Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 2 mars 2016 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • crime
  • infraction
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La réunion

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La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission examine, sur le rapport de M. Olivier Dussopt, la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation et relative aux conditions d'exercice des mandats des membres des syndicats de commune et des syndicats mixtes (n° 3474).

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Nous sommes saisis en première lecture de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation et relative aux conditions d'exercice des mandats des membres des syndicats de communes et des syndicats mixtes.

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La proposition de loi que nous examinons a été adoptée par le Sénat le 3 février dernier. Dans sa version initiale, elle avait un seul objectif : permettre l'entrée en vigueur du nouveau droit individuel à la formation (DIF) des élus locaux. Institué par la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, ce nouveau droit permet aux élus de bénéficier d'une formation, soit dans le cadre de l'exercice de leur mandat, soit pour préparer leur réinsertion professionnelle. Cette formation est de vingt heures par an, cumulables sur toute la durée du mandat. Elle est financée par une cotisation obligatoire des élus locaux, « dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, assise sur leurs indemnités et collectée par un organisme collecteur national ». Or cet « organisme collecteur national » n'a jamais été désigné par le pouvoir réglementaire, alors que le décret en Conseil d'État sur ce sujet était attendu pour septembre 2015, et que le droit individuel à la formation devait entrer en vigueur au 1er janvier 2016. La proposition de loi vise en conséquence à pallier l'inaction du pouvoir réglementaire en créant un fonds de financement ad hoc, géré par la Caisse des dépôts et consignations, sur le modèle du fonds de financement de l'allocation différentielle de fin de mandat. Ce nouveau droit à la formation pourra ainsi entrer rapidement en vigueur.

Je profite de cette occasion pour rappeler les principaux apports de la loi du 31 mars 2015, qui doit beaucoup à nos collègues Philippe Doucet et Philippe Gosselin, auteurs d'un rapport d'information sur le statut de l'élu : harmonisation du régime indemnitaire des exécutifs locaux, extension du congé électif et du crédit d'heures, élargissement du droit à suspension du contrat de travail et à réinsertion dans l'entreprise à l'issue du mandat, extension du droit au congé de formation professionnelle et au bilan de compétences, validation des acquis de l'expérience ou encore charte de l'élu local.

Malgré ces progrès, les élus locaux sont encore loin de disposer d'un réel statut et, dans de nombreux domaines, les garanties qui leur ont été accordées mériteraient d'être renforcées. Cela est notamment vrai s'agissant des insuffisances des régimes de retraite et de protection sociale, de l'absence d'une véritable allocation de retour à l'emploi, ou des difficultés récurrentes de conciliation entre vie professionnelle et exercice d'un mandat local — sans parler de la candidature à une élection.

Par ailleurs, lors de sa discussion au Sénat, la proposition de loi s'est enrichie d'une disposition visant à reporter au 1er janvier 2020 l'entrée en vigueur du nouveau régime indemnitaire des présidents et vice-présidents de syndicats de communes et de syndicats mixtes, issu de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ».

Il ne s'agit pas de réparer une « erreur » ou une « malfaçon législative », comme ont pu le laisser penser certains échanges au Sénat, mais bien d'assumer un choix politique du législateur consistant à encourager la rationalisation des structures territoriales, en réservant la possibilité de verser des indemnités de fonction aux présidents et vice-présidents des seuls syndicats dont le périmètre est supérieur à celui d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Ces dispositions de la loi NOTRe auraient dû s'appliquer au 1er janvier 2017, en même temps que les nouvelles cartes de l'intercommunalité, mais, en raison de l'adoption d'un sous-amendement du Gouvernement en séance à l'Assemblée nationale, elles ont été mises en oeuvre dès le 9 août 2015, alors qu'il aurait été plus logique de les rendre applicables au moment de l'entrée en vigueur des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale. Elles ont par ailleurs privé de toute indemnité de fonction les présidents de certains syndicats mixtes ouverts — ceux qui associent des communes, des EPCI, des départements et des régions. Ces deux difficultés avaient été détectées après la tenue de la commission mixte paritaire sur la loi « NOTRe », mais le Gouvernement avait souhaité ne déposer aucun amendement sur le texte issu de cette réunion, afin de préserver les équilibres politiques qui s'y étaient dégagés.

Il est aujourd'hui proposé de reporter au 1er janvier 2020 l'entrée en vigueur du nouveau régime indemnitaire des présidents et vice-présidents de syndicats de communes et de syndicats mixtes fermés, tout en appliquant ce même régime aux syndicats mixtes ouverts. D'ici à cette date, l'état du droit antérieur à la loi NOTRe sera rétabli, avec effet rétroactif au 9 août 2015.

La date du 1er janvier 2020 coïncide avec celle à laquelle certaines compétences supplémentaires, telles que l'eau et l'assainissement, reviendront obligatoirement aux intercommunalités — de nombreux syndicats concernés par les dispositions relatives au régime indemnitaire des présidents et des vice-présidents interviennent aujourd'hui dans ces domaines. À titre personnel, j'aurais préféré que soit retenue la date du prochain renouvellement des conseils municipaux et intercommunaux, en mars 2020, mais un amendement en ce sens se heurterait à l'article 40 de la Constitution. En conséquence, je vous propose que nous en restions à la date introduite au Sénat par un amendement du Gouvernement : le 1er janvier 2020.

Afin de sécuriser les dispositions relatives à la création de l'organisme collecteur pour la mise en oeuvre du droit individuel à la formation des élus locaux, comme celles qui concernent le régime indemnitaire des présidents et vice-présidents de syndicats de communes et de syndicats mixtes, je vous invite à adopter la proposition de loi sans la modifier.

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Nous sommes évidemment favorables à ce texte qui permet de renforcer la formation des élus locaux.

Je souhaite cependant appeler votre attention sur les particularités de la Polynésie française. La loi du 31 mars 2015 dispose que « le montant réel des dépenses de formation ne peut excéder 20 % » du montant total des indemnités des élus concernés. Or il est très difficile de respecter ce plafond dans un territoire grand comme l'Europe, qui compte cent dix-huit îles, quarante-huit communes et quatre-vingt-seize communes associées, dès lors qu'il nous faut financer le transport des élus vers Papeete. Le billet d'avion aller-retour entre les Îles Marquises et Papeete coûte de 600 à 800 euros. Il faudra donc être vigilant en matière de plafond, en particulier lors de la rédaction des décrets d'application.

Nous avons d'ores et déjà demandé que les textes d'application de la loi de 2015 soient adaptés. Est-il possible que ceux qui résulteront de la proposition de loi que nous examinons tiennent également compte de la spécificité polynésienne ?

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Il est plutôt louable de vouloir faire appliquer le droit individuel à la formation des élus locaux, mais cette initiative manque, à mon sens, de pragmatisme.

L'application de la loi NOTRe est encore difficile tant les choses sont complexes, le tissu des élus locaux étant heurté par les tiraillements entre le jacobinisme de l'État et la dépréciation de leur statut dans l'opinion publique. Je pense ainsi aux intercommunalités : leurs décisions sont encore régulièrement cassées, notamment du fait des trous noirs de la clause de compétence, et bien des élus ne comprennent qu'imparfaitement les décisions prises dans ces assemblées — les juristes ne font d'ailleurs pas mieux. Entre la pression des préfets, les arnaques des découpages territoriaux, la création d'administrations supplémentaires loin de la promesse de collaboration des communes, bien des nouveaux ensembles ne remplissent pas leur rôle.

Alors que toutes ces questions ne sont pas encore réglées, il nous faut déjà légiférer sur le droit à la formation. Cet empressement met en exergue le drame de la « représentativité » politique. Pourtant, ce n'est pas en renforçant la formation qu'on améliorera la diversité des profils et des professions des élus, mais en revenant sur des modes de scrutin et des ambiances électorales qui n'ont que peu à voir avec la démocratie.

L'article 3 entend bien intégrer les EPCI, les départements et les régions, ce qui ne va rien simplifier. Prenons l'exemple des élus régionaux qui sont issus de scrutins de liste dans des structures politiques éloignées des électeurs. Comment peut-on comprendre qu'il faille augmenter l'aide à la formation de ces élus ? Ils devraient être à ce point qualifiés au moment de leur élection qu'ils n'aient aucun problème à oeuvrer par la suite. En agissant de la sorte, le législateur valide, de fait, une analyse qui n'est pas récente et qui constate le nivellement par le bas dû au poids des partis, et l'intrusion de l'image et de la marche médiatique contre la capacité de gestion : aujourd'hui, on ne juge plus les hommes !

Chacun sait aussi que la formation des élus pose d'énormes problèmes de destination des fonds et d'organisation partisane de cette formation. Les Français s'en plaignent ; la presse s'en fait très régulièrement l'écho. Ne faudrait-il pas commencer par réformer ce modèle pour assurer une plus grande transparence ?

Procédons par étapes : réduisons la dictature des partis, supprimons les compétences cumulées, réduisons l'intrusion de l'État dans les libertés locales, et les élus pourront se questionner sur leur formation ! Pour conclure, légiférons moins et mieux et, surtout, élaguons largement la forêt inextricable de textes et de lois en vigueur. Il s'agit de la première urgence à laquelle nous devons nous attacher.

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Je remercie le rapporteur qui a bien voulu citer le rapport d'information sur le statut des élus locaux, que Philippe Doucet et moi-même avons déposé en juin 2013. La démocratie a besoin d'élus disponibles, reconnus et formés, alors qu'il est de plus en plus difficile d'être omniscient et compétent en toute matière.

