COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 26 juin 2013
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine pour avis, sur le rapport de M. Stéphane Travert, le titre Ier du projet de loi, adopté par le Sénat, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 1120).
Nous abordons aujourd'hui le premier des trois textes organisant une nouvelle étape de la décentralisation, fondée sur les quatre principes posés par le Président de la République : clarté, confiance, cohérence et démocratie locale.
Notre Commission s'est saisie pour avis du titre Ier, consacré à la clarification des compétences des collectivités et à la coordination des acteurs. La principale disposition en est le rétablissement de la clause de compétence générale. Elle revêt une importance particulière pour nous, tant il est vrai que cette clause est à l'origine du développement de politiques locales ambitieuses et d'un véritable foisonnement dans les domaines culturel et sportif, si chers à notre Commission.
Dans le domaine culturel, la décentralisation a moins répondu à une logique de « blocs de compétences » ou de spécialisation des compétences que d'exercice conjoint d'une compétence générale par chacun des niveaux de collectivités publiques. D'ailleurs, la loi fondatrice du 7 janvier 1983, relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, était relativement timide en matière de transfert de compétences culturelles. Elle a cependant favorisé le dynamisme de l'action culturelle des collectivités territoriales grâce à la clause de compétence générale. À divers degrés, les compétences culturelles sont donc partagées entre les collectivités.
Bien sûr, certaines compétences relèvent de manière privilégiée d'un niveau de collectivités : il en est ainsi de la compétence des départements en matière d'archives. Mais ces compétences ne sont pas exclusives : aucune collectivité publique n'exerce le monopole d'une des compétences culturelles transférées. Chaque niveau de collectivités territoriales est compétent pour exercer l'ensemble des fonctions culturelles, l'État restant, dans tous les cas, le garant de la cohérence nationale, par l'édiction de règles et l'exercice du contrôle scientifique.
La dernière enquête sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales, menée par le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture, confirme que les communes, départements et régions ainsi que, désormais, les groupements de communes, sont des acteurs majeurs du financement public de la culture en France : ils engagent dans ce domaine des crédits plus de deux fois supérieurs au budget du ministère de la culture. Ce sont ainsi près de 7 milliards d'euros que les collectivités territoriales ont mobilisés pour la culture en 2006, dont 4,4 milliards pour les seules communes de plus de 10 000 habitants. Cette même année, départements et régions consacraient respectivement 1,3 milliard et 556 millions d'euros à la culture.
Au-delà des domaines réservés d'intervention découlant de la première vague de transferts de compétences, on observe que les communes et groupements de communes consacrent leurs dépenses culturelles de fonctionnement et d'investissement aux équipements de proximité – écoles de musique et de danse, bibliothèques et médiathèques, musées municipaux ou départementaux –, tandis que les départements et, surtout, les régions attribuent plus massivement des subventions aux équipements et acteurs culturels.
Le partage des compétences culturelles qu'a permis la clause de compétence générale se traduit par l'importance des financements croisés : les subventions versées entre collectivités représentent 231 millions d'euros en 2006, soit 3,4 % des dépenses culturelles nettes locales.
Dans le domaine du sport, les collectivités, au premier rang desquelles les communes, assurent la plus grande partie de l'effort financier public pour l'organisation de la pratique du sport. Cet effort des communes s'élevait, en 2007, à 8,95 milliards d'euros, soit près de deux tiers de l'ensemble des dépenses finançant les projets sportifs. Les régions et les départements y investissent respectivement 0,5 et 0,8 milliard d'euros. D'après la Cour des comptes, la dépense sportive en France avoisine 33 milliards d'euros. 48 % des montants engagés par les collectivités sont des dépenses d'investissement et 52 % des dépenses de fonctionnement : elles interviennent en effet, non seulement à travers l'octroi de subventions aux associations et sociétés sportives, mais aussi via le financement de la construction et de l'entretien des équipements sportifs. Un recensement réalisé en 2006 par le ministère des sports dénombre 144 000 installations sportives, comprenant plus de 311 000 équipements sportifs, les collectivités étant propriétaires de plus de 83 % de ces derniers.
Dans ce contexte, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités a suscité l'inquiétude, non seulement des collectivités territoriales, mais de l'ensemble du mouvement sportif et des acteurs culturels, en particulier sur deux points.
Cette inquiétude portait d'abord sur la répartition des compétences : la loi supprimait en effet la clause de compétence générale des départements et des régions et consacrait le principe des compétences exclusives, en vertu duquel les collectivités ne pouvaient agir que dans les domaines déterminés par la loi, aucune ne pouvant intervenir dans un domaine confié à un autre niveau de collectivités.
L'encadrement des financements croisés constituait un autre motif d'appréhension : la loi de 2010 impose une participation minimale du maître d'ouvrage de projets d'investissement bénéficiant de subventions d'autres collectivités, participation fixée à 20 %. Des exceptions ont toutefois été ménagées à ce principe, notamment pour le financement de la rénovation du patrimoine protégé au titre du code du patrimoine. La loi avait également prévu l'instauration d'un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services, afin d'organiser, de manière assez coercitive, les interventions des différents niveaux de collectivités. Le défaut d'adoption d'un tel schéma était sanctionné par l'application d'un « malus ». Tout cumul de subventions d'investissement ou de fonctionnement accordées par un département et une région devenait ainsi impossible.
Grâce à la mobilisation des élus et des acteurs concernés, ces principes avaient été assouplis dans un certain nombre de domaines, pour lesquels toute attribution d'une compétence exclusive à un niveau de collectivité aurait semblé arbitraire et inadaptée à la nature même de la compétence exercée. Ainsi le sport, la culture et le tourisme avaient-ils été reconnus comme des compétences partagées. De même les limites apportées au cumul de subventions ne s'appliquaient-elles pas aux subventions de fonctionnement accordées aux projets sportifs, culturels et touristiques. De nombreuses limites continuaient cependant à brider le dynamisme des collectivités, suscitant une grande inquiétude parmi ceux qui, dans les milieux culturels et sportifs, ont pris l'habitude de travailler avec elles.
Le présent projet de loi procède d'une tout autre logique : il repose d'abord sur la confiance dans la capacité des collectivités à exercer leurs compétences au plus près des territoires et à coordonner leurs interventions. Ce texte ne procède pas à de nouveaux transferts de compétences : il mise sur la responsabilité des collectivités. Le rétablissement de la clause générale de compétence est ainsi assorti de la désignation de chefs de file, chargés de coordonner les interventions des différents niveaux de collectivités, et de l'institution de conférences territoriales de l'action publique, instances de dialogue et de « mise en musique » des compétences partagées.
Ce dispositif est particulièrement adapté aux domaines du sport et de la culture. Dans ce dernier en particulier, nous avons atteint un régime de croisière et les collectivités n'expriment pas le souhait de nouveaux transferts. En effet, même si le transfert de l'Inventaire général du patrimoine aux régions, par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités des collectivités locales, a été globalement apprécié, je pense que le rétablissement d'un dialogue serein avec l'État constitue le préalable nécessaire à tout transfert supplémentaire. Sans cette condition, toute décision de la sorte ne peut qu'être accueillie par une certaine méfiance.
J'en veux pour preuve le résultat mitigé des transferts de monuments historiques opérés par la loi de 2004 : alors que 176 monuments classés ou inscrits de l'État et du Centre des monuments nationaux ont été déclarés transférables, sur leur demande, aux collectivités territoriales, seulement 73 candidatures ont été adressées aux préfets de région. De même, seules quatre collectivités ont fait connaître leur intérêt à participer à l'expérimentation en matière de gestion par les régions, ou à défaut par les départements, des crédits affectés à la restauration et à l'entretien des monuments inscrits ou classés n'appartenant pas à l'État.
L'amélioration de la coordination des interventions des collectivités par les collectivités elles-mêmes est également de bonne méthode. Je vous proposerai des amendements visant à conforter le rôle de chef de file des régions pour l'exercice de certaines compétences afin de garantir une approche globale, dans le cadre d'une stratégie cohérente.
