Commission des affaires étrangères

Réunion du 11 septembre 2012 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.

La séance est ouverte à seize heures trente.

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Nous avons le plaisir d'accueillir, pour la troisième fois depuis sa prise de fonctions, M. Laurent Fabius, que je remercie de sa disponibilité. Nous sommes convenus, monsieur le ministre, que vous consacreriez votre propos introductif à deux sujets : la Syrie et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire - le TSCG. D'autres thèmes pourront bien entendu être abordés lors des questions qui vous seront posées.

Du fait de sa gravité, la situation en Syrie est au centre de nos préoccupations communes. Chaque jour apporte des nouvelles horrifiantes sur le martyre du peuple syrien et sur les exactions - qu'il faudra bien qualifier un jour de crimes de guerre, voire de crimes contre l'humanité - commises par M. Bachar el-Assad et son clan. L'armée de libération qui s'est constituée ne cesse de gagner du terrain et le régime syrien se trouve de plus en plus isolé sur la scène internationale. Malgré cela, en dépit des efforts conduits, notamment par vous, monsieur le ministre, qui avez présidé le Conseil de sécurité au nom de notre pays jusqu'à la fin du mois d'août, toute perspective de résolution de la crise dans le cadre des Nations-Unies est aujourd'hui impossible, la Russie exerçant son droit de veto. Quelles évolutions de la situation vous paraissent envisageables ?

Dans un tout autre domaine, l'Assemblée nationale doit débattre la première semaine d'octobre du traité budgétaire européen. Ce texte s'inscrit dans un ensemble : la déclaration du Premier ministre sur les nouvelles perspectives européennes préalable à ce débat, la discussion d'un projet de loi organique, l'adoption des perspectives à moyen terme des finances publiques. Pour sa part, notre commission auditionnera, conjointement avec la commission des affaires européennes, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes, le 25 septembre prochain, et elle examinera le texte du TSCG le 26 septembre.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Mon intervention sera en effet centrée sur la Syrie et le TSCG. Je sais que le très grave sujet du Mali et du Sahel vous intéresse particulièrement et je l'évoquerai donc à l'occasion de l'une de nos prochaines rencontres. La France est partie prenante dans la résolution de cette question préoccupante qui requiert beaucoup d'attention.

S'agissant de la Syrie, j'apporterai quelques coups de projecteur particuliers afin de ne pas répéter des éléments déjà connus.

Sur le terrain, comme vous l'avez souligné, madame la présidente, les résistants avancent, mais les forces du clan de M. Bachar el-Assad, soutenues par une force aérienne puissante de plus de cinq cents avions, ne reculent pas autant que nous le souhaiterions tous. Le territoire syrien est de plus en plus fragmenté : certaines zones, que nous appelons libérées, sont totalement sous le contrôle des résistants alors que d'autres restent sous la domination du clan de M. Bachar el-Assad, et le risque demeure que même les zones dites libérées subissent des attaques aériennes meurtrières. Il est terrible d'évoquer de telles statistiques, mais ce conflit cause la mort de cent à deux cents personnes chaque jour. Les parties en présence regroupent d'un côté le camp dirigé par M. Bachar el-Assad et composé de la partie alaouite de l'armée comprenant des forces spéciales mais ayant subi des défections plus nombreuses qu'avouées, de l'autre des personnes extraordinairement courageuses qui se battent avec un armement assez faible. Concernant les armes, les Russes et les Iraniens honorent les contrats d'armement passés avant le déclenchement des hostilités avec le régime. Les résistants réclament un armement plus puissant, notamment des missiles sol-air capables d'abattre des avions, dont ils ne disposent pas, malgré quelques aides encouragées par l'Arabie saoudite et le Qatar. La plupart de ces armes sont placées sous embargo.

Plus de trois millions de personnes sont touchées directement ou indirectement par ce conflit ; beaucoup, contraintes de changer de lieu d'habitation, sont maintenant des personnes déplacées en Syrie même. Quant à ceux qui ont franchi les frontières, ils forment une cohorte de plus de deux cent cinquante mille réfugiés. Certains sont entrés en Jordanie, ce qui pose des problèmes considérables à ce pays très pauvre qui a déjà dû accueillir de nombreux réfugiés dans le passé. Le camp jordanien principal, celui de Zaatari, a vocation à recevoir, à terme, cent mille personnes ; vous imaginez quelles peuvent être les conditions de vie dans un camp si vaste, installé dans le désert, en particulier pour les mères et les enfants en bas âge qui ne disposent que de très peu d'électricité, d'eau et de lait. Les réfugiés doivent, en outre, faire face à des infiltrations d'hommes de M. Bachar el-Assad.

Près de cent mille personnes se sont réfugiées en Turquie où elles sont accueillies dans de meilleures conditions. Cependant, la Turquie a fixé une limite au nombre de réfugiés qu'elle pouvait recevoir, arrêtant d'abord ce seuil à cinquante mille personnes avant de le porter à cent mille. Ce plafond ne doit pas s'entendre de manière rigide, mais son principe a été réaffirmé ; il explique l'idée, avancée par le gouvernement turc, de créer des zones tampon sur le territoire syrien, où seraient installées les personnes fuyant les combats. La proposition n'a pas eu de suite notamment parce que la question de savoir comment protéger de telles zones demeure irrésolue.

