COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Mardi 14 avril 2015
La séance est ouverte à onze heures dix.
(Présidence de Mme Gisèle Biémouret et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l'audition, ouverte à la presse, sur « la dette des établissements publics de santé » de MM. Éric Manoeuvrier, président de la Mission d'accompagnement régionale à la tarification à l'activité (MARTAA), et Daniel Le Ray, coordinateur.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Éric Manoeuvrier, président, et à M. Daniel Le Ray, coordinateur de la Mission d'accompagnement régionale à la tarification à l'activité (Mission MARTAA).
La MECSS souhaite faire le point sur l'endettement des centres hospitaliers et sur les difficultés actuelles à financer les investissements. Au cours de nos auditions, nous nous sommes interrogés sur les ressources extérieures dont pouvaient disposer les hôpitaux pour être conseillés dans leur stratégie d'investissement.
Le devoir de conseil des banquiers semble avoir été défaillant compte tenu de la souscription de nombreux emprunts toxiques. Comment mieux armer les établissements hospitaliers pour négocier au mieux avec les banques et prendre les bonnes décisions de financement des investissements ? Dans la formation des équipes de direction, voyez-vous des points à améliorer, notamment sur les aspects de gestion financière ?
Je vous laisse la parole pour nous présenter votre démarche de conseil auprès des établissements et nous livrer votre analyse. Dans un deuxième temps, nous vous poserons des questions pour essayer de trouver des pistes d'amélioration.
Outre mes activités comme président de la mission, je suis directeur des affaires financières et des systèmes d'information au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes.
Outre mes activités comme coordinateur de la mission, je suis adjoint au directeur des affaires financières et des systèmes d'information au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, où je suis également en charge du contrôle interne, comptable et financier, ainsi que de la certification des comptes.
Notre mission est née en 2005, à l'occasion de la mise en place de la tarification à l'activité (T2A). À la demande des fédérations hospitalières, l'agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire voulait en effet que les établissements de santé puissent bénéficier de l'appui d'une structure capable de les aider à passer ce cap et à réaliser ce que d'aucuns ont appelé un changement de paradigme. Pour la diffusion du codage, un médecin en charge du département d'information médicale (DIM) travaille ainsi pour la mission à raison d'un demi-équivalent temps plein travaillé. Un contrôleur de gestion aide en outre les établissements de santé, à raison d'un équivalent temps plein travaillé, à parfaire leur maîtrise des nouveaux outils financiers.
Initialement localisée au centre hospitalier de Challans (Vendée), la mission fut recentrée en 2007 au CHU de Nantes. Comme établissement de grande taille, il dispose d'une direction du contrôle de gestion dont l'activité permet de réaliser des économies d'échelle grâce à la mutualisation des compétences. Les axes de travail de la mission sont consignés dans un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) entre le CHU et l'ARS, qui lui apporte son soutien financier. La mission ne jouit pas de la personnalité juridique. Son comité de gestion, qui rassemble les fédérations hospitalières et l'ARS des Pays de la Loire, fait le point régulièrement sur ses activités.
La MARTAA est fondée sur quelques principes simples. Elle assure une veille documentaire, économique et technique au profit des établissements de santé. Son site Internet est un lieu d'information et de conseil. Récemment remodelé, il est très largement consulté, tant au niveau régional que national. La mission apporte des réponses concrètes et immédiates aux demandes des établissements de santé. Ce sont les plus petits qui la sollicitent de préférence, mais une interaction existe aussi avec les établissements plus grands, notamment dans le domaine de la certification des comptes. La mission porte également au niveau national ses travaux en matière de comptabilité analytique.
De manière générale, elle joue un rôle de facilitateur, à l'interface entre l'Agence régionale de santé et les établissements de santé. Jouissant à la fois de la confiance de l'une et des autres, suscitant même leur adhésion, elle réalise un travail que l'Agence régionale de santé n'aurait pu prendre en charge avec ses propres moyens. Elle occupe une position à mi-chemin entre les acteurs de santé et l'autorité de tutelle. Cette absence de démarche hiérarchique se retrouve par exemple dans les dispositifs de politique générale de sécurité des systèmes d'information du domaine de la santé (PGSSI-Santé).
