Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Réunion du 14 avril 2015 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PAC
  • agriculteur
  • chambre
  • chambres d'agriculture
  • péréquation

La réunion

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Nous poursuivons les auditions de la Mission d'évaluation et de contrôle sur les réseaux consulaires.

Mme Élodie Lematte, conseillère en charge des affaires financières, de l'emploi et de la protection sociale agricole, au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

En raison de l'aspect transversal de la mission des trois réseaux consulaires, il est pertinent d'envisager les réseaux consulaires de manière globale, même si chacun des trois réseaux a ses spécificités. C'est en raison de cette transversalité que le Gouvernement a proposé l'année dernière, en loi de finances, des dispositions concernant à la fois les chambres d'agriculture et les chambres de commerce et d'industrie (CCI) – étant précisé que les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) avaient fait l'objet de réformes dans le cadre de la loi de finances de l'année précédente.

Chaque réseau est financé – selon des proportions qui diffèrent – par une taxe fiscale affectée. Cette taxe représente près de la moitié du budget des chambres d'agriculture, dont la structure financière est plus proche de celle des CMA que de celle des CCI. Le reste du budget des chambres d'agriculture se partage entre des prestations privées à hauteur de 30 % et des subventions de l'État, des collectivités territoriales et de l'Union européenne pour environ 20 %. L'approche du Gouvernement a consisté à traiter les trois réseaux consulaires par deux clés d'entrée : d'une part, la taxe affectée, d'autre part, le fonds de roulement. De fait, les trois réseaux sont aujourd'hui confrontés aux mêmes problématiques, à savoir le calibrage et la définition de leur participation – notamment en termes de péréquation – à l'effort de redressement des comptes publics.

Un autre point commun aux trois réseaux est celui des questions d'organisation. Il s'agit de s'adapter à la nouvelle carte régionale et à la montée en puissance du niveau régional comme échelon de portage des politiques publiques, notamment en matière économique et, en ce qui concerne l'agriculture, de développement agricole et de mise en oeuvre de la politique agricole commune (PAC). De ce point de vue, les chambres d'agriculture ont pris l'initiative de s'adapter à ce nouveau contexte, avec l'appui de l'État.

Les points communs aux trois réseaux ne doivent cependant pas occulter les spécificités de chacun d'entre eux. Les particularités des chambres d'agriculture sont de trois ordres. Premièrement, leur champ d'intervention, défini par le code rural, est essentiellement celui du développement agricole, en lien avec l'ensemble des opérateurs. Cette notion n'est pas tout à fait superposable à la notion de développement économique – même si cela y contribue –, ce qui justifie que les problématiques abordées dans le cadre de la loi NOTRe et de la décentralisation en matière de développement économique n'aient pas concerné le réseau des chambres d'agriculture.

La deuxième particularité des chambres d'agriculture réside dans le poids important du financement public dont elles bénéficient, en particulier quand on les compare aux CCI. La somme de la taxe affectée et des diverses subventions de l'État et de l'Union européenne excède largement 50 % des ressources des chambres d'agriculture, ce qui explique qu'elles entrent dans le champ du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) – ce qui n'est pas le cas des deux autres réseaux consulaires.

Enfin, les chambres d'agriculture sont des établissements publics, à financement majoritairement public, sous tutelle du ministère de l'agriculture. À ce titre, elles remplissent l'ensemble des conditions qui pourraient les assimiler à des opérateurs de l'État, mais elles relèvent d'un régime consulaire à gouvernance professionnelle d'élus, dont l'organisation est encadrée par une loi de 1952 fondant sa spécificité. Les chambres d'agriculture constituent un réseau d'établissements publics sur lequel le ministère de l'agriculture exerce sa tutelle, dans le cadre d'un statut consulaire spécifique et ayant sa propre histoire.

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Faut-il comprendre qu'à la différence des chambres de commerce et d'industrie, qui peuvent se voir confier la gestion d'un port ou d'une zone d'activité, les chambres d'agriculture ne gèrent jamais un service ou un établissement public, et ne perçoivent pas à ce titre de ressources externes ?

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élodie Lematte

Il arrive, à titre très exceptionnel, qu'une chambre d'agriculture soit gestionnaire d'un centre d'expérimentation agricole dans lequel elle a engagé des fonds propres – étant précisé que le centre d'expérimentation agricole n'est pas un établissement public – ou d'un lycée. De telles situations ont un caractère exceptionnel qui n'ont rien à voir avec le mode de gestion par délégation de service public dont les ports ou les aéroports peuvent faire l'objet.

