La réunion

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Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.

La séance est ouverte à seize heures trente.

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Nous avons le plaisir de vous accueillir, monsieur le ministre, pour votre première audition par notre commission. Vous étiez disposé, monsieur le ministre, à venir devant nous dès le 4 juillet, mais le débat que nous avons eu en séance avec vous sur les conclusions du Conseil européen ce jour-là et votre agenda qui vous a conduit à effectuer des déplacements à l'étranger, ont retardé cette rencontre. Nous sommes convenus de vous auditionner, en moyenne, toutes les six semaines, sauf si des questions urgentes exigeaient des réunions supplémentaires. Vos auditions seront en principe ouvertes à la presse.

Pourriez-vous nous exposer votre vision de la politique étrangère de la France ? Quelles sont vos ambitions, vos grandes orientations, vos priorités ? Quelle analyse faites-vous de l'état de notre outil diplomatique, qui a été à la fois réformé et soumis à des contraintes budgétaires particulièrement fortes ?

Parmi les questions qui se posent aujourd'hui, je souhaite mentionner d'abord, l'avenir de l'Union économique et monétaire, les perspectives du rapport Van Rompuy et plus généralement l'état de l'Union européenne – la situation en Roumanie et en Hongrie ne laissant pas de nous préoccuper.

Il faudrait évoquer aussi la question syrienne, ainsi que la situation au Mali et, plus largement, au Sahel – sur laquelle vous êtes intervenu aujourd'hui lors de la séance des questions au Gouvernement. Les membres de la commission reviendront sur ces sujets et sur d'autres.

Je précise que l'Assemblée examinera en séance publique, le mercredi 25 juillet après-midi, en votre présence, monsieur le ministre, le projet de traité d'amitié et de coopération entre la France et l'Afghanistan. Notre commission a désigné M. Michel Vauzelle comme rapporteur sur cette question.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Je suis heureux, mesdames et messieurs les membres de la commission, de me retrouver parmi vous, et resterai toujours à votre disposition. Pour l'heure, je me bornerai à brosser par touches rapides un tableau d'ensemble, en vous priant d'excuser le caractère impressionniste de cette présentation.

Avant tout, compte tenu de la situation de la France, notre stratégie globale et notre politique étrangère doivent être subordonnées à un objectif : le redressement du pays, en particulier son redressement économique.

En second lieu, si l'on s'en tient à la distinction désormais classique entre pouvoir de contraindre – hard power – et pouvoir de convaincre – soft power –, la France est une puissance d'influence – influential power. C'est le concept qui doit guider notre action.

Cette influence résulte d'éléments disparates, mais qui, rassemblés, définissent la singularité et l'universalité de la France : notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ; l'arme nucléaire que nous détenons ; notre rang de cinquième puissance économique mondiale ; notre langue, qui est partagée par plusieurs centaines de millions de locuteurs et qui, dans un avenir proche – 2050 –, sera parlée par 700 millions de personnes sur le seul continent africain ; les principes auxquels nous nous référons, tels que le respect des droits de la personne humaine, le respect du droit, notre vision internationale sinon internationaliste, le fait que nous nous nous exprimons au-delà des seuls intérêts de la France avec un souci d'universalisme, nos liens particuliers avec toute une série de pays, notre position singulière sur le conflit israélo-palestinien.

Cette influence dépasse largement celle qui se déduit des simples réalités matérielles, notre population de 60 millions d'habitants et notre puissance économique.

Troisièmement, nous devons privilégier la vision de long terme et la cohérence. Même si la vie internationale est marquée par des crises, auxquelles il faut répondre, l'horizon de la politique étrangère doit être celui du forestier.

Quatrièmement, nos priorités thématiques ne sont autres que les objectifs et les principes forts auxquels nous croyons et auxquels on identifie à juste titre la France : la recherche de la paix, la sécurité, la régulation internationale, le respect des droits de la personne humaine, le développement durable.

Nous avons, en outre, des priorités géographiques : nos relations étroites avec de très grandes puissances telles que les États-Unis d'Amérique – avec lesquels nous sommes alliés, sans être alignés – et la Russie, grand partenaire avec lequel nous avons construit une relation particulière depuis des décennies ; notre appartenance à l'Union européenne, même si la France peut défendre des positions singulières dans ce cadre ; le soutien aux pays en développement.

Au-delà, certains éléments caractérisent notre pays : nous voulons entretenir des relations de proximité avec le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine – les BRIC –, mais aussi avec les « moyens émergents », groupe assez hétérogène comprenant des pays tels que la Turquie, l'Indonésie ou la Colombie. Nous devons établir une doctrine, adopter une attitude et un langage particuliers à l'égard de ces pays.

Je citerai également, au titre des priorités géographiques, le continent africain, qui est – quoi qu'on en dise et malgré la liste des crises – un continent du futur. La France doit avoir à l'égard de l'Afrique, dans sa diversité et dans sa globalité, une politique particulière et forte.

