COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 29 mai 2013
La séance est ouverte à neuf heures.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission examine le rapport d'étape de la mission d'information sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie (M. Denys Robiliard, rapporteur).
Je vous rappelle que notre commission a créé, le 7 novembre dernier, une mission d'information sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie.
Dans une première phase, qui se clôt aujourd'hui, la mission d'information a choisi de concentrer ses travaux sur la question des soins psychiatriques sans consentement, matière qui a fait l'objet de plusieurs décisions récentes importantes du Conseil constitutionnel. Sa décision du 20 avril 2012 a déclaré non conformes à la Constitution deux dispositions de la loi que nous avons adoptée en 2011, ce qui devrait conduire le législateur, dans un calendrier contraint, à remettre de nouveau l'ouvrage sur le métier.
Pour marquer la fin de cette première phase, la mission a souhaité rendre un rapport d'étape. Elle a adopté ce rapport, à l'unanimité, la semaine dernière.
Au-delà de ce rapport d'étape, la mission d'information devrait poursuivre ses travaux, en abordant notamment l'organisation de l'offre de soins ou encore les conditions de prise en charge des patients.
En attendant, je vous propose de laisser la parole à Jean-Pierre Barbier, le président de la mission, puis d'entendre le rapporteur Denys Robiliard.
La mission sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie dont j'ai repris la présidence en avril dernier, a choisi de consacrer une première partie de ses travaux sur les soins et les hospitalisations sans consentement, un choix sous contrainte, en raison de l'actualité liée aux décisions du Conseil constitutionnel, comme vient de le rappeler madame la présidente.
Je tiens à remercier le rapporteur et les membres de la mission pour l'accueil qu'ils m'ont réservé.
Après plus de trente heures d'auditions à la fois de professionnels de santé, de juristes, de syndicats, mais aussi de représentants des familles de malades et d'usagers de la psychiatrie, et de déplacements dans des unités pour malades difficiles (UMD) et une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), la mission a émis dix-sept propositions.
Elle suggère notamment d'améliorer l'exécution des soins sans consentement, de modifier les conditions d'intervention du juge des libertés et de la détention, ce qui me semble le plus important, en ramenant de quinze à cinq jours le délai dans lequel il doit statuer sur le placement de la personne et de tenir l'audience en chambre du conseil au sein même de l'établissement de santé.
Je tiens à souligner, de nouveau, que la mission poursuit ses travaux, qu'elle effectuera de nouveaux déplacements et abordera d'autres questions clés comme la formation des intervenants, le financement et la recherche. Cette dernière question est, en effet, particulièrement importante en raison du taux de prévalence des maladies mentales.
Je vous propose tout d'abord d'évoquer des questions de méthode, de décrire ensuite quelques données et d'analyser la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement avant de vous présenter les principales propositions émises par la mission.
S'agissant de la méthode, quelque peu inhabituelle, consistant à présenter un pré-rapport, elle résulte de la décision du Conseil constitutionnel, citée par la présidente, qui a invalidé des dispositions de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge et a différé les effets de sa décision au 1er octobre 2013. C'est pourquoi, il nous a semblé pertinent de présenter l'état des réflexions de la mission sur les soins psychiatriques sous contrainte et de donner nos conclusions en temps utile pour légiférer sur le sujet si la commission des affaires sociales se saisissait d'une proposition de loi ou était amenée à examiner un projet de loi.
J'ajouterai que ce document est une analyse provisoire qui pourra évoluer et être reconsidérée, le cas échéant. En effet, la mission aura le souci de mettre en oeuvre le principe du contradictoire et ses réflexions seront soumises aux personnes que nous avons auditionnées.
La santé mentale est un paysage compliqué, les maladies mentales ne peuvent être associées aux maladies orphelines. Selon le professeur Frédéric Rouillon, un adulte sur trois souffrira dans sa vie de maladie mentale, 1 % de la population souffre de psychoses, 2 % de troubles bipolaires, 5 % de dépression, 7 % de névroses et 2 % d'anorexie. La file active de personnes suivies pour troubles de la santé mentale s'élèverait à deux millions de personnes, dont un million sont suivies par le secteur public et un million par le secteur privé.
Une donnée frappante que je tiens à relever est que l'espérance de vie des personnes atteintes de ces troubles les plus graves est de vingt ans inférieure à la moyenne de la population et de quinze ans inférieure pour l'ensemble de la population souffrant de troubles mentaux. Plusieurs facteurs expliqueraient ces statistiques, le suicide n'étant qu'une des raisons constatées. Le malade mental serait moins en demande de soins somatiques. En conséquence, lorsqu'il aura besoin de soins, il bénéficiera d'abord de soins psychiatriques, mais non de soins somatiques, ce qui pose des difficultés.
Deuxième élément important, le placement sous contrainte a connu une forte augmentation ces dernières années. Ainsi, s'agissant placements à la demande d'un tiers, on est passé de 43 957 placements en 2006 à 63 345 admissions en 2011, soit une augmentation de 44 %. Quant aux placements à la demande du représentant de l'État, ils sont passés de 10 578 admissions en 2006 à 14 967 en 2011, soit une hausse de 41 %. J'en profite pour souligner que, parmi les préconisations du rapport, figure le retour à l'ancienne terminologie de placement, qui restitue plus la vérité d'une procédure autoritaire, certes dans l'intérêt du patient, que le terme d'admission introduit dans la dernière loi.
On peut formuler plusieurs hypothèses pour expliquer les raisons de cette augmentation. La première est l'accroissement du recours à des soins psychiatriques par la population. La deuxième est la volonté de certains psychiatres de ne pas engager leur responsabilité. Enfin, les familles prennent moins en charge leurs proches souffrant de ce type de pathologie et la pression sociale a évolué, les comportements s'éloignant de la norme étant moins bien acceptés.
La loi du 5 juillet 2011 a été adoptée à la suite du discours d'Antony de l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy, contesté par les psychiatres, car associant la dangerosité aux troubles de santé mentale. Cette loi a donc une racine sécuritaire mais repose aussi sur des principes garantissant la liberté individuelle. En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 novembre 2010 avait posé le principe d'un contrôle judiciaire systématique des hospitalisations sous contrainte. Cette loi comporte également une dimension de santé publique, en développant une approche somatique systématique pour le malade entrant en hôpital psychiatrique et en étendant le domaine de la contrainte aux soins.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 avril 2012, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité a invalidé deux articles du code de la santé publique : l'article L. 3211-12 relatif à la sortie de malades ayant été placés dans des UMD et l'article L. 3213-8 relatif à la sortie de certains malades présumés dangereux. La sanction porte plus sur la nature de la règle que sur sa matérialité, le Conseil jugeant que le niveau de protection des malades doit relever de la loi et non du règlement.
