Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 2 avril 2013 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • aménagement
  • critère
  • espace
  • indicateur
  • inégalité
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  • ville

La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné M. Eloi Laurent sur le rapport de la mission « Vers l'égalité des territoires ».

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Nous accueillons M. Éloi Laurent, économiste, professeur à Sciences Po, qui a été chargé par Mme Cécile Duflot, ministre de l'Égalité des territoires et du logement, d'une mission sur l'égalité des territoires. Merci d'avoir répondu à notre invitation à venir nous parler du rapport qui en est issu.

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éloi Laurent

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré de vous présenter la mission qui m'a été confiée et le rapport auquel elle a donné lieu. J'exposerai d'abord son contexte, puis la méthode que j'ai suivie, avant d'en venir au plan du rapport. Je vous présenterai ensuite les avancées ou, tout au moins, les nouveautés qu'il contient, et je conclurai par les chantiers politiques qu'il peut conduire à ouvrir, selon ce que décidera la représentation nationale.

La mission qui m'a été confiée était passionnante : Mme Cécile Duflot m'a demandé de réfléchir à une nouvelle politique publique, et non simplement à l'un de ses aspects. L'enjeu consistait à déterminer ce que pourrait être une politique d'égalité des territoires. Le délai qui m'était imparti était très bref : entamés le 10 octobre dernier, nos travaux devaient prendre fin à la mi-février, pour le cinquantième anniversaire de la DATAR. Il nous a donc fallu aller vite, comme souvent dans ce type d'exercice.

La méthode que j'ai adoptée a d'abord consisté à m'entourer d'une grande diversité de chercheurs. Trente-sept chercheurs ont ainsi apporté 23 contributions, qui constituent un rapport d'environ 550 pages au total. Cette pluralité visait à permettre d'aborder l'objet du rapport sous une multiplicité d'angles. En effet, il peut être utile que les économistes, qui ont parfois tendance à considérer qu'ils détiennent la vérité suprême, dialoguent avec les autres sciences sociales. Ont donc également participé au rapport des géographes, des urbanistes, des sociologues et des climatologues. En somme, il s'agit d'un travail collectif de recherche.

La seconde originalité de ma méthode a consisté à associer des responsables politiques à notre réflexion. Car un territoire, c'est un point de contact entre des flux économiques et des frontières politiques ; c'est le produit d'un espace et d'un pouvoir. Dès lors, les responsables politiques en connaissent aussi bien la réalité que les chercheurs, voire mieux. Chaque contribution d'un chercheur, qui occupe une vingtaine de pages, est ainsi complétée par ce que nous avons appelé un « regard d'élus », en cinq pages. L'Assemblée nationale, en particulier, a beaucoup apporté : le rapport se clôt par votre contribution, monsieur le président ; Alain Calmette et d'autres députés ont également collaboré. Nous avons ainsi voulu croiser les points de vue des responsables politiques et ceux des chercheurs ; il arrive que les regards se croisent peu, qu'ils s'orientent vers des directions opposées, ou que leur confrontation produise des étincelles.

En troisième lieu, je souhaitais que le rapport, qui est assez volumineux, soit disponible rapidement et sous un format accessible. Son découpage en 23 contributions thématiques facilite la lecture, mais il fallait en outre le rendre consultable sur Internet. Pour la première fois, un rapport public est disponible non en format PDF mais directement sur un site, consultable à l'adresse http:verslegalite.territoires.gouv.fr et qui permet d'accéder à chaque contribution. On y trouve également le rapport de la commission présidée par Thierry Wahl, qui a travaillé en parallèle sur les aspects institutionnels de l'égalité des territoires. Le site associe ainsi, sous un format aussi interactif que possible, un rapport relatif à la forme que pourrait prendre un futur commissariat général à l'égalité des territoires et, quant au fond, le rapport issu de la mission que j'ai eu l'honneur de conduire.

J'en viens au plan adopté, qui comporte trois parties. La première porte sur la dynamique des territoires français, qui ont beaucoup évolué depuis une vingtaine d'années, alors même qu'au cours des dix dernières années la réflexion progressait plus lentement, ou, du moins, devenait beaucoup plus monochrome. Cette partie se fonde sur un constat simple, celui d'une dialectique de la continuité et des ruptures. Du fait de la continuité urbaine de la France, 80 % des Français vivent aujourd'hui dans l'espace urbain. Dans dix ans, ils seront 90 %. Il s'agit d'une tendance mondiale, qui s'est accélérée au cours des vingt dernières années. Pour la première fois dans l'histoire humaine, plus de la moitié des habitants de notre planète vivent dans des villes ; cette proportion atteint 80 % dans les pays développés. De cette nouvelle continuité résultent des ruptures.

Dans la contribution qui ouvre le rapport, le géographe Jacques Lévy s'appuie sur la notion de gradient d'urbanité pour montrer comment, plus on s'écarte d'un centre dense et divers, plus les périphéries perdent en densité et en diversité. En périphérie, la première rupture rencontrée est sociale : la deuxième contribution a pour objet le rapport entre les territoires et les dynamiques d'emploi. Vient ensuite la rupture caractérisant les espaces ruraux, sur lesquels porte la troisième contribution. La dernière est consacrée aux outre-mer, très grande périphérie française.

Dès cette première partie, le rapport part du principe selon lequel l'approche du territoire doit prendre en considération non seulement l'efficacité économique mais aussi l'équité. C'est tout l'enjeu du passage de l'« aménagement du territoire », tel qu'il est conçu depuis cinquante ans en France, à l'« égalité des territoires ». Ainsi se voit explicité l'objectif politique – et même éthique puisque c'est de justice qu'il s'agit – de cette nouvelle approche.

La deuxième partie s'efforce de prendre la mesure des nouvelles inégalités territoriales en France. Aux inégalités économiques, que mesurent le revenu et le PIB par habitant, il convient d'ajouter les inégalités de santé et d'éducation. Au demeurant, la dynamique des seules inégalités économiques est déjà complexe : elles peuvent se résorber entre régions, entre départements ou entre les espaces urbains et ruraux tout en s'aggravant à l'échelle plus fine du quartier ou de l'îlot. Afin de tenir compte de ces nouvelles inégalités, cette partie fournit les pièces d'une boîte à outils, des éléments empiriques comme les outils cartographiques fins ou l'observation sociale locale, qui font chacun l'objet d'un chapitre. Une sous-partie est consacrée aux inégalités environnementales, dans laquelle un chapitre entier porte sur le changement climatique et sur les inégalités qui en découlent par le biais des politiques tant d'adaptation que d'atténuation. Mais les inégalités environnementales ne se réduisent pas à ce problème, comme le montre l'exemple des particules fines.

La troisième partie porte sur les politiques à mettre en oeuvre. Nous proposons d'abord, afin de saisir les inégalités territoriales de manière dynamique plutôt que statique, de faire usage de nouveaux indicateurs, notamment les indicateurs de développement humain et de soutenabilité. Après nous être demandé si la politique d'égalité des territoires était incompatible avec le développement économique – en somme, comment concilier efficacité économique et équité –, nous présentons les politiques auxquelles recourir : d'une part, les instruments classiques que sont le zonage et la péréquation ; de l'autre, de manière plus innovante, l'approche sociale-écologique des villes françaises.