Je mentionnerai enfin la question euro-méditerranéenne, au-delà de la forme qu'elle a prise à travers l'Union pour la Méditerranée. Il nous faut promouvoir une « Euroméditerranée ». Compte tenu de sa position géographique et des évolutions qui se dessinent, la France doit avoir une relation particulière avec cette région. J'ai été très bien reçu hier par les autorités algériennes et par le Président Bouteflika, que je remercie. J'aurai l'occasion de me rendre prochainement dans quelques pays voisins.

Pour mettre en oeuvre les orientations que j'ai mentionnées, notre politique étrangère doit s'appuyer sur deux piliers : la diplomatie économique et la diplomatie culturelle au sens large – éducative, scientifique et culturelle.

S'agissant de la première, j'ai été frappé de constater à quel point notre position relative s'était dégradée depuis que j'ai quitté mes dernières fonctions gouvernementales il y a dix ans. Compte tenu de notre situation difficile et de l'évolution qui nous menace, notre objectif premier doit être, je le répète, le redressement économique et notre diplomatie doit être au service de cet objectif. Je proposerai dans quelques semaines un certain nombre d'actions convergentes avec celles d'autres ministères pour « muscler » notre diplomatie économique.

S'agissant de la seconde, la France dispose, faut-il le rappeler, du réseau culturel le plus important au monde. Il est caractérisé par sa diversité – écoles, alliances françaises, instituts culturels –, mais constitue une force essentielle, qui ne doit pas être séparée de l'aspect économique. Il convient de préserver cet ensemble.

Je souhaite souligner, à ce propos, le professionnalisme de nos agents. La France a la chance de disposer, pour mener sa politique étrangère, d'hommes et de femmes de grande qualité, compétents, dévoués, qui font ce métier parce qu'ils l'ont choisi et qui l'exercent dans des conditions souvent très difficiles aux quatre coins du monde. Ils ont d'ailleurs pu éprouver, à un moment donné, un certain malaise.

J'entends m'appuyer, sur les quatre ministres délégués, notamment en vue d'une meilleure prise en compte de la dimension économique de notre diplomatie.

Je mentionnerai, pour finir, quelques sujets d'actualité qui nous mobilisent, vous comme moi : la question syrienne ; la question du Mali et, plus généralement, du Sahel ; l'Afghanistan, sur lequel nous reviendrons dans quelques jours lorsque vous examinerez le projet autorisant la ratification du traité d'amitié signé en janvier dernier ; la question iranienne, moins présente dans l'actualité, mais non moins lourde de menaces ; les questions européennes que vous avez évoquées, madame la présidente ; la question israélo-palestinienne enfin, matrice de nombreux autres conflits.

La France bénéficie, sur ce dernier sujet, d'une situation favorable. D'un côté, les Palestiniens nous accordent une très large confiance, et nous entretenons de bonnes relations avec M. Mahmoud Abbas, qui vient fréquemment en France. De l'autre, le gouvernement israélien, actuellement en situation de force, considère le gouvernement français actuel comme un de ses interlocuteurs privilégiés, aux côtés des États-Unis.

Nous sommes là pour aborder toutes ces questions posément et publiquement – ce qui doit nous inciter à une certaine retenue, mais n'exclut pas la passion. Les quatre ministres délégués et moi-même sommes, mesdames et messieurs les membres de la commission, à votre disposition. Nous serons heureux d'entendre vos conseils, vos recommandations, vos observations. Le Quai d'Orsay vous est ouvert, sachez-le.

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Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir éclairés sur vos priorités et le cadre dans lequel vous placez votre action. Je donne maintenant la parole aux membres de la commission.

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Je souhaiterais aborder un sujet d'actualité et un sujet historique.

Le sujet d'actualité, c'est la situation au Mali. J'ai apprécié la réponse pondérée que vous avez faite à notre collègue François Loncle lors de la séance des questions au Gouvernement : il convient avant tout, avez-vous estimé, de rechercher une solution à cette situation politique très complexe, en redonnant du pouvoir au gouvernement de Bamako, cela ne pouvant se faire qu'en lien avec les pays de la région et avec une implication de la France.

Or, dans les jours précédents, vous aviez tenu des propos beaucoup plus musclés, que j'avais, pour ma part, moins bien compris. Vous avez ainsi déclaré, il y a une dizaine de jours, que l'usage de la force vous paraissait inévitable à un moment ou à un autre. Et si ce que rapporte la presse est exact, vous auriez plaidé, hier à Alger, pour une intervention militaire.

Pouvez-vous préciser votre position et celle du Gouvernement ? Quel doit être le rôle de la France ?

Le sujet historique a trait à la problématique arménienne. Il est question d'un nouveau projet ou d'une nouvelle proposition de loi visant à réprimer la négation du génocide arménien. Il ne s'agit pas, comme vous le savez, d'une initiative partisane, le clivage sur ce sujet traversant l'ensemble des groupes politiques. Vous semble-t-il nécessaire de revenir sur cette question ou ne faudrait-il pas plutôt considérer qu'elle relève désormais de l'histoire ? Tout en vous faisant cette suggestion, je suis opposé, je le précise, à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

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S'agissant du Mali et de la bande sahélienne, il me semble en effet nécessaire d'évoquer la question de la difficile mais indispensable conciliation entre le point de vue algérien, d'une part, et celui de la CEDEAO et de l'Union africaine, d'autre part. Pensez-vous possible d'y parvenir, comment et dans quel délai ?