S'agissant des UMD, il existe sur le territoire dix unités qui totalisent six cents lits. Elles accueillent les irresponsables pénaux et les patients qui ne peuvent être gérés par les hôpitaux psychiatriques. Les soins dispensés sont similaires mais le personnel est plus nombreux dans les UMD que dans les hôpitaux, de l'ordre de un à trois.
Je souhaiterai souligner que la contrainte n'entraîne pas forcément une hospitalisation. Il existe des éléments de contrainte relevant de la pratique médicale hors tout cadre légal et je pense aux personnes âgées souffrant de maladies neuro-dégénératives résidant dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui sont, de fait, privées de liberté. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a justement relevé ce point et souhaiterait pouvoir visiter ces institutions.
La mission s'est aussi interrogée sur l'absence de contrôle juridictionnel du placement des mineurs, puisque ceux-ci relèvent de l'autorité parentale et sont hospitalisés à la demande de leur famille.
Enfin, se pose la question de la contention physique ou chimique et des chambres d'isolement, pratiques différentes selon les établissements mais qui seraient en augmentation, notamment du fait de l'insuffisance de personnel. À défaut d'un encadrement, il serait intéressant de pouvoir suivre la traçabilité de cette pratique, qui figure uniquement dans le dossier médical.
J'en viens aux propositions émises par la mission.
S'agissant de la décision du Conseil constitutionnel, il existe deux solutions. La première est de ne pas légiférer, ce qui soumettrait les patients sous contrainte au droit commun des malades psychiatrique. La deuxième consisterait à légiférer et, dans ce cas, il faut distinguer les UMD et les irresponsables pénaux.
S'agissant des UMD, elles sont conçues comme des unités de soins intensifs qui gardent le malade durant une période allant de cent vingt-cinq jours à deux cent quarante-cinq jours avec une dimension sécurisée. La mission estime qu'il ne faut pas légiférer sur ce point, car les critères d'admission relèvent d'une décision médicale.
Quant aux irresponsables pénaux, il convient, en revanche, de légiférer et de faire figurer dans la loi les dispositions réglementaires existantes. La mission a choisi de maintenir leur statut spécifique, afin de donner des assurances à la société, lorsque ces malades sortiront.
La mission émet plusieurs préconisations ayant trait au contrôle juridictionnel. Certaines figuraient déjà dans le rapport d'information sur la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2011 de nos anciens collègues Serge Blisko et Guy Lefrand. Cette loi est appliquée depuis maintenant dix-huit mois et je tiens à souligner que la justice s'est mobilisée afin de respecter les délais qui y figurent. Les décisions prises sont concentrées sur vingt-quatre tribunaux, de taille différente.
La mission s'est penchée sur l'autorité compétente pour ordonner une hospitalisation sous contrainte et poursuivra ses réflexions quant au rôle du préfet, qui, il faut le relever, ne prend qu'un quart des décisions, le restant relevant des directeurs d'établissements de santé, dans le cadre des hospitalisations à la demande d'un tiers.
La mission propose de ramener de quinze jours à cinq jours le délai de saisine du juge des libertés et de la détention. En effet, au bout de soixante-douze heures, le psychiatre est capable d'émettre un diagnostic et de mettre en oeuvre un programme de soins. La mission propose que le lieu de l'audience soit l'hôpital et non le palais de justice, dans l'intérêt du malade, qui ne comprend pas pourquoi il comparaît devant un juge, tout en préservant l'indépendance de la justice. À ce titre, la visioconférence devra rester exceptionnelle, sauf cas de force majeure. Elle a été unanimement décriée tant par les juges que par les médecins. L'audience devra se tenir en chambre du conseil afin de préserver le secret médical. Les dispositions actuelles permettant au malade mental de renoncer à l'assistance d'un conseil, la mission propose de rendre obligatoire la présence de l'avocat, sous la forme d'un avocat taisant si besoin est.
Enfin, une des dernières propositions que je souhaiterai développer est d'autoriser les sorties d'essai de courte durée, sous la responsabilité du psychiatre, sans condition d'établissement préalable d'un programme de soins.
Je salue le travail important accompli par la mission d'information et dont témoigne son rapport d'étape. Elle a eu à traiter d'un sujet brûlant et même poignant ; nous sommes tous susceptibles d'être confrontés, directement ou indirectement, aux maladies mentales – et je le dis sans ironie aucune.
Comme l'a justement indiqué le rapporteur dans son propos introductif, les maladies mentales ne sont pas des maladies orphelines. Mais elles sont, lorsqu'on a à les vivre, toutes individuelles tant leur prise en charge doit être ciblée.
Les préconisations qui ont été formulées à ce stade me paraissent positives. J'apprécie en particulier qu'il soit proposé que les audiences se tiennent dans les établissements de santé. L'expérience montre en effet que, lorsqu'elles ont lieu au palais de justice, il peut en résulter de véritables catastrophes humaines car le fait de comparaître, dans cette enceinte, parmi des présumés délinquants, peut aggraver lourdement le mal-être de certains.
Permettez-moi de m'exprimer au nom du groupe SRC mais également en tant que membre de la mission d'information. Je tiens à saluer, en préalable, la qualité de ses travaux et tout particulièrement celle du rapporteur qui nous apporte beaucoup par sa maîtrise de la matière juridique.
Je pense que nous abordons tous le sujet traité par la mission d'information avec une part d'ignorance et certains préjugés : préjugés sur la maladie mentale elle-même et les personnes atteintes de troubles mentaux, que nos échanges avec les professionnels de santé nous ont permis de déconstruire ; préjugés, aussi, sur la loi du 5 juillet 2011 en raison des débats et parfois des polémiques qui ont prévalu à sa naissance, comme l'a rappelé notre rapporteur, après des faits dramatiques et une intervention du Président de la République sur la question, et alors même qu'elle succédait à une loi datant du 27 juin 1990, donc relativement ancienne.
Or, en relisant l'exposé des motifs du projet qui a abouti à la loi de juillet 2011, on ne peut qu'être d'accord avec la plus grande partie de celui-ci. Je cite : lever les obstacles à l'accès aux soins et garantir leur continuité ; adapter la loi aux évolutions des soins psychiatriques et des thérapeutiques ; améliorer le cadre juridique de la prise en charge ; renforcer le droit des personnes et respecter leurs libertés individuelles.
