La commission a auditionné M. Martin Vial, commissaire aux participations de l'État et directeur général de l'Agence des participations de l'État.
Je vous remercie, Monsieur le commissaire, d'avoir répondu très rapidement à notre invitation. C'est la première fois, en tout cas depuis 2012, que notre commission reçoit le commissaire aux participations de l'État, habituellement auditionné par la commission des finances. Au-delà de l'aspect financier, compte tenu de l'actualité concernant les grandes entreprises relevant du périmètre de l'Agence des participations de l'État (APE), plusieurs d'entre nous ont souhaité avoir un échange direct avec vous sur la stratégie et l'action de l'État, notamment en ce qui concerne les cessions d'actifs.
Vous êtes en fonctions depuis août 2015, mais vous traitez de ces problématiques depuis longtemps. Depuis 2012, l'APE est placée sous la double tutelle du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des finances. Ses missions ont été recentrées et elle dispose d'une feuille de route, que vous allez probablement évoquer.
En ce moment, notre commission s'intéresse particulièrement au secteur de l'énergie. Elle a auditionné récemment à ce titre M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ; le président-directeur général, les syndicats de salariés et l'ancien directeur financier d'Électricité de France (EDF) ; M. Yannick d'Escatha, à huis clos, sur le rapport portant revue des risques du projet Hinkley Point ; et le président du directoire de Réseau de transport d'électricité (RTE). Néanmoins, mes collègues vous poseront probablement des questions concernant d'autres secteurs de l'économie.
Le portefeuille de l'APE s'élève à environ 110 milliards d'euros, avec des participations dans soixante-dix-sept entreprises opérant dans des domaines stratégiques, notamment EDF, Areva, PSA, Renault, Thales, La Poste, Orange, Air France et Airbus. Le secteur de l'énergie représente la moitié de ce portefeuille en valeur, l'État détenant 84,49 % du capital d'EDF, 32,76 % de celui d'Engie et 28,83 % de celui d'Areva.
Vous êtes comme nous au fait de ce qui se dit ou s'écrit dans les médias. Le ministre de l'économie a rappelé dernièrement que le portefeuille de l'APE avait été victime de sa surexposition dans les secteurs de l'énergie et des transports. Il a évoqué la possibilité de céder des actions historiques, à condition que la situation soit plus favorable sur les marchés. Je vous invite à développer ce point. Certes, vous n'êtes pas membre du Gouvernement, mais vous n'êtes pas uniquement le « gardien du temple » : vous avez vocation à formuler des propositions quant à la stratégie de l'État en matière de participations et d'investissements.
RTE est aujourd'hui au coeur de nos préoccupations. La cession par EDF d'un certain nombre d'actifs qu'elle détient au sein de RTE a été annoncée par le Gouvernement et par le président-directeur général d'EDF, ce dernier précisant qu'elle pourrait aller jusqu'à 50 % du capital. Nous avons besoin d'éclaircissements sur ce point, sachant que la décision finale sera prise par le Gouvernement. Une fois que nous aurons achevé notre séquence d'auditions, nous auditionnerons de nouveau le ministre de l'économie, notamment sur la stratégie de l'État à cet égard.
Merci, Madame la présidente, pour vos mots d'accueil. Je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant votre commission ce matin. L'actualité concernant le portefeuille de l'APE est en effet très riche. Ainsi que vous l'avez rappelé, ce portefeuille s'élève à un peu plus de 100 milliards d'euros, avec des participations dans soixante-dix-sept entreprises. La somme agrégée des chiffres d'affaires de ces entreprises – qui n'est pas une valeur comptable – est supérieure à 400 milliards d'euros, et celle de leurs excédents bruts d'exploitation, à 65 milliards d'euros. C'est dire l'importance du rôle de l'État actionnaire dans l'économie du pays, qu'il s'agisse de l'industrie ou des services.
J'ai pris mes fonctions à l'été 2015 et j'ai acquis deux convictions : premièrement, depuis la création de l'APE, l'État actionnaire a beaucoup progressé, se dotant de leviers d'action qui le rendent aujourd'hui plus agile et plus efficace ; deuxièmement, l'État actionnaire doit avoir une posture décomplexée, jouer un rôle responsable et être exemplaire.
L'État actionnaire a connu plusieurs étapes de maturation.
La création de l'APE, en 2004, a consacré la fonction patrimoniale de l'État, qui était auparavant confondue avec d'autres fonctions : tutelle, régulateur, collecteur d'impôt et client.
En 2010, l'APE a été retirée du périmètre de la direction générale du Trésor. Désormais, le patron de l'APE rend compte directement au ministre chargé de l'économie et au ministre chargé des finances, ce qui donne à l'agence une autonomie par rapport aux politiques publiques ou sectorielles conduites – tout à fait efficacement – par la direction générale du Trésor.
Début 2014 a été fixée la doctrine d'investissement de l'État actionnaire, qui guide aujourd'hui notre action.
L'ordonnance relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, publiée à l'été 2014, a constitué une étape très importante : l'État exerce son rôle dans les organes de gouvernance des entreprises comme un actionnaire normal. Ainsi, les représentants de l'État sont désormais nommés par les assemblées générales, à l'exception de ceux qui le représentent en tant que personne morale. D'autre part, nous pouvons dorénavant recruter des représentants qui ne sont pas des agents publics. Nous avons constitué une base de données et faisons appel à des personnes possédant des compétences managériales et entrepreneuriales afin d'enrichir la composition des conseils d'administration des soixante-dix-sept entreprises du portefeuille et contribuer à leur bon fonctionnement.
Aujourd'hui, l'État actionnaire dispose, à travers l'APE, d'un levier très puissant, mais nous ne sommes pas le seul acteur en la matière : la Banque publique d'investissement (BPIfrance) – dont la création a été un formidable succès – intervient, à travers un portefeuille d'environ 16 milliards d'euros, auprès des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et, de plus en plus, des petites et moyennes entreprises (PME) ; la Caisse des dépôts et consignations (CDC) joue un rôle d'actionnaire à travers son propre portefeuille d'actifs ; le Commissariat général à l'investissement (CGI), au titre du programme d'investissements d'avenir (PIA), gère une enveloppe d'un peu moins de 7 milliards d'euros réservée aux interventions en fonds propres, notamment pour soutenir l'innovation.
L'articulation entre ces différents acteurs est globalement bonne. Nous avons de nombreux échanges avec la CDC. Par exemple, l'APE et la CDC détenant chacune 50 % de BPIfrance, le directeur général de la CDC et moi-même avons créé un comité d'actionnaires qui nous permet de nous concerter sur les grands axes de la stratégie de BPIfrance. En revanche, notre coordination avec le CGI demeure insuffisante. C'est incontestablement un point sur lequel nous devons et allons progresser.
L'APE est aujourd'hui l'un des plus grands gérants de participations publiques au monde, avec les chiffres que j'ai cités en introduction. En 2015, nous avons procédé à environ 1,2 milliard d'euros d'investissements à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) et avons cédé 2,3 milliards d'euros de participations, notamment dans Engie, Safran et l'aéroport de Toulouse. En outre, nous avons contribué l'année dernière au désendettement de l'État à hauteur de 800 millions d'euros. Nous sommes aujourd'hui engagés dans des opérations importantes, notamment pour la restructuration de la filière nucléaire, qui va mobiliser une part notable des ressources du CAS PFE sur 2016-2017.
Nous n'avons pas à rougir des performances de l'État actionnaire, même si nous ne sommes pas épargnés par certaines critiques dans la presse.
