Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 23 novembre 2016 à 9h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a organisé une table ronde sur « les continuités écologiques : usage et gestion équilibrée des cours d'eau » avec la participation de M. Christian Lévêque, hydrobiologiste, directeur de recherche émérite de l'IRD ; M. Jean-Paul Bravard, professeur émérite de géographie de l'université Lyon 2, spécialiste des fleuves et zones humides ; M. André Micoud, sociologue, directeur de recherche honoraire du CNRS, membre du conseil scientifique du comité de bassin Rhône, Méditerranée ; M. Guy Pustelnik, hydrobiologiste, directeur de l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne (EPIDOR) ; M. Patrice Cadet, membre du bureau national de la Fédération Française des associations de sauvegarde des Moulins.

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Mes chers collègues, notre Commission, vous ne l'ignorez pas, s'est toujours intéressée à la question des continuités écologiques, notamment aquatiques. Nous avions ainsi organisé, à l'automne 2014, une table ronde sur les poissons migrateurs ; le 20 janvier dernier, Mme Françoise Dubois et M. Jean-Pierre Vigier ont présenté leur rapport d'information sur les continuités écologiques aquatiques.

À la demande de M. Patrice Carvalho membre du groupe de la gauche démocrate et républicaine, nous organisons ce matin une nouvelle table ronde pour mieux comprendre comment atteindre un équilibre entre le rétablissement des continuités écologiques et la protection de la biodiversité, mais aussi entre les différents usages possibles de l'eau et les activités économiques.

Nous accueillons aujourd'hui M. Christian Lévêque, hydrobiologiste, directeur de recherche émérite à l'Institut de recherche sur le développement (IRD), M. Jean-Paul Bravard, professeur émérite de géographie de l'université Lumière Lyon 2, spécialiste des fleuves et zones humides, M. André Micoud, sociologue, directeur de recherche honoraire au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), membre du conseil scientifique du comité de bassin Rhône-Méditerranée, M. Guy Pustelnik, hydrobiologiste, directeur de l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne (EPIDOR) et M. Patrice Cadet, membre du bureau national de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins.

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Christian Lévêque, hydrobiologiste, directeur de recherche émérite à l'IRD

Je viens vous présenter – très rapidement, et donc parfois schématiquement – un point de vue scientifique sur la question extrêmement débattue des continuités écologiques.

Il y a deux questions principales : celle du transfert des sédiments ; celle de la protection de la diversité biologique. Elles ne sont pas seulement techniques : elles se posent dans le cadre des relations que les sociétés entretiennent avec les milieux naturels, avec la biodiversité et la nature – les deux termes étant souvent confondus aujourd'hui.

Mais la nature des uns n'est pas la nature des autres. Il faut ici établir des distinctions. Il y a d'abord la nature-objet – celle que nous, scientifiques, analysons. Mais il y a aussi la nature vécue par le citoyen – le cadre de vie, la nature utile aussi, c'est-à-dire les ressources, mais aussi les nuisances, ou encore le patrimoine, l'esthétique. Il y a enfin la nature imaginée, une nature quelque peu mythique : c'est celle que certains conservationnistes croient avoir été la nature sans l'homme, la nature avant l'homme ; la nature, d'après eux, serait si belle sans l'homme. Ce serait une sorte de paradis perdu. Cette nature romantique est celle des religions, mais aussi de mouvements militants et de certaines ONG.

Il existe donc deux façons de protéger la nature. On peut protéger la nature telle qu'elle est, c'est-à-dire notre héritage tel que nous l'avons reçu : on cultive alors la nostalgie du passé. On peut aussi protéger une nature qui bouge, qui change, qui se transforme en permanence : il faut alors accompagner, anticiper, voire piloter, les dynamiques de changement dans le temps et dans l'espace. On porte alors le regard vers le futur. Or, nous sommes confrontés au changement climatique, qui modifie profondément l'environnement.

La continuité écologique doit être abordée dans le cadre d'un « hydrosystème », concept dont Jean-Paul Bravard a été l'un des promoteurs. Cette approche systémique a servi de base à la loi sur l'eau de 1992 : dans un fleuve, il faut prendre en considération une dimension longitudinale, mais aussi une dimension transversale – un fleuve respire, il a besoin de zones annexes – et une dimension verticale, comprenant la nappe phréatique. Cette notion a été largement utilisée dans toutes les réflexions sur l'aménagement des fleuves.

Un hydrosystème, c'est d'abord un complexe de systèmes écologiques. Un fleuve n'est pas, ou pas seulement, une sorte de tuyau qui évacuerait l'eau de l'amont à l'aval, ce qui était récemment encore l'approche adoptée par les ingénieurs. Il a bien d'autres fonctions, et il abrite des milieux très divers, ce qui permet la diversité biologique : celle-ci est en effet fortement liée à la diversité des habitats – eau courante, mais aussi eau stagnante, dont beaucoup de poissons ont besoin à un moment donné de leur cycle de vie.

Pour comprendre le fonctionnement d'une rivière, il faut donc s'intéresser à la fois au régime hydrologique et à sa variabilité, à la diversité des habitats et à la qualité de l'eau. Les trois points sont essentiels.

Il faut enfin ajouter une dimension temporelle. Il y a vingt mille ans, l'Europe traversait une période glaciaire : la France était en zone de permafrost. Les fleuves n'existaient pas, et le niveau de la mer était à - 120 mètres. La faune et la flore que nous connaissons étaient concentrées dans des zones refuges – ibérique, dalmate et ponto-caspien. Elles ont ensuite péniblement, au hasard des opportunités, gagné les zones peu à peu libérées par les glaces.

La diversité biologique est donc dynamique et non statique : certains scientifiques utilisent le terme de « bricolage écologique ». Il n'y a pas d'équilibre sur le temps long, et le système est dynamique tant en ce qui concerne la diversité biologique qu'en ce qui concerne l'hydromorphologie et les sédiments. Il faut s'attendre à d'autres changements, notamment sous l'effet du changement climatique ; rien ne nous dit que le processus de colonisation soit achevé, bien au contraire. De nouvelles espèces continuent et continueront d'arriver.

Le programme Explore 2070, labellisé par le ministère de l'écologie, a conclu que beaucoup de nos régions verront probablement, dans quelques décennies, diminuer fortement le débit des rivières. Que deviendront alors les zones humides, et comment gérerons-nous l'eau ?

Quelques mots de la trame bleue : nous avons réalisé le rêve de Charlemagne en réunissant le bassin du Danube à celui du Rhin, grâce au canal Main-Danube. Depuis, des espèces danubiennes arrivent dans nos rivières… La continuité écologique, c'est donc aussi la progression des espèces invasives. Je n'ai personnellement rien contre ces dernières – mais il existe des programmes de lutte contre leur propagation. Il faudrait donc assurer une certaine cohérence politique : soit on lutte contre les espèces invasives, soit on crée les conditions de leur arrivée.

Nos systèmes ne sont pas écologiques au sens strict de ce terme ; ce sont des systèmes aménagés au cours des siècles. Pour naviguer sur les rivières, ce qui était essentiel à l'économie, on a fait disparaître des seuils ; pour créer des moulins, autre besoin essentiel, on en a créé d'autres. Il faut donc souligner que nos systèmes fluviaux sont, selon la terminologie que l'on choisit, des « socio-systèmes », des « socio-écosystèmes » ou des « anthroposystèmes ». Les scientifiques développent une démarche systémique – c'est en fait la même chose que le développement durable : il est indispensable d'envisager toutes les composantes d'un système et d'en analyser les interactions afin de comprendre le fonctionnement de l'ensemble. Ensuite seulement, on peut passer au réductionnisme.

Les aménagements des fleuves sont de natures très diverses. Certains sont destinés à permettre des usages divers, techniques ou symboliques – anciens, comme l'irrigation, ou nouveaux, comme les loisirs ou la patrimonialisation. Certains sont destinés à protéger : ainsi, les barrages-réservoirs installés sur la Seine protègent Paris. Je n'ai entendu personne demander qu'ils soient rasés.

En matière de diversité, il faut bien comprendre qu'avec tout aménagement, tout arasement de barrage, on gagne et on perd. On gagnera peut-être du côté de quelques espèces de poissons migrateurs, mais on perdra du côté des espèces qui vivaient dans les milieux aménagés. Or aucune étude n'existe sur ce point. Le conseil scientifique de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, dont je fais partie, a débattu hier d'un bilan des actions qui montre que, si les arasements ont été positifs pour les poissons migrateurs, ils n'ont pas changé grand-chose pour les poissons non migrateurs, et surtout que, pour toutes les autres espèces, nous ne disposons d'aucune donnée. Or, les milieux d'eau calme créés par les seuils ou les barrages sont favorables à toute une faune de vertébrés et d'invertébrés. Que disent les grenouilles et les libellules de l'arasement des barrages ?

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Les grenouilles ne sont pas menacées : venez en Brenne, vous en verrez ! (Sourires)

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Christian Lévêque, hydrobiologiste, directeur de recherche émérite à l'IRD

Je connais bien la Brenne. Mais cela dépend des régions : aujourd'hui, beaucoup d'espèces de batraciens sont en danger.

La politique de continuité écologique ne prend aujourd'hui en considération que les poissons migrateurs ; aucune étude sérieuse n'a montré ce que l'on y gagne et ce que l'on y perd en matière de diversité biologique.

Je prendrai ici un exemple parlant, celui du lac du Der, en Champagne. Un barrage y a été créé, détruisant une zone de bocage – on peut le comparer à celui qui était projeté à Sivens. À l'époque, cette construction a provoqué également des réactions. Depuis, ce site est devenu un site Ramsar, un site de haute naturalité, car les grues couronnées, et bien d'autres oiseaux migrateurs, y ont élu domicile. Ce que fait l'homme n'est pas toujours négatif ! Cessons de dire que l'homme détruit systématiquement la nature : la diversité biologique européenne a été créée par l'homme ! Notre représentation de la biodiversité, c'est le système rural d'il y a cinquante ou soixante ans, autrement dit une création humaine.

Il faut donc envisager les avantages et les inconvénients de la création – en prévision de la sécheresse provoquée par le réchauffement climatique – comme de la destruction d'un barrage. Il faut donc un juge de paix, qui ne peut être la nature : il est nécessaire de prendre en considération toutes les implications sociales et économiques d'une décision.

Le dogme de la continuité souffre de nombreuses exceptions, vous l'avez compris : on crée des barrages pour se protéger des inondations, pour stocker l'eau… Il s'appuie en outre sur une vision partielle et sectorielle de la diversité biologique : on s'intéresse aux poissons migrateurs, mais l'on oublie tout le reste. Il ne permet pas d'établir un bilan des gains et des pertes, et ignore le fait que la continuité est la porte ouverte aux espèces invasives. Il serait nécessaire d'adapter l'idée de continuité écologique au contexte local, sans mener une politique jacobine et uniforme : le nord et le sud, la Bretagne et le Massif central, ce n'est pas du tout la même chose !