Quel que soit le type de scrutin concerné, je ne crois pas du tout à un nivellement par le bas des élus. Je constate en revanche que le droit est devenu de plus en plus complexe et qu'il est toujours plus difficile de gérer une collectivité locale. Il faut pour cela être à la fois juriste, spécialiste des ressources humaines, de l'urbanisme, des finances publiques… Le droit à la formation est donc particulièrement utile, et les compléments apportés par la proposition de loi à ce que nous avons déjà voté concernant le DIF ne nous posent évidemment aucune difficulté.

Nous avons aussi affaire à un texte visant à réparer un incident fâcheux qui a privé des élus, notamment les présidents de certains syndicats mixtes, de leurs indemnités. Il vise également à combler un vide juridique. Je partage l'analyse de notre rapporteur s'agissant des dates d'entrée en vigueur du nouveau régime indemnitaire, mais, si nous voulons avancer rapidement, je reconnais qu'il importe de voter cette proposition de loi dans le texte du Sénat. Un vote conforme permettra une application du texte dans les meilleurs délais.

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Avant que nous n'examinions l'amendement CL1 de M. Lionel Tardy, je veux témoigner de l'émotion que suscite dans le monde rural l'application de la disposition de la loi du 31 mars 2015 selon laquelle le montant de l'indemnité des maires des communes de moins de 1 000 habitants ne peut être diminué. Même s'il s'agit de montants déjà faibles, des habitudes avaient été prises, dans un certain nombre de communes, afin de ne pas peser sur le budget municipal. Cette disposition suscite une grande incompréhension. Des maires se résignent, mais financent avec cette indemnité le pot du 14 juillet ou des vins d'honneur, d'autres la reversent sous forme de dons à la commune. Tout cela manque vraiment de pragmatisme !

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La proposition de loi déposée au Sénat par M. Jean-Pierre Sueur en décembre 2015 visait à mettre en oeuvre le droit individuel à la formation pour les élus locaux, tel qu'il est prévu par la loi du 31 mars 2015. Le texte issu du Sénat comporte désormais un second volet qui nous a été décrit par notre rapporteur. Étant donné la sensibilité des enjeux et la nécessité d'agir rapidement, j'appelle au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen à l'adoption conforme de ce texte.

La Commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er (art. L. 1621-3 [nouveau], L. 1881-1, L. 2123-12-1, L. 3123-10-1, L. 4135-10-1, L. 7125-12-1, L. 7227-12-1 du code général des collectivités territoriales, art. L. 121-37-2 [nouveau] du code des communes de la Nouvelle-Calédonie) : Fonds de financement du droit individuel à la formation des élus locaux

La Commission adopte l'article 1er sans modification.

Article 2 (supprimé) : Gage financier

La Commission maintient la suppression de l'article 2.

Article 3 (art. L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales) : Régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes

La Commission adopte l'article 3 sans modification.

Après l'article 3

La Commission est saisie de l'amendement CL1 de M. Lionel Tardy.

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Cette proposition de loi montre que certains textes dont les effets n'ont pas été correctement évalués doivent parfois être rectifiés quelques mois seulement après leur adoption par le Parlement. C'est le cas de la loi NOTRe, décidément très imparfaite, mais aussi, dans une moindre mesure, de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

J'ai rédigé cet amendement après avoir découvert dans la presse l'histoire d'un maire de Haute-Garonne qui voulait réduire ses indemnités, mais qui en était empêché par la loi du 31 mars 2015. Depuis son entrée en vigueur, les conseils municipaux des communes de 1 000 habitants et plus peuvent, par délibération, fixer une indemnité de fonction du maire inférieure au barème prévu, mais cela n'est pas possible dans les communes moins peuplées. Entendons-nous bien : l'indemnité des maires de ces petites communes, souvent rurales, est dérisoire, nous le savons tous. Ces quelques centaines d'euros sont amplement méritées si l'on considère le travail accompli et la disponibilité dont font preuve les élus concernés, souvent sept jours sur sept. Cependant, si certains d'entre eux souhaitent réduire leur indemnité, rien ne doit les en empêcher, et le même régime en la matière doit valoir pour toutes les communes de France. Mon amendement apporte une correction en ce sens en supprimant un seuil qui n'a pas lieu d'être.

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La nécessité de sécuriser rapidement le DIF et les indemnités des élus des syndicats s'imposant, j'appelle au retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Dans la loi du 31 mars 2015, l'Assemblée nationale avait ramené à 1 000 habitants le seuil que nos collègues sénateurs souhaitaient fixer à 3 500, réduisant ainsi le nombre de communes concernées. Je reconnais que cette disposition peut encore poser certaines difficultés dans des cas qui restent rares, comme celui du maire que vous citez, monsieur Tardy. Il existe des possibilités que je n'ose qualifier de « contournements » : ainsi, un maire peut reverser une partie de son indemnité au centre communal d'action sociale (CCAS) de son village — cette solution est en tout état de cause mieux encadrée que l'éventuelle prise en charge financière de telle ou telle manifestation qu'évoquait Jean-Luc Warsmann.

Si ce débat doit être ouvert, il pourra l'être lors de l'examen d'un autre texte législatif.

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Les associations d'élus, notamment celle des maires de France et celle des maires ruraux de France, que nous avions reçues en 2013 avec Philippe Doucet, nous avaient demandé avec insistance de mettre en place le dispositif retenu dans la loi du 31 mars 2015. Elles constataient en effet que nombre de maires de petites communes ne percevaient pas le montant maximal de leurs modestes indemnités. Une certaine pression était très souvent exercée sur l'élu auquel on faisait remarquer, par exemple, qu'il touchait déjà une pension de retraite. Beaucoup de maires manifestaient une certaine gêne sur le sujet. Sur notre proposition, l'Assemblée avait ramené à 1 000 habitants le seuil de 3 500, adopté au Sénat, en deçà duquel les indemnités de fonction sont définies de manière fixe.

Je comprends d'autant mieux l'amendement de M. Tardy que je réunis actuellement les maires de ma circonscription qui ont abordé ce sujet avec un peu d'embarras. Pour ma part, je suggère aux personnes concernées de faire, par exemple, un don au CCAS. Il ne s'agit pas d'un contournement, mais d'une façon de satisfaire aux obligations de la loi tout en respectant le souhait éventuel des élus.

Quoi qu'il en soit, il me paraît essentiel que les maires de communes rurales qui passent beaucoup de temps dans leur mairie et dans les multiples réunions de l'intercommunalité — je rappelle que les maires des communes de moins de 1 000 habitants sont, de droit, membres des conseils communautaires de la communauté d'agglomération ou de la communauté de communes — qui se déroulent souvent à plusieurs dizaines de kilomètres de leur village, perçoivent une indemnité qui couvre à peine les frais de déplacement. Il n'est pas question que les élus locaux s'enrichissent sur le dos de leurs concitoyens, mais, si nous voulons préserver l'exercice normal de leurs fonctions, ils ne doivent pas non plus en être de leur poche. Tel est l'esprit de la loi.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL8 de Mme Annie Genevard.

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La loi NOTRe a relevé le seuil minimal de population imposé aux EPCI à fiscalité propre, qui est désormais fixé à 15 000 habitants. Cela bouleverse la carte établie au 1er janvier 2014, et, alors que des dizaines d'EPCI ont fusionné il y a à peine deux ans, il faut déjà s'engager dans une nouvelle vague de recomposition.

La loi prévoit que le schéma départemental de coopération intercommunale entre en vigueur très rapidement, et que les nouvelles intercommunalités doivent être fixées pour le 1er janvier 2017. Un certain « flou » demeure cependant qui permettrait de considérer que la carte pourrait être arrêtée au 31 décembre 2016, mais que la création juridique effective des nouveaux établissements n'interviendrait qu'au 31 décembre 2017, soit un an plus tard. Cela permettrait aux intercommunalités de travailler à leur rapprochement et à leur gouvernance, mais aussi de « digérer » les nouveaux périmètres.

Cet amendement ne remet pas en cause l'intercommunalité ; il donne un délai supplémentaire qui a aussi été accordé s'agissant de la formation des communes nouvelles — l'échéance du 31 décembre 2015 a été repoussée au 30 juin 2016 avec une entrée en vigueur possible le 1er janvier 2017.

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Sauf erreur de ma part, monsieur Gosselin, j'ai cru vous entendre souhaiter un vote conforme, par notre Assemblée, de la proposition de loi adoptée par le Sénat. Cette position est-elle vraiment compatible avec le maintien de l'amendement ? (Sourires.)

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Je crois comprendre le sens de votre demande, monsieur le Président. Disons que je me prépare psychologiquement à ce que, le cas échéant, l'amendement ne soit pas adopté. Le sujet aura néanmoins été évoqué. La schizophrénie guette parfois, mais je me soigne !

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Ces soins vous amèneraient-ils à accepter de retirer votre amendement ?

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Je ne peux m'y résoudre hors de la présence de Mme Genevard qui en est la première signataire.

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En communion de pensée avec notre Président, je ne puis, pour ma part, qu'émettre un avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

La Commission examine, sur le rapport de M. Alain Tourret, la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale (n° 2931).

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Je suis heureux d'accueillir à mes côtés les deux auteurs de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale : M. Alain Tourret, qui en est le rapporteur, et M. Georges Fenech.

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Cette proposition de loi, inscrite à l'ordre du jour du jeudi 10 mars proposé par le groupe Radical, républicain démocrate et progressiste (RRDP), est le résultat d'un immense travail que Georges Fenech et moi-même avons accompli ensemble. Nous avons préparé ce texte ensemble, et, ensemble, nous avons reçu un grand nombre de spécialistes du sujet.

