COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 10 juillet 2013
La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, sur le rapport de M. Marcel Rogemont, le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public (n° 1114).
Nous poursuivons notre travail sur le projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public. Nous avons entendu, la semaine dernière, la ministre de la culture et de la communication. Le rapporteur désigné par notre Commission pour ce projet de loi, M. Marcel Rogemont, va aujourd'hui nous présenter son rapport. Nous procéderons ensuite à la discussion générale.
Nous examinerons les articles et les amendements mardi prochain en présence de la ministre. J'indique que le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi.
Il nous revient aujourd'hui de donner corps à l'engagement n° 51 pris par M. François Hollande lors de la campagne présidentielle, en mettant fin à l'une des mesures les plus contestées du quinquennat de M. Nicolas Sarkozy : la nomination des présidents de l'audiovisuel public par le Président de la République.
Selon un sondage publié le 6 juillet 2008, sept Français sur dix se disaient opposés à cette réforme, qui allait même à l'encontre des recommandations de la « commission Copé », laquelle avait proposé un système de nomination tout à fait différent.
Force est de constater que le mode de nomination actuel jette un doute sur l'indépendance des personnes ainsi désignées à l'égard du pouvoir exécutif. En juillet 2010, M. Hervé Bourges, ancien président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), estimait : « Carolis – alors président de France Télévisions – a un bilan. On peut bien sûr le critiquer sur tel ou tel aspect. Mais si Nicolas Sarkozy avait la culture du résultat, comme il le prétend, il aurait reconduit Carolis. Il paie le fait de lui avoir tenu tête. » De même, M. Jean-Luc Hees, président de Radio France, a pu être accusé d'agir pour le compte du Président de la République, notamment au moment de la refonte de la grille des programmes de France Inter. Peu importe que des pressions aient été exercées ou non, dès lors que l'opinion publique soupçonne ou redoute leur existence.
Deux arguments ont été avancés pour justifier, si c'était possible, ce mode de nomination. Il s'agissait d'abord de mettre fin à l'hypocrisie consistant à faire croire qu'il n'y avait pas d'intervention politique dans le choix des présidents de l'audiovisuel public. Or la réforme lui a substitué une hypocrisie plus grave encore. Il convenait d'autre part de rendre à l'État actionnaire la responsabilité de nommer les présidents et, partant, lui donner la capacité de juger et, le cas échéant, de sanctionner les personnes ainsi nommées. La pratique a montré combien cet argument était fallacieux.
En effet, l'échec de la procédure actuelle tient pour beaucoup à ce que le choix est exclusivement celui d'une personnalité par une autre personnalité, sans considération pour un projet. D'ailleurs, le Président de la République, qui représentait prétendument l'État actionnaire, n'a même pas adressé de lettre de mission aux personnes nommées, en contradiction avec le principe de responsabilité dudit État actionnaire.
C'est pourquoi le présent projet de loi rend au CSA la responsabilité de désigner les présidents des trois sociétés de l'audiovisuel public. Mais il va beaucoup plus loin dans l'exigence d'indépendance : il modifie en profondeur le mode de désignation des membres du CSA, chargé de nommer les présidents.
Certes, les commissions parlementaires n'interviennent plus dans la nomination des présidents de l'audiovisuel public : ce serait incompatible avec leur désignation par le CSA. Cependant, doit-on vraiment le regretter ? Le droit de veto condamnait les commissions à chercher des majorités improbables et les cantonnait, in fine, à un rôle de pure forme. En outre, les commissions ne seront pas écartées, dans la mesure où chaque président nommé leur transmettra un rapport présentant son projet. En effet, le mode de nomination proposé donne non seulement une meilleure garantie d'indépendance, mais il oblige les candidats à présenter un véritable projet assorti d'une stratégie des moyens. C'est un avantage notable par rapport à la procédure actuelle.
La deuxième partie du projet de loi vise à réformer le fonctionnement du CSA. Ainsi, l'article 3 modifie en profondeur la procédure de sanction devant le conseil, afin de la rendre conforme au principe d'impartialité, tel qu'il résulte de l'évolution récente des jurisprudences constitutionnelle et européenne.
Depuis la création du CSA, ses compétences se sont considérablement développées, parallèlement aux évolutions du secteur audiovisuel. Centrées initialement sur le contrôle des programmes et des contenus, les missions du CSA comportent une dimension de plus en plus économique et technique.