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Faut-il en déduire que les chambres d'agriculture n'ont pas, contrairement aux chambres de commerce, la préoccupation d'investir – ou qu'elles effectuent d'autres types d'investissements, non producteurs de services ?

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élodie Lematte

Les chambres d'agriculture ne sont pas du tout confrontées aux mêmes problématiques que les chambres de commerce et d'industrie en matière d'investissement.

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J'imagine qu'en ce qui concerne les chambres d'agriculture, il s'agit le plus souvent de fonds de concours à des opérations d'investissement ?

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élodie Lematte

L'investissement peut prendre des formes diverses. Depuis un an, on entend essentiellement parler d'investissements liés à la mise aux normes de sécurité et à la réhabilitation de locaux des chambres d'agriculture. En dehors de ces opérations immobilières, les chambres peuvent parfois s'engager dans des investissements conjoints comme ceux effectués pour la réalisation de stations d'expérimentation en Bretagne.

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Pour compléter ce que vous venez de dire, je voudrais apporter mon témoignage au sujet de projets novateurs confrontés à un manque d'investissements. Ainsi, dans la région Champagne-Ardenne, un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) a été conclu à Reims à la suite de la fermeture de la base aérienne 112. Ce projet porté par les agriculteurs et le président de la chambre d'agriculture consiste en la réalisation d'un projet de production de biomasse – appelé la Ferme 112 – sur un terrain de 570 hectares, en collaboration avec le pôle de compétitivité « agro-ressources » situé à Pomacle-Bazancourt. Or, la présence de bâtiments sur la partie de terrain située sur le territoire de Reims Métropole nécessite des travaux, donc des investissements, ce qui freine la mise en route du projet par la chambre d'agriculture – celle-ci ne disposant plus des ressources suffisantes, puisqu'elle a perdu une partie des fonds initialement fléchés sur ce projet.

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élodie Lematte

Aujourd'hui, le financement public de l'État consiste dans la taxe fiscale affectée, qui représente 292 millions d'euros, dont plus de 60 % sont consacrés aux dépenses de personnel. En plus de cette ressource, les chambres d'agriculture signent, avec le ministère de l'agriculture, des conventions relatives à des programmes de développement agricole et rural pour un montant de 40 millions d'euros, fléchés sur des objectifs « métiers ». L'enveloppe de 40 millions d'euros a été renouvelée et stabilisée dans le cadre de la nouvelle programmation. Dans le cas que vous évoquez, peut-être le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR), dont les chambres d'agriculture pilotent les fonds, aurait-il vocation à être mis en oeuvre. Par ailleurs, la loi de finances a prévu un ensemble de garanties et de dispositions visant à répondre à la problématique d'investissement, effectivement très forte depuis un an.

Le réseau constitué des chambres départementales, des chambres régionales et de région, ainsi que de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) représente un budget total de l'ordre de 910 millions d'euros, se répartissant comme suit : 660 millions d'euros pour les chambres départementales, 200 millions d'euros pour les chambres régionales et de région, et 50 millions d'euros pour l'APCA.

Au sein de ce budget global, différentes ressources peuvent être identifiées. Il s'agit de la taxe pour frais de chambre, s'élevant à 292 millions d'euros – ce qui représente environ 44 % des recettes –, des prestations payantes correspondant aux services rendus à titre individuel aux agriculteurs – pour 28 % des recettes –, et de diverses subventions provenant de l'État, des collectivités et de l'Union européenne – pour 22 % des recettes. Enfin, d'autres produits et subventions en transit représentent les 6 % de recettes restants. Si l'on fait la somme de la taxe et des subventions publiques, on constate que les ressources sont à 66 % d'origine publique ou parapublique.

Les charges de personnel représentent environ 60 % des dépenses des chambres d'agriculture. Ce poste est relativement stable, abstraction faite d'une dérive naturelle liée au glissement vieillesse-technicité (GVT). Pour ce qui est des investissements, depuis plusieurs années on observe un montant global relativement stable d'une année sur l'autre, représentant entre 20 et 30 millions d'euros pour l'ensemble du réseau.

