La séance est ouverte à seize heures trente.
Je vous remercie, monsieur le ministre de l'Intérieur, d'avoir accepté de participer à cette audition organisée conjointement par les commissions des Lois, des Affaires étrangères et des Affaires européennes de l'Assemblée nationale. Le calendrier de nos travaux a été réaménagé en raison du remaniement gouvernemental intervenu le 6 décembre. Nous devions entendre votre prédécesseur, M. Bernard Cazeneuve, avant son déplacement à Bruxelles pour participer au Conseil « Justice et Affaires intérieures » (JAI) des 8 et 9 décembre le jour où il a été nommé Premier ministre. Cette réunion se tient donc avec vous, après le Conseil. Le 23 novembre, nous avions déjà entendu le nouveau commissaire européen chargé des questions de sécurité, M. Julian King.
Il est symboliquement important que votre première audition se fasse sur un sujet européen, la coopération européenne en matière de sécurité étant un enjeu majeur.
Des progrès importants, nous avons pu le mesurer à l'occasion de l'audition de M. King, ont été réalisés depuis un an. Il faudra sans doute reparler de la systématisation du contrôle aux frontières extérieures de l'espace Schengen ainsi que de la directive sur la lutte contre le terrorisme visant à harmoniser les législations relatives à la pénalisation des départs vers les zones de conflit, Syrie et Irak, mais également des retours de ces zones. Nous avons par ailleurs beaucoup de mal à comprendre les blocages qui ont retardé la directive sur les armes à feu. L'entraide pénale, par le biais d'Eurojust, doit également être approfondie.
Le 8 décembre, trois sujets principaux ont été abordés : la réforme du régime d'asile européen, les migrations et la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Des premières décisions ont été prises : refonte du règlement European Dactyloscopy (EURODAC), déploiement de nouveaux effectifs dans les agences, mise en oeuvre du règlement relatif au corps européen de gardes-frontières et gardes-côtes. Le Conseil a pris acte du rapport présenté par le coordinateur de l'Union pour la lutte contre le terrorisme qui présentait des options stratégiques en vue de faire face au retour des combattants étrangers dans leurs pays d'origine. Les ministres de l'Intérieur ont chargé les experts de poursuivre les discussions en vue de l'élaboration de mesures concernant ce phénomène. Ils ont pris acte des propositions de la France et de l'Allemagne sur la nécessité d'améliorer la coopération entre les services répressifs et les fournisseurs de services de communication électronique. Ces initiatives avaient reçu le soutien de l'Assemblée nationale, avec l'adoption par la commission des Lois d'une résolution européenne en ce sens.
Sur tous ces sujets, nous sommes évidemment désireux et impatients de vous entendre.
Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'être avec nous cet après-midi. À la commission des Affaires étrangères, nous avions pris l'habitude d'auditionner votre prédécesseur, Bernard Cazeneuve, qui est d'ailleurs venu une fois accompagné de son homologue allemand, Thomas de Maizière. Nous suivons de très près la question des migrations et celle de la lutte contre le terrorisme. C'est principalement sur ces deux sujets que je souhaite vous interroger.
S'agissant des migrations, nous nous réjouissons de la mise en place particulièrement rapide de la nouvelle agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes. C'est un progrès important car elle disposera de compétences élargies, d'un budget renforcé et d'un contingent de 1 500 agents mis à disposition par les États membres, alors que FRONTEX reposait sur des contributions volontaires, qu'il était souvent difficile de mobiliser.
Nous en parlions ce matin, ici même, avec nos homologues du Bundestag : nous avons beaucoup trop tardé à faire ce qui était prévu depuis le départ dans Schengen, à savoir le contrôle des frontières extérieures. Ce contrôle est à présent assuré, heureusement, mais cela s'est fait dans l'urgence, voire un peu en catastrophe.
Autre initiative de la France, les hot spots sont en place. Ils ne permettent pas, comme cela avait été envisagé au départ, de distinguer entre les personnes qui relèvent de la protection internationale, c'est-à-dire les réfugiés, et les migrants qui, parce qu'ils entrent clandestinement, ont vocation à être reconduits. Reste que la grande majorité des migrants qui arrivent en Grèce et en Italie sont désormais enregistrés et contrôlés : c'est une avancée qui mérite d'être saluée. La question des systèmes d'information fait également l'objet d'un travail important.
La coopération entre les principaux pays d'origine et de transit et la réforme du régime d'asile restent à traiter. Nous n'avons pas suffisamment avancé sur ce sujet, même si l'on commence à voir des évolutions positives.
Nous avons désigné cinq pays prioritaires : le Sénégal, le Mali, le Niger, le Nigéria et l'Éthiopie. J'aimerais que vous reveniez sur les résultats obtenus, notamment en matière de réadmissions et de coopération au développement pour fixer les populations et maîtriser les migrations.
Pouvez-vous faire le point sur l'état d'avancement de la réforme du régime d'asile européen commun ? Cela fait très longtemps que l'on en parle. Il est indispensable d'harmoniser les conditions du droit d'asile afin d'éviter les phénomènes de nomadisme, même si les gens sont censés se fixer dans le pays de leur demande d'asile en vertu du premier règlement de Dublin.
Où en est l'avancement des travaux en matière de solidarité et de responsabilité entre États membres face à la pression migratoire ? Nous connaissons les dissensions au sein de l'Union européenne, les positions prises par les responsables tchèques, qui ont parlé de « solidarité flexible » – je ne sais pas ce que cela veut dire… Pas plus que la « solidarité effective », terme repris par la présidence slovaque. Pouvons-nous espérer davantage de convergence et de partage des tâches ?
S'agissant du terrorisme, l'initiative franco-allemande de coopération dans le domaine de la sécurité Intérieure a-t-elle bien avancé ? Où en sommes-nous en matière de renseignement ? C'est un sujet clé. Vous avez reçu au dernier Conseil un rapport de M. Gilles de Kerchove sur l'état d'avancement du partage de renseignements au niveau européen. Comme je le rappelais ce matin, bien que nous ayons commencé à renforcer nos contrôles aux frontières extérieures et que nous ayons rétabli les contrôles aux frontières nationales comme le permettent les accords de Schengen, cela n'a pas empêché l'auteur présumé de l'attentat de Berlin de circuler. Nous savons du reste que, à moins d'installer des mines antipersonnel et des miradors, il y aura toujours des points de passage. Le renseignement est donc essentiel. Que pouvons-nous faire de plus et de mieux dans ce domaine ?
Vous avez accepté, monsieur le ministre, de venir vous exprimer devant nous à un moment où les calendriers sont très serrés et je vous en remercie.
En matière d'affaires intérieures et de sécurité, nos concitoyens ont bien conscience de la forte interdépendance entre les États de l'Union européenne et du fait que le sursaut doit être collectif. Ce n'est pas pour autant qu'ils ne sont pas traversés par des réflexes de peur – cette peur qui, comme le disait Dario Fo, est une des choses les plus dangereuses pour la démocratie.
Malte vient de prendre la présidence de l'Union européenne. Nous oublions souvent que parmi les pays qui supportent la question des réfugiés plus que d'autres, il y a la Grèce, l'Italie, mais également Malte : ce petit État se retrouve avec énormément de réfugiés sur son territoire. On peut certes lui reprocher d'être un paradis fiscal, mais il y a aussi la solidarité avec les réfugiés, un sujet que les Maltais traitent depuis longtemps et qu'ils remettront sans doute sur la table. La réforme du règlement de Dublin III fait-elle toujours peser sur la Grèce, l'Italie ou Malte la même disproportion ou bien pouvons-nous espérer, quitte à faire pression sur le groupe de Visegrad, un plus grand partage ? Y aura-t-il des renforts via le Bureau de l'asile européen pour accélérer les procédures de demande d'asile ?
