COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 6 avril 2016
La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation procède à l'audition de M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), sur le rapport public 2015 du Conseil.
Nous avons le plaisir d'accueillir, cet après-midi, M. Olivier Schrameck, pour la présentation du rapport annuel 2015 du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), institution dont il est le président. Il est accompagné de Mme Leïla Derouich et de Mme Virginie Sainte-Rose.
Ce rendez-vous est désormais une rencontre habituelle à cette période de l'année, puisque l'article 18 de la loi du 30 septembre 1986 relative la liberté de communication fait obligation, d'une part, au CSA, de publier son rapport annuel avant la fin du premier trimestre de l'année suivante, et, d'autre part, aux commissions parlementaires compétentes, de procéder à l'audition du président de l'institution sur ce rapport, dans le mois suivant sa publication.
J'ai reçu votre rapport le jeudi 31 mars ; il a été transmis le lendemain aux membres de la Commission dans la perspective de l'audition qui nous réunit aujourd'hui : nous sommes donc parfaitement dans les temps.
En ce 6 avril, je me dois de vous interroger sur la façon dont se sont déroulées les opérations techniques qui visaient, dans la nuit du 4 au 5 avril, à moderniser la plateforme de diffusion de la télévision numérique terrestre (TNT) en France métropolitaine. Vous avez déjà évoqué un succès. En tant que membre de la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle (CMDA), commission qui a suivi ce dossier de très près, je ne peux que m'en réjouir.
Avant de vous laisser la parole, vous me permettrez d'évoquer deux sujets qui suscitent de ma part quelques interrogations.
Je pense d'abord aux missions du CSA. La loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a confié au Conseil de nouvelles responsabilités, ce dont témoigne le contenu du rapport que vous nous présentez. J'imagine que cette évolution n'a pas été sans effet sur l'activité et sur les décisions de l'autorité durant ces deux dernières années. L'actualité récente de notre Commission est marquée par l'examen, en première lecture, de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Ce texte, dont je suis le rapporteur, comporte de nouvelles dispositions tendant à compléter et à clarifier les missions du CSA. Après que l'Assemblée l'a adoptée, le 8 mars dernier, le Sénat en commence l'examen cet après-midi même. Pouvez-vous nous faire part en quelques mots de votre sentiment sur cette proposition de loi, et de vos éventuelles attentes, sachant qu'elle nous reviendra du Sénat pour une deuxième lecture ?
Vous ne serez pas étonné que j'évoque ensuite la situation de la chaîne Numéro 23 diffusée en TNT gratuite, et la récente décision du Conseil d'État annulant le retrait par le CSA, le 14 octobre dernier, de son autorisation d'émettre. Pour ce qui me concerne, et je pense pouvoir m'exprimer au nom d'un certain nombre de collègues présents, cette décision a provoqué au moins la surprise. Je ne voudrais pas utiliser de mot plus fort pour commenter une décision de la plus haute juridiction administrative de notre pays. Nous suivons les épisodes de ce dossier depuis plusieurs mois – il a d'ailleurs fait l'objet, par le passé, d'échanges nourris en votre présence dans cette enceinte –, et je ne vous cache pas que, dans cette situation nouvelle, nous considérons que nous sommes à nouveau interpellés. Cela pourra éventuellement se traduire sur le plan législatif. La proposition de loi qui nous reviendra du Sénat pourrait constituer, à cet égard, un excellent support.
En réaction à la décision du Conseil d'État du 30 mars dernier, le CSA a publié un communiqué. Après avoir rappelé que la sanction qu'il avait prononcée à l'encontre de la chaîne Numéro 23 était fondée sur des considérations d'intérêt général, comme celle visant à garantir une saine gestion des fréquences, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pris « acte du fait qu'au regard des éléments d'appréciation qu'il a retenus, en l'état de la législation, il ne lui est pas possible de remplir pleinement sa mission en sanctionnant les comportements des chaînes contraires à ces objectifs ».
Compte tenu de notre disponibilité et de votre expression sur « l'état de la législation », nous confirmez-vous que l'intervention du législateur est nécessaire pour résoudre le type de problème que nous venons de rencontrer ? Je rappelle qu'en première lecture de la proposition de loi actuellement en navette, nous avons adopté, à l'initiative du Gouvernement, une disposition visant à interdire la revente d'une fréquence dans les cinq ans qui suivent son attribution. Nous serons particulièrement réceptifs aux suggestions et aux attentes qui pourraient être les vôtres en la matière, ne serait-ce que parce que le CSA et la représentation nationale partagent une certaine idée de ce que peut être la moralité publique.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis heureux de vous retrouver pour ce rendez-vous annuel, qui n'est que l'une des nombreuses occasions qui nous sont données de nous rencontrer au cours de l'année.
Je souhaite commencer par un propos personnel, car je pense avec émotion à Sophie Dessus qui était toujours présente lorsque j'avais l'honneur d'intervenir devant vous. Ses interventions, et j'ai encore parfaitement en mémoire la dernière d'entre elles, le 16 mai dernier, étaient toujours empreintes d'une très grande attention, d'une connaissance parfaite des dossiers et d'une réelle bienveillance, qu'il s'agisse de leur ton ou des attentes exprimées.
Le rapport public établi par le CSA en vertu de l'article 18 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication constitue en quelque sorte l'épine dorsale du compte rendu que le Conseil doit en particulier à la représentation nationale, même si au cours de l'année il publie d'autres rapports – je pense par exemple à celui qui vous a été adressé sur la radio numérique terrestre (RNT).
Je me limiterai à deux observations générales sur le document que je vous présente.
À nos yeux, ce rapport confirme qu'il existe un lien indissociable entre la régulation juridique et sociale, d'une part, et la régulation économique d'autre part. Ce lien fait la singularité de notre institution. La liberté de communication, le pluralisme de son exercice, la langue même dont elle use, sa contribution à la cohésion sociale, la protection du jeune public, celle de la vie d'autrui, le dynamisme de notre création culturelle : tous ces éléments, évoqués par le rapport d'activité, n'ont jamais été absents, durant cette année 2015, des décisions d'attribution des fréquences, des contrôles, des évaluations et des rapports économiques et financiers, des initiatives prises en faveur du développement de l'accessibilité, de l'accompagnement des télévisions locales, des efforts pour renforcer la coopération européenne, ou de notre exercice de la surveillance des phénomènes de concentration.
Le sentiment de la nécessité d'une régulation n'a pu être que renforcé par cette expérience supplémentaire d'une année. Ce sentiment s'exprime souvent s'agissant de la plateforme hertzienne, ce que la position même du législateur illustre avec la loi du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, qui rénove cette plateforme en maintenant ses caractéristiques fondamentales : gratuité, anonymat et universalité.
Cette régulation conserve toutefois pleinement sa justification quels que soient les supports de diffusion, même si elle doit s'exercer sous des formes à renouveler. Nous sommes à l'heure des offres foisonnantes de services de médias audiovisuels diffusés via des fournisseurs d'accès à internet ou directement accessibles en ligne, faisant intervenir ces acteurs nouveaux et diversifiés que sont les plateformes ou les intermédiaires numériques.
Cette abondance fait paradoxalement apparaître des nouveaux enjeux de rareté ou de sélectivité qui sont d'ordre qualitatif, car l'abondance est loin de garantir à elle seule l'accès aisé et ouvert à des programmes de qualité, variés et pluralistes. Au sein d'une profusion d'offres, il est d'autant plus important de promouvoir une diversité culturelle réelle et effective des oeuvres par la mise en valeur des créations françaises et européennes. J'ai souvent fait référence au risque que les algorithmes de recommandations enferment les utilisateurs dans des choix téléguidés.
De plus, alors que la responsabilité rédactionnelle est plus encore qu'hier l'objet d'un vif débat, y compris dans vos enceintes, il importe qu'au sein d'une information diffusée à foison sur internet, l'offre éditoriale audiovisuelle soit mise en valeur par son objectivité et son pluralisme. C'est un enjeu particulièrement important, notamment pour les plus jeunes.