La prescription est l'un des modes d'extinction de l'action publique. Son existence remonte à l'Empire romain et aux lois d'Auguste relatives, notamment, à l'adultère. Elle traverse l'histoire en se perfectionnant. On retrouve dès 1246, dans la charte d'Aigues-Mortes, octroyée par Louis IX, le futur Saint Louis, un système achevé extrêmement proche de celui en vigueur aujourd'hui. Le droit positif des articles 7 et 8 du code de procédure pénale procède directement du code napoléonien d'instruction criminelle de 1808, qui différencie nettement la prescription selon qu'elle s'applique à des contraventions, des délits ou des crimes. Les délais de prescription sont calculés à partir de la commission des faits. La prescription peut être relative à l'action publique : elle est alors acquise au terme d'un délai d'un an pour les contraventions, après trois ans pour les délits, et après dix ans pour les crimes. Le code pénal la prévoit également concernant l'exécution de la peine qui se prescrit par trois ans — en 1808, ce délai était de deux ans s'agissant des contraventions —, cinq ans et vingt ans.

Le système français caractérisé par sa grande complexité est unique au monde, mais, comme si cela ne suffisait pas, les textes ne sont pas respectés. À partir de 1935, la chambre criminelle de la Cour de cassation s'est en effet systématiquement opposée aux articles 7 et 8 du code de procédure pénale. Le phénomène est unique : depuis cette époque, la plus haute juridiction juge contra legem en toutes circonstances. Cela n'est pas sans poser quelques problèmes en termes de sécurité juridique.

De façon générale, les magistrats cherchent en permanence à faire tomber la prescription lorsqu'elle est invoquée. Comment admettre que l'assassinat de huit nouveau-nés ne soit pas poursuivi parce qu'il est découvert dix ans après les faits ? Chacun d'entre nous ressent bien que cela pose un problème. Les juristes français ont donc oeuvré, au cas par cas, pour empêcher l'application de la prescription. Le développement de la criminalité économique n'a fait qu'accentuer cette tendance. Aucune des grandes affaires économiques actuelles n'aurait eu lieu si l'on avait appliqué les textes relatifs à la prescription — l'affaire Karachi ne pourrait plus donner lieu à des poursuites. Toute la délinquance en col blanc échapperait à ses responsabilités, ce qui serait intolérable.

Le législateur a donc progressivement fait voter des lois nouvelles visant à briser le carcan de la prescription triennale, en matière délictuelle, et décennale en matière criminelle. Il en résulte que nous sommes aujourd'hui dans le flou le plus complet : des délits sont prescrits par dix ou vingt ans, et le désordre est identique s'agissant des crimes. Ce maelström n'est pas favorable à la sécurité juridique.

La jurisprudence est devenue erratique, et le législateur ne respecte pas lui-même les grands principes. Lors de la précédente législature, des dispositions ont même été adoptées afin de reporter le point de départ de la prescription de certaines infractions aussi longtemps que les victimes sont malades ou enceintes — comme si la grossesse était une maladie !

Devant une telle faillite, nombreux ont été ceux qui ont tenté de trouver des solutions. Ce fut le cas du président Pierre Mazeaud, dont chacun se rappelle la finesse de l'analyse juridique et le talent politique. Il a échoué, tout comme M. Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de la cour d'appel de Paris. Quant à M. Jean-Jacques Hyest, et à plusieurs sénateurs de grande qualité, ils proposèrent, en 2007, une réforme globale qui n'aboutit finalement qu'en matière civile avec la loi du 17 juin 2008. Elle fait l'unanimité, mais, en matière pénale, l'échec était à nouveau consommé.

Cet échec s'explique par de multiples causes, mais il faut tout de même en souligner une : de nombreux spécialistes ont intérêt à conserver les failles existant dans les textes afin de faire jouer la prescription en matière économique au profit de leurs clients.

Georges Fenech et moi-même avons voulu simplifier le droit de la prescription et le repenser de fond en comble. En la matière, nous avons constaté que la France était une exception dans le monde. La plupart des pays de common law ne font pas jouer de prescription. Cette proposition de loi est sans doute le dernier texte que nous votons avant l'imprescriptibilité.

Si, pour notre part, nous sommes persuadés qu'il faut une prescription, cette dernière ne doit pas être un moyen général d'impunité. Elle constitue plutôt une exception au principe qui veut que l'on réponde de ses actes.

À notre sens, ce qui fondait la prescription n'a pas disparu. La « grande loi de l'oubli » a encore du sens. Quant au « pardon légal », il s'appliquerait parce que la souffrance de celui qui a commis l'infraction a duré un certain temps — la notion de souffrance est, disons-le, assez judéo-chrétienne. On considérait aussi le risque de dépérissement des preuves, mais il a aujourd'hui largement disparu grâce aux progrès scientifiques et à l'identification par l'ADN.

De leur côté, les victimes, constituées en associations, n'admettent pas que la prescription leur soit opposée. Elles sont aussi victimes de la prescription si elles ne parviennent pas à obtenir de rendez-vous judiciaire. Il faut poser cette question et trouver un équilibre en la matière.

Je ne résiste pas à l'envie de vous lire ce que M. Jean Danet a écrit sur la nécessité d'un quadruple équilibre : « Pour être utile, l'intervention du législateur doit respecter plusieurs exigences contradictoires : équilibre entre le droit à la sécurité et celui au procès équitable ; équilibre entre le droit des victimes d'obtenir réparation et celui de chacun d'être jugé dans un délai raisonnable ; équilibre entre la mise en oeuvre des moyens techniques d'élucidation des infractions en constante évolution et la nécessité de délimiter le champ du travail de la police, de fixer des priorités pour éviter la paralysie, la dispersion des moyens et l'arbitraire de choix laissés aux forces de police ; enfin, équilibre entre les différents foyers de sens de la peine, entre le rappel de la loi et la défense de la société, d'une part, qui n'impliquent pas la prescription, et, d'autre part, le sens éducatif, le principe de proportionnalité, la nécessité et l'utilité de la peine qui, eux, la justifient. »

C'est pourquoi, en même temps que nous estimons qu'il faut maintenir le principe d'une prescription, nous pensons qu'il faut totalement transformer notre système. Les modifications profondes que nous proposons concernent des délais aujourd'hui incontestablement trop courts. Rappelons qu'ils ont été mis en place en 1808, dans une société où les Français vivaient quarante ans en moyenne. Deux siècles après, la durée de vie moyenne a doublé : il reste aujourd'hui encore plus de quarante ans à vivre à celui qui a commis une infraction à l'âge de vingt ans — ce n'était pas du tout le cas il y a deux siècles.

Nous proposons en conséquence de doubler le délai de prescription de l'action publique qui sera porté à six ans pour les délits et à vingt ans pour les crimes. À ceux qui nous diront que ce délai est trop long, je rappelle que des dizaines de lois prévoient déjà une prescription de trente ans. S'agissant des peines, nous avons voulu simplifier les choses en prévoyant la même prescription que pour les faits en matière délictuelle et criminelle.

Les infractions occultes et dissimulées sont des infractions d'intelligence criminelle qui nécessitent que des délinquants, le plus souvent économiques, réunissent des experts en comptabilité, en droit fiscal et en droit international, afin de construire un système mafieux. Les juges d'instruction spécialisés nous ont indiqué que le combat qu'ils menaient ne pouvait pas aboutir dans le cadre des règles de prescription en vigueur — soit une prescription par trois ans après la commission de l'infraction. Voulons-nous l'impunité pour la délinquance économique ? Il faut avoir le courage d'empêcher que cette délinquance passe au travers des mailles du filet de la répression. Nous avons en conséquence décidé de consacrer la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation relative aux infractions occultes et dissimulées.

S'est posée, ensuite, la question du délai de prescription rouvert par un acte de recherche ou d'instruction. Il ne nous a finalement pas été possible, comme nous l'avions envisagé dans nos premières propositions, de suivre M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, qui proposait que le premier acte interruptif rouvre un délai de prescription de trois ans. La prescription aurait ainsi constitué une forme de sanction de l'inaction des magistrats. En effet, cette proposition s'est heurtée à la totale opposition des procureurs de la République. Elle aurait conduit, en outre, à un système extraordinairement complexe.

Nous avons dû réfléchir à la très vaste question des crimes de guerre. Ceux-ci, je vous le rappelle, ne sont pas imprescriptibles en droit français, à la différence des crimes contre l'humanité. Le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) prévoit l'imprescriptibilité des crimes de guerre, mais cette clause ne s'applique pas à la France — en tout cas pas de façon automatique. Nous étions séduits par l'argumentation de M. Jean-Jacques Urvoas, qui estimait, lors des débats sur le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, que, lorsqu'un juge d'instruction était saisi d'un crime de guerre, il pouvait éventuellement faire référence à la norme internationale et donc à l'imprescriptibilité plutôt qu'à la prescription — fixée à trente ans. Nous étions également séduits par l'argumentation de M. Bruno Cotte, qui souhaitait que les crimes de guerre soient désormais imprescriptibles en droit français. Nous avions pour cela l'accord de Mme la garde des Sceaux, puis celui du nouveau garde des Sceaux ; mais le ministère de la défense s'est frontalement opposé à nous sur ce point : il ne veut à aucun prix de l'imprescriptibilité des crimes de guerre.

Vous serez donc saisis de trois amendements identiques, l'un déposé par le Gouvernement, le deuxième par M. Georges Fenech et le troisième par moi-même. Ils proposent de considérer comme imprescriptibles les crimes de guerre connexes à un crime contre l'humanité. Cette solution nous semble excellente ; elle évite un affrontement qui nous paraissait mauvais pour notre démocratie.