J'ai eu récemment l'occasion de me rendre, avec des collègues, dans plusieurs pays des Balkans. Dans ces pays qui sont candidats à l'entrée dans l'Union européenne, une inquiétude se fait jour car ils ont le sentiment, alors qu'ils multiplient les efforts pour gérer les flux de migrants et les accueillir au mieux, que l'Union européenne est frileuse, y compris vis-à-vis d'eux. Sachant que la Russie se remet à faire fortement pression sur ces pays, il conviendrait de discuter avec eux de la question de l'asile.
Sans parler de la Turquie ni du fait qu'en raison de cette même question de l'asile, nous sommes peut-être en train de fermer les yeux sur les droits de l'homme.
Les critères de relocalisation peuvent-ils être revus de façon à soulager un pays en crise ? Les moyens pour ces relocalisations seront-ils au rendez-vous ? Sans moyens, nous ne serons pas capables d'établir une distinction claire entre migrants économiques et réfugiés.
La nouvelle agence de gardes-frontières remplaçant FRONTEX fonctionne, me semble-t-il, mais elle peut fonctionner mieux. Des pays comme la Roumanie sont très allants sur le sujet et ont déjà proposé du personnel, tout comme nous, mais ce personnel a besoin d'être mieux formé car nous avons été alertés sur des insuffisances en la matière. Pensez-vous que l'agence pourra surmonter ces difficultés ?
La question du partage des informations contenues dans les fichiers de police et de sécurité est largement ouverte. Un des points clés en la matière est la modernisation du système d'information et d'échanges Schengen (SIS) ; SIS 2 nous permettra de travailler bien plus efficacement. Pouvez-vous préciser la position française sur ce projet de modernisation ?
Enfin, la lutte contre la cybercriminalité et la régulation d'internet sont tout autant des enjeux pour la sécurité des Européens. Quelles sont les perspectives de renforcement des moyens de cette lutte ?
Vous me remerciez d'avoir accepté de venir : mais sur des sujets tels que ceux-ci, je suis à l'entière disposition du Parlement. Et ce d'autant plus que je ne viens pas seulement pour vous informer, mais aussi pour rechercher votre soutien afin que nous puissions faire bouger les choses au niveau européen plus rapidement grâce à vos contacts avec les autres parlements nationaux et le Parlement européen.
J'ai pris mes fonctions le 6 décembre et me suis rendu à Bruxelles le 9 décembre pour le Conseil JAI. La présidence slovaque se terminant et la présidence maltaise commençant, dans quelques jours se tiendra un sommet informel pour essayer d'avancer, car aucun des sujets que vous venez d'évoquer n'est aujourd'hui totalement réglé. J'ai l'intention de trouver des éléments de coalition avec d'autres pays européens afin de progresser le plus rapidement possible.
Chaque pays doit décider d'aller vite car il y va de notre capacité de résistance à ceux qui veulent nous attaquer. Beaucoup des projets que je vais aborder sont des projets de structuration de notre capacité de résistance, et en particulier des mesures visant à nous protéger contre les actes terroristes, sur lesquels j'observe parfois un trop grand attentisme de la part de ceux qui ne se rendent pas compte que n'importe qui peut être frappé. C'est l'Europe qui est touchée, et pas seulement elle, d'ailleurs : la Turquie est régulièrement frappée, et Daech vise explicitement d'autres pays, la Russie ou l'Iran, dans ses dernières publications. Mais ce n'est pas parce que le champ s'élargit et que les autres sont visés que nous serions protégés : la menace est toujours particulièrement forte sur la France et l'Europe, et elle appelle des réponses adaptées.
En partageant avec vous la volonté du Gouvernement, je ferai bien attention de distinguer le sujet des migrations et celui de la lutte contre le terrorisme, même s'ils doivent tous les deux être appréhendés sous le prisme du contrôle.
S'agissant des migrations, nous sommes aujourd'hui soumis à des mouvements d'une ampleur sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 2015, plus d'un million de personnes sont entrées dans l'espace Schengen, fuyant la guerre, la violence et les persécutions dans leurs pays d'origine, notamment la Syrie et l'Irak, tandis que d'autres fuient la misère, en provenance de pays pourtant considérés comme des pays sûrs. Le traitement des cas de ces derniers doit être rapide car ils ne sauraient mobiliser les moyens que nous mettons en oeuvre pour venir en aide et mettre à l'abri les réfugiés fuyant les théâtres de guerre où leur vie est en danger.
Nous vivons des temps historiques qui exigent fermeté dans l'action et responsabilité dans la décision, ainsi qu'une solidarité européenne, alors que l'Europe manque de solidarité en la matière. C'est pourquoi la France continuera de se battre pour mobiliser l'ensemble de nos partenaires sur les défis que je viens d'évoquer. Depuis dix-huit mois, des avancées significatives ont eu lieu, la notion d'urgence a finalement été intégrée par l'Europe : je rends à cet égard hommage à l'action et au volontarisme de mon prédécesseur Bernard Cazeneuve.
La première urgence martelée au Conseil du 9 décembre dernier a été la sécurisation effective des frontières extérieures de l'Union européenne. C'est un objectif qu'il est absolument indispensable d'atteindre, à la fois pour mieux nous protéger de la menace terroriste et mieux maîtriser les effets de la crise migratoire. Toutefois, au-delà de l'urgence, hors même la situation que nous connaissons, le contrôle des frontières est un enjeu crucial pour un continent qui souhaite être identifié en tant que tel : quand il n'y a pas de frontières, il n'y a pas de continent ni d'identité qui puisse se développer sur ces espaces. Cette question, qui doit être réglée dans l'urgence face aux flux migratoires et à la menace terroriste, aurait dû être prise à bras-le-corps par l'Europe bien avant. Une partie du problème qui se pose aujourd'hui aux Européens vient du manque de frontières pour leur continent et de la façon dont ils le perçoivent.
C'est à condition de rétablir des frontières extérieures que nous serons en mesure de rétablir à terme un espace de libre circulation des personnes, l'un des principaux acquis de la construction européenne, aujourd'hui remis en cause par une partie de nos opinions publiques. La liberté de circuler ne peut exister pleinement que dans un espace de sécurité. Sans espace de sécurité, il y aura toujours la nécessité et l'envie de restreindre la liberté de circulation.
À cet égard, plusieurs mesures essentielles ont été prises. En avril dernier, nous avons abouti à un accord afin d'adopter la directive établissant un registre d'enregistrement des noms des passagers des compagnies aériennes : le Passenger name record (PNR) européen. Un esprit constructif, même s'il a été tardif, a prévalu entre les États membres, et je m'en réjouis, pour que puisse être adoptée cette mesure importante qui contribuera à renforcer significativement la sécurité de nos frontières aériennes.
L'Europe doit désormais redoubler d'efforts pour que cette directive trouve une traduction concrète dans chaque État membre. La France, comme vous le savez, est entièrement mobilisée en ce sens. Nous pouvons nous féliciter de faire partie des rares États membres à avoir anticipé l'entrée en vigueur de la directive en lançant, dès janvier 2016, un PNR français. Notre unité d'information sur les passagers est en phase de déploiement et sera très prochainement pleinement opérationnelle. De plus, nous avons décidé d'affirmer notre ambition en appliquant toutes les clauses facultatives de la directive et en y intégrant les vols intra-européens ainsi que les vols charters. Je vais moi-même continuer à sensibiliser nos partenaires et à les encourager à faire preuve du même esprit de responsabilité en respectant l'intégralité de leurs engagements.