Pluralisme, protection et dynamisme de la création culturelle gardent pour nous tout leur sens dans l'univers d'abondance des contenus, alors même qu'ils ne sont plus nécessairement la contrepartie d'une ressource rare – même si cette ressource reste structurante comme l'ont montré les événements de ces derniers jours.
J'en viens à la présentation d'un rapport qui, s'il s'inscrit dans une continuité, n'en est pas moins marqué par une actualité forte qui va du passage généralisé à la haute définition, objet du basculement de la nuit du 4 au 5 avril, aux avatars des récents contentieux de la chaîne Numéro 23, en passant par nos réactions relatives au complément majeur que le Parlement adopte en ce moment, à votre initiative, à la législation relative à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme des médias.
L'activité du CSA durant l'année 2015 a été extrêmement dense, ce que révèlent quelques données chiffrées : le collège a tenu 68 réunions plénières, soit dix de plus qu'en 2014, 1 200 dossiers ont été examinés et 115 auditions se sont déroulées en collège plénier. J'ajoute que 39 rapports ont été publiés par le CSA.
Avant d'en venir aux thèmes d'actualité, je souhaite insister sur quelques politiques prioritaires à nos yeux.
Dans le contexte actuel, c'est évidemment le cas de la politique relative à la cohésion sociale et à la diversité. Nous avons tous pris conscience, de plus en plus fortement, qu'après l'école, les médias ont une responsabilité essentielle pour assurer, à l'échelle nationale, notre communauté de destin et, au-delà de nos frontières, le rayonnement de nos valeurs et de nos principes. Vous constaterez en lisant notre rapport que nous avons pris de multiples initiatives dans ce domaine. J'ai assuré la présidence d'une réunion rassemblant l'ensemble des éditeurs, et nous avons renouvelé, pour la troisième année consécutive, la campagne « Nous sommes la France », à l'occasion du 14 juillet. Pour la première fois, les radios se sont investies dans ces actions tout au long de l'année. Le baromètre annuel de la diversité assure une évaluation constante qui permet de continuer à faire passer des messages d'alerte sur ce sujet. Notre colloque annuel, au mois d'octobre 2015, a été consacré à la question de la représentation de la diversité de notre société. Le 16 septembre dernier nous avons pris une délibération pour entériner et prolonger l'engagement des radios, destiné à se concrétiser par voie conventionnelle.
Nous avons été extrêmement attentifs à la promotion de cet élément essentiel de la cohésion sociale que constitue une langue commune, maîtrisée et renouvelée – au début de cette année, la journée de la langue française a été un succès pour la deuxième fois. Au sein même de l'institution, nous avons rénové notre cellule diversité, et nous avons enregistré l'avis favorable au renouvellement du label Diversité obtenu dès décembre 2012.
La question de l'égalité réelle des femmes et des hommes constitue un autre de nos axes d'action prioritaires. Le législateur nous a, une nouvelle fois, montré le chemin avec l'adoption de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Dans son prolongement, nous avons pris une nouvelle délibération, le 4 février 2015, qui incite à la diffusion de programmes contribuant à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes, à l'adoption, en étroite collaboration avec les éditeurs, d'indicateurs nouveaux et plus opérants relatifs à la juste représentation des femmes et des hommes, et à l'image des femmes dans les programmes. Elle encourage également les acteurs à prendre des engagements complémentaires en fonction de leur ligne éditoriale et de leur politique interne, car j'insiste sur le fait que ce travail s'entend dans le cadre d'un système d'auto-évaluation analysé et commenté avec nos partenaires de l'audiovisuel. À cet égard, il illustre bien ce que peut être, selon nous, une corégulation accompagnée, en complément des actions traditionnelles que nous menons depuis plusieurs années et que nous prolongeons dans plusieurs directions. Parmi ces dernières, je citerai l'exemple de la promotion du sport féminin. Il a aussi été décidé de mener une étude conjointe avec l'Autorité de la régulation professionnelle de la publicité (ARPP) sur l'image de la femme dans les publicités.
En 2015, les rédactions ont été confrontées aux tragédies qui ont marqué notre pays. Ce sujet majeur doit évidemment être abordé.
Le traitement de ces informations a donné lieu à beaucoup de controverses. Notre démarche a prioritairement visé à favoriser l'échange des expériences alors que les rédactions vivaient, parfois dans un certain isolement, des événements inédits. Les anomalies ont été peu nombreuses, mais répandues : beaucoup d'organes d'information ont commis des irrégularités au regard des principes que nous avons la charge de défendre. Cela explique le nombre des avertissements – ce chiffre ayant toutefois surtout un caractère « optique ». Je ne reviens pas sur le fond, car un contentieux est en cours devant le Conseil d'état, même si à cette heure plusieurs désistements ont été enregistrés. Je note cependant que, si une institution avait vocation à réagir aux anomalies du traitement de l'information en janvier 2015, ce devait bien être la nôtre : c'est son travail, sa responsabilité, c'est le risque qu'elle prend. Nous assumons cette mission.
Pour autant, nous avons toujours mis en valeur le rôle éditorial des médias audiovisuels face à l'abondance des informations sur internet. Après les attentats du 13 novembre, nous avons reconnu très rapidement, dès le 25 novembre, que les leçons avaient été tirées des difficultés qu'avaient provoquées des événements sans précédent.
Selon nous, il subsiste toutefois deux problèmes. Il est nécessaire de prévoir, pour le cas qui ne peut hélas ! jamais être exclu d'une tragique réitération, une organisation de crise associant les ministres concernés, notamment pour assurer une communication en temps réel avec les médias et, s'ils le veulent bien, le CSA qui a vocation à être informé de toutes les difficultés qui surgissent dans l'urgence, voire à contribuer à les prévenir par des messages de prudence, comme nous en avons émis à deux reprises. Il faut également renforcer les contrôles des chaînes satellitaires, ce qui nécessite des moyens complémentaires, notamment en interprétariat.
Le rapport traite également d'un sujet essentiel : la convergence et le renforcement des coopérations européennes – qui constitue précisément l'une des exigences de l'article 18 de la loi de 1986. J'ai eu l'honneur d'assurer la présidence du groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA) depuis sa constitution en mars 2014. L'ERGA, qui a beaucoup travaillé, a publié trois rapports : le premier sur le champ d'application de la nouvelle directive européenne Services de médias audiovisuels (SMA), qui insiste sur le rôle des intermédiaires numériques, le deuxième, sur la protection des mineurs, qui est essentielle dans un environnement numérique, et, le troisième, sur l'indépendance des régulateurs, sujet qui est hélas ! d'actualité dans plusieurs pays, comme la Hongrie, la Pologne ou, aujourd'hui, la Croatie. L'ERGA, en tant que groupe constitué, a pris explicitement parti s'agissant d'événements qui affectent nos valeurs européennes. Un quatrième groupe de travail achève actuellement ses travaux qui portent sur la répartition des compétences territoriales au sein de l'Union pour éviter contournements et moins-disant culturel. Ce groupe est placé sous la présidence du directeur général du CSA, alors que j'assume encore cette année la vice-présidence de l'organisation.
Le 14 avril 2015, l'ERGA a tenu une session plénière à Paris. Elle se déroulait pour la première fois en dehors de Bruxelles. Elle a donné lieu à l'adoption d'une déclaration commune des vingt-huit régulateurs dans laquelle ils réaffirment « l'importance de la liberté d'expression, et leur soutien indéfectible à la défense de ce droit fondamental ».
Pour en finir avec les points principaux dont traite le rapport, il me faut dire un mot de nos contacts et de nos échanges avec le public.
Le site internet du Conseil aura reçu, en 2015, plus de 900 000 visites, et près de 10 000 pages ont été visionnées chaque jour, en moyenne. Nous avons reçu 10 000 lettres ou courriels – nous leur avons évidemment répondu. Nous avons modernisé les applications « Ma couverture TNT », et « Ma radio FM ». Le site « Éducation et médias » a été rénové en septembre dernier : il s'appelle désormais « Clés de l'audiovisuel ». Nous avons retransmis en vidéo, sur notre site internet, les auditions publiques et les interventions des débats publics. Nous transmettons désormais entièrement en format ouvert toutes les données relatives au pluralisme. Nous avons mis notre expertise au service du plus large public sur des thèmes très concrets, comme la Coupe du monde de rugby ou la situation de Netflix – nos rapports sur ces sujets ont provoqué un vif intérêt.