Il est vrai que plus de la moitié du portefeuille de l'APE est constitué par des participations dans le secteur de l'énergie. Or ce secteur subit actuellement, à l'échelle mondiale, un véritable choc, avec la baisse du prix du pétrole – baisse de moitié du prix en un peu plus de deux ans –, des matières premières et de l'électricité. Le prix de l'électricité a chuté d'environ un tiers entre le début de l'automne 2015 et l'hiver 2016. Toutes les entreprises du secteur énergétique et des matières premières sont frappées.
Il faut examiner nos performances au regard de l'environnement économique et prendre en considération les performances intrinsèques du portefeuille. Hors secteur de l'énergie, le taux de retour pour l'actionnaire sur le portefeuille coté de l'APE a été proche de 29 % en 2015, contre 12 % pour le CAC 40 – nous calculons ce taux de retour en tenant compte, d'une part, des dividendes versés par les entreprises du portefeuille et, d'autre part, de la réévaluation de la valeur de ces entreprises entre le 1er janvier et le 31 décembre. C'est donc une performance très positive. De plus, les sociétés qui ont obtenu les meilleures performances au sein du portefeuille, à savoir PSA, Renault et Airbus, sont aussi celles qui ont connu les plus fortes hausses au sein du CAC 40.
La performance de l'État actionnaire est non seulement celle du portefeuille coté, mais aussi celle de l'accompagnement industriel des sociétés du portefeuille. L'action mise en oeuvre par l'État actionnaire sous la responsabilité du Premier ministre, du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des finances, à la suite des décisions prises par le Président de la République à l'été 2015, a visé à restructurer la filière nucléaire, laquelle constitue un atout industriel majeur pour le pays. Notre but est évidemment de renforcer les bases industrielles et financières d'EDF et d'Areva pour leur permettre de développer leur activité, en tant que leaders dans leur domaine.
J'en viens au rôle de l'État actionnaire.
Ma conviction, c'est que l'État actionnaire doit être, tout d'abord, décomplexé. L'État n'est certes pas un actionnaire banal : il représente l'intérêt collectif ; il est mû par des motifs d'intérêt général, notamment la cohésion économique et sociale du pays. Mais, quand il détient des intérêts économiques dans une entreprise, il doit jouer pleinement son rôle en tant qu'actionnaire. Dans les entreprises cotées, lorsqu'il est le premier actionnaire ou actionnaire de référence, même minoritaire, il est légitime qu'il fasse entendre sa voix. Tel est le sens du maintien, décidé en 2015, des droits de vote double dans un certain nombre d'entreprises. Comme dans toutes les entreprises, le premier actionnaire doit être écouté, même s'il ne doit pas avoir l'exclusivité de la relation entre l'actionnariat et le management.
L'État doit être aussi un actionnaire responsable, tant dans les entreprises où il est majoritaire que dans celles où il est minoritaire. Dans le second cas, nous devons bien sûr nous défaire des pratiques de l'État tuteur qui impose ses vues, tout en préservant l'intérêt social de l'entreprise et en prenant en compte les intérêts des autres actionnaires, notamment les intérêts minoritaires. L'État actionnaire doit se comporter de façon équilibrée en adoptant cette double approche, décomplexée et responsable.
L'État, qui n'est pas, je l'ai dit, un actionnaire banal, doit être, enfin, exemplaire.
Cette exemplarité concerne la « mesure » – pour reprendre le terme employé dans le code de l'Association française des entreprises privées (AFEP) et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – dans la rémunération des dirigeants des grandes entreprises. Pour les entreprises où l'État est actionnaire majoritaire, le Gouvernement a fixé, en 2012, un plafond de 450 000 euros pour la rémunération des mandataires sociaux. Les résolutions qui ont été adoptées dans ces entreprises sont toutes conformes à cette règle. Pour les entreprises où l'État n'est pas majoritaire, un certain nombre de règles ont été fixées : il a été demandé aux dirigeants de ces entreprises de consentir un effort de réduction de 30 % de leur rémunération par rapport à la situation ex ante ; il a été également demandé que les dirigeants ne bénéficient plus de retraites à prestations définies – dites « retraites chapeau » ; les indemnités de départ ont été plafonnées à un an de rémunération. Lorsque les patrons de ces entreprises ont fait les efforts nécessaires, nous avons voté pour les résolutions correspondantes. Tel a été le cas chez Air France-KLM, Engie et Orange. Mais lorsque la doctrine fixée n'a pas été respectée, nous avons été amenés à voter contre. Tel a été le cas, en conseil d'administration et en assemblée générale, chez Renault, PSA et Safran, pour ne citer que ces entreprises.
Au titre de l'exemplarité, l'État a également poussé les entreprises du portefeuille à féminiser leur conseil d'administration. À l'issue de la campagne d'assemblées générales en cours, le taux d'administratrices au sein des conseils devrait être supérieur à 30 % dans l'ensemble des entreprises du portefeuille, ce qui correspond à un quasi-doublement par rapport à 2012, où il était de 16 %. Notons qu'il est actuellement de 36 % dans les seules entreprises cotées du portefeuille. Nous atteindrons l'année prochaine l'objectif fixé par la loi, à savoir un taux minimal de féminisation de 40 %.
L'État doit aussi s'assurer de l'exemplarité des entreprises du portefeuille en matière fiscale. Au début de l'année 2015, les ministres ont adressé à toutes ces entreprises une lettre leur demandant de se conformer aux règles lorsqu'elles pratiquent l'optimisation fiscale. Nous entrons dorénavant dans un régime de transparence. Votre assemblé examine en ce moment même un projet de loi prévoyant de nouvelles dispositions en matière de transparence fiscale. Si vous les adoptez, l'État sera au premier rang pour les mettre en oeuvre, à travers son portefeuille.
L'État actionnaire a beaucoup progressé, mais il reste encore beaucoup à faire. Notre démarche permanente consiste à utiliser le rôle de l'État actionnaire comme levier pour valoriser le patrimoine de l'État – c'est la première fonction de l'APE –, comme levier de la politique industrielle, et comme levier pour diffuser la culture de responsabilité environnementale, sociale et sociétale de l'État au sein des entreprises du portefeuille. Telle est la préoccupation qui nous anime et continuera à nous animer au quotidien.
Merci, Monsieur le commissaire. Il est important que nous tenions cette audition, compte tenu notamment de l'actualité économique et de l'évolution de la stratégie de l'APE, que vous aviez déjà évoquée devant la mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, dont Mme Delphine Batho est la rapporteure.
Nous aimerions que vous précisiez votre position sur les grands dossiers du secteur de l'énergie, en particulier sur la situation d'Areva et d'EDF. Pouvez-vous nous confirmer que le prêt relais de 1,1 milliard d'euros que les banques ont accordé à Areva permettra à celle-ci de garder la tête hors de l'eau, malgré les négociations difficiles avec TVO au sujet du réacteur EPR finlandais ? L'augmentation du capital de l'État au sein d'EDF à hauteur de 3 milliards d'euros sera-t-elle suffisante pour aider l'entreprise à traiter ses dossiers stratégiques, notamment le projet Hinkley Point en Angleterre et la gestion de la sûreté des cinquante-huit réacteurs nucléaires français, dont le coût a été estimé par la Cour des comptes à 100 milliards d'euros sur quinze ans ?
Quelle est votre position au sujet de la participation de l'État au capital d'Orange ? Certains économistes plaident pour une sortie partielle d'Orange afin de faciliter la recapitalisation d'EDF et d'Areva. Est-ce une bonne stratégie ?