J'en viens aux quelques avancées ou, du moins, nouveautés incluses dans ce rapport qui présente aussi – nous ne prétendons pas le contraire – des éléments bien connus. La plus évidente est la définition de l'égalité des territoires, à laquelle la mission impliquait en premier lieu que nous donnions un sens. Cette notion laisse sceptique nombre de chercheurs et de responsables politiques. C'était également mon cas lorsque j'ai entrepris ce travail, pour une raison simple : l'égalité s'entend entre des personnes, non entre des espaces ou des institutions. Dès lors, pour que l'égalité des territoires soit pensable, elle doit être compatible avec une théorie de la justice qui s'applique aux personnes, sans quoi elle resterait une notion abstraite, voire un principe contraire au choix des personnes. Je tente de montrer dans l'introduction que c'est possible, à condition de partir d'une conception de la justice fondée sur les capacités des personnes. Dans ce cas, les territoires peuvent être conçus comme entravant ou favorisant les capacités des personnes. Ainsi, un chômeur qui habite dans une zone urbaine sensible où il ne dispose pas des moyens de transport qui lui permettraient de trouver un emploi voit ses capacités contraintes par le territoire où il vit. Dès lors, il est légitime d'espérer développer l'égalité entre les personnes par le biais des territoires, en allégeant la contrainte du territoire pour libérer les capacités des personnes.

L'égalité des territoires possède même un fondement juridique : le principe d'égalité entre les collectivités territoriales figure depuis dix ans dans la Constitution et est appliqué par le juge constitutionnel. Dès la pensée fondatrice d'Eugène Claudius-Petit, qui a conçu l'aménagement du territoire après guerre, les enjeux éthiques avaient leur place au côté de la quête de l'efficacité économique.

Cette dimension politique et de justice s'impose dans la mesure où le territoire est toujours aménagé par le marché. On le constate lorsque l'on observe les espaces métropolisés ou périurbains, organisés par la logique de production et de consommation, d'une part, et par les logiques résidentielles, d'autre part. L'idée d'égalité des territoires implique qu'une volonté politique peut contrer cet aménagement ou se combiner avec lui.

La seconde avancée consiste à montrer que les inégalités territoriales sont plurielles et doivent être abordées de manière plurielle. En France, on se focalise essentiellement sur les inégalités économiques, appréhendées surtout par l'intermédiaire du revenu ou du PIB par habitant, au détriment des inégalités de santé et d'éducation – dans les enseignements secondaire et supérieur –, bref des inégalités de développement humain au sens des Nations Unies, qui a développé depuis vingt ans des indicateurs pour les mesurer.

Troisième avancée : les inégalités sont dynamiques ; elles obéissent à une logique temporelle, au-delà de l'acception statique qui, là encore, s'attache au revenu et au PIB par habitant. Ainsi, les inégalités de capital humain – c'est-à-dire de formation – ou de santé qui existent aujourd'hui produiront leurs effets dans dix ou quinze ans, notamment sur le revenu par habitant. De ce point de vue, c'est leur dimension environnementale – et d'abord la question du changement climatique – qui est la plus décisive, car la plus lourde de conséquences d'ici à quinze ou vingt ans.

Quels sont enfin les chantiers politiques que le rapport peut conduire à ouvrir ? Ils sont nombreux et si ce n'est pas à nous, chercheurs, de nous prononcer sur ce point, je rappelle que 23 des 60 contributeurs sont des responsables politiques. Trois orientations possibles se dégagent du rapport. La première est la transition sociale-écologique : comment envisager la transition écologique en lien avec les enjeux sociaux ? Ce qui engage la transition énergétique et sa dimension territoriale, les inégalités environnementales, le changement climatique, le système fiscal. La seconde est la réforme des instruments classiques de l'égalité verticale mis en oeuvre par l'État : le zonage et la péréquation. Nous formulons à ce sujet des propositions précises. Je me suis efforcé de classer nos recommandations, qui tiennent en quatre pages, selon un principe de subsidiarité : ce que peuvent faire d'abord les territoires, ensuite l'État, enfin l'Europe. La troisième orientation, dont j'ai parlé ici même la semaine dernière, répondant à l'invitation d'Alain Calmette et de Brigitte Allain, est la coopération entre espaces ruraux et urbains, qu'il est tout à fait obsolète d'opposer les uns aux autres. Comment intégrer les espaces ruraux à la dynamique urbaine dans une France qui s'est très fortement urbanisée ? Ce chantier primordial comporte une dimension écologique, s'agissant par exemple de l'économie circulaire et de la transition énergétique.

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Je salue au nom du groupe SRC l'approche tout à fait originale qui caractérise ce rapport. Il est très lisible malgré son volume, grâce au découpage en 23 contributions qui constituent autant d'entrées indépendantes.

Un constat s'impose : celui du fait métropolitain, un nombre croissant d'habitants de notre pays se concentrant dans les villes qui rassemblent désormais 80 % de la population, ce qui accroît la superficie des espaces ruraux. Cette évolution et ses effets sur les infrastructures, les grands travaux, les technologies affectent la carte des inégalités : à l'intérieur d'une même région, certains territoires sont favorisés alors que les écarts entre régions tendent à s'estomper.

Une grande nouveauté du rapport est la place qu'il réserve aux inégalités environnementales.

Un autre apport essentiel découle de la caractérisation qu'il propose de la notion d'égalité des territoires, dont il existe autant de définitions que d'interlocuteurs. Alors que l'aménagement du territoire, disiez-vous, a jusqu'à présent dépendu du marché, l'égalité des territoires suppose l'intervention de la puissance publique pour contrecarrer les effets néfastes de cet aménagement sur les territoires défavorisés. À cet égard, la décentralisation, née d'une excellente idée, celle d'appliquer le principe de subsidiarité et de traiter les problèmes au plus près des territoires, a plutôt aggravé les inégalités territoriales que corrigé les effets du marché, dans la mesure où les collectivités des territoires les plus défavorisés sont les plus pauvres et celles des plus favorisés sont les plus riches. En outre, ces dernières années, la politique d'aménagement du territoire s'est caractérisée par la mise en concurrence des territoires par les appels à projet, les pôles de compétitivité, les pôles d'excellence rurale, qui induisent une approche par territoire au lieu d'encourager la complémentarité et le développement harmonieux des territoires. En outre, les territoires les plus défavorisés ne disposent pas d'une ingénierie assez développée pour se défendre dans cette compétition, ce qui creuse encore l'écart que cette politique ambitionnait de réduire.

En ce qui concerne les solutions proposées, je note l'importance accordée à la transition sociale-écologique. Il y a effectivement beaucoup à changer dans les instruments de l'égalité verticale et, plus généralement, dans la gouvernance de l'aménagement du territoire ou de l'égalité des territoires. Je vous rejoins également s'agissant de la coopération entre espaces urbains et ruraux, à cette réserve près : comme les espaces urbains et périurbains, dont les problèmes spécifiques ont justifié en leur temps la création de la politique de la ville, les espaces ruraux ont leurs particularités qui appellent une approche distincte. Que veut-on faire des espaces ruraux ? Des espaces de loisir et de villégiature pour les habitants des métropoles ou des territoires d'avenir, des lieux d'équilibre et de lien social ? Dans cette dernière hypothèse, l'offre culturelle, de loisirs et économique ne devrait pas être ramenée en deçà d'un certain seuil, sans quoi ces territoires, perdant toute attractivité, mourront de leur belle mort. Pour l'éviter, une intervention énergique de la puissance publique, et en tout état de cause de l'État, est absolument nécessaire.