Je vous proposerai également de combler un angle mort du projet de loi en matière de coordination des politiques culturelles. Reposant en grande partie sur le volontarisme local, le paysage institutionnel d'une action culturelle largement empirique peut apparaître quelque peu brouillé. Ce diagnostic a été confirmé à l'occasion des « Entretiens de Valois » pour le spectacle vivant, lancés par le ministère de la culture sous la précédente législature. Ceux-ci ont été l'occasion de déplorer notamment la multiplicité des guichets auxquels les acteurs culturels doivent s'adresser pour faire vivre leur institution ou monter leurs projets, ainsi que certaines divergences dans les attentes formulées par les différentes collectivités publiques, avec des cahiers des charges parfois contradictoires.
D'autre part, en dépit de leur rôle irremplaçable pour le dynamisme culturel des territoires, les collectivités locales ont souvent le sentiment d'être réduites à la fonction de « guichets », le dialogue et le partenariat avec l'État restant perçu comme déséquilibré, voire déresponsabilisant. À l'inverse, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, se révèlent parfois incapables de satisfaire les demandes d'accompagnement, d'expertise et de conseil que leur adressent les collectivités pour certains dossiers. À ce propos, la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, la FNCC, a pu souligner « la nécessité de réaffirmer le rôle essentiel de l'État ».
C'est la raison pour laquelle je vous proposerai d'instituer un conseil territorial pour le développement culturel, dont la composition serait calquée sur celle de la conférence territoriale de l'action publique. Ce conseil constituerait le pendant, au niveau local, du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, placé auprès de la ministre en charge de la culture, qui a été récemment réactivé pour répondre à ce besoin d'un dialogue plus approfondi. Dans le cadre de ce conseil national, les associations de collectivités ont formé le voeu qu'une déclinaison locale de cette structure puisse être mise en place. Nous y répondons en proposant ce conseil territorial. Il se réunirait obligatoirement au moins une fois par an. Le représentant de l'État serait systématiquement présent. Il ne s'agit pas pour autant d'une tentative d'assurer l'hégémonie de l'État sur les politiques culturelles locales : nous entendons, je le répète, répondre à la demande des collectivités d'un dialogue plus nourri et plus formalisé avec l'État, sur le fondement d'un véritable partenariat.
Pour conclure, je me réjouis que nous puissions débattre des politiques culturelles et sportives locales, et plus généralement des perspectives de la décentralisation. Une nouvelle occasion de le faire nous sera fournie par l'examen des deux projets de loi qui doivent suivre celui dont nous sommes aujourd'hui saisis, l'un relatif à la mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et sur la promotion de l'égalité des territoires, l'autre relatif au développement des solidarités territoriales et la démocratie locale. La discussion des futurs projets de loi sur la création et sur le patrimoine constituera également, à n'en pas douter, un temps fort de notre réflexion.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi, sous réserve de l'adoption des amendements que je vous présenterai et d'un autre, auquel je donnerai un avis favorable.
Je trouve tout à fait opportun que notre Commission se soit saisie pour avis du titre Ier de ce projet de loi. Il me semble même que nous aurions pu étendre le champ de notre saisine, d'autres dispositions du même texte ayant un impact sur les politiques sportives et culturelles des collectivités locales.
La nouvelle étape de la décentralisation que nous abordons aujourd'hui vise moins à augmenter le nombre des compétences décentralisées qu'à améliorer l'articulation entre les interventions des différents niveaux de collectivités territoriales, dans le respect des quatre principes posés par le Président de la République et rappelés par le rapporteur pour avis. Si le gouvernement précédent avait assigné à sa réforme le même objectif de clarification, celle-ci s'était résumée à la suppression autoritaire de la clause de compétence générale des départements et des régions, au grand dam de ces collectivités. Le gouvernement actuel fait le choix contraire de rétablir la clause de compétence générale et d'instituer des instances de dialogue entre les collectivités.
La question est d'autant plus importante pour notre Commission que les sujets de la culture, du sport et de la vie associative, voire de l'enseignement supérieur et de la recherche, n'ont jamais fait l'objet de dévolutions spécifiques de compétences, les lois de décentralisation laissant dans ce domaine le champ libre à une multiplicité d'intervenants. On peut certes déplorer la confusion qui en résulte, mais il faut bien reconnaître que les acteurs oeuvrant dans ces domaines apprécient la possibilité de travailler avec l'ensemble des collectivités territoriales. C'est cette souplesse que le présent projet de loi se propose de préserver, et je pense que c'est une bonne chose.
La conférence territoriale de l'action publique, la CTAP, sera l'instance de concertation qui permettra de clarifier les responsabilités de chacun. Il est déjà de coutume que les élus locaux des différents niveaux de collectivités se concertent périodiquement : ces rencontres sont même formalisées à travers les conférences des exécutifs qui existent depuis quelques années.
Si nous ajoutons à ces avancées l'institution du « chef de filat », nous avons un triptyque qui est de bon augure pour la suite de la réforme.
Nous attendions un grand débat sur la décentralisation, qui aurait permis d'en dresser le bilan, de discuter des moyens d'en améliorer le fonctionnement et de dessiner des perspectives. Au lieu de cela, le gouvernement préfère nous proposer trois textes, ce premier projet de loi, d'une portée assez limitée, devant être suivi par deux autres, de réforme de la décentralisation. Ceux-ci devant être consacrés plus spécifiquement aux départements et aux régions, on s'étonne de voir dans ce titre Ier des dispositions relatives aux compétences départementales et régionales.
Vous avez rappelé que le Président de la République avait assigné comme objectifs à cette réforme la clarté et la cohérence : je ne vois pas en quoi rétablir la clause de compétence générale des régions et des départements tout en faisant de certaines collectivités des chefs de file sans autre pouvoir que celui d'organiser les modalités d'intervention des acteurs locaux va dans le sens de la clarification des compétences. Il est d'autant plus permis d'en douter que le Sénat a réduit la portée des dispositions allant dans le sens de cette clarification, quand il ne les a pas supprimées. Il a ainsi réduit la CTAP au rôle d'un simple lieu de discussion. Quant au pacte de gouvernance territoriale, qui devait coordonner l'action des différentes collectivités territoriales via des schémas d'organisation sectoriels, destinés à déterminer les niveaux et modalités d'intervention des acteurs locaux, il a purement et simplement disparu.
En tout état de cause, le texte ne précisant à aucun moment le sort des compétences des collectivités territoriales en matière culturelle et sportive, celles-ci restent des compétences partagées.
Je regrette enfin que nous ne nous soyons pas saisis de l'ensemble du projet. En tant qu'élue de la métropole lyonnaise, je suis singulièrement sensible au volet relatif à l'affirmation des métropoles, qui n'est pas sans incidence sur l'exercice par ces collectivités des compétences en matière de sport et de culture.
C'est surtout pour « marquer le coup » que la Commission s'est saisie du titre Ier de ce texte, qui la concerne moins que les autres projets de réforme de la décentralisation.
Le projet de loi, tel qu'issu du Sénat, propose de confier aux métropoles le programme de soutien et d'aides aux établissements d'enseignement supérieur et aux programmes de recherche, ainsi que la construction, l'aménagement, l'entretien et le fonctionnement d'équipements culturels, socioculturels, socio-éducatifs et sportifs d'intérêt métropolitain. Nous tenons à rappeler de manière très forte que ces compétences doivent être exercées en complémentarité et dans le dialogue avec les autres collectivités, notamment avec les régions. En effet, certaines collectivités ont déjà trop tendance à « arroser là où c'est déjà mouillé », c'est-à-dire à concentrer leurs financements en faveur de certains projets, au détriment des petites infrastructures et des événements de proximité. Donner plus de poids aux métropoles sans affermir en parallèle le rôle des régions risquera de figer ces déséquilibres et de rendre vains les efforts des élus écologistes pour rééquilibrer les financements régionaux en faveur des campagnes et des petites villes.