Des critiques ont été adressées à l'APE, notamment dans un article du journal Les Échos : manque d'expérience d'une partie de l'équipe se répercutant dans le rapport de force avec les dirigeants des entreprises concernées ; turn-over élevé, dû notamment au type de contrat proposé par l'APE. Quel est votre avis sur ces critiques ? Y a-t-il des évolutions à envisager ?
Vous avez évoqué la complémentarité entre l'APE et les autres outils dont dispose l'État : BPIfrance, la CDC et le CGI. Les plans de la nouvelle France industrielle sont financés en grande partie par le PIA, qui est géré par le CGI. Or le passage au stade industriel demande, on le sait, des efforts financiers importants ; des besoins ont été répertoriés en la matière. Comment l'APE peut-elle prendre le relais des dispositifs du PIA ? À quel moment envisagez-vous ce relais, notamment pour les projets s'inscrivant dans le cadre de la transition industrielle et technologique ou relevant de la nouvelle économie numérique ?
Je vous remercie pour votre intervention, Monsieur le commissaire. Ainsi que vous l'avez rappelé, l'APE est un poids lourd en termes de participations : un portefeuille de plus de 100 milliards d'euros, pour un chiffre d'affaires cumulé de plus de 400 milliards d'euros. On peut regretter la répartition de ce portefeuille, avec plus de 50 % des actifs dans le secteur de l'énergie, mais c'est aussi un héritage de l'histoire. Quelles évolutions envisagez-vous à cet égard ? Les prises de participation annuelles représentant environ 1 % du portefeuille – 1,2 milliard d'euros en 2015 –, on aura du mal à faire évoluer rapidement cette répartition.
En matière de transparence fiscale, exigence qui concerne aussi les entreprises de votre portefeuille, la question déterminante sera moins celle des missions supplémentaires que l'on confiera à l'Autorité des marchés financiers (AMF) – dont le président a été auditionné hier par la commission des finances – que celle des moyens de contrôle que l'on donnera à cette autorité. Nous aurons ce débat lorsque nous examinerons le projet de loi « Sapin II » en séance publique.
Je poursuis la question de M. Jean Grellier : l'un de vos prédécesseurs, M. David Azéma, expliquait que les agents de l'APE y occupaient, en règle générale, leur premier ou leur deuxième poste. On reproche assez souvent aux membres de votre équipe de n'avoir d'expérience ni de l'industrie, ni du monde de l'entreprise. Que répondez-vous à cela ?
Comment intervenez-vous dans les choix politiques ? Êtes-vous consultés en amont sur certains choix stratégiques ? Par exemple, le ministre chargé de l'économie a-t-il parlé avec vous avant d'annoncer, la semaine dernière, que l'État ne resterait pas éternellement au capital d'Orange ? Cela semblerait la moindre des choses, dans la mesure où l'APE gère une part importante des actions d'Orange. L'option évoquée par le ministre est-elle à l'étude ? Dans quel délai est-elle envisagée ?
Enfin, même si des progrès ont été accomplis, l'information chiffrée sur les participations de l'État reste parfois partielle et difficile d'accès, notamment en ce qui concerne les années antérieures à 2011. Comment comptez-vous renforcer – via l'open data ou d'autres outils – la transparence en la matière ?
Merci, Monsieur le commissaire, pour votre présentation des différentes missions de l'APE, en particulier du rôle stratégique qu'elle joue dans les choix opérés par l'État actionnaire. Néanmoins, ce rôle stratégique expose régulièrement l'APE aux critiques adressées à l'État actionnaire, qui aurait souvent une vision des dossiers trop éloignée du terrain, et dont les choix seraient influencés ou remis en cause par des considérations autres qu'économiques, notamment les risques sociaux ou les contraintes environnementales.
Lors de son audition devant la commission des finances du Sénat, le ministre chargé de l'économie s'est montré favorable à une rotation du portefeuille des participations de l'État et a notamment évoqué la possibilité de céder une partie des 23 % détenus par l'État dans l'opérateur de télécommunications Orange, 13 % étant gérés par l'APE. Il a toutefois précisé qu'il fallait attendre que les conditions du marché soient plus favorables ; il souhaiterait, semble-t-il, attendre la fin du déploiement du plan fibre. Quel est votre avis sur une éventuelle rotation des participations de l'État ? Quel serait pour vous le moment le plus favorable pour céder des parts d'Orange ?
Notre commission suit de près la situation financière des groupes EDF et Areva, que le Gouvernement a décidé de recapitaliser. Dans cette perspective, l'APE va devoir mobiliser près de 7 milliards d'euros. Cette intervention, que vous qualifiez de « singulière », suscite des interrogations quant à son ampleur – la valorisation de votre portefeuille coté étant tombée à 60 milliards d'euros –, mais aussi quant à son efficacité. Pensez-vous que l'augmentation du capital de ces entreprises permettra de sécuriser leur bilan dans la durée ?
Vous avez évoqué l'articulation des missions de l'APE avec celles des autres outils de l'État actionnaire : BPIfrance, la CDC et le CGI. Pourriez-vous nous en dire davantage en évoquant les différences et les complémentarités entre ces structures ? Comment travaillez-vous pour favoriser les synergies entre elles ?
La perspective d'une nouvelle intervention de l'État dans les finances des entreprises d'utilité publique semble inévitable, tant les incertitudes qui planent sur EDF et les défis que l'entreprise doit surmonter sont nombreux et divers.
On peut imputer une partie des difficultés que connaît EDF à la baisse des prix sur le marché de l'électricité, celle-ci étant elle-même consécutive à la politique européenne d'ouverture des marchés, alors même que des investissements massifs avaient été réalisés par nos services publics. Cela ne pouvait qu'annoncer des difficultés à venir dans le cas d'une adaptation trop lente ou trop peu efficace à ce nouvel environnement concurrentiel.
Aujourd'hui, toujours dans le même esprit d'ouverture à la concurrence, la Commission européenne pourrait fort bien épingler la France en considérant la recapitalisation d'EDF comme une aide d'État à l'activité économique d'une entreprise en difficulté. Selon vous, existe-t-il une méthode pour mobiliser les fonds nécessaires sans encourir le reproche de verser une subvention d'État déguisée et sans s'attirer la colère de Bruxelles, qui a déjà accepté un certain nombre de recapitalisations de la part de l'État français ?
Vous avez indiqué, Monsieur le commissaire, que l'APE avait contribué au désendettement de l'État. Pouvez-vous nous préciser l'importance de ce désendettement ? Car, pour ma part, je n'ai pas noté qu'il y avait eu un désendettement… Et il faut remettre les choses en perspective : 110 milliards d'euros, c'est seulement un peu plus de 5 % de la dette publique de la France. En réalité, les participations de l'État ont considérablement fondu par rapport à ce qu'elles étaient autrefois. Nous ne pouvons donc plus avoir les mêmes logiques.
Un certain nombre de démarches de l'État actionnaire sont louables. Je pense notamment à la recapitalisation de PSA dans une période difficile, ou à la récente passe d'armes entre M. Emmanuel Macron et le patron de Renault, au cours de laquelle le ministre a défendu les intérêts de la France, ce que je tiens à saluer. Cependant, l'État est parfois aux abois financièrement, et certaines ventes d'actifs obéissent à une logique non pas industrielle, mais clairement financière. Cela se pratique depuis très longtemps.
D'autre part, l'État fait remonter de l'argent sous la forme de dividendes versés par les sociétés dont il est actionnaire. Ces dernières années, EDF a été particulièrement sollicitée à ce titre, alors qu'elle a des besoins financiers importants. N'y a-t-il pas là une énorme contradiction ? L'État ne fait-il pas preuve d'inconstance à l'égard de cette entreprise ?