Le président Claude Bartolone, en accord avec M. Jean-Jacques Urvoas, alors président de la commission des Lois, a saisi le Conseil d'État du travail que Georges Fenech et moi-même avions accompli. Nous avons été entendus par le rapporteur pendant trois heures, puis j'ai été entendu par le président Vigouroux pendant près de quatre heures. Nous sommes ensuite passés devant la section de l'intérieur, où nous avons défendu notre texte pendant sept heures d'affilée… Enfin, nous avons été entendus par l'Assemblée générale du Conseil d'État, de façon plus brève.

L'avis du Conseil d'État nous donne satisfaction sur l'ensemble de nos propositions. Je vous invite à le lire, car sa composition, son écriture et son analyse juridique sont remarquables. En particulier, il souligne que cette loi est une loi de procédure, et qu'elle est donc d'application immédiate. Enfin, pour tenir compte de l'impact de la modification relative aux crimes de guerre, nous avons dû établir deux systèmes d'entrée en vigueur de la loi différents : sur ce point, le Conseil d'État a donné un avis favorable.

Je ne serai pas plus long : notre rapport l'est déjà, et la proposition de loi également. J'ose dire ici que nous sommes fiers de cet énorme travail que nous soumettons aujourd'hui à votre examen.

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Je serai bref : notre rapporteur vient d'exposer de façon excellente le contenu de cette proposition de loi, et la commission des Lois a, de plus, adopté à l'unanimité, au mois de mai dernier, notre rapport. Cette proposition de loi a, cela a été rappelé, suivi un cheminement particulier, puisque, en vertu des nouvelles dispositions constitutionnelles, elle a pu être soumise au Conseil d'État, dont l'avis a été très favorable.

Nous avons l'ambition de remettre de l'ordre dans un dispositif devenu incohérent, en raison de multiples réformes législatives, mais aussi des jurisprudences audacieuses de la Cour de cassation. L'état d'esprit n'est plus guère aujourd'hui à l'acceptation de la prescription, notamment lorsqu'il s'agit de crimes extrêmement graves.

Chacun se souvient de la sordide affaire des disparues de l'Yonne. Une analyse juridique stricte aurait dû conduire à la considérer comme prescrite lorsque l'auteur des faits, Émile Louis, a été identifié. Pourtant, les magistrats ont utilisé un subterfuge juridique, en jugeant qu'une simple demande de la justice à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales avait suspendu la prescription. Un acte administratif n'est pourtant pas interruptif de la prescription. Il me semble que l'opinion publique s'est satisfaite de cette décision qui a permis de renvoyer Émile Louis devant la cour d'assises.

Plus récemment, vous vous rappelez l'affaire de l'octuple infanticide jugée l'an dernier. En réalité, ces crimes auraient également dû être prescrits. Mais l'assemblée plénière de la Cour de cassation a retenu le fait que l'état d'obésité de la mère dissimulait ses grossesses, ce qui empêchait le déclenchement de l'action publique. Cette jurisprudence pour le moins audacieuse a permis de juger la mère infanticide.

Ces deux exemples montrent combien il était nécessaire de moderniser notre loi, qui remonte à Napoléon. Nous vivons désormais, à l'heure d'internet, dans une société de la mémoire et non plus de l'oubli, comme cela a été excellemment rappelé. Les associations jouent un grand rôle. N'oublions pas non plus l'extraordinaire modernisation de l'administration de la preuve : le dépérissement des preuves n'a plus cours. Que l'on songe aux expertises par balayage électronique, aux expertises balistiques, aux empreintes génétiques… On peut même utiliser le fait que les odeurs imprègnent très longtemps des vêtements. Ni l'oubli ni le dépérissement des preuves ne peuvent plus constituer le fondement de nos prescriptions, devenues trop courtes. Et le procureur général près la Cour de cassation a parlé, à propos de notre loi actuelle, de « chaos ».

Il appartient donc au législateur de remettre de l'ordre dans ce système qui a perdu toute cohérence, et de le moderniser.

Je rejoins entièrement notre rapporteur sur les infractions occultes ou dissimulées. Ce sont bien elles qui ont empêché toute réforme, notamment au Sénat. Nous étions là face à une alternative. Depuis 1935, la Cour de cassation, à l'encontre des dispositions des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, considère qu'il faut retarder le point de départ de la prescription au jour de la révélation de l'infraction : soit nous mettions un terme à cette jurisprudence contra legem, soit nous la consacrions. Notre opinion n'était pas du tout arrêtée lorsque nous avons commencé nos travaux : c'est seulement après une longue réflexion et de multiples auditions de tous les acteurs judiciaires que nous nous sommes décidés. Je souligne ici que le monde judiciaire attend vraiment cette loi, qui aura des conséquences très importantes.

Nous avons décidé de vous proposer de consacrer dans la loi la jurisprudence de 1935, et donc la théorie de la révélation. Cela concerne notamment les infractions économiques et financières — abus de biens sociaux, mais aussi grande corruption internationale, par exemple.

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Avec la révélation, on reste dans le domaine judéo-chrétien ! (Sourires.)

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Je peux parfaitement entendre les inquiétudes : va-t-on rendre ces infractions imprescriptibles ? Je ne le crois pas. Ces préoccupations sont, à mon sens, caricaturales. Nous ne sommes pas dans un système de légalité des poursuites, mais d'opportunité des poursuites ; or des infractions anciennes perdent de leur intensité avec la disparition du trouble à l'ordre public. Dans les pays de common law, on ne poursuit pas les très vieilles infractions.

Il est indispensable de donner les moyens à la justice économique et financière de faire son travail sans se préoccuper des trop courts délais de prescription, notamment en matière délictuelle.

Voilà ce que je souhaitais ajouter non pas pour compléter, mais pour conforter les propos d'Alain Tourret. Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis de rejoindre notre rapporteur à cette tribune, même si je ne suis ici qu'un simple orateur. Alain Tourret et moi-même avons travaillé ensemble, avec le soutien de l'ancien président de la Commission et actuel garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, comme avec le soutien de l'ancienne garde des Sceaux et de toute la Chancellerie. C'est avec confiance, et avec beaucoup de fierté, que nous vous soumettons cette proposition de loi.

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Je commence par saluer ce travail excellent — je n'en suis pas surpris, car je connais la qualité des auteurs de la proposition de loi.

Je demeure néanmoins un peu réservé ; je me ferai une religion définitive au fur et à mesure des débats. Vous parlez de simplification, de modernisation, mais les catégories ne changent pas : prescription criminelle de droit commun, prescription délictuelle de droit commun, prescription en matière de contravention… On retrouve les problèmes de la prescription en matière d'infractions occultes comme de crimes de guerre. Il est vrai qu'il serait difficile de modifier ces catégories.

Globalement, sauf pour les contraventions, ce que vous proposez est simple : c'est un doublement des délais actuels. Cette prescription peut être interrompue — c'était déjà le cas, mais la proposition de loi le rappelle. Vous prévoyez également qu'en cas d'interruption, la prescription repart pour un délai réduit de moitié.

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Non, nous allons supprimer ce point, sur la recommandation du Conseil d'État.

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Il n'y a donc plus de modification par rapport au régime actuel ?

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Toujours est-il qu'on va en arriver à des délais qui pourront être de trente ans, voire plus, et qui seront également considérablement allongés en matière délictuelle. Est-ce un progrès ? Je n'en suis pas sûr. Il ne me semble jamais sain — et combien de fois avons-nous pu le constater, notamment en matière économique et financière ! — que des infractions soient jugées bien après le trouble à l'ordre public, vingt ans, trente ans après. Les moyens techniques maintenant disponibles devraient, au contraire, permettre d'élucider plus vite les affaires, et donc de les juger plus rapidement. L'efficacité est en l'occurrence liée à la rapidité — à une rapidité aussi grande que possible en tout cas, car il existe bien sûr des affaires très complexes. Il faut juger au plus près de l'infraction ; or vous proposez là de donner des moyens à la justice pour juger très loin de l'infraction. Il serait aussi possible de débattre de l'imprescriptibilité vers laquelle nous allons, d'après le rapporteur — nous n'y sommes pas, mais nous n'en sommes pas loin.

Vous prévoyez également que la prescription est suspendue « en présence soit d'un obstacle de droit, soit d'un obstacle de fait insurmontable, rendant impossible l'exercice des poursuites ». C'est une expression susceptible d'interprétations très diverses.

Je demeure donc réservé à ce stade, mais peut-être évoluerai-je au fur et à mesure des débats.

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À l'instar de Philippe Houillon, je salue le travail considérable accompli par les auteurs de la proposition de loi. Je ne doute pas de la nécessité d'une remise en ordre de notre système, devenu parfaitement anarchique — le législateur ayant d'ailleurs largement contribué à le désorganiser plus encore —, mais je m'interroge.

Sur le plan des principes, vous proposez finalement que le législateur s'incline devant la jurisprudence contra legem de la Cour de cassation : c'est un peu choquant. La Cour de cassation a ignoré la loi, imposé sa propre conception de la prescription, et nous devrions valider cette démarche ? Ce n'est pas un bon signal institutionnel.

La proposition de loi, cela a été dit, propose grosso modo un doublement des délais de prescription. Mais quid du jugement dans un délai raisonnable ? C'est, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, une notion maintenant prise en considération ; or elle s'oppose plutôt à l'allongement des délais de prescription : les infractions seront jugées de plus en plus tardivement.

L'Italie vit — à moins que des évolutions récentes qui m'auraient échappé n'aient bouleversé ce système — selon le principe de la légalité des poursuites, et non de leur opportunité. Et je me demande si nous ne devrons pas aller vers un tel principe, qui constituerait un contrepoids au pouvoir d'un parquet appelé inéluctablement à devenir indépendant. Bien sûr, les magistrats ont une éthique, une conscience, nul n'en doute : mais quelle est la responsabilité politique de celui qui, en se fondant sur le principe d'opportunité des poursuites, décide de poursuivre ou de classer ? Il n'y en a pas. Or c'est un pouvoir considérable.