Avec ce projet de loi, le gouvernement propose une avancée démocratique majeure : soumettre la désignation des six membres du CSA par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat à un avis conforme des commissions des affaires culturelles à la majorité des trois cinquièmes. Les nombreux opérateurs du secteur audiovisuel que j'ai auditionnés se félicitent unanimement de ce mode de nomination, gage d'indépendance, mais aussi de compétence.
Je le dis à nos collègues de l'opposition : la nécessité de réunir une majorité des trois cinquièmes devrait inciter au choix de candidats susceptibles de recueillir le consensus le plus large. Elle devrait conduire à sélectionner des personnalités en raison de leurs compétences, ce qui est hautement souhaitable pour une autorité de régulation dont les missions de nature technique et économique sont d'importance croissante.
Il est également proposé de faire passer le nombre de membres du collège du CSA de neuf à sept, ce qui favorisera une plus grande cohésion au sein de ce collège. Un nombre trop élevé de membres crée en effet des difficultés : segmentation des attributions au détriment de la transversalité et de la cohérence du travail du collège ; chevauchement de compétences entre conseillers ; répartition inégale des dossiers, etc.
Mais les conditions de l'indépendance ne se réduisent pas au mode de nomination. Elles passent aussi par des règles d'incompatibilité et de déontologie. Le projet de loi renforce ce régime en prévoyant une délibération à la majorité simple et non plus des deux tiers pour prononcer la démission d'office d'un membre qui aurait manqué à ses obligations. Je souhaite que ce projet de loi soit également l'occasion d'approfondir les règles d'incompatibilité et de déontologie des membres du CSA.
En outre, je propose d'aller plus loin dans la responsabilisation du CSA, en lui conférant le statut d'autorité publique – et non plus administrative – indépendante, ce qui lui donnerait une plus grande autonomie fonctionnelle, administrative et financière.
Surtout, il convient de rendre son action plus cohérente en tant qu'autorité de régulation, principalement en matière économique. Les acteurs du secteur audiovisuel le constatent unanimement : le CSA ne tient pas suffisamment compte de l'impact économique de ses décisions d'attribution de la ressource radioélectrique.
Ce reproche a été adressé au CSA dans la gestion de nombreux dossiers – je vous invite à lire mon rapport à ce sujet. En 2012, il a ainsi décidé le lancement, dans un contexte de ralentissement du marché publicitaire, de six nouvelles chaînes gratuites en haute définition sur la télévision numérique terrestre (TNT), sans étude d'impact ni consultation publique préalable. Or de nombreux acteurs et observateurs redoutaient, à juste titre, qu'une telle opération ne conduise à une fragmentation des audiences qui aurait eu des répercussions sur le marché publicitaire et, partant, sur le financement de la création, laquelle repose sur les recettes publicitaires des diffuseurs. Des interrogations se sont également exprimées et s'expriment encore sur la viabilité économique de certaines chaînes sélectionnées.
La même critique a pu être formulée à propos de la gestion du dossier de la radio numérique terrestre (RNT), du lancement de nombreuses chaînes locales ou encore du développement de la TNT payante. Ce dernier exemple est parlant : la chaîne CFoot, lancée par la ligue de football le 28 juillet 2011, a cessé d'émettre dès le printemps 2012 ; la chaîne de vidéos à la demande SelecTV, présentée par TV Numeric, a fait faillite avant même de commencer à diffuser ses programmes. Là encore, on peut s'étonner de l'absence d'étude d'impact préalable, notamment sur les aspects économiques.
Pour justifier ces décisions dénuées de toute pertinence économique, le CSA a eu tendance à « s'abriter » derrière l'obligation, que lui impose la loi de 1986 au nom de la liberté de communication, de lancer un appel à candidatures dès lors qu'une fréquence est disponible.
Le législateur doit favoriser une meilleure prise en compte, par le régulateur, de l'impact économique de ses décisions. À cet égard, je souhaite que le CSA rénové systématise le recours à des études d'impact, préalablement au lancement des appels à candidatures. Dans l'hypothèse où l'étude d'impact montrerait que la conjoncture économique n'est pas favorable au lancement d'un nouveau service, le CSA pourrait différer le lancement d'un appel.