La mission dispose d'une petite équipe relativement étoffée. Forte de presque six équivalents temps plein, elle suit plus de cent cinquante établissements de santé publics et privés. Pour l'heure, seuls les établissements de la Fédération hospitalière de France (FHF) et ceux de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) participent à cette démarche coopérative. Mais peut-être les établissements de la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France (FHP) y seront-ils plus intéressés, quand les travaux s'étendront au développement d'un schéma régional d'investissement.
Quand vous évoquez les établissements de la FEHAP, englobez-vous les établissements médico-sociaux ?
La MARTAA est plus spécifiquement en charge du secteur sanitaire. Mais l'Agence régionale de santé a structuré une mission d'appui régionale au secteur social (MARS) comparable à la MARTAA. Les deux missions coopèrent du reste étroitement et partagent leur personnel. Le délégué régional de la FEHAP s'implique également dans les activités des deux missions.
L'équipe de la MARTAA bénéficie d'un financement négocié avec l'ARS. Il a évolué au fil des années en fonction des différents projets et missions confiés à notre structure. Le budget prévisionnel annuel atteint ainsi environ un demi-million d'euros en 2015, sur lesquels sont financés nos sept axes de travail et de coopération.
L'ARS a souhaité dès le départ que la mission travaille non seulement à la certification, mais aussi à la fiabilisation des comptes, au profit non seulement des six établissements de santé devant faire l'objet d'une certification, mais encore de l'ensemble des soixante établissements du ressort de la mission. Mais le groupe de travail dédié, où chaque établissement envoyait deux représentants, prenait une ampleur trop importante. Aussi un comité restreint a-t-il regroupé deux grands centres hospitaliers et cinq référents départementaux pour chacun des départements de la région des Pays de la Loire. Ce « G7 » se fait ensuite le relais des thématiques et des directions de travail de la mission auprès des établissements qui ne sont pour l'instant pas certifiables.
Les référents régionaux de l'ARS et la direction régionale des finances publiques (DRFIP) participent systématiquement aux réunions trimestrielles de ce groupe de travail restreint, auquel assistent aussi les trésoriers des établissements de santé. Une habitude de mutualisation s'est ainsi créée, qui a pu être étendue à d'autres secteurs d'activité et se prolonger au-delà des deux à trois ans initialement prévus.
Le coût de cette opération se limite à 126 000 euros, car le cabinet d'analyse comptable (CAC) retenu par appel d'offre rend le même service pour les six établissements certifiables qu'il le ferait pour un seul d'entre eux.
Je précise seulement que les CHU d'Angers et de Nantes ont développé un accompagnement complémentaire au tronc commun proposé. Constitué de référentiels et de fiches techniques partagées, ce dernier sert au développement d'une démarche commune de simplification, devant conduire à la certification des comptes.
L'idée de départ était de laisser les établissements de santé certifiables prendre en charge le coût de l'opération. Mais l'ARS finance finalement ces 126 000 euros à hauteur de 90 000 euros, les établissements de santé se partageant le reste de la charge, à hauteur de 4 500 euros pour chacun d'entre eux.
Dans le cadre de cette préparation à la certification des comptes, la mission a développé l'outil régional d'accompagnement à la certification des comptes (ORACC). Il a évolué et bénéficie d'un taux élevé de satisfaction des utilisateurs. Il sera repris au niveau national par la direction générale des finances publiques (DGFIP) et par la direction générale de l'offre de soins (DGOS).