Les situations financières sont assez hétérogènes selon les chambres. Sur les quatre ou cinq dernières années, les chambres ont globalement présenté des résultats positifs, avec des variations positives du fonds de roulement – exception faite de l'année 2013. Cette situation générale comporte cependant des cas particuliers, dont le Parlement a été saisi. Il s'agit notamment des chambres d'agriculture d'outre-mer : ainsi une disposition spécifique a-t-elle été votée pour la Guyane dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014 – il s'agissait d'une dérogation à l'augmentation du taux de la taxe. Mais la situation financière du réseau envisagé dans sa globalité est plutôt saine. L'année dernière, lors de la préparation en amont du projet de loi de finances, nous nous sommes interrogés sur la présence de réserves financières importantes, estimées à environ 260 millions d'euros au 31 décembre 2013, alors que la norme prudentielle impose une réserve de trois mois de fonctionnement, soit 160 millions d'euros : la réserve disponible s'élevait donc à environ 100 millions d'euros. Nous avons tenu compte de la problématique des investissements votés début 2014 en allant aussi loin que possible dans les comptes durant l'année de référence, c'est-à-dire en nous arrêtant au 1er juillet 2014. Ainsi, après avoir retranché la réserve correspondant à trois mois de fonctionnement – soit 160 millions d'euros – ainsi que tous les investissements votés dans les budgets initiaux avant le 1er juillet 2014 – environ 25 millions d'euros –, on obtenait un solde de l'ordre de 75 millions d'euros.

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Estimez-vous avoir de bonnes relations avec le réseau des chambres d'agriculture, vous permettant de disposer d'une lisibilité satisfaisante sur leurs comptes et sur l'anticipation de leurs dépenses et de leurs investissements ?

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élodie Lematte

Pour ce qui est de la connaissance du réseau et de la lisibilité de ses données financières, nous avons effectivement accès à des informations très précises via des applications relevant de l'Infocentre, contenant toutes les données entrées par le réseau. Nous connaissons toutes les recettes et les dépenses poste par poste, ainsi que le montant exact des fonds de roulement. Notre information étant enrichie par l'ensemble des rapports établis par le CGAAER (Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux), le Contrôle général économique et financier (CGEFI), l'Inspection générale des finances (IGF) et la Cour des comptes, nous disposons d'éclairages multiples sur la situation financière des chambres d'agriculture.

Quant à la relation du ministère de l'agriculture avec les chambres, elle est le fruit de l'histoire. Les chambres d'agriculture constituent un réseau consulaire d'élus avec une gouvernance professionnelle définie par la loi. Pour autant, le fait que nous soyons en présence d'un réseau d'établissements publics bénéficiant à plus de 60 % d'un financement public implique une obligation de transparence et de coopération entre le ministère et ce réseau. Depuis que j'exerce mes fonctions au sein du cabinet du ministre de l'agriculture – cela fait trois ans –, j'ai constaté que le ministère s'efforçait d'instaurer une relation de tutelle, tout en respectant les cadres partenariaux. Si cela ne se fait pas sans quelques frictions – les chambres d'agriculture ont une histoire et une culture différente de cette pratique –, le réseau assume de plus en plus, si l'on se réfère aux interventions du président en session, son statut d'établissement public ainsi que les relations de transparence et le retour d'information vis-à-vis du ministère. Les relations entre le ministère et le réseau s'inscrivent donc dans un processus de normalisation en cours – un processus qui prend du temps, mais dont la trajectoire semble satisfaisante.

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Pouvez-vous nous donner quelques éléments d'information sur la tête de réseau, afin de nous permettre d'établir des parallèles avec ce que nous savons au sujet de l'établissement CCI France ?

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élodie Lematte

Notre premier interlocuteur est effectivement l'APCA, tête de réseau dont l'une des missions essentielles est de jouer le rôle d'interlocuteur des pouvoirs publics sur l'ensemble des sujets relatifs aux politiques publiques portées par le réseau. Ainsi, les dispositions de la dernière loi de finances, qui n'étaient pas faciles à prendre, avaient été concertées très en amont avec l'APCA : à partir du mois d'avril, nous l'avons rencontré régulièrement et nous avons bâti avec elle différents scénarios. Si nous n'avons pu trouver un véritable accord, ce contact nous a permis de prendre en compte des orientations exprimées par notre interlocuteur.