Quant aux contrats d'objectifs et de moyens (COM) des sociétés de l'audiovisuel public, le CSA n'a pas à être associé à leur élaboration, même s'il a déjà dans le passé, en l'absence de texte, émis des avis sur ces documents. Je suis réservé sur ce point, pour ne pas dire hostile : les COM doivent résulter du dialogue entre l'entreprise et ses tutelles, et le CSA n'a pas à juger du travail de ces dernières. En revanche, je suis tout à fait favorable à ce que le CSA contrôle l'exécution des COM. Cela lui permettrait de disposer d'éléments susceptibles de l'éclairer sur l'opportunité de reconduire ou non tel ou tel dirigeant de l'audiovisuel public.
En contrepartie de ces prérogatives élargies, le CSA doit être responsabilisé quant aux décisions qu'il prend. À cette fin, le contrôle du Parlement doit être renforcé tant en amont, à travers la procédure de nomination de ses membres, qu'en aval, à travers une évaluation de l'action qu'il mène. À cet égard, il aurait été utile que le président du CSA ou son équipe justifie, dans les rapports publiés par l'autorité, les attributions de fréquences que j'ai évoquées précédemment. Je souhaite que tel soit le cas à l'avenir : la pertinence économique des décisions devra être évaluée et faire l'objet d'un chapitre particulier dans les rapports du CSA.
En somme, il s'agit de rendre le CSA plus indépendant et plus transparent, et de renforcer les garanties prévues à cet effet.
J'en viens à la question de la publicité sur France Télévisions. Lorsque la ministre de la culture et de la communication a présenté le projet de loi, plusieurs collègues lui ont posé des questions à ce sujet. En même temps que nous devons garantir l'indépendance de l'audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique, nous devons assurer à France Télévisions, au titre de son indépendance financière, une certaine prévisibilité en matière de gestion. C'est un élément de stabilisation de son projet. Cela passe par une garantie de ses ressources.
En particulier, ce projet de loi doit être l'occasion de statuer définitivement sur le sort de la publicité en journée. Je ne rappellerai pas les tergiversations de certains d'entre nous sur le moment opportun pour supprimer en totalité la publicité sur France Télévisions. La suppression de la publicité après vingt heures était censée faciliter le virage éditorial du groupe et permettre d'avancer l'heure du début des programmes de première et de deuxième parties de soirée. Or la réforme a échoué sur ces deux points. Comme on pouvait s'y attendre, elle a déstabilisé le service public sans conduire à une rénovation de son modèle culturel ni à la modification attendue de sa grille de programmes. En prévoyant que le groupe serait désormais en partie financé par une dotation budgétaire de l'État, c'est-à-dire de sa tutelle politique, la loi a au contraire réduit l'indépendance financière de France Télévisions.
La majorité d'alors s'était engagée à respecter un second principe : la compensation « à l'euro près » de la dotation budgétaire par le produit des taxes. Or, là encore, l'objectif est loin d'être atteint : compte tenu d'un rendement de ces taxes inférieur aux prévisions, la réforme a coûté 745,7 millions d'euros à l'État sur les cinq dernières années, comme le montre le tableau inséré dans mon rapport. L'État aurait pu utilement dépenser ces sommes à d'autres fins !
La loi du 5 mars 2009 avait initialement prévu l'arrêt complet de la publicité sur France Télévisions à la fin de l'année 2011. La crise budgétaire, probablement, et l'incapacité à trouver un mode de financement alternatif, certainement, ont incité le gouvernement à revenir sur sa propre réforme un an seulement après son adoption. Après des hésitations et des revirements nombreux, la date du 1er janvier 2016 a finalement été retenue.
Il est grand temps de clore ce débat non seulement pour garantir l'indépendance de France Télévisions, mais surtout pour lui donner une certaine visibilité sur ses ressources et assurer l'avenir même de sa régie publicitaire. Je propose donc de maintenir la publicité en journée sur France Télévisions telle qu'elle existe aujourd'hui.
Je l'avais bien compris. Vous exécutez cependant une véritable danse de saint Guy : à chaque réunion, vous défendez une position différente sur cette question ! Je me réjouis néanmoins que vous rejoigniez aujourd'hui la nôtre.
La présentation que je viens de faire de mon rapport ne vous dispense pas de sa lecture attentive : riche en informations, il vous permettra de comprendre que ce projet de loi n'est qu'une étape de la nécessaire adaptation de nos dispositifs de régulation à l'ère du numérique. Nous ne traiterons donc pas, à ce stade, du « rapport Lescure ».
