La Commission auditionne, en application de l'article L. 612-5 du code monétaire et financier, M. Jean-Marie Levaux, membre du collège de supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, personnalité pressentie pour exercer les fonctions de vice-président de cette Autorité.
Mme Valérie Rabault, présidente.
Par courrier en date du 4 octobre dernier, le secrétaire général du Gouvernement a fait savoir au président de notre Commission que M. Jean-Philippe Thierry, nommé vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR – en mars 2010, avait fait part de sa démission, avec effet au 31 août 2013. Le secrétaire général du Gouvernement nous indique que, après avoir consulté les professionnels du secteur de l'assurance, le ministre de l'économie et des finances envisage de nommer M. Jean-Marie Levaux afin d'achever le mandat de M. Thierry, qui expirera en 2015.
Je rappelle que, en vertu des dispositions de l'article L. 612-5 du code monétaire et financier, le collège de l'ACPR est présidé par le Gouverneur de la Banque de France et qu'il comprend en outre dix-huit membres. Le mandat des membres est renouvelable une fois. Ils ne peuvent être âgés de plus de soixante-dix ans le jour de leur nomination. En cas de vacance d'un siège, il est procédé au remplacement de son titulaire pour la durée du mandat restant à courir.
Le vice-président de l'ACPR est nommé pour une durée de cinq ans par arrêté conjoint des ministres de l'économie, de la sécurité sociale et de la mutualité, après avis des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Malgré l'agenda très chargé de notre Commission en cette période budgétaire, nous nous efforçons de donner notre avis le plus vite possible, afin que le collège de l'ACPR puisse rapidement siéger au complet. Nous sommes donc réunis cet après-midi afin d'entendre M. Levaux. À l'issue de cette audition, nous exprimerons notre avis, ce que le Sénat fera à son tour le 23 octobre prochain à 15 heures. Conformément à l'usage, le curriculum vitæ de M. Levaux est mis à votre disposition.
J'évoquerai rapidement mon parcours professionnel et mon activité actuelle à l'ACPR.
J'ai soixante-neuf ans et j'ai été nommé en mars 2010 à l'ACPR au titre des institutions de prévoyance, pour un mandat qui, quelle que soit ma situation, prendra fin en 2015, car il ne pourra être reconduit.
Ma carrière s'est déroulée pendant une trentaine d'années à l'UAP, puis pendant trois ans chez AXA et neuf ans dans un groupe paritaire de protection sociale – IONIS, devenu Humanis, l'un des principaux groupes français de protection sociale. Entré à l'Union en 1967, peu avant la création de l'UAP en 1968, j'ai été chargé par le président de l'époque de fusionner les dix statuts de personnels des dix sociétés réunies. Cette tâche, qui ne correspondait pas à ma formation initiale, a pris plusieurs années, mais a été parfaitement achevée dans les temps. J'ai dû alors assurer le déménagement de 4 000 personnes dans la tour Assur de La Défense, qui venait d'être construite. J'ai également assuré la décentralisation en province, dans trois délégations régionales que nous avons construites à la demande de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale – DATAR – pour décentraliser une partie des activités parisiennes. J'en ai profité pour passer mon diplôme d'actuaire et j'ai essentiellement participé à la création des filiales d'assistance et de protection juridique du groupe UAP.
En 1977, le directeur général m'a demandé d'aller en Belgique assurer la fusion des succursales de l'Union avec une filiale minoritaire, l'Urbaine, dont l'autre actionnaire était le groupe Bruxelles-Lambert. J'ai procédé à cette fusion et au déménagement dans des locaux situés rue Belliard. J'étais secrétaire général de cette société et, au bout de deux ans, j'ai pris également la direction marketing et commerciale. J'ai alors vendu de l'assurance en Flandre et en Wallonie.
En 1983, le même directeur général m'a demandé de me rendre aux Pays-Bas, où nous venions de racheter des sociétés d'assurances : il a fallu assurer la fusion de cinq sociétés avec les succursales locales de l'UAP. J'étais à cette époque plus spécialisé dans le contrôle de gestion et l'informatique. J'étais membre du directoire de la holding hollandaise et ai été directeur général d'UAP-IARD Nederland, qui était à Rotterdam et s'occupait de souscriptions maritimes et de transport. J'ai dû procéder à un redressement des comptes à cause d'erreurs de souscription de la part d'un certain nombre de souscripteurs.