Merci, Monsieur le commissaire, de votre présence devant notre commission. Mes questions rejoignent celles qui ont été posées par mes collègues.
D'après vous et au vu de l'expérience acquise, peut-on considérer que les participations de l'État sont un investissement à long terme accompagnant le développement et la consolidation des entreprises, en particulier dans des secteurs et des filières déterminantes pour la croissance économique nationale ? Par exemple, dans ma circonscription, en 2013, l'État est intervenu en tant que premier actionnaire de Thales pour éviter les conséquences de la restructuration de deux filiales du groupe, à savoir le licenciement probable de quelque 700 salariés. Aujourd'hui, ces deux entreprises se portent bien, et l'intervention de l'État a été décisive.
À la suite de la crise de 2008, les États-Unis sont intervenus pour sauver certaines entreprises, notamment General Motors, en prenant des participations importantes et de court terme dans leur capital. Seriez-vous favorable à des prises de participation temporaires de l'État français pour sauver certaines entreprises, en particulier celles qui sont des pierres angulaires de notre économie et de l'indépendance française et européenne ? Je pense, en particulier, à l'entreprise STMicroelectronics, premier employeur privé en Rhône-Alpes, qui a annoncé la suppression de 430 postes dans notre pays, ce qui nuirait gravement à son indépendance ainsi qu'à celle de l'Europe dans le domaine de la microélectronique.
Quelle stratégie pour l'avenir préconisez-vous dans le secteur de l'énergie, mais aussi dans les autres secteurs où l'APE est présente ?
Vous avez déclaré lors d'une interview que vous n'excluiez pas « de nouvelles cessions sur le portefeuille coté ». Nous savons que l'État va devoir trouver des fonds pour financer la recapitalisation d'Areva, d'EDF et d'Air France-KLM. Il va devoir puiser dans son portefeuille, composé de participations dans soixante-dix-sept entreprises. En 2014, l'APE a accompagné PSA en acquérant plus de 14 % de son capital. Aujourd'hui, ce sont ces mêmes participations de l'État au capital des constructeurs automobiles qui paraissent le plus facilement mobilisables. L'État s'apprêterait donc, semble-t-il, à se désengager de PSA et de Renault. Quelles entreprises ou quels secteurs seront concernés par des désengagements financiers ? Quel rôle l'État entend-il jouer dans le secteur automobile ? À combien le coût total de la recapitalisation d'EDF et d'Areva s'élèvera-t-il réellement ?
L'année 2016 est celle de tous les dangers pour l'État actionnaire : l'APE va devoir mobiliser quelque 7 milliards d'euros pour venir en aide à EDF et à Areva. Si l'État a déjà engagé la privatisation des aéroports de Lyon et de Nice, les autres cessions n'auront rien d'évident, le portefeuille coté de l'APE ayant déjà fondu d'environ 20 milliards d'euros en un an. Dans ce contexte, comment pensez-vous trouver les ressources nécessaires pour faire face à cette situation ? En cas de manque de ressources, disposez-vous de réserves ? Si oui, à quelle hauteur ?
Vous avez récemment confirmé que l'État avait vocation à céder les titres de Renault qu'il avait acquis au printemps 2015. Comment ce projet de cession se présente-t-il ? Sera-t-il réalisé dans un avenir proche ?
Vous avez rappelé les rôles respectifs de l'APE, de la CDC, de BPIfrance et du CGI, tout en évoquant des améliorations possibles dans la relation entre l'APE et le CGI. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
L'intervention de l'État en faveur d'EDF et d'Areva est-elle bien conforme aux règles européennes en matière de concurrence ? Il y a toujours des distorsions, on le sait, entre petites et grandes entreprises. Pour les petites entreprises, les règles de minimis sont tout de même très sévères. Qu'en est-il pour les grandes entreprises ?
Au début de votre intervention, vous avez tenu à préciser qu'il n'y avait plus de lien entre l'APE et la direction générale du Trésor. Quelles conséquences cela emporte-t-il ? Pour quel motif l'APE avait-elle été initialement rattachée au Trésor ? Cela avait probablement à voir avec la mobilisation des disponibilités. Dès lors qu'il n'y a plus de lien avec le Trésor, comment faites-vous pour trouver les capitaux lorsqu'il s'agit, par exemple, de recapitaliser EDF ? Procédez-vous vous-mêmes à des levées de fonds sur les marchés ? Ou bien le Trésor met-il des fonds à votre disposition ?
Vous avez énuméré l'ensemble des outils dont dispose l'État pour intervenir dans le capital des entreprises : l'APE, BPIfrance, la CDC et le CGI. Cette énumération suggère-t-elle que l'on pourrait simplifier le dispositif ? Serait-il envisageable de n'avoir qu'une seule agence ou bras armé de l'État pour ces interventions ?
Quel regard la Commission européenne porte-t-elle sur l'intervention de l'État en faveur d'EDF et d'Areva ? A-t-elle fait part de réserves sur ce point, sachant qu'elle en émet régulièrement sur d'autres sujets relatifs à l'énergie ?
Le rendement des opérations de l'APE ne suffira pas pour financer la recapitalisation d'EDF et d'Areva. Où comptez-vous trouver les fonds nécessaires ?
Vous avez déjà répondu à ma première question, qui portait sur la mixité au sein des conseils d'administration.
Dans le rapport relatif à l'État actionnaire 2014-2015, il est précisé qu'il avait été demandé aux administrateurs représentant l'État d'intervenir « pour remédier aux stratégies d'optimisation fiscale des entreprises ». Pouvez-vous nous présenter les résultats obtenus en la matière et nous indiquer quelles entreprises ne se sont pas pliées à cette demande ?
Ma collègue Marie-Noëlle Battistel a posé d'excellentes questions, que j'avais prévu de soulever également.
Dans le secteur de l'énergie, l'État détient des participations dans des entreprises utilisant du charbon. Qu'a fait l'APE en faveur du désengagement du charbon, enjeu à l'échelle mondiale ?
Les moyens qui seront consacrés à l'opération conjoncturelle de recapitalisation d'EDF pourraient être employés pour reprendre la main, c'est-à-dire pour changer le statut d'EDF, à travers une augmentation de la part de l'État et une évolution du capital restant, actuellement détenu par les salariés ou par les consommateurs, sous la forme d'une société coopérative. Ce schéma a-t-il été étudié par l'APE ?
L'APE a-t-elle une position sur la décision d'engager le projet Hinkley Point ? Au-delà des considérations industrielles, a-t-elle fait valoir le point de vue de l'actionnaire ? Ce projet met en cause l'intérêt patrimonial de l'État dans la mesure où, dans le montage prévu, les risques sont supportés presque exclusivement par le contribuable français.
EDF projette de céder une partie de ses actifs au sein de RTE – rappelons que le réseau de transport d'électricité constitue un patrimoine de la Nation. N'est-ce pas l'inverse de ce qu'il faudrait faire ? Car, en se séparant d'activités régulées, EDF s'expose de plus en plus dans un marché de l'énergie particulièrement déprimé.
Vous avez évoqué la question de la rémunération des dirigeants de grandes entreprises. Certains patrons d'entreprises dans lesquelles l'État est actionnaire majoritaire ont fait quelques concessions. Je suis de ceux qui pensent que ce n'est pas anormal, car certains salaires donnent le vertige – moins cependant que dans le sport de haut niveau ou le show-business. M. Carlos Tavares, président du directoire de PSA, a déclaré que c'était, après tout, « le prix du marché ». Néanmoins, en temps de crise, ces grands patrons s'honoreraient à limiter eux-mêmes leur salaire. Les accords passés avec le MEDEF n'ayant, semble-t-il, pas assez de portée, la question se pose de légiférer ou non. Selon vous, faut-il fixer une limite à ces rémunérations ? Si nous le faisons, risquons-nous de réduire le vivier des grands patrons, voire de créer un appel d'air vers d'autres pays ?