Pour sécuriser nos frontières extérieures, nous avons obtenu un autre résultat majeur avec l'adoption du règlement qui a fait de l'agence FRONTEX une agence rénovée et renforcée des gardes-frontières et gardes-côtes européens. C'est là une évolution qui répondait à une demande que la France défendait depuis longtemps au sein du Conseil. FRONTEX est ainsi dotée de moyens humains et financiers supplémentaires. Je pense notamment à la réserve permanente de 1 500 agents mobilisable à tout moment, à laquelle la France contribuera à hauteur de 170 effectifs. Ce résultat concret, obtenu en un temps record – six mois –, est bien la preuve que l'Europe est capable de se mobiliser dès lors que sa sécurité et celle de ses citoyens sont en jeu.
Une autre étape importante a été franchie au début du mois de décembre avec la révision du code frontières Schengen afin d'instaurer des contrôles systématiques aux frontières extérieures de l'Europe. Pour la France, il s'agissait, et il s'agit toujours, d'une priorité absolue au regard du niveau de la menace pesant sur notre territoire.
Comme vous le savez, cette situation nous a conduits, il y a maintenant plus d'un an, à rétablir les contrôles à nos frontières Intérieures. C'est là une mesure indispensable dans le contexte actuel et nous la maintiendrons aussi longtemps que la situation sécuritaire le justifiera. Nous approchons aujourd'hui 86 millions de contrôles opérés depuis novembre 2015 à nos frontières intérieures, avec quelque 62 000 non-admissions ; ces chiffres n'incluent pas les démantèlements de filières de passeurs, qui font l'objet d'une comptabilité à part.
D'autres États membres, l'Allemagne, l'Autriche, la Slovaquie, la Suède et le Danemark, ont dû prendre les mêmes mesures pour essayer de se protéger.
Néanmoins, à moyen terme, nous devrons être en mesure de garantir à nouveau pleinement la libre circulation des personnes à l'Intérieur de l'espace Schengen, en dépit du contexte migratoire. À cet égard, les contrôles systématiques aux frontières extérieures constituent l'une des conditions nécessaires d'un tel rétablissement.
À la demande de la France, la Commission européenne a soumis au Conseil européen du 18 novembre, une proposition de règlement établissant un système européen d'information et d'autorisation des voyageurs exemptés de visas, l'ETIAS, sur le modèle de l'ESTA (Electronic System for Travel Authorization) américain. Ce dispositif permet d'enregistrer les voyageurs dispensés de visas en amont de leur départ, afin de s'assurer qu'ils remplissent toutes les conditions requises pour se rendre sur le territoire de l'Union européenne et notamment qu'ils ne représentent pas une menace pour la sécurité collective. Nous veillerons à ce que cette proposition aboutisse le plus rapidement possible.
Dans ce contexte, le renforcement des systèmes d'information et des bases de données visant à accroître la sécurité des frontières constitue un autre chantier indispensable pour compléter les mesures de sécurisation des frontières extérieures. L'objectif est d'assurer une totale interopérabilité entre les systèmes d'information chaque fois qu'un agent aura besoin de consulter une base de données. Nous continuerons donc de soutenir l'avancée des travaux du Groupe des experts à haut niveau (High Level Expert Group, HLEG), mis en place à cet effet par le Conseil, afin d'aboutir à des résultats ambitieux, au plus tard au début du second semestre 2017.
Enfin, un accord politique a été trouvé, à la fin du mois de décembre, sur la révision de la directive « armes à feu ». Les négociations, bien que longues et difficiles, nous ont permis d'aboutir à un accord qui correspond dans l'ensemble aux positions de la France. L'objectif est de réduire le plus rapidement possible les sources de trafic et de limiter l'accès aux armes les plus dangereuses. Il permettra également d'assurer une meilleure traçabilité de l'ensemble des armes – dans le temps et sur l'ensemble du territoire européen – pour toutes les autorités administratives et judiciaires compétentes. Je me félicite de cette avancée majeure.
D'autres chantiers, tout aussi prioritaires, sont en cours et nous occuperont dans les semaines et les mois qui viennent. Ils seront évidemment repris par la nouvelle présidence maltaise, avec laquelle nous travaillons étroitement.
Pour compléter notre dispositif de sécurisation des frontières extérieures, nous demandons ainsi la révision du futur règlement établissant un système d'enregistrement des entrées et des sorties (EES) aux frontières extérieures de l'Union européenne. La France est très attachée à ce que des objectifs ambitieux soient assignés à ce système pour qu'il soit totalement efficace ; or le texte en fin de négociation ne répond toujours pas à nos attentes. C'est pourquoi je continuerai à plaider pour l'intégration dans l'EES des ressortissants européens et des ressortissants de pays tiers en long séjour dans l'Union européenne. Nous ne pouvons pas nous contenter d'enregistrer les franchissements des ressortissants de pays tiers en court séjour. Il faut garder la mémoire de tous les mouvements ; les contrôles ne remplacent pas cet enregistrement.
Par ailleurs, la question du chiffrement est plus que jamais d'actualité dans le cadre d'enquêtes judiciaires portant sur des faits de terrorisme. Nous sommes actuellement dans une situation de blocage en ce qui concerne le déchiffrement des contenus en ligne, et ce n'est pas acceptable. Nous avons donc lancé avec l'Allemagne une initiative pour demander à la Commission européenne de faire une proposition législative. L'idée est de soumettre les opérateurs de services de communications électroniques aux mêmes obligations que les opérateurs téléphoniques. D'autres États membres sont prêts à y réfléchir avec nous ; une réunion aura lieu avec la Commission dès janvier. Je tiens toutefois à vous assurer que je veillerai à ce que la garantie du droit à la vie privée numérique de chacun des citoyens soit respectée. Mais aujourd'hui, ceux qui veulent commettre des crimes sur notre continent utilisent des messageries comme Telegram auxquelles on nous refuse l'accès : il n'est pas acceptable qu'il soit possible d'utiliser ces canaux pour, par exemple, donner des ordres pour attaquer nos pays ! Nous ne rognons aucune liberté individuelle en exigeant des conventions avec les opérateurs.
Notre seconde priorité réside dans la mise en oeuvre des mesures adoptées afin d'apporter une réponse efficace et coordonnée à la crise migratoire.
La France est le premier pays d'accueil des demandeurs d'asile au titre du programme européen de relocalisation. À ce jour, nous avons ainsi accueilli, depuis la Grèce et l'Italie, 2 696 personnes en besoin de protection, dont 1 911 Syriens. Cela représente plus de 30 % de l'effort européen. Chaque mois, nous notifions à la Grèce et à l'Italie que nous sommes en mesure d'accueillir 400 personnes supplémentaires. Ce processus va donc se poursuivre. La France tient ses engagements.
De même, dans le cadre du programme de réinstallation, nous avons, à ce jour, accueilli sur notre sol, en lien avec le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), un peu plus de 3 000 Syriens, depuis le Liban, la Jordanie et la Turquie. Là aussi, nous allons continuer notre effort pour respecter nos engagements.
Par conséquent, au titre de la relocalisation et de la réinstallation, nous avons d'ores et déjà accueilli 5 700 personnes fuyant la guerre civile en Syrie et la barbarie de Daech.
Par-delà cet effort de solidarité européenne, la France a également souhaité tenir compte du contexte de crise migratoire en matière de libéralisation des visas vers l'espace Schengen. Afin d'éviter que l'espace de libre circulation ne soit fragilisé, nous avons en effet travaillé, en étroite concertation avec l'Allemagne, pour encadrer le processus par une clause de sauvegarde permettant de suspendre, sous certaines conditions, la libéralisation des visas. Un accord est intervenu le 8 décembre entre le Conseil et le Parlement européen ; il est, pour l'essentiel, très proche des demandes que nous avions formulées et renforce considérablement l'actuel mécanisme de sauvegarde, lequel, datant de 2013, a démontré son inefficacité dans la période actuelle.