Le Mali ne paraît pas en mesure de protéger, seul, ses populations ni de préserver son unité nationale. Nous inscrivons-nous dans un processus où la responsabilité de protéger, au sens des Nations unies, pourrait être invoquée, comme nous aimerions pouvoir le faire pour la Syrie ?

À la source de toutes ces tensions se trouve, vous l'avez relevé, le conflit israélo-palestinien, qui dure et nous désespère. Pensez-vous pouvoir prendre des initiatives à ce sujet ?

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

La situation au Mali est très difficile, et même dramatique, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en réponse à M. François Loncle. Il y a, je le rappelle, six otages français dans cette région. Nous devons donc, les uns et les autres, mesurer nos paroles.

Trois grandes séries de problèmes s'ajoutent les uns aux autres au Mali.

Il y a d'abord la dimension politique : le pays est coupé en deux ; une junte militaire s'est emparée du pouvoir au Sud, avant de laisser la place à un Président qui a fait l'objet d'une tentative d'assassinat et se trouve actuellement en France – j'ai eu l'occasion de le rencontrer, c'est un homme remarquable – et à un Premier ministre qui se trouve, lui, sur place. Le pays est confronté à des difficultés de tous ordres, en particulier économiques.

La Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) – en particulier le Burkina Faso auquel une mission de médiation a été confiée –, d'une part, et l'Union africaine, d'autre part, ont formulé des propositions pour tenter d'améliorer la situation. Ces deux organisations ont souhaité que le gouvernement malien soit élargi, afin de gagner en représentativité et d'offrir ainsi une assise pour reconquérir le territoire et mettre fin à la coupure Nord-Sud.

Le Premier ministre malien m'a confirmé ce matin qu'il s'attelait à cette tâche, qui lui a été assignée par la CEDEAO et l'Union africaine avec le 31 juillet pour date butoir, et qu'il était en contact avec le Président malien à Paris, auquel il a demandé de jouer un rôle actif dans ce processus.

La question comporte ensuite une dimension terroriste : de nombreux mouvements sont présents au Nord, en plus des Touaregs qui ont des revendications anciennes. D'après notre analyse, qui s'appuie sur les renseignements de nos services, la situation est dominée par le mouvement Aqmi, qui a des ramifications régionales pouvant porter d'autres noms, par exemple Boko Haram au Nigeria.

Le mouvement Aqmi a pour caractéristiques de disposer d'armes en quantité, d'argent – qui provient, pour une part des rançons et, pour une autre, de divers trafics – et de combattants généralement prêts à mourir, ce qui lui confère un avantage dans la lutte qui l'oppose aux autres mouvements. Il se singularise surtout, je le rappelle, par le fait que son ennemi déclaré est la France.

Enfin, il se pose des problèmes humanitaires très préoccupants, que M. Loncle a rappelés avec raison : d'une part, environ 200 000 Maliens ont trouvé refuge dans les pays voisins, dans des conditions épouvantables ; d'autre part, 167 000 personnes se sont déplacées du Nord au Sud du pays. Pour comble de malheur, plusieurs pays de la région sont touchés par une invasion de criquets pèlerins, aux conséquences potentiellement redoutables.

Malgré les décisions préventives prises en 2011, une grave crise humanitaire risque donc de s'ajouter aux difficultés politiques et au terrorisme dans les semaines à venir. La France, avec l'Union européenne, a déjà débloqué d'importantes sommes pour tenter de l'empêcher.

Monsieur Poniatowski, je considère, en parfait accord avec nos amis algériens, que les problèmes politiques doivent être abordés de manière politique. En revanche, le terrorisme, s'il se révèle irréductible, devra être traité par les moyens qui conviennent, le moment venu. Lors de mon séjour à Alger, d'aucuns ont voulu opposer une vision algérienne purement politique, voire angélique – nous en avons souri, le président Bouteflika et moi-même –, à une vision française exclusivement belliqueuse. Cela n'a aucun sens ! J'ai au contraire constaté avec plaisir que les Algériens, particulièrement avertis de ces questions du fait de leur proximité géographique avec le Mali et de leur expérience passée du terrorisme, partagent mon analyse ; mon homologue l'a dit expressis verbis. Ce qui répond également aux remarques tout à fait pertinentes de M. Janquin.

Selon nos amis algériens, en revanche, AQMI est un mouvement spécifique et d'autres mouvements seraient plus ouverts que lui à la discussion, alors que, selon nos services, c'est bien AQMI qui prend le dessus sur les autres. Nous sommes convenus que nos services respectifs travailleraient ensemble sur ces questions.

Les pays voisins défendent des positions diverses mais qui tendent à se rejoindre. Les plus fermes sont le Niger, la Mauritanie et le Nigeria – lequel a d'ailleurs décidé au cours des dernières heures d'attaquer le mouvement Boko Haram.