En Italie, ce principe de légalité des poursuites est en quelque sorte régulé par la prescription : évidemment, les magistrats sont submergés, et la prescription est une méthode de désengorgement des tribunaux. Les affaires qui ne méritent pas d'être poursuivies — celles qui, avec un principe d'opportunité, seraient simplement classées — sont mises en dessous de la pile en attendant qu'elles soient prescrites.

Dans un tel cadre, un allongement des prescriptions ne serait pas une bonne idée. C'est un problème avec lequel, malheureusement, je crains que nous n'en ayons pas fini. Les évolutions en cours de notre propre système judiciaire — l'indépendance du parquet, en particulier — conduiront très probablement le législateur, dans un avenir qui n'est pas éloigné, à revenir sur ces principes que vous espérez stables.

La Cour de cassation étant ce qu'elle est, et prenant de plus en plus l'habitude de statuer contra legem, c'est-à-dire de prendre des libertés avec la loi, je redis que nous ne sommes pas « sortis de l'auberge ».

Vous l'avez compris, je m'interroge. La situation actuelle est en effet inacceptable. Vous proposez indiscutablement une remise en ordre : je la crois partielle et provisoire, mais elle sera salutaire.

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Ce n'est pas tous les jours, en effet, que nous examinons des textes qui bousculent à ce point notre droit pénal !

Cette proposition de loi ne comprend que trois articles, d'ailleurs extrêmement bien rédigés, mais elle aura des conséquences inversement proportionnelles à sa taille. La différence entre la prescription de l'action publique et la prescription des peines est essentielle, et votre texte ne les confond pas.

Je vous félicite d'avoir accomplir ce travail difficile. Nous sommes en effet à la croisée des chemins : le pardon fait partie de notre droit, mais nous glissons vers l'imprescriptibilité. Il n'est aujourd'hui pas facile de traiter de ces questions, et vous avez su le faire.

À mon sens, il faut absolument conserver la notion de prescription — tant la prescription de l'action publique que celle des peines — dans notre procédure pénale, et cela même si l'opinion publique n'y est pas favorable. C'est de toute façon indispensable pour respecter nos engagements conventionnels, notamment la Convention européenne des droits de l'homme — M. Devedjian l'a dit : tous les justiciables ont le droit d'être jugés dans un délai raisonnable. Cette question est cruciale, et il en va de même pour l'exécution des peines.

Dans notre tradition pénale, la prescription a un sens : nous sommes heureusement très loin de rendre toutes les infractions imprescriptibles. Cette loi sera votée, je pense, et elle remplacera des lois très anciennes : elle restera sans doute longtemps dans notre droit pénal. Je ne partage pas, monsieur le rapporteur, votre opinion sur l'idée que nous allons vers une imprescriptibilité. Ce serait à mon sens une erreur grave — mais vous connaissez le sujet mieux que moi.

Vous ne touchez pas aux principes fondamentaux de la prescription, qui demeure fonction des catégories d'infraction — contraventions, délits, crimes.

Vous êtes partis d'un constat que nous pouvons tous partager : nos règles sont devenues illisibles, et l'on voit se développer des stratégies judiciaires assez choquantes. Le législateur — en augmentant les délais de prescription pour certaines infractions —, mais aussi la jurisprudence ont créé beaucoup de confusion. Ici même, récemment encore, certains voulaient allonger les délais pour des infractions commises, par exemple, sur des mineurs, voire les rendre imprescriptibles. Notre système a perdu toute cohérence.

Il était temps de le clarifier et de le moderniser, et je vous remercie de cette proposition de loi. Nous admettons en effet moins facilement qu'auparavant le pardon légal, et il est vrai que la preuve judiciaire a énormément changé. Les principales mesures de la proposition de loi me semblent donc aller dans le bon sens, et cet allongement des délais est demandé. Clarifier les modalités de computation des délais est également important, comme me paraissent raisonnables vos propositions en matière de prescription des peines. Rappelons-nous toutefois que, pour les infractions les plus graves, les délais sont déjà allongés : je pense notamment au terrorisme et au trafic de stupéfiants.

Le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera ce texte, une fois adoptés les amendements que vous proposez.

Toutefois, je m'interroge sur l'application de ce texte. Le Conseil d'État a été saisi par le Président de l'Assemblée nationale sur le fondement du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution. Le Conseil vous invite notamment à préciser les modalités d'entrée en vigueur de la disposition qui prévoit la suppression du report du point de départ du délai de prescription pour certaines infractions commises sur des personnes vulnérables. Pouvez-vous préciser les conditions d'entrée en vigueur de la loi ? Les affaires en cours seront-elles affectées ? Des éclaircissements me paraissent indispensables.

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Je m'associe aux félicitations adressées aux auteurs de cette proposition de loi, initiative à la fois louable et cruciale. La différence entre la pratique juridique et la loi ne devrait pas être maintenue trop longtemps, dans ce cas comme dans bien d'autres : bravo.

S'agissant des règles applicables à la prescription de la peine, prévues à l'article 2, je voudrais revenir sur la question des crimes de guerre. L'Europe, et c'est tout à son honneur, a longtemps cherché à codifier la guerre. Toutefois, l'histoire récente a montré que les guerres sont souvent dirigées par des idéologues. Si, aujourd'hui, nos pays sont apparemment protégés de ce genre de conflits, nos sociétés connaissent des tensions telles qu'on peut de plus en plus redouter leur retour, notamment avec le développement du terrorisme. Ne faudrait-il pas nous attacher à mieux définir la guerre ?

La guerre d'Algérie, si elle fut traitée comme une opération de maintien de l'ordre, a longtemps divisé notre société ; c'est l'un des inspirateurs essentiels de l'actuel Gouvernement, François Mitterrand, qui essaya de ramener un peu de raison là où les passions s'exprimaient.

S'agissant de l'article 3, pourquoi préférez-vous le code de procédure pénale au code de justice militaire ? N'y a-t-il pas là une modification attentatoire à la particularité bien évidente du monde militaire ?

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Je m'associe aux chaleureuses félicitations déjà adressées aux deux auteurs de la proposition de loi. Cette initiative parlementaire est particulièrement heureuse.

En ce qui concerne l'application dans le temps, considérez-vous qu'il s'agit d'une loi de procédure, qui doit par conséquent s'appliquer immédiatement, mais qu'en revanche elle ne réanimerait pas les prescriptions d'ores et déjà acquises ?

Par ailleurs, monsieur Devedjian, nous sommes à mon avis déjà dans un système de légalité des poursuites : il y a quelque 5 millions de procès-verbaux chaque année, et 1,5 million d'affaires poursuivables ; or il est fait injonction aux procureurs d'avoir un taux de réponse pénale qui s'approche de 100 %. Ils s'acquittent de cette tâche en poursuivant certaines affaires devant le tribunal correctionnel, et d'autres, qui paraissent moins importantes, en recourant à ce que l'on appelle la troisième voie pénale. Nous sommes donc déjà dans une logique de légalité des peines.

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C'est aussi la logique de l'indépendance du parquet.

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Monsieur le rapporteur, qu'en est-il des prescriptions acquises aujourd'hui ?

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En revanche, en ce qui concerne les infractions déjà commises, mais dont la prescription n'est pas échue, le délai est prorogé ?

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Il s'agit donc bien d'une aggravation de la répression pour des faits déjà commis.

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Je me félicite de la qualité des interventions que nous venons d'entendre.

Monsieur Houillon, dès lors que l'on double la durée des procédures, celles-ci pourront être plus longues. Dont acte. (Rires.)

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Ce que nous avons voulu, c'est que la prescription ne puisse pas être un moyen général d'impunité. Nous estimons que les choses ont évolué ; si l'on n'a pas pu jusqu'à aujourd'hui traiter ce problème, c'est parce que les infractions économiques ont toujours constitué un obstacle insurmontable. Pour en avoir beaucoup parlé avec de nombreuses personnalités, notamment M. Jean-Jacques Hyest, je peux vous le confirmer. Or, on ne peut pas permettre à la criminalité en col blanc de se soustraire à ses responsabilités !

Monsieur Devedjian, l'article 157 du code pénal italien prévoit que le délai de prescription est égal à la durée maximale de la peine encourue. Dès lors, les infractions punies de l'emprisonnement à vie sont imprescriptibles. Au Canada, aucune prescription n'est prévue pour les infractions graves. Je pourrais vous donner d'autres exemples, mais je vous assure que nous resterons un pays où les durées de prescription sont parmi les plus courtes ! De plus, des dizaines de lois, votées par des législateurs de tous bords politiques, prévoient des durées supérieures à celles que nous proposons ici.

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Bien sûr ! C'est la dictature de l'émotion !

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La durée de trente ans devient systématique, comme c'est le cas pour les crimes de guerre. Quant aux délits de guerre, la prescription est déjà fixée à vingt ans. Le législateur n'a jamais diminué les durées de prescription ; il les a toujours augmentées. Ramenons donc les choses à leur juste mesure. Notre proposition de loi assure, en réalité, une protection.

J'entends aussi, monsieur Devedjian, ce que vous dites sur la Cour de cassation. Si nous étions toujours sous l'Ancien Régime, le roi de France — ou le Président de la République — arriverait avec son fouet et mettrait les magistrats à genoux… Ce serait une nouvelle Séance de la flagellation.