Au Liban, le gouvernement fait tout pour éviter la propagation de la « contagion » syrienne, car l'afflux de plusieurs milliers de réfugiés risquerait de déstabiliser un pays à la population composite – c'est d'ailleurs le dessein de M. Bachar el-Assad : ainsi un ancien ministre libanais de retour de Syrie a-t-il été arrêté alors qu'il transportait des explosifs. Certains éléments de l'armée syrienne nouvelle sont, par ailleurs, stationnés dans la région de Tripoli, au Nord du Liban, ce qui pose la question de l'intégrité du pays. En outre, ni la Jordanie ni le Liban ne pouvant accueillir les cinq cent mille Palestiniens de Syrie ; ils ont été encouragés à ne pas se déplacer, mais le problème est potentiellement considérable.

On trouve enfin, en nombre bien plus restreint, des réfugiés venus de Syrie en Irak et même à Chypre, en Grèce et en Italie. Le gouvernement chypriote a d'ailleurs amorcé une réflexion sur les conséquences qu'aurait un afflux plus important sur un territoire qui a déjà reçu des vagues d'immigration massives dans le passé. La situation des réfugiés est donc lourde de problèmes épineux en termes humanitaire, politique, de sécurité et d'équilibre des territoires qui les accueillent.

La France est au premier rang de l'action diplomatique et humanitaire. Ainsi, la conférence des Amis du peuple syrien, à laquelle ont pris part la moitié des pays du monde, s'est tenue le 6 juillet dernier à Paris. À la demande du Président de la République, je me suis rendu dans les camps de réfugiés à la mi-août. Alors qu'elle présidait en août le Conseil de sécurité des Nations unies, la France l'a convoqué, à raison me semble-t-il, pour aborder les questions humanitaires ; à cette occasion, des efforts financiers supplémentaires ont été demandés. Répondant à mon invitation, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. António Guterres, et quatre ministres représentant les gouvernements jordanien, libanais, turc et irakien sont venus témoigner, dans des termes extrêmement forts, de la situation des réfugiés. M. Lakhdar Brahimi a récemment été nommé représentant spécial conjoint pour la Syrie de l'ONU et de la Ligue arabe. Pleinement conscient de la difficulté de sa mission après l'échec de celle conduite par M. Kofi Annan, il souhaite agir sans préjugés. Cela étant, la Russie et la Chine ayant par trois fois opposé leur veto à des projets de résolution, le blocage du Conseil de sécurité demeure.

La France entretient des contacts diplomatiques avec l'ensemble des parties à l'exception des gouvernements syrien et iranien. Je suis en particulier fréquemment en relations avec mon homologue russe, Sergueï Lavrov, que je rencontrerai la semaine prochaine à New-York, à l'occasion de la session de l'Assemblée générale des Nations Unies, afin d'étudier les avancées qui peuvent être réalisées dans l'esprit de ce qui avait été entrepris à Genève, où un projet de texte qui avait reçu l'approbation des cinq membres permanents du Conseil de sécurité n'avait pas pu être voté en raison de divergences d'interprétation. Je me rendrai les 17 et 18 septembre en Égypte afin d'évoquer la création récente d'un groupe de contact sur la Syrie composé de l'Égypte, de l'Arabie saoudite, de la Turquie et de l'Iran. Nous sommes évidemment en contact avec nos amis britanniques et américains pour réfléchir à de prochaines étapes.

Le Président de la République a encouragé le rassemblement de toutes les forces de l'opposition au régime de M. Bachar el-Assad. Dans cette optique, nous travaillons avec le Conseil national syrien, l'armée nouvelle et d'autres organisations, en n'ignorant rien des difficultés d'un tel rapprochement, compliqué par le fait qu'aux dissensions entre les mouvements de l'intérieur s'ajoutent celles qui existent entre les éléments de l'intérieur et ceux de l'extérieur. La Ligue arabe - notamment le Qatar et l'Arabie saoudite - joue également un rôle très important. Si l'opposition parvient à se rassembler de la manière la plus large et à constituer un gouvernement provisoire représentatif garantissant le respect de de toutes les communautés, la France le reconnaîtra le moment venu – mais la difficulté de la tâche fait que l'on n'en est pas là.

Parallèlement à ces initiatives, un travail de prospective sur la transition, la nature des actions à mener une fois la Syrie libérée du joug de M. Bachar el-Assad, est conduit en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France. La France s'attache également à conforter la situation des zones libérées, notamment sur le plan administratif ; notre remarquable ancien ambassadeur en Syrie, Eric Chevallier, s'y emploie. À la demande de livraison de missiles permettant de détruire des avions qui nous a été adressée, nous avons répondu que nous respecterions l'embargo décrété par l'Union européenne ; en revanche, nous avons fourni des instruments de communication cryptée, des jumelles permettant de voir dans l'obscurité et d'autres matériels de ce type. Notre position sur les armements s'explique par le respect de l'embargo, mais aussi par la difficulté éprouvée à s'assurer qu'ils ne tomberont pas entre des mains qui les utiliseront, quelques semaines ou quelques mois plus tard, pour abattre un avion français.

Enfin, nos services ont favorisé certaines défections.

Pour résumer, nous tentons de travailler dans les zones libérées, de rassembler l'opposition et de rapprocher les différentes positions sur le plan diplomatique. Mais, de notre point de vue, aucune solution n'est possible si M. Bachar el-Assad reste en place.