Mais le bât blessait sur deux points, lorsqu'étaient évoqués l'objectif d'une amélioration du suivi des patients pour leur sécurité et celle des tiers, en consacrant la pratique des soins en dehors de l'hôpital, et celui d'une amélioration de la surveillance de certains patients susceptibles de présenter un danger pour autrui afin de contribuer à rendre la société plus accueillante et tolérante vis-à-vis de l'ensemble des personnes présentant un trouble mental. Il y avait là une certaine difficulté à reconnaître les malades mentaux en tant que personnes « pas plus dangereuses que le commun des mortels », pour reprendre les termes du professeur Frédéric Rouillon, chef de service à l'hôpital Sainte-Anne. C'est sur ce point que s'est cristallisée la controverse, alimentée par la parole présidentielle, lors de l'écriture de la loi.
Le travail d'audition et la qualité du travail du rapporteur ont apaisé nos craintes : les préconisations du rapport d'étape visent à répondre à la censure du Conseil constitutionnel et en aucun cas à déconstruire la loi adoptée.
Je rappelle que celle-ci avait donné lieu à un rapport d'information sur sa mise en oeuvre, en février 2012, de Guy Lefrand et Serge Blisko. Il soulignait l'exceptionnelle mobilisation des professionnels ayant permis d'éviter ce qui apparaissait, à l'époque, comme une catastrophe annoncée. Ce rapport émettait huit propositions. Le rapport d'étape qui vous a été présenté reprend quatre d'entre elles.
Je pense que nous pouvons tous être d'accord sur un point : le malade souffrant de troubles mentaux ne peut pas et ne doit pas être considéré comme un danger pour la société, encore moins comme étant susceptible a priori de troubler l'ordre public.
J'en viens à nos travaux après l'examen de ce rapport d'étape. La mission d'information va les poursuivre en abordant tout le champ de la santé mentale et la spécificité de la psychiatrie dans sa mission de service public, avec pour ambition de nourrir les prochains débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et le futur projet de loi de santé publique. Quelques pistes pourront être explorées : l'état d'avancement du Plan psychiatrie-santé mentale 2011-2015, le financement de la psychiatrie et le maintien d'un budget spécifique, le développement territorial d'une offre de soins complète du dépistage à l'hospitalisation, l'organisation en secteurs qu'il faut étudier plus avant pour l'améliorer, les spécificités liées aux troubles de l'adolescence, à la précarité ou à la détention, la place des patients, de leur entourage et des associations, la connaissance de la santé mentale en France grâce à des études épidémiologiques, ou encore la nécessité de la recherche dans le domaine des neurosciences. Je doute, toutefois, que nous puissions être exhaustifs sur un champ d'étude aussi vaste.
Je terminerai mon propos en interrogeant le rapporteur sur les moyens à mettre en oeuvre pour conduire à l'hôpital une personne faisant l'objet d'un placement sans consentement, sujet non résolu à ce jour et que j'ai abordé à de nombreuses reprises lors de nos auditions.
La parole est maintenant à Jean-Pierre Barbier, pour le groupe UMP, que je remercie d'avoir accepté d'intégrer la mission d'information, en cours de route, pour la présider.
Le sujet est indéniablement très complexe. La mission d'information étudie en effet une question qui se situe à la croisée des chemins, relevant à la fois du domaine médical et du champ juridique – sans oublier, évidemment, la dimension humaine qui s'y attache. Elle nous interroge aussi sur ce qu'est la normalité pour notre société et sur notre conception de l'ordre public.
La mission d'information a procédé à l'audition d'intervenants multiples et variés, tant dans leur formation que dans leur approche du sujet. Je n'ai pu assister à la plupart d'entre elles mais j'ai pu les visionner. J'ai été frappé par leur intérêt, notamment lorsqu'ont été entendus des représentants des malades, qui ont déclaré – veuillez excuser la crudité de l'expression, mais je la reprends telle quelle – « nous sommes peut-être fous, mais nous ne sommes pas cons ». Ce point est essentiel : il traduit le fait qu'en phase de « normalité », les malades sont aptes à comprendre ce qui est décidé à leur sujet. Il ne faut pas l'oublier, surtout lorsqu'on traite de l'hospitalisation sous contrainte.
J'ai aussi été impressionné par la qualité de l'accueil des malades par le personnel médical. Il est vrai que le centre hospitalier Le Vinatier que nous avons visité disposait de deux unités quasiment neuves et d'un personnel en nombre suffisant. Il n'en demeure pas moins que la qualité de l'accueil y était remarquable, que les personnes fassent l'objet d'une hospitalisation sous contrainte ou sous décision de justice. Je tiens aussi à souligner la grande humanité du personnel pénitentiaire. Cela montre que des progrès énormes ont été accomplis au cours des dernières années, même si des améliorations peuvent être apportées.
Le rapport d'étape permet aussi d'insister sur l'aspect symbolique de la privation de liberté. Le rôle du préfet y est abordé, sans être rejeté, et je tiens d'ailleurs à souligner son importance en milieu rural. Le rapport permet en outre de rappeler que 70 % des hospitalisations sous contrainte sont décidées par les directeurs d'établissement de santé, qui disposent de compétences similaires à celle du préfet. Je pense qu'il faut continuer dans cette voie et ne pas se laisser entraîner vers une comparution systématique devant le juge.
S'agissant du processus d'une éventuelle mainlevée, je pense, moi aussi, qu'il serait opportun de ramener à cinq jours le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention doit statuer sur le placement, dès lors que les moyens de la justice le permettent. Se pose toutefois la question, parfois délicate, des relations entre le diagnostic du médecin, l'appréciation de l'avocat du patient et celle du juge : il peut parfois y avoir conflit, même si les médecins que nous avons rencontrés nous ont déclaré que cela était exceptionnel. Quant aux sorties d'essai, elles doivent être maintenues mais encadrées en veillant à ce qu'elles demeurent de courte durée, comme l'indique le rapport. Elles ne doivent pas être dévoyées pour se transformer en sorties de plus longue durée.
À mon tour de remercier, au nom du groupe RRDP, le rapporteur pour son travail. Je pense que les mesures proposées, pour être applicables, supposent des moyens suffisants. Or nous connaissons le manque de moyens des tribunaux, surtout en milieu rural. Je tiens par ailleurs à insister sur la nécessité de concilier le respect des libertés individuelles et de la sécurité publique. Je ne suis pas membre de la mission d'information mais j'ai lu avec grand intérêt le rapport d'étape qui nous a été présenté. Je suivrai bien entendu avec attention la suite des travaux de la mission.
Je souhaite, au nom du groupe GDR, saluer la qualité du travail mené, caractérisé par un grand sérieux, l'objectivité et la volonté de traiter, pour mieux le comprendre, d'un sujet difficile, grâce à un calendrier d'auditions exhaustif et des visites sur le terrain qui ont permis de mieux cerner les problématiques. J'apprécie donc beaucoup le travail qui a été mené et je pense que nous avons tous beaucoup appris.