La comptabilité analytique hospitalière constitue notre deuxième axe de travail. La DGOS a publié en 2013 une instruction faisant suite à la parution du guide de comptabilité analytique, à l'élaboration duquel la mission avait au demeurant participé en 2011. Dans le fil de cette démarche, l'ARS a chargé la mission de soutenir les établissements de santé (ES) et les établissements de santé privé à but non lucratif (ESPIC) dans leurs efforts pour développer une comptabilité analytique hospitalière fiable et conforme au guide de 2012.
Il aurait été difficile de traiter d'un coup la demande des 79 ES et ESPIC concernés, puisqu'il faut consacrer en moyenne quatorze jours à chaque établissement. Aussi la mission a-t-elle décidé de procéder en trois vagues.
Devons-nous comprendre que votre comptabilité est une comptabilité de type 2, dite de base d'Angers ? Notre mission d'évaluation et de contrôle en préconise depuis longtemps l'usage.
La base d'Angers est un outil qui repose sur la comptabilité analytique. Ses responsables font partie de la MARTAA. Nous avons précisément pour objectif que les 79 établissements participent à terme à la base d'Angers.
Nous avons cependant pour premier souci que les établissements développent une comptabilité analytique fiable permettant d'établir des comparaisons ou encore un coût par séjour.
La deuxième vague commence cette année sur deux chantiers : la psychiatrie et la tarification à l'activité des soins de suite et de réadaptation (T2A-SSR). La troisième vague aura pour objectif de développer la participation des établissements de santé aux études nationales de coût (ENC) de la médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) ou des SSR (soins de suite et de réadaptation). Une enquête de coûts sera menée en psychiatrie, même si la tarification à l'activité n'est pas encore pratiquée dans ce secteur. Cinq établissements sont aussi déjà engagés dans l'étude nationale de coût concernant les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Notre espoir est de développer une analyse du rapport entre soins et coût qui puisse servir de base à l'évolution de la grille tarifaire.
Dans le cadre de la phase 1, l'ARS a alloué des crédits à 28 établissements pour qu'ils s'outillent, organisent des sessions de formation professionnelle et pour qu'ils recrutent des contrôleurs de gestion partagés, compétents pour plusieurs hôpitaux locaux sur une même zone.
Dans l'immédiat, la comptabilité analytique hospitalière lève toute suspicion sur la situation des établissements de santé, allant ainsi dans leur intérêt comme dans celui de l'ARS. Car leurs résultats sont ainsi présentés sur une base fiable et objective.
La préparation du passage à la comptabilité analytique ne fonctionne pas seulement avec des crédits de la MARTAA. Les responsables de la base d'Angers travaillent aussi sur ce projet. Un comité technique régional se tient tous les deux mois ; l'ARS y participe.
Le troisième axe de travail de la mission touche de près à l'investissement, puisqu'il s'agit de connaître et de suivre le patrimoine hospitalier. Vous connaissez sans doute les rapports de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le manque de connaissances du patrimoine hospitalier français.
Lors d'une audition, un directeur d'établissement a même récemment évoqué la nécessité de mener une mission de « spéléologie foncière » ! Plutôt que de rejeter la faute sur le ministère de tutelle, mieux vaudrait accélérer la manoeuvre dans ce domaine, car une bonne maîtrise de la question de la dette et du coût du fonctionnement n'est possible qu'à cette condition. C'est pourquoi nous saluons le professionnalisme et le pragmatisme d'une démarche comme la vôtre, qui met au jour les difficultés des ARS à accompagner les établissements de soins.
Disons plutôt que leur champ de responsabilité est si large qu'elles ne peuvent pas tout faire.
Il faut au demeurant souligner que l'investissement sera bientôt l'un des seuls leviers d'action pour les ARS.