J'en viens au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire - le TSCG. J'aimerais, pour commencer, rappeler le contexte dans lequel vous allez examiner ce texte. La semaine dernière, la Banque centrale européenne a pris une décision, annoncée par son président, Mario Draghi, fort intéressante. Demain, le 12 septembre 2012, le Tribunal constitutionnel allemand rendra son jugement, crucial, sur la conformité du TSCG à la loi fondamentale. Le travail conduit par la troïka en Grèce, qui semble demander plus de temps qu'il n'était prévu, débouchera sur un rapport qui est un préalable à la prise de nouvelles décisions par l'Union européenne. M. Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, publiera sous peu son rapport d'étape sur l'architecture future de l'Union européenne. L'Espagne connaît de grandes difficultés financières mais n'a pas encore émis de demande de soutien auprès de l'Union européenne. Même si l'Italie a vu sa situation s'améliorer, celle-ci demeure fragile face aux marchés financiers. Enfin, la République de Chypre, dont la situation économique n'était pas mauvaise, se trouve dans une situation abracadabrante : parce que les banques allemandes, alors que la crise grecque était déjà déclenchée, ont vendu plusieurs milliards d'euros d'obligations grecques aux banques chypriotes, ce qui a précipité leur faillite. Le Gouvernement chypriote a dû les nationaliser, et cela a entraîné une telle dégradation des finances publiques que Chypre a dû se résoudre à demander l'aide de l'Union européenne.

Au milieu du mois d'octobre, un Conseil européen pourrait régler la question de la Grèce, à la condition que le rapport de la troïka lui ait été remis – ce qui semble peu probable à ce stade. Ce Conseil se penchera aussi sur la question de l'union bancaire, sur la base du rapport du commissaire européen Michel Barnier. Ensuite, un Conseil européen spécial pourrait être organisé en novembre afin de trancher les questions grecque et espagnole avant que les perspectives financières pour la période 2014-2020 ne soient étudiées au mois de décembre.

Dans ce contexte européen troublé, que l'on estime le texte du TSCG admirable ou critiquable, son rejet aurait pour conséquence de tout faire voler en éclats. J'insiste sur ce point à l'attention des parlementaires qui émettent des réserves sur le traité : un texte vaut certes par lui-même mais il doit également être apprécié en fonction du contexte dans lequel il est présenté.

L'accord budgétaire qui a été trouvé est équilibré par un volet sur la croissance qui, grâce aux effets induits, s'élève à 250 milliards d'euros et non, seulement, à 120 milliards. Autant dire que l'effet récessif du traité évoqué par certains n'est pas à redouter. Par ailleurs, la question de savoir si les règles budgétaires devraient être inscrites dans la Constitution a été tranchée par le Conseil constitutionnel : c'est « non ». Dans le contexte extrêmement délicat que nous connaissons, un vote négatif sur le traité budgétaire ferait tout voler en éclats, alors même que le texte respecte les engagements du Président de la République, tant sur le plan constitutionnel que sur celui de la dynamique de croissance. Outre que le Conseil constitutionnel, en jugeant que la ratification du traité ne demande pas de révision constitutionnelle, a fait pièce à l'assertion selon laquelle le traité amoindrirait la souveraineté nationale, il faut se garder de toute confusion : si la France est amenée à faire des efforts de discipline budgétaire, ce n'est pas à cause du TSCG mais en raison de la situation objective dans laquelle elle se trouve. D'ailleurs, le traité n'est pas incompatible avec une politique de croissance. Contrairement à une idée reçue, la limite de 0,5 % de déficit public autorisé par le traité n'est pas plus exigeante que celle prévue dans le traité de Maastricht, puisqu'il s'agit cette fois de déficit structurel – corrigé, donc, du déficit conjoncturel. Le traité n'impose de contraintes ni sur le niveau de la dépense publique, ni sur sa répartition, ni sur la méthode à suivre pour revenir à l'équilibre. Enfin, la question du référendum n'a aucune pertinence, les Français ayant élu un Président qui avait clairement exprimé sa position à ce sujet durant la campagne électorale.

Je conclurai en résumant mon propos. S'agissant de la Syrie, j'ai constaté, en présidant le Conseil de sécurité des Nations Unies, que les États-Unis étant tout à la campagne électorale, c'est la France qui est aujourd'hui en pointe sur la question syrienne. Cette implication, parfois ignorée dans notre pays, est en revanche saluée par le président du Conseil national syrien et par les représentants des réfugiés. Et lorsque les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne se sont retrouvés à Chypre la semaine dernière, c'est à la France que l'on a demandé de présenter le point de l'ordre du jour consacré à la situation syrienne. Il ne s'agit pas d'en tirer gloire, mais de reconnaître que la France fait ce qu'elle doit.

Pour ce qui est du traité budgétaire, la situation demeure délicate. La BCE a annoncé un plan de rachat illimité, sur le marché secondaire, des titres de la dette publique des États européens qui en feront la demande au Mécanisme européen de stabilité. Inenvisageable il y a quelques années, cette décision montre que le pragmatisme a prévalu. Il reste à savoir quel avis rendra, demain, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe sur le mécanisme européen de stabilité et sur le pacte budgétaire, et si elle décide que la demande des États doit être assortie de conditions supplémentaires ; le dispositif et la réponse des marchés en seraient modifiés.

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Selon la presse, la France aiderait les combattants syriens dans les zones libérées ; qu'en est-il exactement ? S'agissant du traité, dès lors que l'intégration européenne se renforce, n'est-il pas indispensable d'affermir aussi le contrôle démocratique ? Nous ferons des propositions visant à ce que le Parlement européen et notre Parlement national soient associés, en amont, au processus de surveillance en matière budgétaire.