La clause de sauvegarde pourra ainsi être déclenchée plus rapidement, tandis que les modalités et les critères justifiant son déclenchement sont assouplis et étendus. Cette mesure constitue donc un outil dissuasif plus efficace pour lutter contre les abus liés aux libéralisations, notamment celles qui vont concerner la Géorgie et l'Ukraine.
Toutes ces mesures constituent de véritables progrès, mais sont encore, j'en suis bien conscient, loin d'être suffisantes dans le contexte que nous connaissons. Nous devons aujourd'hui aller plus loin.
Je pense au paquet législatif en matière d'asile qu'a présenté la Commission et dont la France soutient les grandes lignes. Cette réforme d'ensemble doit nous permettre d'accroître l'efficacité et la convergence des systèmes nationaux d'asile, de lutter plus efficacement contre les mouvements secondaires et d'assurer une gestion équilibrée des flux de demandeurs d'asile au sein de l'Union.
La refonte du règlement « Dublin III » constitue le point le plus délicat de nos discussions. Elle soulève une question politique majeure : quel degré de solidarité les États membres de l'Union européenne sont-ils prêts à accepter en matière de gestion des flux migratoires ? La France défend une position ferme et équilibrée, qui repose sur les principes de responsabilité et de solidarité.
La responsabilité, c'est celle des pays de première entrée, chargés de la gestion des frontières extérieures de l'UE : il leur incombe, avec le total soutien des autres États membres et des agences compétentes de l'Union européenne, d'en assurer la sécurisation pleine et entière, mais aussi de moderniser leurs propres systèmes de traitement de la demande d'asile et de faire en sorte que les migrants qui ne peuvent accéder à l'asile en Europe fassent l'objet de mesures de retour systématiques. C'est donc au nom de ce principe de responsabilité que la France s'oppose à tout mécanisme de relocalisation automatique et permanente des demandeurs d'asile, dans la mesure où une telle mesure aurait des effets inverses de ceux que nous recherchons en encourageant les États de première entrée à ne pas prendre les mesures qui s'imposent et que je viens d'évoquer.
Par ailleurs, la solidarité, c'est celle qui doit s'appliquer entre tous les États membres de façon équitable. Il n'est pas acceptable que certains États s'en dispensent unilatéralement en dressant des murs à leurs frontières. C'est là une question de justice élémentaire : chacun doit assumer sa participation aux mécanismes de solidarité de l'Union européenne, avec les coûts et les bénéfices que cela implique. C'est là également un devoir moral et humanitaire face à la détresse des personnes en besoin de protection qui fuient la guerre et la barbarie pour trouver la paix et la sécurité sur le territoire européen. Voilà pourquoi la France considère que tout mécanisme de relocalisation des migrants en cas de crise devra jouer de façon obligatoire pour tous les pays de l'Union, sauf circonstances exceptionnelles dûment justifiées.
Parallèlement, nous devons continuer à oeuvrer pour que la crise migratoire soit traitée à sa source, c'est-à-dire dans les pays d'origine et de transit des migrants. C'est là tout le sens du dispositif des pactes migratoires que la France soutient pleinement.
Hier encore mon homologue espagnol et moi-même discutions de nos contacts en Afrique : je me félicite pour ma part de la relation que nous avons su nouer avec le Niger, lui de sa relation avec le Sénégal. Je suis en revanche mécontent de la tournure de notre travail avec le Mali pour prévenir et contrôler les départs. Dans ce domaine, une évaluation quotidienne est nécessaire, et l'attention doit être sans relâche.
La France demeurera donc extrêmement vigilante quant à la bonne mise en oeuvre de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie. Cet accord a permis une inflexion très sensible des entrées en Méditerranée orientale ; c'est pourquoi nous continuerons de défendre son application. Cela n'empêche certes pas de faire preuve de la plus grande vigilance par rapport à l'évolution de la situation intérieure en Turquie.
Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
Monsieur le ministre, l'agence Europol a présenté à la fin du mois de novembre son rapport sur l'état de la menace en Europe, évoquant notamment les possibles nouveaux modes opératoires. Les attaques ont été nombreuses, passant de 4 en 2014 à 15 en 2015, mais la réponse des pouvoirs publics s'est renforcée : le nombre d'arrestations en lien avec le terrorisme djihadiste est passé de 395 en 2014 à plus de 600 en 2015. Mais les revers actuels des djihadistes au Proche et au Moyen Orient vont provoquer le retour de nombreux Européens. Or, comme le souligne le rapport, ces individus auront été entraînés au maniement des armes et des explosifs, et endoctrinés pendant des mois ou des années. Leur dangerosité est donc avérée.
Daech, en particulier, a montré à plusieurs reprises sa capacité d'adaptation. Les services français envisagent, je n'en doute pas, tous les scénarios possibles ; mais une coordination européenne est indispensable, comme vous l'avez vous-même rappelé. Mme Marietta Karamanli et moi-même avons présenté un rapport d'information sur la proposition franco-allemande d'un « pacte de sécurité européen », qui apportait déjà quelques réponses, mais pouvez-vous nous apporter des précisions ? Les échanges d'information et la lutte contre les trafics se développent-ils afin d'empêcher les terroristes d'acquérir dans d'autres pays les substances et matériels potentiellement dangereux ?
Vous avez évoqué le Mali, où nous nous sommes rendus il y a quelques mois. J'ai pour ma part été impressionné par les efforts consentis par l'Union européenne pour former les soldats maliens : à Bamako, quand nous avons vu ces militaires danois, français, allemands, l'Europe avait du sens. Son action là-bas m'a paru opportune et efficace.
J'approuve entièrement les orientations que vous nous avez présentées, monsieur le ministre. Mais le problème de l'Europe, ce n'est pas de ne pas savoir ce qu'il faut faire : c'est d'agir vite et fort.
Les problèmes que vous soulevez touchent tous à la souveraineté nationale, à commencer par celui de la surveillance des frontières extérieures. La Grèce s'est montrée sur ce point très réticente à l'idée de voir ses frontières extérieures tenues par d'autres que les siens.
Je crois pour ma part qu'il n'y a qu'une solution : seule l'alliance franco-allemande nous permettra d'avancer. L'Allemagne, depuis l'horrible attentat de Berlin, ne se considère plus comme à l'abri de la menace terroriste. Elle a pris conscience du fait que nous sommes tous visés. Qu'attend-on pour renforcer davantage les moyens de FRONTEX ? Qu'attend-on pour donner l'exemple, avec les Allemands ou avec un groupe de pays volontaires, et pour montrer que nous pouvons aller au-delà de notre souveraineté et accepter que certaines de nos frontières soient gardées par des ressortissants d'autres pays ? Il faudra d'ailleurs convaincre nos concitoyens de la nécessité d'aller dans cette direction.
S'agissant de l'asile, notre système est très différent de celui des Allemands : là encore, qu'attend-on pour commencer à harmoniser nos législations – projet que l'on entend évoquer depuis des années ?
Ce sont là des sujets qui pourraient redonner aux citoyens la conscience de l'importance de l'Europe. Le conseil des chefs d'État et de Gouvernement arrête des décisions, mais elles ne sont jamais suivies d'effets. Si elles l'étaient, nos concitoyens comprendraient beaucoup mieux l'intérêt de l'Europe.