L'essentiel est l'effort de la communauté internationale. Pour notre part, nous ne voulons pas nous substituer aux Africains mais jouer un rôle facilitateur. Au Mali, il s'agit de favoriser une solution politique au Sud, le respect de l'intégrité du pays et, le moment venu, une solution « sécuritaire » au problème du terrorisme. Le Premier ministre malien me l'indiquait ce matin, la CEDEAO a dépêché sur place des experts militaires chargés d'étudier la situation sécuritaire – y compris au Sud, où il ne faudrait pas que les difficultés actuelles ouvrent la voie à AQMI. L'Union africaine agit dans le même sens. Quant à l'Union européenne, que j'ai saisie, elle apporte son soutien à la formation des militaires ainsi qu'une aide humanitaire. Enfin, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté la semaine dernière, à l'initiative de la France, une résolution placée sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies et dans laquelle, sans autoriser une intervention prochaine, il invite les instances concernées à revenir devant lui le moment venu s'il le faut. La France prend les contacts nécessaires pour que les grands pays – dont les membres permanents du Conseil de sécurité, mais aussi l'Afrique du Sud, qui y siège et dont on connaît l'importance sur le continent – oeuvrent en ce sens.

Nous n'en sommes donc pas, monsieur Janquin, à invoquer la responsabilité de protéger. La France, je le répète, veut être facilitatrice ; nous soutenons nos amis africains, mais c'est à eux seuls, à travers leurs organisations régionales, qu'il appartient d'agir, tandis que nous jouons notre rôle comme membre permanent du Conseil de sécurité et comme membre de l'Union européenne.

Nous y reviendrons, car cette crise ne se dénouera pas en trois semaines !

Sur le difficile problème du génocide arménien et de la Turquie, nous devons également mesurer nos paroles. Une loi que plusieurs d'entre vous ont votée tendait à réprimer sous certaines conditions la négation du génocide. Le Conseil constitutionnel, auquel le texte a été déféré, l'a jugé non conforme à la Constitution. Au cours de la campagne présidentielle, un engagement à sanctionner la négation du génocide a été souscrit – par les deux principaux candidats, si ma mémoire est bonne. Le Gouvernement y travaille. La tâche n'est pas facile, car il s'agit de respecter à la fois cet engagement du Président de la République et l'ordre juridique et constitutionnel qui s'impose à nous.

Par ailleurs, le Président français a rencontré son homologue turc, M. Gül, en marge du sommet de l'OTAN à Chicago, puis le Premier ministre Erdoğan à Los Cabos, au Mexique, dans le cadre du sommet du G20. À l'issue de cette prise de contact très fructueuse, au cours de laquelle ces questions n'ont pas été abordées, les Turcs ont décidé de lever les sanctions économiques qu'ils avaient prises contre la France. J'ai ensuite moi-même reçu le ministre turc des affaires étrangères, avec lequel j'ai discuté de ces sujets. Je lui ai indiqué les termes du problème. La communauté arménienne s'est émue de ma déclaration, craignant que le Président renonce à honorer son engagement. L'Élysée a confirmé sa promesse. Voilà où nous en sommes.

Nous devons tenter de trouver une solution en toute bonne foi. Il faut également faire en sorte que les relations entre l'Arménie et la Turquie s'améliorent ; mais, sur ce point, nous ne pouvons que formuler des propositions. Le ministre turc des affaires étrangères m'a confirmé qu'il souhaitait cette amélioration. Je recevrai dans quelques jours mon homologue arménien.

En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, monsieur Janquin, le gouvernement français entretient de très bonnes relations avec chacune des deux parties. M. Mahmoud Abbas est venu plusieurs fois à Paris. Lors de sa dernière visite, il s'est entretenu avec le Président de la République, avec le Premier ministre et avec moi-même. C'est un homme de dialogue. Dans ce conflit qui est, vous l'avez dit, la mère de bien d'autres, nous nous sommes également efforcés d'être facilitateurs. Du côté israélien, M. Netanyahou nous a envoyé nombre de ses collaborateurs – ministres, conseillers –, ce qui témoigne de l'intérêt qu'il accorde à la position française, et nous a fait savoir qu'il tiendrait la France, à l'instar des États-Unis, particulièrement informée de la situation.

Voici ce que je puis dire. Les Israéliens et les Palestiniens déclarent les uns comme les autres vouloir avancer. Les discussions portent sur deux questions : d'une part, la libération de prisonniers – leur nombre, leur identité ; d'autre part, la livraison d'armes dont l'Autorité palestinienne a besoin pour assurer la sécurité. Or, les élections américaines approchent et, avant même cette échéance, il est envisagé, avec crainte ou avec espoir – c'est selon – , que la question revienne devant l'Assemblée générale des Nations unies, qui se réunit en septembre, voire devant le Conseil de sécurité. Il est souhaitable que les discussions aient progressé d'ici là. La France s'efforce d'oeuvrer en ce sens.