L'APCA, qui a des mandants, est censée porter les positions des chambres d'agriculture. La relation de ces dernières avec le ministère se fait au niveau déconcentré, le ministère s'appuyant sur les Directions départementales des territoires (DDT), les préfets et les services préfectoraux, pour rappeler les orientations du ministère. Depuis l'application des dispositions figurant dans la loi de finances pour 2014, il a été fait un usage assez novateur et large des pouvoirs de tutelle : nous avons ainsi régulièrement écrit au préfet afin de lui signaler les dispositions devant être intégrées aux budgets initiaux, et quelles étaient les conditions permettant d'accepter ou de refuser un budget – toutes choses auxquelles les chambres d'agriculture n'étaient pas habituées, mais qui font pourtant partie de l'exercice naturel des pouvoirs dont dispose le ministère.

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Dans l'organisation des chambres d'agriculture, avez-vous identifié des redondances ou des points sur lesquels il serait possible de réaliser des progrès et des économies ?

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élodie Lematte

Des marges de progrès existent effectivement, que nous nous efforçons de définir avec l'APCA et l'ensemble des chambres. Dès 2009, le programme de réforme « Terres d'avenir », porté par l'APCA, prévoyait un renforcement du réseau au niveau régional et une mutualisation des moyens. Nous continuons de nous référer à ce projet, qui n'a pas encore produit tous les effets que l'on pouvait en attendre : c'est l'un des objectifs de la mandature actuelle que de renforcer l'organisation du réseau, notamment au moyen d'une structuration de la répartition des tâches entre les différents niveaux – départemental, régional et APCA.

Aujourd'hui, le projet « Colonne vertébrale » de l'APCA définit un ensemble de missions, notamment les missions support qui doivent être regroupées au niveau régional. Lors de la session de mars dernier, des délibérations ont été prises au sujet de la réforme territoriale et de la désignation de futures grandes chambres régionales d'agriculture calées sur la nouvelle carte des régions et dans le sens d'une meilleure structuration du réseau. La mandature actuelle est marquée – notamment en la personne de son président – par la volonté d'avancer plus vite sur les problématiques de réorganisation, ce qui est de nature à dégager des marges importantes en termes d'efficience.

Si les missions exercées ne me paraissent donner lieu à aucune véritable redondance, il est permis de s'interroger sur la nécessité de clarifier les attributions, comme cela a été le cas lors des débats relatifs à l'examen de la dernière loi de finances. Cela soulève la question des relations entre le réseau des chambres d'agriculture et celui des centres régionaux de la propriété forestière (CRPF), ou celui d'autres organismes de développement agricole. Les partages de compétences, qui se sont affinés au fil du temps, constituent des sujets assez difficiles à traiter, qu'il ne me paraît pas opportun de voir comme des sources possibles de redondances, les progrès à réaliser en la matière se limitant essentiellement à l'amélioration de la transparence. Aujourd'hui, les gains d'efficience se situent plutôt, à mon sens, au niveau de la réorganisation interne du réseau, ce qui correspond aux objectifs que s'est assigné le réseau pour la présente mandature, et que nous soutenons.

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Dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de finances, la diminution des budgets alloués aux chambres d'agriculture a occasionné quelques tensions. Qu'en est-il de la péréquation ayant pour objet de soutenir les petites chambres, que l'on dit ne pas fonctionner aussi bien qu'on pourrait le souhaiter, et que pensez-vous de l'idée consistant à ce que les petites chambres mutualisent leurs moyens avec ceux des chambres plus importantes, notamment à l'échelle de la région, afin de réaliser des économies d'échelle sur le plan matériel comme sur celui du personnel ?

On sait que les dossiers PAC sont relativement lourds et complexes à constituer. Une réflexion a-t-elle été menée afin de faire en sorte que les chambres d'agriculture ne se trouvent pas régulièrement encombrées – c'est le cas en ce moment – par les demandes des agriculteurs, qui s'appuient beaucoup sur elles en la matière ? En effet, si le rôle des chambres d'agriculture consiste bien à fournir un accompagnement aux agriculteurs, on peut se demander si elles ne consacrent pas un temps excessif à ces formalités administratives et si c'est leur vocation de s'y investir à ce point.

En ce qui concerne la mise en oeuvre des nouvelles méthodes de culture – je pense notamment à la suppression des labours –, certains départements sont en avance par rapport à d'autres grâce aux recrutements d'agronomes spécialisés dans l'optimisation de la gestion des terres. Ne pourrait-on pas éviter ces disparités en procédant aux recrutements à l'échelon régional ?

Enfin, ne serait-il pas judicieux de recourir aux lycées agricoles, dont les effectifs sont en diminution en certains points du territoire, afin de permettre aux agriculteurs d'y suivre des formations complémentaires ? Là encore, cela permettrait d'alléger le travail des chambres d'agriculture, donc de rendre celles-ci plus efficaces.