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre travail très approfondi.
Le projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public est un grand projet de loi, qui vise à renforcer l'indépendance du CSA et de l'audiovisuel public, principe crucial mis à mal par la majorité précédente. Bien que qualifiée parfois de « petite loi », ce texte est en réalité une grande loi, qui rétablira les équilibres nécessaires et permettra au CSA d'exercer ses prérogatives de manière libre et démocratique.
Quelles sont les principales avancées de ce texte ?
Premièrement, il modifie la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Cette loi du gouvernement Fillon avait retiré au CSA le pouvoir de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public pour le confier au Président de la République. Il convient en effet de rappeler que l'autorité de régulation du secteur de la communication audiovisuelle a été, de 1982 jusqu'à 2009, l'autorité de nomination des présidents des chaînes de télévision et de radio publiques : c'était une garantie d'indépendance du point de vue du juge constitutionnel. C'est également l'analyse qu'a faite M. François Hollande lorsqu'il était candidat à la Présidence de la République, d'où son engagement n° 51.
Deuxièmement, le nombre de membres du CSA sera réduit de neuf à sept : seul son président demeurera nommé par le Président de la République ; trois membres seront désignés par le président de l'Assemblée nationale et trois autres par le président du Sénat. En outre, les commissions des affaires culturelles de chaque assemblée devront rendre un avis conforme sur ces désignations, à la majorité des trois cinquièmes. C'est une mesure clé : elle associera plus étroitement les chambres à la désignation des membres du CSA. Surtout, comme l'a dit le rapporteur, c'est une concession majeure faite à l'opposition : nous faisons le pari qu'un consensus émergera après des tractations préalables entre majorité et opposition. Ainsi, le projet de loi vise implicitement à favoriser la désignation de personnalités consensuelles, moins politisées et reconnues pour leurs compétences. Nous sommes bien au coeur même de l'indépendance de l'audiovisuel.
De plus, réduire le nombre de membres du CSA de neuf à sept revient à aligner sa composition sur celle de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et à préparer, peut-être, un rapprochement ultérieur avec elle, dans le cadre d'un second projet de loi relatif à l'audiovisuel.
La réforme de la procédure de sanction applicable devant le CSA constitue une autre innovation majeure de ce projet de loi. Ainsi, l'article 3 modifie en profondeur l'actuel article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : il institue un rapporteur permanent auprès du CSA, qui sera chargé des fonctions de poursuite et d'instruction. Conformément aux exigences de la jurisprudence européenne, la nouvelle procédure de sanction séparera strictement les fonctions de poursuite et d'instruction, d'une part, et de prononcé de la sanction, d'autre part. Le CSA demeurera compétent pour prononcer la sanction, mais il ne pourra le faire que sur saisine du rapporteur. L'indépendance de celui-ci à l'égard du collège du CSA et du secteur audiovisuel sera garantie par son statut et par les modalités prévues pour sa nomination.
Ces dernières avancées sont à mes yeux les plus significatives. Ce texte est un projet de loi court, au périmètre volontairement restreint.
Le groupe SRC déposera des amendements, tout en respectant l'objectif premier du renforcement de l'indépendance de l'audiovisuel et en se cantonnant à ce strict périmètre. Néanmoins, le texte peut rapidement acquérir une portée très politique, comme le montrent certains amendements, notamment ceux relatifs au renouvellement des mandats des présidents de l'audiovisuel public.
Quant aux sujets qui sortent de ce périmètre – compétences du CSA, attribution de fréquences dans la bande des 700 mégahertz, télévisions locales, rapprochement avec l'ARCEP –, ils feront l'objet d'une prochaine « grande » loi relative à l'audiovisuel.
La présente réforme est ambitieuse et nécessaire. La méthode employée doit être graduelle, ne le perdons pas de vue. La discussion de ce texte aux enjeux significatifs intervient en toute fin de session. J'en appelle à chacun d'entre vous : nous devons être nombreux en séance, le 24 juillet, pour voter ce texte et donner ainsi corps à une réforme emblématique promise par le Président de la République.
Je salue le travail approfondi du rapporteur, même si nous ne partageons pas toutes ses conclusions, ni son analyse.