Vous n'empêcherez pas la Cour de cassation de juger comme elle l'entend. Que voulez-vous que je vous dise ? Vous pouvez bien l'accuser d'agir de façon attentatoire à la sûreté de l'État et la mettre en accusation, mais s'il fallait poursuivre les magistrats à chaque arrêt contra legem, il n'y aurait plus beaucoup de magistrats ! C'est peut-être regrettable, mais c'est ainsi, et, en l'occurrence, cela dure depuis 1935. Qui se trompe, de Napoléon en 1808 ou des magistrats depuis 1935 ? Napoléon, selon nous. En effet, les infractions dissimulées ont bouleversé la nature de la criminalité économique, et l'on ne saurait lutter avec les moyens du passé contre des associations de malfaiteurs rassemblant des spécialistes de toutes disciplines aux seules fins de planifier telle ou telle infraction. Ayons le courage d'affirmer que tout a changé ! J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Renaud van Ruymbeke, magistrat du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris ; il nous appartient d'ouvrir ou de fermer les yeux sur ce type d'affaires. Pour éviter que soient prises des décisions contra legem, nous devons tenir compte de la nouvelle réalité économique et juridique qui s'impose.

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Je ne partage pas le sentiment de M. Devedjian selon lequel le législateur « s'incline », car sa souveraineté demeure entière : vous conservez par exemple la possibilité de voter pour ou contre ce texte. Le choix que nous faisons tient à la conviction que la jurisprudence correspond à la société actuelle ; il ne s'agit donc pas de s'incliner devant elle, mais de la consacrer pleinement et souverainement.

Évitons toute confusion concernant le délai raisonnable, dont M. Devedjian et Mme Capdevielle se sont inquiétés : il s'agit du délai raisonnable du procès. Le délai de prescription, que la Cour européenne des droits de l'homme ne met d'ailleurs pas en cause, permet de découvrir un crime et son auteur lorsqu'ils ne sont pas encore connus. Au contraire, le délai raisonnable s'applique aux procès en cours dès lors que les crimes ou délits sont connus et leurs auteurs identifiés. Il ne peut donc constituer un obstacle. M. Houillon semblait établir un paradoxe entre la célérité des procédures et l'allongement du délai de prescription ; l'une et l'autre ne relèvent pas du même registre. Les procédures doivent être diligentées avec célérité en respectant un délai raisonnable.

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Mais les actes interruptifs en allongent la durée !

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En effet, et c'est pourquoi nous proposons un délai de prescription plus long.

Je précise, madame Capdevielle, que les prescriptions acquises le sont définitivement. Celles qui ne le sont pas encore obéiront au nouveau régime. Pour mémoire, les lois relatives à la prescription étaient auparavant d'application immédiate, sauf quand elles avaient pour résultat d'aggraver la situation des intéressés, mais le législateur a décidé, en 2004, qu'elles le seraient dans tous les cas, même si le sort des intéressés est aggravé par l'allongement du délai de prescription.

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Il se pose un problème de rétroactivité.

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Enfin, les crimes de guerre connexes aux crimes contre l'humanité ne concerneront que les actes commis après l'entrée en vigueur de la loi, car la disposition consistant à allonger un délai de prescription et celle qui vise à rendre imprescriptibles des crimes autrefois prescriptibles sont de nature différente.

La Commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er (art. 7, 8, 9, 9-1 [nouveau], 9-2 [nouveau] et 9-3 [nouveau] du code de procédure pénale) : Modification des dispositions relatives à la prescription de l'action publique

La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL17 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, l'amendement CL16 du rapporteur et l'amendement CL4 de M. Jean-Christophe Lagarde.

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Je tiens avant toute chose à féliciter nos rapporteurs pour leur travail, tant le droit actuel de la prescription manque de clarté et de cohérence. Ce texte a le mérite d'y remettre de l'ordre, puisqu'il permet tout à la fois de clarifier les délais et de les adapter à la nature de chaque infraction.

Permettez-moi de défendre ensemble les différents amendements du groupe Union des démocrates et indépendants. La proposition qui nous est faite consiste à doubler les délais de prescription sauf en ce qui concerne les crimes et délits sexuels qui, aujourd'hui, obéissent à un régime dérogatoire et qui, puisqu'ils seront maintenus en l'état, relèveront désormais du régime ordinaire. L'an dernier, le groupe Union des démocrates et indépendants a défendu une proposition de loi visant à allonger de dix ans le délai de prescription applicable aux crimes et délits de ce type, non seulement compte tenu de la nature des actes commis, mais aussi parce que les victimes ne sont pas toujours capables d'enclencher une procédure judiciaire. Les retours d'expérience dont nous disposons aujourd'hui suffisent à démontrer qu'il existe des situations dans lesquelles elles ne peuvent pas toujours faire usage de leur droit de recours : il arrive en effet que ces crimes et délits provoquent des amnésies post-traumatiques. Les dérogations obtenues, avaient dans une certaine mesure, permis d'y remédier, mais il est statistiquement établi qu'elles sont insuffisantes, d'où la proposition que nous avons faite de prolonger le délai de prescription de dix ans.

Aujourd'hui, nous vous proposons de nouveau par voie d'amendement de distinguer ce type de crimes et de délits, qui sont tout à fait particuliers. À cet égard, j'ai beaucoup apprécié le fait que les rapporteurs aient tenu compte des spécificités des infractions occultes et dissimulées et jugé important de les distinguer en droit, étant donné la manière dont ces infractions sont organisées. De même, je vous demande de tenir compte de la situation particulière des victimes d'agressions sexuelles, qui entraînent de graves conséquences. À titre personnel, je suis favorable, à terme, à leur imprescriptibilité, même si je comprends que nous soyons encore attachés à préserver des délais de prescription dans notre droit.

L'amendement CL4 vise à augmenter de vingt à trente ans le délai de prescription des crimes de nature sexuelle. Nos amendements suivants, sur lesquels je reviendrai le moment venu, visent à augmenter de dix à vingt ans le délai applicable aux délits sexuels et à modifier la date à compter de laquelle le délai de prescription commence à courir.

La Commission adopte l'amendement CL16.

En conséquence, l'amendement CL4 tombe.

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Il vous faudra, madame Sage, reprendre la rédaction de cet amendement en vue du débat en séance. S'il est tombé pour une raison de procédure, j'ajoute, sur le fond, qu'il existe un régime dérogatoire concernant les agressions commises sur des mineurs, puisque le point de départ du délai de prescription est reporté à leur majorité. Dans les faits, ce délai court donc jusqu'à ce que les victimes atteignent l'âge de trente-huit ans — autrement dit, certains faits peuvent être poursuivis jusqu'à une trentaine d'années après leur commission.

La Commission examine l'amendement CL6 de M. Jean-Christophe Lagarde.

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Cet amendement vise précisément à modifier le point de départ du délai de prescription, de sorte qu'il commence à courir non pas à la majorité des victimes, mais à la date où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions lui permettant d'exercer l'action publique. En effet, les victimes ne sont pas forcément capables d'enclencher une procédure de recours dès l'âge de dix-huit ans, même si la possibilité leur en est offerte.

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Il est très difficile de laisser à chaque victime le choix du moment à compter duquel le délai de prescription commence à courir. Une victime agressée à l'âge de cinq ans pourrait ainsi n'exercer l'action publique qu'à soixante-quinze ans, par exemple, ayant réalisé ce qui lui était arrivé soixante-dix ans plus tôt : cette seule hypothèse rend l'amendement inapplicable.

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Je comprends votre volonté de protéger les victimes, madame Sage, mais, par cette disposition, vous ne les protégeriez pas, bien au contraire. Vous rendez-vous compte de ce qu'il adviendrait d'une victime à qui l'on ferait croire que des poursuites sont possibles quarante ans après les faits ? Dois-je vous rappeler les affaires dans lesquelles des victimes se sont pendues suite à un non-lieu ou à un acquittement ? Cessons de laisser croire que nous protégerions les victimes en allongeant indéfiniment les délais de prescription ; c'est faux. Je sais bien à quelle affaire vous faites référence en évoquant l'amnésie post-traumatique, mais je vous invite à faire preuve de la plus grande prudence s'agissant d'affaires qui ont trait à des crimes sexuels.

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Je respecte naturellement l'avis de Mme Capdevielle, mais notre rôle n'est pas de nous prononcer de manière subjective en fonction de tel ou tel cas particulier ; il est de permettre à tous de bénéficier d'une justice équitable et tenant compte des circonstances propres aux faits. Les agressions sexuelles sont distinctes par nature des infractions économiques ou financières ou des vols, par exemple. Leur spécificité doit être prise en compte, de même que la capacité de chaque victime de se saisir de son droit.

Il va de soi que toutes les victimes n'obtiennent pas réparation. Sachez cependant, chère collègue, que je ne me fonde pas sur un ou deux cas, mais sur des études concrètes qui démontrent que 10 % seulement des victimes lancent des procédures de recours, comme l'a établi un observatoire national. Tous les spécialistes vous confirmeront qu'en matière d'agressions sexuelles, la question du délai de prescription est capitale et que 99 % des victimes qui n'ont pas obtenu réparation à l'issue d'un recours déclarent toutefois ne pas regretter d'avoir engagé des poursuites. Certes, il existe des cas gravissimes et marquants au sujet desquels je comprends le point de vue de Mme Capdevielle, mais nous ne devons pas pour autant nous prononcer en fonction de telle ou telle affaire. Nous devons agir de la manière la plus juste et la plus équitable qui soit ; c'est précisément l'objet des amendements que nous défendons, et je demande à chacun d'y réfléchir d'ici au débat en séance publique.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CL18 du rapporteur, CL11 du Gouvernement et CL13 de M. Georges Fenech.

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Ces amendements visent à réserver l'imprescriptibilité des crimes de guerre à ceux qui sont connexes à un crime contre l'humanité. La définition de la connexité figure à l'article 203 du code de procédure pénale. C'est un très grand progrès.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l'amendement de précision CL19 du rapporteur.