La difficulté consiste à concilier, d'une part, la nécessité de soins imposés pour protéger les patients et des tiers et, d'autre part, le respect de la personne humaine et des libertés individuelles. La loi du 5 juillet 2011 a introduit l'intervention du juge et tous nos interlocuteurs ont confirmé qu'il s'agissait d'une bonne chose. Mais cela suppose, aussi, de dégager des moyens pour assumer les nouvelles tâches qui en résultent.
La loi du 5 juillet 2011 a été adoptée dans un contexte sécuritaire détestable, comme en témoigne le discours qui avait été tenu à Antony par l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy, discours qui stigmatisait les personnels soignants et a pollué le débat. Or ces personnels sont hautement responsables et conscients de leur rôle. Ils font preuve d'une grande humanité mais aussi d'une grande compétence. Ces derniers ont aussi souligné la nécessité d'améliorer la formation et de progresser dans la recherche ; pour cela, il leur faut des moyens.
Je serai brève sur les préconisations du rapport d'étape. Je pense que le rapporteur a bien synthétisé nos préoccupations et l'esprit de consensus qui nous anime.
Les sorties d'essai avaient fait l'objet de longs débats lors du projet de loi de 2011. Les travaux menés dans le cadre de la mission d'information confirment l'opinion que je défendais alors : ces sorties doivent relever de la seule responsabilité médicale car elles sont un élément du parcours thérapeutique du patient. J'ajoute que sur ce sujet, également, tous les médecins que nous avons entendus ont montré leur sens élevé des responsabilités.
J'en terminerai en insistant, encore une fois, sur la nécessité de dégager des moyens suffisants. En unités pour malades difficiles, l'encadrement est important et même essentiel.
Il est important effectivement de rendre hommage aux personnels qui travaillent auprès de ces malades comme aux juges des libertés et de la détention qui, en toute indépendance, ont à se prononcer sur ces cas.
Vous l'avez rappelé, deux millions de personnes sont sous traitement pour troubles mentaux, c'est pourquoi, combien la santé mentale doit retenir notre attention. Je souhaiterai poser des questions très simples et très concrètes sur quelques-unes des dix-sept préconisations.
Sur l'intervention du préfet, il est suggéré de poursuivre la réflexion sur les personnes compétentes pour décider d'une hospitalisation sous contrainte. Quelles sont-elles, à part bien sûr les médecins psychiatres ?
Vous avez évoqué très rapidement l'hospitalisation des mineurs, avec l'idée que la réflexion se poursuive. Représentent-ils une part importante des hospitalisations sans consentement ?
Vous proposez d'améliorer la formation des magistrats : sont-ils les seuls concernés par une meilleure connaissance des soins en unités psychiatriques ? Les médecins de famille, généralistes, sont aussi des acteurs du suivi des troubles mentaux. Le cursus des études des futurs médecins comprend-il une sensibilisation à la question de la santé mentale ?
S'agissant de l'information des malades, vous avez remarqué qu'ils pouvaient connaître des difficultés particulières, elle doit donc s'étendre aux familles, qui sont souvent elles-mêmes très démunies par rapport à la maladie.
Vous avez évoqué à plusieurs reprises l'idée de poursuivre la mission, en soulignant une difficulté qui commence à apparaître et qu'il faudra aborder : la situation dans les EHPAD. Enfin, la question des autistes doit être soulevée également, qui sont parfois placés en hôpital psychiatrique sans leur consentement ou celui de leur famille.
À mon tour je voudrai féliciter et remercier le rapporteur pour les travaux qu'il vient de nous présenter. Ils ont répondu à une attente assez forte. Ce rapport d'étape soulève de nombreuses questions et préoccupations exprimées par les personnes auditionnées comme par celles qui nous ont sollicités entre les auditions. Deux points me semblent plus particulièrement importants à ce stade des travaux : la prise en compte de la formation des professionnels et en particulier des magistrats, afin qu'ils aient une meilleure connaissance de ce milieu médical, voire parfois carcéral et de privation de liberté, et le droit des malades. Nous avons entendu M. Jean-Marie Delarue à ce sujet. Il est important que cette question soit prise en considération. Il s'agit d'une dimension humaine et nous avons vu, dans le cadre des internements et du suivi des malades, combien ce point reste délicat. Il me semble devoir continuer à être pris en compte dans la suite de nos travaux.
Les remarques que nous faisons sont, vous l'aurez remarqué, plutôt positives. La question traitée est extrêmement difficile, avec des zones d'ombre qui persistent partout, même au sein de l'institution médicale, entre la partie organique somatique et la partie psychiatrique. Elle est en connexion avec le monde médiatique, judiciaire et familial. Ce dernier, que nous n'avons pas encore évoqué, est partagé entre la négation et l'angoisse. Et les pressions sont fortes, entre le droit d'un malade et les devoirs d'une société.
L'amélioration de la formation des magistrats par des stages en milieu psychiatrique recueille-t-elle leur accord ?
La composition des commissions départementales de soins psychiatriques devrait selon vous comprendre davantage de personnes n'appartenant pas au monde médical. Quelles sont-elles ?
La prise en charge somatique me semble extrêmement compliquée, or je ne connais pas les propos des psychiatres sur ce point ni les conclusions que vous en tirez.
Enfin je m'interroge – il peut peut-être y avoir là un léger désaccord entre nous – sur l'autorisation de sorties d'essai de courte durée, les psychiatres sont-ils demandeurs et en assument-ils la responsabilité, ou en reste-t-on à une sortie administrative ?
Nous sommes dans un beau pays de liberté et l'on peut se féliciter de deux choses : la vigilance d'un certain nombre de nos institutions et du Conseil constitutionnel et la qualité du travail de cette mission sur un sujet difficile. L'histoire a, hélas, montré qu'un certain nombre de régimes politiques ont considéré comme ténue la frontière séparant les soins médico-psychiatriques de l'élimination. J'ai relu la vie de l'abominable docteur Karl Brandt, dans les années 1930, or, quelques années auparavant, tout se passait bien dans la République de Weimar. De bases psychiatriques légales, la situation a évolué vers des délires profonds. Il convient de se le rappeler. La réflexion de Martine Carillon-Couvreur sur la volonté du Contrôleur général des lieux de privation de liberté d'aller un peu plus loin dans le domaine du contrôle du placement en soins sans consentement me semble justifiée. Quelle est sur ce point l'opinion du rapporteur ? La marchandisation du corps est souvent évoquée ici, mais celle des esprits existe aussi. Le vieillissement de la population entraîne des difficultés. Un certain nombre d'enquêtes a montré que des lieux de séjour, souvent privés, étaient inadaptés, voire très coercitifs pour des malades qui étaient en fait des clients. Il me semblerait assez logique que les parlementaires puissent être autorisés à les visiter. Il convient enfin de penser à l'intrication qui existe entre le monde carcéral et la psychiatrie. Un bon nombre de détenus malades psychiatriques ne sont pas diagnostiqués, la médecine carcérale et en particulier la médecine psychiatrique me semblent sous-dotées, et la mission pourrait également prolonger son champ d'études dans ce domaine.