De façon générale, le CSA suscite beaucoup d'intérêt puisque près de 8 000 articles de presse ont été consacrés à ses activités en 2015 – nous nous en réjouissons, quelle que soit leur tonalité.
Nous avons également opéré une réforme profonde, et inédite depuis 2005, de notre organigramme avec la création d'une direction de l'information et de la communication institutionnelle, et celle d'un secrétariat général aux territoires qui anime les réseaux, si importants, des comités territoriaux de l'audiovisuel. Nous avons aussi créé des directions spécialisées, sur le modèle de guichets uniques : une direction des médias radios et une direction des médias télévisuels. Nous avons également voulu consentir un effort particulier en faveur des télévisions locales auxquelles la haute définition a été largement ouverte par un appel à candidatures.
Nous avons bien sûr mené beaucoup d'autres actions et pris d'autres décisions concernant la radio comme la télévision. Outre la désignation de la présidente de France Télévisions, de nombreux rapports d'étapes ont été remis sur l'évolution du secteur public. Parmi les décisions prises, je mentionne, bien sûr, celle relative au passage en clair de LCI dans le cadre d'un nouvel examen après une mise en cause contentieuse de la procédure, dont M. Marcel Rogemont a pourtant dit dans son rapport d'information, au début de l'année, qu'elle avait été conforme à l'intention du législateur.
J'en viens maintenant aux questions d'actualité.
Dès notre communiqué d'hier matin, nous avons parlé du succès de la généralisation de la haute définition (HD). Ce succès technique n'était pas acquis d'avance, compte tenu de l'extrême complexité d'une opération qui comportait trois volets : le passage national à la HD par l'adoption d'une nouvelle norme de compression qui impliquait une reconfiguration complète des multiplexes et des fréquences – il fallait faire coexister cinq chaînes en HD sur six multiplexes reconfigurés ; la reconfiguration immédiate des fréquences en Île-de-France ; la fin du déploiement des nouvelles chaînes HD en Rhône Alpes. Désormais le public bénéficie de vingt-cinq chaînes gratuites en HD, et de quatre chaînes payantes.
Nous avons été très attentifs à tous les intérêts en cause. Nous avons notamment appelé votre attention sur ceux, légitimes, des diffuseurs techniques. Je veux rendre hommage à tous ceux qui ont contribué à cette opération : les diffuseurs, les éditeurs de toutes les chaînes, qui ont multiplié les messages de sensibilisation, d'information et d'alerte, les comités territoriaux de l'audiovisuel qui ont été extrêmement actifs, je pense en particulier à l'action des attachés techniques audiovisuels. De façon générale, je me permets de citer toutes les équipes du CSA qui se sont mobilisées jour et nuit.
Aujourd'hui, s'agissant du déploiement du multiplex R7 qui regroupe cinq des six nouvelles chaînes en haute définition, les résultats sont supérieurs à nos attentes. Dès hier soir, nous étions à 95,9 % de couverture et, ce matin, nous sommes parvenus à 96,9 %. Aujourd'hui, nous avons donc quasiment atteint le but que nous nous étions fixé pour le 20 avril prochain. Dans la zone Île-de-France élargie, 87 sites sur 89 sont d'ores et déjà allumés et couvrent plus de 99,9 % de la population concernée. La mobilisation se poursuit : un quartier général, installé au CSA jusqu'à la fin de la semaine, poursuivra son action au-delà de cette échéance en étroite coopération avec les équipes de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et son directeur général, M. Gilles Brégant, qui sont en permanence sur le pont.
La continuité aura été assurée au mieux du point de vue des téléspectateurs. Hier, nous avons enregistré 45 millions de branchements sur la télévision alors que l'on en compte habituellement 45,5 millions. Ce chiffre n'est donc en recul que de 500 000 pour cette journée pourtant particulièrement difficile. La durée de visionnage a été quasiment identique à celle des autres mardis – on a en revanche enregistré plus de passage d'une chaîne à l'autre, mais l'on comprend bien pourquoi. Aujourd'hui, on peut dire que 96 % des foyers qui sont reliés à la TNT, soit 56 % du total, ont su trouver les fréquences sans problème – le site recevoirlatnt.fr avec 1 400 personnes à l'écoute a conseillé avec précision tous ceux qui en avaient besoin lors de communications longues de cinq à sept minutes. À ce jour, cette opération s'est déroulée dans les meilleures conditions que nous pouvions espérer.
Au-delà de la CMDA, je tiens à remercier votre Commission qui a été extrêmement attentive aux préoccupations dont nous n'avons pas hésité à vous faire part tout au long de l'année 2015.
Je conclus en évoquant la décision du Conseil d'État du 30 mars dernier concernant la chaîne Numéro 23. Après plusieurs mois d'examens et d'auditions, dans les limites des pouvoirs de contrôle qui sont aujourd'hui les nôtres, nous avons considéré, par notre décision du 14 octobre 2015, qu'il y avait lieu de sanctionner la société Diversité TV France par la seule mesure prévue par la loi en la matière, c'est-à-dire l'abrogation de l'autorisation d'utiliser sa fréquence en application du premier alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986. Contrairement aux conclusions de sa rapporteure publique, le Conseil d'État vient donc de juger dans un sens inverse.
Nous n'avons en aucune façon à nous faire juges de la décision du juge, quels que soient, je dois vous le dire en toute franchise, les sentiments de stupeur et de consternation que le collège du CSA, dans son ensemble, a éprouvés lors de la réunion informelle qu'il a tenue immédiatement après qu'elle a été rendue.
Nous avions estimé, en nous fondant sur un faisceau convergeant de faits et d'omissions, que la mauvaise foi de la société requérante et sa volonté de se soustraire de façon délibérée à ses obligations était avérée. Nous avions aussi estimé que la lettre même du premier alinéa de l'article 42-3 n'avait pas été respectée, eu égard aux modifications substantielles des engagements qui avaient été souscrits en 2012 s'agissant de la nature même de la programmation de la chaîne, de la façon dont elle n'avait été prise en charge que par une équipe extrêmement réduite, et des changements dans ses modalités de financement entrant en contradiction avec la stabilité financière et actionnariale dont elle s'était prévalue. Ces derniers changements avaient conduit à un engagement de cession à un actionnaire russe, dès 2015, outre la souscription d'obligations qataries, alors que des engagements financiers avaient été pris sur de tout autres bases jusqu'en 2019.
Nous nous sommes sentis responsables de la protection de fréquences gratuites, biens publics dont l'attribution doit s'accompagner d'obligations précises et respectées.
C'est l'ensemble de ces considérations qui nous avaient conduits à retenir non seulement une méconnaissance de la loi, mais aussi une fraude à la loi, deux terrains de sanctions cumulables ou interchangeables dans le cadre d'un plein contentieux par détermination de la loi, qui conduit le juge à forger sa complète appréciation des faits, d'une part, et son appréciation des données juridiques de l'espèce, d'autre part.
L'appréciation du juge, et par suite sa décision, a été inverse de la nôtre. Bien entendu nous en prenons acte même si, en conscience, notre intime conviction demeure. C'est tout naturellement vers vous que nous nous tournons, alors que les graves préoccupations qui nous avaient inspirés ont déjà trouvé dans vos enceintes à l'occasion de cette affaire des échos précis et convergents. De manière générale nous nous en remettons toujours à vous quant aux principes dont vous nous avez confié la garde et quant aux moyens dont vous entendez nous doter à cette fin. Je reviendrai peut-être sur le sujet, mais je me garderai de faire d'emblée des suggestions trop précises sur la façon dont le contrôle que nous exerçons, qui n'a pas été jugé approprié, pourrait être mieux assuré dans des cas de cette nature.