Si la majorité des établissements d'enseignement supérieur se trouvent dans les métropoles, il ne faudrait pas négliger les nombreux instituts universitaires de technologie (IUT), écoles d'infirmières, etc., sans parler des annexes d'université, qui sont situés en dehors de ces métropoles et qui permettent à de nombreux jeunes de poursuivre leurs études près de chez eux. Or ces établissements souffrent déjà d'un déficit d'équipements collectifs. Si la région ne joue pas un rôle dans ce domaine, ces établissements et leurs étudiants risquent de devenir les grands oubliés des plans de construction et de rénovation de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche.
C'est pourquoi nous proposerons un amendement visant à renforcer les compétences régionales en la matière.
Notre rapporteur pour avis a très bien expliqué les avancées de ce projet de loi : le rétablissement de la clause de compétence générale, dont la suppression était très controversée, les infrastructures importantes étant souvent financées par des investissements croisés, et la création d'instances de coordination des compétences des différentes collectivités territoriales.
Ce titre Ier va donc dans le bon sens, même s'il n'est qu'un apéritif : vous nous avez en effet mis l'eau à la bouche en évoquant le volet relatif à l'affirmation des métropoles, et nous serons attentifs au sort qui sera réservé dans ce cadre aux modifications apportées par le Sénat. Le moins qu'on puisse dire est que la métropole parisienne a été quelque peu « déshabillée » par les sénateurs !
Nous n'examinons en effet que le titre Ier d'un texte qui n'est pas lui-même un projet de loi global de décentralisation. Le volet relatif à l'affirmation des métropoles a donné lieu à des débats assez vifs au Sénat et beaucoup de maires de toutes sensibilités contestent ces dispositions. Je vous annonce d'ores et déjà que notre groupe ne votera pas ce projet de loi en l'état.
Je me réjouis bien sûr que la mobilisation des associations et des élus ait permis le rétablissement de la clause de compétence générale, car c'est elle qui permet les financements croisés nécessaires au financement de beaucoup d'équipements sportifs ou culturels.
Cela étant dit, même si je me suis toujours battue pour le maintien de cette clause, j'appelle cependant votre attention sur le risque de voir, à un moment où toutes les collectivités territoriales doivent réduire leurs dépenses, chacune d'elles se défausser sur les autres s'agissant du financement du sport et de la culture.
J'émettrai le même bémol que Mme Marie-George Buffet, notamment en ce qui concerne le sport. La Cour des comptes a souligné les dérives dont souffrait son financement, les investissements publics bénéficiant de plus en plus, par des voies plus ou moins détournées, au sport professionnel et à la construction d'infrastructures de prestige, au détriment de l'égalité et de l'intérêt général. Ne faudrait-il pas, pour parer à de telles dérives, prévoir l'élaboration de schémas territoriaux d'infrastructures d'intérêt général ?
Voilà un texte paradoxal : alors que l'objectif affiché est de clarifier les compétences respectives des collectivités territoriales, il tend à les rendre moins lisibles pour les citoyens. Ce projet de loi est si obscur que l'Association des maires de France y voit un risque de spoliation des compétences des communes au profit des départements et des régions, alors que l'Assemblée des départements de France y voit l'exact contraire !
La lecture au Sénat n'a rien arrangé. La conférence territoriale de l'action publique, qu'on nous avait présentée comme une innovation majeure, est devenue un vague lieu d'échanges devant assurer la mise en oeuvre de la gouvernance locale.
Il reste à espérer que la sagesse des députés saura transformer ce texte dans le sens d'une clarification des compétences respectives des collectivités territoriales.
Tout en saluant le travail du rapporteur pour avis, je déplore le découpage en trois textes de la réforme de la décentralisation, qui en interdit toute vision d'ensemble et ne peut être que dommageable à sa mise en oeuvre.
Le projet de loi initial ne faisait pas suffisamment de cas de la diversité de nos territoires et aurait conduit à la constitution de CTAP pléthoriques et ingouvernables, où les territoires ruraux auraient été sous-représentés. Les modifications apportées par le Sénat ont heureusement infléchi cette orientation originelle.
Quelle que soit notre sensibilité politique, nous sommes généralement favorables au rétablissement de la clause de compétence générale en matière de culture et de sport. Il ne faudrait pas pour autant renier le souci de clarification des compétences qui était à l'origine de la réforme de 2010 : les initiatives des différentes collectivités et de l'État ont besoin d'être coordonnées, en particulier en matière de culture.
C'est pourquoi nous aurions souhaité l'institution d'une déclinaison en région du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, le CCTDC, instance de dialogue entre des représentants des principales associations d'élus locaux et le ministère de la culture. Ce conseil se réunit régulièrement, sous l'égide de la ministre de la culture, afin d'assurer la cohérence de l'action territoriale dans le domaine de la culture.
Sans multiplier à l'envi les instances, il serait bon néanmoins de réaffirmer la nécessité d'organiser en région la décentralisation culturelle via une collaboration effective de tous les niveaux de décision.
C'est une nouvelle « loi PLM » que vous nous proposez là, puisque ce texte est essentiellement consacré aux cas du Grand Paris, de Lyon et de Marseille. Je déplore par ailleurs l'absence de choix clair de la part du gouvernement, ce qui se traduit par le saucissonnage de la réforme législative de la décentralisation, par la contradiction entre le rétablissement de la clause de compétence générale et l'instauration du chef de filat, qui provoquera inévitablement un enchevêtrement des compétences, par l'ajout enfin, avec l'institution des CTAP, d'une couche supplémentaire au millefeuille administratif : tout cela est bien loin du « choc de simplification » annoncé par le Président de la République. Je regrette profondément qu'une fois de plus, nous rations le rendez-vous de la réforme des collectivités locales.
Ce projet de loi souffre de l'absence de concertation avec les maires des petites communes, qui n'attendent que des inconvénients de la réforme : ils craignent notamment d'être dépouillés de certaines compétences au bénéfice des métropoles. Tester ces dispositions dans le cadre d'une expérimentation aurait permis au contraire d'assurer une large adhésion des élus locaux à un dispositif auquel je suis à titre personnel plutôt favorable.
La décentralisation présente une dimension particulière pour les territoires ultramarins, en raison notamment de leur éloignement. Je suis pleinement satisfait du rétablissement de la clause de compétence générale. Cette question est particulièrement sensible à La Réunion, qui présente la particularité d'être une région monodépartementale. Dans ce territoire, le « millefeuille » administratif oblige les élus locaux à s'entendre sur une répartition des responsabilités au sein d'un même territoire relevant de collectivités différentes, alors que celles-ci n'ont pas nécessairement les mêmes priorités, notamment dans le domaine de la culture. Il serait dès lors dommageable qu'une collectivité ait le monopole de cette compétence, interdisant aux autres de promouvoir un autre type d'action culturelle. Nous ne sommes d'ailleurs toujours pas parvenus à nous mettre d'accord pour désigner un chef de file de la politique culturelle.
Je milite d'autre part en faveur d'un renforcement du rôle de l'État en termes d'accompagnement culturel, à un moment où celui-ci se désengage de plus en plus des territoires ultramarins. En effet, ces territoires ont besoin d'une partition bien coordonnée entre les différents acteurs du territoire.
Bien qu'ayant noté votre frustration de n'avoir été saisis que du titre Ier, je n'entamerai pas le débat sur les dispositions relatives à l'affirmation des métropoles.
Je voudrais en revanche insister sur la nécessité de coordonner les responsabilités des différentes collectivités en matière de culture et de sport. Le projet de loi a l'avantage de ne pas opposer les territoires – l'urbain au rural, voire au « rurbain » –, mais au contraire d'introduire entre eux plus de cohérence et de favoriser l'équilibre territorial. Il permettra la réalisation de projets, notamment d'infrastructures sportives ou culturelles, qui n'auraient pas pu voir le jour sinon. L'objectif de l'institution de chefs de file et de conférences a précisément pour but de coordonner les initiatives locales et d'éviter les redondances.
Ce sera également le sens des amendements que je vous proposerai.
La Commission en vient à l'examen des articles du titre Ier du projet de loi.
TITRE IER CLARIFICATION DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET COORDINATION DES ACTEURS
Chapitre Ier Le rétablissement de la clause de compétence générale
Article 1er A (nouveau) : Affirmation du rôle des communes
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article sans modification.