Je félicite le rapporteur : le sujet est complexe, difficile et éminemment humain, son approfondissement mérite notre reconnaissance unanime. Vous parlez d'une file active de deux millions de personnes souffrant de troubles psychiatriques, ce qui est effectivement important, alors que l'augmentation des hospitalisations sous contrainte est de 50 %. Vous établissez un lien avec une problématique de demandes de soins et de crainte de voir une responsabilité engagée. Existe-t-il, de ce point de vue, une spécificité de la psychiatrie française ? L'analyse psychiatrique est différente en fonction des cultures et des pays, il serait intéressant de se rapprocher de ce qui est fait ailleurs dans ce domaine. Le domaine psychiatrique n'est pas le seul où le comportement des Français est différent, il en est de même pour l'absorption des médicaments psychotropes. Peut-on voir un lien entre les deux ? Les infirmiers et infirmières diplômés d'État qui travaillent dans les établissements n'ont plus, depuis mars 1992 je crois, de formation spécifique d'infirmier psychiatrique et réclament une formation master 2 pour pouvoir travailler dans le domaine psychiatrique. Quelle est votre position sur ce sujet ? En matière de contrainte, les infirmiers psychiatriques soulèvent la problématique du déplacement du patient vers le tribunal, pour les raisons évoquées par la présidente mais aussi parce que leur nombre étant insuffisant. Lorsqu'ils se déplacent, il est nécessaire de placer les autres patients sous contrainte physique pour assurer la sécurité et l'encadrement sur place.
S'agissant des EHPAD, la manière d'aborder la question des personnes âgées souffrant de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées me semble un peu brutale, il ne m'apparaît pas que ce soit dans ces établissements que la situation soit la plus mauvaise : ils disposent d'un personnel formé à cet effet. Les hôpitaux me semblent davantage poser de difficultés précisément parce qu'on y est moins formé à ces problématiques.
Je me suis spécialement intéressé aux acteurs de la décision d'admission aux soins sans consentement, et notamment aux interventions du maire, et des maires que nous sommes. Nous sommes en effet confrontés très souvent à des situations de ce type. Vous évoquez la possibilité pour le maire de prendre toute mesure provisoire, y compris sous la forme d'une hospitalisation complète, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes et soulignez une situation qui présente une grande hétérogénéité, les maires, suivant les communes, pouvant avoir une appréciation différente de ce que peuvent être les troubles mentaux manifestes et le danger imminent pour la sûreté des personnes. Vous rappelez également que, dans les établissements de santé, une majorité des hospitalisations sont faites à la demande des maires, ce qui peut nous interroger. Vous évoquez des situations locales où il est plus facile pour la police ou la gendarmerie de faire appel au maire pour appliquer cette procédure plutôt que de garder les personnes en cellule de dégrisement. Vous évoquez également le rôle du médecin et sa décision alors qu'il n'est pas forcément un médecin psychiatre, en cas de péril imminent pour la santé de la personne, ce qui se passe dans les communes. On sait les difficultés que les maires peuvent avoir, en pleine nuit notamment, pour prendre ce type de mesures. Je souhaiterais connaître votre avis sur ces questions à la lumière des auditions comme des visites de terrain. Se pose enfin la question de l'organisation des services des urgences des hôpitaux par une meilleure orientation des personnes qui s'y présentent. En l'absence d'un interne en psychiatrie, le patient se trouve pris dans un flux et les arcanes d'un système où il est très mal pris en charge. Nous pourrions nous fixer comme objectif le développement d'unités d'admission d'urgence qui permettrait de répondre à ces difficultés au plus près des réalités du terrain. Ce sujet me préoccupe car les maires des communes rurales comme des plus grandes y sont fréquemment confrontés.
Vous avez, monsieur le rapporteur, fait le choix de consacrer, dans un premier temps, votre mission spécifiquement aux soins sans consentement. Vous l'avez expliqué en soulignant qu'il y avait une très forte augmentation de l'hospitalisation sous contrainte, ce qui est vrai, mais il y a de moins en moins de personnes hospitalisées en permanence en psychiatrie. Ces dernières se trouvent donc en milieu ordinaire, en ville, avec les risques que l'on connaît et des difficultés sociales grandissantes. Je voudrais insister sur la prévention et sur la formation des travailleurs sociaux. De nombreuses personnes en difficulté se retrouvent isolées, non seulement les malades mais également leur famille. Il est nécessaire, au-delà de la formation, de mettre en place des équipes mobiles d'intervention en ville, cette proximité leur permettant d'accompagner l'ensemble des personnes confrontées aux nécessités d'une hospitalisation sous contrainte, en général en urgence que sont les patients mais aussi les travailleurs sociaux, les familles ou les maires. Le déploiement de ces nouveaux moyens renforcerait la prévention et, avec une prise en charge en amont, éviterait ces hospitalisations.
Je voudrais revenir sur deux points. Le premier porte sur la procédure qui se met en place au moment de la prise de décision de l'hospitalisation sous contrainte C'est un moment difficile durant lequel plusieurs personnes se trouvent autour du malade, dont l'élu local, le maire ou son représentant, appelé à signer les demandes d'admission et prenant de ce fait de lourdes responsabilités dans un domaine dans lequel il n'est pas toujours, selon moi, compétent pour se prononcer sur le fond. J'ai été, moi-même, confronté à des situations où j'ai dû prendre des décisions d'hospitalisation. Or elles ont pu, au moins une fois, être remises en cause, car je n'avais pas forcément bénéficié des bons conseils pour ce faire, alors que pesait cette menace de trouble à l'ordre public dont j'aurai été responsable en l'absence de décision.
Le deuxième point porte sur la sortie d'essai. Je considère, moi aussi, que le médecin a toute compétence pour décider de l'état de santé du malade et de sa capacité à sortir de l'établissement. Néanmoins, le malade une fois sorti, peuvent se poser d'importants problèmes aux collectivités, à l'entourage, à l'environnement social, souvent défavorisé. Le risque est alors de faire replonger la personne concernée dans une situation de santé extrêmement précaire avec les difficultés qui peuvent suivre.