Le secteur industriel de la défense est structurellement et, depuis quelques mois, contextuellement d'une importance stratégique majeure pour l'État. Or, en 2013, la Cour des comptes a rendu un rapport très critique sur le sujet, intitulé « Les faiblesses de l'État actionnaire d'entreprises industrielles de défense ». Parmi ses recommandations, elle a préconisé la mise en place d'un dispositif commun entre l'APE et la direction générale de l'armement afin de mieux piloter les participations de l'État dans ce secteur. Cette proposition a-t-elle été suivie d'effet ?
En 2015, le marché français de l'armement a été très dynamique, atteignant le double de celui de l'année précédente. Aucune restructuration verticale ou horizontale concernant des entreprises de défense françaises ne doit être négligée, car les intérêts patrimoniaux et stratégiques doivent être préservés. Quels moyens l'APE met-elle en oeuvre pour protéger et suivre les intérêts stratégiques de l'État dans ce secteur ?
Grâce à l'amendement « Exon-Florio », le Président des États-Unis peut suspendre l'acquisition d'une firme américaine par une entreprise étrangère s'il considère qu'un intérêt étranger risque de menacer la sécurité nationale. De nombreux experts plaident pour la création d'un « Exon-Florio français » ou, à tout le moins, européen. Qu'en pensez-vous ?
La participation du secteur public au capital de certaines entreprises ne peut pas descendre au-dessous d'un seuil légal, par exemple 70 % pour EDF ou 33 % pour Engie. Ces seuils privent l'État de la possibilité de dégager des financements. Selon certaines estimations, leur modification permettrait à l'État de récupérer 24 milliards d'euros. Confirmez-vous ce chiffre ? Quelle est votre opinion sur une éventuelle modification de ces seuils ?
Merci, Mesdames et Messieurs les députés, pour vos questions. Je commence par répondre à celles qui portent sur la restructuration de la filière nucléaire.
Depuis une quinzaine d'années, le secteur de l'énergie, en particulier celui de l'électricité, a été profondément bouleversé.
Le premier facteur de bouleversement a été la vague de dérégulation en Europe, venue des États-Unis, qui a organisé de plus en plus ce secteur en un marché concurrentiel. Aujourd'hui, EDF tire seulement 30 % de son chiffre d'affaires d'activités régulées, contre les deux tiers il y a encore trois ans ; le rapport s'est donc inversé. D'autre part, les prix ne sont plus fixés par les gouvernements, mais par les autorités de régulation. Les gouvernements ont, en quelque sorte, des capacités d'intervention « par défaut » par rapport à ces autorités. Dès lors, le dialogue historique qu'entretenaient les grands opérateurs du secteur de l'énergie avec le gouvernement, notamment en France, est désormais plus complexe. Enfin, ainsi que certains d'entre vous l'ont souligné, la Commission européenne a dorénavant un pouvoir considérable en matière de régulation et d'encadrement de ce marché. Bref, la filière énergétique, en particulier la filière nucléaire, avait été fondée dans un cadre radicalement différent de celui qui prévaut actuellement.
Le deuxième choc a été la catastrophe de Fukushima qui, au-delà du drame humain et écologique, a eu des répercussions très importantes du point de vue industriel partout dans le monde. Les autorités de sûreté ont, fort logiquement, augmenté leur niveau d'exigence. Ce faisant, elles ont augmenté les coûts de sûreté affectés à la création et à l'exploitation des équipements nucléaires, ainsi que les délais de décision dans la filière.
Le troisième choc a été la crise des prix de l'énergie et des matières premières que j'ai évoquée précédemment.
Enfin, il y a un quatrième bouleversement, qui surpasse tous les autres : la transition énergétique. Aujourd'hui, on ne peut plus raisonner en matière de politique industrielle dans le domaine de l'énergie en faisant abstraction des objectifs environnementaux, notamment de réduction des émissions de dioxyde de carbone. Ces objectifs sont devenus le premier facteur de décision pour le moyen et le long terme. Ils ont été traduits dans la loi relative à la transition énergétique, que vous avez adoptée.
Dans cet environnement, il y a deux acteurs majeurs en France : EDF et Areva.
Le « socle » de la production permanente d'EDF est constitué par son parc nucléaire et son parc hydroélectrique, le second étant antérieur au premier. Or ces deux activités nécessitent des investissements très importants et à très longue durée de vie – plusieurs dizaines d'années –, d'où une rigidité considérable. Dès lors, dans ses choix d'investissements, EDF doit tenir compte, d'une part, de la nécessité de faire vivre ses actifs, qui jouent un rôle majeur dans l'approvisionnement en énergie du pays, et, d'autre part, des effets à très long terme que peuvent avoir les nouveaux investissements qu'elle réalise.
La presse a parfois mis EDF et Areva dans le même panier, mais cela ne correspond pas à la réalité : elles sont dans des situations radicalement différentes.
EDF est, je le souligne, une entreprise rentable : en 2015, elle a réalisé un excédent brut d'exploitation supérieur à 17 milliards d'euros, soit beaucoup plus qu'Engie et que bon nombre d'entreprises européennes du secteur de l'énergie. Elle va continuer à dégager des profits dans les années qui viennent. Néanmoins, elle fait face à un défi considérable : adapter son outil de production à ce nouvel environnement, marqué par les évolutions de marché. C'est un défi en termes d'investissements, avec deux sujets majeurs : le principe et l'ampleur de la prolongation de la durée de vie de son parc nucléaire ; les investissements dans les énergies renouvelables. Même si c'est peu visible dans son bilan car elle cède régulièrement une partie de ses actifs dans ce domaine, EDF est aujourd'hui l'un des premiers investisseurs européens en matière d'énergies renouvelables : elle va y consacrer plus de 8 milliards d'euros d'ici à 2019.
Areva est dans une tout autre situation : elle ne pourra plus exercer ses activités dans l'avenir si elle ne fait pas appel à l'actionnaire. Elle doit retrouver le chemin de la croissance rentable.
Un certain nombre d'étapes ont été franchies dans la restructuration de la filière nucléaire et, au sein de cette restructuration, dans ce que j'appelle la « réparation » d'Areva.
La première étape, ce sont les négociations qu'Areva a menées avec EDF à l'automne dernier sur la valorisation d'Areva NP, activité de fabrication de réacteurs dont elle va lui céder le contrôle. Elles ont abouti au mois de janvier dernier : EDF a fait une offre de prix à 2,5 milliards d'euros pour 100 % de l'entreprise.
Deuxième étape : au mois de janvier, Areva a pris la décision d'augmenter son capital à hauteur de 5 milliards d'euros. L'État a indiqué qu'il souscrirait à cette augmentation de capital de manière à en assurer le succès, en tant qu'investisseur avisé et dans le respect des règles européennes. L'entreprise a commencé à préparer cette opération très importante.
Troisième étape : Areva a négocié avec les banques afin d'assurer sa liquidité et sa solvabilité à court terme jusqu'à l'augmentation de son capital, qui aura lieu en janvier prochain. Ces négociations ont abouti : à l'occasion du conseil d'administration qui a arrêté les comptes de l'exercice 2015, il a été convenu que les banques accorderaient à Areva un prêt de 1,2 milliard d'euros, dont l'échéance sera le mois de janvier 2017.