L'audiovisuel public porte une ambition essentielle : il est placé au coeur du débat public et la question de son indépendance est centrale pour notre démocratie. Mais, au lieu de prendre cette exigence au sérieux, le gouvernement s'en sert comme prétexte pour revenir, comme à son habitude, sur une réforme réalisée au cours du précédent quinquennat. C'est tout à fait affligeant.
Ce texte comporte une avancée – il faut en convenir – : la sécurisation de la procédure de sanction devant le CSA, avec l'instauration d'un rapporteur indépendant, chargé des fonctions de poursuite et d'instruction. Mais, s'agissant de l'indépendance de l'audiovisuel public, sur le plan institutionnel comme sur le plan financier, il n'est porteur d'aucun progrès.
Cette indépendance passe d'abord par l'indépendance financière des sociétés de l'audiovisuel public, principe que le précédent gouvernement avait toujours affirmé et appliqué. En particulier, nous avions préservé les ressources de France Télévisions malgré l'arrêt de la publicité après vingt heures, notamment en introduisant la taxe sur les opérateurs de télécommunications.
Au contraire, l'actuelle majorité – qui avait, à l'époque, vivement critiqué cette taxe, validée depuis par la Cour de justice de l'Union européenne – n'a pas hésité à infliger l'an dernier à France Télévisions une baisse historique de la dotation qui lui est versée par l'État. On est loin de la prévisibilité en matière de gestion que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur !
Aujourd'hui, il est grand temps de se pencher sur les moyens d'assurer l'indépendance financière de l'audiovisuel public. Il convient, premièrement, de pérenniser la publicité en journée. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que vous feriez une proposition en ce sens. Nous y serons favorables, sous réserve d'un examen plus approfondi. Il est nécessaire, deuxièmement, de repenser la contribution à l'audiovisuel public. Pourtant, cette dimension est totalement absente du projet de loi. De plus, nous regrettons que les parlementaires de l'opposition ne soient pas associés au groupe de travail créé par la ministre sur cette question.
Nous déplorons que le gouvernement, qui a pourtant disposé de plus d'un an pour analyser le secteur audiovisuel – sans compter les dix années précédentes passées dans l'opposition –, nous présente un projet de loi a minima, qui n'aborde en rien les grands enjeux du secteur. Cependant, ce n'est guère surprenant : ce texte a avant tout une fonction d'affichage politique.
D'ailleurs, le gouvernement ne craint pas de nous parler d'indépendance, alors même que sa politique de nominations dans le domaine culturel est loin d'être exemplaire : le seul tort de M. Éric Garandeau, qui quitte la présidence du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), est d'avoir travaillé pour le précédent Président de la République.
Je le répète : cette loi ne renforce en rien l'indépendance de l'audiovisuel public. La première conséquence du changement de procédure sera de mettre fin au pouvoir de contrôle exercé par le Parlement : les commissions des affaires culturelles des deux chambres n'interviendront plus directement dans la nomination des présidents de l'audiovisuel public. Après avoir organisé des Assises de l'audiovisuel sans y convier les parlementaires de l'opposition, le gouvernement confirme par ce dessaisissement sa volonté de mettre le Parlement à l'écart de ses projets concernant l'audiovisuel public. Il est pourtant essentiel que les représentants de la nation y soient étroitement associés, le service public de l'audiovisuel concernant tous les Français.
Surtout, le fait de transférer au CSA – dont les membres sont eux-mêmes nommés par le pouvoir politique – la responsabilité de nommer les présidents des sociétés de l'audiovisuel public ne rompt en rien le lien entre le pouvoir politique et l'audiovisuel public. C'est là le point essentiel, monsieur le rapporteur.
Le système de nomination actuel, par le Président de la République, a au moins le mérite de la transparence. Le projet de réforme du gouvernement, ce n'est pas davantage d'indépendance, mais davantage d'hypocrisie !
C'est pourquoi le groupe UMP propose un mode de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public réellement indépendant du pouvoir politique.
Plusieurs commissaires du groupe SRC. Que ne l'avez-vous fait plus tôt !