J'ai en outre fait valoir à nos interlocuteurs israéliens qu'ils y avaient tout intérêt, non seulement pour remédier à une injustice et éteindre un foyer de troubles et de drames, mais aussi parce que les pays où ont eu lieu les « printemps arabes » risquent de se retourner contre Israël – ce qu'ils n'ont heureusement pas fait jusqu'à présent – lorsqu'ils connaîtront des revers et des difficultés économiques. C'est lorsque l'on est en position de force du point de vue politique, comme l'est aujourd'hui M. Netanyahou, que l'on doit discuter : voilà ce que j'ai amicalement dit aux Israéliens.

Monsieur Janquin, la France soutient et soutiendra toutes les initiatives qui contribueront à hâter l'issue du conflit. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que l'on réussira en quelques jours, avant les élections américaines ; mais des signes favorables, notamment sur les deux points que j'ai soulignés, permettraient d'espérer, dans la région et au-delà, la relance d'une solution à ce conflit aussi ancien que cruel.

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Monsieur le ministre, pourriez-vous nous fournir des informations sur les mouvements d'ambassadeurs que vous envisagez, notamment dans les ambassades où le poste est vacant ?

On peut se réjouir de votre déclaration de principe sur la diplomatie économique, pour laquelle Pierre Lellouche avait longuement et ardemment oeuvré, non sans résultats. Puisque vous viendrez régulièrement nous rendre compte de votre action, j'espère que vous nous détaillerez vos résultats précis en la matière. Selon quelles règles comptez-vous évaluer l'efficience des ambassadeurs ?

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Monsieur le ministre, nous sommes particulièrement inquiets des événements douloureux qui se déroulent actuellement dans la République démocratique du Congo, plus vaste pays francophone du continent africain. Alors que l'on déplore près de cinq millions de morts en dix ans dans ce secteur, une nouvelle crise est aujourd'hui ouverte à l'Est où les mutins du M23, issus d'une précédente rébellion, affrontent l'armée congolaise. Dimanche dernier, les présidents de la RDC et du Rwanda sont convenus de mettre sur pied une force internationale neutre afin d'éradiquer cette rébellion ; l'Union africaine a également formulé une proposition de règlement du conflit. Je rappelle que près de 20 000 militaires et civils de la MONUSCO sont déployés depuis 1999 dans la région.

Monsieur le ministre, vous venez de revendiquer – à juste titre – une politique d'influence ; quel rôle la France entend-elle jouer auprès de l'ONU afin que la mission conduite par la MONUSCO, conjointement avec celle de la force internationale neutre, aboutisse rapidement ?

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Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour Mme Ioulia Timochenko, après les interventions du Conseil de l'Europe, dont l'Assemblée parlementaire est présidée par notre collègue Jean-Claude Mignon ? Il y a urgence !

Ma deuxième question porte sur le conflit qui oppose l'Arménie à l'Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabagh. Le groupe de Minsk, coprésidé par les États-Unis, la Russie et la France, « patine » un peu. N'est-il pas indispensable que les représentants du Haut-Karabagh, qui disposent aujourd'hui d'une véritable institution, participent aux négociations ?

Enfin, s'il est en effet réjouissant de vous entendre parler d'économie, à en croire certain hebdomadaire, 200 000 des 240 000 voitures non vendues par PSA cette année auraient été destinées à l'Iran. Y a-t-il eu, comme on le prétend, une interdiction ? Si tel est le cas, pourrait-elle être levée ?

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Monsieur le ministre, les Français de l'étranger dont les enfants s'apprêtent à entrer au lycée – en terminale, en première ou en seconde – viennent d'apprendre qu'ils devront dès la rentrée payer leurs études, jusqu'alors gratuites. Cette décision les pénalise lourdement.

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Au lycée français de Londres, la scolarité coûte 1 800 livres par trimestre et par enfant, ce qui représente 6 900 euros par an et par enfant ! Pour les salariés d'entreprises françaises qui ont été mutés à Londres, pour les fonctionnaires qui y travaillent, c'est hors de prix ! Cette décision semble contraire au bon sens. C'est au nom de l'égalité entre les Français, qu'ils vivent en France ou à l'étranger, que l'on avait rendue gratuite la fréquentation des lycées français à l'étranger. Sachant combien cette égalité vous est chère, monsieur le ministre, je ne peux croire que l'on vous ait consulté et je serais heureux de connaître votre sentiment.

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Monsieur le ministre, l'ancien président du groupe d'amitié France-République démocratique du Congo que je suis s'inquiète également des événements survenus dans l'est du pays et attend avec intérêt votre réponse à la question de M. Christ.

D'autre part, au cours de la législature précédente, plusieurs d'entre nous ont beaucoup réfléchi à la part respective du bilatéral et du multilatéral, notamment en Afrique. Notre aide reste trop peu lisible, malgré les efforts accomplis au cours des deux dernières années et dont j'aimerais savoir si vous comptez les poursuivre. Le bilatéral est devenu la variable d'ajustement du multilatéral, de sorte que lorsque l'on a payé à ce dernier ce qu'on lui devait, il ne reste plus d'argent pour faire vivre correctement nos postes et valoriser l'action de la France sur le terrain. Qu'en pensez-vous ?