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Je vous félicite, monsieur Laurent, d'avoir mené à bien ce long rapport associant chercheurs et élus et d'avoir su en vulgariser les conclusions, ce qui n'était pas facile.

La France entretient un lien charnel avec ses territoires, qui résulte sans doute de son histoire, de sa capacité de production et de la nature de ses productions. Au-delà du territoire, c'est le terroir que nos campagnes ont su promouvoir au service de nos concitoyens.

Je suis d'accord pour dire qu'il ne faut pas opposer les uns aux autres, la métropole et l'outremer, les grandes villes et les campagnes, la montagne et le littoral. En revanche, contrairement à M. Calmette, j'estime que les politiques récentes de correction des flux économiques et des frontières politiques ont contribué à la solidarité entre les territoires. C'est le cas des réformes des structures administratives et de la politique de coopération intercommunale mise en oeuvre par les différentes majorités, une grande politique qui porte incontestablement ses fruits. Elle aurait probablement dû s'accompagner d'une réflexion plus poussée sur le millefeuille administratif. Je regrette donc au nom du groupe UMP que le conseiller territorial, dont la création aurait resserré les liens entre le département et la région, n'ait pu être expérimenté.

Vous l'avez dit, le territoire, c'est aussi le marché. De ce point de vue également, les appels à projet m'apparaissent comme une réussite. Avec les pôles d'excellence rurale, un territoire – élus, savoir-faire locaux, enseignement, entreprises – se mobilise et bénéficie tout entier des stratégies mises en oeuvre même si elles sont initialement circonscrites à un domaine précis.

Les zones de revitalisation rurale méritent une attention particulière. Ce zonage inclut une redistribution et destine une aide particulière aux communes concernées, tout comme la politique de la ville dans certains de nos quartiers.

Vous avez insisté sur la nécessité d'une approche dynamique. Dans un domaine en évolution, votre rapport à la ministre et les propositions qu'elle a formulées en Haute-Saône doivent maintenant se traduire par des actions concrètes. Quelle politique de la santé ? Quelle offre de soins dans les territoires les plus déshérités en la matière, dont les zones rurales mais aussi certains quartiers urbains ? Les maisons de santé, qui représentent un véritable progrès, seront-elles maintenues, voire développées ? Quelles infrastructures de communication, si essentielles aux territoires, alors que le schéma national des infrastructures de transport est mis en pièces ? Quelle politique du numérique et des nouvelles technologies, qui sont à la croisée des chemins ? Dans ce domaine, le grand emprunt nous avait permis de procéder à des expérimentations. Demain, c'est de la fibre optique (FTTH) qu'il faudra sans doute équiper l'ensemble des territoires. S'agissant enfin de la fonction agricole de nos territoires, au-delà des circuits courts et des autres effets de mode, l'agriculture productrice ne continue-t-elle pas d'assurer le lien social entre les territoires ruraux et urbains ?

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Au nom du groupe UDI, je remercie M. Eloi Laurent de sa présentation. Cette approche de l'égalité des territoires me paraît soulever trois questions. Premièrement : quelle égalité ? Vous avez abordé ce problème au début de votre exposé. Il y a environ trois ans, un rapport a été publié qui classait les régions françaises selon deux critères : le PIB par habitant et l'indice de développement humain. Le résultat était extrêmement étonnant : selon le premier critère, l'Île-de-France était classée première, le Limousin dernier ; selon le second critère, c'était l'inverse. L'écart est tel et les notions en jeu si politiques qu'il paraît très difficile et audacieux de consacrer un rapport à l'égalité des territoires. Ce classement donne la mesure de l'écart entre l'intention qui sous-tend la promesse d'égalité des territoires et sa réalisation.

La deuxième question porte sur la complémentarité et l'articulation des métropoles et des autres territoires. Sur le fait métropolitain à l'échelle mondiale, je serai plus nuancé que vous : je ne suis pas certain que le phénomène soit le même dans les pays émergents et dans nos « vieilles » économies. Contrairement aux nôtres, dont le territoire est petit et assez concentré, les métropoles d'Amérique du Sud ou de certains pays d'Asie, qui comptent 30 ou 40 millions d'habitants, tirent profit de la faible pression foncière pour accueillir les industries. Il conviendrait de s'interroger sur l'articulation entre zones denses et zones à faible densité : les secondes doivent être préservées en raison de leur vocation productive, de leur capacité à accueillir l'industrie, l'artisanat, l'agriculture et les PME, mais elles ne pourront continuer à jouer ce rôle qu'à condition de se rapprocher de la métropole, qui seule leur apporte la valeur ajoutée dont elles ont besoin pour être compétitives. Dès lors, le véritable enjeu est la mobilité entre ces deux zones. Implantée à deux ou trois heures d'une métropole, une entreprise industrielle est sans avenir ; plus près, elle pourra y puiser les fonctions immatérielles dont dépend la compétitivité hors prix. C'est une question de choix politique. La régénération de nos activités économiques et industrielles en dépend, ainsi que le sens de notre travail sur la valeur ajoutée : si nous fabriquons de la valeur ajoutée sans l'adosser à un projet industriel, artisanal ou agricole, elle ne pourra résister à la concurrence des pays émergents qui ont plus de moyens que nous.

Le troisième problème est celui des mobilités. Vous n'avez pas employé le terme, mais la notion sous-tend sans doute vos travaux. Elle est essentielle, car s'il est impossible de mettre les habitants de tous les territoires sur un pied d'égalité, il est primordial de donner à chacun la capacité de se rendre dans les territoires correspondant à ses qualifications et à ses attentes, notamment en termes de qualité de vie. Ce qui engage les questions suivantes : quelles mobilités infra-régionales, entre zones denses et moins denses ? Quelle mobilité entre métropoles, notamment entre nos métropoles et les autres métropoles européennes ? On cherche souvent davantage à se rapprocher de Paris qu'à articuler nos métropoles entre elles. Quelle mobilité, enfin, vers le reste du monde ? Un récent rapport soulignait le rôle des grands ports français dans le contexte de conteneurisation des flux internationaux. De fait, l'égalité des territoires supposerait que tout notre territoire soit connecté à un grand port maritime et, par là, au reste du monde. Il en va de même des aéroports – je songe au débat sur Notre-Dame-des-Landes.

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Au nom du groupe écologiste, je remercie M. Eloi Laurent d'être venu nous présenter son excellent rapport, qui a le mérite d'inclure dans la définition de l'égalité des territoires les critères environnementaux, trop souvent oubliés. De fait, pour penser l'égalité des territoires mais aussi, plus généralement, notre modèle de développement, il ne faut pas s'en tenir au seul PIB. Les inégalités territoriales, qui sont plurielles, sont trop souvent abordées sous le seul angle économique. D'autres critères doivent être pris en considération : non seulement les critères environnementaux mais, plus largement, la qualité de vie. En effet, on peut vivre mieux dans un territoire moins riche. Toutefois, l'on se heurte alors au caractère subjectif de la notion de mieux-vivre.

