COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 4 mai 2016
La séance est ouverte à dix heures cinquante.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La commission des affaires sociales examine la proposition de résolution de M. Patrice Carvalho et plusieurs de ses collègues visant à la création d'une commission d'enquête sur la fibromyalgie (n° 3518) (M. Patrice Carvalho, rapporteur).
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a souhaité faire usage de ce qu'il est convenu d'appeler son droit de tirage, en application de l'article 141, alinéa 2, de notre Règlement. En conséquence, notre commission n'a à statuer que sur la recevabilité de la proposition de résolution, en vérifiant que les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies. Si tel est le cas, la Conférence des présidents en sera avisée et prendra acte de cette création.
Nous sommes interpellés dans nos circonscriptions par des personnes atteintes du syndrome de fibromyalgie, lequel suscite sinon des polémiques, du moins des difficultés lorsqu'il s'agit de situer cette pathologie parmi celles qui sont suivies par la Haute Autorité de santé et les collèges académiques. Je laisse M. Carvalho nous éclairer plus avant sur les raisons qui ont conduit son groupe à proposer la création de cette commission d'enquête.
La proposition de résolution que j'ai le plaisir de vous présenter, et à laquelle le groupe de la Gauche démocrate et républicaine est particulièrement attaché, est en effet née du constat des situations difficiles auxquelles nos concitoyens sont confrontés. Voilà pourquoi notre groupe a usé du « droit de tirage » que lui confère le Règlement de notre Assemblée.
J'aimerais souligner en quelques mots l'intérêt de cette proposition de résolution avant d'aborder la question de sa recevabilité.
Reconnue comme une maladie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1992, la fibromyalgie est encore considérée en France comme un syndrome, dont les causes ne sont pas strictement déterminées. Face au silence de l'administration et aux désaccords au sein du monde médical, il me semble nécessaire d'étudier ses tenants et ses aboutissants sans a priori et de façon équilibrée. Car il n'est rien de pire que de s'en tenir au statu quo, insupportable pour les patients livrés à l'errance médicale et à des souffrances qui ne sont pas reconnues.
Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur la recevabilité de la proposition de résolution.
Afin de favoriser l'expression des groupes minoritaires et d'opposition, le Règlement prévoit l'application de dispositions spécifiques. Ainsi ces groupes sont-ils fondés à exercer un « droit de tirage ». Dans ce cas de figure, le rôle de la commission saisie au fond se borne à vérifier si les conditions de recevabilité, fixées par le Règlement, sont satisfaites. La commission n'a pas à se prononcer sur l'opportunité de la création de la commission d'enquête.
L'article 137 du Règlement indique que les commissions d'enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ». C'est le cas de la présente proposition de résolution, qui vise à créer une commission d'enquête sur « la fibromyalgie, les conditions de sa reconnaissance et de sa prise en charge ».
L'article 138 du Règlement prévoit par ailleurs l'irrecevabilité de « toute proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête ayant le même objet qu'une mission effectuée dans les conditions prévues à l'article 145-1 ou qu'une commission d'enquête antérieure, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l'une ou de l'autre ». Or aucune commission d'enquête ni mission d'information n'a été créée sur le sujet qui nous occupe au cours des années récentes.
Enfin, l'article 139 précise que ne peut être discutée une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire portant sur des faits qui donnent lieu à des poursuites judiciaires. Interrogé, le garde des Sceaux, ministre de la justice, a fait savoir qu'aucune procédure n'était en cours sur le thème qui nous intéresse.
En conséquence, la proposition de résolution satisfait aux conditions de recevabilité. Aucun obstacle ne s'oppose donc à la création de la commission d'enquête.
La création de la commission d'enquête sera actée par la Conférence des présidents si la commission saisie au fond conclut à la recevabilité de la proposition de résolution.
Je m'exprimerai au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen.
La fibromyalgie est une affection qui touche près de 2 millions de Français, essentiellement – à 75 % – des femmes, selon des formes et des degrés divers. Elle est la cause de grandes souffrances chez ceux de nos concitoyens qui en sont atteints et se révèle parfois très handicapante dans la vie quotidienne, voire invalidante, jusqu'à empêcher la poursuite de toute activité professionnelle.