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Monsieur Cochet, quelques mouvements d'ambassadeurs ont déjà eu lieu et d'autres interviendront au cours des semaines à venir, comme cela arrive périodiquement lorsque des postes se libèrent ; mais aucun mouvement massif n'est prévu. Quant aux postes non pourvus, ils doivent l'être le plus vite possible ; mes services formuleront des propositions et je m'efforcerai de ne pas perdre de temps.

Pour le reste, je présenterai dès le Conseil des ministres de rentrée, à la fin du mois d'août, un plan sur la diplomatie économique ; ce sera l'un des deux principaux sujets à l'ordre du jour de la Conférence des ambassadeurs prévue la semaine suivante. Ce plan global, qui associera les autres ministères visera à donner à notre diplomatie le « réflexe économique ».

En ce qui concerne la RDC, nous recevons des informations alarmantes mais la rencontre entre les présidents Kabila et Kagame à Addis-Abeba peut être interprétée favorablement. L'action de la France a pour objectif la stabilisation des Kivu et l'unité de la RDC. Des groupes armés veulent remettre en cause les efforts déjà accomplis et faire basculer l'Est du pays dans le chaos, ce qui nuirait non seulement à la RDC mais à tous ses voisins. Nous soutenons donc résolument les initiatives prises en marge du sommet de l'Union africaine, qui pourraient déboucher sur une solution – mais restons prudents, car nos espoirs ont souvent été déçus. La France peut apporter son aide ; j'aimerais toutefois être certain que les choses avancent comme on nous le dit.

Monsieur Rochebloine, en ce qui concerne Mme Timochenko, la position de la France, comme celle des autorités européennes, consiste à défendre le droit. Même si cela peut paraître symbolique, nous avons d'ailleurs témoigné à l'Ukraine notre réprobation à l'occasion d'une récente manifestation sportive. La fille de Mme Timochenko a été reçue au ministère il y a quelques jours. Nous nous efforçons de progresser sur ce dossier, ce qui n'est pas facile.

Quant au conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, je recevrai dans les jours qui viennent leurs ministres des affaires étrangères respectifs. Je souhaite que la France, qui copréside le groupe de Minsk, contribue à faire progresser les discussions ; je ne sais pas encore comment nous pouvons nous rendre utiles, mais notre disponibilité est totale.

Enfin, s'agissant de l'activité de Peugeot en Iran, j'ai été par ailleurs informé des difficultés auxquelles vous faites allusion. Si des sanctions sont décidées, nous devons les appliquer ; mais il ne faut pas aggraver les difficultés dont souffre Peugeot.

Monsieur Balkany, la modification de la prise en charge (PEC) de la scolarité des élèves français était l'un des engagements du candidat François Hollande. De fait, si la gratuité avait pu sembler séduisante, au point qu'elle avait été promise pour l'ensemble de la scolarité, elle n'était pas sans effets pervers. Ainsi, certaines entreprises qui contribuaient auparavant à ce financement ne le faisaient plus, au motif que le contribuable y pourvoyait. Surtout, l'argent consacré à la PEC n'était pas disponible pour financer les bourses. Le système était donc injuste et l'engagement de M. Hollande sera tenu.

Le Président de la République a rassuré les associations de Français à l'étranger qui redoutaient que l'État veuille faire des économies avec la suppression de la PEC. Les sommes en cause seront entièrement affectées aux bourses, et aux personnes qui en ont le plus besoin. La mise en place d'un nouveau système étant toujours difficile, il a été demandé à Mme Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, d'adopter une attitude ouverte afin d'éviter que des familles se trouvent en difficulté.

Monsieur Terrot, la tendance à un plus grand multilatéralisme ne doit pas nous priver des moyens de mettre en oeuvre notre propre vision. Lors de la préparation du budget, dans quelques semaines, M. Canfin, ministre délégué chargé du développement, et moi-même, nous efforcerons d'assurer un bon équilibre qui, tout en respectant le multilatéralisme, ne nous dessaisisse pas de nos capacités d'influence.

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Je voudrais rappeler la nécessité d'une adéquation entre l'outil de défense et la politique étrangère. Voilà trois ans, M. Hervé Morin, alors ministre de la défense, alertait déjà sur les difficultés rencontrées dans le Sahel, et les membres de la Commission exprimaient leur inquiétude devant le transfert en direction d'Abou Dhabi ou de l'Afghanistan de troupes très utiles en Afrique – même s'il est vrai que les décisions d'emploi reviennent aux pays de la zone. Les coupes que pourrait subir encore la défense nationale suscitent donc encore une certaine inquiétude.

Monsieur le ministre, vous m'avez paru très optimiste, la semaine dernière, lors du débat sur l'état de l'Union européenne. Or, selon le FMI, l'Union européenne s'enfonce inexorablement dans une récession cumulative, qui pourrait atteindre 2 % en Italie en 2012, ce qui rend impensable d'emprunter à 6 %. Votre pacte de croissance masque surtout un pacte de récession. Que répondriez-vous au FMI qui s'inquiète de l'immobilisme des dirigeants européens ?