Elle passe ensuite à l'amendement CL5 de M. Jean-Christophe Lagarde.

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Cet amendement est défendu, de même que les amendements CL7 et CL8.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.

Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL7 et CL8 de M. Jean-Christophe Lagarde.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CL20 et CL21 du rapporteur.

Elle examine l'amendement CL22 du rapporteur.

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Cet amendement vise à garantir la bonne articulation de l'article 9-1 du code de procédure pénale, créé par le présent article, avec les autres dispositions législatives qui prévoient une interruption du délai de prescription de l'action publique.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement CL23 du rapporteur.

Elle examine ensuite l'amendement CL24 du rapporteur.

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Cet amendement confirme la lapalissade de M. Tourret : il existera d'énormes prescriptions ! Certes, monsieur Fenech, le délai raisonnable ne s'applique qu'au procès, et non à la prescription, mais il s'agit bien là du procès lui-même, puisque tout acte interruptif est un acte de procédure qui aura pour effet d'en allonger la durée. Les délais de prescription sont doublés, me répondrez-vous : c'est tout le problème.

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Les actes interruptifs relèvent de l'enquête, non du procès.

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Sans doute, mais ils allongent la durée du procès depuis l'enquête jusqu'au renvoi.

La Commission adopte l'amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL15 de M. Patrick Devedjian et CL25 du rapporteur.

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L'amendement CL25 vise, d'une part, à clarifier l'alinéa 18 de l'article 1er en précisant que les actes mentionnés au nouvel article 9-1 du code de procédure pénale sont interruptifs de prescription à l'égard de toutes les personnes potentiellement impliquées, c'est-à-dire les co-auteurs ou complices de l'infraction, et, d'autre part, à étendre l'effet interruptif desdits actes en cas d'infractions connexes et à inscrire par là même dans la loi une règle dégagée par la jurisprudence, conformément à la suggestion que le Conseil d'État a formulée dans son avis sur le présent texte.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL15.

Elle adopte l'amendement CL25.

Puis elle adopte successivement l'amendement rédactionnel CL27, l'amendement de précision CL26 et l'amendement rédactionnel CL28 du rapporteur.

Elle adopte enfin l'article 1er modifié.

Article 2 (art. 133-2, 133-3 et 133-4 du code pénal) : Modification des dispositions relatives à la prescription de la peine

La Commission examine les amendements identiques CL29 du rapporteur, CL12 du Gouvernement et CL14 de M. Georges Fenech.

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Ces amendements visent à réserver l'imprescriptibilité des peines prononcées pour crimes de guerre à ceux d'entre eux qui sont connexes à un crime contre l'humanité.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l'article 2 modifié.

Article 3 (art. 213-5, 215-4, 221-18, 434-25 et 462-10 du code pénal ; art. 85, 706-25-1, 706-31 et 706-175 du code de procédure pénale ; art. L. 211-12, L. 212-37, L. 212-38 et L. 212-39 du code de justice militaire) : Mesures de coordination

La Commission adopte l'amendement de conséquence CL30, l'amendement de coordination CL31 et les amendements rédactionnels CL32 à CL34 du rapporteur.

Puis elle adopte l'article 3 modifié.

Après l'article 3

La Commission examine l'amendement CL35 du rapporteur.

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Cet amendement concerne les crimes de guerre connexes à un ou plusieurs crimes contre l'humanité : il vise à ce que l'imprescriptibilité de l'action publique et des peines ne s'applique qu'aux faits commis après l'entrée en vigueur du présent texte.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

La Commission examine, sur le rapport de M. Joël Giraud, la proposition de loi relative à la rémunération du capital des sociétés coopératives (n° 3439).

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La présente proposition de loi reprend une disposition d'origine sénatoriale en faveur du secteur coopératif que nous avons déjà examinée puis adoptée avec le soutien exprès du Gouvernement à l'automne, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2015. Toutefois, le Conseil constitutionnel l'a censurée, en dépit de son intérêt sur le fond, au motif qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire — un risque qui avait d'ailleurs été soulevé lors du débat en séance. Il s'agit donc de rétablir cette disposition afin de répondre au constat de nos collègues sénateurs selon lequel la forte baisse du plafond des rémunérations pouvant être accordées aux sociétaires de coopératives au titre de la détention de parts de leur société entraîne un risque de report sur d'autres produits de placement et fragilise le modèle économique des coopératives et de l'ensemble de l'économie sociale et solidaire, à laquelle nous sommes tous attachés.

Le principe de gouvernance démocratique sur lequel reposent les coopératives se traduit en effet par l'attribution de parts à l'ensemble des sociétaires, ce qui garantit leur participation à la vie de l'entreprise. Cependant, il va de soi que le caractère lucratif de ces attributions est strictement encadré : c'est une loi ancienne, celle du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, qui plafonne à son article 14 le taux de rémunération des sociétaires à un niveau au plus égal au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, le TMO. Or celui-ci, défini en fonction des intérêts des obligations de long terme de l'État, n'a cessé de diminuer, en partie du fait de la politique d'assouplissement quantitatif mise en oeuvre par la Banque centrale européenne. Rappelons qu'il était encore fixé à 4,7 % en 2007 et qu'il n'atteignait plus que 1,2 % en 2015. De surcroît, cette baisse est concomitante de l'alourdissement de la fiscalité pesant sur ces rémunérations : le régime fiscal appliqué aux intérêts versés par les coopératives est en effet équivalent à celui des dividendes servis par les sociétés privées ne relevant pas de l'économie sociale et solidaire. Le montant effectivement perçu desdits intérêts est donc compris dans le revenu imposable des sociétaires et imposé au barème de l'impôt sur le revenu à raison de 60 % de leur montant, sachant que s'y appliquent également les prélèvements sociaux à hauteur de 15,5 %.

Cette situation emporte plusieurs conséquences. Tout d'abord, le secteur coopératif, qui participe à l'économie sociale et que nous nous efforçons d'encourager, est doublement pénalisé : sur le plan fiscal, il est traité de la même manière que des entreprises ne relevant pas de l'économie sociale et son attractivité pâtit de la référence aux taux d'intérêt applicables aux émissions de dette de l'État, qui sont historiquement bas et totalement déconnectés des résultats économiques des coopératives : leur chiffre d'affaires n'a cessé d'augmenter ces dernières années alors que, paradoxalement, la rémunération des sociétaires s'est affaiblie au point de devenir infime. La baisse des taux — phénomène récent qui a provoqué d'autres dysfonctionnements concernant les emprunts des collectivités territoriales, par exemple — n'avait en effet pas été anticipée lors de l'adoption en 1992 de la référence aux taux d'intérêt applicables à l'État.

D'autre part, la faible attractivité de la détention de parts sociales de coopératives limite le maintien du capital des sociétaires dans les entreprises — en particulier agricoles — et, par conséquent, leur capacité à investir. Elle assèche également les éventuels apports en capitaux extérieurs.

Les risques courus par le secteur bancaire coopératif sont importants, car cette faible attractivité peut se traduire par une diminution des fonds propres des banques coopératives, qui comprennent les parts sociales alors que les ratios prudentiels ont été renforcés par les accords de Bâle. Pour mémoire, les banques coopératives constituent environ les deux tiers du secteur bancaire français, dont tout un pan serait ainsi mis à mal.

Pour remédier à cette situation, la présente proposition de loi reprend la solution présentée par le Sénat et adoptée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale : le plafond de rémunération serait désormais égal à la moyenne des TMO constatée au cours des trois années précédant l'année de référence et majorée de deux points. Cette évolution présente plusieurs avantages. Tout d'abord, elle permet de compenser quelque peu la hausse de la fiscalité applicable à ces produits et de les rendre plus attractifs. Ensuite, on se contente toujours de ne fixer qu'un plafond de rémunération, puisque les coopératives demeureront libres d'augmenter ou non la rémunération de leurs parts sociales en fonction de leur situation économique et des bénéfices qu'elles réalisent. En outre, la marge de deux points leur permettra de garantir une plus grande stabilité des taux de rémunération, et ce même si la moyenne des TMO fluctue d'une année sur l'autre.

Certes, la baisse du rendement a touché d'autres produits de placement depuis le début de l'année. Pourquoi, se demandera-t-on, faudrait-il dès lors revaloriser la rémunération des parts sociales des coopératives plutôt que d'autres produits ? Il y a plusieurs raisons à cela. D'une part, des dispositions spécifiques favorisent déjà l'attractivité d'autres produits, comme la fiscalité extrêmement avantageuse réservée aux livrets réglementés ou à l'assurance-vie, qui a été entièrement préservée ces dernières années. D'autre part, les coopératives et leurs filiales représentent 26 millions de sociétaires et 1,2 million de salariés. Elles sont particulièrement présentes dans le secteur agricole, qui traverse actuellement une crise grave, et dans ceux du commerce de détail et de la banque de détail. Le secteur coopératif français est, par son dynamisme, le deuxième au monde et défend des principes importants comme la gouvernance démocratique et la limitation de la lucrativité, ce qui justifie de soutenir son modèle économique — comme l'a illustré le débat concernant la réforme de l'économie sociale et solidaire. Ainsi, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir donné un nouvel élan à cette proposition de loi que nous approuvons pleinement. L'enjeu économique est considérable, en effet : le secteur coopératif est en pleine croissance et, loin de se limiter aux coopératives agricoles comme on le croit trop souvent, concerne bien d'autres secteurs, en particulier le tourisme et la banque. Au fond, ce modèle intellectuel et financier particulièrement novateur est très français — même si la France n'occupe que le deuxième rang mondial en la matière.