De plus, ce dogme n'est pas étayé par des résultats : il n'y a presque pas de suivi des aménagements ou des arasements de barrage. Les méta-analyses menées sur les restaurations écologiques montrent que la récupération est lente, voire incomplète, et souvent différente. Pour atteindre l'objectif de bon état, il faut d'abord et avant tout se préoccuper de la qualité de l'eau. Nous devrions nous interroger : quels cours d'eau voulons-nous ? Quelle nature voulons-nous ? La réponse devra mêler des aspects scientifiques, mais aussi économiques et sociaux. La confrontation de ces différentes approches et des différentes représentations de la nature est au coeur du développement durable.

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Jean-Paul Bravard, professeur émérite de géographie de l'université Lumière Lyon 2, spécialiste des fleuves et zones humides

Dans le droit fil de ce qui vient d'être dit, je vais concentrer mon propos sur la question du fonctionnement et de la restauration physique.

La politique de « libération » des rivières est déjà assez ancienne : la notion d'« espace de liberté » a été formalisée en 1995. On peut citer aussi la politique de réactivation des marges du Rhône, et le plan Rhône 2006. Chacun a entendu qualifier la Loire de « dernier fleuve sauvage ».

La continuité longitudinale actuellement mise en avant semble donc être dans le sens de l'histoire : l'arasement ou l'effacement des seuils est une variable d'ajustement qui paraît techniquement maîtrisable dans la recherche du « bon état des eaux » tel que le définit la directive-cadre sur l'eau (DCE), à la différence des autres indicateurs, notamment la qualité de l'eau.

À mon sens, néanmoins, la politique aujourd'hui menée est fondée sur des bases scientifiques faibles. Ses coûts sont élevés, ses résultats hypothétiques, son acceptation sociale limitée ; les pratiques sont standardisées, sans véritable référence à la géographie des lieux.

La politique de restauration de la continuité écologique est peu à peu montée en puissance. Depuis la DCE, en 2000, il y a eu la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) qui transpose la DCE en droit français, les deux lois Grenelle qui considèrent comme essentiel le retrait des obstacles qui entravent la migration des poissons, le plan d'action pour la restauration de la continuité écologique (PARCE) qui lance, en 2010, le référentiel d'obstacles à l'écoulement (ROE)… En 2014, le ROE recensait 76 807 obstacles à l'écoulement, qu'il faudrait en théorie supprimer pour que nos rivières soient parfaites.

Des mesures récentes ont un peu atténué ces préconisations et deux rapports parlementaires remis en 2016 sont favorables à une certaine circonspection.

Différents outils ont été également mis en place : dès 1999, les SEQ (Systèmes d'évaluation de la qualité des cours d'eau), avec des volets eau, biologie et physique ; la notion d'hydro-écorégions, lancée en 2004 sous l'impulsion du CEMAGREF (Centre national du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des forêts) ; le système SYRAH-CE (Système relationnel d'audit de la géomorphologie des cours d'eau), en 2009, outil puissant et efficace, grâce auquel le ROE de 2014 a été établi.

Dès 2003, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne commande un rapport d'experts sur la stratégie à adopter en matière de seuils en rivière. En 2007, l'Agence de l'eau Seine-Normandie publie un manuel de restauration hydromorphologique des cours d'eau.

C'est donc un système cohérent qui se met en place. Il s'appuie sur l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), service de l'État créé par la loi de 2006, qui publie de nombreuses études techniques sur le sujet : « Pourquoi rétablir la continuité écologique des cours d'eau ? » en 2010, « Barrages et seuils : principaux impacts environnementaux » et « Arasement et dérasement de seuils » en 2011, etc.

Toutefois, cette pratique pose de nombreux problèmes. Dans l'un des rapports de l'ONEMA, on peut ainsi voir une photographie montrant des sédiments « piégés » en amont d'un seuil, le rapport précisant qu'il n'y a plus, de ce fait, de matériau solide à l'aval. Mais il m'a suffi de consulter le géoportail créé par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) pour retrouver le seuil en question, qui se situe à Neyrac Bas, en amont d'Aubenas. J'ai alors pu constater que le seuil laisse en réalité passer la charge de fond. Bien sûr, il y a un dépôt en amont. Mais le seuil date de 1849 : sur une rivière comme l'Ardèche, depuis 1849, les matériaux passent. Si nous ne les voyons pas sur la photographie de l'ONEMA, c'est tout simplement parce qu'il existe un goulet long d'un kilomètre, étroit et profond, taillé dans des roches dures : les crues y sont puissantes et évacuent les matériaux, qui se redéposent à l'aval, dans les seuils suivants ; ils finissent par arriver au confluent de l'Ardèche et du Rhône.

Partir d'une telle photographie pour désigner le seuil comme responsable d'un blocage, ce n'est pas très honnête intellectuellement ! Il faut se montrer bien plus circonspect. Les seuils qui piègent les sédiments sont en réalité peu nombreux : construits quelque part entre le Moyen Âge et la fin du XIXe siècle, la plupart des seuils n'ont jamais été capables de bloquer la charge.

L'Agence de l'eau Loire-Bretagne a été aux avant-postes de la politique d'effacement des seuils. Elle a étudié l'état des rivières – mauvais dans certains secteurs, meilleur en Bretagne et dans les hauts bassins, notamment de l'Allier et de la Loire. Des projets de restauration hydromorphologique nombreux ont été mis en place, la Bretagne restant relativement épargnée ; et la carte des opérations de restauration de la continuité hydrologique montre un tissu extrêmement dense.

Prenons l'exemple du Plan d'action opérationnel territorialisé (PAOT) du secteur Allier-Loire-amont, en 2016 : 30 % des cours d'eau sont en bon ou en très bon état. L'objectif de 2015 n'est toutefois pas atteint : le déclassement est dû, en effet, à de mauvais indicateurs biologiques, qui stagnent depuis 2007, c'est-à-dire depuis bientôt dix ans. En effet, les pollutions diffuses sont graves et différents aléas climatiques sont survenus.

Ainsi, priorité est donnée aux actions de restauration physique de la continuité pour faire évoluer favorablement des indicateurs biologiques dégradés. Pour un coût total, entre 2016 et 2021, estimé à 103 millions d'euros, le coût de l'effacement des seuils sera de 93 millions d'euros. Je m'interroge sur l'efficacité et la pertinence de cette dépense.

De mon point de vue, cette politique est fondée sur des bases scientifiques faibles. Lorsqu'elle a débuté, il n'y avait pas d'études nationales ; on trouvait quelques études anglaises ou américaines – très peu en réalité. On a fait confiance aux experts, et même à une poignée d'experts. Ceux-ci se sont fondés sur des études bien connues, mais qui portent sur les grands barrages, très étudiés depuis les années 70. Mais, encore une fois, sur les seuils, il n'y a pas de littérature scientifique !

Les rapports disent, honnêtement, que les bénéfices de l'arasement sont « potentiels », et que les formes et les temps de la récupération seront « très variables ».

De rares études approfondies soulignent le caractère critiquable des états de référence retenus dans le cas de rivières à faible énergie. Mon collègue Lespez qui, à mon avis, a fait les études les plus poussées en France à ce sujet, indique qu'il n'y a pas de référence aux héritages du passé. Il s'agit d'études beaucoup trop sectorielles et sans suivi. Les retours d'expérience sont encore très peu documentés. Un document de l'agence Adour-Garonne fait état de 7 % de suivis prescrits après autorisation. Les effets réels des opérations sont insuffisamment étudiés.

La prise en compte des lieux, des territoires, est absente. Une politique nationale, normée et rigide, conçue sur des bases de données informatisées, est loin de couvrir la complexité du réel.

Permettez-moi de faire quelques recommandations.

D'abord, il convient de travailler spécifiquement sur les effets environnementaux des seuils en rivière à l'échelle de bassins homogènes. Ensuite, il faut réaliser des bilans critiques des opérations d'effacement-arasement. Jamais de très bons bilans critiques n'atteindront les sommes que j'ai citées tout à l'heure. Ces bilans doivent être faits dans différents contextes géographiques – Cévennes, Normandie, Alpes, etc. – et il faut en tirer les leçons objectives avant de systématiser une politique. De mon point de vue, la systématisation a été trop précoce.

Pour les projets à venir, il est nécessaire de réaliser des études d'impact plus complètes. Il faut faire des bilans sédimentaires à l'échelle des sous-bassins aménagés, des seuils et tenir compte des sources sédimentaires actuelles. Très peu de sédiments arrivent aujourd'hui dans les rivières des régions complètement reboisées et abandonnées, car les sédiments que l'on trouve dans beaucoup de rivières françaises sont hérités du petit âge glaciaire, cette époque très dure sur le plan climatique et de l'érosion qui s'est terminée à la fin du XIXe. Il y a donc un déficit sédimentaire en France, ce qui fait que si l'on casse des seuils, si l'on remobilise des sédiments, si on les fait redescendre, que feront-ils à l'aval ? Et seront-ils remplacés à l'amont ?

Autre question : la diversité des habitats en bénéficiera-t-elle réellement ?

Cette politique est-elle compatible avec celle de la protection des têtes de bassin ? Une réunion aura lieu prochainement à l'agence Loire-Bretagne sur l'effet des têtes de bassin. Celles-ci avaient été désignées, dès les années 2000, par les services hydrauliques du Centre d'étude du machinisme agricole et du génie rural des eaux et forêts (CEMAGREF), comme le lieu où devaient s'amortir les crues. Or, on propose actuellement de casser les seuils des rivières dans les têtes de bassin. Ces deux politiques sont-elles compatibles ? De mon point de vue, il faut concilier les politiques, examiner si tous les éléments d'une politique des cours d'eau sont compatibles et non contradictoires.

Enfin, il faut insérer la composante économique et patrimoniale dans le processus de sélection des opérations à réaliser. Je ne suis pas contre les opérations, mais il faut les sélectionner avec beaucoup de rigueur et de prudence.

Vous trouverez en annexe quelques photographies qui ont été prises par une collègue responsable de moulins en Ardèche et qui montrent des seuils. Vous pouvez constater que l'eau et les sédiments passent bien. Je ne montre pas de photographies de moulins car beaucoup d'Ardéchois comptent sur le seuil et les béalières associés pour arroser les jardins, les châtaigniers, pour faire vivre la montagne. J'espère que tous ces paysages magnifiques seront conservés en France.

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André Micoud, sociologue, directeur de recherche honoraire du Centre national de la recherche scientifique, CNRS, membre du conseil scientifique du comité de bassin Rhône Méditerranée

Mesdames, Messieurs les députés, je vais vous exposer mon point de vue depuis les sciences sociales, que j'ai intitulé « Protéger les rivières, est-ce tout naturel ? ».

Continuité écologique : voilà une approche bien mono-disciplinaire ! Je n'ai absolument rien contre l'écologie, science du rapport des êtres vivants entre eux et avec leurs milieux, puisque j'ai été l'un des premiers sociologues français à insister auprès de mes collègues, qui étaient très réticents dans les années soixante-dix, sur l'importance de ce nouveau regard qui est porté sur notre rapport avec le monde dans lequel nous vivons.

Je le répète, je n'ai rien contre l'écologie, à condition que l'on considère que les humains sont aussi des êtres vivants. (Murmures divers) Je pense que le mouvement écologique a cela de particulier qu'il s'est répandu en France dès lors que l'on a considéré que cette question concernait l'humanité entière.