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élodie Lematte

La péréquation constitue indéniablement un enjeu pour un réseau des chambres d'agriculture se caractérisant par sa diversité, que ce soit en termes de bases cadastrales, de niveau de taxes ou d'historique de gestion. C'est pourquoi, en parallèle des dispositions adoptées l'année dernière, visant à faire contribuer les chambres d'agriculture à l'effort de redressement des comptes publics, nous avons également souhaité renforcer les moyens de péréquation et de mutualisation au sein du réseau, en consacrant au niveau législatif un fonds de péréquation dont, jusqu'à présent, l'existence se réduisait à sa mention dans les textes réglementaires. Nous avons travaillé, au cours des quatre derniers mois, à la mise en place de ce nouvel outil qui va constituer un levier important en 2015 pour accompagner le réseau dans la mise en oeuvre de la péréquation et d'autres dispositions figurant dans la loi de finances.

Sur le fonds de roulement de 75 millions d'euros que j'ai évoqué précédemment, 55 millions d'euros ont vocation à être versés au budget général de l'État en application de la loi de finances, tandis que 20 millions d'euros restent disponibles pour le fonds de péréquation. Le projet de décret définissant les règles de fonctionnement du fonds de péréquation doit être publié de façon imminente, à l'issue d'un travail important effectué en concertation avec l'APCA au cours du premier trimestre 2015. Nous avons abouti à un dispositif consistant en l'attribution de deux enveloppes pour cette année.

La première vise à apporter des réponses aux chambres d'agriculture se trouvant dans une situation financière précaire, en particulier les petites chambres. Il a été procédé en mars dernier à la pré-répartition d'une première enveloppe, afin que les chambres d'agriculture soient en mesure de construire leur budget initial pour 2015. La plupart des chambres avaient en effet voté fin 2014 des budgets qui, ne correspondant pas aux dispositions de la loi de finances, avaient ensuite été rejetés, obligeant ces chambres à faire adopter de nouveaux budgets fin mars 2015. Ceci nécessitait des clarifications sur le montant de la dotation du fonds de péréquation qui leur serait alloué – ce qui a été fait à titre de pré-notification, le décret n'étant pas encore paru. Environ 11 millions d'euros vont ainsi être distribués pour accompagner les chambres présentant une situation financière fragile, notamment les petites chambres. Je précise que ce critère de « petite chambre » a été pris en compte, dans le cadre de la première dotation du fonds de péréquation, en évaluant la part que la taxe représentait au regard des dépenses de personnel : quand cette part était inférieure à 60 %, il était prévu une dotation afin de ramener la taxe au niveau moyen des chambres d'agriculture. D'autres critères ont été appliqués, notamment ceux relatifs à la trésorerie des chambres, marquée par une grande disparité, mais aussi par l'existence de situations paradoxales, comme une trésorerie fragile en dépit d'un fonds de roulement très important. Les principaux critères en la matière sont ceux liés à la difficulté financière résultant de la part de la taxe par rapport aux dépenses de personnel ou encore de dépenses engagées lors d'opérations de fusion.

La deuxième dotation, qui interviendra d'ici à l'été, vise à accompagner les investissements. À cette fin, il a été engagé un travail de collecte et d'analyse des dossiers présentés par les chambres d'agriculture – concernant essentiellement des projets immobiliers, comme je le disais précédemment.

La gestion des dossiers PAC constitue effectivement une problématique sensible et d'actualité. Les chambres d'agriculture sont fortement mises à contribution pour oeuvrer, au côté des services de l'État, à la réussite de la campagne PAC 2015 – une année particulière puisqu'elle est la première de la mise en oeuvre de la réforme de la PAC. Le ministre, pleinement conscient du rôle qu'ont à jouer en la matière les chambres d'agriculture, a reçu mardi dernier l'ensemble du bureau des chambres d'agriculture, afin d'aborder toutes les questions techniques portant aussi bien sur la nature et le montant des aides que sur les formulaires, en vue de l'échéance du 27 avril qui marquera le début de la campagne de constitution des dossiers. Les chambres d'agriculture ont un rôle très important, la dématérialisation des déclarations PAC – qui est aujourd'hui une réalité dont le ministère se félicite – nécessitant un accompagnement des agriculteurs par les DDT comme par les chambres d'agriculture. C'est l'une des missions de service public qui leur sont déléguées.