Quelques mots pour souligner le travail de grande qualité et extrêmement intéressant qui nous a été présenté et pour confirmer ce qui a été dit par plusieurs de nos collègues, en particulier par Annie Le Houerou. En tant que maires et élus locaux, nous sommes confrontés aux difficultés que posent à leur voisinage des personnes qui ne relèvent pas d'une décision de placement sans consentement. Ces personnes ne sont pas toujours suivies comme on pourrait le souhaiter. Je souhaite interroger le rapporteur sur le travail en réseau. Les conseils locaux de santé mentale constituent une avancée mais ils sont très insuffisants parce qu'ils reposent sur la bonne volonté des uns et des autres. Il me semble que nous pourrions réfléchir à la formation des travailleurs sociaux, à la constitution d'équipes mobiles et au suivi que les professionnels de santé, au sens large, pourraient assurer auprès de ces personnes parce que les difficultés qu'elles posent relèvent parfois simplement d'une prise médicamenteuse qui n'est pas faite ou mal faite. Nous sommes un peu de dehors du sujet de l'hospitalisation sous contrainte mais il s'agit de répondre à des difficultés sérieuses qui peuvent susciter de l'incompréhension et expliquer l'augmentation du nombre des demandes d'hospitalisation sous contrainte que vous avez soulignée dans votre rapport et qui doivent attirer l'attention du législateur. Je souhaiterai que nous puissions prolonger l'excellent travail de notre collègue en suivant ces pistes de réflexion.
Je m'associe aux propos de mes collègues pour remercier le rapporteur pour la qualité de son travail sur un sujet difficile, qui doit concilier la liberté individuelle avec le droit de chacun à la sécurité, en proposant les soins nécessaires. Ma première remarque porte sur le rôle du préfet que vous avez souligné. Il me paraît important de maintenir ce rôle. Le préfet intervient de manière subsidiaire, en cas de défaillance des autres intervenants. C'est le rôle des services de l'État d'assurer la sécurité de chacun. Avez-vous pu constater, du fait de la hausse du nombre d'admissions d'office, des situations différentes selon les régions et des inadéquations entre les moyens déployés et les besoins des personnes accueillies ? Vous avez évoqué, dans le cas du recours à la contention et aux chambres d'isolement, qu'il n'y avait pas de statistiques précises mais des ressentis et des témoignages de patients. Vous avez constaté des pratiques différentes d'une région à l'autre et parfois aussi au sein d'un même établissement. Existe-t-il une grille de gradation de l'état du malade par niveaux, qui soit l'équivalent de la grille d'évaluation du degré de dépendance, dite AGGIR pour Autonomie, Gérontologie Groupes Iso-Ressources, graduée de GIR 1 à GIR 6 ? Une matrice identique donnerait des données plus précises et permettrait des recensements et des contrôles. Peut-on imaginer un mécanisme de cette nature ?
Je tiens à saluer rapidement la qualité du travail de réflexion conduit par la mission. Je souhaite revenir sur un sujet que mes collègues ont déjà évoqué, à savoir le positionnement de l'élu local, du maire en particulier, dans la procédure d'hospitalisation sous contrainte. On sait que le maire est un élément clé de cette procédure. Il participe à la prise d'une décision face à laquelle il est souvent seul et sans doute mal préparé, c'est un point important. Je regrette aussi que l'élu impliqué dans cette procédure ne soit pas informé de la sortie définitive des patients ou de leur sortie d'essai. Vous avez rappelé que la sortie d'essai n'était plus soumise à autorisation, ce qui me paraît en soi justifié…
Il est normal que la décision médicale d'autoriser la sortie soit prise par le médecin et, lui seul, mais il y a une information à donner à l'élu local, ne serait-ce que parce qu'il peut être confronté à des interrogations venant de la population. J'aimerais connaître votre réaction et celle de la mission devant l'organisation de réseaux de santé mentale.
Il est important, sur ce sujet, de trouver un consensus. Je ne parviendrai peut-être pas à répondre à toutes les questions posées qui sont très nombreuses. Je rappelle à Annie Le Houerou que nous ne sommes pas au bout de la mission, que, parmi les questions qu'elle a posées, certaines d'entre elles ainsi que la problématique des prisons relèvent de la suite de nos travaux. S'agissant d'ailleurs des prisons, nous visitions hier, lundi, à Bron, près de Lyon, l'unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) dans le centre hospitalier Le Vinatier. L'enveloppe extérieure de l'unité est administrée par les services pénitentiaires tandis qu'à l'intérieur, c'est un hôpital. L'odeur que l'on y sent ne trompe pas : c'est une odeur d'hôpital et non de prison. Ceux qui, comme moi, ont été dans les deux types d'établissements font très nettement la distinction. La visite était intéressante de ce point de vue. Demain, nous procéderons à une série d'auditions sur le lien entre psychiatrie et prison. C'est une question lourde que nous devrons étudier. Je n'y répondrai dans son ensemble que dans le rapport de fin de mission, en octobre.
Les intervenants sont revenus à plusieurs reprises sur le rôle du médecin généraliste. Ce rôle est essentiel. Il intervient dans les décisions d'hospitalisation sous contrainte par la délivrance du certificat médical qui permet au maire de prendre cette décision en urgence et sans tiers identifié. Ce certificat n'est pas obligatoirement délivré par un médecin psychiatre, mais le plus souvent par un médecin généraliste qui, par hypothèse, connaît le patient. Ils sont à l'origine de deux tiers voire de trois quarts des prescriptions de psychotropes. La plupart des premières consultations accordées aux patients souffrant de troubles psychiatriques le sont par un médecin généraliste, parce que leurs cabinets ne connaissent pas ou peu les files d'attente importantes qui encombrent les centres médico-psychologiques (CMP) de certains secteurs. Et il importe que cette première consultation intervienne le plus tôt possible parce que l'expression d'un problème psychiatrique est le signe que la maladie est ancienne et a travaillé en silence. Il n'y a aucun intérêt à attendre, pour cette première consultation, qu'un service de psychiatrie soit disponible. Les moyens affectés aux secteurs psychiatriques sont très différents. Ils vont de un à dix. Dans la suite de ses travaux, la mission travaillera sur l'articulation entre la médecine générale et la médecine psychiatrique. Dans certains secteurs, les psychiatres travaillent avec des médecins généralistes et ceux-ci reçoivent des formations à la médecine psychiatrique. Ils ne deviennent pas psychiatres pour autant mais peuvent mieux appréhender la maladie mentale des patients qui se présentent à leur cabinet. Cette articulation est une dimension importante de notre travail à venir.