Si nous sommes des êtres vivants, nous ne sommes pas tout à fait comme les autres. Certes, nous sommes des êtres sensibles, nous venons au monde comme des mammifères mais nous sommes mis au monde dans un monde symbolique.

Les sciences sociales s'intéressent surtout aux représentations. Pourquoi l'adjectif « naturel » est-il devenu équivalent à « non anthropisé » ?

Il faut faire un rapide retour sur l'histoire de la science écologique qui, pour modéliser les relations extrêmement complexes au sein des écosystèmes – échanges de matières et d'énergie, chaînes trophiques, etc. – a très tôt privilégié les espaces exempts de présence humaine, là où « la main de l'homme n'a pas mis les pieds », dans des îles lointaines, des lacs d'altitude etc. Il s'agissait de faire pièce à la biologie, science mathématisable. L'écologie avait aussi ce souci de science : elle a considéré que l'homme était un élément perturbateur. D'où aujourd'hui l'écologie qui veut dire « naturel », et « naturel » qui signifie « nature sans l'homme ». Et « nature vraiment naturelle » veut dire « nature sauvage ».

Lorsque je travaillais sur le rapport aux animaux, je me suis aperçu que l'ensemble des associations de protection de la nature ont un petit animal sauvage pour emblème. Cela veut dire que, dans la tête de nos contemporains, « nature »e égale « sauvage ». L'emblème, c'est ce que l'on veut montrer de soi-même – c'est l'héraldique qui nous a appris cela. Les associations qui protègent les rivières ont pratiquement toutes pour logo des poissons. On identifie la nature au vivant.

Le slogan « La Loire, dernier fleuve sauvage européen » a précédé la création de l'association Rivières sauvages, portée par le fonds pour la conservation des rivières sauvages et ERN France. Je les ai rencontrés lorsque je travaillais sur le mouvement contre le barrage de Serre de la Fare avec SOS Loire vivante.

Les sciences sociales s'occupent aussi des rapports de pouvoir. Nous sommes dans une période préélectorale dans laquelle les différentes parties prenantes cherchent à faire valoir leur point de vue – je crois que c'est un peu pour cela que nous sommes là. À côté de la continuité écologique dont on vient de voir les défenseurs, il convient de tenir compte des autres continuités : les continuités historiques, culturelles, sociales, patrimoniales, technico-économiques.

À côté des défenseurs des rivières, il y a tous ceux qui défendent les autres usages de l'eau. Pour faire en sorte que tout le monde s'entende, les sciences sociales ont leur mot à dire sur les institutions chargées de réguler les rapports de force entre les différents intérêts, conflits, etc.

La question essentielle est celle de la gouvernance. Je n'oublie pas que les différentes institutions sont chargées d'appliquer la loi, ni que l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) a succédé au Conseil supérieur de la pêche, et que ceci explique peut-être cela. Les institutions ont avec elles leur histoire et elles traînent avec elles leur culture.

Que va-t-il se passer avec l'Agence française pour la biodiversité (AFB) ? Les choses vont sans doute changer. Il va y avoir d'autres rapports de force au sein des institutions.

Il y a plusieurs façons de procéder quand il s'agit de faire une politique publique. On peut décider ensemble, projeter ensemble, demander un avis, informer d'une décision. Toutes ces manières de faire devraient permettre le respect des singularités des différentes situations.

Alors, oui à la continuité écologique, à condition qu'il s'agisse d'une continuité écologique intégrale. À cet égard, je me permets de faire référence à la définition de l'écologie intégrale du pape François dans son encyclique. La continuité écologique intégrale est celle qui doit associer les exigences de justice, de respect, sociales, etc., c'est-à-dire qui prenne en compte les dimensions symboliques, historiques, culturelles, sociales, économiques, patrimoniales des cours d'eau, soit tous les usages de l'eau pour une gestion équilibrée des rivières. Ce n'est pas le plus facile, mais c'est le gage d'un développement plus durable, contrairement à cette politique bulldozer qui risque d'amener des lendemains qui déchantent.

Une journée de travail a eu lieu en région Rhône-Alpes sur le thème « Établir le meilleur scénario de restauration de la continuité écologique ». J'espère que la prochaine journée donnera plus de place aux autres continuités que la seule continuité écologique qui a fait l'objet d'exposés très savants mais toujours très mono-disciplinaires.

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Guy Pustelnik, hydrobiologiste, directeur de l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne, EPIDOR

Mesdames, messieurs les députés, je compléterai les exposés de mes collègues en vous parlant d'un mélange entre politique et stratégie à l'échelle du bassin de la Dordogne.

Je suis directeur d'un établissement public qui travaille sur les six départements concernés par l'ensemble du bassin de la Dordogne. Ce bassin compte plus de 4 800 barrages, seuils, moulins de toute nature. Inutile de vous dire que la continuité écologique nous motive, nous concerne, nous interpelle. Nous avons de grands barrages hydroélectriques gérés par EDF, des microcentrales gérées par des particuliers et, bien évidemment, des moulins de toutes tailles.

Ironie de l'histoire : huit espèces de poissons migrateurs perdurent, parfois dans des conditions plus ou moins délicates. Cela nous a valu tout de même d'être reconnus par l'ensemble du bassin en tant que réserve mondiale de la biosphère.

Sur ce bassin-versant, il y a des cours d'eau classés en liste 1 et en liste 2. Sur les cours d'eau en liste 1, il faut équiper les seuils pour les poissons migrateurs. Sur les cours d'eau en liste 2, on ne peut plus en construire d'autres. Le problème, c'est que ces classements font l'objet d'annexes qui précisent les listes d'espèces à faire migrer.

Dans ce bassin-versant, les enjeux piscicoles sont d'importance tout à fait variable. Les grands migrateurs comme le saumon, l'alose et la lamproie sont un enjeu européen car ces poissons sont globalement en danger. Aussi chaque bassin doit-il assumer ses responsabilités en ce qui concerne la survie de ces espèces. Partout où ces grands migrateurs remontent, on a plutôt tendance à vouloir faire les efforts nécessaires, d'autant que la migration a un aspect vital pour eux – ils vont se reproduire ou grossir dans la partie amont des cours d'eau et ils ont un impératif besoin d'aller en mer. Dans ce cas, la continuité écologique se justifie évidemment. Sur le bassin de la Dordogne, on a donc tendance à faire de cette question une priorité. Mais, quel que soit le dispositif mis en oeuvre, il faut étudier le cumul des impacts. Au bout de quatre à cinq seuils, on considère que les poissons ne peuvent plus monter, car ils ne trouvent pas les entrées et ils sont épuisés. Il est donc illusoire de penser les faire monter plus haut lorsqu'il y a quarante seuils sur un cours d'eau.

On peut débattre de la continuité écologique avec la moule perlière. Cette moule, qui est encore assez rare en France, a besoin d'un support piscicole pour pouvoir se propager. Autrement dit, elle a besoin que des poissons perdurent dans le cours d'eau pour pouvoir assurer toutes ses fonctions. Mais on dispose de très peu de données sur toutes ces espèces et l'on connaît assez peu les choses.

Sur le bassin de la Dordogne, il existe trois grands barrages, gérés par EDF, situés sur la partie médiane, à Bergerac, Tuilières et Mauzac. Ces trois grands barrages sont à l'origine de l'affaiblissement, voire de la disparition des poissons migrateurs sur les grands axes, la Dordogne et la Vézère. Comment s'assurer que ces poissons pourront passer sur ces trois barrages ? Depuis 1978, c'est-à-dire depuis que l'on travaille sur ces seuils, on a toujours eu beaucoup de mal à avoir des passes à poissons efficaces sur ces grands barrages. Pourquoi embêter les petits propriétaires de moulins sur des affluents, alors que l'on n'arrive déjà pas à régler de façon définitive le verrou principal parce que les investissements en matière d'environnement dépendent de la politique environnementale d'EDF, entreprise puissante qui, dans ces périodes un peu troublées, est plutôt « debout sur les freins » ?

J'en viens aux poissons qui sont dans les affluents. Cela fait longtemps qu'ils n'ont plus rien d'historique, si je puis dire. Chacun connaît les pratiques d'alevinage. On n'a jamais été capable, dans notre pays, d'adapter les pratiques de pêche à la réalité d'une ressource naturelle. On a toujours considéré que tout le monde devait pouvoir pêcher partout, pratiquement sans limite. On lâche donc des poissons qui sont destinés à être pêchés. Si l'on veut mettre en rapport la continuité écologique avec la biodiversité et une certaine forme de naturalité, faut-il s'occuper de ces poissons qui sont déversés depuis des années et qui ont complètement modifié le peuplement des affluents ? Ces poissons-là ont-ils vraiment besoin de monter ? Monter pour aller où, se reproduire où, comment et pour donner quoi ? On ne leur laisse pas le temps de se reproduire et l'on a montré scientifiquement que les poissons déversés perturbaient le peu de poissons sauvages que l'on pouvait encore trouver.

Il faudrait donc confronter chaque analyse sur le besoin de continuité écologique à l'analyse de l'historique des pratiques halieutiques et piscicoles. Les Québécois ont fait le choix d'adapter les usages à la ressource, c'est-à-dire qu'une fois atteint le quota de poissons qui permet de laisser les reproducteurs sur le cours d'eau, la pêche est interdite sur le cours d'eau ou le lac. En France, ce n'est pas ce qui a été choisi. On préfère remettre du poisson pour qu'il y ait du poisson. J'ajoute que l'on a déversé les poissons que l'on avait envie de voir. Par exemple, on a introduit le silure dans la Dordogne parce que les pêcheurs voulaient avoir d'énormes prises. On est bien loin d'une naturalité, d'une biodiversité naturelle qui justifierait peut-être des investissements, surtout que ceux-ci sont extrêmement lourds.

Nous nous sommes amusés, dans le cadre d'un projet de l'agence de l'eau sur la Dronne, qui est un cours d'eau affluent de l'Isle, à travailler avec les propriétaires de moulins. Le coût de l'investissement pour faire passer l'alose et le saumon est de 150 000 à 200 000 euros. Les propriétaires nous disent que c'est à peu près ce que vaut leur moulin. Il est donc extrêmement délicat d'insister dans cette direction. Comment voulez-vous demander à quelqu'un d'investir 200 000 euros ? On sait que l'alose, par exemple, ne remontera pas au bout de deux ou trois barrages, même avec des passes à poissons qui coûtent 1 million d'euros, car ce poisson se fatigue très vite et ne trouve pas la passe. On n'a pas réglé le noeud gordien que constituent les barrages EDF, on a gardé l'alose dans les annexes de cette liste qui accompagne le classement et, de fait, on demande à des propriétaires d'investir dans des passes à poissons à 200 000 euros. Inutile de vous dire que nous sommes mal à l'aise. Globalement, nous essayons de calmer le jeu et nous attendons qu'un nombre incalculable d'aloses ou de saumons remonte sur la Dordogne.

Je veux revenir brièvement sur les équilibres sédimentaires. Les trois quarts des sédiments que l'on trouve ne sont plus les sédiments originels, parce que l'on a perdu du débit, de la dynamique fluviale. Ce que l'on trouve, ce sont les sédiments du champ du dessus, autrement dit le résultat des pratiques agricoles. Veut-on vraiment faire passer ces sédiments-là ? Quel intérêt y a-t-il à faire descendre des sédiments de très mauvaise qualité vers l'aval, quitte à perturber encore les zones de reproduction vers l'aval ? Là encore, il faut être extrêmement prudent, faire des diagnostics précis pour savoir de quoi l'on parle et réfléchir aux risques que l'on va développer.