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Si le montant des cotisations destinées à assurer le fonctionnement des chambres d'agriculture a diminué, je m'étonne de constater qu'en compensation de cette perte, la chambre d'agriculture de mon département demande aux agriculteurs un règlement de 149 euros en contrepartie de l'aide qu'elle leur apporte pour la constitution des dossiers PAC.

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élodie Lematte

Cette contribution de 149 euros constitue-t-elle une nouveauté ? En principe, la facturation du service d'aide individuelle à la constitution de dossiers existe déjà dans plusieurs départements.

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Le problème est que ce qui était effectué jusqu'à présent à titre gracieux donne désormais lieu à une facturation. Il est bien évident que la chambre d'agriculture a trouvé là le moyen de reconstituer un revenu qu'elle venait de perdre – ce qu'elle justifie certainement par la nécessité de procéder à l'embauche d'agents en contrat à durée déterminée pour assurer ce qui représente un surcroît de travail. C'est aussi l'occasion de se demander si les dossiers PAC ne sont pas un peu trop complexes à constituer, et si les chambres d'agriculture ne pourraient pas faire des propositions visant à leur simplification.

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Estimez-vous pertinent que les chambres d'agriculture développent leur rôle de conseil, notamment auprès des collectivités locales – je pense notamment au conseil à l'élaboration de différents schémas ? Cette activité qui semble assez rémunératrice – elle me paraît déconnectée des appels d'offres – est-elle appelée à prendre de l'ampleur ?

Par ailleurs, je vous remercie d'avoir mis en évidence les différences existant entre les chambres d'agriculture et les autres chambres, et le fait que le travail effectué au Parlement dans le cadre budgétaire, c'est-à-dire très en amont, ait en quelque sorte contribué à pacifier les choses, ce qui n'a pas forcément été le cas pour les autres réseaux.

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élodie Lematte

Les prestations payantes effectuées par les chambres d'agriculture représentent aujourd'hui 28 % de leurs recettes, ce qui n'est pas négligeable. Le ministère n'est pas opposé à cette pratique, sous réserve qu'elle soit encadrée. Les situations telles que celle décrite par M. Fauré doivent être surveillés et contrôlés, car il n'est pas normal que la baisse d'une taxe aboutisse, par un phénomène de vase communicant, à la facturation d'un service que certains agriculteurs seulement pourraient payer. Est ici en jeu l'accès au service public, pour lequel les chambres d'agriculture se voient déléguer des missions et perçoivent une ressource publique affectée.

Quand la recette fiscale baisse, la solution la plus facile consiste à rechercher une recette captive nouvelle – je parle de recette captive car, au vu du montant des primes qu'un dossier PAC correctement constitué peut faire gagner à un agriculteur, celui-ci hésitera généralement peu avant de débourser 149 euros. Or, la baisse de taxe n'a pas vocation à être compensée de cette manière par les chambres d'agriculture, mais bien plutôt par des efforts d'efficience et de diminution de la dépense. Il est important, y compris sur le plan juridique, d'encadrer la facturation des prestations effectuées par les chambres d'agriculture, car elles doivent se faire dans des conditions de concurrence normale, ce qui suppose que les comptes soient séparés et qu'il n'y ait pas de subventions croisées. Que les chambres d'agriculture effectuent des prestations payantes n'est acceptable qu'à condition qu'elles en tirent des revenus accessoires en proportion de leurs autres ressources, que cette pratique soit encadrée et qu'elle n'entre pas dans le champ des missions de service public : un réseau où la part de ces prestations deviendrait prépondérante perdrait de sa logique consulaire historique.

En conclusion, je considère que si l'épisode de la loi de finances a été difficile à initier et a suscité de nombreux débats, il a paradoxalement renforcé notre faculté à communiquer avec les chambres d'agriculture. J'espère ne pas être exagérément optimiste en pensant aussi que cela a permis au réseau de se ressaisir de son projet de réorganisation. La contrainte représentée par la baisse de 2 % de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) pour 2015 – ce montant pouvant être revu au cours des années suivantes – a constitué un aiguillon incitant le réseau à dénouer certains blocages et à avancer en direction des objectifs affichés depuis 2008 dans le programme « Terres d'avenir », dont la mise en oeuvre avait jusqu'à présent fort peu progressé. L'APCA et les chambres de région s'étant saisies de cette contrainte pour faire avancer le projet, je suis assez confiante quant au fait qu'elles en fassent une occasion de modernisation et d'adaptation du réseau au contexte actuel.