Pour en revenir à notre troisième axe de travail, l'ARS Pays de la Loire s'est portée volontaire pour être région pilote en matière d'utilisation du logiciel OPHELIE (Outil de pilotage du patrimoine hospitalier des établissements de santé, législation-indicateurs-environnement), outil indispensable à la connaissance du patrimoine hospitalier et de ses coûts. Elle a donc chargé la MARTAA, qui avait déjà mené une mission de conseil sur le logiciel précédent dénommé GENEPI, d'accompagner les établissements de santé pour qu'ils apprennent à maîtriser cet outil. À la fin de 2014, ses bases de données sont remplies à 73 % dans notre région, contre 16 % au niveau national. La conjonction d'un accompagnement de la MARTAA et de l'incitation de l'ARS a donc fait ses preuves.
L'ARS exige en effet que les 123 établissements de santé de la région, notamment le CHU de Nantes, ne puissent, à partir du 30 juin 2015, déposer de projet d'investissement qu'à la condition d'avoir rempli au moins le premier socle dans la base OPHELIE.
Cela semble en effet un prérequis pour une véritable définition de l'offre. Car le système d'autorisation en termes de lits paraît atteindre ses limites. Il ressort de mes discussions avec l'ARS que seul un schéma directeur régional permettra une maîtrise des investissements.
Mais la MARTAA travaille aussi, en appui de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), à diffuser l'utilisation du logiciel d'aide à la gestion, ELLIPSE. L'ARS nous a désigné 23 établissements à accompagner dans leur démarche d'amélioration de leur capacité à mener des audits de leurs projets d'investissements.
Notre quatrième axe de travail porte sur la facturation, en particulier la facturation individuelle des établissements de santé (FIDES).
L'ARS a constaté en effet une absence totale de pilotage régional en ce domaine. Nous développons donc en ce moment un accompagnement que nous déploierons prochainement.
Depuis dix ans, la MARTAA travaille également à actualiser la formation des « médecins DIM », médecins en charge des départements d'information médicale. L'enjeu actuel est de préparer le passage à la tarification à l'activité des soins de suite et de réadaptation (T2A-SSR).
Concernant cette tarification à l'activité, certains établissements utilisent-ils des conseils extérieurs pour la facturation et pour le recodage ?
Oui. C'est le cas par exemple au CHU de Nantes depuis des années. Il s'agit d'une solution intéressante, qui rend le codage plus fiable en vue d'optimiser les recettes.
Mais ce recours à des cabinets n'a-t-il pas fait réfléchir les médecins DIM, qui sont précisément rémunérés pour former à la maîtrise des instruments informatiques ?
Le recours à des cabinets vise souvent à apporter un soutien direct aux médecins soignants. Dans d'autres cas de figure, il est vrai que l'intervention extérieure pallie certaines défaillances des médecins DIM.
L'ARS nous a demandé d'élargir la formation des médecins DIM, qui sont hélas trop peu nombreux.
L'informatisation de la production des soins constitue également un enjeu fort. Au CHU de Nantes, nous avons retenu comme opérateur l'entreprise américaine Cerner, qui a développé un logiciel appelé Millenium. À moyen terme, chaque patient devrait disposer d'un dossier interopérable et multimodal. Cette production automatisée des actes et des diagnostics devrait faciliter la production autonome du codage tarifaire.
L'accompagnement à la gestion de trésorerie constitue notre dernier axe de travail. L'ARS s'est rendu compte que les établissements de santé peinaient à en développer une vision prospective, notamment lorsqu'il s'agissait d'établir les plans globaux de financement pluriannuel. L'IGF a publié un rapport sur les besoins en fonds de roulement (BFR) des établissements de santé. Espérons que la tarification à l'activité et la facturation individuelle leur apporteront des facilités dans la gestion de leur trésorerie.
La gestion de dette constitue une nouvelle demande formulée, au cours d'une réunion du conseil d'administration, par le directeur régional de la FHF. Il s'agit de connaître la situation réelle dans la région et d'accompagner les établissements de santé qui ont souscrit des emprunts structurés ou toxiques.