Je le répète, les moyens d'action sont lourds, coûteux et hors de portée de certains propriétaires.

Il convient de revoir les annexes qui ont été faites « au doigt mouillé ». Les débats ont eu lieu au niveau départemental, et il n'y a eu aucune analyse à l'échelle des grands bassins. On n'a pas priorisé les grands migrateurs, pas pris en charge cette espèce de lucidité qui devait permettre d'adapter les solutions à la réalité des problèmes. Et maintenant, ces solutions sont devenues le problème. Les solutions ont été trop systématiques et l'on a manqué de vision stratégique. Il n'y a pas eu de discrimination entre les grands migrateurs et les poissons « ordinaires » qui font l'objet de pratiques halieutiques tout à fait discutables.

Il faudrait vraiment réfléchir à ce que l'on veut faire au plan national en ce qui concerne les grands migrateurs. Veut-on les garder, et sur quels bassins ? Va-t-on imposer aux grands opérateurs comme EDF de réaliser les investissements nécessaires pour que les grands migrateurs puissent passer ? Tant que ce problème ne sera pas résolu, cela ne sert à rien d'investir sur les affluents.

S'agissant des cours d'eau plus locaux, discutons au cas par cas, prenons en charge tous les aspects sociologiques, et surtout travaillons très en amont en concertation avec les propriétaires pour ne faire que ce qui est vraiment utile. Un investissement de 10 000 à 20 000 euros suffirait pour faire passer l'anguille par exemple.

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Patrice Cadet, membre du bureau national de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins

Faute de revendiquer mon passé de chercheur à l'IRD, je revendique le fait d'être propriétaire d'un tout petit moulin ; lorsque j'en pousse la porte, je vois l'ouvrage avec lequel ma famille vit depuis 1760.

Aujourd'hui, je dresse le constat suivant : si les espèces que nous voyons dans nos rivières sont parfaitement connues, c'est que nous disposons d'une quantité phénoménale de documents qui, depuis le Moyen Âge jusqu'au XXe siècle, atteste de leur abondance et de leur diversité. Ma génération a vu disparaître ces espèces à partir des années 1970, et j'ai connu une époque où il y avait encore des braconniers.

Cette exceptionnelle biodiversité s'est épanouie et a profité d'un écosystème de rivière anthropisé, puisqu'à cette époque, il était constitué de dizaines de milliers d'ouvrages de petite taille qui fonctionnaient par surverse, ce que l'on appelle des seuils. Répartis sur tous les bassins et les rivières, ils alimentaient notamment des moulins ainsi que l'agriculture.

Il est certain que, si aujourd'hui cette biodiversité était confrontée à une situation totalement nouvelle résultant de la suppression des ouvrages, dans le but de créer des rivières sauvages, qui plus est, dans un environnement totalement différent, elle risquerait de disparaître complètement. Sans compter que nous courons le risque de polluer nos estuaires, et créons pour la population riveraine un risque que nous ne connaissons pas encore.

De fait, la situation s'est compliquée à partir de 1850 avec l'édification des grands barrages, mais il faut se souvenir que leur construction coïncide avec l'utilisation effrénée des énergies fossiles qui a provoqué une augmentation exponentielle de la température et de la pollution. C'est cela qui explique la disparition des espèces que nous vivons actuellement partout dans le monde. C'est encore cela qui explique qu'aujourd'hui, des populations de saumons déclinent dans d'autres pays, dans des rivières sauvages dans lesquelles ne se trouve aucune construction humaine.

Le bilan de l'axe Loire-Allier montre, qu'après plusieurs centaines de millions d'euros dépensés, la population est plus basse qu'en 1975, et que nous avons la quasi-certitude qu'elle va s'éteindre. Lorsque j'étais chercheur à l'IRD, nous avions mené une expérience conduisant à un résultat similaire, nous avions alors compris que ce serait un échec, et que l'hypothèse de départ était fausse. La raison en est que déplacement n'est pas synonyme de reproduction lorsque le milieu est défavorable et contient de la pollution médicamenteuse emportant des perturbateurs endocriniens dont on ne sait pratiquement rien.

Par ailleurs, si l'on souhaite aider les espèces à surmonter la période climatique difficile que nous connaissons, le meilleur moyen consiste à restaurer la fonctionnalité de cet écosystème anthropisé. Car il a prouvé pendant des siècles son innocuité totale sur les plans écologique et environnemental, et a, par surcroît, constitué le support du développement économique.

La dernière chose dont une espèce fragilisée par un milieu peu favorable à son développement a besoin, c'est de voir son habitat détruit : on ne protège pas une espèce avec une pelleteuse !

C'est pourquoi la remise en jeu de l'hydroélectricité serait propice au rétablissement de cette fonctionnalité ; dans ce cas de figure, la rentabilité ne se calcule pas sur la base de la hauteur de chute ou du prix du kilowatt. Elle se justifie de la même manière que lorsque l'on construit un pont pour la faune au-dessus d'une autoroute, car, dans les deux cas, la biodiversité est protégée.

Cette stratégie répond par ailleurs à d'autres priorités nationales, par exemple la création de dizaines de milliers d'emplois pour équiper les sites et les faire fonctionner ; tous emplois non délocalisables, car les seuils sont inamovibles. Ainsi, dans le rapport remis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie au mois de mars 2006 « Rapport sur les perspectives de développement de la production hydroélectrique en France », M. Fabrice Dambrine considère-t-il que ce sont plusieurs milliards d'euros qui viendront enrichir les zones rurales et de montagne.

De l'énergie renouvelable sera produite, et elle protégera un patrimoine qui a inspiré beaucoup de nos artistes.

Le bilan de l'agence Loire-Bretagne met en évidence une stagnation de l'amélioration de la qualité physico-chimique et biologique de l'eau. Ce que nous attribuons à la destruction erratique de tous ces petits ouvrages par les syndicats de rivière. Celle-ci a pour conséquence une réduction des fonctions d'autoépuration des retenues d'eau, mais aussi l'élimination des zones refuges stables, dont les espèces aquatiques ont aujourd'hui besoin pour supporter le chaos climatique que nous traversons.

Les années 2015 et 2016 en constituent des exemples frappants : pour qu'il y ait des poissons, il faut qu'il y ait de l'eau !

La fonction d'autoépuration de ces retenues d'eau concerne les nitrates, le phosphore, le carbone, récemment certains pesticides, fongicides et insecticides ; à ces pollutions s'ajoute la diminution de l'oxygénation. Les efforts produits par nos agriculteurs pour modifier leurs pratiques culturales afin de s'adapter sont alors anéantis.

Si les personnes qui ont implémenté la continuité écologique avaient été convaincues qu'il fallait absolument rétablir la circulation des poissons pour les sauver, il me semble que tous les grands barrages seraient implantés sur des tronçons de rivières classées, et non pas sur des tronçons de rivières non classées. Et des moyens auraient été affectés afin de les rendre transparents : or, aujourd'hui, ces moyens servent à la destruction de petits ouvrages dont l'intérêt écologique a été prouvé. En outre, on favorise la dispersion des espèces envahissantes, qui transportent des maladies déclenchées par le réchauffement climatique.

Par ailleurs, un ouvrage sur une rivière offre une multitude d'habitats, il y a de l'eau calme, de l'eau rapide, etc., ce qui génère une importante biodiversité : supprimer l'ouvrage revient à supprimer cette biodiversité ; ce qui me semble contraire aux prescriptions de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Nous proposons donc de revenir à un modèle qui a fait ses preuves au cours de l'histoire, mais sans relâcher les efforts sur la qualité de l'eau. De fait, les rapports de l'agence Loire-Bretagne montrent que chaque fois que les systèmes d'épuration à proximité des villes — pour ne pas parler des campagnes — ont été renforcés, une amélioration des espèces est constatée. Il faut donc revenir à une rivière fonctionnelle avec des potentialités partagées, au bénéfice réciproque des hommes et de la nature.

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J'ai souhaité intervenir au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, car avec notre collègue Jean-Pierre Vigier, j'ai rédigé le rapport d'information sur les continuités écologiques aquatiques. En effet, ce sujet me tient particulièrement à coeur et il est l'une des clés de voûte du combat écologique que la France mène actuellement.

Selon le code de l'environnement « La continuité écologique des cours d'eau se définit par la libre circulation des espèces biologiques et par le bon déroulement du transport naturel des sédiments. » Aussi, constitue un obstacle à la continuité écologique un ouvrage qui ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments, interrompt les connexions latérales, etc.

L'objectif de la mission d'information était de formuler des propositions afin de donner une impulsion nouvelle aux politiques de restauration des continuités écologiques aquatiques.

La tâche est considérable, car l'engagement en faveur de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau peut entrer en concurrence avec certaines activités humaines. Il est donc indispensable de trouver un équilibre entre le degré de bon état des eaux et la protection de la biodiversité que favorise la politique de restauration des continuités aquatiques, ainsi que les différents usages de l'eau indispensables à l'économie locale et nationale.

La construction d'ouvrages sur les cours d'eau répond à des besoins variés : navigation, production d'électricité, irrigation, etc. L'ONEMA a recensé 76 807 obstacles à l'écoulement en France, dont 76 292 en France métropolitaine. L'Office estime que plus de la moitié des ouvrages recensés n'ont pas d'usage avéré. Et pourtant les impacts sur les milieux aquatiques et sur la biodiversité aquatique sont importants.

Puisque nous recevons aujourd'hui un membre du bureau national de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins, sachez que, lors de nos déplacements dans la Sarthe, Jean-Pierre Vigier et moi-même avons pu constater que de nombreux, propriétaires de moulins méconnaissaient les obligations leur incombant en matière d'entretien. Singulièrement les propriétaires de moulins faisant office de résidence secondaire.

Plusieurs obstacles peuvent être mis en lumière. Malgré la prise de conscience précoce et la mise en place d'un cadre juridique offrant aux décideurs publics la possibilité d'avancer sur ces questions, les résultats n'ont pas suivi. Il apparaît donc nécessaire de disposer d'un véritable système de gouvernance à ce sujet, d'une structure locale porteuse de projets et maître d'ouvrage à l'échelle du sous-bassin versant travaillant en lien avec les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Ce rôle pourrait être tenu par les établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE).

Un autre obstacle réside dans le financement ; il est vrai que les travaux de restauration des continuités écologiques, qu'il s'agisse de démantèlements ou d'installation de dispositifs de franchissement, toutefois, et M. Pulstelnik l'a relevé, il n'est pas toujours nécessaire d'engager des sommes importantes.

Il s'agit donc de garantir un financement intégral des travaux de restauration des continuités écologiques aquatiques sur les cours d'eau classés « grands migrateurs », et de baisser la fiscalité sur les aménagements favorables à la continuité écologique.

S'agissant de la police de l'eau, les contrôles qu'elle réalise restent trop faibles et il apparaît nécessaire de les augmenter.