Allons jusqu'au bout de cette indépendance ! Nous souhaitons la création d'un Haut Conseil de l'audiovisuel public, garant de l'indépendance du service public de la communication audiovisuelle et du respect de ses obligations fondamentales devant la société française. Ce Haut Conseil serait chargé de nommer les responsables de l'audiovisuel public. Ce modèle a déjà fait ses preuves dans d'autres grandes démocraties européennes, notamment au Royaume-Uni et en Allemagne – vous le rappelez d'ailleurs dans votre rapport, monsieur le rapporteur. La composition du Haut Conseil refléterait la réalité des territoires et de la société civile : il comprendrait des représentants des salariés et du monde associatif – notamment des associations de consommateurs –, issus du Conseil économique, social et environnemental. Ainsi, la société française pourrait se réapproprier le service public de l'audiovisuel.
La création de ce Haut Conseil permettrait également d'éviter que le CSA, organisme chargé de la régulation du secteur audiovisuel, ne désigne les dirigeants des sociétés publiques de ce même secteur. Cette anomalie, prévue par le projet de loi, ne se retrouve dans aucun autre domaine : ni les télécommunications, ni les transports, ni l'énergie. Il serait impensable que l'ARCEP nomme le président d'Orange ou que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) nomme le président d'EDF ! Dès lors, même si cela a été le cas dans le passé, pourquoi le CSA devrait-il nommer les présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde ?
Si l'on prétend fonder une réforme de l'audiovisuel public sur le principe d'indépendance, il convient de promouvoir une réforme ambitieuse, d'inventer une procédure nouvelle. Se contenter d'une loi d'affichage, comme le fait aujourd'hui le gouvernement, c'est non seulement faire preuve d'hypocrisie, mais c'est surtout manquer singulièrement d'ambition pour l'audiovisuel public, service public au coeur de la vie des Français.
Comme je l'ai indiqué la semaine dernière lors de l'audition de Mme la ministre, nous sommes satisfaits de ce projet de loi. La modification du mode de désignation des membres du CSA dans un sens plus démocratique importe d'autant plus que le CSA disposera à terme de pouvoirs renforcés pour réguler internet.
D'autre part, le CSA jouera-t-il un rôle accru dans le développement des chaînes locales et associatives – BDM TV, Cinaps TV, Télé Bocal –, jusqu'à présent plutôt marginalisées ? Actuellement, la diffusion de ces chaînes est assurée par les fournisseurs d'accès à internet, qui ne sont cependant pas tenus de le faire. Les chaînes le déplorent et demandent l'instauration d'une obligation de diffusion. Avez-vous l'intention, monsieur le rapporteur, de déposer des amendements en ce sens ? J'ignore en outre si ces chaînes ont été associées aux Assises de l'audiovisuel.
S'agissant de la publicité, nous avons évoqué, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, la BBC, qui est un modèle d'indépendance tant à l'égard de l'État que des annonceurs publicitaires. Certes, la redevance audiovisuelle britannique est d'un montant supérieur à celle prélevée en France aujourd'hui. Mais elle garantit l'existence d'une télévision nationale reconnue, diffusant des programmes de qualité et engagée dans la création audiovisuelle. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que vous ne rétabliriez pas la publicité après vingt heures. Pour notre part, nous ferons des propositions concernant la publicité en journée, aux heures où sont diffusés les programmes pour enfants. Quelle est votre position à ce sujet ?
Je vous félicite, monsieur le rapporteur, pour la clarté et la concision de votre rapport.
Je comprends, à sa lecture, que les membres du CSA ne seront renouvelés qu'à partir de 2017. Est-ce bien le cas ?
D'autre part, j'ai beaucoup apprécié le passage de votre rapport portant sur la publicité. M. Franck Riester a rappelé que le précédent gouvernement avait créé une taxe sur les opérateurs de télécommunications. Il est donc un peu facile de dénoncer aujourd'hui un matraquage fiscal ! Quoi qu'il en soit, la réforme de 2009 s'est soldée par un manque à gagner de 745,7 millions d'euros pour l'État. Ces sommes ont-elles été économisées par les annonceurs publicitaires ou ont-elles été réorientées vers d'autres chaînes, notamment celles qui étaient proches du pouvoir de l'époque – TF1 et M6 ? Disposez-vous d'études à ce sujet, monsieur le rapporteur ? Je rappelle que, en 2009, la durée des messages publicitaires a été augmentée de quelques secondes, ce qui a également profité aux chaînes privées.