Vous évoquez un indicateur composite qui agrégerait ces différents critères. Quels indicateurs environnementaux prendrait-il en considération ? Peut-on combiner le taux de particules fines dans l'air, la qualité de l'eau, l'offre culturelle, l'offre de transports en commun, le taux de chômage ? Si l'on tient compte de critères très nombreux, tout territoire sera nécessairement défavorisé selon l'un ou l'autre d'entre eux. Ainsi, un territoire plus riche que la moyenne et bien desservi mais souffrant de graves problèmes environnementaux sera-t-il considéré comme victime de l'inégalité territoriale ? En outre, comment intégrer concrètement ces indicateurs à l'action politique ?

Je me réjouis que vous remettiez en question le dogme de la compétitivité et de la concurrence entre territoires. Sous la précédente législature, la DATAR avait ainsi été rebaptisée délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT). C'était faire fausse route.

Quelle peut être l'échelle pertinente à laquelle intervenir pour remédier aux inégalités territoriales ? Le département, afin de le désenclaver ? La ville, pour sauver un hôpital et combattre ainsi les inégalités de santé ? Le quartier, notamment en milieu urbain, où l'enclavement est possible sur de petites distances ? La rue elle-même, où le bruit, la pollution ou la proximité avec une ligne de chemin de fer, par exemple, peut affecter la qualité de vie et créer par là même une rupture territoriale ? Mais si l'on multiplie les échelles, on multiplie aussi les critères.

Comment, dans ce cadre, tenir compte de l'intérêt général et repenser l'action publique ?

La dimension temporelle doit également être prise en considération. Elle ne se limite pas au temps de transport mais inclut les rythmes scolaires et le temps de la vie, voire le partage du travail – autant de notions auxquelles les écologistes s'intéressent particulièrement. Avez-vous intégré ces aspects à votre réflexion ?

L'égalité des territoires engage également la démocratie, en particulier la démocratie participative.

S'agissant enfin des inégalités de santé, la rationalisation de l'offre hospitalière, qui consiste le plus souvent à fermer des hôpitaux ou des services hospitaliers, ne risque-t-elle pas de créer de nouvelles inégalités entre territoires ?

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La question des territoires est un enjeu majeur dans notre société : parallèlement à l'idée d'une société urbaine, la nécessité d'une ruralité moderne doit elle aussi s'imposer. L'exode rural est devenu un exode urbain. La population rurale augmente sans cesse, même si ceux qui s'installent à la campagne n'ont pas nécessairement choisi d'y vivre.

Comme nous, vous aspirez à une stratégie de revitalisation productive des territoires, à rebours d'un regard condescendant sur eux ou d'une logique d'assistance. Ce point de vue nous est précieux. Mais, loin de se réduire à un concept, les territoires ruraux sont des lieux de vie juxtaposés qu'il faut organiser. À cet égard, il me semble qu'il manque dans votre excellent rapport les contours d'un outil qui, à l'instar des métropoles pour l'urbain, permettrait aux territoires ruraux de prendre leur destin en main.

Élu rural depuis près de trente ans, j'ai le sentiment que l'échelle pertinente sur laquelle vous interrogeait Laurence Abeille est celle d'intercommunalités de projet, dotées du périmètre des SCOT. Qu'en pensez-vous ?

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Je remercie M. Eloi Laurent de son exposé sur ce vaste sujet à propos duquel chacun d'entre nous a sa propre opinion. L'intérêt de votre rapport réside à mes yeux dans la notion d'inégalités plurielles. Toutefois, contrairement à ce que disait notre collègue Alain Calmette, l'aspiration à l'égalité ne doit pas nous conduire à renoncer à l'émulation, qui fait progresser nos territoires.

En ce qui concerne l'échelle pertinente, nous avons aujourd'hui 400 SCOT, dont 200 sont en cours d'application, depuis peu car la loi est relativement récente ; d'ici à 2016, tout le territoire sera couvert. Je rejoins ici la proposition de M. Philippe Plisson : le SCOT n'est-il pas l'un des outils du dialogue que nous souhaitons entre l'espace urbain et l'espace rural ? Un autre outil intéressant est apparu avec la création, dans le cadre de la réforme territoriale, de métropoles multipolaires ou pôles métropolitains, qui ont connu un grand succès. Ils permettent de conforter les villes moyennes tout en garantissant leur bonne collaboration avec les grandes villes, mais favorisent aussi les territoires intermédiaires.

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Monsieur Eloi Laurent, je vous félicite pour ce rapport très intéressant. Vous soutenez qu'il ne faut pas opposer espaces ruraux et urbains, mais comment parler d'un principe d'égalité des territoires alors que depuis des années, dans nos territoires ruraux, les services publics partent, les effectifs de la gendarmerie diminuent, les commissariats, les perceptions, les tribunaux, les écoles de proximité disparaissent, les hôpitaux sont fragilisés, les transports font défaut ? Ces territoires, dépourvus en outre de couverture numérique et d'accès au haut débit, sont de moins en moins attractifs. Rien n'est fait pour les ruraux, qui se sentent abandonnés. Croyez-vous possible d'inverser cette tendance ? Je suis élue d'un territoire rural aménagé par deux SCOT grâce aux efforts des élus, ce qui nourrit les espoirs ; mais les SCOT, si importants soient-ils, fournissent-ils la solution au problème ?

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Comment définissez-vous le monde rural ? N'y a-t-il pas plusieurs formes de ruralité ? Comment expliquer que le solde migratoire y soit globalement positif au cours des dernières années, étant donné les contraintes de mobilité et les dépenses d'énergie – carburant, chauffage, etc. ?

Plusieurs outils ont été évoqués, dont les SCOT. Que pensez-vous du rôle des pays dans la coopération entre monde urbain et monde rural ? Les communes rurales peuvent-elles y trouver leur compte, la solidarité étant parfois difficile à mettre en oeuvre ?

Les transports en commun en milieu rural ont-ils un avenir ? Grâce à quel financement ?

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Monsieur Eloi Laurent, vous avez été chargé de l'un des innombrables rapports demandés par le Gouvernement. Je vous félicite d'avoir produit ces 550 pages. Le site du ministère loue votre travail en insistant sur les auditions réalisées, notamment celles des élus, mais il ne présente que celles de députés socialistes et de personnalités telles que Martine Aubry et Ségolène Royal : bel esprit de pluralisme ! En présentant votre rapport à Vesoul, la ministre Cécile Duflot a déclaré : « Plus que jamais, la réalité territoriale rend nécessaire les noces de l'écologie et de la République. » L'expression est belle, mais ce n'est pas ainsi que l'on apaisera les inquiétudes qui s'expriment dans nos territoires ruraux à propos de l'accès aux soins, aux services publics, à l'éducation, du développement du numérique et de l'offre de transports publics.

Ce rapport – que j'ai dû me contenter de survoler vu son volume – est technocratique et très abstrait, ce qui conforte mon scepticisme quant à la formule du ministère de l'Égalité des territoires. Élu d'un territoire rural, je crois aux atouts et aux spécificités de ces territoires qui ont toute leur place dans leur République : ils représentent 20 % de la population mais 80 % de notre superficie. L'essentiel n'est pas l'égalité mais la reconnaissance par les pouvoirs publics de ces populations et des espaces où elles vivent. À l'égalitarisme, il faut préférer la complémentarité et la coopération, France urbaine et France rurale devant cheminer l'une comme l'autre sur la voie du progrès, mais de manière différenciée. C'est une chance : une conception égalitaire donne de la France une vision par trop uniforme.