Enfin, les propriétaires d'ouvrages et les personnes résidant à proximité d'un cours d'eau découvrent souvent la problématique des continuités écologiques aquatiques lorsqu'une procédure est déclenchée pour effectuer un aménagement ou effacer un obstacle. Il est donc nécessaire de dépassionner la procédure d'information des particuliers afin qu'ils ne s'estiment ni attaqués ni stigmatisés, en mettant en avant les aspects positifs de ces interventions.

Il s'agit de mobiliser l'ensemble des acteurs en les sensibilisant : les élus locaux doivent jouer un rôle moteur dans la restauration des continuités écologiques aquatiques à la fois pour soutenir les initiatives qui voient le jour et légitimer, grâce à des efforts de pédagogie menés auprès des populations locales, cette politique publique qui demeure trop souvent mal comprise.

Pourtant des solutions techniques existent pour atteindre un équilibre entre la protection de la biodiversité et les différents usages de l'eau.

Nous faisons face à une difficulté persistante qui est celle du coût financier des travaux de restauration des continuités écologiques. L'évaluation est certes complexe, car de nombreux paramètres exercent une influence sur le coût des travaux de restauration des continuités écologiques.

Avec Jean-Pierre Vigier, nous avons souhaité présenter différentes propositions : définir les priorités sur les grands cours d'eau migrateurs, coordonner la gouvernance locale pour impliquer toutes les parties prenantes, renforcer la protection des poissons migrateurs, mieux communiquer sur le sujet des continuités écologiques aquatiques auprès de l'ensemble des acteurs, garantir un meilleur accompagnement des propriétaires d'ouvrages, acquérir l'information indispensable à la planification des opérations d'aménagements et se donner les moyens de les réaliser.

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Je souhaite remercier les intervenants : cela faisait longtemps que nous n'avions pas entendu autant d'enthousiasme de conviction ! Il s'agit de sujets semblant convenus depuis toujours, or le moment arrive où il faut dire la vérité.

Après vous avoir entendu, je considère que la continuité écologique des rivières, telle qu'elle a été imaginée depuis fort longtemps, en 2000 avec les premières directives européennes, ensuite avec un certain nombre de lois, fondées sur la parole d'experts, n'a pas été préservée. Et toutes les majorités successives sont impliquées : en démocratie, lorsque c'est le cas, il faut reconnaître que l'on s'est trompé.

On a pensé que la continuité écologique devait à tout prix conduire à la suppression de 16 000 seuils ou barrages. D'après vos dires, qu'il faudra rapidement confirmer par des études complémentaires, la suppression d'un seuil ou d'un barrage revient à supprimer de la biodiversité et des habitats, des capacités de dépollution, sans pour autant apporter d'améliorations physiques.

Vous avez encore souligné que les indicateurs utilisés pour justifier la suppression de ces ouvrages n'étaient pas les bons ; il faudra donc les changer, car une politique fondée sur des données erronées conduit à la catastrophe.

Par ailleurs, au regard des financements devant être mobilisés, il nous revient d'agir rapidement. Monsieur le président, je n'ignore pas qu'il ne nous reste que quelques mois d'activité dans cette législature, mais ne devrions-nous pas réfléchir dès à présent à une évolution — de moyenne ampleur au demeurant — qui trouverait son expression dans des recommandations formulées par notre Commission ou dans une proposition de loi ?

En tout état de cause, cette audition remarquable nous éclaire au sujet de l'avenir des rivières françaises.

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Merci beaucoup pour vos présentations, certaines de nos convictions ont été confirmées. Bien des controverses existent sur ce sujet, et mettent en jeu le constat établi par les populations concernées ainsi que les cadres d'intervention.

L'un des principaux travers constatés est l'absence de représentants des riverains, des propriétaires terriens et des propriétaires de moulins, dans les collèges des commissions chargées du classement des cours d'eau, qui dès lors apparaissent comme non représentatives.

Les intéressés se trouvent ainsi placés devant le fait accompli quant aux décisions prises. Par ailleurs, le dialogue entre les parties prenantes doit être retrouvé : comment rétablir un juste équilibre, et faire en sorte de rassembler tous les acteurs concernés lors de la prise de décision, et aboutir à une vraie concertation ?

Un anachronisme demeure dans le domaine de la gestion de l'eau, or la question devrait être traitée de la source à l'estuaire, même si la chose est complexe. Aujourd'hui la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) ne semble pas réellement jouer son rôle, car l'intervention nouvelle des collectivités ayant récupéré cette compétence est susceptible d'avoir pour conséquence le saucissonnage de la politique de l'eau. L'hydrosystème ne connaissant ni frontières ni zones administratives, l'aménagement des cours d'eau doit être lié au développement des territoires dans leur ensemble, une collectivité pouvant procéder à des aménagements qui seront bons pour elles, alors qu'ils seront néfastes à la collectivité située en aval.

Quelle appréciation portez-vous sur ce sujet ?

Tout en reconnaissant la pertinence des normes européennes relatives à la sauvegarde, d'aucuns s'étonnent des travaux pharaoniques qui leur sont imposés, ils persistent à ne pas comprendre qu'on leur impose des arasements coûteux alors que des aménagements de moindre taille suffiraient à répondre à ces normes.

Que pouvez-vous répondre à ces remarques ?

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Merci, monsieur le président, pour l'organisation de cette table ronde et la richesse des interventions de nos interlocuteurs, plutôt inhabituelles dans nos travaux.

Le 24 novembre 2015, j'ai interpellé Ségolène Royal sur la mise en oeuvre du principe de continuité écologique. Je n'ai pas été le seul, car de nombreux parlementaires ont entrepris la même démarche. La ministre m'a répondu, le 13 mai dernier.

Dans le cadre de la directive européenne 2000 sur l'eau, et aux termes de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, la France a rangé une grande partie de ses cours d'eau dans la liste de ceux pour lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs, à cette fin, ils doivent être gérés, entretenus et équipés.

Ce sont ainsi quelque 10 000 à 20 000 seuils et barrages qui sont concernés par cette exigence. Elle implique une obligation d'équipement pour les propriétaires ou exploitants, mais aussi l'engagement de fonds publics très important, via les agences de l'eau, Voies navigables de France (VNF), les conseils régionaux et départementaux. À défaut de ces investissements, la destruction des ouvrages concernés constitue la seule alternative.

Ainsi la liaison Seine-Nord est régulièrement évoquée aujourd'hui, or l'application de ces dispositions rendrait sa réalisation impossible.

Ce scénario est très souvent retenu en raison du coût des travaux auxquels les propriétaires et exploitants ne peuvent faire face.

Le principe de la continuité écologique répond à des impératifs environnementaux essentiels. Mais son application dans sa rigidité actuelle, telle qu'elle résulte de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, fondée sur des bases hydro-morphologiques contestables, risque d'entraîner la perte d'une partie de notre potentiel hydroélectrique, de la fonction de réserves des masses d'eau, la destruction d'un patrimoine hydraulique au détriment de l'intérêt paysager, touristique et économique des territoires ruraux.

En réponse à ma question, Ségolène Royal a précisé que des instructions avaient été données aux préfets pour « qu'ils ne concentrent plus leurs efforts sur les cas, notamment de moulins, où subsistent des blocages et des incompréhensions durables, et qu'ils renforcent la pédagogie, notamment pour faire connaître les exemples réussis de rétablissement de la continuité écologique ».

Reste que, pour l'heure, rien n'est réglé ; les difficultés et les risques demeurent, et l'ONEMA n'a pas modifié son comportement.

Les scientifiques, que nous venons d'entendre, nous apportent des informations et des analyses importantes sur le sujet ; nos ministères gagneraient à entendre nos interlocuteurs, nos choix et nos décisions s'en verraient mieux éclairés.

La question se pose : que faisons-nous maintenant ?

Il me semble, monsieur le président, qu'il serait judicieux de nous tourner vers Mme la ministre afin de créer les conditions de définition des conditions plus efficientes et plus équilibrées de mise en oeuvre de la continuité écologique.

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À écouter les divers orateurs, j'ai eu le sentiment que le mot d'ordre était : surtout, ne touchons à rien, laissons tout en l'état, et laissons les nouvelles espèces prospérer. L'état des espèces amphihalines et des espèces migratrices commande une réflexion allant au-delà de ce que nous avons entendu, même si je reconnais que la science n'était pas allée assez loin, et que la recherche a été insuffisante.

En qualité de présidente du comité national de la trame verte et bleue, qui en beaucoup d'endroits a été bien menée ; je constate que ce qui fait problème c'est l'application aux cours d'eau de cette directive, nous avons là des efforts considérables à fournir.

À mes yeux, les moulins recèlent une valeur patrimoniale importante, même si tous les propriétaires ne les entretiennent pas. Il existe des ouvrages, qui ne sont pas nécessairement hydroélectriques, qui forment des seuils alors qu'ils ne servent plus à rien, et ne sont pas du tout entretenus. Il faut se concerter avec les propriétaires afin de déterminer s'il convient de conserver, d'entretenir ou d'araser ces ouvrages.

Nous avons raté la communication dans ce domaine et les maîtres d'ouvrage gestionnaires d'une rivière, ou même les services de l'État parfois, ont eu une vision extrémiste de l'évolution des cours d'eau. De façon plus modérée, j'estime qu'il faut considérer les ouvrages un par un et travailler avec les propriétaires ; il ne faut pas avoir d'idée préconçue. Dans les Deux-Sèvres, j'ai assisté à une réunion : il y régnait une ambiance de guerre ! L'un des participants a indiqué, au risque de déplaire, avoir réalisé des travaux conformément aux dispositions de la directive, et s'en est estimé pleinement satisfait.

La directive ne dit pas qu'il faut araser, ce qu'il est aisé de constater dans les pays voisins du nôtre. Il est possible de réaliser des aménagements peu coûteux. Il faut se garder des conceptions manichéennes, et étudier les mesures à prendre au cas par cas afin de protéger les espèces et faire en sorte que demain prospèrent encore les anguilles, le saumon, l'alose.

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Dans de nombreuses régions françaises, il n'est pas rare de voir proliférer des espèces végétales exotiques dans les cours d'eau et les zones humides.

L'invasion par ces plantes provient, rappelons-le, d'une introduction volontaire ou accidentelle par l'homme hors de leur environnement d'origine. Le développement des échanges commerciaux internationaux, la circulation des hommes et des marchandises favorisent la dispersion de plantes ou de graines dans de nouveaux milieux d'accueil.

Heureusement, toutes les espèces ne sont pas envahissantes, mais certaines peuvent avoir des conséquences négatives en termes environnementaux, notamment en menaçant la biodiversité et les écosystèmes.

J'aimerais que vous puissiez nous donner votre point de vue sur l'étendue de ce type de nuisances ? Comment pouvons-nous y répondre le plus efficacement ?

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Je souhaite remercier les intervenants pour leurs propos passionnants et rafraîchissants, qui sortent de l'ordinaire des réunions de commissions parlementaires…

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Qu'il me soit permis, mon cher collègue, de vous rappeler que nous avons coutume de recevoir des interlocuteurs d'assez haut niveau ! (Sourires.)