Nous allons commencer par un recensement exhaustif auprès des établissements sanitaires comme médico-sociaux. Il arrive que de tout petits établissements continuent d'évaluer l'évolution de leurs charges financières sans recourir à la notion d'emprunt structuré ou toxique. La MARTAA doit proposer un plan d'action, préconisant l'institution d'un observatoire régional, d'un espace collaboratif dédié et le développement d'outils d'analyse. Peut-être faudra-t-il ouvrir un appel d'offres auprès de prestataires comme Analis, Finance Active ou Riskedge pour apporter la meilleure expertise aux établissements, dont les plus petits ne sauraient mener un audit externe et sécuriser seuls leurs emprunts.
Enfin, la MARTAA participe au comité de veille des emprunts à risque récemment établi par la FHF.
Pour conclure, je dirais que notre action est très appréciée des établissements de santé, mais aussi de l'ARS, puisqu'elle continue à nous confier des missions. Nous nous interrogeons cependant sur l'évolution de la MARTAA au vu de la prochaine restructuration autour des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Il devrait rester possible d'articuler le travail de missions régionales transversales avec le niveau opérationnel.
Votre audition de M. Gautier Bailly, sous-directeur à la direction du budget au ministère des finances et des comptes publics, a attiré notre attention, car il préconisait une mutualisation accrue, en faisant valoir qu'elle permet de réaliser d'importantes économies. C'est précisément la démarche de la MARTAA, qui joue aujourd'hui un rôle de formateur, de facilitateur, d'accompagnement et de conseil des établissements de santé, mais sans se substituer à eux.
Avec la création des GHT, peut-être pourrait-elle évoluer vers un équivalent d'un centre de gestion agréé ? Cela présenterait des avantages considérables. En tout état de cause, la MARTAA peut être dupliquée dans d'autres régions. La mutualisation d'activités logistiques, administratives, comptables et de ressources humaines mériterait d'être aussi expérimentée.
Je tiens cependant à ajouter que la MARTAA fonctionne sur la base du principe de subsidiarité qui respecte l'autonomie de gestion des établissements. Selon les sujets, il faut donc réfléchir au niveau le plus adéquat de coopération : local, départemental (GHT) ou régional.
Avez-vous déjà chiffré les économies dégagées par la mutualisation ? La MECSS la préconise depuis dix ans. Notre collègue Gérard Bapt préside par ailleurs un groupe d'études sur la santé et le numérique.
La généralisation des bonnes pratiques, au titre de l'ANAP ou de la MARTAA, dépend des autorités de tutelle qui doivent les décliner sur l'ensemble des territoires. Avez-vous déjà réalisé quelques simulations ? Il faudrait mettre au point un argumentaire identifiable sur la pertinence du dispositif. Cela pourrait aider l'exécutif à accélérer la manoeuvre.
Sur les missions qui nous ont déjà été confiées, des gains de productivité et des économies ont sans conteste été dégagés, qu'il s'agisse de la préparation à la certification des comptes ou de la mise en place de la comptabilité économique. Des démarchées séparées de chaque établissement auraient été beaucoup plus onéreuses.
Pour l'avenir, nous réfléchissons à développer une offre de services auprès des GHT, en chiffrant à l'appui les gains d'opportunité à en attendre. Cette offre pourrait couvrir les systèmes d'information, la logistique, l'administration, la gestion financière, dont la dette… Nous devrions pouvoir présenter, pour chacun de ces domaines, un bilan coûts-avantages d'une mutualisation qui fasse l'économie d'un recours à un cabinet d'audit externe. La CHT44, communauté hospitalière de territoire de Loire-Atlantique, a ainsi déjà mandaté le groupement de coopération sanitaire (GCS) e-Santé pour développer un plan d'informatisation unique pour le futur GHT.
Il importe en effet de mettre en valeur, au travers d'estimations, la valeur ajoutée d'une mutualisation qui pourrait s'étendre jusqu'aux ressources humaines.