Quatrième étape : depuis le mois de février, Areva mène une négociation avec son client finlandais sur l'achèvement du réacteur d'Okiluoto 3. Elle n'a pas encore abouti : il reste un petit nombre de points de désaccord entre les deux entreprises. La balle est aujourd'hui dans le camp du client finlandais, sachant qu'Areva travaille sur un autre scénario rendant compatibles la cession d'Areva NP et l'achèvement du réacteur d'Okiluoto 3 dans les délais qui ont été prévus avec ce client.
Cinquième étape, qui relève de l'État actionnaire : nous avons engagé un processus avec la Commission européenne pour qu'elle examine le projet de contribution de l'État à l'augmentation de capital d'Areva. M. Emmanuel Macron a demandé à Mme Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la concurrence, que la Commission rende sa décision le plus tôt possible. Celle-ci pourrait intervenir à l'automne prochain.
La sixième étape est la recherche d'investisseurs tiers tant pour Areva NP que pour la nouvelle Areva, recentrée sur les activités liées au cycle du combustible, qui sera mise en place à l'occasion de l'augmentation de capital. Les présidents d'EDF et d'Areva sont en contact avec des industriels et des acteurs financiers susceptibles d'entrer au capital de l'une ou l'autre.
Ces étapes sont à la fois séquencées et simultanées. Il s'agit d'une restructuration très lourde, pour laquelle les décisions n'appartiennent pas toutes à l'État et à Areva, car il y a d'autres parties prenantes : la Commission européenne, certains clients, l'Autorité de sûreté nucléaire. Elle doit aussi se faire dans le respect des règles européennes.
S'agissant d'EDF, plusieurs d'entre vous m'ont demandé si l'augmentation de son capital serait suffisante pour assurer son avenir et pour financer le projet Hinkley Point C si la décision est prise de l'engager.
L'augmentation du capital d'EDF s'inscrit dans un ensemble de décisions prises par sa direction qui visent à rendre l'entreprise plus compétitive sur son marché pour faire face aux chocs que constituent la déréglementation et la baisse des prix de l'énergie. Ces décisions sont les suivantes : un plan de réduction des charges à l'échelle du groupe EDF pour les prochaines années ; un plan d'optimisation des investissements, afin d'améliorer la mobilisation des ressources financières ; un plan de cession d'actifs, qui concerne notamment la cession d'une partie de RTE. Ces actions sont absolument indispensables : c'est ce qu'ont fait toutes les entreprises du secteur de l'énergie en Europe – elles aussi frappées par ces évolutions de marché – afin d'améliorer leurs résultats et sécuriser leurs bilans.
Au-delà des efforts réalisés par l'entreprise, il est nécessaire de conforter la capacité d'EDF à faire appel au marché. Avec 37 milliards d'euros d'endettement net, EDF est, vous le savez, l'un des plus gros émetteurs de dette en Europe. Cela étant, EDF n'a pas, je le souligne, de problème de trésorerie. Elle sera néanmoins confrontée à des échéances de remboursement de dette hybride à l'horizon 2020. Cela implique qu'elle améliore son ratio dette sur fonds propres et qu'elle sécurise les investisseurs qui ont acheté la dette qu'elle a émise.
C'est pourquoi EDF a proposé d'augmenter son capital à hauteur de 4 milliards d'euros en faisant appel au marché. L'État a décidé de souscrire à cette augmentation de capital à hauteur de 3 milliards d'euros. Dans l'opération, la participation de l'État sera donc légèrement diluée par rapport à son niveau actuel. D'autre part, l'État a décidé de soutenir le bilan d'EDF en touchant à l'avenir ses dividendes sous forme de titres, cette possibilité étant offerte par l'entreprise. Cette décision s'est appliquée aux dividendes perçus au titre de l'exercice 2015 et s'appliquera à ceux qui seront perçus au titre de 2016 et de 2017.
Cette augmentation de capital permettra de conforter le bilan et la capacité de financement de l'entreprise. Elle sera réalisée d'ici à l'arrêté des comptes de l'exercice 2016. L'État y souscrira en tant qu'investisseur avisé, car nous sommes convaincus que l'entreprise continuera à être rentable et à se développer.
Le projet Hinkley Point C est préparé depuis de nombreuses années par EDF, qui a d'ailleurs déjà dépensé une somme significative à ce titre. Ce projet industriel présente plusieurs caractéristiques. Premièrement, la compétence d'EDF est reconnue et même « désirée » par un client, plus précisément par un gouvernement qui affiche sa volonté de poursuivre sa politique nucléaire. Deuxièmement, ce client s'est engagé à payer pendant trente-cinq ans l'électricité produite par les deux réacteurs EPR à un prix garanti. Troisièmement, une entreprise chinoise, partenaire de longue date d'EDF, intervient dans le projet à hauteur d'un tiers. Quatrièmement, du point de vue réglementaire, ce schéma a reçu l'accord de la Commission européenne, sachant qu'il s'agit d'une activité régulée.
L'État actionnaire soutient ce projet, sous réserve que les risques qui lui sont liés, en particulier les risques industriels, soient bien maîtrisés. Nous avons interrogé l'entreprise sur sa perception du niveau des risques et sur le plan d'action qu'elle doit mettre en oeuvre pour les réduire. À ce stade, ce plan d'action nous paraît pertinent : il doit permettre de limiter les risques, même si personne ne peut dire qu'il n'existe pas de risques s'agissant d'un projet d'une telle durée. Par ailleurs, EDF dispose d'une double expérience en matière de réacteur EPR : elle a contribué à construire, en Chine, le réacteur de Taishan 1, où les essais à froid sont en cours ; elle est à même de tirer les leçons des retards – certes malheureux – accumulés à Flamanville. En outre, EDF observe de l'extérieur la progression du projet Okiluoto 3.
De notre point de vue d'actionnaire, EDF a les capacités industrielles et financières pour mener à bien le projet Hinkley Point C. Rappelons qu'il représente 15 % des investissements annuels d'EDF, ce qui est significatif, mais n'induit pas un basculement du montant des investissements de l'entreprise.
Monsieur Jean Grellier, l'État n'a pas le projet de se désengager à court terme d'Orange. Il a été dit publiquement et très clairement que le secteur public, à savoir l'État et BPIfrance, conserverait une minorité de blocage au sein d'Orange. Ce principe reste pertinent.
Certains d'entre vous m'ont demandé quelles participations l'État envisageait de céder pour financer les opérations d'augmentation de capital dans le secteur de l'énergie. Je regrette de ne pas pouvoir répondre à cette question, car toute indication sur le fait que l'État va céder ou conserver tel ou tel actif a un impact très important sur le cours des actions des entreprises cotées du portefeuille. Nous veillons à influer le moins possible sur ce cours.
J'en viens aux critiques concernant le fonctionnement de l'APE, notamment son supposé manque d'expérience par rapport aux grandes entreprises privées.
Très immodestement, de même qu'un certain nombre de mes prédécesseurs, j'ai la chance d'avoir une longue expérience à haut niveau tant dans le secteur public que dans le secteur privé – j'ai dirigé pendant vingt-deux ans des entreprises publiques ou privées en tant que président-directeur général –, expérience dont je souhaite faire bénéficier l'équipe de l'APE dans son ensemble. Mais c'est, bien sûr, insuffisant. C'est pourquoi je recherche à recruter des cadres qui aient eux-mêmes cette double expérience, d'une part de l'entreprise, d'autre part de l'administration ou du secteur public. Tel est le cas de la nouvelle directrice générale adjointe de l'agence, qui a acquis une expérience solide à Bercy et au sein de l'APE, mais a aussi exercé les fonctions de directrice générale adjointe dans une grande entreprise du secteur audiovisuel.