Article 1er : Principe de libre coordination des interventions des collectivités territoriales
La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l'article.
Article 2 : Rétablissement de la clause de compétence générale des départements et des régions
La Commission examine l'amendement AC 5 du rapporteur pour avis.
Tel que modifié par le Sénat, l'article 2 supprimerait, dans l'article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales, la référence actuelle aux compétences de la région, que le projet de loi initial envisageait de maintenir.
Le présent amendement a pour objet de maintenir cette liste de compétences, enrichie de la référence à la préservation des langues régionales.
Cet ajout est d'autant plus pertinent que l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République nous a prouvé combien l'État faisait peu de cas des langues régionales. Il faut donc bien que la région s'en occupe.
Nous nous sommes battus en vain pendant toute la législature précédente pour la préservation des langues régionales !
C'est seulement depuis la précédente législature que leur appartenance au patrimoine de la Nation est consacrée par la Constitution, et cela nous le devons au Président Sarkozy.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 6 du rapporteur pour avis.
Cet amendement poursuit le même objectif que le précédent, cette fois au bénéfice des régions d'outre-mer.
La Commission adopte cet amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 2 modifié.
Chapitre II Les collectivités territoriales chefs de file, la conférence territoriale de l'action publique et le pacte de gouvernance territoriale
Section 1 Les collectivités territoriales chefs de file
Article 3 : Collectivités chefs de file
La Commission examine l'amendement AC 1 de Mme Isabelle Attard.
Cet amendement vise à mettre le projet de loi en cohérence avec celui relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, aux termes duquel les régions définissent un schéma régional de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je suis favorable à cet amendement. L'article 12 ter du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche prévoit effectivement un schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale qui accueillent aujourd'hui des sites universitaires ou des établissements de recherche sont associés à l'élaboration de ce schéma. Dès lors, le rôle de chef de file de la région s'impose en la matière.
Cet amendement risque d'avoir l'effet inverse de celui qui est recherché. En effet, si nul ne conteste la nécessité d'une implication de la région dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche, ceux-ci ne sauraient relever de sa compétence exclusive. Cette disposition est dangereuse en ce qu'elle peut favoriser une dérive vers une régionalisation de l'enseignement supérieur : il faut au contraire affirmer le rôle de l'État en la matière.
Nous avons pourtant reconnu ce rôle de la région en votant la loi sur l'enseignement supérieur. En outre, par sa compétence en matière d'aménagement du territoire, la région est la collectivité qui peut le mieux maintenir le réseau d'établissements que j'évoquais dans la discussion générale, et sans lesquels nombre de jeunes seraient condamnés à aller étudier loin de chez eux.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 7 du rapporteur pour avis.
Cet amendement a pour objet d'établir que les régions ont vocation à assumer le rôle de chef de file dans le domaine de l'aménagement numérique. Certes, les départements se sont montrés actifs dans ce domaine, mais le choix de technologies différentes par des départements voisins ne facilite pas le travail des plateformes d'activités limitrophes. De plus, l'aménagement numérique est étroitement lié à l'aménagement du territoire. Pour toutes ces raisons, la région me paraît le bon échelon pour l'aménagement numérique.
En enlevant cette compétence aux départements, on risque au contraire de compromettre l'équilibre qui permettait jusqu'ici l'aménagement numérique des territoires. Ainsi, dans ma région de Franche-Comté, si la stratégie de cohérence régionale d'aménagement numérique, la SCoRAN, relève comme son nom l'indique de l'échelon régional, il revient au département de définir le schéma directeur territorial d'aménagement numérique, le SDTAN, avec l'aide des communautés de communes et de l'État. Or cette disposition risque d'inciter tous ces acteurs à se désengager d'une compétence très coûteuse.
C'est précisément en raison de l'implication et du volontarisme des départements, notamment à travers les SDTAN, que les sénateurs ont jugé que l'échelon départemental était le plus adapté à l'aménagement numérique. En revenant sur la volonté du Sénat, nous risquons de mettre en péril l'important travail déjà accompli, alors que nous sommes encore au milieu du gué s'agissant de la couverture numérique de nos territoires.
Il a bien fallu que les départements s'occupent des pans entiers de territoire délaissés par les sociétés privées, qui ont profité des subventions délivrées au titre du grand emprunt pour assurer la seule couverture numérique des territoires très denses. Il est clair cependant que le souci de cohérence territoriale et le principe d'équité commandent de faire de la région le chef de file en matière d'aménagement numérique : elle seule peut garantir la coordination nécessaire entre les réseaux et éviter la fracture numérique du territoire. Certaines régions n'ont d'ailleurs pas attendu cette loi pour assumer ce rôle.
L'échelon régional est à l'évidence le plus propre à assurer l'organisation nécessaire à l'aménagement numérique des territoires. C'est également l'échelon régional qui est le plus pertinent pour mobiliser les fonds européens.
Cet amendement est cohérent avec la compétence régionale en matière de développement économique, dont l'aménagement numérique du territoire est un élément nécessaire. Le fait d'attribuer le rôle de chef de file aux régions ne signe cependant pas la fin des partenariats entre les collectivités locales dans ce domaine.
Enfin, nos collègues de l'opposition ne peuvent pas nous reprocher à la fois d'être incapables de faire des choix et de faire de mauvais choix !
L'échelon régional est l'échelon tout désigné pour l'aménagement numérique du territoire, même si les problématiques doivent être affinées. Rien que de très classique.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AC 8 du rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à établir que la région joue un rôle de chef de file dans les domaines de l'orientation, de la formation et de l'accompagnement vers l'emploi. Cette proposition découle tout naturellement de la loi du 13 août 2004, qui a posé que « la région définit et met en oeuvre la politique régionale d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes adultes à la recherche d'un emploi ou d'une orientation professionnelle » et élabore un plan de développement des formations professionnelles définissant des actions de formation à l'intention des jeunes et des adultes et favorisant « un développement cohérent des filières de formation ». En outre, la région arrête chaque année un programme d'apprentissage et de formation professionnelle dont l'objectif est double : faciliter l'élaboration de parcours individualisés d'accès à la qualification et élever la qualification professionnelle tout au long de la vie.
On retrouve dans l'article 3 l'esprit qui avait présidé à la création du conseiller territorial. De l'idée que chaque niveau de collectivité devait se spécialiser, vous en êtes arrivés tout naturellement à la conclusion que vous venez d'énoncer.
Les régions jouent déjà le rôle de chef de file dans les domaines en question. Le répétant, la loi ne fera donc que bavarder. Mais sur le fond, je pense en effet que c'est à l'échelon régional que l'on peut garantir la cohérence et assurer le continuum indispensable entre information, orientation et insertion.
La Commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle examine ensuite l'amendement AC 10 du rapporteur pour avis.
Cet amendement tend à supprimer l'alinéa 5, superfétatoire, aucune collectivité ne pouvant assurer une tutelle sur une autre conformément à la Constitution.
Entre jouer le rôle de chef de file et exercer une tutelle, la différence sera souvent subtile !
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 modifié.
Section 2 La conférence territoriale de l'action publique
Article 4 : Conférence territoriale de l'action publique
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 sans modification.
Article additionnel après l'article 4 : Conseil territorial pour le développement culturel
La Commission est saisie de l'amendement AC 9 du rapporteur pour avis, tendant à insérer un article additionnel.
Cet amendement vise à instituer un conseil territorial pour le développement culturel dans chaque région.
La culture est une compétence partagée entre les différents niveaux de collectivités, et entre celles-ci et l'État. Les communes, les départements et les régions ainsi que, désormais, les groupements de communes sont des acteurs majeurs de son financement : les crédits qu'ils y consacrent sont deux fois supérieurs au budget du ministère de la culture !
Chacun reconnaît la nécessité d'une instance de dialogue réunissant l'État et les collectivités, afin de permettre un dialogue équilibré entre eux, ainsi qu'une meilleure coordination et une meilleure lisibilité des interventions dans le domaine culturel. Les conseils territoriaux pour le développement culturel qu'il est proposé de créer à l'échelon régional seraient chargés de débattre au moins une fois par an, en présence des représentants des différents échelons de collectivités et du représentant de l'État dans la région.