En décembre 2014, avant les attaques contre Charlie Hebdo, l'Hyper Casher et le Bataclan, autrement dit tous ces attentats qui ont coûté la vie, hélas ! à près de 150 personnes, le Conseil européen avait déjà identifié comme un défi stratégique le problème des combattants – que je préfère appeler « terroristes » – de retour dans leur propre pays. Aujourd'hui, il y aurait au moins 700 djihadistes français, et des milliers d'Européens, sur les théâtres de guerre – sans compter les près de 10 000 radicaux identifiés présents sur notre sol et susceptibles de passer à l'acte. Dans un contexte de libre circulation, comment décloisonner les services de renseignement ? Le cas du terroriste de Berlin Anis Amri est éclairant : en trois jours de cavale, il a pu passer, armé, d'Allemagne en Belgique, de Belgique aux Pays-Bas, des Pays-Bas en France et de France en Italie. Pouvez-vous, monsieur le ministre, revenir sur la sécurisation de la zone Schengen ? Les ressources nécessaires sont-elles présentes, notamment dans un contexte de crise migratoire – c'est le député des Français habitant en Grèce, à Malte, en Italie et en Turquie qui vous parle ?
Les députés du groupe Les Républicains ont proposé à plusieurs reprises de durcir notre législation pénale relative aux djihadistes de retour ou présents sur notre sol, en particulier en prévoyant une interdiction pure et simple de territoire, ou une rétention administrative. La question de la déchéance de nationalité doit être posée, qu'il s'agisse de binationaux ou pas : ils doivent être déchus ! Votre majorité a rejeté cette mesure nécessaire, avant que certains ne changent d'avis, souvent après, hélas ! de nouveaux attentats. Où en est-on dans le développement d'instruments qui nous permettraient de nous protéger de ces djihadistes dont l'unique obsession est de tuer leurs compatriotes ?
Je voudrais aussi évoquer ici l'expansion rapide d'un islam politique en France et en Europe. Ses tenants ne veulent pas, ne peuvent pas s'intégrer ni assimiler nos valeurs fondamentales : ils cherchent au contraire à imposer un nouveau modèle, fondé notamment sur la charia. Je parle évidemment du salafisme, mais aussi des Frères musulmans, plus insidieux, en apparence pacifistes mais adeptes du double langage et massivement présents dans les instances représentatives de l'islam de France, par l'intermédiaire de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF). Votre Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures pour contrer cette menace, terreau du djihadisme ?
Monsieur le ministre, je souhaiterais évoquer avec vous une situation locale douloureuse : celle du camp d'accueil installé à Grande-Synthe, dans le Nord. En octobre 2016, Médecins sans Frontières estimait déjà la population de ce camp à 850 personnes. Elle est aujourd'hui supérieure à 1 300 personnes, à la suite du démantèlement de la « jungle » de Calais. Des migrants quittent le camp tous les jours, mais d'autres arrivent encore. Les tensions se multiplient ; des membres des forces de l'ordre ont été blessés par des migrants. Très récemment, une rixe a éclaté sur fond d'alcool ; des coups de feu ont été entendus, et les volontaires et les personnels de sécurité qui travaillent dans le camp ont dû être évacués pendant plusieurs heures. Ce climat délétère inquiète la population.
Monsieur le ministre, un tel camp a-t-il vocation à être pérennisé ? L'État a réussi à démanteler le camp de Téteghem, puis celui de Calais. J'ose croire qu'il ne laissera pas se reproduire une situation similaire quelque trente kilomètres plus loin : l'histoire ne peut pas se répéter. J'ai conscience de l'extrême délicatesse de ce dossier, mais il est indispensable de chercher des solutions pour ces migrants, afin que Grande-Synthe et ses habitants retrouvent une vie plus sereine. Avez-vous prévu de démanteler ce camp ? Auparavant, quelles mesures le ministère de l'Intérieur prendra-t-il pour renforcer la sécurité des bénévoles et des migrants ?
Monsieur le ministre, je vous souhaite de réussir : la crise migratoire est à coup sûr le plus grand des dangers qui pèsent aujourd'hui sur l'Europe, en tout cas sur la crédibilité de la construction européenne. Un espace qui n'est pas capable de protéger ses frontières et qui les laisse ouvertes à tous vents ne mérite pas d'être défendu ; nos concitoyens ne comprennent tout simplement plus ce qui se passe.
Nous nous sommes liés les mains avec la Turquie en signant un accord aux termes duquel nous leur renvoyons des clandestins, et ils nous envoient ceux qui sont à leur sens des réfugiés. Mais la situation turque est aujourd'hui totalement vérolée : à la suite de la tentative de coup d'État, l'armée et les services spéciaux ont été démantelés ; les islamistes sont désormais infiltrés dans la plupart des administrations. Quelle que soit l'issue de la guerre en Syrie, des traîtres, des djihadistes français vont essayer de revenir en Europe : comment croire une seule seconde que les Turcs les garderont sur leur territoire ? Avez-vous les moyens techniques de « trier » les personnes qui nous sont envoyées par les Turcs ? Pourquoi garderaient-ils sur leur territoire des combattants étrangers qu'ils seront trop heureux de nous renvoyer ? Encore une fois, l'accord que nous avons signé ne nous permettra pas de les refuser.
Pouvez-vous revenir sur la question des visas pour les ressortissants de Bosnie, d'Ukraine et de Géorgie ? Autant le processus documentaire est à peu près sécurisé dans ce dernier pays, autant je suis très sceptique sur les deux premiers – sans parler du Kosovo.
Enfin, vous avez raison, il est indispensable que nous ayons accès aux messageries privées, quelles qu'elles soient. Mais je vous souhaite bien du courage… Tout le monde explique que l'accès à internet est impossible en Chine ; c'est faux ! Il suffit d'acheter, pour trente euros, un VPN (Virtual Private Network, réseau privé virtuel). Moi qui n'ai rien à cacher, cela ne me dérange pas que l'on regarde ma messagerie ; mais je ne vois pas comment vous allez réussir !
Si vous n'avez rien à vous reprocher, on ne va pas regarder votre messagerie ! Dissipons tout malentendu chez ceux qui nous regardent : il ne s'agit pas de processus généralisés destinés à trouver des informations, mais des possibilités d'accès dans le cadre d'un suivi judiciaire.
Je vous souhaite moi aussi de réussir, monsieur le ministre, mais je vous le dis tout net, malgré tout votre talent, c'est mission impossible ! Je ne partage pas le sentiment de beaucoup de nos collègues, qui croient encore qu'il y a quelque chose à faire : comme l'a dit M. Lionel Jospin dans un autre domaine, nous avons vraiment tout essayé, hélas ! Tant qu'il y aura sur la planète des malfaisants qui nous en voudront, qui rejetteront notre modèle et ce que nous sommes, tant qu'il y aura l'État islamique – qui prend le pouvoir par la violence, religieuse ou autre –, tant que nous n'aurons pas éliminé totalement ces gens-là, nous subirons la guerre terroriste sur notre territoire, et à l'étranger.
Il n'y a malheureusement aucune solution ; la seule chose que nous n'avons pas encore tout à fait essayée, peut-être, ce sont les drones et les Rafale, mais cela ne suffit pas, hélas ! pour ceux qui sont déjà chez nous.