En Loire-Atlantique, si on fusionnait les fonctions support de l'ensemble des établissements, cela correspondrait seulement à un pôle supplémentaire de plus à gérer pour le CHU de Nantes, autant dire proportionnellement assez peu. Mais les gains seraient importants, puisque l'essentiel des effectifs dévolus à la gestion des ressources humaines dans les autres établissements pourraient être redéployés.
Les directions des affaires financières des établissements de santé ont déjà compris que la centralisation des fonctions financières apporterait également des retours sur investissement. Peut-être leur réflexion est-elle due aux résultats apportés par la MARTAA. Elle a du moins le mérite de faire naître des habitudes de travail en commun entre les établissements de santé, sur des sujets transversaux.
Ce n'est d'ailleurs pas simplement dans l'air du temps, c'est aussi devenu une contrainte incontournable si l'on veut tenir le plan triennal, car les sources d'économie sont de moins en moins nombreuses. Depuis quinze ans, le secteur privé a procédé à de nombreux regroupements, par exemple au sein de holdings. Des freins subsistaient à ce mouvement dans le secteur public, mais il faut les débloquer.
Assurément. Plus récente, la MARS des Pays de la Loire prend le relais dans ce secteur, comme vous l'a exposé tout à l'heure mon collègue. Car l'ARS a préféré créer une mission spécifique, plutôt qu'ajouter simplement un volet médico-social aux missions de la MARTAA. Il n'en demeure pas moins que ce sont les mêmes administrateurs et les mêmes participants qui sont présents dans les deux missions régionales.
Dans le cadre du chantier OPHÉLIESRIS (schéma régional d'investissement en santé), l'ARS a mandaté la MARTAA pour travailler avec les établissements médico-sociaux. Il devrait en sortir une version 2 d'OPHÉLIE.
En bémol, je soulignerais cependant combien le secteur est éclaté. De l'aveu même des autorités de tutelle, les connaissances sont disparates quant au suivi des coûts des établissements médico-sociaux.
Dans l'un des précédents rapports de la MECSS, notre collègue Martine Carrillon-Couvreur concluait en effet à une notable insuffisance de l'information sur leurs coûts de fonctionnement.
Grâce à l'emploi de contrôleurs de gestion partagés par moitié entre la MARTAA et la MARS, des tableaux de bord médico-sociaux ont pu être établis. À terme, les états financiers des établissements médico-sociaux devraient également pouvoir être fiabilisés.
Quelle est la part des conseils départementaux dans cette démarche ? Les prix de journée sont en effet définis en concertation avec eux.
La MARS les intègre nécessairement dans son organisation.
Pour en revenir à la situation financière plus générale, quel constat dressez-vous sur les conditions de financement des établissements de votre région ? Estimez-vous que les hôpitaux publics aient maintenant un accès convenable aux ressources leur permettant de financer leurs investissements nécessaires aujourd'hui, en termes de volumes et de coût financier ?
Sur les trente milliards d'euros de dette globale, les emprunts structurés ne représentent qu'une faible part. Comment les établissements qui en ont souscrits peuvent-ils cependant continuer d'investir ?
Quant à l'accès au financement externe des établissements sur le marché bancaire, il faut, d'une part, relever une amélioration par rapport à la raréfaction de crédits connue en 2008-2009. Les analystes financiers sont certes plus restrictifs aujourd'hui, car les banques font plus attention à la situation réelle des établissements qui envisagent d'emprunter. Mais l'étau du crédit s'est desserré, malgré une prudence accrue. D'autre part, les établissements jouissant d'une bonne santé financière et pouvant fournir des indicateurs et des ratios corrects n'ont pas de difficulté pour emprunter. Ainsi, le CHU de Nantes emprunte sans difficulté au vu de ses indicateurs et de la masse globale de son budget. Mais la situation s'apprécie naturellement de manière particulière à chaque établissement.