En 1987, après dix ans à Paris, quatre à Bruxelles et quatre à Amsterdam et Rotterdam, la présidente de l'UAP, Mme Yvette Chassagne, m'a demandé de rentrer à Paris pour prendre la direction mondiale de l'informatique et des technologies nouvelles. J'ai bien évidemment accepté cette fonction, que j'ai assumée pendant cinq ans tout en étant président de la commission informatique de la Fédération française des sociétés d'assurances – FFSA.
En 1992, j'ai été envoyé en Italie, où les sociétés que nous possédions n'allaient pas très bien, avec un mandat de délégué général pour trois ans et une mission de réorganisation et de supervision de nos trois sites de Rome, Milan et Gênes, avec sept compagnies d'assurances et trois directeurs généraux, ainsi que des comptes à redresser, en particulier pour les filiales héritées d'Abeille, rachetée au groupe Vinci. Cette remise en ordre a demandé une grande activité financière.
À la date prévue pour mon retour, à la fin de 1996 et au début de 1997, AXA lançait son offre publique d'achat sur l'UAP. Je suis ainsi entré, au début de 1997, au comité de direction d'AXA France et, pendant trois ans, j'ai participé à la fusion entre AXA et l'UAP, d'abord en qualité de directeur de la logistique – près de 14 000 personnes étaient concernées par ces mouvements et 300 immeubles devaient être rationalisés. J'ai ensuite été, jusqu'en 2000, directeur du marketing et de l'innovation.
Après avoir quitté AXA, en 2000, j'ai retrouvé un poste de directeur général dans le groupe de protection sociale IONIS, qui comportait dix caisses de retraite complémentaire relevant de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés – ARRCO – et de l'Association générale des institutions de retraite des cadres – AGIRC –, six institutions de prévoyance, une société d'assurances, une société de gestion d'épargne salariale, une société d'investissement, un établissement dépositaire et deux mutuelles. Mon métier a consisté à rationaliser et à fusionner ces sociétés, et à marier le groupe IONIS avec d'autres groupes – d'abord avec APRI, donnant naissance à APRI-IONIS, puis avec le groupe Vauban Humanis. Lors de mon départ, ce groupe s'appelait Humanis et nous avions déjà lancé l'opération de rapprochement avec le groupe Novalis Taitbout : ces groupes ont depuis lors fusionné et le nouveau groupe a conservé le nom d'Humanis.
J'ai pris ma retraite en juillet 2009, à soixante-cinq ans, âge limite pour le directeur général d'un groupe de protection sociale.
J'ai en outre été conseiller du commerce extérieur de la France durant toute la période où j'ai travaillé à l'étranger, entre 1983 et 1997, vice-président de la chambre de commerce française aux Pays-Bas lorsque je résidais dans ce pays, puis président de la chambre de commerce française en Italie. J'ai également été, de 2005 à 2010, trésorier de l'Association des anciens élèves de l'École polytechnique.
Je suis aujourd'hui, outre mes fonctions de membre du collège de l'ACPR, membre du Haut Conseil de l'Institut des actuaires français et administrateur de la Maison des polytechniciens, rue de Poitiers à Paris.
La première des compétences qui ont conduit le Centre technique des institutions de prévoyance – CTIP – à proposer mon nom pour l'ACPR est ma connaissance assez complète des différents types de sociétés d'assurances. De fait, ces sociétés peuvent avoir des statuts différents, relevant du code des assurances, du code de la sécurité sociale ou du code de la mutualité et, pour avoir géré des entités de ces différents types, je les connais bien.
Ma deuxième compétence est le management de sociétés, en particulier dans des situations de fusion et de redressement. En effet, les dossiers qui parviennent à l'ACPR font souvent l'objet, au titre de la prévention et de la prudence qu'il nous faut adopter à l'égard des entités que nous contrôlons, d'opérations de réorganisation ou de « nettoyage ».