Enfin, vous estimez, monsieur le rapporteur, que le CSA doit davantage contrôler l'exécution des COM. Ce serait en effet une excellente disposition. D'une manière générale, vous plaidez pour un renforcement de l'autorité et des prérogatives du CSA. Je rappelle que, lors de l'attribution des fréquences de la TNT, les candidats devaient obligatoirement passer par l'Élysée, s'ils voulaient avoir une chance d'en obtenir une.
Oui, je peux même vous dire dans quel bureau il fallait passer !
Ce projet de loi va dans le bon sens, celui de l'indépendance. Nous sommes satisfaits tant du texte que du rapport.
Je vous félicite à mon tour, monsieur le rapporteur, pour la clarté et le caractère pédagogique de votre rapport : il résume bien les enjeux de ce projet de loi et permet de comprendre ce qu'il est et, surtout, ce qu'il n'est pas. En effet, avec ce texte, nous n'entreprenons pas une refondation du paysage audiovisuel français, mais posons uniquement le problème, très important, de l'indépendance de l'audiovisuel public.
À cet égard, je lance un appel à nos collègues de l'opposition : nous pouvons, nous devrions trouver un accord sur cette question. Certes, des divergences s'expriment, mais il s'agit surtout de polémiques sur le bilan du précédent quinquennat. En réalité, nous sommes tous favorables à l'indépendance de l'audiovisuel public et nous regrettons tous certaines pratiques antérieures, même si nous ne le disons pas de la même manière.
De même que nous nous accordons sur la question de la publicité, nous pourrions nous entendre sur les moyens de garantir l'indépendance de l'audiovisuel public, à partir des propositions du rapporteur. Nous aurons à débattre ultérieurement, dans le cadre d'un autre projet de loi, de la conception que nous avons de l'audiovisuel. Il sera alors plus compliqué de trouver un accord. Mais, sur le présent projet de loi – qui est non pas une « petite loi », mais un texte très important –, nous devrions pouvoir le faire, en cette fin de session extraordinaire.
Le verbe du rapporteur est plus mesuré que sa plume : il a employé, à l'oral, une terminologie moins agressive que dans son rapport.
Il est paradoxal de présenter un texte sur l'indépendance de l'audiovisuel public qui n'aborde par la question de son financement. C'est même une erreur.
De plus, le rapport, par ailleurs très documenté, minimise certains aspects relatifs au financement. Ainsi, il passe très rapidement sur la diminution brutale de la dotation budgétaire à France Télévisions : alors qu'elle s'établissait à environ 400 millions d'euros entre 2009 et 2012, elle n'a été que de 256 millions en 2013. Vous avez d'ailleurs annoncé que cette dotation continuerait à baisser dans les trois ans qui viennent dans le cadre du COM. Vous omettez également de préciser que le mécanisme d'indexation de la redevance audiovisuelle a été instauré par la précédente majorité. Enfin, vous passez sous silence la crise du marché publicitaire. La baisse des recettes publicitaires, qui affecte particulièrement France Télévisions, n'est donc pas uniquement imputable à la suppression de la publicité après vingt heures.
D'autre part, vous semblez regretter, dans votre rapport, que l'audiovisuel public coûte de l'argent à l'État : c'est inouï, s'agissant d'un rapporteur socialiste ! D'ailleurs, vous diminuez la dotation à France Télévisions, progressivement mais très sensiblement, alors même que vous envisagez de réduire de 7 à 5 % la TVA sur les offres de télévision payantes autodistribuées – Canal Plus, Numericable –, au lieu de l'augmenter à 10 % comme vous l'aviez annoncé. Où est la cohérence, monsieur le rapporteur ?
Vous avez affirmé, madame Langlade, que ce texte renforçait les prérogatives du Parlement. Comme l'a démontré M. Franck Riester, il n'en est rien : nous allons au contraire être privés d'une partie de nos moyens de contrôle, nous devons en être conscients. En outre, vous avez indiqué que le choix des candidats à la présidence des sociétés de l'audiovisuel public se ferait sur la base d'un projet. Or le projet de loi ne prévoit rien de tel, même s'il ne l'interdit pas. Dans le cadre de la procédure actuelle, en revanche, le Président de la République avait pris le soin de recevoir tous les candidats et de les interroger sur leur projet.