Nous souhaitons poursuivre la diversification du recrutement des agents de l'APE. Ceux-ci ont déjà des profils très variés. Parmi ceux qui viennent de l'administration, beaucoup ont un profil d'ingénieur. Tous sont des agents très talentueux, qui ont souvent passé plus d'une année dans les entreprises, dans le cadre de leur cursus, ou qui ont exercé des activités professionnelles en entreprise. Les agents de l'APE ont une capacité remarquable à appréhender les enjeux des entreprises du portefeuille. Je peux dire aujourd'hui que l'APE est certainement, au sein de l'État, la structure la plus proche des entreprises, non seulement du point de vue fonctionnel, mais aussi en termes d'appréhension de leurs enjeux stratégiques, de management et de gestion.
Quant au turn-over, nous devons en effet le réduire. Même si la situation s'est un peu améliorée ces dernières années, la durée d'exercice des fonctions reste trop courte. Nous essayons d'augmenter la stabilité des agents au sein de l'APE.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la complémentarité de l'APE avec les autres acteurs du secteur public actionnaire, notamment BPIfrance, la CDC et le CGI.
La doctrine d'investissement de l'APE s'articule autour de quatre principes : les investissements dans des secteurs économiques souverains ; les participations dans des opérateurs de service public, anciens ou actuels, résilients, ou dans des entreprises ayant un rôle déterminant dans un secteur économique donné ; accompagner les entreprises, notamment industrielles, en vue de les consolider ; enfin, intervenir dans les entreprises lorsqu'il y a un risque systémique. L'APE réalise généralement des investissements importants et de long terme.
La doctrine d'investissement de BPIfrance n'est pas du tout la même : elle intervient pour apporter de nouveaux fonds propres aux ETI et aux PME, systématiquement en tant qu'actionnaire minoritaire aux côtés d'autres investisseurs. Dans la mesure où elle doit faire tourner son portefeuille, ses investissements ne sont pas nécessairement de très long terme.
Les doctrines et les interventions de l'APE et de BPIfrance sont donc très complémentaires. Nous ferons en sorte qu'elles le demeurent à l'avenir.
Avec le CGI, la coopération est perfectible à ce stade. Il est indispensable que nous nous coordonnions avec lui pour évaluer les domaines d'intervention du PIA et pour voir comment l'État ou BPIfrance peuvent avoir un rôle complémentaire en accompagnant le développement ou la consolidation d'entreprises qui ont bénéficié d'une première intervention du CGI, dans une vision du secteur public actionnaire de long terme. Cela fait partie de ma feuille de route pour les mois et les années qui viennent. Nous espérons pouvoir progresser dans ce sens.
Monsieur Lionel Tardy, vous m'avez interrogé sur les moyens de contrôle mis en oeuvre dans le cadre de la loi « Sapin II ». En la matière, les contrôles sont assurés par l'administration fiscale. Pour ce qui est de l'APE, son rôle est non pas de contrôler, mais de faire valoir la vision de l'actionnaire État, c'est-à-dire de s'assurer auprès des directions des entreprises et au sein des organes de gouvernance que les règles de transparence fiscale sont bien mises en oeuvre.
S'agissant de notre intervention dans le processus des décisions des pouvoirs publics, l'APE est clairement un service de l'État, au service du Gouvernement et des pouvoirs publics. La décision d'engager des ressources publiques issues du CAS PFE ou de céder une partie du patrimoine revient, bien évidemment, au Gouvernement, en particulier aux ministres de tutelle de l'APE. Je n'ai donc aucune sorte d'interrogation quant aux directives données par les ministres dans le domaine de compétence de l'APE. Nous jouons un rôle de conseil auprès des ministres et sommes une force de proposition au sein de l'administration. Je rends compte au ministre chargé de l'économie, de l'industrie et du numérique, et au ministre chargé des finances et des comptes publics. C'est dans le cadre de ce dialogue avec les deux ministres et leurs cabinets que les décisions sont prises.
En ce qui concerne les informations fournies par l'APE sur son portefeuille, le rapport d'activité annuel – nous préparons actuellement la version 2016 – et les comptes combinés que nous publions sont extrêmement riches. Les informations qui y figurent sont très proches de celles que l'on trouve dans les documents de référence d'une entreprise ou d'une holding classique. Je suis prêt à ce que nous fassions encore des progrès en matière de diffusion de l'information, mais, selon moi, le rapport annuel a déjà constitué une étape très importante à cet égard.
Pour ce qui est du respect des règles européennes, ainsi que je l'ai indiqué, nous avons engagé un processus avec la Commission européenne à propos d'Areva. Nous avons fait de même au sujet de la recapitalisation d'EDF, la Commission souhaitant savoir dans quelles conditions elle se fera. Les décisions en la matière seront prises par les organes de gouvernance de l'entreprise, mais il est normal que, en tant qu'actionnaire majoritaire, nous montrions à la Commission européenne que nous agissons en investisseur totalement avisé. Notre discussion avec la Commission porte à la fois sur notre vision de la stratégie future de l'entreprise, sur les conditions de son succès et sur le rendement attendu.
Monsieur Laurent Furst, la valeur du portefeuille de l'APE a en effet baissé ces dernières années, mais elle a beaucoup augmenté par rapport à ce qu'elle était au moment où l'APE a été créée : elle s'établit aujourd'hui à plus de 100 milliards d'euros contre 49 milliards alors. En réalité, elle a beaucoup varié, au gré de la variation des marchés. Le portefeuille a évidemment beaucoup souffert à l'occasion de la crise consécutive à la faillite de Lehman Brothers. En tout cas, vous avez raison : ce n'est pas ce portefeuille qui permettra de résoudre la question de la dette publique en France. Néanmoins, le CAS PFE a contribué au désendettement de l'État à hauteur de 1,5 milliard d'euros en 2014, et de 800 millions en 2015. Conformément à la volonté exprimée en ce sens, cette contribution a donc été effective, même si elle est limitée au regard des enjeux et des besoins de financement de l'État.
On peut en effet considérer que les dividendes distribués par EDF ont été excessifs. Toutefois, je tiens à lever un malentendu à ce sujet : dans toutes les entreprises du portefeuille, la politique de dividendes résulte d'un dialogue permanent avec le conseil d'administration et la direction de l'entreprise. Nous établissons des comparaisons de taux de distribution des dividendes par secteur et par type d'entreprise. Les entreprises adaptent leur politique de dividendes en fonction de ces comparaisons sectorielles, de leur situation propre et des besoins d'investissement. Ainsi, Engie a annoncé qu'elle allait diminuer le montant de ses dividendes. Orange avait fait de même il y a plus d'un an. Contrairement à une idée reçue, nous n'effectuons pas, sur la plupart des entreprises du portefeuille, de prélèvements supérieurs à ceux qui sont pratiqués dans le secteur concerné.
S'agissant d'EDF, il est vrai qu'elle a été amenée pendant quelques années à distribuer des dividendes tout en ayant un flux de trésorerie – cash flow – net négatif. Il a donc fallu qu'elle adapte son endettement pour procéder à cette distribution. Je ne cherche pas à justifier ce taux de distribution, mais cette politique de dividendes s'inscrivait dans un cadre totalement différent de celui qui prévaut actuellement : EDF tirait l'essentiel de son chiffre d'affaires d'activités dont le prix était fixé par le Gouvernement, puis par l'autorité de régulation ; elle bénéficiait donc d'un niveau de recettes non pas garanti, mais largement sécurisé.