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Comment interprétez-vous l'impressionnant retour sur la scène médiatique de la question des Français retenus en otages au Sahel ? Quelle action la France mène-t-elle dans ce domaine ?

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J'aurais souhaité vous entendre préciser vos intentions en matière de diplomatie économique, mais nous aurons l'occasion d'y revenir. Alors que la Syrie vit dans l'épouvante, il est bon que la communauté internationale et spécifiquement la France soutiennent la politique d'assistance aux zones libérées - qui iront se multipliant - initiée par la Turquie dès le deuxième trimestre et qui avait peut-être été insuffisamment appuyée à l'époque. En revanche, nous avons été surpris par une certaine absence de la diplomatie française, cet été, en un moment tragique. Vous êtes depuis lors revenu dans l'action en vous rendant dans la région, mais l'on ne peut que regretter le manque d'efforts diplomatiques manifestes en direction de la Russie et de la Chine. Il y a, certes, blocage, mais la pression de la France et de l'Union européenne, sur la Russie singulièrement, aurait pu être plus forte.

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La France apporte son aide aux réfugiés syriens en Jordanie ; est-ce le seul pays de la région dans lequel il lui est consenti de le faire ? D'autre part, pourra-t-on éviter que les troubles qui secouent, au Liban, la région de Tripoli ne s'étendent à l'ensemble du pays ?

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Vous avez vanté l'action humanitaire de la France et les efforts déployés dans les territoires syriens libérés, présentant notre pays comme en pointe en ces domaines. Pourtant, des articles de la presse nationale et internationale évoquent une baisse de notre crédit sur la scène internationale. On lit ainsi que, lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies convoquée par la France, seul était là votre homologue britannique, les ministres des affaires étrangères américain, chinois et russe étant, eux, absents. Si c'est exact, comment analysez-vous leur attitude ?

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Monsieur le ministre, je vous interrogerai au cours d'une audition ultérieure sur la diplomatie économique que vous entendez promouvoir.

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Je salue l'initiative française de convoquer le Conseil de sécurité des Nations Unies et le discours que vous avez prononcé devant lui au nom de la France. Je déplore en revanche l'échec de la mission confiée à M. Kofi Annan, qui contraint à adopter une approche déséquilibrée, en ayant pour presque seuls interlocuteurs les pays du Golfe. En voulant rester dans le cadre du droit international, la France fait bien, mais il est indispensable de penser « l'après Bachar el-Assad » et de définir une stratégie de long terme pour éviter la répétition de ce qui s'est produit en Libye. J'avais été personnellement en contact avec des opposants libyens et j'avais appelé, avec d'autres, à les soutenir, mais je regrette l'absence d'anticipation et de concertation avec les États voisins qui a alors caractérisé notre action. Les pays riverains de la Syrie pouvant entraîner toute la région dans une spirale explosive, il faut impérativement envisager les scénarios de la transition.

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Je vous interrogerai à une autre occasion sur la direction consacrée aux affaires économiques dont vous avez annoncé la création au sein du ministère. J'observe que vous n'avez rien dit de l'Afghanistan. La France, qui n'a pas été conviée à la table des négociations avec les talibans aux côtés des Américains et des Pakistanais, essaie aujourd'hui, tant bien que mal, de jouer un rôle informel. Des représentants de la société civile afghane ont été invités à se réunir deux fois à Chantilly et une nouvelle réunion doit avoir lieu avant la fin de l'année. Pensez-vous que ces réunions, organisées sous l'égide de la Fondation pour la recherche stratégique et de votre ministère, permettront à la France de reprendre la main dans ces négociations ? Quel rôle pensez-vous pouvoir y jouer ?

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Ne perdons pas notre temps à débattre du traité européen : la zone euro est morte et sa situation est pire que celle de la Syrie, car on fait fausse route : c'est à une crise de compétitivité que nous devons faire face, et non à une crise de liquidités - et comme le texte se limite à traiter des questions de liquidités, il ne résoudra rien.

Concernant la Syrie, on ne peut que s'inquiéter de l'après-Bachar el-Assad. Le dirigeant syrien a déclaré son intention de se battre jusqu'au bout, et son armée est puissante ; la guerre civile peut donc durer des années, sans que l'on puisse intervenir dans cette vaste poudrière qu'est le Proche Orient. Qui, par ailleurs, sont les rebelles en Syrie ? On les présente comme des jeunes qui se révoltent, mais pour tenir tête à une armée que l'on sait très forte, ils doivent certainement être aidés en sous-main, et beaucoup. S'ils finissent par l'emporter, ne se trouvera-t-on pas face à des factions pires que celle que l'on aura délogée ? Enfin, pouvez-vous nous dire quelques mots de l'évolution des relations entre Israël et l'Iran ?

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Vous avez peu parlé de la Chine dans le cadre de l'affaire syrienne, comme si sa position était calée sur celle de la Russie, et que ce pays seul était l'objet de tous les efforts. Par ailleurs, qu'en est-il de la coordination européenne sur la question syrienne ? La France a beau être en pointe sur ce dossier, la pression européenne sur la Russie pourrait être efficace.

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J'aimerais, monsieur le ministre, connaître l'état des négociations avec l'Iran à propos de son programme nucléaire.

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Je salue la réorientation de la politique européenne engagée depuis le Conseil européen de juin et j'aimerais savoir ce qu'il en est de la taxe sur les transactions financières, qui doit nous permettre de retrouver des marges de manoeuvre pour recréer la croissance en Europe.

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Concernant le traité budgétaire européen, il est stupéfiant que la France se lie les mains pour mener une politique qui fait, partout, la preuve de son échec : le PIB de la Grèce est en recul de 7 %, celui de l'Italie de 2,5 %, la situation de l'Espagne est celle que l'on sait… Comment peut-on dire que le traité ne signifie pas un abandon de souveraineté et pourquoi, dans le contexte actuel, se précipiter pour le faire ratifier ? Tenir ce calendrier alors que le pays entre en récession est pure folie, mais le Gouvernement s'y oblige, condamnant de ce fait la politique que voulaient ses électeurs, ce qui ne manque pas de surprendre. Comment peut-on nier l'abandon de souveraineté, alors que l'on passe à la règle de la majorité inversée, qui rendra les décisions ardues en cas de divergences, et que ce seront les magistrats, évidemment non élus, de la Cour de justice européenne qui décideront du montant des pénalités infligées en cas de non-respect des règles budgétaires – et donc des impôts imposés aux citoyens français ? Nous avons abandonné notre politique monétaire et le contrôle de nos frontières et nous en voyons le résultat ; à présent, nous nous apprêtons à « partager » comme il est dit élégamment, et en réalité à abandonner notre pouvoir budgétaire, ce qui aura des conséquences incommensurables. Mais peut-être espérez-vous que, étant donné la situation explosive de la Grèce et de l'Espagne, les choses se décanteront avant que le texte ne trouve à s'appliquer…

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Pourriez-vous préciser la position des États-Unis à propos de la Syrie ? Il est étrange qu'une aussi grande puissance soit ainsi en retrait. Par ailleurs, pouvez-vous préciser les modalités pratiques du mécanisme de « surveillance budgétaire » prévu dans le traité européen ?

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Le général syrien Manaf Tlass affirme dans la presse avoir été exfiltré en juillet par nos services ; qu'en est-il ? L'aide apportée à cette personnalité participe-t-elle de la stratégie de « l'après-Bachar el-Assad » ? Quant à la Chine, elle ne se contente pas de bloquer le dossier syrien : par ses revendications territoriales, elle tend de plus en plus les relations internationales en mer de Chine. Une prise de conscience de la communauté internationale s'impose pour dire le droit dans cette région.

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Telle a été l'absence de visibilité de la France sur le plan international cet été – et ce n'est qu'une des facettes du sentiment d'immobilisme donné par le Gouvernement – que vous entendre décrire une diplomatie française surmultipliée donnait une impression d'irréalité. Alors que les crises – Israël-Iran, Asie du Sud-Est, Syrie – s'accumulaient, la présidence française du Conseil de sécurité des Nations Unies est passée inaperçue, et il a fallu attendre la troisième semaine d'août pour que vous vous rendiez dans les pays voisins de la Syrie, où bien d'autres ministres et chefs d'Etat s'étaient déjà déplacés.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Lesquels, précisément ?

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Le chef de l'État n'est pas davantage intervenu. Vous avez insisté sur les opérations humanitaires menées en Syrie, mais la guerre continue, les zones tampon ne sont pas protégées, et vous avez refusé d'ouvrir le débat sur l'éventuelle levée de l'embargo européen sur les armes. Sur ces questions de fond, on n'a rien entendu de la France - mais, selon vous, tout va bien.

La situation est tout aussi surréaliste pour ce qui concerne l'Europe. Alors que vous étiez jadis le leader de ceux qui, au sein du parti socialiste, se sont prononcés en faveur du « non » lors du référendum sur le traité constitutionnel – position qui était aussi celle de votre ministre délégué aux affaires européennes – on vous entend aujourd'hui affirmer benoîtement que si le traité budgétaire n'était pas ratifié, tout irait à vau-l'eau. Quel grand chapeau avalé que celui-là ! Il est tout aussi étonnant de vous entendre dire que vous ignorez ce que dira la Cour de Karlsruhe…

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… mais que son avis sera « crucial ». Quel aveu ! La France doit donc attendre la décision de la Cour constitutionnelle allemande pour savoir si le traité pourra être maintenu et ratifié ! Quel changement dans le centre de gravité entre notre pays et l'Allemagne !

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En matière économique, il faut avoir le courage de dire aux Français que nous sommes en train de décrocher. Je le dis sans agressivité et sans plaisir : loin de la présentation élégante et policée que vous faites de l'activité diplomatique de la France, votre action se limite en Syrie à un discours humanitaire, et il est flagrant que ce n'est pas la France qui pilote le navire européen dans un moment de tempête. Nous sommes réduits à l'état de spectateurs, ce qui ne vous empêche pas d'afficher une autosatisfaction marquée.

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Les appréciations que vous jugez utiles de porter vous appartiennent. Pour ma part, je n'ai pas noté que quiconque se satisfaisait de la situation actuelle.

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Le soutien – tant diplomatique que matériel – de la Russie au clan Assad ne se dément pas. Quelles sont nos marges de manoeuvre ? Quel est le soutien effectif de nos alliés européens sur cette question, en particulier celui de l'Allemagne, qui pourrait être déterminant ?

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Les mouvements de réfugiés syriens se traduisent-ils par des flux migratoires entre la Turquie et la Grèce ? Dans l'affirmative, cela pose-t-il un problème dans l'espace Schengen ?

En ce qui concerne le traité européen, l'Allemagne est la principale source d'épargne en Europe et Mme Merkel, on le sait, a toujours été hostile à toute forme de mutualisation des dettes des États européens. Vous semble-t-il que la Chancelière – qui, certes, n'a pas d'influence directe sur la BCE, indépendante – a changé d'opinion, ou compte-t-elle sur le Tribunal constitutionnel fédéral pour faire prévaloir ses vues originelles ?

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Mes questions concernaient la diplomatie économique et les tensions entre Israël et l'Iran. Je les poserai à une autre occasion.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

S'agissant, madame la présidente, de l'aide que nous apportons aux zones libérées en Syrie, elle est matérielle et pratique : assistance aux hôpitaux, nourriture, argent. Lors de la réunion du Conseil de sécurité du 30 août, la France et d'autres pays ont dégagé quelques millions d'euros supplémentaires pour ces zones, qui préfigurent l'administration future de la Syrie. Nous allons poursuivre notre aide et la compléter par une assistance administrative et en matière de formation.

Il convient en effet, madame la présidente, d'améliorer le contrôle démocratique au sein de l'Union européenne, à mesure que l'union devient plus effective. Il s'agit notamment du contrôle réalisé par les parlements nationaux. Lorsque je présidais l'Assemblée nationale, j'avais déjà institué certains mécanismes à cette fin. Il faut désormais aller plus loin, en tenant compte toutefois d'une difficulté : il nous faut renforcer le contrôle démocratique sans pour autant instituer des procédures qui aboutiraient à bloquer le fonctionnement de l'institution. Ainsi, le Parlement allemand, vous le savez, exerce un pouvoir très important en matière européenne. S'il en allait de même dans les vingt-sept États membres de l'Union ou même dans les dix-sept États de la zone euro, nous ne pourrions pas prendre de décisions en temps utile. Nous devons trouver des procédures plus démocratiques, mais qui nous permettent d'être efficaces. Le Gouvernement formulera des propositions sur ce point et votre commission, si j'ai bien compris, fera de même.

La Turquie a en effet évoqué, monsieur Poniatowski, le concept de « zones libérées », mais c'était dans un esprit légèrement différent : il s'agissait de permettre que les réfugiés puissent s'arrêter dans certaines zones du territoire syrien sans avoir besoin d'entrer en territoire turc. La Turquie a alors proposé la notion de « zone tampon », qu'elle n'a d'ailleurs pas nécessairement reprise par la suite, y compris lors de la réunion du Conseil de sécurité que j'ai présidée le 30 août.

À cet égard, la presse a fait un commentaire inexact sur le niveau de participation à cette réunion. Plusieurs ministres étaient présents à mes côtés, notamment mes collègues britannique, marocain et colombien. Mme Clinton était absente, mais représentée par Mme Susan Rice, qui a rang de ministre. Le ministre russe n'y a pas participé non plus. En revanche, les ministres turc, libanais, jordanien et irakien, que j'avais invités, se sont joints à la réunion, de même que M. Lakhdar Brahimi et M. António Guterres.

M. Lellouche s'est livré, très aimablement, à un exercice de politique extérieure en chambre. La France est un grand pays, mais elle n'a pas le pouvoir de faire venir les Russes, les Chinois et les Américains à résipiscence en sifflant. C'est certes dommage, mais là réside la différence entre une politique étrangère apprise dans les livres et une politique étrangère réelle.

Pour revenir à la question de M. Poniatowski, on parle désormais beaucoup moins de « zone tampon ». Lorsque nous avons étudié la question, deux éléments nous sont apparus. Premièrement, la base légale internationale fait défaut : le Conseil de sécurité n'a pas, à ce jour, adopté de résolution sur la Syrie et l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord ne peut être invoqué, aucun pays de l'OTAN n'étant attaqué. Or la France a pour principe de n'intervenir que dans le cadre de la légalité internationale. Deuxièmement, instaurer une zone tampon impliquerait de disposer de capacités suffisantes pour assurer la protection de l'espace aérien, et il ressort des analyses militaires que ces capacités représenteraient quatre à cinq fois celles qui ont été déployées en Libye. De plus, les Américains et les Britanniques ne sont pas prêts à participer à une telle opération. La conclusion apparaît évidente à ce stade.

J'ai donc trouvé particulièrement pertinente la réaction de l'ancien Premier ministre, M. Fillon, déclarant, lorsqu'une personnalité a proposé que la France passe à l'offensive en Syrie, que ce serait une erreur stratégique majeure. Cela dit, une bonne politique étrangère doit s'adapter aux réalités et nous n'avons, je le répète, aucun tabou.

Avec la Russie et la Chine, nous avons des contacts fournis. Nous sommes en permanence en relation avec nos collègues russes, bien que nous soyons en désaccord : j'ai dépêché à Moscou le directeur d'Afrique du Nord et du Moyen Orient, qui a rencontré son homologue russe ; le vice-ministre russe compétent était présent à Paris cette semaine. Nous faisons notre possible. Nous avons également des discussions avec les Chinois.

M. Vauzelle a relevé avec raison notre présence en Jordanie. Nous y avons installé un hôpital destiné aux blessés très graves. Le roi de Jordanie nous en a remerciés. Les blessés nous sont également reconnaissants. Nous ne pouvons pas mettre en place de dispositif analogue dans d'autres pays. Pour sa part, la Turquie a déjà dépensé plus de 350 millions d'euros pour les réfugiés syriens, ce qui est hors de portée pour un pays comme la Jordanie, qui est sous le contrôle du FMI.

Il convient, pour éviter que le conflit ne se propage au Liban, de soutenir les efforts du Président Michel Sleiman et du Premier ministre Nagib Mikati dans le cadre du dialogue national. Étant donné la composition du Liban, la tâche est compliquée. De plus, le clan Assad fait tout pour favoriser cette contagion. Même si elle ne joue pas de rôle direct dans l'affaire syrienne, nous avons réaffirmé la présence de la FINUL, pour éviter des difficultés supplémentaires, entre le Hezbollah et Israël.

Mme Fort a cru déceler une baisse du crédit de la France sur la scène internationale. Je ne suis certainement pas le mieux placé pour en juger, mais ce n'est pas mon sentiment à la lumière des derniers développements à propos du dossier syrien. Observons l'attitude – mon propos n'est pas de la critiquer – des autres pays : les Britanniques sont, comme nous, actifs ; les Allemands aident sur le plan humanitaire, mais sont plus discrets sur les autres volets ; les Américains souhaitent, d'un côté, faire preuve de fermeté, mais, de l'autre, ne veulent pas s'engager en Syrie, y compris en matière de livraisons d'armes ; nous avons déjà parlé des Russes et des Chinois. Si vous considérez les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, la France se distingue. Lorsque la Ligue arabe, de manière très opportune, nous demande de nous associer à ses efforts ou que M. Lakhdar Brahimi, le Conseil national syrien, le Président égyptien Mohamed Morsi nous sollicitent, je ne vois pas là la marque d'une perte de crédit de notre pays.

Je partage votre regret, monsieur Amirshahi, concernant l'échec de la mission de M. Kofi Annan. S'agissant des scénarios pour « l'après-Bachar », nous participons à une série de réunions à ce sujet : avec la Ligue arabe, avec nos amis allemands, aux États-Unis, ici même. Nous devons nous y préparer. Il nous faut répondre à l'argument souvent avancé par les Russes : Bachar el-Assad est certes un dictateur, mais qu'aurons-nous après lui ? Pour cette raison, il importe d'avoir des contacts avec l'ensemble des acteurs en Syrie. Or aucun pays ne dispose de ces contacts autant que nous.

Pour répondre à la question de M. Schneider, nous travaillons depuis un certain temps déjà avec les Afghans, même si cela n'a pas été rendu public. J'ai donné mon accord pour que se poursuive le processus engagé par le gouvernement précédent à Chantilly. En outre, vous avez autorisé la ratification du traité d'amitié entre la France et l'Afghanistan. Nous procédons actuellement au retrait de nos forces et la France sera l'un des pays qui contribueront, si c'est possible, à une pacification de l'Afghanistan. Toutefois, la tâche est ardue. D'une part, la situation en Afghanistan est en elle-même très complexe. D'autre part, comme vous le savez, la solution au problème afghan se trouve autant dans les pays voisins – Pakistan, Inde, Iran – qu'en Afghanistan même. Nous faisons tout notre possible, mais personne ne peut garantir le résultat.

Votre comparaison, monsieur Myard, entre la situation en Europe et la situation en Syrie surprend. Quant aux rebelles – que j'appelle pour ma part résistants –, ce sont, pour l'essentiel, des Syriens ordinaires, des patriotes qui veulent vivre librement, dont les proches sont assassinés, qui constatent le sort réservé aux médecins – 70 médecins tués, 700 portés disparus – et qui en ont assez. Cependant, on dénombre aussi parmi eux, en nombre croissant à mesure que le conflit s'installe dans la durée, des combattants moins recommandables : djihadistes, Iraniens et autres. Cela renforce la nécessité d'accélérer, autant que possible, la résolution du conflit. À défaut, les oppositions confessionnelles et sectaires risquent d'être exacerbées. Mais personne n'a de solution miracle.

Pour répondre à la question de M. Destans, nous avons également des contacts avec la Chine, moins directement engagée que la Russie, qui livre des armes. Les deux pays partagent cependant le sentiment d'avoir été floués dans l'affaire libyenne, par l'interprétation qui a été faite des résolutions du Conseil de sécurité. Ils estiment également que le Conseil de sécurité n'est pas fondé à intervenir pour résoudre un conflit interne – ce à quoi nous répondons qu'il ne s'agit plus d'un conflit interne. Nous faisons le maximum auprès des Chinois qui, de leur côté, n'en rajoutent pas, mais qui ont tout de même opposé leur veto, comme les Russes.

Concernant la coordination européenne, mon collègue italien et moi avons obtenu à Chypre, le week-end dernier, que les Européens décident d'augmenter assez sensiblement leur aide humanitaire. Les propositions que j'avais formulées avec quelques autres collègues et dont j'étais le rapporteur ont été adoptées par la totalité des vingt-sept États membres de l'Union, ce qui n'est pas la trace la plus manifeste de la perte de crédit de la France.

S'agissant de la taxe sur les transactions financières, il faut, vous le savez, réunir neuf États membres pour la mettre en place. Nous sommes en train d'obtenir, en liaison avec les autorités compétentes, les accords de nos collègues. Il y a encore des discussions sur l'assiette, mais nous pensons que la taxe verra le jour telle que nous la souhaitons.