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La priorité, c'est assurément le redressement économique de la France, qui conditionne son poids diplomatique dans un système mondialisé. Je n'ai cependant pas trouvé dans vos propos de colonne vertébrale, de ligne forte pour la politique étrangère de la France. Votre exposé m'a paru flou et plat – sans doute le musclerez-vous dans les mois qui viennent. En quoi votre politique étrangère sera-t-elle différente ? Peut-elle l'être ?

Qu'allez-vous faire vis-à-vis de l'OTAN ? Avez-vous changé de position depuis l'époque où vous critiquiez la réintégration de la France dans le commandement intégré ?

Le Premier ministre a déclaré que vous aviez renégocié le traité européen. Qu'avez-vous au juste renégocié ? La « règle d'or » qui figure dans ce traité – où elle est du reste assortie de sanctions – est-elle constitutionnelle ? Le Conseil constitutionnel sera-t-il saisi ? Que faut-il alors penser des propos du Président de la République, qui a déclaré que, quoi que dise le Conseil constitutionnel, il n'y aurait pas de règle d'or ?

Lors de votre voyage en Chine, durant la campagne électorale, vous aviez demandé la convertibilité du yuan. Qu'en est-il ?

Qu'adviendra-t-il, enfin, du déliement de l'aide ?

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Le président égyptien, M. Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, déclarait mercredi dernier qu'il respectait la décision de la Haute Cour constitutionnelle qui a suspendu son décret visant à rétablir le Parlement dissous. Cette déclaration semble destinée à calmer le jeu au moment où M. Morsi traverse une épreuve de force avec les militaires. Il ne peut en effet exercer le pouvoir sans les militaires et une opposition entre les Frères musulmans et l'armée apparaît donc clairement.

La transition démocratique en Égypte sera certainement très longue. Comment la France compte-t-elle aider la nation égyptienne à relever ce défi ?

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Je souscris, monsieur le ministre, à la nécessité du réflexe économique – qui existe du reste dans certains pays, comme la Russie ou l'Indonésie.

J'en viens à l'Iran, pour lequel des sanctions sont mises en oeuvre depuis le 1er juillet dans le domaine des hydrocarbures. Quels sont les effets des sanctions déjà prises dans le secteur bancaire ? Quels effets peut-on espérer dans le secteur pétrolier, sachant que le prix du pétrole et du gaz baisse actuellement et que le budget iranien est largement indexé sur les produits pétroliers ? Quels effets peut-on attendre sur la complicité qui unit l'Iran et la Syrie ?

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Le printemps arabe, qui a permis le renversement de dictatures, est un processus long et fragile. On voit se poser notamment l'enjeu des rapports de l'islam et de la politique. La question de savoir si les printemps accoucheront de républiques islamiques de type iranien ou de régimes modérés traverse tous les courants politiques, qu'il s'agisse des Frères musulmans ou d'Ennahda. Le Quai d'Orsay a-t-il la capacité d'analyser le rapport de l'islam avec ces forces politiques dans l'ensemble de la région ? Par ailleurs, que peut faire la France pour influencer une évolution dans le bon sens et comment les parlementaires que nous sommes peuvent-ils y contribuer ?

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La politique méditerranéenne est très importante pour l'influence de la France en Europe et dans le monde. Ce sujet n'a pas été abordé pendant la campagne présidentielle, ni depuis lors, du fait des divers sommets qui ont retenu le Gouvernement et le chef de l'État. Il est cependant urgent de faire un geste en direction des pays qui ont connu le printemps arabe, et des jeunes révolutionnaires – notamment des femmes – qui portent des valeurs qui, malgré l'islam, ressemblent à nos valeurs démocratiques.

L'Europe du Sud, quant à elle – la Grèce, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, voire le Sud de la France –, est montrée du doigt comme le mauvais élève d'une Europe elle-même frileuse, qui se replie sur elle-même au moment où les pays du Sud de la Méditerranée peuvent ressentir une « tentation de l'Est » et regarder vers le modèle turc ou ceux de la péninsule arabique.

S'il est difficile pour l'État de s'adresser à des pays jaloux de leur souveraineté, de leur culture et de leur religion, la diplomatie parlementaire, dans le cadre par exemple de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée ou de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, peut jouer un rôle de façon plus souple. Les régions méditerranéennes peuvent également oeuvrer à une coopération entre sociétés civiles.

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Monsieur le ministre, je propose que nous entendions encore, après la fin de cet échange, Mme Danielle Auroi, présidente de la Commission des affaires européennes.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Il est malheureusement l'heure que je parte. Il me semblerait préférable, si vous en êtes d'accord, que je revienne dans quelques jours pour répondre à loisir aux questions qui n'auront pu être posées aujourd'hui.

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Nous vous entendrons donc à nouveau très prochainement. Je donnerai alors la parole à Mme Danielle Auroi, et aux six orateurs inscrits qui n'ont pu s'exprimer aujourd'hui.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Encore quelques mots de réponse aux questions qui viennent d'être posées.

Monsieur Dupont-Aignan, il va de soi que notre outil de défense ne doit pas être démantelé, le Sahel en est un exemple. C'est cependant aux Africains qu'il appartient de traiter cette question, même si la France peut jouer un rôle d'appui.