Cette proposition de loi permettra de rémunérer correctement la détention de parts sociales, les règles actuelles datant d'une époque ancienne où l'inflation était nettement supérieure. En outre, le calcul de la moyenne des TMO constatée au cours des trois années précédentes correspond à la vitesse de l'économie actuelle.

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Le groupe Union des démocrates et indépendants partage lui aussi l'intention du rapporteur. Le secteur coopératif français constitue une importante source de vitalité pour notre économie. Il est opportun d'étaler le calcul du TMO sur trois ans tout en rappelant, comme l'a fait le rapporteur, les particularités de l'économie coopérative qu'il faut préserver en l'adaptant au monde actuel.

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Cette proposition de loi vise à renforcer l'attractivité du modèle coopératif en permettant de mieux rémunérer les parts sociales détenues par les sociétaires. Déjà adoptée au Sénat dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, cette disposition avait été reprise par l'Assemblée nationale avant que le Gouvernement ne soulève un risque d'inconstitutionnalité — que le Conseil constitutionnel a confirmé. Le groupe Les Républicains avait à l'époque soutenu cette proposition par la voix de M. Carrez ; il la soutient de nouveau aujourd'hui.

La Commission en vient à l'examen de l'article unique.

Article unique (art. 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération) : Revalorisation du taux de rémunération du capital des sociétés coopératives

La Commission adopte les amendements rédactionnels CL1, CL2 rectifié et CL3 du rapporteur.

Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

La Commission examine, sur le rapport de M. Joël Giraud, la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative à la protection des forêts contre l'incendie (n° 3231).

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Boisée à 30 %, la France bénéficie d'une véritable manne forestière. Richesse patrimoniale et esthétique, capital écologique et économique, la forêt française doit être non seulement mise en valeur mais également protégée, notamment contre le feu. Ce devoir de protection incombe aux pouvoirs publics et aux propriétaires des terrains.

Il faut, à titre liminaire, souligner l'efficacité de la politique de protection des forêts. Depuis vingt ans, la superficie moyenne annuelle brûlée a considérablement baissé : s'établissant à plus de 26 000 hectares entre 1994 et 2003, elle a été ramenée pour la dernière décennie à moins de 11 000 hectares. Ce succès est le fruit de l'action complémentaire des pouvoirs publics : État, collectivités territoriales, services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et réserves communales de sécurité civile.

La prévention et la lutte contre les feux de forêts ne se résument cependant pas aux actions conduites par les sapeurs-pompiers et par les unités aériennes de la sécurité civile, certes particulièrement visibles et légitimement appréciées. D'autres dispositifs, plus discrets mais primordiaux, participent à la défense de la forêt afin de garantir à cette dernière une protection optimale.

Ce sont, d'abord, les dispositifs prévus par le titre III du livre Ier du code forestier, mis en oeuvre pour l'essentiel par les préfets, et qui permettent d'adapter à l'intensité du risque d'incendie les contraintes pesant sur les propriétaires de terrains ainsi que les prérogatives publiques.

C'est, d'autre part, l'Entente pour la forêt méditerranéenne, qui réunit quatorze départements, quatorze SDIS et la Corse, et qui a été consacrée à l'article L. 1424-59 du code général des collectivités territoriales.

Enfin, c'est l'action volontaire des départements, sur le fondement de leur clause de compétence générale — j'allais dire de par leur clause de compétence générale. Cette action peut prendre plusieurs formes : information et sensibilisation des populations ; travaux d'aménagement et d'entretien d'infrastructures utiles à la lutte contre l'incendie ; débroussaillement et maintien en l'état des zones débroussaillées ; surveillance des massifs ; intervention sur les feux naissants.

Toujours sur le fondement de leur clause de compétence générale, certains départements du sud de la France ont mis sur pied des unités spéciales de défense des forêts contre l'incendie : les « forestiers-sapeurs », que connaissent sans doute ceux qui, parmi vous, viennent de ces circonscriptions.

Malgré les succès enregistrés ces dernières années, la vigilance doit rester constante lorsqu'il s'agit de défendre les forêts. En 2015, 11 500 hectares ont pris feu et la superficie incendiée dans le sud-ouest de la France, cette fois, a été multipliée par deux. On voit que le phénomène se déplace, une tendance qui va s'accentuer avec l'évolution du climat : il y a quelques années, il n'y avait pas dans les Alpes les incendies de forêts géants que l'on y observe aujourd'hui.

L'efficacité de la protection des forêts risque pourtant d'être fragilisée par la réforme territoriale mise en oeuvre par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Si cette loi, sur les quelques imperfections de laquelle je ne reviendrai pas — le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste les avait suffisamment soulignées à l'époque —, a permis des avancées nombreuses et importantes dans le domaine de la sécurité civile, son article 94 n'en pose pas moins un problème en supprimant la clause de compétence générale des départements. Car c'est sur cette clause que les départements fondaient leurs interventions dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui. Et si un dispositif transitoire a maintenu le principe de cette action jusqu'à la fin de l'année dernière, son terme prive les départements de toute possibilité d'agir, et le corps des forestiers-sapeurs de toute base légale.

Si la compétence départementale n'était pas rapidement rétablie, les conséquences sur la protection des forêts seraient dramatiques. Le Gouvernement en avait d'ailleurs conscience au moment de l'examen du projet de loi NOTRe, puisqu'il avait envisagé de déposer un amendement correspondant au dispositif ici proposé, mais qui, hélas, a été écarté en raison de la « règle de l'entonnoir ».

C'est pour combler ce vide que notre collègue Pierre-Yves Collombat, éminent sénateur du Var et membre du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), a fort opportunément déposé la proposition de loi qui vous est soumise ce matin et qui constitue une « rustine » à la loi NOTRe, comme d'ailleurs la proposition de loi n° 3474 visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation et relative aux conditions d'exercice des mandats des membres des syndicats de communes et des syndicats mixtes, qui a été présentée ce matin par notre collègue Olivier Dussopt.

Cette proposition de loi, que le Sénat a modifiée afin d'en accroître l'efficacité, introduit dans le code général des collectivités territoriales une nouvelle division, composée d'un article unique L. 3232-5, permettant aux départements qui le souhaitent — j'y insiste — de financer ou de mettre eux-mêmes en oeuvre toute action jugée utile pour prévenir et lutter contre les feux de forêts.

Elle était initialement cantonnée aux territoires particulièrement exposés aux risques d'incendie, mais tous les départements français sont désormais éligibles au dispositif. Cette extension, loin d'être un luxe superflu, se révèle nécessaire compte tenu des changements climatiques, qui, je l'ai dit, auront pour effet de fragiliser des régions jusque-là épargnées par les incendies de forêt. Elle n'entraînera au demeurant aucune obligation supplémentaire, puisque le dispositif proposé, facultatif, repose sur une démarche purement volontaire des départements. La proposition de loi est d'ailleurs naturellement soutenue par l'Association des départements de France.

Attendu par les départements, le texte qui vous est soumis est également soutenu par le Gouvernement. Son objet transcende les clivages politiques, ce qui lui a permis d'être adopté à l'unanimité au Sénat. Je vous invite à faire de même, mes chers collègues.

Avec votre bienveillance, monsieur le président, je me permettrai enfin d'exprimer un regret. Si, naturellement, je me réjouis que cette proposition de loi, portée par le groupe parlementaire auquel j'ai l'honneur d'appartenir, vienne en discussion, je regrette qu'il ait fallu autant de temps. En effet, déposée en octobre au Sénat, adoptée par la commission des Lois de cette chambre puis par la chambre elle-même en novembre, la proposition n'aura pas été examinée ici même avant ce mois de mars, alors que le Gouvernement, je l'ai rappelé, avait connaissance du problème dès la deuxième lecture du projet de loi NOTRe. Il eût été préférable de ne pas attendre trois mois et demi avant que le texte soit inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée, d'autant que le corps des forestiers-sapeurs est tombé depuis le 1er janvier dans un vide juridique qui aurait pu conduire certains comptables à refuser d'établir les feuilles de paie de ces agents.

Cela étant dit, je vous renouvelle mon invitation à adopter ce texte dans les mêmes termes que le Sénat.

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Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, j'approuve entièrement l'esprit de cette loi, qui est effectivement urgente. Car c'est de défense des forêts contre l'incendie qu'il est ici question. Vous l'avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur, les départements méditerranéens, qui étaient très sujets au phénomène, ont fait depuis trente ans un travail considérable qui permet de limiter les départs et l'extension des feux grâce à une intervention rapide, de jour comme de nuit.

Les départements ont accompli un travail tout aussi considérable, et très coûteux pour eux, en accompagnant une politique publique d'État grâce aux corps des sapeurs-pompiers et des forestiers-sapeurs, mais aussi aux très nombreux bénévoles, notamment des jeunes, garçons et filles. Dans la plupart des villages de nos régions méditerranéennes et de montagne, de facto, une formation de ces bénévoles par les professionnels s'instaure. Un élargissement est en cours, lié au réchauffement climatique et à un sentiment d'urgence croissant.

Cette proposition de loi vient donc à point nommé. Nous en accompagnerons l'examen jusqu'au bout. Comme vous, monsieur le rapporteur, je regrette le temps qui s'est écoulé avant que nous ne l'abordions.

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Le groupe Les Républicains n'a aucune raison de s'opposer à cette proposition de loi, qui vient combler le vide créé par la loi NOTRe et permettra aux départements de financer et d'engager des actions de lutte contre les incendies de forêts.

La Commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er (art. L. 3232 5 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Compétence des départements en matière de défense des forêts contre l'incendie

La Commission adopte l'article 1er sans modification.

Article 2 [supprimé] : Gage financier

La Commission maintient la suppression de l'article 2.

Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

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À l'unanimité ! Félicitations, monsieur le rapporteur !

La séance est levée à 12 heures 15.