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Vous avez reconnu, messieurs, que nous manquions de données scientifiques, aussi bien pour affirmer une chose que pour affirmer son contraire. Bien que j'abonde dans votre sens sur de nombreux points, il me semble qu'il convient de résister à la tentation de deux nostalgies : celle du préhumain supposé, mais aussi celle des verdures du XVIIIe siècle, avec un moulin et un saule pleureur.

Le risque est soit de vouloir tout détruire, soit de tout garder. La réalité c'est que notre système est dégradé et qu'il a perdu toute cohérence. Parfois parce que des ouvrages artificiels et très bloquants ont été construits, parfois parce que l'on a omis d'entretenir des ouvrages qui avaient fait leurs preuves, et qui n'avaient pas dégradé un paysage naturel, dont nous savons qu'il n'est pas aussi ancien que l'on pourrait le croire.

Aussi, l'entretien des ouvrages existants est-il central.

Vous avez encore souligné l'importance de la qualité de l'eau, qui ne dépend pas uniquement des barrages et de la circulation des sédiments. Il est notoire que de nouveaux usages, singulièrement des pratiques culturales ou l'arasement des haies ont eu un impact très fort, bien plus important que la disparition de certains de ces barrages.

S'agissant du problème des poissons migrateurs, il me semble important de ne pas le considérer à partir de l'amont des cours d'eau, mais de leur aval. En effet, comment demander à quelqu'un d'entretenir son barrage alors qu'aucun poisson migrateur n'y passe ?

Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit que la charge comme la qualité des sédiments dépend assez largement de certaines pratiques culturales dont nous n'avons pas entendu parler aujourd'hui. Tant que cette question ne sera pas traitée, toute action demeurera inefficace.

Je ne suis donc pas tout à fait sûr que nous visions la bonne cible, ou plutôt : celle que nous visons n'a d'intérêt que si l'on se préoccupe des autres sujets.

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Au regard de la continuité écologique, la loi exige la réalisation de travaux d'aménagement coûteux et délicats. Certains de nos interlocuteurs considèrent que le résultat est critiquable, un autre que le travail reste à approfondir sur les argumentations spécifiques et les solutions à apporter.

Dans ma circonscription se trouve le Moulin des Massons, et son système d'énergie hydraulique qui existe depuis plusieurs siècles n'a jamais empêché les poissons de remonter les rivières. Aussi je m'interroge, dans certains cas précis, est-il nécessaire d'effectuer ces travaux d'aménagement, au risque de mettre en difficulté financière des particuliers et des associations ? La même directive doit-elle s'appliquer à tous les moulins ? Ne pensez-vous pas qu'afin d'éviter de telles situations, il conviendrait de statuer sur les ouvrages au cas par cas ?

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Cette très intéressante table ronde illustre ce qui se passe sur le terrain lorsque nous abordons la question de la continuité écologique.

Je connais très bien deux cas précis qui ont été évoqués ce matin, car ils se trouvent dans ma circonscription – l'un d'eux est quasiment devant ma porte. Or je suis en mesure de produire des avis d'autres experts – je pense à des naturalistes qui manquent parmi les intervenants aujourd'hui – dont les arguments seraient différents de ceux que nous venons d'entendre, ce qui amènerait à présenter les choses autrement. Je pense à M. Gilbert Cochet, lauréat du prix « Héros de l'eau », qui préside le conseil scientifique de la réserve naturelle des Gorges de l'Ardèche, et celui du parc naturel régional des Monts d'Ardèche. J'avoue que je me fais un peu l'avocat du diable, car nous savons généralement tous nous retrouver sur certains sujets. Je défends ardemment la continuité écologique ; il reste que, pour la défendre, il faut résoudre la question du dialogue environnemental.

Monsieur Bravard, vous avez cité le plan d'eau de la Tourasse sur la commune de Rosières. Ce dossier est aujourd'hui complètement bloqué. Des lettres ouvertes partent en tous sens – peut-être même adressées à chaque député. Il n'existe aucun lieu qui permette de rassembler les acteurs concernés. De fait, il est impossible d'assurer un traitement spécifique de ce dossier, et nous ne pouvons jamais faire du cas par cas, alors que nous affirmons tous que c'est la solution. D'un côté, on trouve les services de l'État, l'ONEMA, et les syndicats de rivière, qui ne font qu'appliquer la loi – on ne peut pas le leur reprocher –, et, de l'autre, des citoyens et des collectifs, qui ne comprennent pas l'application qui est faite des textes. Les objectifs sont évidemment louables, je fais partie de ceux qui les ont définis, mais les moyens utilisés pour les atteindre ne sont pas toujours les meilleurs, même s'ils sont parfois défendus par des structures publiques ou financés par des fonds publics. Tout cela finit par avoir un effet contre-productif pour la défense de la biodiversité qui relève pourtant de l'intérêt général.

Sur de tels sujets, il faut vraiment que le débat ne fasse pas entendre une seule voix. La ministre de l'environnement a adressé un courrier à l'ensemble des préfets dans lequel elle indiquait qu'elle était favorable à des études de situation au cas par cas. Nous devons veiller à ce que cela soit possible. Il ne faut surtout pas que l'on nous réponde que « c'est comme cela et pas autrement » au motif que les financements publics iraient vers tel type de projets plutôt que vers tel autre.

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Comme je peux le constater dans le département de la Mayenne, la réforme française de la continuité écologique ne se fait pas de manière paisible, loin de là. Une fois encore, notre pays s'illustre par son jusqu'au-boutisme en matière environnementale, et par des « surtranspositions ».

La loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 avait notamment pour mission de mettre en application la DCE du 23 octobre 2000, mais comme souvent, elle a donné lieu à une transposition excessive. L'effacement des seuils et des barrages est donc devenu un dogme dans notre pays.

Plusieurs reproches peuvent être faits à cette politique. D'abord, dans de nombreux cas, sur le terrain, elle a été mise en oeuvre de manière brutale et sans concertation. Ensuite, elle s'est appliquée de manière inégale sur notre territoire selon les différentes agences de l'eau. Par ailleurs, cette politique n'a pas fait l'objet de suffisamment d'analyses et d'études – si les objectifs d'amélioration de la circulation des poissons et d'optimisation du transport sédimentaire sont louables, il convient de procéder au cas par cas. Enfin, cette politique a un coût non négligeable, souvent disproportionné, et ce critère n'est pas assez pris en compte.

Il convient donc de relancer le dialogue, et de faire une pause, tant les riverains sont inquiets et mécontents. Le pragmatisme doit prévaloir pour améliorer les milieux aquatiques tout en tenant compte des dimensions économiques, culturelles, sociales et patrimoniales de nos rivières. Il semble, en conséquence, qu'un travail législatif s'impose.

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La préservation des continuités écologiques est indispensable pour permettre la préservation des espèces et celle des sédiments. La conciliation entre ce principe et l'existence de moulins dont l'aspect patrimonial est parfois indéniable constitue un objectif à atteindre.

Je suis élu d'un territoire auquel les moulins confèrent une identité visuelle très forte. Sur ses cours d'eau, soumis à une obligation de restauration de la continuité écologique, on trouve six mille obstacles à l'écoulement, de toute sorte : barrages, buses, radiers… Si des solutions s'imposent, la prudence et la lucidité sont de rigueur pour conjuguer des intérêts qui peuvent parfois paraître contradictoires. Le cas par cas permet effectivement l'éclaircissement de chaque situation, mais les moulins entretenus, de dimension patrimoniale certaine, doivent subsister pour l'identité de nos territoires. Compte tenu des réactions, notamment celles des propriétaires de moulins, une instruction a été transmise au préfet par le ministère afin de renforcer la concertation. Dans quel esprit examine-t-on désormais les cas concernés ? Évolue-t-on dans le bon sens ?

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Ma région est celle des réservoirs. Jeune, j'ai vu le réservoir Aube se remplir et, un peu plus tard, en tant qu'acteur agricole, j'ai connu la mise en place du réservoir du Der. À l'époque, et cela reste vrai aujourd'hui, l'approche environnementale s'est faite à partir de pratiques standardisées, sans les « sachants » du territoire qui possédaient pourtant la mémoire des lieux au périmètre de ces réservoirs. Aujourd'hui, nous connaissons des problèmes : 140 000 grues cendrées ont été répertoriées sur le lac du Der il y a quelques jours, et les silures sont en nombre dans le réservoir Aube. Je me souviens que le secteur agricole avait demandé que des drainages soient effectués en périphérie afin de mettre en place des bassins de sédimentation et d'éviter le déversement dans la Voire et la Seine. Cela lui a été refusé. Nous en voyons le résultat aujourd'hui. Ces manquements se répercutent sur l'environnement local.

On ne peut pas faire de l'aménagement environnemental, en particulier s'agissant de l'eau, sans les acteurs de terrain, et les agriculteurs sont des partenaires indispensables et positifs, comme M. Cadet l'a noté.

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Au titre de la continuité écologique, 10 000 à 20 000 seuils et barrages sont actuellement menacés soit de destruction sur fonds publics, soit d'obligation d'équipement par dispositifs de franchissement. Cela représente des dépenses très importantes pour leurs propriétaires privés ou publics. Ceux de mon département, la Mayenne, m'ont dit leurs inquiétudes et leur fort mécontentement.

L'application précipitée et désordonnée du principe de continuité écologique a des conséquences non négligeables. Elle entraîne la destruction du patrimoine hydraulique au détriment de l'intérêt touristique et économique des territoires ruraux, mais également la perte du potentiel hydroélectrique à l'heure de la transition énergétique. Elle est également à l'origine de dépenses considérables sur fonds publics, sans garantie de résultat au regard de nos obligations européennes.

En outre, des études scientifiques montrent la faible corrélation entre la présence de seuils en rivière et les impacts biologiques ou écologiques au sens de la DCE 2000.

Sans remettre en cause ce principe de continuité écologique, il semble impérieux d'en analyser l'efficacité réelle sur la qualité des milieux, d'en assurer la faisabilité pour les maîtres d'ouvrage, tout en garantissant l'efficience des dépenses publiques.

Il semblerait qu'une approche scientifique suffisante fasse actuellement défaut dans les travaux entrepris. Quelle est votre position sur ce sujet ? Comment, selon vous, ce problème peut-il se résoudre ? Enfin, quelles actions mettre en place qui soient, à la fois, adaptées aux réalités du terrain et acceptées par les propriétaires d'ouvrage ?

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Le département des Vosges où je suis élu est tête de bassin pour les rivières de la Saône et de la Moselle. La grande majorité de ses cours d'eau ont été classés en liste 2. Les associations gestionnaires de cours d'eau, les propriétaires d'étang, de moulin, ou de petits barrages m'ont tenu des propos semblables à ceux que j'ai entendus ce matin, même s'ils étaient moins documentés scientifiquement.

La ministre que j'avais interrogée m'avait fait la même réponse qu'à M. Patrice Carvalho, ce qui n'est pas satisfaisant, et je constate que les élus que nous sommes sont quasiment unanimes sur ce magnifique sujet qu'il conviendrait de remettre à plat. Sans mettre en cause les continuités écologiques, nous pourrions donc les traiter au sein de cette commission avec pragmatisme et réalisme, en rendant possible une adaptation locale bien menée.

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Je crois que les textes eux-mêmes ne posent pas de problème, contrairement à la manière dont ils sont appliqués.