Votre vision peu optimiste de l'état de l'Union européenne ne nous a pas surpris. Je ne crois pas être moi-même euro-béat, mais la réunion des 28 et 29 juin a été positive, à la différence de certaines réunions précédentes. Elle doit maintenant se traduire dans les faits, et les ministres compétents y travaillent.

On ne peut qualifier le pacte de croissance de « pacte de récession », sauf à avoir de la réalité une vision assez paradoxale. Je vous donne acte cependant que ces mesures doivent être appliquées, ce qui n'est pas si facile.

Monsieur Lellouche, me voilà devant vous comme Saint Sébastien percé de flèches. Si je vous ai paru trop flou, mettez cela sur le compte de mon manque d'éloquence, d'expérience et de capacité de synthèse. Vos conseils seront précieux en tout cas.

Il me semblait que, depuis deux mois, le Président de la République et son gouvernement ne démarraient pas si mal dans leurs rapports avec l'Union européenne, lorsqu'ils ont mis en avant le thème de la croissance. Il ne me semble pas que la Conférence des amis du peuple syrien, qui a réuni 107 pays à Paris, ait été perçue par le monde entier comme un échec cinglant. Nos rapports avec l'Italie étaient déjà bons, encore fallait-il les matérialiser. Dans nos rapports avec la Birmanie je n'ai pas le sentiment que la réception faite en France à Mme Aung San Suu Kyi soit à mettre au débit de la diplomatie française. Hier, en Algérie M. Bouteflika m'a fait un accueil particulièrement chaleureux – voyez la presse algérienne. Quant au voyage que j'ai effectué en Chine – qui contrastait, il est vrai, avec celui que j'avais fait avant les élections –, le fait sans précédent d'être reçu à la fois par le Premier ministre actuel et par celui qui lui succédera probablement après le xviiie Congrès ne constitue pas une marque d'infamie indélébile. Nous pouvons peut-être mieux faire, mais le démarrage aurait pu être plus catastrophique.

Pour ce qui est de l'Égypte, nous faisons tous la même analyse : deux pouvoirs se font face et tentent de se concilier tout en luttant l'un contre l'autre, sous le regard fatigué de la population. Vous aurez vu que les résultats de l'élection présidentielle diffèrent de ceux des élections législatives – 51 % contre 49 % dans un cas, 80 % contre 20 % dans l'autre.

L'un des juges de paix sera la situation de l'économie, aujourd'hui catastrophique – elle est maintenue par les États-Unis et, dans une moindre mesure, par l'Union européenne. Les recettes touristiques ont plongé, les recettes gazières et pétrolières sont modestes. L'inquiétude porte à la fois sur la capacité de conciliation entre les différents pouvoirs, sur la lassitude de l'opinion et sur la situation économique. Nous avons fait savoir que nous serions très attentifs au respect des droits, notamment de ceux des minorités.

Monsieur Guillet, les relations entre l'Iran et la Syrie mériteraient un long développement. Selon les informations dont nous disposons, les sanctions commencent à avoir un effet notable. Le secteur pétrolier est particulièrement affecté.

Certains pays, comme la Chine, n'appliquent pas les sanctions, qui représentent d'ailleurs un sacrifice pour les pays qui les acceptent, comme le Japon. La Grande-Bretagne, après avoir argué des difficultés que représenteraient ces sanctions pour les transactions de la City, s'est finalement rangée à nos arguments. Même si elles ne suffisent pas, les sanctions sont utiles. La France veut combiner sanctions et discussions. Pour l'heure, nous ne progressons guère, mais nous poursuivons la pression.

Monsieur Glavany, j'ai demandé à notre direction de la prospective d'apporter des éléments de réponse à votre question. Nous pouvons adopter une position de principe générale, fondée sur les droits, et l'ajuster à la situation – laquelle est différente en Tunisie, en Syrie, en Libye et en Égypte.

Monsieur Vauzelle, j'ai demandé à M. André Laignel, en tant que secrétaire général de l'Association des maires de France, d'examiner l'ensemble de la coopération décentralisée. Il convient d'opérer un double mouvement : le ministère des affaires étrangères doit jouer un rôle de proposition beaucoup plus marqué pour indiquer aux collectivités ce qu'elles peuvent faire et, symétriquement, les collectivités doivent pouvoir s'appuyer sur le ministère. Certaines régions, qui interviennent dans des pays lointains, disposent d'équipes qui sont à la fois coûteuses et trop peu nombreuses pour être efficaces. À l'inverse, au Japon, les responsables d'Ubifrance – l'organisme qui intervient pour les petites et moyennes entreprises – m'ont donné des exemples de régions qui mettent à disposition des personnels abrités dans la structure d'Ubifrance, ce qui permet une synergie au profit tant de la région concernée que de l'ensemble de notre pays. Il faut avancer dans ce domaine qui intéresse beaucoup les collectivités et les élus, et représente des montants considérables.

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Monsieur le ministre, je vous remercie. Comme convenu, nous poursuivrons prochainement cette audition, afin que tous nos collègues qui le souhaitent puissent vous poser leurs questions.

La séance est levée à dix-huit heures.