Aujourd'hui, ainsi que je l'ai indiqué, l'entreprise tire seulement 30 % de son chiffre d'affaires d'activités régulées. Ce changement de cadre a conduit l'actionnaire à modifier radicalement son attitude à l'égard de l'entreprise en matière de taux de distribution. D'autre part, je le répète, nous avons décidé que les dividendes distribués à l'État le seraient dorénavant sous forme de titres. Il n'y a donc plus aucune sortie de trésorerie de l'entreprise à cette occasion. C'est, au contraire, une contribution à une augmentation du capital.
Madame Michèle Bonneton, Thales fait partie des industries de souveraineté. C'est l'une des entreprises les plus performantes tant du secteur de la défense que du portefeuille de l'APE, avec une croissance remarquable : en 2015, son carnet de commandes a atteint 18 milliards d'euros, soit le montant le plus élevé dans toute son histoire. Nous entendons rester un actionnaire de long terme de cette entreprise pour accompagner, si nécessaire, ses opérations de croissance externe à venir.
Thales détient une participation minoritaire dans DCNS, l'autre actionnaire étant l'État. DCNS a remporté un succès important en obtenant le droit de négocier en exclusivité avec l'Australie la livraison de douze sous-marins. Nous espérons que le contrat sera signé cet hiver. Il représentera un défi pour DCNS, mais un défi extrêmement positif. Nous entendons soutenir ces entreprises de défense au cours des années qui viennent.
Vous êtes revenu, Monsieur Jean-Claude Mathis, sur la question des ressources qui pourraient être dégagées par l'APE. Nous avons engagé la cession des participations que l'État détient à hauteur de 60 % dans les aéroports de Lyon et de Nice. Le processus est bien engagé. Le calendrier a été conçu de telle façon que nous récupérions les recettes de ces opérations en 2016. Nous lancerons sans doute d'autres opérations, mais je ne peux pas les révéler à ce stade. Si cela s'avérait nécessaire pour financer l'augmentation de capital ou la recapitalisation d'Areva et d'EDF, il va de soi que nous utiliserions, en outre, les « réserves » du CAS PFE, lequel affichait un solde positif de 2,4 milliards d'euros à la fin de l'année 2015
M. Emmanuel Macron a évoqué publiquement les titres Renault à plusieurs reprises. Il est en effet convenu que les titres acquis par l'État au printemps 2015 seront cédés dès lors que les conditions de marché seront favorables.
Monsieur Antoine Herth, je me suis sans doute mal exprimé à propos de nos relations avec la direction générale du Trésor, et je souhaite préciser les choses. Depuis 2010, l'APE n'est plus intégrée au sein de la direction générale du Trésor, et le directeur général de l'APE rend compte non plus au directeur général du Trésor, mais directement aux ministres. Néanmoins, nous continuons à entretenir des relations permanentes et très fructueuses avec la direction générale du Trésor. Nous menons beaucoup de travaux en commun, notamment en ce qui concerne le financement de BPIfrance. Nous avons également des relations tout à fait fluides avec l'Agence France Trésor (AFT) : nous faisons le point avec elle plusieurs fois par an sur les perspectives du CAS PFE – qui a été créé par la loi organique relative aux lois de finance (LOLF) et constitue une entité « à part » au sein du budget de l'État – au désendettement. Cet éventuel apport de trésorerie issu des opérations de cession de participations permet à l'AFT de moins faire appel au marché pour gérer la dette de l'État.
Pourrait-on simplifier la structure de l'État actionnaire, en regroupant l'APE, BPIfrance, la CDC et le CGI ? D'une part, je ne suis pas sûr que la CDC et sa commission de surveillance seraient favorables à un tel regroupement. D'autre part, il n'est pas possible de le faire avec BPIfrance, qui est, par définition, une banque : certes, elle réalise des interventions en fonds propres en appliquant la doctrine d'investissement que j'ai évoquée, mais sa première activité consiste à octroyer des crédits pour financer des activités économiques, ce qui n'est pas le rôle de l'APE. Quant au CGI, il met en oeuvre une politique d'amorçage, qui a toute sa logique, et nous devons, je l'ai dit, renforcer notre coopération avec lui.
Madame Delphine Batho, la réduction de l'utilisation du charbon dans la production électrique ou énergétique fait bien évidemment partie des sujets que nous abordons dans le cadre du dialogue que nous menons avec les entreprises du portefeuille. Néanmoins, la question est surtout traitée directement par le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer avec les entreprises en question. Par exemple, Engie possède des centrales thermiques au charbon. Conformément aux engagements qu'elle a pris, elle a commencé à se défaire de ces actifs.
Nous n'avons pas le projet de transformer EDF en société coopérative. Actuellement, l'État est actionnaire d'EDF à 85 %. À l'issue des opérations d'augmentation du capital et de distribution des dividendes sous forme de titres, il disposera de plus de 90 % des droits de vote, le reste étant détenu par le marché et par les salariés.
S'agissant de RTE, je souhaite vous faire part de deux considérations.
Premièrement, la transition énergétique va se traduire par une diversification des producteurs amenant leur production électrique sur le réseau de RTE. Compte tenu de cette modification de son environnement, RTE est engagé dans la préparation d'un plan stratégique qui vise à développer l'entreprise, mais aussi à rechercher, le cas échéant, d'autres partenaires industriels. En outre, il est nécessaire d'optimiser la gouvernance actionnariale de RTE, qui est, aujourd'hui, dans une situation un peu singulière : l'entreprise est détenue à 100 % par EDF, mais, du fait des règles qui s'imposent à ce secteur, EDF ne doit intervenir ni dans sa gouvernance, ni dans sa gestion.
Deuxièmement, l'opération d'ouverture du capital de RTE prévue dans le plan de cession d'actifs d'EDF doit bien évidemment se faire dans le cadre législatif actuel. Il s'agit d'assurer à RTE qu'elle pourra continuer à exercer ses missions de service public, tout en poursuivant son développement et les investissements de modernisation de son réseau – sans doute le plus beau réseau de transport d'électricité à l'échelle européenne –, dans le cadre de la transition énergétique. Les directions d'EDF et de RTE mènent des discussions à ce sujet, l'objectif étant de réaliser l'opération d'ici à la fin de l'année, dans les conditions que je viens de rappeler.
Monsieur Yves Daniel, il est absolument indispensable de défendre nos intérêts stratégiques dans le secteur de la défense. Ainsi que je l'ai indiqué, la première ligne directrice dans la doctrine d'investissement de l'APE est d'intervenir en tant qu'actionnaire dans les industries de souveraineté, notamment de défense. C'est à ce titre que Thales, DCNS, Honosthor – fruit du rapprochement entre Nexter et KMW – et d'autres sociétés plus petites font partie du portefeuille de l'APE. Nous entendons rester actionnaire de ces entreprises. De plus, nous disposons d'une action spécifique en leur sein, qui nous permet de protéger leurs intérêts et leurs activités sensibles. En la matière, l'État actionnaire applique une doctrine très claire depuis de nombreuses années.
Monsieur Jean-Pierre Le Roch, à ma connaissance le Gouvernement n'envisage pas d'abaisser les seuils minimaux de détention publique fixés par la loi, lesquels concernent, entre autres, EDF et Engie que vous avez citées.
Merci, Monsieur le commissaire, pour vos réponses. Nous serons amenés, le cas échéant, à vous auditionner de nouveau, au vu de l'évolution des entreprises que nous avons évoquées.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 1er juin 2016 à 9 h 30
Présents. – M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Marcel Bonnot, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Laurent Furst, M. Franck Gilard, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Fabrice Verdier
Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. André Chassaigne, Mme Sophie Errante, Mme Pascale Got, M. Philippe Kemel, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, M. Germinal Peiro, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. François Sauvadet, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin