Commission des affaires européennes

Réunion du 5 octobre 2016 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AECG
  • exclusive
  • nationaux
  • provisoire
  • ratification
  • relevant
  • vigueur provisoire
  • États-membres

La réunion

Source

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 5 octobre 2016

Examen de la proposition de résolution européenne pour que la France s'oppose à toute application provisoire de l'Accord économique et commercial global avec le Canada et s'assure de sa compatibilité avec les traités de l'Union européenne, présentée par Jean-Noël Carpentier, Danielle Auroi, Jean-Paul Chanteguet, et Suzanne Tallard (n° 4071)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La proposition de résolution européenne que notre commission examine aujourd'hui porte sur un sujet qu'elle connaît bien mais qui est désormais d'une actualité brûlante : l'Accord économique et commercial global (AECG ou, en anglais, CETA), c'est-à-dire l'accord commercial entre l'Union européenne et le Canada.

Les négociations de l'AECG, qui ont été lancées en mai 2009, sont conclues depuis septembre 2014 et le texte définitif de l'accord, après « toilettage juridique », a été rendu public en février dernier. Nous sommes donc aujourd'hui dans la dernière ligne droite puisque la signature officielle de cet accord est attendue le 27 octobre prochain, lors de la venue à Bruxelles du Premier ministre canadien pour le sommet UE-Canada.

Cependant, la signature de l'AECG, autorisée par le Conseil sur proposition de la Commission européenne, ne sera pas suffisante pour une entrée en vigueur complète et définitive de cet accord. Elle devrait être complétée par les actes suivants :

– l'approbation de l'accord par le Parlement européen ;

– la conclusion de l'accord, autorisée par le Conseil sur proposition de la Commission, si l'accord a été préalablement approuvé par le Parlement européen.

La procédure est par ailleurs compliquée par le fait que l'AECG est un accord « mixte », c'est-à-dire qu'il comporte à la fois des dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne et des dispositions relevant de la compétence des États-membres. Ce fait a pour conséquence que la conclusion de l'AECG ne pourra intervenir qu'une fois celui-ci ratifié par l'ensemble des États-membres selon leur procédure nationale, ce qui peut prendre plusieurs années.

C'est pourquoi la Commission européenne souhaite une entrée en vigueur provisoire de l'AECG, qui ne porterait que sur les dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne.

Voilà pour les rappels concernant la procédure et le contexte de l'AECG. Ils sont nécessaires pour comprendre la portée de cette proposition de résolution européenne.

L'AECG est souvent présenté, notamment par le gouvernement, comme un bon accord. Il est vrai qu'il contient des dispositions qui sont a priori favorables à l'Union européenne et, en particulier, à notre pays. C'est ainsi que l'AECG ouvre largement les marchés publics canadiens, y compris au niveau subfédéral, et qu'il protège 173 indications géographiques européennes, dont 42 françaises (incluant 28 appellations fromagères).

Cependant, l'AECG comporte également des risques juridiques et son entrée en vigueur provisoire placerait les peuples européens dans une impasse démocratique.

L'incertitude est grande, en effet, s'agissant de la conformité de l'AECG avec le droit européen comme avec certains droits constitutionnels nationaux. Il y a un an, en octobre 2015, un collectif de juristes rassemblés au sein de l'ONG ClientEarth a publié une étude soulevant de sérieux doutes quant à la compatibilité avec le droit européen du mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs (RDIE ou, en anglais, ISDS). Plus récemment, l'Association allemande des juges a souligné également la fragilité juridique de ce RDIE, y compris dans sa nouvelle formule de Cour permanente d'investissement.

En effet, comme vous le savez, par un « tour de passe-passe », la Commission a substitué aux tribunaux arbitraux privés initialement prévus par l'AECG un système de Cour permanente d'investissement qu'elle a réussi à faire accepter in extremis aux Canadiens. Mais selon l'Association des juges allemands, c'est un simple changement de dénomination qui ne règle en rien les problèmes juridiques posés par le RDIE. En particulier, ils doutent que l'Union européenne ait la compétence pour créer une telle juridiction qui interfère nécessairement avec les systèmes législatifs et judiciaires des États-membres.

Enfin, cet été, une plainte a été déposée en Allemagne contre l'AECG, devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, à laquelle se sont jointes plus de 100 000 personnes.

En outre, le souhait de la Commission d'une entrée en vigueur provisoire de l'AECG risque de nous conduire dans une impasse démocratique. Comme je l'ai déjà indiqué, l'AECG est un accord mixte qui devra donc être ratifié par l'ensemble des États-membres. S'il faut se réjouir de voir les Parlements nationaux intégrés dans le processus, leur vote risque d'être privé de toute portée par l'entrée en vigueur provisoire.

Certes, cette entrée en vigueur provisoire ne porte, par principe, que sur les dispositions relevant exclusivement de la compétence de l'Union européenne mais force est de reconnaître que ces dernières représentent l'essentiel de ces accords. En outre, une fois entré en vigueur provisoire, il n'est pas certain que le rejet d'un accord par un Parlement national entraîne sa nullité complète. Il est au contraire plus que probable que les dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union et déjà en vigueur le restent, privant ainsi de quasiment toute sa portée le vote des représentants du peuple concerné.

Par conséquent, bien que reconnu « mixte », une entrée en vigueur provisoire de l'AECG, telle que le souhaite aujourd'hui la Commission européenne, réduirait à sa plus simple expression le débat démocratique sur cet accord dans les États-membres.

La présente proposition de résolution européenne a donc pour objet de prévenir le risque juridique d'incompatibilité entre l'AECG et le droit européen et d'assurer une réelle portée au contrôle démocratique des Parlements nationaux sur la politique commerciale. Elle demande donc au gouvernement :

– de s'opposer, au Conseil, à toute entrée en vigueur provisoire de l'AECG jusqu'à ce que l'ensemble des procédures nationales de ratification soient achevées. C'est à cette seule condition que le vote des Parlements nationaux et, le cas échéant, un rejet de l'accord, aura une véritable portée.

– de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne afin de s'assurer de la compatibilité de l'AECG avec le droit européen. Naturellement, il convient d'attendre l'avis de la Cour avant de signer l'accord, à supposer qu'il soit favorable.

Je propose donc, en tant que rapporteur, que notre commission adopte cette proposition de résolution, modifiée le cas échéant par les amendements que j'ai déposés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le groupe socialiste, écologiste et républicain considère que cette proposition de résolution européenne n'est pas opportune et votera contre. Comme l'a rappelé le rapporteur, l'AECG comporte de nombreuses dispositions très favorables à l'Union européenne. Je pense en particulier à l'ouverture des marchés publics canadiens ou à la protection de 173 indications géographiques européennes. Il ne fait pas de doute que ces dispositions favoriseront les exportations européennes. En outre, quoi qu'on en dise, le principe de précaution n'est pas remis en cause et les tribunaux d'arbitraux privés ont été supprimés, notamment grâce à l'action de la France et du Secrétaire d'État Matthias Fekl. L'international Court System, qui est désormais la nouvelle forme du mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs, constitue un indéniable progrès qui a vocation à être reproduit dans les autres accords de libre-échange. Enfin, cet accord comporte des dispositions en faveur du développement durable. Bref, c'est l'ensemble de nos « lignes rouges » qui ont été respectées. Il faut s'en réjouir. Aussi, lorsqu'un accord est bon, il est de notre responsabilité de le reconnaître et d'agir en conséquence.

Par ailleurs, au-delà du fait que cette proposition de résolution a pour objet de retarder l'entrée en vigueur de ce bon accord qu'est l'AECG, ce qui me gêne le plus, c'est le peu de cas qu'elle fait du Parlement européen. Ce dernier est la voix du peuple européen comme les Parlements nationaux sont la voix de leur peuple respectif. Par conséquent, le fait que le Parlement européen approuve l'AECG légitime l'entrée en vigueur provisoire de cet accord qui, comme l'a rappelé le rapporteur, ne concernera que des dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne. Quant aux Parlements nationaux, ils se prononceront sur l'accord le moment venu, qui peut être dans plusieurs années. C'est pourquoi il m'apparaît important que ce bon accord qu'est l'AECG soit appliqué rapidement pour ce qui concerne, en particulier, ses dispositions commerciales. Nous demandons dans le même esprit la levée de la réserve parlementaire sur les textes concernés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai déposé un amendement qui corrige, sur le point que vous soulevez de la légitimité du Parlement européen à se prononcer sur l'AECG, la proposition de résolution européenne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En préalable, je voudrais lever un doute s'agissant de la réserve d'examen de l'Assemblée nationale sur les trois propositions de décisions du Conseil relatives à l'AECG qui nous ont été transmises. Est-elle encore d'actualité ?

Pour le reste, vous n'êtes pas sans savoir qu'à l'origine, la Commission considérait l'AECG comme un accord « non-mixte » car ne comportant, selon elle, que des dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union. Or, c'est sous la pression des États-membres, notamment la France, que la mixité de l'AECG a fini par être reconnue et qu'en conséquence, les Parlements nationaux auront à se prononcer.

La question n'est donc pas de savoir si on est pour ou contre l'AECG mais si on approuve ce processus de ratification. Dans ces conditions, je considère comme Philip Cordery que cette proposition de résolution européenne met en cause ce processus et, en particulier, la légitimité du vote du Parlement européen. Or, si le Parlement européen, voix du peuple européen, approuve l'AECG, il est légitime que les dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne puissent immédiatement entrer en vigueur et ce, sans attendre l'achèvement des ratifications nationales qui peut prendre des années. En définitive, cette proposition de résolution européenne, sous couvert de procédure, met en cause l'accord lui-même alors que le débat aura lieu, devant les Parlements nationaux le moment venu.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il n'y a plus, aujourd'hui, de réserve d'examen de l'Assemblée nationale sur les trois textes transmis concernant la signature, l'entrée en vigueur provisoire et la conclusion de l'AECG, compte tenu des délais liés à cette réserve.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La France a adopté une position courageuse concernant le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, en appelant publiquement à l'arrêt des négociations. Dans ces conditions, même si l'AECG n'est pas comparable au PTCI, son entrée en vigueur provisoire ne serait pas comprise par l'opinion publique. En outre, même provisoire, cette entrée en vigueur aurait des conséquences considérables sur de nombreux sujets d'importance en rendant plus difficile, par exemple, l'adoption de mesures concernant le glyphosate, la viande chlorée ou les OGM. Il ne fait pas de doute, s'agissant de ces derniers, que des multinationales comme Bayer ou Monsanto s'appuieront sur l'AECG pour les contester.

S'agissant maintenant du débat très juridique concernant la procédure de ratification et la répartition des rôles entre le Parlement européen et les Parlements nationaux, on peut retourner l'argument et voir dans l'opposition à la proposition de résolution européenne une remise en cause de la légitimité de ces derniers.

En cette période où l'Union européenne est très contestée, il est très important de ne pas donner l'impression, avec l'AECG, d'un engrenage des négociations commerciales duquel il ne sera plus possible, par la suite, de ressortir.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'AECG est un bon accord. C'est incontestable et il est dans notre intérêt qu'il soit mis en oeuvre rapidement, par une application provisoire. Il en va également de nos bonnes relations avec le Canada, qui est un partenaire majeur de l'Union européenne. Naturellement, il est toujours possible de soutenir qu'on aurait pu obtenir plus dans la négociation. C'est le sens des critiques récentes de M. José Bové contre l'AECG. Mais il oublie que même imparfait, cet accord est, en matière de protection des indications géographiques, un progrès par rapport à la situation existante. Philip Cordery a par ailleurs raison lorsqu'il considère cette proposition de résolution européenne comme une mauvaise manière faite au Parlement européen.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette proposition de résolution européenne fait référence au rapport que j'ai présenté, en février dernier, sur le mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs. Il est vrai que je mentionne la controverse sur la compatibilité dudit mécanisme avec le droit européen mais pour présenter les deux positions, opposées, des ONG et de la Commission européenne, entre lesquelles je ne tranche pas.

Il est vrai également que ces accords de libre-échange de « nouvelle génération » suscitent de nombreuses questions et que tous, dans nos circonscriptions, sommes sollicités pour fournir des explications. Certains peuvent ainsi s'étonner que ces accords ne relèvent pas de la compétence nationale et moi-même, je considère que les règles européennes en la matière pourraient évoluer, s'agissant notamment de la durée de validité des mandats de négociation. Un groupe de travail pourrait utilement être constitué. Cependant, les règles sont ce qu'elles sont et il est évident, comme l'ont rappelé Philippe Cordery et Christophe Caresche, qu'une telle résolution remettrait en cause la légitimité du Parlement européen dans le processus de ratification.

En outre, je me souviens avoir interrogé la Commissaire européenne chargée du commerce, Mme Cecilia Malmström, sur les effets du rejet d'un accord de libre-échange « mixte » par un Parlement national. Je n'ai pas eu de réponse. Par conséquent, la proposition de résolution manque son objectif puisqu'elle exige de nous une prise de position dont on ne mesure pas les conséquences.

Pour l'ensemble de ces raisons, je voterai contre la proposition de résolution qui nous est soumise.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est vrai que des questions se posent s'agissant de ces accords et lancer une réflexion sur la politique commerciale commune m'apparaît une excellente idée qui rejoint d'ailleurs l'objet de la proposition de résolution. Si l'AECG pose des problèmes, alors temporisons et évitons l'entrée en vigueur provisoire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces problèmes appellent une réflexion qui va au-delà de l'AECG et qui ne seront pas résolus par cette proposition de résolution qui est de pure opportunité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En préalable, je voudrais rappeler que cette proposition de résolution fait écho à une lettre qu'ont récemment envoyée plus d'une centaine de députés au Président de la République sur ce même sujet de l'entrée en vigueur provisoire de l'AECG, lui demandant que la France s'y oppose.

L'Union européenne, aujourd'hui, est en crise. C'est pourquoi il convient de faire très attention. Or, la politique commerciale européenne trouble l'opinion publique, en France mais aussi dans les autres pays. Toutes les enquêtes le prouvent et les raisons de ce trouble sont nombreuses : craintes pour l'environnement, incertitudes sur la pérennité du principe de précaution, risques de remise en cause des normes sociales, maintien des tribunaux d'arbitrage privés sous un autre nom… Ces problèmes sont réels et, j'ose le dire, plus importants que le juridisme, même si les règles juridiques doivent elles aussi être prises en compte. Quant aux études d'impacts, nombreuses sont celles qui mettent en évidence les bénéfices quasi-nuls de cet accord.

Dans ces conditions, il est normal de se poser des questions et notre responsabilité, c'est d'éclairer l'opinion publique et de prendre le temps de la discussion. Il me semble donc plus prudent de ne pas précipiter l'entrée en vigueur de l'AECG, ce qui est justement l'objet de la proposition de résolution dont je suis signataire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme mes collègues Christophe Caresche et Philip Cordery l'ont dit, je comprends qu'on puisse considérer qu'il n'est pas opportun que notre commission adopte cette proposition de résolution, d'autant plus que le Premier ministre doit se rendre très prochainement au Canada. Ceci dit, je suis un peu gêné par le passage en force que peut représenter l'entrée en vigueur provisoire. En effet, si nos lignes rouges ont été respectées, pourquoi s'inquiéter d'attendre une ratification des Parlements nationaux ? Je comprends bien qu'une telle position puisse indisposer le Parlement européen mais c'est la France qui a fait pression pour que les Parlements nationaux soient intégrés au processus de ratification. Je ne vois pas pour quelle raison nous n'irions pas au bout de cette logique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je soutiens moi aussi cette proposition de résolution qui m'apparaît nécessaire pour prévenir certains effets de l'AECG sur un secteur que je connais bien : l'agriculture. Alors que ce secteur est en crise et que le gouvernement multiplie les plans d'aide, on voit bien l'importance de disposer d'instruments de régulation du marché. Dès lors, la dérégulation promise par l'AECG ne peut être que contre-productive.

Le gouvernement considère que l'AECG est un bon accord mais sans avoir mené aucune étude d'impact sérieuse, notamment sur le secteur agricole. Or, pour ne prendre qu'un seul exemple, l'étude d'impact réalisée par les professionnels de la filière bovine révèle que l'AECG aurait un impact désastreux sur les revenus et les emplois dans cette filière. En outre, si on doit bien sûr se féliciter que l'AECG protège 173 indications géographiques européennes, elles ne le sont pas toutes, loin de là. Autre sujet d'inquiétude, les semences de ferme, qui pourraient être considérées comme des contrefaçons au regard des droits de propriété intellectuelle que protège l'AECG.

Enfin, le vote des Parlements nationaux est égal en importance à celui du Parlement européen et, de fait, ne doit pas être pris en otage par l'application provisoire, qui pour toutes ces raisons, doit donc être refusée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne suis pas adepte de la démocratie d'opinion mais de la démocratie de conviction et les vents contraires, si forts soient-ils, ne remettront pas en cause mes convictions, qui ne fluctuent pas avec les sondages.

Lorsque le moment sera venu de se prononcer sur l'AECG, je le ferais en pleine conscience, mais je ne veux pas confondre la procédure de ratification avec le contenu de l'accord qui, on l'a dit, comporte des avancées significatives, notamment sur les IGP, lesquelles seront utiles dans les futures négociations, notamment avec les États-Unis. A ce propos, il faut faire attention aux implications géopolitiques du commerce et ne pas, par un refus dogmatique des négociations, jeter ces derniers dans les bras de la Chine et isoler l'Europe.