Même si l'existence d'états douloureux chroniques est attestée depuis le XIXe siècle, la fibromyalgie a été considérée jusqu'à la fin des années 1970 comme un trouble psychosomatique. Elle reste aujourd'hui méconnue et mal considérée, bien que l'OMS la reconnaisse depuis 1992. Le nom lui-même n'a été définitivement arrêté qu'en 1977, par deux chercheurs canadiens. Cette absence de reconnaissance suscite des difficultés supplémentaires pour les personnes atteintes, qui supportent mal d'être perçues au mieux comme des hypocondriaques, au pire comme des affabulateurs. L'ampleur de ce phénomène complexe, dont la prévalence serait tout de même de 1,4 à 2,2 % dans la population générale, ne laisse pourtant que peu de place au doute.
En proposant d'aborder cet enjeu de santé publique, nos collègues poursuivent donc un but louable. Saluons également le très important travail de sensibilisation effectué par les membres des associations locales qui se sont progressivement constituées depuis une quinzaine d'années et que la majorité d'entre nous a rencontrées en circonscription. J'ai aujourd'hui une pensée particulière pour les adhérents de l'association « Fibromyalgie Vendée », qui ont appelé mon attention sur le caractère très invalidant de cette affection, caractérisée par une fatigue chronique et par des douleurs généralisées, diffuses mais aiguës, situées au niveau du tronc et des membres supérieurs et inférieurs, le tout associé à des troubles du sommeil : bref, les personnes touchées considèrent qu'elles ont mal partout et tout le temps. Tous ont contribué à une prise de conscience bienvenue s'agissant d'un syndrome que l'on pourrait qualifier de maladie en devenir, diagnostiqué en moyenne au bout de sept ans.
On comprend que l'insuffisante prise en considération des douleurs, associée à des périodes d'épuisement durable, ait un grand retentissement sur la vie professionnelle et familiale, ainsi que sur la vie sociale par l'isolement des malades. L'absence de traitement contribue en outre au grand désarroi des fibromyalgiques.
Depuis quelques années, les progrès sont lents, mais sensibles. Un rapport de l'Académie nationale de médecine publié en janvier 2007, à la demande du ministre de la santé de l'époque, a pour la première fois reconnu la réalité du syndrome fibromyalgique. La Haute Autorité de santé a rendu en 2010 un rapport d'orientation sur le syndrome fibromyalgique de l'adulte qui faisait le point de manière précise et documentée sur l'état des connaissances. Par ailleurs, le plan d'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques pour la période 2007-2011 a tenu compte des besoins exprimés par les associations de malades de la fibromyalgie. Plus récemment, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a demandé à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de procéder à une expertise collective sur le sujet. Tout cela témoigne d'une volonté politique de progresser qui doit être saluée comme elle le mérite.
Notre Assemblée ne peut rester à l'écart de cette évolution. Des recherches supplémentaires et approfondies doivent encore être engagées afin de comprendre l'origine des douleurs, afin d'améliorer le dépistage, la prévention et, surtout, de permettre une prise en charge spécifique, inexistante à ce jour. Le moment semble donc opportun pour que l'Assemblée nationale se saisisse du sujet, lequel a déjà suscité de très nombreuses questions parlementaires au Gouvernement. Une mission parlementaire est donc sans doute nécessaire.
Si je ne suis pas certaine que la commission d'enquête soit le format le plus adapté lorsqu'il s'agit d'émettre des propositions – une mission d'information serait sans doute plus appropriée –, il va de soi qu'aucun obstacle de principe n'empêche que nous nous emparions de la question et en fassions l'objet d'un travail parlementaire approfondi. Les députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen y sont prêts.
Notre réponse collective sera évidemment politique : il n'est naturellement pas question que les députés se substituent aux scientifiques, qui doivent poursuivre leurs investigations. Nous devrons pour notre part nous intéresser aux conditions de prise en charge de ce problème de santé publique : il faut trouver les moyens d'une harmonisation, pour que les malades puissent accéder à un traitement approprié. Cela implique que les instances médicales bénéficient des moyens financiers, humains et administratifs nécessaires – je songe notamment à la médecine du travail et à la médecine de prévention –, et ce sur l'ensemble du territoire national, où un large degré d'appréciation est pour l'instant laissé aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) ou aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). C'est donc un cadre que nous aurons à définir et à proposer. Je ne doute pas que nous saurons avancer résolument et efficacement.