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J'ai pris la décision de réunir une table ronde avec des intervenants qui ont défendu des points de vue similaires sans être véritablement confrontés à des contradicteurs. Je peux me tromper, mais je pense que c'est l'application des textes qui constitue un problème. Cela ressort, malgré tout, des interventions des parlementaires qui sont présents sur le terrain.

Je préside un comité de pilotage qui prépare un contrat territorial : je sais bien comment les choses se passent. Je vis régulièrement des réunions particulièrement houleuses et, à chaque fois, des intervenants claquent la porte. Je trouve que tout cela est très déstabilisant. Il faut trouver le chemin ; je suis persuadé qu'il existe. Aujourd'hui, certains positionnements sont excessifs – je ne fais de procès à personne –, et, bien que nécessaire, le dialogue environnemental, dont parlait Mme Sabine Buis, n'existe pas.

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Permettez-moi d'apporter mon témoignage, en tant que maire de Nemours, commune de la deuxième circonscription de Seine-et-Marne, qui a connu des inondations dramatiques au mois de juin dernier avec une crue exceptionnelle du Loing – le niveau atteint en 1910 a été dépassé de 40 centimètres. Ces inondations ont détruit un certain nombre d'ouvrages sur la rivière, ce qui provoque des conséquences dramatiques pour notre territoire puisque le Loing est désormais à l'étiage sur tout son cours. Sur un certain nombre de points, nous devons faire face à l'inertie des services de l'État et de l'Agence de l'eau.

La destruction d'ouvrages a entraîné un abaissement du niveau de captage d'eau potable, des habitations se détériorent. Elles sont nombreuses à être construites sur piloris avec des pieux en acacia qui se retrouvent hors de l'eau et peuvent donc pourrir. Les risques d'écroulement sont élevés, et les habitations se déprécient. Pendant ce temps, les services de l'État se cachent derrière la continuité écologique. À Souppes-sur-Loing, un propriétaire prêt à faire les travaux nécessaires pour faire réparer son déversoir a reçu un magnifique courrier des services de l'État qui lui demandaient d'attendre que des études soient menées afin de s'assurer que la continuité écologique était préservée. Il a fallu que j'intervienne pour que l'administration revienne à la raison, et que ce propriétaire puisse commencer des travaux qui permettront de préserver la rivière et de rehausser son niveau.

Les élus locaux réclament qu'on leur fasse davantage confiance. Ils ont entretenu ces ouvrages pendant de nombreuses années. Ils demandent à bénéficier d'une plus large marge de manoeuvre pour trouver un équilibre entre la nécessité de la continuité écologique et celle de restaurer certains ouvrages. Ils souhaitent disposer de moyens pour le faire car ces derniers manquent à la fois aux propriétaires privés et aux collectivités.

Avec ce qui s'est passé dans la vallée du Loing, les élus vont entamer un vrai bras de fer avec les services de l'État pour trouver l'équilibre essentiel à notre territoire.

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Nos invités savent que je suis président d'une commission locale de l'eau (CLE), et membre d'un comité de bassin depuis une quinzaine d'années. J'ai particulièrement aimé la dernière phrase du document apporté par M. Cadet : « Une rivière aménagée où les potentialités multiples sont partagées au bénéfice réciproque des hommes et de la nature. » Cela résume bien ce que nous vivons les uns et les autres.

La règle ne peut pas être uniforme. Le problème de notre société, c'est que les directives européennes, la loi française et le règlement veulent s'appliquer de façon uniforme sur tous les territoires. Or, ces textes ne peuvent pas être mis en oeuvre de la même manière pour toutes les rivières de France et d'Europe. Elles sont toutes différentes, et elles ont toutes leurs spécificités.

Si les outils dont nous disposons, avec leur genèse européenne ou nationale, tenaient compte de ces spécificités, les choses seraient différentes. Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) ont été inventés pour permettre une déclinaison locale et une adaptabilité. Pouvons-nous revenir à leur fonction d'origine qui consiste à écrire la spécificité des territoires ? En deçà des SDAGE, il existe même encore des microbassins autour des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) qui permettent de mettre tout le monde autour de la table afin de procéder à des adaptations. Pour reprendre ce que disait le président Jean-Paul Chanteguet, on constate que là où cette démarche a été respectée, cela se passe bien ou pas trop mal. Lorsqu'elle ne l'a pas été, on rencontre les plus grandes difficultés.

Je peux témoigner de mon expérience sur un territoire transfrontalier emblématique qui va du sommet du Mont Blanc jusqu'à la confluence à Genève. Tout se passe très bien parce que nous avons identifié ensemble les obstacles qu'il y a lieu d'effacer, y compris avec les propriétaires, et ceux qu'il n'y a pas lieu d'effacer. Pouvons-nous tout simplement dans ce pays respecter les règles et ce qu'a voulu le législateur sans de constants dévoiements ?

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Christian Lévêque, hydrobiologiste, directeur de recherche émérite à l'IRD

J'ai cru comprendre que certains d'entre vous considéraient que nous privilégiions le statu quo plutôt que l'action : il s'agit sans doute d'une mauvaise interprétation de ce que nous avons voulu dire.

La continuité écologique est l'un des éléments de la gestion des cours d'eau, mais ce n'est pas le seul. Vous parliez d'inondations : il y a selon moi un rapport étroit entre la gestion d'un cours d'eau et les inondations.

Nous avons beaucoup traité de la dimension longitudinale du cours d'eau, et très peu de sa dimension latérale, alors que c'est avant tout dans cette dernière qu'il fonctionne avec ses annexes. La restauration de ces annexes fluviales et de la connectivité constitue l'un des grands principes de la restauration des cours d'eau. Cette relation avec les bras morts ou les étangs est essentielle, car ces éléments permettent à la vie de se développer aussi bien dans le milieu courant que dans le milieu stagnant. Les poissons ont souvent besoin que les deux fonctionnalités cohabitent.

En tant que naturaliste et écologue, je considère que la vie est liée à des habitats. Ils conditionnent en conséquence l'existence d'une diversité biologique. Il ne faut pas penser que tous les obstacles sont mauvais ; c'est faux. La continuité écologique ne concerne que quelques espèces, certes emblématiques, mais la plupart d'entre elles n'en ont rien à faire. Les insectes volent, ils n'ont pas besoin de continuité écologique, et de nombreuses espèces se font transporter par de très nombreux moyens, y compris par d'autres animaux comme les oiseaux. L'écologie n'est pas statique, mais, bien au contraire, extrêmement dynamique. Une question se pose alors : pouvons-nous fonder une politique sur quelques espèces emblématiques ? Il faut bien réfléchir à ce que sont nos priorités. Faut-il faire revenir le loup dans tous les territoires ?

La diversité biologique française n'est pas « naturelle » au sens strict du terme : de tout temps, elle a été aménagée pour répondre à des usages. Les cours d'eau ont d'abord participé à la richesse de la France en servant à la navigation. Ils ont ensuite été utilisés pour leur force motrice. Les espèces se sont adaptées à ces usages. Notre diversité biologique, je le répète, est un « bricolage » avec des processus spontanés, des espèces qui ont évolué,…

La notion d'espèce invasive mérite par exemple d'être questionnée à l'aune de notre façon de concevoir la diversité biologique : est-elle immuable ou est-elle perpétuellement changeante ? Le monde n'est pas figé, il bouge, il a toujours bougé, et il bougera encore. On parle de systèmes écologiques sur trajectoire : ils ont un futur, qui n'est pas le passé. Il ne faut pas imaginer que l'on retrouvera la situation antérieure, car des changements se sont produits en termes climatiques ou dans les usages, et les milieux ont été modifiés. De plus de nouvelles espèces s'introduisent dans un système écologique et le modifient profondément. Je ne crois pas que les Bretons pensent que la palourde japonaise soit une nuisance : il s'agit d'une espèce introduite qui s'est fortement développée et dont on tire profit.

Il faut sortir de la vision manichéenne selon laquelle l'homme détruit la diversité biologique. Elle nous est inculquée par un certain nombre de mouvements militants. Aujourd'hui, les politiques mondiales, européennes et nationales sont influencées par le fait que ces mouvements militants ont un accès au pouvoir dont ne disposent pas les scientifiques. Ces mouvements sont présents à Bruxelles ou au ministère de l'environnement. Ils dictent la politique à mener alors que les scientifiques sont rarement écoutés car ils ne tiennent pas le même discours.

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L'appauvrissement des sols est tout de même une réalité incontestable en matière de diversité biologique. Nous sommes bien d'accord ?

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Christian Lévêque, hydrobiologiste, directeur de recherche émérite à l'IRD

Absolument !

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Alors que vous dites que l'homme n'est pas responsable de la perte de diversité biologique, je crois pour ma part qu'un certain nombre de modèles ont des conséquences. Artificialisation des sols, changement climatique, ou espèces exotiques envahissantes : la liste est longue des causes du recul de la diversité écologique derrière lesquelles on trouve aussi l'action de l'homme.

Je tenais à ce que cela soit dit clairement sans entamer un nouvel échange, car vous avez ce matin peu de contradicteurs.

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Jean-Paul Bravard, professeur émérite de géographie de l'université Lumière Lyon 2, spécialiste des fleuves et zones humides

Le discours que vous entendez de notre part est peut-être monolithique, mais il est exceptionnel : en général, on ne l'entend pas. Habituellement, la parole est monopolisée par les services de l'État. Pourtant, nous sommes des fonctionnaires, et nous estimons que nous pouvons aussi dire l'intérêt général et le bien public. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes un peu « mouillés » ce matin.

J'ai été président du conseil scientifique du plan Loire pendant six ans. Lorsque j'ai choisi de faire travailler mes collègues sur la pertinence de sujets de recherche traitant exactement de ce dont nous parlons ce matin, le représentant de l'État m'a demandé de retirer mes paroles. J'ai dû lui rétorquer qu'il n'en était pas question, que nous étions en principe indépendants, et que nous étions intéressés par les résultats d'une recherche donnée, quand bien même elle irait « contre le principe même de la loi », pour reprendre les termes qui m'étaient opposés. Il n'y a pas de principe de la loi, il y a la loi que nous respectons, ai-je dû expliquer, en ajoutant que nous souhaitions discuter de ses modalités d'application. Les travaux en question ont pu être menés et financés.

Nous essayons d'avoir un peu d'indépendance, mais cela est très difficile. Avant de m'exprimer devant vous, j'ai demandé à des collègues ce qu'ils pensaient de ce que je comptais vous dire. « Tu as raison, m'ont-ils répondu, mais nous, nous ne pouvons pas parler comme cela parce nos financements en dépendent. » J'ai dirigé pendant huit ans la Zone Atelier Bassin du Rhône (ZABR) qui regroupait quinze laboratoires et comptait soixante-quinze chercheurs titulaires. Les recherches allaient toutes dans le même sens. Il faut savoir que les financements sont accordés par le ministère de l'environnement, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), EDF, et l'Agence de l'eau. Le système est extrêmement monolithique. Je peux en parler parce je l'ai vécu. Les choses ne sont donc pas si simples. Aujourd'hui, comprenez que nous nous engageons et que nous assumons nos propos.