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À mon tour de vous féliciter, monsieur Eloi Laurent, pour la qualité de votre rapport. Votre constat est très juste. Vous mettez le doigt sur les problèmes des territoires ruraux les plus enclavés et les plus touchés par le décrochage, ceux où les inégalités sociales, économiques et de santé sont maximales. Vous insistez sur le rôle des petits bourgs-centres au service de la ruralité la plus profonde ; j'y suis particulièrement sensible. Mais ces villes manquent cruellement de moyens humains et financiers : les particuliers les plus fortunés préférant le bord de mer, la montagne ou la grande ville, et les industries ayant déménagé, ils ne bénéficient ni de la richesse privée ni de la richesse fiscale. Dans ce contexte, comment mener à bien des politiques de développement nous permettant de nous prendre entièrement en main et d'accomplir nos missions au service de la ruralité ?

Afin de soutenir ces territoires en décrochage, de cibler le plus finement et de doser au plus juste l'action publique – puisque l'argent est rare –, quels indicateurs retenir ? Quelle part donner à chacun ? Quels sont les plus pertinents ? Comment, ainsi que le demandait Mme Laurence Abeille, les intégrer à l'action politique ?

Dans ces territoires, l'action économique et l'investissement dans les infrastructures de transport sont également indispensables. Quel secteur d'activité pouvons-nous y développer ? Comment contribuer à leur compétitivité ?

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Je vous félicite à mon tour de l'originalité de votre méthode et de la richesse de votre rapport. Comme mon collègue, j'avoue avoir surtout pris connaissance de l'introduction et des recommandations, me contentant de survoler le reste.

On y voit les prémices d'un nouvel âge de l'aménagement du territoire, la marque d'une rupture avec une logique d'appel à projets uniquement concurrentielle dont témoignait en effet l'acronyme un temps attribué à la DATAR. L'orientation est désormais moins verticale, plus partenariale.

Vous proposez de renouveler les instruments d'observation, que nous évoquons rarement dans nos travaux. Il est vrai que les outils sont particulièrement nombreux et souvent sectoriels, ce qui induit une fragmentation. Les unités statistiques spécialisées que vous proposez permettraient une recomposition dynamique. Sur quelle évaluation déboucherait-elle et quel rôle jouerait-elle dans l'« humanisation » des indicateurs ?

Vous mentionnez également à plusieurs reprises l'appel aux contrats, dont nous n'avons pas encore parlé, dans le secteur de la santé ou pour assurer l'égalité entre espaces ruraux et urbains. Ces derniers sont eux aussi concernés par l'exigence de justice territoriale, notamment les villes moyennes, qui connaissent de grandes difficultés. J'ai noté avec intérêt votre proposition d'un pacte de gouvernance territoriale, conçu comme une nouvelle architecture des pouvoirs territoriaux. Cependant, l'outil contractuel, bien connu dans le domaine de l'aménagement du territoire, y a rencontré un succès tout relatif. Quelle conception actualisée en proposez-vous ?

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L'égalité des territoires est un principe auquel nous sommes tous attachés depuis fort longtemps. Vous avez tout à fait raison : il n'est pas question d'opposer les territoires ruraux et urbains, qui sont complémentaires. Nous constatons toutefois comme élus que les inégalités entre eux s'aggravent avec le temps. Il en résulte une véritable fracture, que j'observe tout particulièrement dans mon département, notamment au niveau des infrastructures. Tous les territoires devraient être desservis. La présence d'infrastructures encourage nos concitoyens à s'installer et à travailler dans les territoires difficiles, les entreprises à s'y développer ; elles permettent ainsi de maintenir de l'activité dans les petites et moyennes communes. On l'a dit, les territoires ruraux représentant 20 % de la population sur 80 % du territoire. Ils participent à l'équilibre national. Ils méritent tout simplement de vivre. Cela ne suppose-t-il pas une péréquation plus poussée et plus pérenne au niveau national ?

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Merci, monsieur Eloi Laurent, pour cet exposé magistral. Dans le vaste territoire rural dont je suis l'élu, j'observe un repeuplement continu – même si, en pourcentage, les équilibres restent les mêmes puisque la France s'urbanise – et je vois des ruraux qui ont désormais la tête en ville, qui aspirent, même lorsqu'il s'agit d'anciens paysans, à un mode de vie leur offrant tous les services dont ils ont besoin. Dès lors, la grande difficulté à laquelle le monde rural est confronté est la distance, qui opère une sélection économique et sociale puisque l'on ne peut pas tout trouver sur place.

En ce qui concerne la réforme des instruments, l'on s'est beaucoup fondé, soit sur des délocalisations, à l'âge d'or de l'aménagement du territoire, soit sur le développement endogène. Ne faudrait-il pas envisager un desserrement des outils urbains au profit des territoires ruraux ? Dans la zone périurbaine autour de Bordeaux, nous ne disposons d'aucun outil approprié permettant de rénover les bourgs-centres. La plupart d'entre eux perdent des logements tandis que l'on pratique l'étalement urbain en périphérie. Nous rencontrons les mêmes difficultés s'agissant de la mise à disposition de centres de formation professionnelle et continue ainsi que des spécialités dans les lycées, que nous perdons en grand nombre. À moindres frais, la formidable richesse de l'environnement de services publics et privés que l'on trouve en ville ne pourrait-elle bénéficier un peu plus aux campagnes, par exemple par la voie contractuelle ? Car ni la péréquation financière ni les gains en budget public obtenus grâce au zonage ne sauraient, surtout dans un contexte budgétaire contraint, suffire à assurer leur développement.

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Monsieur Eloi Laurent, votre méthode, que vous jugez innovante en ce qu'elle associe approche universitaire et regards d'élus, permettrait selon vous de présenter une multiplicité de points de vue. On peut toutefois s'interroger sur le fait qu'aucun chef d'entreprise, aucun commerçant ni artisan, aucun représentant d'une entité économique nationale ni locale ne figure parmi les experts mandatés. Il est assurément innovant de défendre une nouvelle vision du développement des territoires en faisant l'impasse sur les réalités économiques du terrain et la dynamique économique des infrastructures, mais n'est-ce pas quelque peu réducteur ?

Pour autant qu'une lecture rapide permette d'en juger, votre propos reste assez éloigné des préoccupations premières des élus de terrain – je suis maire de Nemours, commune de 13 000 habitants du sud de la Seine-et-Marne –, lesquels craignent une baisse des dotations aux collectivités et les conséquences de la modernisation de l'action publique. Au bout de trente ans de politique de la ville, ils ont vu les zones se superposer ou coexister – ZFU, ZUP, ZUS, zones franches, etc. –, ce qui complique l'évaluation des politiques publiques. Ils sont préoccupés par la réforme du zonage, qui doit permettre de concentrer l'effort sur les territoires le plus en difficulté, tout en harmonisant les zonages légaux et contractuels. Je suis convaincue qu'il faut privilégier le projet de territoire. Je suis très inquiète des disparités qui affectent une partie de la population de ma commune. Le quartier du Mont-Saint-Martin – 5 000 habitants, 1 900 logements –, classé en ZUP, puis aujourd'hui en ZUS, bénéficie d'un contrat ANRU de 90 millions d'euros alors qu'à peine 250 mètres plus loin, le quartier du Beauregard – 1 000 habitants, 389 logements – n'a droit à rien, sauf à des investissements de la ville. Les habitants ne comprennent pas. Ces populations laissées de côté peuvent-elles fonder de véritables espoirs sur la réforme de la géographie prioritaire et l'harmonisation des zonages légaux et contractuels ?