Au nom du groupe Les Républicains, je remercie le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et le rapporteur, M. Carvalho, d'avoir utilisé son droit de tirage pour demander une commission d'enquête – qui pourrait prendre une autre forme – sur cette maladie peu connue mais qui touche nombre de nos compatriotes, en particulier des femmes. La fibromyalgie est un véritable fléau qui ronge insidieusement. La méconnaissance de ses causes aggrave la détresse de ses victimes, et sa non-reconnaissance complique encore davantage leur vie. Leur prise en charge est difficile, laissée au seul jugement des médecins-conseils, ce qui entraîne des inégalités régionales. Comme l'a dit Mme la présidente, nous recevons tous dans nos permanences ces malades en désarroi.
La fibromyalgie, ou syndrome fibromyalgique, est une affection comprenant un ensemble de symptômes dont le principal est une douleur chronique, permanente, majorée par les efforts et pouvant s'accompagner de fatigue, de perturbations du sommeil et de troubles anxio-dépressifs. Ce syndrome n'a pas de cause connue à l'heure actuelle. Le diagnostic est posé devant la persistance des symptômes et l'absence d'autre maladie identifiée et d'anomalie biologique ou radiologique. Il n'existe pas à ce jour de traitement spécifique ni de prise en charge établie du syndrome fibromyalgique. De plus, la gravité et l'évolution des symptômes sont très variables d'un patient à l'autre. La fibromyalgie est en forte augmentation dans notre pays. Selon une récente enquête, la durée moyenne de l'errance médicale, des premiers symptômes ressentis au diagnostic, lorsqu'il est posé, s'élèverait à six ans. La fibromyalgie peut être à l'origine de symptômes lourds, susceptibles d'entraîner une perte d'autonomie et l'impossibilité partielle ou totale d'exercer une activité professionnelle.
Les patients qui en souffrent demandent qu'elle soit reconnue comme une maladie, afin que leur prise en charge soit améliorée et plus égalitaire d'une zone à l'autre du territoire national. La fibromyalgie n'a pas été inscrite sur la liste des trente affections de longue durée (ALD) qui nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Elle ne répond généralement pas non plus aux critères d'évaluation relatifs à l'admission en affection de longue durée tels qu'ils sont fixés par la circulaire ministérielle du 8 octobre 2009.
Toutefois, la Haute Autorité de santé a publié en 2010 un rapport d'orientation destiné aux professionnels de santé, afin que les personnes qui souffrent de ce syndrome soient mieux prises en charge. Par ailleurs, le plan 2007-2011 d'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques tenait compte des besoins exprimés par les associations concernées.
Mais ces avancées sont encore beaucoup trop faibles eu égard aux grandes difficultés qu'entraîne cette maladie. Au regard des progrès de la science, des prouesses de la médecine et des innovations de l'industrie pharmaceutique, on ne peut se satisfaire d'une telle méconnaissance de la fibromyalgie ni de l'insuffisance de l'accompagnement des Français qui en souffrent.
Une commission d'enquête, ou peut-être une mission d'information, semble être un bon moyen d'éclairer les nombreuses zones d'ombre qui entourent la maladie, afin de mieux cerner ses causes, détecter ses symptômes et traiter ses effets, notamment en définissant un protocole de soins pluridisciplinaires adapté, mais surtout de mieux accompagner et prendre en charge ses victimes. Il semble également indispensable de mieux mesurer les conséquences sociales et professionnelles de la fibromyalgie, ce qui suppose l'instauration d'outils statistiques précis, offrant une vision concrète de l'évolution de la maladie en France et de ses effets dans ces domaines. De manière plus indirecte, la commission d'enquête ou mission d'information fournira l'occasion de médiatiser davantage la fibromyalgie et de rendre plus visible le combat de nombreuses familles contre la maladie et pour sa reconnaissance.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que souscrire à l'initiative qui nous a été présentée et nous nous réjouissons par avance d'y prendre part. Nous voterons donc la proposition de résolution.
Je m'exprimerai pour ma part au nom du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
Entre 1,5 et 2 millions de nos concitoyens seraient actuellement touchés par la fibromyalgie. L'ampleur de ces chiffres et leur étonnante imprécision en disent déjà long sur les incertitudes et interrogations qui entourent ce qui n'est pour l'heure reconnu que comme un syndrome.