Ces observations, comme celles qui les ont précédées, m'amènent à évoquer l'année 2016. Sur votre initiative, monsieur le président, elle voit se dérouler la discussion d'une proposition de loi extrêmement importante visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, qui conduit à regrouper des prescriptions éparses dans la loi du 30 septembre 1986, ce qui permettra de mieux en assurer le respect – notamment grâce à la signature de conventions. Comme nous l'avions souhaité, s'agissant notamment des chaînes d'information, car nous sommes attachés à la logique de l'autorégulation, ce texte généralise les comités d'éthique. Ces derniers fonctionneront au sein des sociétés éditrices qui sont nos interlocuteurs : nous ne nous ingérons en aucun cas dans leur fonctionnement interne.
En raison des échéances à venir, cette année sera également marquée par le réexamen des conditions de garantie et de contrôle du pluralisme. Des travaux ont d'ores et déjà été entamés et le contact a été pris avec le Conseil constitutionnel. Nous nous mettons en situation d'édicter, début septembre, la recommandation relative à l'élection présidentielle. Nous nous préoccupons également de la conduite à tenir dans la perspective de la tenue de primaires. Nous devrons veiller à l'équilibre entre les grandes tendances et les personnalités concernées mais il nous faudra aussi prendre en compte le nouveau cadre législatif résultant du vote, hier, par votre assemblée, en lecture définitive, de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.
Soyez en tout cas toujours assurés de notre volonté d'agir le plus efficacement possible, avec le souci constant de respecter scrupuleusement vos intentions et vos prescriptions !
De son côté, vous le savez, la représentation nationale est particulièrement soucieuse de l'indépendance du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Elle la renforce chaque fois qu'elle le peut, et elle confie à ce dernier des missions toujours plus large.
Mes collègues vont maintenant prendre la parole, monsieur le président. N'hésitez pas, à répondre à leurs questions par des suggestions, notamment au sujet de la chaîne Numéro 23. Un heureux consensus se dégage en effet au sein de notre Commission qui rejoint la position que vous avez exprimée. Pour notre part, nous souhaitons collectivement prendre nos responsabilités dans la situation actuelle et tenter d'éviter qu'une décision incompréhensible puisse être à nouveau prise dans un cas de figure similaire.
Le rapport annuel 2015 du CSA rend compte avec exhaustivité des activités du Conseil durant l'année dernière. Elles sont très diverses, mais un fil conducteur semble servir de guide à l'institution : elle veille au respect des droits et des libertés par les différents acteurs de l'audiovisuel ; de façon générale, elle veille au respect du public.
En 2015, le CSA a poursuivi les actions qu'il avait engagées en 2014 pour une meilleure représentation de la diversité, en faveur de la mixité et de la cohésion sociale. L'année 2015 a été marquée par des attentats tragiques. La lecture du rapport annuel laisse imaginer le rôle de « guetteur » joué par le Conseil. Certains utilisent le mot « gendarmes » ; pour notre part, car je parle au nom de mes collègues, nous préférons celui de « guetteur » car il est clair que les manquements susceptibles de mettre en cause l'ordre public demandent la mise en place d'une réelle surveillance. On peut compter les mises en garde et les avertissements du CSA. D'aucuns estiment qu'ils sont trop fréquents, mais, au regard des multiples activités du secteur, leur nombre reste réduit. Il importe que le régulateur incite les médias à trouver la bonne distance pour traiter d'événements au sujet desquels ils pourraient céder à une charge émotionnelle forte et parfois excessive. Cette distance concerne aussi la délivrance d'informations dont nous avons constaté qu'elles pouvaient mettre des personnes en danger.
L'année 2015 a aussi été particulièrement riche en dossiers audiovisuels d'importance – notre président les a pour la plupart évoqués.
Vous avez déjà traité de l'opération de grande ampleur de transfert de la bande 700 MHz qui a abouti lundi dernier aux modifications que nous savons de la diffusion de la TNT. Pouvez-vous nous en dire plus sur le réaménagement des fréquences et le calendrier prévu ?
Nous voudrions également en savoir davantage sur le passage de LCI sur la TNT gratuite, mais aussi, évidemment, sur le mauvais feuilleton de la chaîne Numéro 23. Après avoir été attribuée gratuitement par le CSA, cette fréquence devait être vendue dans des conditions qui s'apparentent à une spéculation sur les fonds publics. Après que le Conseil a abrogé l'autorisation de diffusion qu'il avait accordée à la chaîne, le Conseil d'État a invalidé cette décision. Selon vous, le législateur peut-il intervenir pour éviter qu'une telle situation se reproduise ?
La proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, que nous avons adoptée en première lecture le mois dernier, comporte une mesure prévoyant que le journaliste « ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise ou de sa société éditrice », ainsi que des dispositions généralisant ces chartes dans les entreprises ou sociétés éditrices de presse et audiovisuelles, mais aussi les comités d'éthique au sein des sociétés éditrices « d'un service de radio généraliste à vocation nationale ou de télévision qui diffuse, par voie hertzienne terrestre, des émissions d'information politique et générale ». Dans ce texte, certains ont pu considérer que le législateur attribuait trop de pouvoir au CSA. Comment définissez-vous votre rôle ? Comment améliorer encore ce texte ? Comment décrire le lien qui vous unit aux chaînes grâce aux conventions que vous signez avec elles ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous éclairer sur les relations qui existent entre producteurs, diffuseurs et distributeurs ?
La future grande chaîne d'information portée par tous les acteurs de l'audiovisuel public – l'INA, Radio France, France Télévisions, France Médias Monde – devrait commencer à émettre au début du mois de septembre prochain. Elle suscite l'assentiment de tous, et même l'enthousiasme de certains. Quel regard portez-vous sur ce projet commun qui se fonde sur une mutualisation des compétences et des moyens ? D'aucuns mettent en cause la création d'une chaîne d'information en continu supplémentaire : quels sont, selon vous, les aspects positifs de ce projet ?
Monsieur le président, la très intéressante lecture du rapport d'activité 2015 du CSA, document complet et dense, apporterait une réponse édifiante à quiconque s'interrogerait sur la légitimité de l'existence du Conseil.
Madame Martinel, je vous remercie d'avoir évoqué la future chaîne du service public de l'information. Nous avons été nombreux, hier matin, à assister à la présentation qui en a été faite par les quatre opérateurs que vous avez cités.
Monsieur Schrameck, nous vous remercions de vous être exprimé avec sincérité au sujet de la chaîne Numéro 23. Si je puis me permettre une boutade, cette affaire ressemble tout de même à une sorte de cours de schizophrénie appliquée : on est allé vous chercher au Conseil d'État pour devenir président du CSA, et le Conseil d'État vous désavoue. (Sourires.)
Comment analysez-vous la décision du Conseil d'État sur le fond ? Vous n'êtes évidemment pas en cause à titre personnel, monsieur le président, mais ne pourrait-elle pas être considérée comme une sorte de désaveu s'adressant à une institution à laquelle beaucoup de pouvoir a été confié ? Ne s'agirait-il pas, d'une certaine façon, d'un retour de manivelle ? Le Conseil d'État a pu considérer que vous alliez un peu trop loin. De la même façon, la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication du Sénat, saisie de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, a adopté une version des dispositions relatives aux nouveaux pouvoirs du Conseil en matière de contrôle du respect des principes d'honnêteté et d'indépendance qui se trouve en retrait de celle votée par notre assemblée. Tout cela ne montre-t-il pas que nous sommes parvenus à la limite des pouvoirs que l'on pouvait confier au CSA ? Vous le savez, c'est en tout cas la position de l'opposition, qui est dans son rôle critique. Sans vous faire de procès, nous pensons que nous sommes allés trop loin.
Au mois de janvier dernier, M. Marcel Rogemont nous a présenté un rapport d'information sur l'application, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public. Courageusement, il remet en cause certains aspects de ce texte en considérant que les entreprises de l'audiovisuel public risquent d'être prises en tenaille entre le régulateur et la tutelle, la répartition des rôles entre l'un et l'autre pouvant être source de confusion.
Au-delà du rôle de régulateur du CSA, et de celui qui lui est confié par la proposition de loi comme sentinelle de l'indépendance, le Conseil ne pourrait-il pas apporter une réelle assistance en matière de modèle économique ? Je m'inquiète, par exemple, aujourd'hui, pour Canal+ qui se retrouve en vraie difficulté, ce qui fait peser une menace à la fois sur le cinéma et sur le sport. Peut-être le CSA pourrait-il se saisir lui-même de cette mission ? Nous pourrions aussi l'en charger, quitte à diminuer son champ d'action dans d'autres domaines.
Hier soir, lors d'un dîner-débat présidé par nos deux collègues ici présents, M. Franck Riester et M. Michel Françaix, nous évoquions la politique des médias français en direction du continent africain. Un chiffre nous a tous étonnés : en 2030, 45 % des enfants de moins de quinze ans dans le monde seront des petits Africains. Il existe donc un public prêt à nous écouter et à nous apprécier. Un certain nombre d'opérateurs nous ont alertés sur le fait que les liens entre le CSA et ses homologues africains se seraient selon eux distendus. Pourtant, ces opérateurs attendent actuellement beaucoup du Conseil pour les aider à faire face à la forte concurrence chinoise. Cette zone de la francophonie qui nous tient tous à coeur constitue-t-elle l'une de vos préoccupations ?
Il y a déjà deux ou trois ans – ce qui en temporalité politique nous ramène à l'antiquité –, il était question d'une association entre le CSA et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Il se disait que vous vous apprêtiez à dévorer l'ARCEP. Cette opération ne semble plus d'actualité. Est-ce à dire, monsieur le président, que vous seriez plutôt un gourmet qu'un gourmand, et que vous avez abandonné le plat ARCEP ?
Nous sommes tous conscients de la nécessité de la régulation, mais alors que le CSA accomplit un immense travail, la question se pose de savoir s'il faut aller plus loin dans un monde qui bouge en permanence. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut encore avancer sur un certain nombre de points comme la cohésion sociale, la mixité, ou la diversité. Je crois qu'une juste mesure a été trouvée pour ce qui concerne les avertissements et les mises en demeure ; il faut la chercher en tout domaine. Quoi qu'il en soit l'intervention du CSA est indispensable dans un univers dans lequel nous avons parfois le sentiment que plus il y a abondance, moins il y a de choix.
La création d'une chaîne publique d'information constituera à mon sens un événement considérable. Je le dis d'autant plus volontiers que je ne faisais pas partie de ceux qui étaient les plus convaincus par le projet à son origine. Nous assisterons à une évolution très importante, en particulier dans la façon de regarder la télévision et les médias audiovisuels ; ce sera aussi peut-être l'occasion de trouver un mélange nouveau entre télévision et radio. Alors qu'il existe de plus en plus de chaînes d'information continue, il faudra nécessairement parvenir à un nouvel équilibre.
Monsieur le président, je souhaite, moi aussi, vous entendre nous en dire davantage sur l'Afrique. Je ne pense pas uniquement à l'Afrique francophone car nous ferions, par exemple, une erreur considérable en négligeant l'Angola. Il est vrai qu'hier soir, nous avons entendu plusieurs acteurs du secteur nous dire que la France pouvait faire mieux en la matière, sans nécessairement être plus précis.
Le rapport annuel indique que le CSA reçoit, en moyenne, sept cents messages par mois. Quel pourcentage d'entre eux concerne véritablement les missions du Conseil ?
La proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle, que le Parlement a adopté aujourd'hui définitivement, substitue un principe d'équité à l'actuelle règle d'égalité des temps de parole des candidats pendant la période dite « intermédiaire » qui précède l'élection présidentielle. Comment apprécier cette notion ? La représentativité du candidat ou les enquêtes d'opinion constituent des références subjectives. Cette évolution ne renferme-t-elle pas la promesse de futures batailles judiciaires ?
L'article 2 de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias et ceux qui le suivent font du CSA le garant de l'honnêteté, de l'indépendance et du pluralisme de l'information et des programmes. Certains y voient une sorte de droit d'ingérence accordé au Conseil en matière de ligne éditoriale. Comment concevez-vous cette nouvelle mission ?
Le rapport qui nous est présenté atteste de la qualité du travail effectué par le CSA, une qualité qui résulte de l'indépendance conférée par la loi à cette institution.
Nous sommes surpris par la décision du Conseil d'État relative à la chaîne Numéro 23. Je ne comprends pas que l'on puisse gagner de l'argent ou réaliser des plus-values en transformant en marchandise ce qui appartient au domaine public. Quelle suite envisagez-vous de donner à cette décision ? Que peut-il se passer dans les semaines à venir ?
Le rapport relève que France Télévisions a maintenu un haut niveau d'investissement en faveur de la création. Il est indiqué que le groupe public a « investi plus de 396 millions d'euros en faveur de la production d'oeuvres audiovisuelles européennes et d'expression originale française, et qu'il a également investi plus de 62 millions d'euros dans les oeuvres cinématographiques ». Comment pensez-vous que France Télévisions puisse remplir de nouvelles missions en faveur de la création originale, en particulier grâce aux antennes régionales ? Quel rôle pourrait jouer le CSA dans la promotion de la citoyenneté et du sport par des programmes populaires à même de créer de la synergie et de l'engagement de la part de nos concitoyens ? Les collectivités territoriales, les chaînes et les sociétés de production pourraient s'engager en la matière.
En septembre 2013, Mme Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, annonçait devant le Sénat la fusion du CSA et de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) ; en octobre 2014, ce fut au tour du Président de la République d'évoquer explicitement une fusion avec l'ARCEP. Il semble qu'il n'y ait pas une grande continuité de la parole publique s'agissant du CSA. Comment voyez-vous l'avenir de l'institution ? M. Michel Boyon, ancien président de l'institution, ne s'interrogeait-il pas lui-même sur ce sujet en constatant qu'il n'y avait plus de fréquences à attribuer et que le périmètre de surveillance se réduisait à mesure que grandissait la consommation d'internet ? J'ajoute que vous avez déjà procédé aux principales nominations qui vous incombent. Dans ces conditions, qu'en sera-t-il de votre rôle dans les prochaines années ?
Le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine que nous avons adopté il y a deux semaines en deuxième lecture a donné lieu à un débat assez vif sur les quotas de chansons francophones à la radio et sur le renforcement du rôle régulateur du CSA en la matière. Cette évolution a été fortement contestée par le monde de la musique – à juste titre, à mon sens, car le système actuel des quotas était simple et bien connu. À nouveau, comment voyez-vous votre rôle dans ce domaine précis ?
Voilà un nouveau sujet vient s'ajouter à ceux qui ont déjà été évoqués. Nous pourrions également aborder la question de l'élargissement de la publicité sur les ondes de Radio France, qui fait suite à vos recommandations. Un décret vient d'être publié en la matière.
Monsieur Schrameck, vous avez rappelé que l'audiovisuel constituait un important vecteur d'appartenance à une communauté nationale mais également à une communauté linguistique et culturelle. Le rapport d'activité qui nous est présenté aborde la question de la francophonie et je suis heureux que nous puissions en parler ce soir. Quels moyens le CSA pourrait-il mettre en oeuvre pour permettre à nos compatriotes résidant à l'étranger d'accéder aux programmes audiovisuels, en particulier grâce aux services des médias audiovisuels à la demande ?
Qu'il me soit permis de voir les choses en grand et d'imaginer, en m'appuyant sur la partie du rapport annuel du CSA consacrée aux coopérations et aux convergences au sein de l'Union européenne, que l'ensemble des personnes vivant sur le sol européen pourraient avoir accès à tous les programmes des groupes audiovisuels publics des vingt-huit pays membres. J'espère que ce rêve deviendra une réalité d'ici quelques années.
Deux grands événements sportifs se dérouleront en 2016 : le championnat d'Europe de football et les Jeux olympiques dont le groupe France Télévisions est le diffuseur principal et historique. Plusieurs articles de presse font état de contrats passés entre certaines instances dirigeantes ou certaines fédérations sportives avec des entreprises off shore qui revendent les droits de retransmission qu'elles ont achetés, en prélevant au passage une marge non négligeable. Lors de l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, Mme Valérie Corre a soutenu un amendement visant à établir le principe d'une diffusion gratuite des compétitions se déroulant en France « ayant nécessité une contribution financière directe des pouvoirs publics aux frais d'organisation ». Comment le CSA peut-il s'assurer que la diffusion des matchs du prochain Euro, celle de la Ligue des champions, ou encore celle des épreuves des Jeux de Rio ne seront pas entachées d'un scandale lié à la revente des droits audiovisuels ? Quelles recommandations supplémentaires pourrait-il formuler à ce sujet ? Un groupe de travail réunissant les régulateurs européens réfléchirait sans doute utilement à cette question.
Pour ma part, monsieur Schrameck, je souhaite vous dire tout l'intérêt que nous portons à l'initiative que vous avez prise en faveur de la défense de la langue française. La deuxième journée de la langue française dans les médias audiovisuels, qui avait pour slogan, « Dites-le en français : notre langue est belle, utilisez-la ! », visait à lutter contre l'usage abusif des anglicismes et du langage SMS. Elle fut un succès et l'audiovisuel public a joué le jeu si l'on en juge par l'abondance des programmes ayant participé à l'opération. Il s'agit d'une belle façon de donner corps à ce bien commun parfois si malmené qu'est la langue française. Vous avez le souci légitime de faire reconnaître la diversité, qui est un fait que nul ne conteste, mais vous souhaitez aussi rappeler ce qui fait notre « communauté de destin », selon vos propres mots. En ces temps où l'on voit le radicalisme prospérer, nous pensons qu'il s'agit d'une initiative heureuse.
Votre campagne veut combattre ce qui porte préjudice à la langue ; pour la troisième édition de cette journée, ne serait-il pas possible de passer d'une posture défensive à une stratégie positive, avec l'objectif de révéler au plus grand nombre la beauté du français ?
Madame Martinel, vous avez préféré le mot « guetteur » à celui de « gendarme ». C'est un choix auquel je souscris pleinement – pour ma part, j'ai parfois employé le terme « vigie ». Il est vrai que nous avons adressé quarante mises en demeure, indépendamment de celles consécutives aux attentats tragiques du mois de janvier 2015. La loi même nous empêche de prononcer des sanctions tant que nous n'avons pas adressé de mise en demeure et les sanctions ne sont possibles qu'en cas d'un manquement réitéré, identique et postérieur à la mise en demeure – éléments qui sont contrôlés par le juge. Autrement dit, si notre pouvoir de sanction est désormais grâce à vous régulièrement ordonné en fonction de la jurisprudence constitutionnelle et européenne, il reste extrêmement enserré et limité.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la sanction que nous avons prise à l'encontre de Numéro 23 : c'est une exception. Nous sommes en effet dans un système binaire : soit nous ne nous exprimons pas sur des modifications substantielles postérieures à l'attribution de la fréquence, soit nous interrompons la diffusion. Nous sommes dépourvus de choix intermédiaire. La loi aujourd'hui ne nous laisse que l'alternative du tout ou rien. Peut-être ces considérations constituent-elles déjà des pistes pour une évolution que plusieurs d'entre vous semblent souhaiter.
À ce stade, permettez-moi de faire une mise au point sur une question à laquelle nous sommes souvent confrontés. Nous ne sommes pas des déontologues ; nous n'avons aucune prétention en la matière. Nous sommes là pour veiller aux droits et aux libertés dont le législateur nous a confié la garde. J'ai d'ailleurs pris l'initiative, avec le plein accord du collège, de modifier l'intitulé du groupe de travail « déontologie », qui est devenu « respect des droits et libertés ». La mesure est d'ordre interne et symbolique mais, pour moi comme pour l'ensemble des membres du collège, elle a une signification substantielle.
L'opération de modernisation de la diffusion de la TNT va immédiatement profiter aux téléspectateurs qui bénéficieront d'une réception considérablement améliorée – pour certaines chaînes, cela sera progressif car tous les programmes n'ont pas été conçus d'emblée en haute définition et les mécanismes de résolution peuvent être différents d'une chaîne à l'autre. Grâce à vous, nous avons réussi à transformer une contrainte, née de la perte d'un tiers de nos fréquences les plus riches, en bienfait pour le téléspectateur.
Ce déploiement se poursuivra, région par région, jusqu'en juin 2019. Il est préparé par les comités territoriaux de l'audiovisuel, dont douze sont métropolitains et quatre ultramarins, dans un schéma qui correspond bien à notre organisation générale actuelle.
Le passage en clair de LCI constitue un événement important qui se déroule à l'occasion du basculement des fréquences. LCI nous avait demandé d'anticiper mais nous lui avions répondu que nous ne souhaitions rien risquer qui puisse mettre en danger l'opération complexe du basculement. Notre décision d'acceptation de décembre 2015 prend en compte la situation de la chaîne, qui devenait extrêmement difficile en l'absence de prolongation des contrats. Elle tient également compte du fait que la compétition entre chaînes d'information peut désormais se faire à armes égales, car elles sont toutes adossées à des groupes puissants – BFMTV appartient au groupe Altice qui enregistre des résultats remarquables, y compris pour sa chaîne RMC Découverte. Notre décision est aussi conditionnée par notre extrême exigence concernant la programmation de LCI afin de favoriser ce qui est couramment appelé la « contextualisation » de l'information, autrement dit la réflexion et la distanciation qui sont essentielles pour que l'information ne soit pas uniquement un choc émotif. Les discussions sur ces sujets ont duré plusieurs mois, et nous avons obtenu des ratios intéressants entre journaux télévisés – moins de 30 % du temps d'antenne – et documentaires – plus de 30 % – qui donnent d'ores et déjà à la chaîne une singularité parmi les chaînes d'information en continu. Je rappelle que le législateur nous a confié la mission de favoriser la libre concurrence en modifiant l'article 3-1 de la loi de 1986. Nous n'avons donc pas à imposer une économie contingentée, malthusienne et administrée. Dès lors que des efforts sont consentis pour améliorer l'information, nous devons en tenir compte.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les pouvoirs du CSA. Je veux être extrêmement clair : ni moi-même ni aucun des membres du collège ne pratiquons un quelconque patriotisme institutionnel. Nous ne sommes pas là pour faire croître l'institution. Nous ne sommes chargés que de mener au mieux toutes les missions que vous nous confiez, et le législateur ne cesse de nous confier des missions supplémentaires dans le domaine économique ou le domaine social. La loi de 1986 a été modifiée à de multiples reprises en ce sens. Nous prenons évidemment ces missions très au sérieux, que ce soit par exemple en matière de santé publique ou de protection de l'environnement.
Madame Martinel, vous m'avez interrogé sur les relations entre producteurs et diffuseurs. Nous sommes très attachés aux équilibres économiques, à la fonction d'expertise qui peut être la nôtre en la matière, et au rôle de médiateur et de conciliateur que nous pouvons jouer. Nous avons publié plusieurs rapports relatifs au monde de la production. Nous nous réjouissons beaucoup que les producteurs se sentent de plus en plus chez eux au CSA. Le Conseil est en effet responsable de l'ensemble de la chaîne de l'audiovisuel qui commence avec les ayants droit et les scénaristes et se termine avec les annonceurs et ceux qui les fédèrent, en passant par l'étape essentielle de la production. Aider au développement d'accords contractuels, comme ceux signés par France Télévisions, nous paraît relever de notre mission, que nous le fassions directement ou indirectement, officiellement ou officieusement.
Vous avez eu raison d'insister sur l'aspect fédératif du projet de chaîne d'information publique. Cet aspect nous semble très important mais à chacun ses responsabilités : Mme Delphine Ernotte a présenté cette idée dans le projet stratégique qu'elle a soumis au CSA ; pour la diffusion de cette chaîne, il revient au Gouvernement de faire des propositions ; le CSA prendra ensuite une décision en vertu d'une jurisprudence bien établie, sous le contrôle du juge. Dans notre souci de prendre en compte les intérêts de l'ensemble des acteurs publics et privés, nous serons attentifs à l'évolution de nos délibérations en matière de répartition des millièmes et de numérotation, en respectant toujours les principes d'objectivité, d'impartialité et de transparence. Il s'agit incontestablement d'une perspective importante pour l'évolution de l'audiovisuel national.
Monsieur Kert, j'espère ne pas être guetté par la schizophrénie. (Sourires.) Comme le soulignait votre président, cette situation résulte tout simplement de l'indépendance du régulateur, qui n'a pas vocation à anticiper sur la position de tel ou tel mais doit se décider selon sa conscience, et de celle du juge. Je n'ai aucun titre pour insister sur ce dernier point, mais ce que j'ai vécu durant ma vie entière atteste que cette indépendance est bien réelle. Il peut donc se trouver que les appréciations de l'un et de l'autre diffèrent. Nous respectons, bien entendu, la décision du juge, mais, dans notre for intérieur, nous ne sommes pas convaincus.
Vous avez souligné la composante économique de notre action. Lorsque je m'étais présenté devant vous, alors que je n'étais pas encore nommé, j'avais insisté sur trois orientations : l'audiovisuel à l'heure du numérique, la nécessité d'augmenter le rôle économique du CSA dans un monde où des intérêts de plus en plus puissants s'entrechoquent et sont déterminants pour notre pays à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières, et l'échelle européenne. Aujourd'hui, la question économique et celle du numérique posent encore un certain nombre de problèmes.
Non sans humour, certains d'entre vous nous ont reproché d'avoir fait trop de propositions au législateur. Je me permets de rappeler que, dans notre rapport d'activité 2014, nous suggérions que le législateur veuille bien se pencher sur la nature du contrôle afin qu'il soit exercé de façon plus continue dans le temps, mais aussi sur ses objectifs mêmes. Il nous semble que la protection constitutionnelle du domaine public de l'État, affirmée avec force par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'État en 2003, pourrait trouver un écho direct dans la loi.
Nous avons beaucoup travaillé sur l'affaire Numéro 23. Nous avons entendu à plusieurs reprises toutes les parties prenantes. Aucune n'a été écartée du débat et des auditions. Nous avons été destinataires de très nombreuses contributions. Nous nous sommes ainsi forgés une conviction que nous avons exprimée. Cela dit, nous n'avions aucun pouvoir pour aller au-delà : nous ne disposons d'aucun pouvoir d'investigation sur pièce et sur place, et nous n'avons pas la possibilité de faire intervenir des agents assermentés du CSA. Nous ne nous imaginons évidemment pas en juge pénal ; nous pensons néanmoins que, dès lors qu'un contrôle administratif nous est confié, nous devons avoir les moyens de l'exercer. Il n'est, par exemple, pas normal que nous n'ayons pas été destinataires de documents très importants : s'ils ne nous sont pas adressés, nous devons pouvoir les requérir ou aller les chercher, sous peine de sanctions.
À ma connaissance, l'ARCEP ou l'Autorité de la concurrence bénéficient déjà de tels pouvoirs. Le législateur pourrait opérer une sorte de mise à niveau au profit du CSA.
Je crois que ce serait une bonne chose, car le rôle économique du CSA, M. Kert a bien voulu y insister, est aujourd'hui aussi important, à certains égards, que celui de l'ARCEP ou de l'Autorité de la concurrence.
Dans nos rapports avec l'Autorité de la concurrence, nous sommes limités par la règle du secret des affaires. Il nous semble légitime qu'elle s'applique dans nos rapports avec le public mais j'estime que les autorités de régulation devraient pouvoir tout se dire entre elles pour le bien public.
Monsieur Kert, je reçois comme telle votre observation en demi-teinte et critique concernant notre investissement sur le continent africain. Je pense en effet que nous pouvons faire encore beaucoup plus et beaucoup mieux, et pas uniquement à l'égard du monde francophone.
Nous assurons d'ores et déjà le secrétariat du Réseau francophone des régulateurs des médias (REFRAM). Nous avons des relations extrêmement fréquentes avec les responsables de ce réseau et l'actuelle présidence ivoirienne. À chaque fois qu'un président des membres du réseau passe par Paris, je le reçois. J'ai récemment rencontré la présidente de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle du Maroc qui joue un rôle très important. J'ai toujours dit à nos partenaires du monde audiovisuel, qu'ils soient publics ou privés – je pense à France Médias Monde et à Canal+ –, que nous étions vraiment à leur disposition pour accompagner leurs démarches hors de nos frontières, et faire encore mieux connaître notre savoir-faire qui est déjà très apprécié. La réussite de l'opération de basculement de la TNT constituera à ce sujet un puissant argument car de nombreux pays, en particulier en Afrique noire, se préparent aussi à cette mutation fondamentale.
Monsieur le député, la réponse à la question du rapprochement entre le CSA et l'ARCEP relève du législateur. Il lui appartient de nous indiquer la conduite à tenir. M. de Mazières a souligné à juste titre les oscillations des annonces relatives au destin du Conseil. Il est vrai que la déclaration du Président de la République qui s'exprimait, le jeudi 2 octobre 2014, lors d'un séminaire organisé au CSA, sur un rapprochement entre le Conseil et l'ARCEP, n'a eu aucune suite. Aujourd'hui, les grandes autorités européennes sont caractérisées par la convergence. Cette perspective me paraît être tout à fait valide – encore faut-il en convaincre mon homologue de l'ARCEP. Personnellement, je suis ouvert à tout ce qui peut renforcer l'homogénéité du monde des communications électroniques. Bien sûr, il faudra procéder progressivement. Il est aussi évident que si les missions se recoupent, elles ne coïncident pas totalement. Il n'en demeure pas moins que tout ce qui accroît la coopération est bienvenu.
Monsieur Françaix, vous avez eu une formule qui résumait admirablement ce que j'avais exprimé trop longuement : « Plus il y a d'abondance, moins il y a de choix. » Vous soulignez ainsi ce qui constitue un grand risque. Le téléspectateur doit non seulement se voir offrir le plus grand nombre possible de programmes, mais aussi le plus grand nombre possible d'occasions d'exercer sa curiosité et d'explorer des champs qui ne relèvent pas de son choix le plus spontané.
Nous sommes très attachés à ce que la future chaîne publique d'information soit l'expression d'une fédération des efforts des grands acteurs de l'audiovisuel public, dépositaires d'un service public qui se trouve au coeur des missions que vous nous avez confiées. Nous aurons cependant une vision d'ensemble. Les efforts conjugués en matière de publicité entre France Télévisions et Radio France me semblent, par exemple, constituer une évolution positive – je m'exprime sur ce sujet tout récent à titre personnel.
Concernant la publicité sur les ondes de Radio France, que vous évoquiez, Monsieur le président, nous avons d'abord voulu penser au public du service public de la radio qui est attaché à certaines des valeurs de ce dernier. Il ne fallait pas que sa perception soit brouillée par la publicité. Nous avons en conséquence émis dix préconisations qui ont été très largement reprises par le décret du 5 avril portant modification du cahier des charges de la société nationale de programme Radio France. Nous nous félicitons de la convergence entre nos suggestions et les décisions prises par le Gouvernement.
Madame Dominique Nachury, tous les messages que nous recevons entrent dans le champ de nos compétences, à une réserve près : le public a tendance à considérer que nous sommes responsables des programmes, ce qui est faux bien évidemment. Nous ne sommes pas plus responsables des programmes que déontologues. Nous sommes en revanche responsables du respect par les programmes des prescriptions que vous avez fixées – c'est ce que nous sommes souvent amenés à répondre à ceux qui nous interrogent en la matière.
Concernant le principe d'équité en matière de temps de parole, je ne veux pas rouvrir un débat qui s'est tenu dans l'hémicycle mais permettez-moi de faire un ou deux constats. Pour toutes les élections, si l'on excepte la campagne à venir, et la période qui sépare la reconnaissance des candidatures du début de la campagne officielle, soit au total trois semaines plus deux, le CSA a toujours agi sur le terrain de l'équité, et il vous en a rendu compte en vous faisant parvenir des rapports. Vous recevrez ainsi dans les semaines qui viennent un rapport sur le traitement médiatique des élections régionales. Évidemment, la sociologie de la vie politique évolue et nous ne disposons jamais dans cette approche que d'un faisceau d'indices qu'il est difficile de déchiffrer. Nous avons entamé des travaux qui visent à actualiser et à compléter les critères cités par Mme Nachury. Mais nous n'appliquons pas de grille a priori : nous ne répartissons pas des temps de parole ou d'antenne. Nous veillons seulement à ce qu'il n'y ait pas de disproportions manifestes qui seraient en contradiction avec le principe du pluralisme.
Monsieur le président, vous êtes à l'origine d'une proposition de loi qui porte largement sur l'indépendance des médias. Nous avons bien constaté les limites de nos possibilités lors de la discussion que nous avons menée durant de long mois avec Canal+. Elle a abouti à la constitution d'un comité d'éthique mais les problèmes que vous connaissez se sont posés. Nous avons le souci permanent de cette indépendance, ce qui ne signifie pas que nous ignorions les intérêts économiques des médias. Nous savons parfaitement qu'ils constituent un chaînon de notre économie, mais l'indépendance éditoriale ne doit en aucune façon en être affectée.
Monsieur Travert, je profite du fait que vous ayez évoqué la chaîne Numéro 23 pour faire une observation. J'ai entendu que nous nous étions à tort déplacés du terrain du droit pur à celui de la probité et de la moralité publique. Il est normal qu'il y ait eu dans la décision du CSA une composante éthique ou morale, car, dans le domaine répressif, lorsqu'une sanction est envisagée, il est par nature essentiel de prendre en compte le comportement des acteurs concernés et son caractère intentionnel ou non. Comment pourrait-il y avoir sanction sans que ces facteurs soient pris en compte ? Il n'y a pas d'automatisme des sanctions.
J'ai déjà eu l'occasion de me féliciter de l'accord passé entre France Télévisions et les producteurs audiovisuels. Nous nous en réjouissons, comme nous nous réjouissons qu'un accord ait pu être trouvé concernant l'avenir des relations avec la société Newen. Il nous semble que le modèle retenu, outre qu'il permet au service public de faire des économies, ce qui n'est pas négligeable, repose sur une approche contractuelle pour un profit mutuel des éditeurs et des producteurs. Plutôt que de trancher unilatéralement et d'imposer des pourcentages a priori, c'est bien par des accords que le progrès se fera – notamment en matière de coproduction, formule qui permet aux chaînes, en particulier les chaînes publiques qui ont des moyens limités, de s'investir toujours, et plus encore si possible, dans notre production originale française ou européenne.
Monsieur de Mazières, vous m'avez interrogé sur le périmètre de nos activités. Alors que l'audiovisuel est immergé dans un monde numérique, il est clair que des questions nouvelles se posent. Nous avons ouvert des discussions complexes et difficiles concernant, par exemple, les sites de radios qui ne retransmettent pas des émissions proprement dites mais qui sont, par hypothèse, de véritables créations audiovisuelles – elles se développent aujourd'hui. Un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 octobre 2015, dans l'affaire New Media Online, a statué sur ce point à la demande de l'Autriche. Il faut que nous en tirions toutes les conséquences dans la concertation. Une polémique a lieu, ces jours derniers, au sujet d'une émission diffusée par une chaîne de YouTube. La question se pose de l'étendue de notre contrôle. Parler de « chaîne », c'est déjà en quelque sorte résoudre le problème, mais il faut bien voir que différentes formes de productions audiovisuelles passant par divers acteurs majeurs de l'univers numérique posent des problèmes de frontières et de périmètres. Seul le législateur peut fixer les frontières et le périmètre de notre contrôle. Pour notre part, nous avons uniquement le souci de son homogénéité, car la régulation est précisément pour nous l'appréhension d'un monde complexe dans toutes ses composantes. Si certains aspects de ce monde nous échappent complètement, la régulation perd sa finalité et son objet. Je le répète, nous ne soucions pas de la préservation ou de l'extension de nos pouvoirs mais de l'accomplissement de nos missions.
En m'interrogeant sur les services de médias audiovisuels à la demande, M. Christophe Premat a également posé une question qui touche au périmètre de notre action. Ce sujet nous amène en effet à traiter des droits d'auteurs, domaine dans lequel nous ne sommes pas compétents, même si nous sommes particulièrement attentifs aux préoccupations des ayants droit et des sociétés qui les regroupent comme, évidemment, à la bonne information du téléspectateur. Nous ne sommes pas acteurs des négociations qui se déroulent sur ces sujets, y compris au plan européen.
En matière de retransmission des grands événements sportifs, une évolution nous semble très préoccupante : la plupart des droits sportifs sont détenus par des groupes privés. Sans trahir le secret des affaires, je peux dire que c'est le cas dans une proportion écrasante. Qu'ils soient publics ou privés, les groupes qui offrent gratuitement leurs prestations aux téléspectateurs sont maintenant dans une situation de délégataires de puissants groupes privés, c'est-à-dire dans une position de dépendance. Cette situation nécessite de mener une réflexion nouvelle sur la notion d'événement sportif majeur. L'approche ponctuelle actuelle sauvegarde par exemple les phases finales de grand championnat ou les Jeux olympiques, c'est heureux. Peut-être faut-il toutefois aller désormais au-delà et adopter une approche économique et régulatrice de la transmission des droits sportifs – sachant que ce problème se pose à l'échelle européenne. De la même façon, se pose le nouveau problème des e-compétitions dont votre assemblée a récemment traité.
Madame Annie Genevard, j'ai été extrêmement sensible à ce que vous avez bien voulu dire sur les efforts que nous avons amplifiés au début de l'année en faveur de la langue française. La campagne comprenait des séquences un peu humoristiques, car les grandes causes se défendent aussi avec le sourire. J'en ai vraiment la conviction : lorsque notre langue s'abime, notre communauté nationale décline. La langue constitue un ferment essentiel. Or nous savons parfaitement que l'école ne permet pas de former tous les citoyens à sa maîtrise écrite et orale – sachant que même une fois acquise, avec le temps, cette maîtrise peut aussi régresser. Nous réfléchissons à des moyens de plus en plus incitatifs, avec notamment des distinctions ou des labels divers, qui nous permettraient de mettre en valeur des émissions qui, par leur qualité, leur contenu, leur finalité, sont des acteurs de la promotion de la langue française. Nous avons conscience de la nécessité de travailler en association sur ce sujet – nous le faisons par exemple avec l'Organisation internationale de la francophonie.
Il importe de rappeler que toute l'action que nous menons en faveur de la langue française a des conséquences capitales en Afrique noire francophone – nous prenons au sérieux les critiques que vous nous avez adressées à ce sujet –, car la langue porte non seulement notre culture mais aussi notre droit et notre économie.
De façon générale, nous travaillons en association, comme avec l'Académie française et plus largement avec l'Institut. Je veux rendre au passage hommage à l'action de Mme Hélène Carrère d'Encausse, présidente d'honneur de notre observatoire dédié aux médias et à l'éducation. Bien sûr, nous ne nous considérons nullement comme une Académie française, mais nous pensons qu'il n'y aura jamais trop d'acteurs pour contribuer à cette cause essentielle.
Monsieur le président, nous vous remercions. Vous avez été, comme à votre habitude, extrêmement complet, et votre propos passionnant nous a permis d'aborder l'actualité de tous les sujets qui concernent le Conseil.
Est-ce un hasard ? Je trouve que votre audition tombait particulièrement bien cette semaine. Elle nous a permis de constater qu'une semaine après la décision du Conseil d'État, la digestion restait difficile. Nous vous remercions d'avoir ouvert quelques perspectives qui permettraient au législateur de prendre l'initiative pour renforcer le CSA comme « guetteur » vigilant, pour reprendre le mot que Mme Martine Martinel et vous-même avez employé.
La séance est levée à dix-huit heures quinze.