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Je suis un homme heureux : j'ai appris qu'un nouvel âge de l'aménagement du territoire était sorti aujourd'hui de la boîte à outils ! (Murmures)

Dans la présentation du rapport, la notion de territoire n'a pas été définie alors que les nombreux territoires que compte la France sont très divers. En outre, à vous entendre, on a l'impression qu'il suffit de prononcer le mot « écologie » pour dégager l'horizon ; les habitants des territoires ruraux ont peut-être d'autres préoccupations. J'ai l'impression que vous présentez une analyse quelque peu parisienne de la ruralité française.

Nos villes moyennes, nos territoires ruraux, les quartiers de nos villes vont mal et l'argent est rare. Tout le pays va mal ! (Murmures de désapprobation)

Ce qui préoccupe les élus du monde rural, c'est l'absence de moyens financiers, l'accès physique au territoire, qui suppose une desserte routière et ferroviaire de qualité, l'accès au haut débit, la santé publique et la présence de professionnels de santé en milieu rural, enfin la présence de certains services publics – pas de tous. Ce n'est pas l'égalité des territoires que demandent les territoires ruraux, mais une chance de construire leur avenir.

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Je ne suis pas parisien, je suis un élu du monde rural ; je n'en trouve pas moins le rapport fort intéressant. Partant du postulat que c'est la justice entre les personnes qui sous-tend l'égalité des territoires, vous montrez que le caractère pluriel des inégalités territoriales oblige à les mesurer non seulement en fonction de la création de richesse, mais selon des indicateurs de santé, d'éducation, et eu égard à la transition sociale-écologique. Vous soulignez ensuite la dimension dynamique de ces inégalités, lesquelles obéissent à une logique temporelle qui suppose de compléter l'approche purement statique par un suivi régulier. Là encore, la mesure de notre richesse par le PIB mériterait d'être enrichie par d'autres indicateurs. Nous pourrions y travailler dans le cadre de notre travail parlementaire, au rythme de l'un de ses temps forts, et mesurer ainsi les conséquences de nos choix sur les inégalités. Cette approche vous paraîtrait-elle cohérente et réaliste ?

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Le rapport ne parle pas de la fracture numérique, mais votre point de vue sur le sujet m'intéresse. En ville, nous vivons une course de rapidité perpétuelle et l'on évoque déjà la 5G pour supplanter la 4G, alors que certains territoires ne sont couverts qu'en 2G et par un seul opérateur. Il en va de même pour le réseau filaire. Certains sont équipés de la fibre optique alors que d'autres en restent à un WiMAX plus ou moins efficace, avec un débit moindre. Doit-on chercher à aller toujours plus vite pour un petit nombre d'entre nous ou déployer un réseau performant pour tous, dans un cadre sanitaire protecteur ?

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éloi Laurent

Malheureusement, il me sera matériellement impossible de répondre à toutes vos questions dans le temps qui m'est imparti, mais je ferai de mon mieux.

Je rappellerai d'abord que le rapport est issu d'une mission de réflexion. Il s'agit donc d'ouvrir des chantiers. Le moment de l'action, de la réforme commence après la remise du rapport, c'est-à-dire maintenant, et c'est vous qui êtes responsables de ce qu'il adviendra ou non de ce qui figure dans le rapport et de ce qui n'y apparaît pas.

Notre réflexion est peut-être abstraite ou naïve ; technocratique, certainement pas, puisque le rapport n'a pas été rédigé par l'administration mais par des chercheurs. Par ailleurs, je m'étonne d'entendre que les préoccupations de terrain n'y apparaîtraient pas alors que ce rapport est le premier à donner successivement la parole, sur chaque thème, à un chercheur et à un responsable politique. J'ignore à quelle présentation en ligne des auditions il a été fait allusion ; quoi qu'il en soit, les auditions durent trois minutes alors que nous avons donné cinq pages à 23 responsables politiques de tous bords, parfaitement libres de leur parole. Comment soutenir qu'il est partial, parisien, coupé des réalités du terrain, alors que nous avons associé à notre réflexion, de manière transpartisane, des députés, des sénateurs, des présidents de conseil régional et de conseil général représentant toutes les forces républicaines ? Figurez-vous que les chercheurs qui travaillent sur les territoires ruraux ne sont pas tous parisiens : certains habitent même dans ces territoires ! D'autres viennent de villes de province. Nous avons des contributeurs de Dijon, de Grenoble, etc.

Selon le cabinet de la ministre Cécile Duflot, l'idée est d'ouvrir d'ici au mois de juin un débat avec les responsables territoriaux, appelé « tour de France des territoires », puis de réunir en juin un comité interministériel d'aménagement du territoire, avant de présenter à l'automne une loi sur l'égalité des territoires. Ce qui figurera dans cette loi dépend de la représentation nationale, non des chercheurs. C'est à elle de combler, si elle le juge opportun, les lacunes dont souffre naturellement le rapport et qui sont parfois majeures – notamment, comme l'a dit Mme Laurence Abeille, la question de l'aménagement numérique, à laquelle je vais revenir. Ces lacunes sont en tout cas inévitables étant donné la durée de la mission, sa formule et le format du rapport.

Je précise enfin à celles et ceux d'entre vous qui n'ont eu le temps que de survoler le rapport qu'il est véritablement accessible : l'introduction n'occupe que vingt pages et les recommandations quatre.

Je vous remercie des questions très intéressantes que vous m'avez posées et qui vont enrichir ma réflexion et celles que suscite le rapport. Si celui-ci ne fait qu'ouvrir le débat, il aura déjà atteint l'un de ses principaux objectifs.

Monsieur Alain Calmette, je suis entièrement d'accord avec vous : le contraire de l'égalité des territoires, c'est non seulement l'inégalité – ou plutôt les inégalités – mais aussi la concurrence. Si les puissances publiques, qui aménagent le territoire conjointement avec le marché, ont tendance à aggraver les inégalités produites par ce dernier au lieu de les corriger, c'est notamment du fait de la décentralisation et des courses à la fiscalité la plus basse, aux ressources publiques, à la reconnaissance symbolique des territoires par la puissance publique. Cette question est abordée dans l'une des contributions ainsi que dans l'introduction. Lorsque l'on parle d'émulation, des bienfaits de la concurrence, on oublie que la mobilité parfaite d'un territoire à l'autre qu'ils supposent n'existe que dans les modèles théoriques abstraits chers aux économistes. En réalité, les mobilités étant très contraintes, la concurrence est le plus souvent dommageable.

Monsieur Jean-Marie Sermier, vous avez tout à fait raison d'insister sur le terroir. Aujourd'hui, les inégalités territoriales les plus marquées ne relèvent pas de la géographie physique mais de la géographie humaine, du terroir au sens d'un espace transformé, personnalisé par l'homme. Je distingue ainsi dans l'introduction les inégalités dites de première nature des inégalités de seconde nature, liées aux échanges économiques et à la division du travail. L'école de la géographie française, incarnée par Vidal de La Blache, insistait d'ailleurs sur cette dimension du territoire, qui en fait la personnalité.