Aux termes de l'article 20 du projet de loi, la future conférence métropolitaine prévue en ce qui concerne la métropole de Lyon pourra elle aussi traiter des équipements culturels. Veillons à ne pas recréer de millefeuille en multipliant les instances de concertation !
Je suis tout à fait favorable à cet amendement dans lequel je retrouve l'esprit de ce que j'ai exposé tout à l'heure. Sur ce point, il existe bien une forme d'exception culturelle.
Alors même que les collectivités ont de moins en moins d'argent, chaque échelon se rend compte qu'il ne peut faire l'économie d'une politique culturelle, qu'il utilise d'ailleurs essentiellement pour se valoriser. Il en résulte qu'au niveau inférieur, les communes et les structures intercommunales reçoivent de moins en moins de l'État, des régions et des départements pour conduire leur action culturelle. Une instance qui permettrait de répartir de manière plus équitable les moyens est donc bienvenue. Ce pourrait être le rôle de ce conseil territorial pour le développement culturel.
J'ai trop insisté tout à l'heure sur la nécessité de mieux coordonner, dans l'intérêt des territoires ultramarins, des politiques aujourd'hui éclatées entre les différents échelons territoriaux pour ne pas me réjouir de cet amendement. Nous avons réussi dans notre île à mettre en place un outil de ce type dans les domaines de la mobilité et du tourisme et ce conseil territorial devrait jouer le même rôle s'agissant du développement culturel. Mais aura-t-il compétence pour la programmation de la construction d'équipements à caractère culturel ou sportif, ou n'aura-t-il qu'un avis consultatif ? Il serait judicieux qu'il coordonne le tout dans la mesure où la réalisation de ces infrastructures mobilise des crédits en provenance de l'Union européenne, de l'État et des collectivités.
Mais le débat, qui est nécessaire, n'est-il pas librement consenti ? A-t-il vocation à être institué par la loi ?
Nous partageons tous une exigence de cohérence et de coordination. Or on s'apprête à créer, à côté de la conférence territoriale de l'action publique, une autre instance qui y ressemble fort. À multiplier ainsi les instances de débat, on alourdit les procédures. En tout cas, on ne clarifie pas !
Qu'il n'y ait pas de confusion. Cet amendement ne traite pas de compétences et ne dit pas qui doit faire quoi avec quels moyens. Il existait par le passé ce qu'on appelait des « tours de table », où l'État et les collectivités se mettaient effectivement autour de la table pour traiter de développement culturel, s'efforçant de coordonner, dans la complémentarité, les efforts de chacun. Alors que les deux tiers du financement public de la culture sont assurés par les collectivités, coordonner les interventions répond à une demande et sera utile. Ce conseil ne sera pas une énième instance pour multiplier les réunions vaines ! D'ailleurs, les acteurs de la culture regrettent le temps ancien de ces tours de table, qui permettaient une bonne coordination. C'était en outre le moyen pour l'État d'essayer d'assurer l'égalité d'accès à la culture sur l'ensemble du territoire. On a suffisamment regretté ces dernières années le retrait de l'État dans le domaine culturel pour se réjouir qu'il soit remis « dans la boucle ». Et si la coordination souhaitée n'est pas prescrite par la loi, le risque est qu'on en reste aux déclarations d'intention.
Monsieur le rapporteur pour avis, quelle sera la différence entre les pôles ruraux d'aménagement et de coopération, qui ont pour mission d'élaborer « un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, culturel et social », et ces nouveaux conseils, même si j'ai bien compris que ceux-ci n'ont vocation à traiter que du développement culturel ?
La notion de développement culturel est essentielle. L'objectif est en effet de développer la culture, en priorité là où elle ne l'est pas aujourd'hui, en particulier hors des villes. Si le projet de loi mentionne par ailleurs spécifiquement les territoires ruraux, c'est parce qu'on sait que c'est en leur direction qu'il faut faire porter l'effort. Si les villes sont assez largement pourvues en matière culturelle, ce n'est pas encore le cas des campagnes. J'apprécierais donc qu'on insiste sur la nécessité d'un développement équitable de la culture sur les territoires.
Contrairement à notre collègue Pascal Deguilhem, je pense que la formalisation dans la loi est utile. En effet, la coordination est aujourd'hui laissée au bon vouloir des collectivités, qui y veillent ou non. Et je le dis d'expérience, elles ne s'en préoccupent pas assez, alors que ce serait indispensable. Autour d'une table, on échange ses expériences, on pointe les manquements, on trace des perspectives : ce n'est pas une rencontre de courtoisie ni un simple débat. On fixe une feuille de route pour l'aménagement culturel du territoire. Telle est, me semble-t-il, l'ambition du dispositif qui nous est proposé.
Je souscris à la proposition du rapporteur pour avis. J'ai toutefois une crainte. On sait comment se comportent les services de l'État, notamment les DRAC qui, adeptes d'un jacobinisme orthodoxe, contrôlent de manière parfois bien tatillonne l'action des collectivités. Alors que l'État se désengage fortement sur le plan financier et que les collectivités assument les deux tiers du financement public de la culture, il serait paradoxal de consacrer, avec cette nouvelle instance, un jacobinisme sans financement. Oui donc sur le principe, mais à condition de l'assortir des garanties nécessaires. Nous avons tous l'expérience au niveau local d'oukases ou de tentatives d'oukases des DRAC, ce qui est insupportable alors que ce sont les collectivités qui payent.
Pour m'entretenir fréquemment du sujet avec nombre de collègues, je pense que les collectivités courent après l'aide de la DRAC bien plus que celle-ci ne vient à eux pour les contraindre. L'objectif serait que la DRAC ne soit ni absente ni trop lointaine.
Madame Faure, il y a bien une différence entre les pôles ruraux d'aménagement et de développement et les futurs conseils territoriaux de développement culturel. Les pôles, par définition ruraux, associent des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) alors que le futur conseil territorial se situe à l'échelle régionale. Chaque niveau de collectivité cherche aujourd'hui à nouer un dialogue constructif avec les autorités de l'État, en l'espèce le directeur régional de l'action culturelle. Nous en avons tous assez des relations bilatérales avec la DRAC : elles ne permettent aucune vue d'ensemble sur la politique culturelle que nous souhaitons conduire dans nos régions, aucune appréhension globale des projets de grands équipements culturels que nous défendons. Le conseil que nous proposons de créer apportera une solution en obligeant par la loi tous les acteurs à se réunir pour discuter des grandes orientations concernant leur territoire.
J'aimerais être sûre qu'il n'y aura pas d'un côté le conseil territorial pour le développement culturel qui associerait l'État, la région et les départements, et de l'autre les pôles ruraux d'aménagement et de développement, où seraient représentées les communes et les communautés de communes. Il est très important que les communes soient représentées au conseil territorial.
La Commission adopte l'amendement AC 9.
Section 3 Le pacte de gouvernance territoriale
Article 5 : Mise en place d'un pacte de gouvernance territoriale
La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l'article 5.
Article 6 : Conséquence, en matière de financement, de la non-approbation du pacte de gouvernance territoriale
La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l'article 6.
Article 7 : Suppression des limites au cumul de subventions départementales et régionales
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 7 sans modification.
Article 8 : Évaluation du pacte de gouvernance territoriale par les chambres régionales des comptes
La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l'article 8.
Section 4 La portée, en matière de subventions, des schémas adoptés par la région et le département (division et intitulé supprimés)
Article 9 : Renforcement de la portée des schémas d'organisation en matière de subventions
La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l'article 9.
Chapitre III Renforcement de l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements (division et intitulé nouveaux)
Article 9 bis (nouveau) : Création de groupements eurorégionaux de coopération
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 bis sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du titre Ier du projet de loi modifié.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Amendement AC 1 présenté par Mme Attard et Mme Pompili
Article 3
À l'alinéa 2, après les mots : « transition énergétique, », insérer les mots suivants : « à l'enseignement supérieur, à la recherche, ».