Ma troisième qualité est ma connaissance des aspects bancaires et financiers. Je siège en effet au collège plénier de l'ACPR ainsi qu'au collège assurances et au collège restreint, chargé des conglomérats financiers – essentiellement bancaires, mais pas seulement.
Voilà ce que j'ai fait et ce que je sais faire. Je reste à votre disposition pour vous apporter toute précision.
Merci, monsieur, de votre présentation. J'ai en effet de nombreuses questions à vous poser.
Tout d'abord, quel est votre point de vue sur la situation financière actuelle des compagnies d'assurances et sur l'impact des nouvelles normes de solvabilité définies par la réforme Solvabilité 2 ? Y voyez-vous un lien avec les hausses d'impôts adoptées depuis 2011 ?
En deuxième lieu, la Cour des comptes, dans un référé en date du 1er août 2013, indique, à propos de la lutte contre la fraude fiscale internationale, que « la compétence de l'ACP en matière de contrôle des dispositifs de lutte antiblanchiment des banques couvre imparfaitement leurs filiales et succursales implantées hors de l'Espace économique européen » et ajoute que « la réponse apportée par l'ACP aux défaillances des établissements financiers n'est pas assez ferme ». Quelle est votre réaction à ce propos et comment concevez-vous le rôle de l'ACPR en matière de lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment et l'évasion fiscale ? Pensez-vous, comme le dit l'actuelle secrétaire générale, Mme Danielle Nouy, que le rôle de l'ACPR se limite au contrôle des ratios prudentiels de la liquidité ou de la solvabilité des établissements bancaires ?
En troisième lieu, que pensez-vous des recommandations formulées par la Cour des comptes dans le rapport qu'elle a récemment remis, à sa demande, à la commission des Finances sur les contrats d'assurance-vie en déshérence ?
Enfin, comment voyez-vous l'articulation entre le superviseur français et l'organisme de supervision bancaire qui se met en place à l'échelon européen ? Lors d'un entretien que j'ai eu récemment avec elle, la secrétaire générale de l'ACPR m'indiquait que la création de cet organisme à Francfort s'accompagnerait de l'embauche de 850 personnes et de quelques centaines de traducteurs – dont la presse s'est d'ailleurs fait l'écho et dont j'essaie de me représenter le coût –, mais qu'elle ne donnerait lieu à aucune suppression de postes ou de moyens pour l'ACPR. Le millier de hauts fonctionnaires employés par le superviseur européen n'aura-t-il pour fonction que de contrôler le travail des superviseurs nationaux et de publier ses conclusions en vingt-sept langues ? L'ironie de ces propos couvre, à quelques heures de l'examen par notre assemblée des ressources affectées à l'ACPR, une véritable interrogation sur les fonctions respectives de ces organismes, et j'entends bien interpeller le ministre sur ce point.
Les questions posées par le rapporteur général ont été larges et précises. Je me contenterai donc de reprendre la dernière de ces questions, mais en la prenant par l'autre bout : comment vous préparez-vous à l'application à la loi sur la régulation bancaire compte tenu de l'évolution du dispositif européen dans ce domaine ?
La régulation devient-elle supranationale, de telle sorte que l'ACPR n'aurait plus qu'à suivre les consignes et les préceptes de ce dispositif – ce qui ne laisserait pas de nous poser des questions ? Lors de la discussion sur la loi de régulation, nous avons posé des questions sur la profondeur de cette loi et sur son applicabilité : si nous sommes aujourd'hui dépossédés de notre capacité de l'appliquer et de la juger, et constatons que c'est l'Europe qui l'applique, la situation sera réellement problématique.
Quant aux contrats en déshérence, quelle solution envisagez-vous à la lumière de votre parcours personnel ?
Je vous poserai quant à moi cinq questions, qui reprennent en partie celles de mes collègues.