Il est en effet fondamental de ne pas opposer les territoires, y compris de manière symbolique. Lorsque le principe d'égalité des territoires a été introduit dans le débat public, lors de la création du ministère puis de la définition de ma mission, il s'agissait de soulager les territoires en souffrance que constituent, au côté de la banlieue – traditionnellement la première à laquelle on pense –, l'espace périurbain et les espaces ruraux. Certains géographes vont jusqu'à opposer ces nouveaux territoires en souffrance à la banlieue – qui ferait l'objet de trop d'attentions depuis trente ans et aurait accaparé les ressources publiques –, au nom d'une approche parfois ouvertement ethnique des inégalités qui est extrêmement dangereuse. Voilà pourquoi je me suis efforcé d'étendre le débat, au-delà de la reconnaissance symbolique, à l'égalité entre les capacités des différents habitants des territoires.

L'absence de l'aménagement numérique est manifestement une lacune du rapport, comme on me l'a également fait observer au Sénat. J'ai renoncé à l'aborder parce que je ne pouvais traiter tous les sujets et que celui-ci faisait déjà l'objet de travaux, dont la préparation de la feuille de route sur le numérique, publiée depuis, et la mission de Claudy Lebreton sur l'aménagement numérique du territoire. Je savais donc que cette question essentielle ne serait pas négligée.

Les élus nous l'ont dit, notamment en Haute-Saône : cette question est la première abordée lors de réunions avec leurs administrés. Mais l'aménagement numérique ne peut résoudre tous les problèmes. N'en attend-on pas un peu trop ? L'aménagement virtuel ne saurait se substituer à l'aménagement réel du territoire en fournissant un équivalent de tout ce que l'on ne peut plus faire concrètement faute de ressources. En matière d'éducation, par exemple, le lycée numérique ne saurait remplacer entièrement les infrastructures publiques.

Monsieur Jean-Christophe Fromantin, la passionnante étude de l'Association des régions de France que vous avez citée est mentionnée dans une contribution à notre rapport, rédigée par l'équipe qui a procédé à cette étude pour le compte de l'ARF autour de Pierre-Jean Lorens, directeur du développement durable, de la prospective et de l'évaluation du conseil régional Nord-Pas-de-Calais. Cette contribution est en outre commentée par Françoise Gentil-Haméon, conseillère régionale des Pays de la Loire, autre grande région de France à avoir travaillé sur les nouveaux indicateurs de développement humain. Lorsque les critères sont modifiés, les classements s'en ressentent, ce qui conduit à relativiser la passion du classement permanent qui touche aussi les établissements scolaires : qu'en est-il si l'on tient compte non seulement du taux de réussite au baccalauréat mais aussi de la qualité de vie des élèves ou du métier qu'ils exerceront plus tard ? Non contents de ne se préoccuper que d'économie, les économistes ont aussi tendance à ne se fonder, au sein même de leur discipline, que sur un unique critère alors que l'analyse économique elle-même est plurielle. Or il ne s'agit pas de remplacer un indicateur par un autre, mais bien d'ouvrir la perspective.

Il est surprenant que nous ayons si peu progressé en la matière en France, alors que le premier article académique de grands économistes remettant en cause la prévalence du critère de croissance du PIB date de 1972 et que l'IDH a été créé par les Nations Unies il y a vingt ans. Chez nous, il existe des travaux mais peu de régions françaises y ont oeuvré, de sorte que nous manquons de propositions contradictoires sur le sujet et que nous sommes loin de disposer d'indicateurs spécifiques pour la région, le département, la commune. Il reste donc beaucoup à faire – y compris à l'Assemblée nationale, monsieur Serge Bardy.

Il y a trois jours, le gouvernement chinois a publié une étude montrant que le coût économique des destructions environnementales en Chine réduit de trois points la croissance du pays. En d'autres termes, le seul coût économique de la croissance la réduit de moitié ! Dès lors, à moyen terme, l'estimation de la croissance n'est plus la même.

En ce qui concerne le phénomène de mondialisation, je vous renvoie aux images nocturnes prises par satellite que la NASA a publiées il y a quelques mois et que j'ai incluses dans mon introduction. Elles dessinent une carte du monde inédite où les foyers lumineux, dont les espaces urbains sont la source, montrent la formidable concentration de l'activité dans les villes, qui ne représentent pourtant que 4 % de la surface planétaire. C'est de cette réalité qu'il faut partir, même si je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Jean-Christophe Fromantin, quant à l'articulation entre zones denses et moins denses.

S'agissant de la mobilité, il est classique depuis vingt ou trente ans de l'opposer à l'aménagement du territoire, au motif que la libre circulation rendrait l'aménagement du territoire inutile : si les habitants peuvent aller vers les emplois, vers les infrastructures, pourquoi les leur amener ? Il ne serait nécessaire de le faire que lorsque la mobilité est contrainte. Cette opposition est aujourd'hui dépassée : il s'agit maintenant d'aménager la mobilité. En France, celle-ci est d'au moins trois ordres. Je ne reviens pas sur la mobilité virtuelle. La mobilité résidentielle est faible depuis trente ans, pour des raisons économiques, sociales, mais aussi culturelles. En tout état de cause, le fait que le problème du logement soit l'un des freins à la mobilité confirme que l'on ne saurait arguer de la mobilité pour se dispenser d'oeuvrer à l'égalité des territoires. Enfin, la mobilité la plus marquée est la mobilité pendulaire entre les espaces périurbain et urbain. C'est aussi la plus problématique du fait de son coût social et surtout écologique, avec l'artificialisation des sols associée au développement du périurbain, les émissions de CO2 et de particules fines. Ces dernières atteignent dans l'espace urbain un niveau inacceptable au regard du droit européen – ce qui mettra très prochainement la France en difficulté face à la Commission – et des normes de l'OMS. Quant aux émissions de CO2, si nous ne parvenons pas à les maintenir en deçà d'un niveau conforme à nos engagements, c'est bien en grande partie à cause des transports. Là encore, il faut aménager la mobilité : l'on ne peut pas prétendre simplement développer la mobilité résidentielle.

Madame Laurence Abeille, un indicateur peut intégrer simultanément des données objectives et subjectives. Pour mesurer le bonheur ou la confiance, nous disposons essentiellement de critères subjectifs, c'est-à-dire fondés sur des enquêtes. En revanche, la qualité de vie se mesure par des indicateurs objectifs, par exemple le nombre de personnes par pièce dans les logements. Vous me demandiez comment construire un indicateur synthétique ; mais l'on peut aussi opter pour un tableau de bord tel que celui qui définit la stratégie nationale de développement durable. Cela suppose de hiérarchiser différents objectifs qui ne sont pas nécessairement cohérents. D'autre part, nous avons déjà des indicateurs synthétiques : l'IDH2, l'ISS – indice de santé sociale – et les indicateurs synthétiques au niveau territorial, qui produisent des résultats intéressants. Mais il faudrait aller beaucoup plus loin au niveau local, notamment par la démocratie participative à laquelle vous avez fait référence. Il n'y a guère que dans le Nord-Pas-de-Calais et dans les Pays de la Loire que l'on a réfléchi à ces questions. Au niveau international, de nombreux travaux ont été entrepris à la suite du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi ; l'OCDE a élaboré l'indicateur du mieux-vivre, l'ONU va reprendre ses travaux sur le développement humain, le Canada, la Suisse y ont réfléchi ; nous pourrions tirer des enseignements de ces expériences.