Le rôle du maire est également revenu dans plusieurs interventions. Je l'ai abordé dans la relation qu'il entretient avec le médecin généraliste. On nous a parfois décrit de manière pittoresque des problèmes d'ordre public qui ne devraient pas se traiter par la psychiatrie. Je cite le cas d'un maire qui aurait demandé au préfet l'hospitalisation sous contrainte d'une prostituée qui se trouvait devant sa mairie. Nous sommes conscients des risques de dérives mais je crois que les maires sont extrêmement précautionneux. Ils savent qu'une décision de cette nature est humainement difficile à prendre et qu'elle engage juridiquement sa responsabilité. Il a intérêt à vérifier que tous les éléments nécessaires à la prise de l'arrêté sont réunis. Il dispose de l'aide offerte par la permanence des services du préfet qui peuvent lui donner des conseils. Le rapport ne présentera pas de préconisations sur ce rôle et nous ne le modifions pas. Peut-être faudrait-il revenir sur le besoin d'information des maires qui a été souligné. Je pense cependant que, sur la base des travaux menés jusqu'à présent, le rôle du maire est essentiel parce qu'il est présent partout mais qu'il doit être le plus limité possible et doit rester résiduel parce que, s'il doit répondre aux besoins urgents qui s'expriment, sa fonction essentielle n'est pas de décider des hospitalisations sous contrainte.
Une question sur les sorties d'essai est revenue de manière récurrente. Un patient admis en soins psychiatriques sur ordre du préfet ne peut bénéficier d'une sortie d'essai qu'avec l'autorisation du préfet, quel que soit l'avis du psychiatre. C'est l'un des points de litige qui existent entre l'administration préfectorale et les psychiatres. Le régime de la sortie d'essai est la source de désaccords et d'incompréhension la plus fréquemment citée. Il y a clairement une demande d'évolution à laquelle nous avons répondu en considérant que le médecin psychiatre devait pouvoir prendre la responsabilité de la décision de sortie d'essai. Plus précisément, les préfets considèrent qu'une sortie d'essai substitue à un régime d'hospitalisation sous contrainte un régime contraignant d'un programme de soins. Il me semble que si la sortie d'essai est accordée pour une durée limitée, la procédure doit être entièrement réinitialisée. Le retour du patient en hospitalisation doit être précédé d'un nouvel arrêté de placement en soins psychiatriques sous contrainte. Il y a différents types de sorties d'essai. Certaines peuvent permettre au patient d'assister aux obsèques d'un proche. D'autres sorties d'essai tiennent à l'évolution du patient. Le médecin peut estimer favorable à son état qu'il rejoigne sa famille ou son logement s'il ne l'a pas perdu. Il faut ensuite voir concrètement ce qui se passe. Le patient peut-il vivre dans une structure d'accueil en aval de l'hôpital ou bien dans son cadre de vie habituel ? On procède en expérimentant puisque l'on n'est pas dans une science exacte. Il me paraît important de prévoir un dispositif législatif qui permette ce travail attentif du psychiatre qui suit l'évolution du patient. C'est pourquoi je propose que, dans la législation, la sortie d'essai relève de la responsabilité du médecin et qu'elle soit limitée dans le temps mais qu'elle demeure soumise au régime de l'hospitalisation sous contrainte.
Je réponds à la question récurrente que Gérard Sebaoun, très assidu aux travaux de la mission, a soulevée à de multiples reprises. Quels sont les moyens permettant la prise en charge d'un patient soumis à une décision d'hospitalisation sous contrainte qui n'a pas envie de quitter le lieu sur lequel cette décision lui est notifiée ? Il peut, par hypothèse, se trouver dans sa famille. Actuellement, on appelle les ambulanciers. Si le patient se montre violent, les ambulanciers s'en vont. On appelle alors les pompiers qui, à leur tour, alertent les policiers. Tout cela se déroule dans le cadre du régime juridique des hospitalisations demandées par un tiers tandis que les décisions d'hospitalisation sous contrainte prises par les préfets autorisent le recours à la force publique. Nous devons clarifier le dispositif juridique de l'hospitalisation à la demande d'un tiers. Se pose ensuite la question des moyens de cette prise en charge. Il serait préférable qu'elle soit assurée par des personnes formées et plus encore par des infirmiers psychiatriques. Nous n'avons pas avancé de solution sur ce point pour le moment mais la suite des travaux de la mission devrait nous le permettre. Je n'engage que moi puisque la mission n'a pas délibéré sur ce sujet.
Une intervention a établi une comparaison internationale des moyens des médecines psychiatriques. Ce qui frappe dans le cas des psychiatries française et belge est le grand nombre de médecins psychiatres par rapport à la population. Il y en a proportionnellement deux fois plus en France qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Il y a également davantage de lits d'hospitalisation que dans ces deux pays. La démographie médicale conduira 40 % des psychiatres à prendre leur retraite dans les prochaines années. Comme pour les autres corps médicaux, la répartition des psychiatres sur le territoire national est très mauvaise. Il y a des zones de surdensité, d'autres de sous-densité et, parmi celles-ci, de véritables déserts psychiatriques, même en Île-de-France, dont on dit pourtant qu'elle accueille une densité anormale de psychiatres. La mission suivra ce problème ainsi que celui de la formation des généralistes. Celle des magistrats reste fondée sur le volontariat. C'est à eux de s'inscrire aux stages qui leur sont proposés.
Il a été souligné que l'intervention du juge était acquise et que tout le monde s'en félicitait. Je serais beaucoup plus prudent. Tout le monde admet, certes, que cette intervention est exigée à la fois par la loi et par le Conseil constitutionnel. Toutefois, officieusement, certains psychiatres reconnaissent qu'ils ne se plient à cette règle que parce que la loi leur impose. Il y a donc encore une certaine réticence devant le regard extérieur.
Lorsque nous avons auditionné les syndicats de psychiatres, une demande a été formulée visant à ce que ce soit le juge des tutelles, et non plus le juge des libertés et de la détention, qui intervienne. Les psychiatres ont, en effet, de meilleures relations avec ces derniers qui s'occupent des problèmes civils ou patrimoniaux des patients et qui donc, par hypothèse, ne sont pas en opposition avec le soin prodigué et avec la contrainte dont celui-ci est éventuellement assorti. Néanmoins, si un jour le contrôle de la contrainte était exercé par le juge des tutelles, il est évident que le rapport avec le psychiatre changerait de nature. Ce point traduit bien l'existence d'une insatisfaction sur la façon dont les choses se passent, même si cette insatisfaction est moindre lorsque les audiences se passent à l'hôpital.
Madame Isabelle Le Callennec, vous avez posé toute une série de questions. Vous nous avez demandé qui pourrait être l'autorité compétente, si ce n'est pas le préfet. Nous nous sommes posé la question.