Tout d'abord, je rappelle qu'un article de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires permet une approche globale en vue de récupérer toutes les informations possibles sur les flux des différents marchés financiers – ainsi, l'explosion des default swaps, dont les montants nominaux ont atteint 67 000 milliards de dollars, était un indicateur dont il aurait été utile de disposer, et peut-être des problèmes se posent-ils en outre pour les contrats à terme de change. Comment allez-vous contrôler l'application de cet article et comment cette réglementation peut-elle nous permettre de prévenir des risques au niveau macroéconomique ?
En deuxième lieu, confirmez-vous que, comme me l'ont indiqué certains établissements bancaires, l'APCR demanderait de ne pas utiliser le coussin marché dans l'application du ratio de liquidité à court terme – LCR (Liquidity Coverage Ratio) –, ce qui n'est pas prévu par les accords de Bâle III, même s'il est certain qu'il faut certes éviter de recourir à une ressource à trop court terme si l'on n'est pas certain de la couvrir ?
Ma troisième question rejoignait celle du rapporteur général sur les contrats d'assurance-vie en déshérence.
La quatrième rejoint le débat européen sur la consolidation de l'ensemble des risques. Quelle opinion avez-vous quant aux stress tests européens ? Comment éviter l'accumulation des risques ?
En dernier lieu, je partage les interrogations du rapporteur général à propos de l'organisme superviseur européen. L'ACPR jouit d'une excellente réputation auprès des superviseurs européens et applique des méthodes de travail particulièrement approfondies. Comment décliner cette « excellence française » au sein de l'unité de supervision européenne, sachant par ailleurs que d'autres pays sont actuellement très actifs pour tenter de prendre la main ?
Monsieur le rapporteur général, Solvabilité 2 est un très long feuilleton, qui a commencé en 2004-2005 et dont le mécanisme devrait, au terme de reports incessants liés à la crise, démarrer en janvier 2016. Les principes de Solvabilité 2 ne sont cependant pas en cause dans ces retards, mais le dispositif a été conçu à une époque où les systèmes économiques étaient fluides et la crise a fait apparaître que les modèles de Solvabilité 2 ne répondaient plus tout à fait aux problèmes qui se posaient. D'importantes adaptations ont été apportées, notamment pour ce qui concerne les risques longs, que les principes de Solvabilité 2 ne permettent pas de traiter et qui exigent des coussins de sécurité.
D'une manière générale, les sociétés d'assurances se sont bien préparées à l'application de Solvabilité 2 et nous n'avons que peu d'exemples du contraire, les sociétés les plus en retard étant des mutuelles de santé complémentaires, qui seront vraisemblablement intégrées dans des mutuelles plus importantes d'ici à l'entrée en vigueur du dispositif, et des sociétés d'assurances filiales de grands groupes. Les délais de mise en place de Solvabilité 2 ont au moins permis aux acteurs de se familiariser avec les processus et de développer quelques modèles internes, dont nous sommes du reste en train de valider ou d'invalider la sécurité.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, votre question relative aux impôts faisait-elle allusion aux taxes prévues sur les mutuelles et les institutions de prévoyance ?
Elle portait sur la revalorisation des plus-values réalisées sur les obligations détenues. Compte tenu du temps dont nous disposons pour traiter toutes les questions avant l'ouverture de la séance publique, je vous propose toutefois de passer à la suivante.
Pour ce qui concerne les contrôles fiscaux, l'ACPR est très attachée à son rôle de régulateur. Telle qu'elle est définie à ce jour par la loi, notre mission n'est pas de procéder à des investigations fiscales. Si nous abordions notre mission de prévention et de régulation avec une casquette d'inspecteurs fiscaux, la réaction des entreprises, qui collaborent aujourd'hui avec nous, risquerait d'être très négative. Une certaine confiance réciproque entre le régulateur et l'entreprise permet d'obtenir beaucoup d'informations – qui ne sont cependant jamais, à la différence de ce qui se passe dans le cas du contrôle fiscal, des informations individuelles. Cependant, lorsqu'il nous arrive de trouver des éléments qui auraient dû être signalés à Tracfin, voire à l'administration fiscale, et qui ne l'ont pas été, nous indiquons ces manques à Tracfin et lui fournissons des éléments nominatifs, qui ne sont toutefois pas les dossiers des clients. En cas d'infractions pénales, qu'il s'agisse de fraude fiscale ou de blanchiment, nous saisissons directement le procureur de la République.
