnement classique qui sous-tend la logique de la dissuasion ne vaut pas dans ce contexte précis, chacun en comprendra les raisons.
La coopération militaire entre la France et l'Algérie a été impossible pour l'instant, mais il n'est pas interdit de l'envisager ; j'en ai moi-même discuté avec le Président Bouteflika. J'ai lu que l'Algérie demanderait la signature d'un traité d'amitié avec la France ; c'est inexact. Le président Bouteflika ne le souhaite pas, car il sait que le terme serait source de débats sans fin. Ce que demandent les Algériens, c'est un partenariat.
Monsieur Baumel, des forces militaires existent au Sénégal, au Niger, au Tchad, en Mauritanie… Il est vrai aussi que l'engagement de certains pays est encore à affermir. Enfin, un plan d'urgence a bien été mis au point pour renforcer la sécurité de nos ressortissants en cas de crise grave.
La séance est levée à dix-huit heures.