S'agissant de la procédure, les Parlements nationaux ont été intégrés, en raison de la « mixité » de l'AECG, au processus de ratification ; de plus, je rappelle que les négociations commerciales se font sur mandat du Conseil donné à la Commission européenne et que celles-ci font l'objet d'un contrôle par les gouvernements des Etats-membres. Par conséquent, il ne faut pas que les Parlements nationaux en rajoutent dans la méfiance et veuillent contrôler, en plus des gouvernements, la mise en oeuvre des compétences européennes.

Nous sommes tous conscients des causes qui pourraient justifier un rejet de l'AECG – ou d'un autre accord – par un Parlement national. La tenue prochaine d'élection n'en serait pas la moindre. Or, la conséquence d'un tel rejet, si elle devait aboutir à la mort de l'accord concerné, aurait une conséquence allant bien au-delà de celle-ci : ce serait la mort de la politique commerciale commune.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis d'accord avec Gilles Savary. C'est lorsque le Parlement français sera saisi de l'AECG que je me prononcerai sur cet accord et comme lui, je sais que les échéances électorales nuisent à une politique de long terme. Toutefois, j'ai de plus en plus l'impression que les accords de libre-échange ne sont plus en phase avec la société qui exige le temps du débat. Certes, je ne veux pas remettre en cause la légitimité du Parlement européen et je suis bien consciente que la croissance repose aussi sur les exportations. Mais en démocratie, il faut laisser le temps à l'opinion publique de s'imprégner de ces accords qui, on le sait, pourrait bouleverser la vie quotidienne de nos concitoyens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais pour ma part rappeler le travail de notre commission sur l'AECG. Dès novembre 2014, j'ai présenté une proposition de résolution européenne qui, déjà, posait toutes les questions qui nous préoccupent aujourd'hui : principe de précaution, coopération réglementaire et règlement des différends États-investisseurs. Cette résolution a été largement adoptée. En février 2016, Seybah Dagoma a présenté un rapport sur le RDIE appelant à une réforme de ce mécanisme. Certes, les tribunaux arbitraux ont été supprimés de l'AECG mais le nouveau mécanisme soulève d'autres problèmes. Enfin, en septembre 2016, le rapport d'Hervé Gaymard et Joaquim Pueyo a bien mis en évidence les limites de la modélisation économique dans les études d'impact que fait la Commission européenne de ces accords de libre-échange.

Maintenant, je voudrais expliquer pourquoi je soutiens cette proposition de résolution européenne, dont je suis par ailleurs signataire. L'International Court System, c'est-à-dire les tribunaux arbitraux sous leur nouveau nom, sont encore mal définis. De plus, la répartition des compétences entre l'Union européenne et les États-membres est incertaine, la Cour de Justice ne s'étant pas encore prononcée. Le principe de précaution ne figure pas dans l'AECG et la coopération réglementaire est lourde de menaces pour nos préférences collectives. Dans ces conditions, cette proposition vise à poser les termes du débat et de ce point de vue, elle n'a pas été inutile puisque nos débats ont été d'une grande qualité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nos débats ont été très riches et je m'en réjouis. Avant de vous présenter les amendements que j'ai déposés, je voudrais poser une question. Que se passera-t-il, en cas d'application provisoire, si le RDIE devait, par la suite, être considéré incompatible avec le droit européen ? Je n'ai pas la réponse et l'objet de la proposition est, justement, de permettre à la Cour de Justice d'en apporter une.

J'ai déposé trois amendements. L'amendement n° 1, rédactionnel, supprime le mot « exclusives » à l'alinéa 3.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je mets l'amendement aux voix.

Philip Cordery. Compte tenu du fait que nous voterons contre la PPRE, le groupe SER ne prendra pas part aux votes sur les amendements.

La commission adopte l'amendement n° 1

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement n° 2, bien que rédactionnel également, a une portée importante puisqu'il supprime, à l'alinéa 32, ce qui pourrait indisposer le Parlement européen.

La commission adopte l'amendement n° 2

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement n° 3 améliore la rédaction de l'alinéa 24 qui désormais, demande au gouvernement de saisir, en application de l'article 218 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de Justice sur la compatibilité de l'AECG avec les Traités européens et de s'opposer, au sein du Conseil, à sa signature tant que son avis n'aura pas été rendu.

La commission adopte l'amendement n° 3

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je mets maintenant aux voix la proposition de résolution, ainsi amendée.

La commission rejette la proposition de résolution européenne ainsi amendée.

La séance est levée à 17 h 20