La Cour des comptes trouve sans doute que nous n'en faisons pas assez, mais nous agissons.
Votre compétence est universellement reconnue lorsque vous procédez à des contrôles sur place, mais il semble que ces derniers soient de moins en moins nombreux, comme l'attestent notamment les statistiques que vous produisez. Or, quand vos équipes se rendent sur place, dans les banques, elles voient tout. La relation de confiance entre le contrôleur et le contrôlé est une chose, mais si vos équipes doivent s'en remettre au bon vouloir du contrôlé, il y a un problème – ou ces équipes ne sont pas aussi performantes qu'on le dit. Il existe des systèmes organisés, et vous en avez rencontré. Êtes-vous en mesure de déceler de tels systèmes pour pouvoir les signaler à l'administration fiscale – sans pour autant vous substituer à celle-ci ?
L'ACPR a détaché un officier de liaison au sein de Tracfin pour les cas que nous pourrions avoir à lui signaler. Nous n'avons pas un rôle d'information de l'administration fiscale ; selon les textes actuels, c'est une mission qui revient normalement à Tracfin. Nous sommes tenus de signaler les manques dans les déclarations, sans plus.
Je me permets de vous rappeler que je ne siège pas dans le collège bancaire et que le collège restreint s'occupe de la situation économique des grands groupes financiers, pas des contrôles détaillés. L'Autorité compte quatre collèges, bientôt cinq avec le collège de résolution. Ne m'en veuillez pas si je ne peux pas répondre en détail à toutes vos questions.
Aujourd'hui, nos méthodes de travail, aussi bien en banque qu'en assurance, ne sont pas adaptées à des contrôles individuels. Par exemple, récemment, dans le cadre du contrôle d'une société d'assurance-vie, nous avons demandé soixante dossiers de capitaux en déshérence de plus de 100 000 euros, pas le dossier de M. X ou de M. Y. Nous ne faisons pas d'enquête individuelle, mais de la gestion des principes de fonctionnement, ce qui est différent.
Nous avons un problème avec les filiales étrangères. À ce jour, si la lutte contre le blanchiment entre dans les missions des régulateurs européens, aucun n'a de compétence fiscale. Si nous devions l'avoir en France, il est à craindre qu'on ne puisse plus avoir de collaboration internationale entre tous les régulateurs. J'ai en tête l'exemple d'une filiale de la Société générale aux Bahamas. En raison de l'absence d'accord entre les Bahamas et la France, nous n'avons pas pu intervenir. Aussi avons-nous demandé au Trésor une modification des textes, qui a été effectuée dans la dernière loi bancaire. Toutefois, même avec cette modification, nous ne pouvons aller procéder à des vérifications qu'à condition d'avoir l'accord du régulateur local. Si celui-ci sait que nous venons faire de l'inspection fiscale, il ne donnera jamais son accord. Là est la difficulté majeure. Contrôler n'est pas un problème pour nous, mais, si les contrôles doivent devenir de nature fiscale, ils prendront un caractère individuel et ce sera la fin de la confiance entre régulateurs, selon moi.
Si, dans le cadre de ses missions, l'ACPR détecte des montages ayant des impacts massifs, sans pour autant qu'ils impliquent des dossiers personnels et qu'ils conduisent à de l'évasion fiscale, que fait-elle concrètement ?
Il est très difficile de trouver des montages. J'ai l'exemple d'une société d'assurance-vie qui a vu une chute énorme de sa production en 2012 et, concomitamment, beaucoup de contrats souscrits ou transférés au Luxembourg. Nous l'avons signalé et avons demandé des explications. « Ce sont les clients qui ont décidé », telle fut la réponse.
Nous avons saisi le régulateur luxembourgeois pour avoir le point de vue d'en face. C'est la moindre des choses lorsqu'on intervient dans un cadre transnational. Ce que vous souhaiteriez, c'est que nous puissions faire part à quelqu'un de nos soupçons sur un système. Nous pouvons le déclarer à Tracfin, et c'est d'ailleurs notre rôle, mais nous ne pouvons pas aller plus loin nominativement.
La question des capitaux en déshérence est très importante. Nous constatons des situations honteuses, scandaleuses. Nous avons effectué, entre la fin de l'année dernière et le début de cette année, un contrôle sur une société d'assurances filiale d'un groupe bancaire. Quand le dossier a été présenté à notre collège au mois de juin, nous avons immédiatement saisi la commission des sanctions, tant les faits étaient inacceptables. Je ne peux vous en dire davantage, car nous aurons un deuxième dossier, encore pire, à examiner demain, et je suis tenu au secret jusque-là. À n'en pas douter, nous allons discuter du niveau de sanction que nous demanderons pour cette société. Je ne trouve pas d'autre mot que « honteux » pour qualifier ce que nous avons trouvé, qui est inimaginable. Sur les 110 dossiers que nous avons fait sortir – soixante de plus de 100 000 euros et cinquante de moins de 50 000 euros –, 90 % sont en infraction. Des milliards sont en jeu. Sur ce dossier, le contrôle a commencé le 2 juillet 2012 et s'est terminé le 30 avril 2013.
Une proposition de loi devrait bientôt vous donner la possibilité de faire mieux et plus vite dans le domaine bancaire aussi, où il y a des problèmes similaires. Elle sera déposée dans les jours qui viennent.
S'agissant de l'aspect européen, nous ne savons pas encore très bien comment va s'organiser la Banque centrale européenne pour gérer l'ensemble des banques européennes. Même si elle est censée les contrôler en totalité, elle ne va reprendre que 15 % des tâches et laisser les 85 % restant dans les pays. Nous continuerons donc à avoir des missions de contrôle des banques à partir du territoire français, dont le marché est très concentré. Douze à quatorze entités, représentant 90 % du marché, vont être directement contrôlées par l'Europe, et il en restera 300 à gérer en France. Ce n'est donc pas la totalité de l'activité qui part pour Francfort.
Désormais, tous les échanges se feront en anglais. Nous aurons donc des traducteurs.
Les méthodes de travail vont être définies au niveau européen et nous allons devoir adapter les nôtres, à moins de prouver que ce sont les meilleures et d'arriver à les faire retenir par la Banque centrale européenne. Cette adaptation demandera du temps, ce qui ne permettra pas un fonctionnement immédiat.
La dernière loi bancaire a chargé l'ACPR de créer un nouveau collège dédié à la résolution bancaire. On ne parle pas d'assurance à ce jour, à l'exception peut-être d'un assureur qui est en risque systémique. La résolution bancaire nécessite des équipes en plus qui n'étaient pas prévues initialement.
Non. On va nous prendre une partie des activités, mais, comme nous aurons la résolution en plus, la répartition sera à peu près équilibrée. Ce n'est pas l'État qui finance l'ACPR, ce sont les assujettis, banques et compagnies d'assurances. Un complément de la Banque de France viendrait combler les déficits éventuels du budget de l'Autorité, ce qui sera vraisemblablement le cas en 2014.
Les méthodes de supervision bancaire françaises sont plutôt bien reconnues. Nous espérons les défendre avec succès dans le système européen pour éviter trop de bouleversements dans nos méthodes de contrôle. Cela dit, nous ne pouvons jurer de rien.
Je ne peux pas dire grand-chose des ratios de liquidités puisqu'il n'y en a pas dans l'assurance. Ce que je vois, c'est que les banques françaises étaient très en retard sur le sujet il y a encore un an et demi. Elles sont en train de rattraper leur retard et on commence à arriver à des systèmes qui sont à peu près cohérents.
Je vérifierai, mais je ne peux pas vous répondre en détail sur ce point, car c'est un aspect trop bancaire pour le membre du collège assurance que je suis.
Je reviens sur la déshérence pour dire que, quand les pratiques inouïes que j'ai évoquées vont sortir, les médias et la profession vont sentir le coup passer.