Plus sérieusement, monsieur le ministre, je vous trouve un peu optimiste en ce qui concerne les demandeurs d'asile – mais vous n'êtes pas le seul à avoir quelques illusions en la matière ou plutôt à raconter des histoires à la représentation nationale. Je suis en effet de ceux qui savent, pour l'expérimenter depuis 1993, qu'un immigré qui se trouve en situation irrégulière sur le territoire national et qui se voit refuser l'asile ne repart jamais, à moins qu'il ne le souhaite lui-même, parce qu'on lui aura proposé une compensation financière ou coupé le gaz et l'électricité… De fait, nous n'avons pas les moyens de renvoyer ces personnes chez elles, notamment parce que leur pays d'origine ne veut pas les récupérer. Nous l'avons vu il y a peu : la Tunisie a tout fait pour ne pas reconnaître que l'auteur de l'attentat de Berlin était un de ses ressortissants. Je pourrais citer également le cas d'un Algérien condamné en France à sept ans de réclusion criminelle pour viol sur mineur… Bien entendu, à sa sortie de prison, il a demandé l'asile, qui – pour une fois – lui a été refusé. On avait obtenu, semble-t-il, un sauf-conduit des autorités algériennes. On le met donc dans l'avion mais, à son arrivée à Alger, les autorités du pays ont déclaré qu'elles avaient accordé ce sauf-conduit par erreur et que ce type était un pur produit de notre civilisation… Retour en France, donc, pour ce demandeur d'asile violeur de mineur, qui bénéficiera évidemment de toutes sortes d'allocations ! Bref, ne racontons pas d'histoires : on ne peut plus renvoyer les demandeurs d'asile dans leur pays, souvent parce que celui-ci est en guerre : allez renvoyer en Syrie un demandeur d'asile de mauvaise foi…
Deuxièmement, et n'y voyez aucune provocation, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir ce que vous pensez de la proposition de M. François Fillon de confier au Parlement, qui prendrait ainsi ses responsabilités – puisqu'actuellement, dans ce pays, ni l'exécutif ni le législatif ne les assument –, le soin d'établir un quota annuel d'immigration. Nous le proposons depuis 1993…
Enfin, j'aimerais, un jour, vous accompagner dans une ville formidable des Yvelines : Trappes. L'État républicain a en effet totalement disparu de cette merveilleuse commune qui est aujourd'hui aux mains des salafistes, plus ou moins déguisés. Hormis la mairie, tenue par un socialiste, les salafistes gèrent tout : le secteur associatif, le secteur médical, le religieux bien entendu, l'éducation… Lorsque j'ai fait état de cette situation à la télévision, un ancien élu de la ville – qui a aujourd'hui, je crois, quelques ambitions –, M. Benoit Hamon, m'a rétorqué : « M. Marsaud ferait mieux de se taire : sa suppléante est membre du Hezbollah ! » Je vais lui intenter un procès en diffamation qui calmera ses velléités présidentielles. Quoi qu'il en soit, Trappes est devenue, non pas une zone de non-droit, mais une zone où s'applique le droit islamique. Et elle n'est pas la seule : d'autres communes des Yvelines sont en train de disparaître de la République…
En conclusion, monsieur le ministre, je vous renouvelle tous mes voeux de réussite.
Monsieur le ministre, je suis heureux que vous ayez manifesté votre intérêt – que je connaissais, au demeurant – pour les relations bilatérales que nous pouvons entretenir avec les pays africains, notamment dans le domaine de la sécurité, et, de manière générale, pour ce grand continent d'avenir qu'est l'Afrique. Vous avez indiqué que nos relations étaient bonnes avec certains pays mais qu'il existait un problème avec le Mali. Puisque, du fait du problème terroriste au Sahel, la commission des Affaires étrangères suit de très près la relation franco-malienne, j'aimerais savoir ce qui ne va pas avec le gouvernement malien et ce que nous pouvons faire pour y remédier. Je précise d'ailleurs que le sommet franco-africain doit se tenir, la semaine prochaine, à Bamako.
Je ne partage pas le fatalisme ou le pessimisme de certains de mes collègues. Il me semble en effet que l'Union européenne s'est ressaisie assez rapidement, en mettant en oeuvre des dispositifs extrêmement complexes, en matière de renseignement ou de surveillance des frontières, qui bousculent, osons le dire, nos souverainismes : de fait, si, en la matière, l'Union n'a pu agir par anticipation, c'est parce que les doctrines d'indépendance nationale, y compris française, l'ont freinée. On se plaint, aujourd'hui, de ne pas être suffisamment défendu par l'Union, mais qui a proposé de lui céder une part de souveraineté dans le domaine militaire, par exemple ? On ne peut pas à la fois vouloir l'Europe de la défense et exiger que la France conserve son indépendance nationale et décide seule de l'engagement des forces. Assez de schizophrénie ! S'il existe un impérieux besoin d'Europe, nous devons être capables d'aller plus loin dans l'intégration.
Sous l'effet de la crise, les choses avancent assez rapidement – beaucoup plus que lors de la crise financière – et très concrètement ; je pense notamment à la création du PNR. Il faut être très clair : dans ces domaines, nous avons un grand besoin d'Europe, et celle-ci progresse, même si tout n'est pas parfait ou immédiat et même si, pour une part incompressible, la responsabilité de protéger nos compatriotes continue de nous incomber.
Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur une question que j'avais posée, lors d'une récente audition ici-même, au commissaire européen à la sécurité, M. Julian King. En effet, entre-temps, a eu lieu l'attentat de Berlin. Je suis de ceux qui pensent que nous ne pouvons pas garantir la sécurité maximale face à une menace terroriste qui est souvent isolée, très improbable et qui privilégie la « cible molle » : sitôt que vous bétonnez d'un côté, ils attaquent de l'autre. Il est important de le dire, car il y a beaucoup de démagogie en la matière. La cavale d'Anis Amri est impressionnante, certes, mais elle est, hélas ! dans l'ordre des choses : même les frontières des régimes totalitaires n'étaient pas parfaitement étanches. Néanmoins, je m'étonne de l'absence d'initiative européenne en matière de sécurisation des transports terrestres collectifs. Le moins que l'on puisse faire est d'installer des dispositifs de captation des images, une billetterie électronique traçable, le contrôle des gares et de certaines liaisons internationales. La législation européenne est très en avance sur le reste du monde en matière de sécurisation du transport aérien et maritime mais, dans le domaine terrestre, elle ne prend pas, semble-t-il, la moindre initiative. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que cette question soit posée à Bruxelles, car nous avons eu la preuve que la coordination n'était pas suffisante dans ce domaine.
En préambule, je tenais à rappeler que les migrants sont avant tout des hommes et des femmes en souffrance et qu'ils décident rarement de quitter leur pays de gaîté de coeur. « Tri », « refiler », « crise migratoire » : il faut faire attention au langage que l'on emploie lorsqu'on parle de ces personnes.
Ma question porte sur la nouvelle agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes, créée en octobre dernier, qui remplace FRONTEX. Le Parlement européen exerce-t-il un contrôle sur cette agence ? S'assure-t-il notamment que celle-ci respecte le droit international ? On dit en effet qu'elle bénéficiera d'un mandat renforcé qui permettra à ses agents de débarquer des migrants dans des ports dits « sûrs », hors de l'Europe. Comment concilier cette prérogative avec le droit d'asile, reconnu par le droit international, et avec le droit qu'a tout être humain de quitter un pays ?
Par ailleurs, nous versons une indemnité à la Turquie pour qu'elle garde les migrants chez elle. Je souhaiterais donc savoir si nous exerçons un contrôle sur la manière dont ce pays respecte la dignité de ces personnes.
Monsieur le ministre le conseil JAI des 8 et 9 décembre derniers a débattu de la réforme du Régime d'asile européen commun (RAEC) et approuvé un mandat en vue d'une négociation avec le Parlement européen sur la refonte du règlement EURODAC. On peut saluer le fait que la réforme du droit d'asile européen commun ait été, enfin, l'un des principaux points abordés par le Conseil, alors que l'Union connaît un afflux massif d'hommes et de femmes en provenance de pays situés à l'extérieur de ses frontières. Ce régime présente en effet d'importantes faiblesses qu'il est nécessaire de corriger.
Par ailleurs, le règlement « Dublin III » n'est pas parvenu à éviter les mouvements dits secondaires dans l'Union européenne. Ainsi que Jeanine Dubié et moi-même l'avions indiqué dans notre rapport de 2014, 24 % des demandes d'asile déposées dans l'Union européenne sont des demandes multiples. Les États membres ont donc ouvert une négociation afin de réviser ce règlement sur la base d'une proposition présentée par la Commission européenne en mai dernier ; l'objectif est d'adopter de nouveaux outils pour lutter contre les mouvements secondaires de demandeurs d'asile. Or, certaines propositions se heurtent, comme toujours, aux intérêts divergents des États membres : ainsi en est-il de l'idée d'un mécanisme d'équité correcteur, qui serait automatiquement déclenché lorsqu'un État membre serait responsable d'un nombre disproportionné de demandes d'asile. La France ainsi que d'autres États – la Pologne, l'Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la République tchèque et les États baltes –, moins exposés que nos voisins allemands au flux des demandeurs d'asile, ont exprimé leur opposition à l'institution d'un tel mécanisme et ont souhaité réserver les opérations de relocalisation aux situations de crise. D'où mes deux questions : premièrement, quelles décisions ont été prises sur ce point précis ? Deuxièmement, qu'en est-il du nécessaire établissement d'une liste commune des pays sûrs ?
Je partage les propos de Mme Guittet : je suis, moi aussi, gênée d'entendre parler de flux à propos de femmes et d'hommes qui fuient leur pays en guerre.
Ma question, porte sur les mineurs étrangers isolés qui se trouvent actuellement dans les hot spots, notamment en Grèce, et qui ne peuvent bénéficier d'une réinstallation ou d'une relocalisation en France. Parce qu'ils n'ont pas de parents, ces mineurs, qui remplissent pourtant toutes les autres conditions, sont privés de la possibilité d'être accueillis dans notre pays. Pour eux, c'est la double peine. Est-ce un chantier que vous pourriez ouvrir avec l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), monsieur le ministre ?
Je partage les propos de M. Savary. On dit : « L'Europe, l'Europe ! », mais l'Europe, c'est nous : si aucun véritable contrôle n'a été mis en place aux frontières extérieures de l'Union, c'est bien parce que les États membres ne l'ont pas voulu. Les propositions faites par le Gouvernement français suite à la vague de 2014 et qui sont actuellement adoptées par l'Union européenne auraient dû l'être depuis bien longtemps. Au demeurant, à chaque fois que des États membres en ont la volonté, les choses avancent. Il a fallu trois ans à l'époque pour que soit adopté le mandat d'arrêt européen dont j'avais pris l'initiative avec mon homologue allemande : cette initiative avait été accueillie par des cris d'orfraie, les professeurs de droit, notamment, redoutant que l'on ne mette ainsi fin au régime traditionnel d'extradition. Mais, grâce à ce dispositif, nous avons obtenu l'extradition de Salah Abdeslam en quatre ou cinq semaines, alors qu'il avait fallu dix ans pour obtenir du Royaume-Uni celle de Ramda, condamné par la suite pour sa participation aux attentats de 1995. Il faut dire où sont les responsabilités !
En tout état de cause, je vous félicite, monsieur le ministre, pour l'action que vous menez, dans la continuité de celle de Bernard Cazeneuve et du gouvernement de Manuel Valls.
J'en viens à ma question. Après avoir longtemps emprunté la route de la Méditerranée occidentale, via l'Espagne – je me souviens des descriptions affreuses, rapportées par nos collègues espagnols, de corps échoués sur leurs plages – les flux migratoires se sont déportés vers la Méditerranée orientale, via les Balkans. Aujourd'hui, c'est la Méditerranée centrale, via l'Italie, qui devient la route d'entrée principale. De fait, les Espagnols sont parvenus à fermer la route de la Méditerranée occidentale grâce à la conclusion d'accords de coopération avec le Maroc et le Sénégal, accords dont je ne connais pas le détail mais qui portent à la fois sur la sécurité, le développement et le renseignement. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet ?
Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, je tiens à m'associer aux félicitations qui vous ont été adressées pour la difficile tâche que vous accomplissez.
Je vous remercie. Mesdames, messieurs les députés, je constate que vos questions excèdent très largement le Conseil « Justice et affaires Intérieures ». N'étant pas ministre des affaires étrangères, je me garderai d'aller sur un terrain qui n'est pas le mien. Je vais cependant m'efforcer de vous répondre, sachant que, si j'élude certains points, nous vous transmettrons les éléments correspondants par écrit.
Tout d'abord, je crois, comme Pierre Lequiller, que, sur les questions qui relèvent d'une action européenne, il nous faut bâtir des coalitions pour avancer rapidement. Ainsi, dès le 6 décembre dernier, j'ai rencontré mon homologue allemand Thomas de Maizière avec Bernard Cazeneuve, car ce dernier avait souhaité, dès sa nomination au poste de Premier ministre, que nous organisions ensemble la transition afin d'assurer une continuité dans le suivi des dossiers. Je me suis rendu à Berlin une dizaine de jours plus tard, quelques heures avant l'attentat du 19 décembre, pour discuter avec mon homologue allemand. Il se trouve en effet que nous avons, l'un et l'autre, de nombreuses préoccupations communes, mais qu'il a parfois quelques difficultés à se faire entendre par l'autre partie de la coalition à laquelle il appartient, qui est composée de personnes qui peuvent être mes amis… Nous avons donc étudié la manière dont nous pouvions débloquer un certain nombre de choses, notamment par l'action politique que je peux mener auprès de mes amis allemands. C'est d'une importance capitale. J'ai également rencontré, il y a quelques jours, le ministre de l'Intérieur espagnol, à qui j'ai demandé de participer à la coalition que nous voulons mettre sur pied avec l'Allemagne pour faire avancer, au plan européen, des dossiers dramatiquement importants. De fait, si nous ne nous donnons pas la peine d'organiser, entre chaque Conseil, des rencontres bilatérales, ces dossiers ne pourront pas avancer rapidement. Je consacre donc une partie de mon temps à discuter avec mes homologues européens, à les rencontrer lorsque cela est possible, pour les convaincre que les Conseils doivent être, non pas une succession de réunions qui apparaissent comme autant de jeux de rôles, mais l'occasion d'entériner très précisément des avancées concrètes. Si nous n'agissions pas de la sorte, nous ne serions pas à la hauteur de ce qu'exige la situation actuelle de l'Europe. L'Allemagne et la France jouent bien entendu un rôle d'entraînement, mais nous nous efforçons de créer des coalitions avec d'autres gouvernements : je pense en particulier à l'Italie et à l'Espagne, dont nous sommes les plus proches sur bien des aspects de nos politiques.
J'en viens à la question des personnes, françaises ou vivant en France, parties combattre en Irak et en Syrie. Le nombre de ces personnes est actuellement supérieur à 800, dont des femmes et des mineurs combattants, le nombre de ces derniers étant évalué à une vingtaine. Se pose donc le problème du retour de ceux qui décident de rentrer en France, qu'ils estiment – ou prétendent – s'être trompés et veuillent fuir ou qu'ils aient l'intention de commettre sur notre sol les attentats dont ils ont appris les techniques dans des camps d'entraînement. Nous avons, avec nos partenaires et leurs services de renseignement, des échanges d'informations qui doivent nous permettre d'identifier très précisément chacun de ces individus sur zone et de comptabiliser les combattants, ceux qui sont sur le retour et ceux qui meurent sur place – ils sont un certain nombre. Nous avons d'ailleurs parfois des surprises dans ce domaine, car les informations que nous donnent les services ne sont pas toujours avérées. Ainsi, nous ne considérons pas que tous ceux dont on nous annonce qu'ils sont décédés sur zone le sont véritablement ; un certain nombre de cas nous ont donné raison sur ce point.
Toujours est-il que ces personnes font l'objet d'un suivi de nos services de renseignement et d'une prise en charge judiciaire dès leur arrivée en France. Chaque semaine, nous assistons à des retours, opérés le plus souvent via des pays tiers, et je suis régulièrement tenu informé des procédures judiciaires dont les personnes concernées vont faire l'objet. Nous avons pour objectif un suivi total de ceux qui sont sur zone.
En ce qui concerne la situation particulière des mineurs – qui fera l'objet d'une réunion d'une partie du Gouvernement et dont je discuterai avec mes homologues européens – il sera sans doute nécessaire de mener une réflexion sur l'adaptation de notre droit. Un film de propagande de Daech circule actuellement dans lequel apparaissent une dizaine de combattants, tous mineurs et très certainement âgés de moins de treize ans. Aucun d'entre eux n'est Français ou n'avait résidé sur le territoire national, mais ce fut le cas d'autres mineurs combattants. Or, dans l'état actuel de notre droit, ces jeunes sont pénalement irresponsables. Ils ont pourtant appris toutes les techniques de combat. Nous devons donc mener une réflexion sur l'adaptation de notre appareil législatif et, plus largement, sur la prise en charge globale de ces mineurs, car nous serons immanquablement confrontés, dans les prochains mois ou les prochaines années, à cette situation particulièrement préoccupante.
Pour ce qui est des combattants étrangers, qu'il s'agisse du renforcement des échanges et du partage des bonnes pratiques entre États membres, du dialogue entre l'Union européenne et les pays tiers – Turquie, Irak, Liban, Jordanie, Tunisie et pays des Balkans occidentaux – pour améliorer le suivi et bâtir un discours de contre-terrorisme, je suis à la disposition des différentes commissions si celles-ci souhaitent aborder ces sujets de façon spécifique.
J'en viens à la question européenne et à la situation « post-Berlin ». Nous avons renforcé l'ensemble des contrôles aux frontières entre le 19 décembre et le moment où l'auteur de l'attentat a été mis hors d'état de nuire en Italie. Le trajet de celui-ci reste à établir précisément, mais nous connaissons d'ores et déjà certains des endroits par lesquels il est passé pour se rendre de Berlin en Italie. Cela soulève la question du contrôle des flux terrestres dans de telles circonstances, car ce n'est pas la première fois que des cars sont utilisés pour traverser les frontières. L'expérience doit donc nous conduire à prendre des mesures nouvelles, dans l'hypothèse où une personne serait inscrite, en période d'alerte, sur le fichier européen des personnes recherchées du Système d'information Schengen (SIS). Là encore, des évolutions de notre droit seront très certainement nécessaires. J'ai souhaité, par exemple, que l'on étudie les conditions dans lesquelles les caméras de vidéosurveillance installées dans les gares, notamment aux guichets, pourraient être couplées à des logiciels de reconnaissance et à la photo de la personne recherchée ; or cette seule mesure exige que nous soyons prudents sur le plan législatif. En tout état de cause, lorsque l'on soupçonne l'auteur d'un acte terroriste de vouloir s'échapper du pays où cet acte a été commis, les moyens, notamment de vidéosurveillance, dont sont équipés les lieux où sont délivrés des titres de transport doivent nous aider à rechercher le suspect. C'est un objectif que nous devons poursuivre et il nous faut donc étudier les bases légales qui permettront de l'atteindre.
À Jean-Pierre Decool qui pose toujours les questions de manière limpide, j'apporterai une réponse plus précise sur l'engorgement du camp de Grande-Synthe qui compte aujourd'hui plus d'un millier d'hommes et de femmes en situation d'attente. Là comme ailleurs, il nous faut traiter individuellement chacun des cas. Aujourd'hui, nous devons résoudre des problèmes de transfert vers des centres d'accueil et d'orientation et de prise en charge de ceux qui sont présents. J'ai l'espoir, avec des moyens supplémentaires, de pouvoir amorcer le plus rapidement possible le désengorgement du camp de Grande-Synthe. J'aurai l'occasion de revenir sur cette question et de vous préciser les moyens que j'entends mobiliser pour parvenir à cette fin.
Je rencontrerai M. Julian King le 20 janvier pour évoquer les différents sujets sur lesquels il peut être d'un soutien précieux. Évidemment, compte tenu des décisions prises par le Royaume-Uni en ce qui concerne son appartenance à l'Union européenne, nous nous demandons toujours si nous allons encore travailler longtemps ensemble… Mais je vais faire comme si j'allais travailler longtemps avec lui et il fera de même, ce qui nous permettra de nous abstraire de tout calendrier.
Concernant le Mali, je sais, monsieur Loncle, que vos contacts avec ce pays ami sont très réguliers. Au mois de décembre a eu lieu à Paris une mission d'identification, financée par FRONTEX. Sur les 22 étrangers rencontrés, neuf ont été reconnus comme Maliens – ce sont des petits chiffres mais qui permettent de vérifier si les choses fonctionnent. Pourtant, aucun laissez-passer consulaire n'a été délivré. Il n'y a plus de délivrance de laissez-passer aujourd'hui ; il n'y a d'ailleurs plus de consul général du Mali à Paris, ce qui pose un problème dans la situation actuelle. Les discussions européennes sur place sont bloquées. J'espère que les contacts qui pourront être noués à l'occasion du sommet Afrique-France de Bamako vont permettre d'avancer. Je vois un grand intérêt à renouer une relation de confiance. Pendant que nous ne discutons plus et que nous ne reconduisons plus, les problèmes continuent à s'accumuler et je ne peux m'en satisfaire.
Madame Chantal Guittet, l'action de FRONTEX s'inscrit bien entendu dans le cadre des règles européennes, notamment de la liste des pays sûrs qui est établie par l'Union européenne. FRONTEX n'a pas à se substituer aux États européens pour prendre les décisions mais à faire en sorte que les ressortissants de pays sûrs puissent être débarqués, lorsqu'ils sont identifiés, dans les ports pour permettre leur reconduite dans leur pays d'origine. FRONTEX a aussi un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre les réseaux de passeurs, là aussi dans le respect du droit existant.
J'accepte volontiers de débattre avec François Fillon des quotas. Le quota de 200 000 étrangers qu'il propose correspond peu ou prou au nombre d'étrangers entrant dans notre pays chaque année... La campagne électorale sera l'occasion de préciser les modalités de ces quotas auxquels je ne suis pas favorable. Toutefois, il me semble important d'assurer la plus grande transparence sur les chiffres. Dans quelques jours, la direction générale des étrangers en France rendra publiques les statistiques pour 2016 de l'immigration, de l'asile et de l'acquisition de la nationalité française. Je suis à la disposition du Parlement pour venir m'expliquer sur ces chiffres et sur la politique que le Gouvernement entend mener en 2017.
S'agissant du Maroc, du Sénégal et de l'Espagne, nous avons décidé, avec le ministre de l'Intérieur espagnol, de nous rendre tous deux en Afrique pour montrer la volonté de plusieurs pays européens d'agir ensemble. J'ai retenu de notre discussion que la relation dépassait largement la question potentiellement conflictuelle de l'immigration pour englober les dimensions économiques et diplomatiques permettant ainsi d'aboutir à des procédures plus fluides, reposant sur une confiance très forte, voire absolue entre ces pays. Je crois que nous devons nous inspirer de ce modèle.
Pour ce qui est des mineurs isolés, je préférerais consacrer une séance spécifique devant les commissions à cette question particulièrement lourde. En outre, je dois dans quelques minutes m'entretenir avec Mme Amber Rudd, la secrétaire d'État à l'Intérieur britannique, au sujet précisément des mineurs isolés qui souhaitent rejoindre l'Angleterre et qui en sont pour l'instant empêchés. Je ne voudrais pas rater ce rendez-vous…
La séance est levée à dix-huit heures.