Le désarroi de ces personnes face à leurs souffrances physiques et psychologiques chroniques et aux difficultés du diagnostic et de la réponse médicale s'accentue encore lorsqu'elles se heurtent à l'incompréhension sociale, et atteint son paroxysme du fait de l'insuffisance de la prise en charge. Comment nos administrations, notre protection sociale, notre système de santé peuvent-ils donc remédier à celle-ci ?
Pour notre groupe, il est souhaitable que le Parlement se saisisse de cette question. Il aurait pu le faire par le biais d'une mission d'information ; le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a préféré une commission d'enquête : soit.
Nous autres députés avons tous été interpellés par des associations ou des patients confrontés à la fibromyalgie. Le caractère chronique et évolutif des douleurs nous conduit à nous interroger sur les modalités de sa prise en charge. Le nombre des personnes atteintes, le handicap considérable que la fibromyalgie entraîne chez 30 % d'entre eux, ses conséquences sur leur vie quotidienne, sociale, professionnelle doivent nous amener à nous intéresser aux causes de la maladie et aux possibilités de la détecter à un stade précoce.
Il est essentiel que le Parlement puisse produire à ce sujet un travail approfondi, tenant compte des données médicales, sociales, financières du problème. La commission d'enquête devra bien sûr absolument s'enquérir des solutions apportées dans d'autres pays européens, notamment la Belgique, en vue de mieux reconnaître et mieux prendre en charge la fibromyalgie comme une maladie, et de l'effet de ces décisions sur la réponse médicale, la prise en charge des soins et l'accompagnement des patients.
La recherche devra aussi être abordée. Comment se mobilise-t-elle aujourd'hui s'agissant de cette maladie ? Quels efforts devrions-nous faire pour mieux identifier ses causes et ses traitements ?
Des solutions ont déjà été trouvées pour ne pas laisser les personnes atteintes seules face à la maladie. Il ne s'agit évidemment pas pour nous de mettre qui que ce soit en accusation dans le cadre de la commission d'enquête. Les chercheurs, les équipes médicales, les organismes de sécurité sociale consacrent attention et efforts à la compréhension, au traitement, à l'accompagnement des malades.
Mais les questions de ces derniers et de leurs familles restent nombreuses. Il appartiendra donc à la commission d'enquête de préciser la manière dont les personnes atteintes de fibromyalgie pourraient être mieux reconnues et prises en charge par notre système de soins et de protection sociale, et de distinguer en cette matière le souhaitable du possible.
Pour ces raisons, le groupe de l'Union des démocrates et indépendants votera pour cette proposition de résolution.
Je prendrai la parole au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.
La fibromyalgie est effectivement mal connue. Cela a été dit, elle touche 2 millions de personnes en France, essentiellement des femmes ; pourtant, cette maladie, si on peut l'appeler ainsi, n'est pas enseignée au cours des études de médecine. C'est probablement l'une des affections qui a suscité le plus de controverses et de polémiques, certains scientifiques ayant même pu estimer que les troubles évoqués par les patients n'étaient que l'expression d'un mal-être psychologique et social. Aujourd'hui, heureusement, un nombre croissant d'experts tente de comprendre cette maladie, encore très mystérieuse puisque les patients, le plus souvent des patientes, présentent des douleurs sans aucune organicité. Il est essentiel de poser un diagnostic et de prendre chacun en charge de manière spécifique, la maladie s'exprimant de manière très différente suivant les personnes atteintes.
La commission d'enquête qu'il est proposé de créer me semble donc bienvenue. Les patients qui souffrent de ces algies ont besoin de reconnaissance et d'une prise en charge. Les progrès que nous pourrons faire en ce domaine représenteront une avancée pour ces 2 millions de personnes. Mais il faut aussi que la recherche se poursuive, notamment grâce aux sociétés savantes, afin de parvenir à comprendre cette pathologie encore mal expliquée.
Nous voterons pour la proposition de résolution.
Comme l'ont dit certains des orateurs qui m'ont précédé, c'est à une vieille histoire que nous avons affaire.
Dès le XIXe siècle et au début du XXe, on s'interrogeait sur les algies majeures que présentaient certains patients ; mais le phénomène était alors relativement confidentiel. En 1976, un chercheur américain puis deux chercheurs canadiens ont mis en forme la notion de fibromyalgie, qui constitue aujourd'hui un objet d'interrogation plus qu'un savoir. En 1981, l'Association de rhumatologie française valide la fibromyalgie sous un autre nom. C'est surtout aux États-Unis que les choses vont se jouer, le Collège américain de rhumatologie ayant entraîné un mouvement très important, notamment dans l'opinion, obtenant la reconnaissance au sein des classifications non d'une maladie, mais d'un « rhumatisme non spécifique ».