La question du financement se pose en effet surtout pour les établissements de taille petite et moyenne, notamment pour ceux qui vont bientôt passer à la tarification à l'activité (T2A). Le modèle T2A-SSR serait cependant plus favorable aux établissements que le modèle T2A retenu pour le secteur MCO (T2A-MCO). Grâce à la notion de socle, les charges fixes pourraient être prises en compte dans la tarification, par exemple les charges d'emprunt. Cela représenterait un progrès par rapport à l'actuelle facturation selon les groupes homogènes de séjour (GHS), en permettant une meilleure prise en compte de la notion d'investissement. Encore faut-il espérer que la grille tarifaire soit plus stable pour la T2A-SSR que pour la T2A-MCO. Adoptée il y a dix ans, cette dernière a connu depuis cette date non moins de vingt versions différentes.
S'agissant des emprunts structurés, le fonds de soutien en faveur des établissements publics de santé vous semble-t-il suffisamment doté ? L'on sait que le rachat de dette structurée peut aussi coûter très cher.
Les agents de la MARTAA ont rencontré à ce sujet des experts de la gestion financière, appartenant à Analis, Finance Active ou Riskedge. La dotation du fonds ne paraît pas suffisante, mais les établissements ont surtout besoin de davantage de souplesse et de temps. Il s'agit d'une décision politique, mais la renégociation paraît juridiquement difficile. Elle conduit parfois à souscrire d'autres engagements pour couvrir les premiers, générant ainsi une nouvelle dette pour rembourser la dette antérieure. S'agissant des emprunts structurés, il faut reconnaître au demeurant la double responsabilité des établissements de santé et des banques.
Ces dernières s'en tirent à bon compte quand le fonds de soutien intervient. Certaines banques ont pourtant commencé à partager avec les établissements de santé les coûts d'un refinancement, mais ce n'est le cas ni de Dexia ni de la Société de financement local (SFIL).
Nous avons conduit une audition des banques, dont Dexia qui a fait l'objet d'échos médiatiques. Il revient à l'Assemblée nationale d'exercer une pression morale sur les banques pour s'efforcer de faire évoluer les choses. Le sujet majeur est naturellement celui des primes de sortie. Nous ne voulons pas que les établissements de santé en paient ! Grâce à la politique monétaire dynamique de la Banque centrale européenne, le coût de l'argent a suffisamment baissé pour que les banques puissent proposer des solutions sans pratiquer de prix confiscatoire. Seriez-vous vous-même en mesure de porter des contentieux avec les banques ?
Seulement 40 établissements de santé ont sollicité le fonds de soutien à ce jour. Ils nourrissent surtout la crainte d'être abusés une seconde fois. Dans la région Pays de la Loire, l'ARS ne veut pas de contentieux. Mais certains petits établissements de santé présentent un compte d'exploitation en déficit du fait du remboursement d'emprunts structurés. Il n'y a de risque de contentieux que pour l'un d'entre eux.
D'une manière générale, les établissements de santé eux-mêmes ne souhaitent pas de contentieux. L'ARS déconseille la démarche et préconise plutôt la renégociation. Si une action de groupe (class action) devait être introduite, le CHU de Nantes serait prêt à se joindre à une démarche collective concertée, plutôt que d'entreprendre une démarche individuelle. Car nous voulons tout de même conserver de bonnes relations avec les établissements bancaires.
Quel est le statut juridique de la MARTAA ? N'avez-vous pas songé à l'organiser sous la forme d'une association ?
Son existence repose sur une convention entre les fédérations hospitalières et l'ARS, mais elle est dépourvue de la personnalité juridique. Peut-être pourrait-elle cependant devenir à terme une structure ad hoc.
Puisque la mission travaille sur fonds publics, il serait sans doute plus transparent qu'elle constitue une structure juridique propre. Une construction juridique, même a minima, pourrait lui donner une crédibilité supplémentaire.
Les GCS (groupements de coopération sanitaire) e-Santé disposent d'une structure juridique dont nous pourrions nous inspirer.
La question du statut juridique de la mission est en effet souvent abordée lorsque nous présentons ses travaux.
La séance est levée à midi vingt-cinq.