J'en viens à la question de la spatialisation. Nous sommes d'accord sur le fait que les rivières sont diverses et qu'elles définissent très souvent des territoires. En termes de généalogie des politiques, qu'observe-t-on ? En 1998, des études ont été lancées pour mettre en place le SEQ physique et biologique des cours d'eau. L'année suivante, nous avons obtenu des résultats, et j'ai participé à l'élaboration d'une très belle carte de France qui montrait la complexité des rivières dans leur contexte géologique et sédimentaire. Notre objectif était alors la régionalisation. On n'en a plus parlé depuis.

Quelques années plus tard, en 2004, le sujet a été repris au sein du CEMAGREF, devenu l'institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), avec la notion d'« hydroécorégion ». Sur le fondement d'études antérieures menées par des biologistes terrestres, on pouvait avoir des écorégions hydrologiques avec une écologie adaptée. Ces études ont disparu du paysage parce que la loi de 2006, et tout ce qui en a découlé, a fait de la continuité des montagnes à la mer une sorte de principe universel et systématique. On n'a pas su intégrer les écorégions dans cette nouvelle logique ; je suggère que nous y revenions.

Un territoire est un bassin versant, ou un sous-bassin versant, qui constitue une entité dans laquelle des écoulements de surface ou des ruissellements sur des bassins agricoles mènent aux rivières. Dans la région du bassin du Rhône, il y a de nombreux SAGE : ça marche très bien ! Pourquoi abandonner les SAGE et les SDAGE alors qu'ils ont vocation, dans le cadre des CLE, à réunir des personnes ayant des points de vue différents ? En ce qui concerne les SAGE, la question doit être posée ainsi : quels sont les facteurs de perturbation des rivières issus des terrains agricoles ? S'agissant des terres agricoles, on sait que la quantité des intrants augmente sans cesse, de la même façon que ce qui en sort pour s'écouler vers les rivières. Sans condamner l'agriculture qui se débrouille comme elle peut, trouvons des solutions ensemble dans les bassins où elle pose de gros problèmes. Demandons-nous si le fait de casser les seuils résoudra les problèmes de qualité des eaux liés à l'usage agricole des sols. Pour moi, la réponse est d'une telle évidence que la question ne devrait même pas se poser. En tout cas, discutons et créons des liens – en France, on a toujours tendance à sectoriser.

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André Micoud, sociologue, directeur de recherche honoraire du Centre national de la recherche scientifique, CNRS, membre du conseil scientifique du comité de bassin Rhône Méditerranée

Je n'ai pas étudié l'histoire de la locution « continuité écologique ». En revanche, j'ai constaté que le terme « biodiversité » n'existait pas avant 1984, année au cours de laquelle il est apparu dans un congrès réunissant des conservateurs. L'esprit « conservateur » et non dynamique imprègne toujours nos approches des représentations de la nature. On parle d'espèce emblématique, de réserves naturelles. Le mot « réserve » vient d'ailleurs de la muséographie.

À mon sens, pour favoriser la biodiversité aquatique, la qualité de l'eau est un facteur plus important que les seuils, mais il est peut-être plus difficile de se battre contre la pollution de l'eau que de s'attaquer aux seuils.

Lorsque j'ai préparé cette table ronde, j'ai souhaité citer trois exemples pris en Ardèche, et j'ai voulu me renseigner sur les dossiers en question en m'adressant à l'Agence de l'eau. J'ai senti que je mettais les pieds sur un terrain dangereux : on voulait clairement orienter mon propos. J'ai donc renoncé à citer des cas précis. Je pense à la commune de Satillieu où des bâtardeaux sur le cours d'eau du Malpertuis permettent la baignade gratuite aux habitants et aux touristes pendant deux mois de l'année. Une association s'est mobilisée pour empêcher la destruction de ce petit barrage, demandée, selon le maire, par l'Agence de l'eau. Cette association a fait de multiples propositions et de véritables concessions pour se conformer aux règles en vigueur ; cela n'a pas empêché le préfet et les gendarmes de débarquer un beau matin avec les bulldozers. Il y a décidément, comme le soulignait Jean-Pierre Bravard, une sorte de monodisciplinarité des services de l'État, qui reste assez troublante.

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Guy Pustelnik, hydrobiologiste, directeur de l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne, EPIDOR

Les poissons migrateurs sont évidemment une priorité nationale, mais il faut gérer la question avec intelligence. On doit d'abord exiger la libération de la continuité écologique vers l'aval, et remonter ensuite vers l'amont. Le niveau d'exigence peut être augmenté au fur et à mesure que l'on a accès à des colonisations intéressantes. Il est en revanche inutile de vouloir imposer partout, au même moment, des passes, « au cas où » les poissons migrateurs remonteraient. On manque vraiment d'une stratégie et d'une politique nationale qui désigneraient les ouvrages d'intérêt national et ceux d'intérêt local.

Les services de l'État ne font preuve d'aucune souplesse, cela a été dit, mais c'est peut-être aussi parce que les textes sont trop précis. Dans le classement d'un cours d'eau, si une annexe fixe la longueur de la rivière et une liste des espèces, le représentant de la DDT ou de l'ONEMA vont exiger que l'on construise partout des passes à poisson pour faire remonter l'alose, même si l'on sait pertinemment qu'après trois ou quatre passes déjà construites en aval, il n'y aura jamais d'alose. Je crois que la précision des textes nuit à l'intelligence de la réflexion locale. Pourquoi dépenser 200 000 euros en construisant une passe pour des poissons qui ne viendront jamais ?

On ignore souvent un aspect essentiel : la qualité de l'eau. Nous avons observé dans le bassin de la Dordogne que 70 % des déplacements de masses d'eau étaient issus des pollutions diffuses ; pourtant, on ne travaille pas sur ces pollutions, et nous savons tous pourquoi. Personne ne veut toucher à l'agriculture. Lorsque l'on me demande de travailler sur un site, je suis le premier à vérifier si les agriculteurs sont là. Les syndicats de rivières vont facilement s'en prendre à un propriétaire de moulin sans toucher à l'agriculteur voisin qui laboure dans le sens du vent, qui draine les terrains, et qui épand au-dessus des cours d'eau. Si on élude 70 à 80 % du problème, à quoi bon s'acharner sur les 20 % restant ?

Il faut donc limiter la précision des annexes, laisser l'intelligence s'exprimer et trouver les moyens de s'attaquer aux vrais problèmes. On fait intervenir les SDAGE et les SAGE en service minimum pour être certain que l'on n'abordera pas les douloureuses questions de l'irrigation ou des épandages – et je n'attaque pas spécifiquement l'agriculture.

Les parlementaires ont inventé la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), qui pose des difficultés. Nous nous étions en effet battus pour privilégier des approches par bassin hydrographique, et monter des EPTB par bassin afin d'assurer une cohérence de gestion et une coordination des politiques. Aujourd'hui, avec la GEMAPI, nous sommes pour le moins décontenancés. Les maires et les présidents de communauté de communes, poussés par les agences de l'eau, nous demandent ce qu'ils « doivent faire ». Vous ne « devez » rien faire, vous « pouvez » tout faire, mais ce que vous « voulez » faire, il faut peut-être que nous en discutions, leur disons-nous. Je leur rappelle qu'il appartient au riverain d'agir, dans le respect du droit de propriété. À défaut, la collectivité devra tenter de mettre en oeuvre une déclaration d'intérêt général (DIG) ce qui risque d'être difficile sur le seul fondement de la continuité écologique – nous avons vu les limites de ce principe, et la manque de rigueur scientifique qui le sous-tend. La GEMAPI pourrait presque servir d'argument pour revenir sur le contenu des annexes et permettre d'analyser localement les situations.

Il faut donc de la souplesse et du temps. Il faut donner la priorité aux grands migrateurs en ciblant sans concession le financement des agences et en poussant les grands opérateurs à faire leur travail : ils doivent cesser de persécuter les petits propriétaires situés sur des axes que les grands migrateurs n'emprunteront jamais. Il faut du pragmatisme, du bon sens, et laisser se manifester l'intelligence locale. Il faut laisser s'exprimer des scientifiques et pas seulement des experts, et limiter l'influence majeure des agences de l'eau.

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Quelle est la nature juridique des annexes dont vous parlez ?

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Guy Pustelnik, hydrobiologiste, directeur de l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne, EPIDOR

Elles figurent dans l'arrêté signé par le préfet de bassin.

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Il me semble important de souligner qu'elles n'appartiennent pas au domaine d'intervention du législateur.

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Patrice Cadet, membre du bureau national de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins

Les préfets n'ont manifestement pas tous reçu la lettre du ministère. L'un d'entre eux a écrit il y a deux mois au propriétaire de moulin que je suis pour lui demander de polluer. La rivière à partir de laquelle je produis du chauffage est à sec pendant quatre mois. On exige donc que je laisse passer une quantité phénoménale d'eau pour des poissons capables de vivre quatre mois sur le sable ! Cela signifie que je dois relâcher 1,5 tonne supplémentaire par an.

Avec 300 litres d'eau par semaine, je rappelle que j'économise 8 tonnes de CO2, ce qui signifie que je protège 24 mètres carrés de banquise. L'hydraulique est un outil vraiment efficace pour réparer la planète : ce n'est pas le moment de supprimer la boîte à outils !

Il faut remettre en question l'article L. 214-17 du code de l'environnement. Le législateur doit dire « stop ! » Aujourd'hui, dans toutes les réunions de concertation, les protagonistes se contentent de brandir une pancarte où est inscrit : « L. 214-17 ». Les poissons, la qualité de l'eau, tout cela ne les intéresse pas. Je ne comprends pas pourquoi les services de l'État font preuve d'un zèle totalement exceptionnel lorsqu'il s'agit des petits ouvrages, alors qu'ils négligent de s'intéresser aux pollueurs puissants, quels qu'ils soient. Vous devez immédiatement changer le cours des choses, parce qu'en voulant rétablir la continuité écologique avec la méthode du « tout ou rien », on va contre l'amélioration de la qualité de l'eau, on agit contre l'amélioration des espèces, et on affaiblit la biodiversité. Il faut donc se remettre autour de la table et reprendre les choses en tenant compte de tout ce que nous venons d'entendre. On y parviendra ; ce n'est même pas compliqué à faire !

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Lors des travaux de la mission d'information sur les continuités écologiques aquatiques, j'ai constaté sur les territoires que certains ne pouvaient pas se retrouver autour de la même table. Je ne vise personne, mais nous ne pouvions jamais réunir dans une salle les pêcheurs, les agriculteurs et les propriétaires de moulin – certains refusaient même d'entrer si d'autres se trouvaient déjà sur place. Je me demandais comment nous pourrions bien parvenir à un consensus intelligent alors que les acteurs sur le terrain ne pouvaient pas se parler.

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Messieurs, nous vous remercions tous pour la qualité de vos propos.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 23 novembre 2016 à 9 h 45

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, Mme Pascale Got, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Christophe Priou, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Marine Brenier, Mme Florence Delaunay, M. Julien Dive, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Patrick Lebreton, M. Franck Marlin, M. Philippe Plisson, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Gabriel Serville, M. Patrick Weiten

Assistaient également à la réunion. - Mme Lucette Lousteau, M. Yves Nicolin, M. Paul Salen, M. François Vannson