Amendement AC 5 présenté par M. Travert, rapporteur
Article 2
Au début de l'alinéa 7, insérer la phrase suivante :
« Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l'aménagement de son territoire et pour assurer la préservation de son identité et des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes. »
Amendement AC 6 présenté par M. Travert, rapporteur
Article 2
Au début de l'alinéa 10, insérer la phrase suivante :
« Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l'aménagement de son territoire et pour assurer la préservation de son identité et des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes. »
Amendement AC 7 présenté par M. Travert, rapporteur
Article 3
I. – À l'alinéa 2, après le mot : « économique, », ajouter les mots : « à l'aménagement numérique, »
II. – En conséquence, à l'alinéa 3, supprimer les mots : « , à l'aménagement numérique ».
Amendement AC 8 présenté par M. Travert, rapporteur
Article 3
À l'alinéa 2, après les mots : « l'innovation, », insérer les mots : « à l'orientation, à la formation, à l'accompagnement vers l'emploi, ».
Amendement AC 9 présenté par M. Travert, rapporteur
Après l'article 4
Insérer l'article suivant :
Après l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1111-9-2A ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-9-2A. – Un conseil territorial pour le développement culturel est institué dans chaque région. Il débat de toute question relevant du développement culturel. Sa composition est identique à celle de la conférence territoriale de l'action publique mentionnée à l'article L. 1111-9-1. Le représentant de l'État dans la région participe aux travaux du conseil, et assure son secrétariat. Le conseil, qui organise librement ses travaux, se réunit au moins une fois par an. Il peut entendre toute personne ou organisme dont l'audition lui paraît utile. »
Amendement AC 10 présenté par M. Travert, rapporteur
Article 3
Supprimer l'alinéa 5.
La Commission examine ensuite, sur le rapport de Mme Sandrine Doucet, la proposition de résolution européenne sur la démocratisation du programme Erasmus (n° 1119).
Je rappelle qu'aux termes de l'article 151-7 de notre Règlement, si nous l'adoptons, cette proposition de résolution européenne sera considérée comme adoptée par l'Assemblée nationale à moins qu'elle ne soit inscrite à l'ordre du jour de la séance publique.
Je me félicite, chers collègues, de n'avoir globalement que de bonnes nouvelles à vous annoncer. J'ai toutefois besoin de votre concours pour que la mobilité des étudiants en Europe et en France soit encore plus forte et plus facile à l'avenir.
Nous avons célébré l'an passé les vingt-cinq ans du programme Erasmus. Cet anniversaire coïncidait avec la fin du programme pluriannuel 2007-2013. Un nouveau cadre doit être adopté pour la période 2014-2020.
La Commission européenne propose un nouveau programme intitulé « Erasmus pour tous », qui rassemblera tous les programmes relatifs à la mobilité des étudiants, des élèves, des apprentis. Y seront adjoints deux programmes spécifiques, l'un pour la jeunesse et un autre pour le sport.
Par là, la Commission entend répondre aux impératifs de la stratégie « Europe 2020 » qui fait de la mobilité des travailleurs et de l'acquisition d'un haut niveau de qualification l'une des clés « d'une croissance intelligente, inclusive et durable ». Même si elle n'est pas l'objectif premier, la construction d'une identité et d'une citoyenneté européennes n'est pas non plus absente de ses préoccupations.
Pour atteindre ces objectifs, la Commission envisage de favoriser la mobilité de cinq millions de personnes d'ici à 2020, effort considérable puisque sur la période 2007-2013, le nombre de bénéficiaires du programme n'a pas dépassé 2,8 millions. L'enveloppe allouée est actuellement en cours de négociation. Bien que ramenés à 14 milliards d'euros au lieu des 19,1 milliards initialement prévus, ces crédits sont tout de même le double de ceux du programme précédent.
Le nouveau projet de règlement proposé par la Commission européenne comporte trois innovations visant à favoriser la mobilité de l'ensemble des citoyens européens. Tout d'abord, une enveloppe globale consacrée à l'éducation, sans distinction de programmes. Ensuite, un mécanisme nouveau de garantie de prêts, pour la préparation d'un master en un ou deux ans, dans la limite de 12 000 euros pour un an et 18 000 euros pour deux ans. Enfin, je l'ai dit, une augmentation substantielle du budget alloué à l'ensemble du programme pour les années 2014-2020.
La fongibilité entre les différentes actions est encadrée du fait d'un pré-fléchage des crédits. Ainsi, les dotations pour l'éducation ne peuvent-elles être inférieures à 25 % pour l'enseignement supérieur, à 17 % pour l'enseignement professionnel et la formation professionnelle, dont 2 % pour l'apprentissage des adultes, 7 % pour l'enseignement scolaire et 7 % pour la jeunesse.
Nous avons mené plusieurs auditions, principalement à Bruxelles, Bordeaux et Paris. Pourquoi à Bordeaux ? C'est que j'ai la chance que soit implantée dans ma circonscription l'agence Europe-Éducation-Formation France (EEFF) chargée des mobilités européennes pour la France, interlocuteur privilégié sur lequel je me suis largement appuyée et que je remercie pour sa collaboration. Le président de cette agence, M. Antoine Godbert, se trouve d'ailleurs aujourd'hui à l'Assemblée pour traiter de la mobilité sociale des jeunes.
De ces auditions, j'ai retiré trois enseignements principaux. Le premier est que tous les acteurs de terrain souhaitent que l'accès aux programmes de mobilité européenne et internationale soit facilité, quels que soient l'âge et le niveau de formation des apprenants. Le deuxième est que, pour parvenir à cet objectif, il est indispensable de former les encadrants et de doter des moyens financiers et humains nécessaires les structures chargées, au sein des établissements, de gérer les mobilités des apprenants. Le troisième, enfin, est qu'il serait nécessaire de moduler davantage les bourses en fonction de critères socio-économiques, afin de favoriser la mobilité des personnes pour lesquelles les freins économiques s'ajoutent aux freins culturels.
Le projet de règlement « Erasmus pour tous » est actuellement en discussion. À ce stade des négociations entre le Parlement européen et le Conseil, les co-législateurs semblent animés d'une volonté commune d'aboutir à un vote de la base légale d'ici à la fin de ce mois. Ce calendrier paraît toutefois serré.
La proposition de résolution, adoptée par la Commission des affaires européennes le 5 juin dernier et qui vous est aujourd'hui soumise, souligne les dispositions de la base légale qui mériteraient d'être amendées, même si les Parlements nationaux ne sont pas partie prenante du processus législatif en cours.
J'appelle votre attention sur trois d'entre elles : le maintien du nom emblématique proposé par la Commission européenne pour ce programme, « Erasmus pour tous » ; le renforcement de l'accès à la mobilité, en particulier au cours de l'apprentissage et des formations professionnelles ; l'apport de garanties substantielles en ce qui concerne le mécanisme de garantie de prêts, dont nous souhaitons que l'enveloppe soit limitée à 2 % du budget global du programme.
Sur le deuxième point, la résolution demande que soient reconnues, au même titre que les mobilités ouvertes dans le cadre du programme « Erasmus », les mobilités proposées dans le cadre de formations en alternance, notamment celles relatives aux ingénieurs. En effet, au fil de nos auditions, nous nous sommes aperçus que, lorsqu'une école d'ingénieur intègre une mobilité internationale dans le cursus qu'elle propose, ses étudiants peuvent prétendre au bénéfice d'une bourse Erasmus, alors que des étudiants suivant une formation d'ingénieur en alternance et qui souhaitent faire une mobilité n'ont pas droit à ces mêmes bourses, sauf s'il reste un reliquat. Encore faut-il que les personnels de leur école fassent preuve de bonne volonté.
Telles sont les propositions que nous vous demandons de soutenir. L'enjeu est européen. En ce xxie siècle, l'espace intellectuel, professionnel, quotidien même, des étudiants et de tous les apprenants, est désormais de dimension européenne.
Avoir suivi des cours ou une formation à l'étranger est devenu un requis minimal sur un curriculum vitae : c'est l'occasion d'apprendre une langue étrangère en situation, de découvrir une autre culture, d'acquérir le sens des responsabilités. Suivre des cours dans un établissement étranger permet aussi de découvrir d'autres approches d'une discipline. Des études à l'étranger représentent donc un apport exceptionnel d'un point de vue académique, professionnel et personnel.
Or, le programme Erasmus est actuellement insuffisant. Lorsqu'en 1999 fut lancé le processus de Bologne qui devait permettre la constitution d'un espace européen de l'enseignement supérieur (EEES), les ministres avaient fixé l'objectif que d'ici à 2020, 20 % au moins de l'ensemble des diplômés de l'EEES aient effectué une période d'études ou de formation à l'étranger. On en est malheureusement encore loin.
Il est urgent d'élargir ce programme européen de mobilité et de l'ouvrir davantage aux filières technologiques et professionnelles. Nous saluons donc cette proposition de résolution. Investir dans l'éducation et la formation, c'est renforcer les compétences, favoriser le développement personnel mais aussi améliorer l'aptitude à l'emploi, défi majeur dans l'Europe en crise d'aujourd'hui.
Nous partageons le soutien apporté dans cette proposition de résolution à la position de la France en faveur de la dénomination « Erasmus pour tous ». Nous nous réjouissons également qu'y soit demandée une augmentation de la part des enveloppes budgétaires consacrées, d'une part, aux mobilités dans le cadre de la formation professionnelle ou des formations en alternance et, d'autre part, à la formation des personnels administratifs chargés de l'organisation de ces mobilités. Nous approuvons bien sûr aussi qu'y soit demandée une politique plus volontariste en matière de bourses, et notamment leur modulation en fonction de critères socio-économiques.
Il faudra sensibiliser les responsables de sections de brevets de techniciens supérieurs (BTS), d'instituts universitaires de technologie (IUT) et de licences professionnelles, afin qu'ils fassent mieux connaître Erasmus à leurs étudiants, dont beaucoup aujourd'hui n'envisagent même pas de partir à l'étranger alors qu'ils en auront la possibilité. L'aide financière ne suffit pas. Il faut aussi informer, sensibiliser et mieux communiquer. Faciliter à tous la mobilité est le meilleur moyen de faire se rapprocher des jeunes de différentes nationalités au travers d'échanges culturels, et ainsi de continuer d'oeuvrer à la construction d'un esprit européen.
Madame la rapporteure, vous avez fort bien mis en perspective le programme Erasmus et montré pourquoi il fallait renforcer encore cet élan. Vous avez osé, je tiens à le souligner car ce n'est, hélas, pas toujours le cas dans les travaux de notre Commission, reprendre certaines orientations qui avaient été prises lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008. Le groupe UMP apprécie que sur un sujet comme la mobilité européenne des jeunes, il y ait ainsi une continuité dans la position défendue par la France.
Erasmus a été un succès. D'où les inquiétudes qui se sont manifestées lorsque la Commission européenne a semblé vouloir revenir sur le financement de ce programme, essentiel au développement d'un espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une telle décision eût été incompréhensible. Nous sommes donc nous aussi attachés à ce que l'on tienne compte de ce projet de résolution dans les négociations.
Tous les acteurs souhaitent que l'on facilite l'accès aux programmes de mobilité, « quels que soient l'âge et le niveau de formation des apprenants », vous le rappelez dans votre rapport. Oui, il faut étendre le bénéfice du dispositif aux apprentis, aux étudiants des filières professionnelles et en alternance, et reporter l'âge limite auquel on est éligible à une bourse Erasmus. En permettant ainsi que se créent encore davantage de liens entre jeunes Européens, c'est cet espace européen que l'on construit.
Vous mettez enfin, à juste titre, l'accent sur la formation des personnels administratifs des services chargés d'organiser ces mobilités. Leur manque de formation est, avec l'absence d'harmonisation, l'une des difficultés sur lesquelles butent aujourd'hui les étudiants désireux de partir à l'étranger.
Nous soutenons donc cette proposition de résolution, que nous jugeons tout à fait pertinente.
Lorsque, à la fin de 2012, nous avions auditionné, conjointement avec la Commission des affaires européennes, la commissaire européenne en charge de l'éducation, Androulla Vassiliou, nous avions parlé du programme Erasmus, qui permet chaque année à 230 000 étudiants de partir dans l'un des 33 pays adhérents. Nous avions notamment évoqué les 6 milliards d'euros qui manquaient pour boucler l'année 2012-2013.
Nous désapprouvons la réforme proposée par la Commission européenne, avec un mécanisme de garantie de prêts pour les étudiants. Les prêts pourraient aller jusqu'à 12 000 euros pour un an et 18 000 euros pour deux ans. N'a-t-on donc à proposer à nos étudiants que de s'endetter ! Ce mécanisme risque de se substituer au système de bourses qui existe en France, mais aussi de déstabiliser des dispositifs de garantie efficaces mis en place au Danemark ou en Finlande. Si d'aventure nous ne parvenions pas à faire échouer ce projet, qui risque d'avoir pour principale conséquence l'endettement des étudiants, voire de l'Union européenne, nous demandons en effet, comme il est proposé dans le projet de résolution, que la part du budget consacrée à cet instrument ne dépasse pas 2 % du budget total du programme. Il est extrêmement regrettable que la Commission européenne, ainsi qu'une partie des parlementaires européens, soutiennent à cor et à cri le doublement de cette enveloppe alors que la somme permettrait de financer 148 000 bourses supplémentaires.
Nous soutenons le projet de résolution et vous remercions, madame la rapporteure, de faire le maximum.
Nous soutenons bien sûr ce projet de résolution. Erasmus est un succès et il faut conforter ce programme sur lequel des menaces ont pesé il y a quelques mois. Des interrogations demeurent sur son financement, dont atteste le débat prêts versus bourses.
Si nous votons ce projet à l'unanimité, la France pourra encore faire encore mieux entendre sa voix pour défendre ce programme au sein des instances européennes. C'est là notre premier objectif.
Le second doit être de mieux faire connaître Erasmus et de le promouvoir auprès des étudiants. Je regrette qu'en France, notamment à l'université, on ne connaisse pas assez ce programme, en particulier pour les filières technologiques et professionnelles. C'est l'un des points de la proposition de résolution : l'enjeu n'est rien de moins que de créer un espace universitaire européen et un espace de formation européen dans les années à venir.
On a en effet craint cet automne pour la pérennité du programme Erasmus.
Les prêts qu'il est prévu de garantir pourraient-ils être accordés aussi en complément à des étudiants bénéficiant d'une bourse ?
La formulation retenue à l'alinéa 17 n'est pas assez incisive. On gagnerait à remplacer « souhaite » par « demande » : en effet, il est essentiel que la fongibilité des enveloppes ne s'opère pas au détriment d'actions en faveur des publics les moins enclins, pour des raisons économiques et sociales, à la mobilité, alors que celle-ci est sans doute encore plus cruciale pour eux.
À l'alinéa 19, il est demandé que « la part de l'enveloppe budgétaire consacrée aux mobilités destinées à la formation professionnelle, à la formation technique, notamment à la formation en alternance, soit augmentée. » Mais au détriment de quoi cela se fera-t-il ?
Enfin, à l'alinéa 22, ne serait-il pas plus clair de parler des mobilités proposées dans le cadre de formations en alternance « de tous niveaux » plutôt que « notamment celles relatives aux ingénieurs » ?
Il n'y a en effet que des bonnes nouvelles dans cette proposition de résolution. Et il serait opportun qu'elle soit adoptée à l'unanimité.
Le programme Erasmus, qui fonctionne bien, va non seulement être poursuivi, mais étendu. Il rassemblera désormais l'ensemble des programmes relatifs à la mobilité et y seront agrégés deux programmes spécifiques, l'un pour la jeunesse et l'autre pour le sport ; il sera étendu aux apprentis – l'ancien Président de la République avait demandé cette extension ; enfin, un mécanisme de garantie des prêts va être institué. Tout en souhaitant bien sûr que les bourses soient maintenues, je pense qu'un système de prêt présente la vertu de responsabiliser celui qui bénéficie ainsi de l'argent public. L'instrument prévu, dont l'enveloppe ne pourra dépasser 2 % du budget global du programme, est tout à fait judicieux.