Sur ce qui détermine la compétitivité et l'attractivité d'un territoire, l'économisme produit en effet un contresens total. Réduire le taux d'imposition dans l'espoir d'attirer les entreprises revient à s'appauvrir à long terme pour un gain économique à court terme. Les services publics et les infrastructures – d'une qualité exceptionnelle dans notre pays – jouent un rôle essentiel dans la compétitivité de nos territoires, comme vous le confirmera n'importe quel étranger qui passe par notre pays, véritable carrefour européen. Naturellement, il faut entretenir les infrastructures. Aujourd'hui, la réflexion sur ce que pourrait être un indicateur de compétitivité durable ou de résilience territoriale reste embryonnaire ; le rapport s'emploie à la développer. Mais il serait précieux de disposer d'un indicateur de la qualité des services publics élaboré par les régions françaises.

La détermination de l'échelle pertinente est une vieille question de géographie à laquelle la science répond : « Cela dépend. » Avec le choix du critère, il s'agit du principal enjeu du débat sur l'égalité des territoires. L'on ne peut affirmer que les inégalités territoriales augmentent ou se réduisent en France sans préciser selon quelle échelle et quel critère. Dans mon introduction, je m'efforce d'aborder cette question complexe de manière relativement simple en étudiant la dynamique des seules inégalités économiques : leur réduction au niveau des macro-territoires et leur augmentation au niveau des micro-territoires, qui montrent que certaines politiques d'égalité des territoires ont été efficaces mais que les choix résidentiels et les logiques de ségrégation produisent des divergences au sein d'un même quartier ou d'un même espace urbain. Encore ne s'agit-il que des différences de PIB et de revenu par habitant. Ces deux critères ne sont d'ailleurs pas équivalents, l'un mesurant les logiques productives, l'autre les logiques de consommation ou de potentiel de consommation, et ils ne suivent pas la même évolution. Mais comment le problème de l'égalité des territoires ne serait-il pas complexe ?

Lorsque l'on aborde les outils de politique publique, on touche à la limite où mon travail s'arrête et où le vôtre commence. Quels instruments une éventuelle loi sur l'égalité des territoires mobilisera-t-elle ? S'agira-t-il de territoires de projet ? Quels outils administratifs seront utilisés ? Vous connaissez ces questions bien mieux que n'importe quel chercheur et c'est vous qui pourrez les intégrer à une loi sur l'égalité des territoires. Vous êtes seuls juges de la question de savoir si ce sont les SCOT qui favorisent le plus la coopération entre territoires. Les chercheurs ont travaillé en amont ; l'aval, ce sont les citoyens qui pourront vous le donner. Le débat s'ouvre ; les conférences territoriales vont commencer ; certaines d'entre elles porteront assurément sur la coopération entre espaces urbains et ruraux. La loi qui viendra ensuite fera l'objet d'un débat parlementaire. Je vous suggère donc de vous mettre en relation avec les autorités compétentes pour défendre vos propositions.

Madame Catherine Quéré, en ce qui concerne les territoires ruraux, j'ai été auditionné la semaine dernière par le groupe d'études « Politiques de la ruralité » ainsi que Mohamed Hilal et Yves Schaeffer, auteurs, avec Cécile Détang-Dessendre, de la très belle contribution au rapport consacrée aux espaces ruraux. Ils y proposent une nouvelle typologie des campagnes françaises, montrant, comme vous le savez mieux que moi, qu'il n'existe pas une seule forme de ruralité en France – eux en dénombrent sept. On ne peut donc pas se contenter d'opposer la ruralité à la ville : la situation est plus complexe. Ils proposent notamment de recentraliser l'espace rural non autour des pôles métropolitains mais des petits bourgs, des villes-centres dont parlait M. Jean-Louis Bricout et que l'on a laissés à l'abandon. Si l'on en reste toujours à l'opposition entre la métropole et le désert rural, c'est que l'on a négligé le tissu interstitiel.

Monsieur Guillaume Chevrollier, on peut peut-être aller un peu plus loin que le simple refus de l'égalitarisme, en s'interrogeant sur la théorie de la justice à privilégier. Comment réfléchir à l'égalité des territoires sans se poser cette question ? Le détour par ces théories est indispensable, si complexe et abstrait dût-il paraître. Parmi elles, nous avons opté pour la théorie des capacités, très éloignée de l'égalitarisme.

Monsieur Yann Capet, le pacte de gouvernance territorial est présenté par Jean-Pierre Bel, président du Sénat, dans sa contribution au rapport, et l'idée de contractualisation par le sénateur Hervé Maurey à propos des politiques de santé. Il s'agit de questions institutionnelles et de gouvernance qui relèvent typiquement des élus : elles constituent les solutions qu'ils proposent pour remédier aux inégalités analysées par les chercheurs. Nous n'avons pas abordé les institutions ni le problème du millefeuille territorial puisque trois lois sont en préparation sur le sujet. La troisième d'entre elles, qui porterait sur la solidarité territoriale, pourrait s'articuler au débat sur l'égalité des territoires ; il en serait alors question à l'automne.

Monsieur Gilles Savary, le desserrement des outils urbains au profit des territoires ruraux constitue une excellente proposition, mais il conviendrait de préciser à quels outils vous songez et lesquels sont transposables d'un territoire à un autre. Assurément, le zonage ne concerne pas le seul milieu urbain et il faut réfléchir au zonage rural ; de même, la politique de la ville devrait évoluer non vers une politique des campagnes, mais vers une politique de coopération entre villes et campagnes. Cela relève également d'une future loi.

Il est exact qu'il n'y a ni chef d'entreprise ni commerçant parmi les rédacteurs du rapport, même si des consultants ont été associés au projet : la pluralité a ses limites. Il serait un peu rapide d'en conclure que nos travaux sont déconnectés des réalités de terrain.

Je renvoie M. Laurent Furst à la définition de la notion de territoire qui figure dans l'introduction.

Enfin, monsieur Serge Bardy, je suis tout à fait favorable à ce que le débat à l'Assemblée nationale intègre l'examen des nouveaux indicateurs de développement humain et de soutenabilité, qui devrait avoir lieu au niveau local mais aussi au niveau national. Les documents annexés au projet de loi de finances et mis à la disposition de la représentation nationale se fondent quasi exclusivement sur des indicateurs macroéconomiques, ce qui est très surprenant s'agissant de l'évaluation des politiques publiques dans un pays aussi riche en réalités humaines que le nôtre. Je doute que l'information fournie suffise à éclairer les choix budgétaires. Quoi qu'il en soit, si des indicateurs révélateurs des inégalités devaient y être intégrés, les inégalités territoriales seraient concernées. (Applaudissements sur les bancs SRC)

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Je vous félicite pour cet excellent travail et je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et à la plupart de nos questions. Je tiens à vous remercier, mes chers collègues, de la qualité de ces questions. Il incombe désormais aux parlementaires de se saisir de ce sujet particulièrement délicat. Pour le faire, nous pourrons tirer profit du projet de loi qui sera présenté par Cécile Duflot sur la solidarité écologique des territoires et des futurs textes sur la décentralisation.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 2 avril 2013 à 17 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Serge Bardy, M. Philippe Bies, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, Mme Viviane Le Dissez, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, Mme Florence Delaunay, M. Philippe Duron, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville, M. Patrick Vignal