Je crois déceler une rupture logique dans le propos de M. Dupont-Aignan : la situation de la Grèce ou de l'Italie n'est pas imputable au traité que nous allons vous demander de nous autoriser à ratifier ; c'est même le contraire s'agissant de l'Italie. La situation de cette dernière est paradoxale : elle est massivement endettée, en raison de la très mauvaise gestion de M. Berlusconi notamment, mais elle présente un solde primaire excédentaire. Or, si l'on considère la notion de déficit structurel et non la règle des 3 % qui concerne le déficit courant, la situation de l'Italie apparaît meilleure. C'est d'ailleurs également le cas pour la France.

En ce qui concerne la Cour de justice, je me permets de vous renvoyer, monsieur Dupont-Aignant, à l'article 8 du traité, qui stipule que la Cour est compétente pour contrôler le respect de l'obligation de transposer la règle de l'équilibre budgétaire. Ainsi, la Cour pourra, si elle est saisie, juger si l'inscription par la France de cette règle dans la loi organique était ou non adaptée. De ce point de vue, nous sommes d'une certaine manière couverts par la décision du Conseil constitutionnel. En revanche, la Cour n'est absolument pas compétente, contrairement à ce qui est parfois avancé, pour statuer sur la conformité des décisions budgétaires que vous allez prendre.

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Elle le redevient pour apprécier le respect des 0,5 % de déficit structurel annuel !

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Ce n'est pas exact, le mécanisme est plus compliqué que cela. Nous aurons une discussion sur ce point.

Pour répondre à la question de M. Luca, les Américains souhaitent éviter que l'affaire syrienne ne revienne devant le Conseil de sécurité. En effet, lorsque cela se produit, les Russes opposent leur veto et l'opinion a le sentiment que l'on est impuissant. L'administration Obama est très hostile à Bachar el-Assad et souhaiterait qu'il parte le plus rapidement possible. Pour autant, elle ne souhaite pas s'engager dans un conflit direct avant les élections. Beaucoup dépend en réalité du déroulement de la campagne. S'il se produit un événement qui modifie radicalement la perception du dossier syrien par l'opinion ou si, dans la campagne, le dossier vient au premier plan, cela produira sans doute des effets. Tel n'est pas le cas pour le moment.

Il est exact que nos services ont aidé le général Manaf Tlass à gagner la France. Sunnite dont le père était lui-même proche de Hafez el-Assad, le père de l'actuel président syrien, il occupait une position importante au sein de l'armée. Je me suis entretenu avec lui et il rencontre actuellement de nombreux responsables à travers le monde. Nous avons toutes les raisons d'aider des personnalités qui ont une autorité et qui souhaitent quitter la Syrie et lutter contre le régime de Bachar el-Assad.

Lorsque l'on soutient, comme M. Lellouche, qu'un pays manque de visibilité, deux interprétations sont possibles : soit ce pays manque effectivement de visibilité, soit celui qui regarde ne regarde pas bien.

Pour revenir à l'Europe, il est tout à fait exact que je m'étais, en 2005, déclaré défavorable au traité constitutionnel. C'est également le cas de Bernard Cazeneuve. Paradoxalement, cela donne un poids supplémentaire à la position que nous défendons maintenant. Si quelqu'un soutenait aujourd'hui que l'objectif de l'Europe doit être la concurrence libre et non faussée, pourrait-il le faire plus de quelques minutes ? Quelles auraient été les réactions si on avait dit, en 2005, que le traité permettait à la BCE d'agir comme elle le fait depuis la désignation de M. Draghi à sa tête ? Ce débat est aujourd'hui derrière nous. Quoi qu'il en soit, je puis vous rassurer : je suis sur la même position que le Président de la République en matière européenne.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

On peut conjuguer ses convictions avec les institutions.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Pour le moment, il n'y a pas d'immigration massive en Grèce en provenance de Turquie. Mes collègues grec, chypriote et italien ont toutefois souligné qu'ils seraient confrontés à un véritable problème si la situation devait continuer à se détériorer.

S'agissant des rapports entre Mme Merkel et la BCE, les interprétations sont libres.

Il ne serait pas sérieux de traiter la question des tensions entre Israël et l'Iran dans le temps qui nous reste. Je suis à votre disposition pour en discuter ultérieurement.

En ce qui concerne le Sahel, je vous confirme la tenue d'une réunion spécifique le 26 septembre à New York en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, à laquelle nous participerons. Comme vous le savez, le Président Traoré a adressé il y quelques jours une lettre au Président Ouattara, qui préside actuellement la CEDEAO, demandant que le Mali bénéficie du soutien militaire de l'Organisation. Le Président de la République a également saisi ce dernier. Nous suivons la question de très près. Les développements au Mali sont extrêmement inquiétants et peuvent, si l'on n'y met bon ordre – ce qui est l'affaire des Africains avant tout –, menacer non seulement ce pays, mais également les pays voisins de l'Afrique de l'Ouest, voire l'ensemble de l'Afrique.

Vous avez, M. Dufau, posé une question sur les otages. Les familles, dans l'épreuve depuis deux ans, ont souhaité – ce qui n'était pas le cas auparavant – donner une certaine publicité à la situation tragique de leurs proches, pour qu'on ne les oublie pas. On peut tout à fait les comprendre. Le Président de la République et moi-même les recevrons dans quelques jours. Nous sommes en permanence mobilisés sur cette question très difficile, dans la discrétion, tout en manifestant notre solidarité active aux familles.

Je suis à la disposition de la commission quand elle le souhaitera.

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Je vous remercie à nouveau de votre disponibilité, monsieur le ministre. La prochaine audition portera sur le Sahel et l'Iran.

La séance est levée à dix-huit heures.