Je voterai sans hésitation cette proposition de résolution tout en soutenant les amendements de notre collègue Claudine Schmid, qui exprimeraient une volonté politique encore plus forte.
Qu'il me soit permis d'assortir de quelques réserves le concert de louanges entendu jusqu'à présent. Je m'interroge tout d'abord sur la formulation « Erasmus pour tous ». « Pour tous » est devenu une expression galvaudée, que l'on accole désormais à tout et n'importe quoi. Une publicité vante même « la véranda pour tous » ! Lorsque leur utilisation s'est ainsi banalisée, les mots ne sont plus audibles. Enfin, n'est-ce pas la vocation même d'une loi, d'une résolution, d'une directive que d'être « pour tous » ? Je m'interroge donc sur la pertinence de la formulation – je m'en étais ouverte auprès de la commissaire Androulla Vassiliou, lorsque nous l'avons auditionnée.
Il est souhaité à l'alinéa 23 de la proposition de résolution que les bourses allouées aux étudiants soient modulées en fonction de critères socio-économiques. Veillons toutefois à ce que cette modulation ne pénalise pas, comme trop souvent, les classes moyennes, dont les revenus font qu'elles ne sont éligibles à aucun dispositif d'aide.
Vous relevez, madame la rapporteure, parmi les novations du futur règlement « la création d'une enveloppe globale (…) qui ouvre la possibilité d'une mobilité professionnelle au sein de l'espace communautaire. » Mais la presse s'est récemment fait l'écho d'un phénomène dont l'ampleur inquiète : nombre de nos jeunes diplômés de haut niveau, formés dans notre pays, partent faire carrière à l'étranger. Au cours de leur cursus, ces jeunes ont souvent connu la mobilité. Si les déplacements sont libres, souhaitables et souhaités dans l'espace communautaire – c'est l'objet même du programme Erasmus –, notre pays n'en doit pas moins savoir garder les jeunes diplômés dont notre économie, nos entreprises, nos administrations, notre fonction publique, notre secteur privé ont besoin. On débloque aujourd'hui des crédits pour renforcer et faciliter la mobilité. Peut-être faudra-t-il un jour en débloquer pour conserver nos jeunes dans notre pays.
Pour que les jeunes des filières technologiques et professionnelles – BTS, IUT… –, partent dans le cadre du programme Erasmus, des personnels devront être spécifiquement formés à l'accompagnement qui devra leur être apporté. Prenons exemple sur des institutions pionnières qui ont mis en place des dispositifs ayant fait leurs preuves. Ainsi, pour les Compagnons du devoir, la mobilité est une tradition séculaire. Les jeunes compagnons, qui partent pour un an, sont soigneusement préparés à ce départ, puis de nouveau très encadrés à leur retour. Les maisons familiales rurales, qui accueillent elles aussi des publics en difficulté, ont de même été pionnières en ce domaine. L'investissement du personnel y est primordial.
Si nous préconisons l'extension du programme aux étudiants des filières technologiques et professionnelles, c'est aussi que les moyens sont là. Des crédits sont en effet prévus pour soutenir toutes les politiques d'amélioration et de convergence des systèmes éducatifs.
En ce qui concerne les prêts, il y a deux écoles en Europe. Certains pays y seraient plutôt défavorables au motif qu'il ne faut pas favoriser l'endettement des étudiants – n'oublions pas que l'Europe connaît actuellement la crise économique et que les familles, qui n'ont jamais autant dépensé pour l'éducation de leurs enfants, peuvent se retrouver dans des situations très difficiles. La position de la France est que le mécanisme de garantie des prêts doit demeurer expérimental et son enveloppe être limitée à 2 % du budget global du programme. Ce n'est pas l'Union européenne qui prêtera directement aux étudiants : un appel sera lancé auprès de banques afin qu'elles accordent des prêts, dont les taux auront été négociés au plus bas et dont la garantie sera assurée par l'Union. Les jeunes seront donc bien responsabilisés vis-à-vis des banques prêteuses. Certains pays défendaient l'idée que l'enveloppe prévue pour ce mécanisme de garantie puisse atteindre 4,6 % du budget global du programme. La Commission défend aujourd'hui une position médiane, à 3 % ou 3,5 %.
Lorsqu'on parle dans ce contexte d'étudiants boursiers, il s'agit des étudiants bénéficiant d'une bourse Erasmus, pas de ceux qui touchent une bourse de l'État. Jusqu'à présent, les bourses Erasmus étaient allouées à des étudiants en BTS ou en troisième année de licence. Les étudiants en master n'y étaient pas éligibles. Le prêt sera demain une solution pour qu'ils puissent eux aussi bénéficier de cette mobilité.
Les critères socio-économiques sont pris en compte de façon très hétérogène au niveau européen mais aussi au niveau national en France. Toutes les régions ne soutiennent pas de la même façon les étudiants partant dans le cadre d'Erasmus, ce qui est source d'inégalités. En général, les classes moyennes sont toujours éligibles aux aides forfaitaires accordées par les collectivités, et elles le resteront. Ce que nous voudrions, c'est que l'aide ne soit plus accordée, comme le plus souvent, forfaitairement, mais modulée en fonction de critères socio-économiques pour les plus défavorisés. Pour les étudiants en BTS, la mobilité est de deux mois, et la bourse ne s'élève qu'à 360 euros par mois. C'est souvent très insuffisant et des jeunes renoncent à partir. Une aide plus modulée serait une solution.
S'agissant de la mobilité en général, nous nous sommes aperçus au fil de nos auditions que la crise économique n'était pas neutre dans les motivations des jeunes à partir dans le cadre du programme Erasmus. Être allé étudier dans un autre pays européen est désormais considéré davantage comme un atout supplémentaire sur un CV que comme une opportunité de découverte d'un autre système éducatif et de partage d'une autre culture. Mais nous avons également remarqué que de jeunes Espagnols, ne pouvant plus passer les concours de l'enseignement public dans leur pays parce que les postes offerts ont été gelés, partent ainsi momentanément à l'étranger. Ainsi en a-t-on vu devenir dans le cadre du programme Comenius, assistants dans une maison familiale et rurale en attendant de rentrer passer un concours en Espagne.
En sus de la crise économique, la crise démographique aussi aura une incidence sur les mobilités. L'Europe vieillit. Elle compte de moins en moins de jeunes, et la crise accentue les inégalités de formation. L'Allemagne, qui connaît un creux démographique, cherche actuellement à attirer des apprenants, notamment des apprentis, dans ses centres de formation. Et on observe une certaine porosité entre des dispositifs comme Erasmus et d'autres qui relèvent du Fonds social européen, concernant notamment l'aide à l'emploi. Le problème plus général de la mobilité des cerveaux et des jeunes travailleurs au sein de l'Union européenne dépasse le cadre d'Erasmus.
Un mot de la dénomination « Erasmus pour tous ». J'ai bien pris note de vos remarques, madame Genevard. Le débat n'est pas clos car la dénomination est encore en discussion. Nous tenions beaucoup à ce que le nom Erasmus demeure, et ce sera le cas. C'est « pour tous » qui est en débat.
Enfin, soyez tous rassurés, le financement des politiques de coordination entre États membres permettra de faire davantage de publicité autour d'Erasmus.
Nous sommes saisis de deux amendements de séance de notre collègue Claudine Schmid.
Tout d'abord, l'amendement AC 1, à l'alinéa 17, vise à remplacer « Souhaite » par « Demande ». En conséquence, à l'alinéa 18, après « Demande », il conviendrait d'ajouter « également ».
Ensuite, l'amendement AC 2, à l'alinéa 22, propose d'insérer avant « notamment celles relatives aux ingénieurs », les mots : « de tous niveaux ».
La Commission adopte successivement les deux amendements.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de résolution ainsi modifiée.
Le vote est acquis à l'unanimité.
Je rappelle que, si cette proposition de résolution n'est pas inscrite à l'ordre du jour de la séance publique, elle sera, aux termes de l'article 151-7 du Règlement, considérée comme adoptée par l'Assemblée.
La séance est levée à midi.