Les associations représentent des patients qui souffrent, ce que personne ne conteste, et elles ont leur légitimité. Toutefois, dès 2000, les majors de l'industrie pharmaceutique, notamment américaines, s'emparent du sujet, multiplient les conférences médicales jusqu'au plus haut niveau international et installent dans le monde entier cette notion de fibromyalgie. Je le répète, nul ne conteste que celle-ci fait souffrir des millions de gens, partout. Mais qu'est-ce que la fibromyalgie ? Nul ne le sait. D'autres que moi l'ont dit.
En 2007, l'Agence européenne refusera un traitement supposé agir sur la fibromyalgie, proposé par l'un des trois plus gros laboratoires au monde, parce que les éléments fournis sont relativement faibles.
Les associations ont exercé leur fonction légitime de lobbying, aux États-Unis d'abord, où l'on connaît la puissance des groupes de pression, puis en France. Les débats ont pris une telle ampleur que, dès 2003, on a parlé aux États-Unis de fibromyalgia wars autour de ce syndrome scientifiquement très méconnu, mais dont la réalité est en quelque sorte sociale.
La fibromyalgie pose un problème médical qui n'est pas résolu, mais aussi un problème public – ce sera probablement tout l'intérêt du travail du rapporteur. Les médecins et les patients sont en difficulté. Dès lors que le diagnostic de fibromyalgie est posé, la réalité devient incontournable : un patient qui souffre attend une réponse. Or celle-ci ne saurait être uniquement médicale – d'autant que le médecin peine à la trouver.
Dès lors, quatre questions me semblent se poser.
D'abord, comment autant de personnes peuvent-elles être « estampillées » fibromyalgiques, dont 75 % à 90 % de femmes alors que l'on ne se situe pas du tout ici dans un champ spécifiquement féminin ?
Ensuite, le rôle des laboratoires auprès de la puissance publique, mais aussi des associations, en France et dans le monde entier, mérite d'être étudié de près.
Troisièmement, nous devons nous montrer prudents face à un phénomène très difficile et surtout face à la douleur des patients.
Enfin, quel rôle la recherche publique peut-elle jouer ? À cet égard, la Haute Autorité de santé a donné quelques pistes.
Je remercie le rapporteur de cette heureuse initiative. Les choses avancent, hélas lentement. On a d'abord parlé de symptôme il y a quelques années, puis de syndrome ; on évoque aujourd'hui une maladie idiopathique. Au sein de la communauté scientifique, des progrès sont réalisés, mais une certaine opacité perdure. Un débat a lieu entre généticiens, algologues, rhumatologues. Grâce à votre démarche, monsieur le rapporteur, nous pourrons au moins agir au niveau des administrations que sont les CPAM, les MDPH et la médecine du travail pour améliorer le quotidien de patients qui souffrent réellement et à qui l'on n'apporte aucune réponse adaptée – on connaît celle de l'assurance maladie.
Je suis donc ravi, comme mes collègues, de cette proposition de résolution qui semble faire l'unanimité parmi nous, même si nous devons nous attendre à ce que des difficultés perdurent du côté de la communauté médicale, divisée quant à l'étiopathologie de cette maladie.
Je me félicite que cette question nous soit soumise et que nous ayons la possibilité de la traiter avant la fin de la législature.
Quand un trouble – ou une maladie – est mal connu, il est rapidement considéré comme psychosomatique et, faute de diagnostic, les personnes qui en sont atteintes ne savent plus comment se faire entendre, comprendre et accompagner. J'ai dans mon entourage, comme certains d'entre vous sans doute, une personne qui souffre de ce syndrome depuis des années ; je mesure donc la gravité de la situation de ces patients souvent isolés, mal compris, voire suspectés de somatiser. Ils doivent lutter pour se faire entendre et sont souvent livrés à une errance que décrit bien la proposition de résolution.
Comme les médecins et, plus généralement, le corps médical, les MDPH doivent être sensibilisées à cette pathologie et à ses conséquences sur la vie des personnes concernées. Car trop souvent, faute de connaissances, la prise de contact avec une équipe pluridisciplinaire est une source de souffrance supplémentaire après les premiers rendez-vous.
Il fallait donc aller plus loin. Les associations ont évidemment déjà donné l'alerte et permis aux personnes atteintes de fibromyalgie d'être entendues et comprises. Les travaux de la commission d'enquête devront en outre nous éclairer quant aux pratiques en vigueur dans d'autres pays et nous permettre de faire progresser la connaissance et la reconnaissance de cette maladie.
Nous sommes face à une pathologie complexe à propos de laquelle les différents intervenants du corps médical et de l'administration se renvoient la balle au détriment des patients. Il faut mettre fin à ces problèmes dont nous, élus, sommes régulièrement saisis. J'approuve donc entièrement la proposition de résolution.
Seul son titre me gêne. Même s'il fallait, pour introduire le débat, en passer par la création d'une commission d'enquête, mieux vaudrait lui donner ensuite une autre forme, par exemple celle d'une mission d'information, pour éviter les connotations policières du terme d'enquête s'agissant d'un problème médico-social et médico-sanitaire.
On ne peut accepter que les centaines de milliers de fibromyalgiques diagnostiqués, sans compter ceux, sans doute très nombreux, pour lesquels le diagnostic est en cours, fassent l'objet d'un traitement social et sanitaire différencié selon les régions, les humeurs ou les positions personnelles des médecins-conseils. À défaut d'un travail scientifique qui ne relève pas directement de nous, un travail social est donc nécessaire s'agissant d'une maladie qui concerne de très nombreux Français, notamment, pour des raisons que l'on ignore, des femmes, souvent jeunes, et dont les conséquences sur leur vie professionnelle comme sur les finances de la sécurité sociale sont majeures.
Dans cette démarche, nous devrons éviter deux écueils.
D'abord, prendre la place des médecins, même s'il y en a plusieurs dans notre commission : notre position de législateur n'est pas médicale, mais sociale. L'enjeu est de respecter la dignité des personnes concernées, ainsi que l'égalité entre elles sur tout le territoire.
Ensuite, oublier que nous n'avons pas affaire à une maladie mais à un syndrome, c'est-à-dire à une association de symptômes concordants. Nous, médecins généralistes, savons bien que, lorsque nous adressons les malades à un rhumatologue, à un neurologue, à telle ou telle équipe, le diagnostic peut être posé, mais aussi récusé. Dans ce dernier cas, la prise en charge en pâtit, le patient se sentant alors considéré comme hypocondriaque, voire manipulateur, dépressif ou anxio-dépressif – puisque quand on ne sait pas, en médecine, on renvoie généralement à une cause nerveuse ou virale ! Pourtant, il existe bien une entité médicale derrière ce qui, en attendant d'être considéré comme une maladie, n'est qu'un syndrome, et ne peut à ce titre être pris en charge comme ALD, mais uniquement comme pathologie hors liste, selon le bon vouloir du médecin-conseil. Pour ces raisons, il nous faut associer à notre démarche toutes les catégories professionnelles concernées : les médecins de la sécurité sociale, les neuropsychiatres, les neurologues, les physiologistes, les biologistes – puisque l'on trouve certains symptômes biologiques parmi les rares symptômes qui peuvent orienter vers le diagnostic de fibromyalgie, lequel ne peut être tiré d'aucune radiographie, scanner ou IRM – ainsi que les médecins généralistes, quotidiennement confrontés au phénomène. Il faudra y songer au moment d'établir la liste des personnes auditionnées.
Face à la souffrance et à la détresse de centaines de milliers de nos concitoyens, il est légitime que nous puissions réagir. Mais, n'étant ni médecins ni professionnels de santé, nous ne pouvons porter un jugement alors que des controverses subsistent au sein même du monde médical, parfois quant à l'existence et surtout quant aux causes – organiques ou fonctionnelles – du syndrome. Il faut pourtant bien permettre aux patients d'être pris en charge et aux professionnels de leur proposer des solutions. Or le corps médical est assez désemparé face à ce type de maladies chroniques. Certains praticiens sont sceptiques ; certains considèrent la maladie comme psychologique, ce qui n'est pas sans conséquences, notamment sur la difficulté à trouver des traitements.
On mesure aussi sur le terrain les problèmes que rencontrent les personnes concernées dans leurs relations avec les CPAM et avec la médecine du travail, alors qu'elles ont besoin de faire reconnaître leur mal et d'être prises en considération.
C'est tout l'intérêt de la commission d'enquête qu'il nous est proposé de créer : sans se substituer aux professionnels de santé, permettre que la fibromyalgie soit considérée, si cela apparaît nécessaire, non seulement comme un syndrome mais comme une véritable maladie. J'espère que nous le pourrons, pour que les personnes qui souffrent bénéficient de cette considération : c'est le plus important.
À titre personnel, je voterai la proposition de résolution. Toutefois, je m'interroge moi aussi sur le support choisi : pourquoi une commission d'enquête plutôt qu'une mission d'information ou une proposition de loi, voire un projet de loi ?
« La France, pour sa part, continue de considérer [la maladie] comme un syndrome. De nombreux parlementaires ont interrogé le Gouvernement […]. Il est considéré que ce syndrome n'a pas de cause connue […]. Cette situation a des conséquences pour les malades. Ils sont d'abord livrés à une errance médicale. Ils ne savent pas vers quel médecin se tourner […] ». À la lecture de l'exposé des motifs, j'ai cru reconnaître la maladie de Lyme, à propos de laquelle nous avons débattu ici même d'une proposition de loi de Marcel Bonnot et François Vannson.
La fibromyalgie, qui concerne nombre de malades dans notre pays, pose un véritable problème. Mais de quelle manière pourrons-nous le plus utilement y remédier ?
Je suis surprise de ce que vous dites, madame Le Callennec. Comme son nom l'indique, la maladie de Lyme est bien une maladie, identifiée comme telle, à la différence de la fibromyalgie. Si vous consultez parce que vous craignez d'avoir contracté cette maladie après une promenade en forêt, le médecin vous prescrira des analyses afin de vérifier la présence d'un ensemble de marqueurs biologiques qui permettent de savoir si le parasite a frappé. On ne peut donc pas mettre la maladie de Lyme sur le même plan que la fibromyalgie.
Merci à l'ensemble des intervenants, unanimes à juger qu'il faut creuser la question et rendre plus visible cette maladie qui touche de nombreuses personnes, mais face à laquelle nous avons peu de solutions. Je vous remercie de vos propositions concernant les auditions. Il est exact que nous ne sommes pas là pour remplacer les médecins, seulement pour tenter de mieux comprendre.
Pourquoi une commission d'enquête ? Parce qu'elle permet de formuler des propositions, comme une mission d'information, tout en offrant des moyens d'investigation beaucoup plus poussés. Nous pourrions ainsi creuser des questions importantes à l'écart desquelles le Parlement est habituellement tenu.
Je remercie particulièrement Mme Bulteau de sa riche intervention, ainsi que M. Sebaoun qui connaît bien le sujet, ce qui est précieux, et dont les légitimes interrogations méritent examen ; la commission d'enquête n'en aura que davantage d'intérêt.
J'ajoute que l'errance médicale favorise l'émergence d'associations « marchands de sable » qui tirent profit de la souffrance des malades. Sachez qu'un grand nombre de ces derniers sont traités au moyen de produits utilisés en psychiatrie qui n'ont aucun lien avec leur maladie et qui dégradent souvent la santé de ces patients, parfois promis à la maladie d'Alzheimer à brève échéance.
Ouvrier mécanicien, j'ai passé ma vie à réparer et à entretenir des machines, non des humains, mais j'espère apporter ma modeste contribution dans ce domaine.
Sans vouloir m'exprimer à la place des médecins – je parle sous le contrôle vigilant de ceux qui sont présents –, si des psychotropes peuvent être prescrits aux personnes atteintes de ce type de pathologies, c'est parce qu'ils agissent sur le système nerveux central et exercent ainsi des effets positifs sur les douleurs périphériques. On ne peut donc pas reprocher aux médecins de prescrire ce type de produits. Ils ne disposent pas d'un arsenal illimité pour traiter ces malades, qu'il n'est pas question de mettre sous antibiotiques, par exemple. Ils utilisent donc ce qui peut améliorer le symptôme, en l'occurrence les douleurs dites modérées à sévères, par l'action sur les terminaisons nerveuses à tous les niveaux de l'organisme.
Se prononçant en application de l'article 140, alinéa 2, du Règlement, la Commission constate à l'unanimité que sont réunies les conditions requises pour la création de la commission d'enquête demandée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine sur la fibromyalgie (n° 3518).
La séance est levée à onze heures trente.