S'agissant des stress tests européens, les définitions en sont faites soit par l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles – EIOPA –, soit par l'Autorité bancaire européenne – EBA –, selon les professions concernées. Les régulateurs de tous les pays y participent de manière à définir des règles du jeu que tout le monde respecte. La prochaine opération ne sera pas vraiment un stress test, plutôt une évaluation des bilans des sociétés. Ce Balance Sheet Assessment va être lancé par la Banque centrale européenne auprès de toutes les banques pour s'assurer que ce qui est inscrit dans leurs bilans est bien réel et qu'il n'y ait pas de différences d'interprétation. Les règles viennent d'être définies et seront bientôt portées à la connaissance de toutes les entités. Au regard des stress tests, nous nous attachons surtout aux résultats des banques ou sociétés d'assurances dites systémiques, c'est-à-dire qui sont dans le collimateur des régulateurs européens.
Quant à la question sur les liens macroéconomiques, à mon avis, elle concerne plus la Banque de France que l'ACPR, car c'est elle qui construit l'approche macroéconomique. À chaque conseil plénier, nous sommes tenus au courant de ce qu'elle fait, mais nous ne pouvons pas intervenir sur les opérations.
Dans ce cas, qui tire la sonnette d'alarme dans un cas comme celui des credit default swaps – CDS ?
Pour notre part, nous ne pouvons que constater.
Il est nécessaire qu'un organisme fasse, à un moment donné, une consolidation de l'ensemble des risques portés par les acteurs économiques et réagisse en fonction de leur importance. Qui se charge de cela ?
C'est le rôle du Haut Conseil de stabilité financière, qui a remplacé le Conseil de régulation financière et du risque systémique. Le régulateur vérifie la légalité de ce que font les entités contrôlées. Comment voulez-vous qu'il intervienne s'il constate des volumes trop importants ?
Nous avons adopté, dans la loi bancaire, un article qui est sous-tendu par l'idée qu'on ne peut pas donner la situation de l'état économique d'un espace donné sans tenir compte de la présence de certains produits qui, en trop grande quantité, peuvent déstabiliser complètement l'économie dite réelle. Avec le président Gilles Carrez et le rapporteur général, nous avions beaucoup insisté en séance sur ce point qui nous paraît extrêmement important.
Ce problème est certainement très important, mais je n'ai pas eu à le traiter puisqu'il ne s'applique pas à l'assurance et que je n'ai pas siégé dans des collèges qui auraient pu le rencontrer. À ce jour, je n'ai donc pas d'information.
Après le départ de M. Jean-Marie Levaux, la Commission émet un avis favorable à sa nomination aux fonctions de vice-président du collège de supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Informations relatives à la Commission
La Commission a reçu en application de l'article 12 de la LOLF :
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 8 235 184 euros en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP), du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde de la mission Action extérieure de l'État à destination du programme 178 Préparation et emploi des forces de la mission Défense.
Ce mouvement correspond au remboursement par le ministère des Affaires étrangères de prestations de formation dispensées par le ministère de la Défense ;
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 7 353 000 euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 176 Police nationale de la mission Sécurité à destination du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense de la mission Défense.
Ce transfert intervient dans le cadre du financement des dépenses de fonctionnement d'un programme de plateforme technique mutualisée avec le ministère de la défense ;
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 534 232 euros en crédits de paiement (CP), du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l'État et du programme 307 Administration territoriale de la mission Administration générale et territoriale de l'État à destination du programme 176 Police nationale de la mission Sécurité.
Les annulations se répartissent de la façon suivante :
– programme 216 : 85 477 euros en crédits de paiement.
– programme 307 : 448 755 euros en crédits de paiement.
Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :
– programme 176 : 534 232 euros en crédits de paiement.
Ce virement de crédits correspond à la contribution pour 2013 des programmes 307 Administration territoriale et 216 Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur au projet d'application Dialogue 2 financé par le programme 176 Police nationale. Les autorisations d'engagement correspondant au projet ont été ouvertes en loi de finances initiale pour 2011 sur le programme Police nationale.
Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du jeudi 17 octobre 2013 à 14 heures
Présents. - M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Alain Fauré, M. Jean-François Lamour, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault
Excusés. - M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Jérôme Lambert, M. Thierry Robert