Pour y répondre, il faut se demander en quoi consiste fondamentalement la décision de mise sous contrainte. On pourrait dire qu'elle est d'ordre médical puisque c'est un médecin qui certifie que des soins sont nécessaires et que, par définition, le patient n'est pas en mesure d'y consentir. La contrainte étant la condition des soins, elle pourrait apparaître comme participant d'un acte thérapeutique. Dès lors, on pourrait imaginer de confier la prise de décision à un médecin de l'agence régionale de santé (ARS). C'est une hypothèse toutefois que nous n'avons pas retenue, ne serait-ce que parce que les médecins d'ARS sont rarement des psychiatres. Plus fondamentalement, il nous a semblé judicieux de maintenir une distinction entre, d'une part, le soin et, d'autre part, la contrainte, qui est certes la condition préalable mais qui en elle-même ne relève pas du soin.
Une autre piste serait celle des directeurs d'établissement. Cela poserait cependant d'autres problèmes. Selon Mme Nicole Questiaux, que nous avons entendue au titre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), ce n'est pas à celui qui gère les murs de les « remplir ». Je ne mets absolument pas en cause ici les directeurs d'établissement, lesquels exercent leur métier avec scrupule. Toutefois, si cette tâche leur était confiée, un doute pèserait nécessairement sur eux.
À défaut, ce ne peut être que le juge ou le procureur. Nous avons fait un peu de droit comparé. Dans les autres pays, ce sont en général les magistrats qui remplissent cette mission tout simplement parce qu'il y a une atteinte à la liberté individuelle. Le juge devient ici un juge « administrateur ». Un directeur d'établissement que nous avons auditionné a fait l'analogie avec l'ordonnance de placement provisoire. En cas d'urgence, le procureur de la République peut en effet placer un enfant, c'est-à-dire le retirer à sa famille, et il faut que dans les huit jours sa décision soit confirmée par un juge du siège, le juge des enfants. Nous n'avons pas encore tranché ce point. Si nous sommes en présence d'un processus administratif, c'est-à-dire si la décision se prend sur dossier au vu de certificats médicaux, cela revient un peu au même que ce soit un préfet ou un juge qui décide. Ajoutons que, si la réforme du Conseil supérieur de la magistrature est adoptée, elle coupera le lien entre le ministre de la justice et le procureur. Devenu indépendant, celui-ci aura pleinement la qualité de magistrat au sens où l'entend la Cour européenne des droits de l'homme. En revanche, si nous sommes en présence d'un processus judiciaire, cela change tout. Si je suis procureur de la République, que je dois prendre une décision de placement et que je veux le faire au terme d'un débat contradictoire, il faut que je me fasse amener le patient. C'est compliqué puisque, par hypothèse, la décision de placement n'est pas prise. Il faut donc que je fasse appréhender une personne qui n'a pas, ou pas nécessairement, commis d'infraction. Par ailleurs, si la décision de placement est urgente, on peut supposer que le patient est en crise, c'est-à-dire qu'il se trouve au pire moment pour comprendre le processus dont il fait l'objet et pour y participer sans le vivre comme une souffrance plus grande. En résumé, avant de changer l'auteur de la décision, il faudra s'assurer que cela apporte un gain au malade. Pour l'instant, nous n'en sommes pas persuadés.
En ce qui concerne les mineurs, nous n'avons pas de statistiques. Nous avons identifié le problème et nous y travaillons.
S'agissant des droits des malades et de leur information, le vrai problème est aujourd'hui l'effectivité du droit. S'il y a par exemple un droit à un avocat, ce droit ne doit pas rester théorique. Au barreau de Lille, depuis plus d'un an, le bâtonnier ne commet plus d'avocat d'office pour assister les patients devant les juges des libertés et de la détention, car leur indemnité, représentant seulement quatre unités de valeur, soit 95 euros, ne couvrait même pas les charges de cabinet. L'effectivité des droits implique aussi que ceux-ci soient notifiés. C'est souvent compliqué. À quel moment notifie-t-on les droits ? On le fait normalement à l'arrivée du patient mais ce n'est pas facile si le patient est en crise. Sur ce type de problématiques, chaque établissement élabore aujourd'hui ses propres outils. Nous préconisons quant à nous la rédaction d'un livret d'accueil type où toutes les informations à caractère légal soient données Les droits de la « loi Kouchner » du 4 mars 2002 sont ouverts aux malades mentaux comme aux autres malades.
Sur la situation des autistes, nous avons décidé que la mission n'aborderait pas ce sujet. Il y a déjà d'autres travaux consacrés à ce problème, dont la chose exigerait une mission à part entière.
S'agissant des EHPAD, la situation est très compliquée. Il ne s'agit nullement de stigmatiser ces établissements. Nous savons bien que, si l'on ferme à clé certains services, c'est dans l'intérêt des personnes elles-mêmes et de leur sécurité. Il y a d'ailleurs des demandes des familles en ce sens. On se heurte ici à une difficulté juridique. L'EHPAD est en effet le domicile des personnes concernées. Les solutions valables pour l'hôpital ne peuvent donc pas être appliquées ipso facto aux EHPAD. Cela dit, il y a un problème lourd qui est bien identifié et que M. Jean-Marie Delarue a clairement relevé. Des limites sont posées à la liberté en dehors de tout cadre juridique et de tout contrôle efficace. Il existe également des problèmes de contention. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ce sujet.
Élie Aboud m'a interrogé sur la prise en charge somatique. La loi du 5 juillet 2011 prescrit une visite à l'entrée qui est généralement respectée. Pour le reste, il y a une facilité de prise en charge dans les hôpitaux généraux dotés d'une division psychiatrique. En revanche, on rencontre des difficultés quand l'hôpital psychiatrique n'a pas de service de médecine générale. Il est inacceptable qu'une personne en hôpital psychiatrique ne voit pas ses problèmes somatiques identifiés et soignés. Rappelons cette évidence qu'un psychiatre est en même temps un médecin.
Une dernière question m'a été posée concernant les infirmiers psychiatriques. Cette profession a été supprimée en 1992, ce qui est ressenti aujourd'hui comme une perte. La formation était différente de celle d'infirmier. Il s'agissait souvent en outre de personnes qui choisissaient cette voie vers l'âge de 40 ans, avec une expérience de vie et donc une qualité humaine spécifique. Pour autant, personne ne souhaite la réintroduction de cette profession sous sa forme ancienne. En revanche, on pourrait envisager que la psychiatrie devienne une spécialisation pour les infirmiers. On nous a dit que certaines personnes s'engageaient dans la voie de la psychiatrie par défaut et s'en allaient dès que possible. Mais nous avons pour notre part rencontré beaucoup de personnes qui y venaient délibérément et avec une forte motivation, des gens très investis auprès des patients et dont les attentes sont grandes vis-à-vis du législateur.
La commission autorise, à l'unanimité, le dépôt du rapport d'information de la mission sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie relatif aux soins sans consentement en vue de sa publication.
La séance est levée à onze heures.