Monsieur Braillard, il convient de ne pas stigmatiser des chaînes privées. Nous souhaitons tous défendre l'audiovisuel public, mais le paysage audiovisuel français est composé de chaînes tant privées que publiques. Lors de la réforme de 2009, vous nous aviez accusés de défendre plus particulièrement certaines chaînes. Cependant, face à certaines exigences, monsieur le rapporteur, vous serez peut-être amenés, par souci d'équilibre, à défendre telle ou telle position des chaînes privées. Nous le verrons au cours de nos débats.
Je soutiens ce projet de loi qui renforce la légitimité du CSA tout en lui confiant des responsabilités supplémentaires : la prépondérance sera en effet désormais accordée au Parlement dans la désignation des membres de ce conseil, dont seul le président sera nommé par le Président de la République, au lieu de trois membres actuellement, ce qui lève ainsi toute suspicion sur ces nominations. L'avis conforme des commissions des affaires culturelles à la majorité des trois cinquièmes sera en outre nécessaire pour valider la désignation des six membres nommés par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. L'opposition sera ainsi associée au choix des vigies de la liberté audiovisuelle. Dans le même temps, la séparation des pouvoirs pour la nomination du président sera également respectée.
En instaurant un processus de nomination aussi exemplaire, le projet de loi garantit l'indépendance du CSA – ce qui justifie que lui soit à nouveau confiée la mission de nommer les dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public, mission qu'il a exercée sans discontinuer jusqu'en 2009.
Je soutiens également la proposition, formulée par le rapporteur, de maintien définitif de la publicité en journée sur France Télévisions. L'incertitude pesant actuellement sur son financement nuit en effet à la visibilité de ses ressources.
Enfin, je suis heureux que nos collègues de l'opposition plaident en faveur de l'indépendance de l'audiovisuel public après avoir autorisé le Président de la République à en nommer les dirigeants. On ne peut que se satisfaire d'une évolution conduisant lesdits collègues à vouloir laver plus blanc que blanc.
Nous divergeons sur plusieurs points des orientations prises par le gouvernement. Sur un tel sujet, il importe d'adopter une vision d'ensemble. Or le gouvernement procède par saucissonnage : à la suite de ce premier texte, il nous faudra en examiner un deuxième sur le volet numérique, puis un troisième en 2014. Cela ne me paraît pas une bonne méthode législative.
Quant au fond, on décèle un véritable décalage entre les ambitions affichées et la réalité. Le rapporteur vient ainsi de déplorer que la précédente majorité ait fait évoluer les pouvoirs de nomination du Président de la République. Mais, avec ce projet de loi, le gouvernement propose en réalité de faire régresser les pouvoirs du Parlement. Je suis donc extrêmement surpris que l'on puisse considérer ce texte comme une avancée démocratique et je ne peux que dénoncer ce double langage.
Enfin, il paraît très clair que, sur les sujets liés à la culture, la majorité souhaite détricoter les mesures adoptées sous la précédente législature à l'initiative de M. Nicolas Sarkozy. Mais un tel « détricotage » ne saurait constituer une politique en soi. Non seulement ce n'est pas rendre service à l'audiovisuel en général, mais nos concitoyens ne comprennent pas cette démarche.
Le rapporteur et moi-même avons vraiment du mal à saisir en quoi ce texte entraînerait une régression des pouvoirs du Parlement…
Si nos collègues de l'UMP réfléchissaient à ce qui va se passer dans les cinq ou dix prochaines années, ils verraient que, pour la première fois, les décisions d'une autorité de régulation de l'audiovisuel seront enfin incontestables. Pour cela, il aura fallu attendre trente-deux ans. On considérait en effet jadis la Haute Autorité de la communication audiovisuelle comme imparfaite, puisque le président François Mitterrand s'en occupait un peu tout en ne s'en occupant pas vraiment. De même la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) mise en place par M. François Léotard a-t-elle été jugée catastrophique. Ainsi, à chaque débat sur l'audiovisuel, les parlementaires de l'opposition, quelle qu'ils soient, ont contesté les décisions prises par l'instance de régulation, au motif qu'elles émanaient de personnes qu'ils estimaient moyennement respectables ou franchement partisanes.
En revanche, pas un seul des convives présents à un dîner auquel nous étions plusieurs à assister hier – et qui provenaient pourtant d'horizons fort différents – n'a accusé le CSA de ne pas représenter l'avenir. Il s'agit là d'un combat d'arrière-garde. Je sais bien que les conservateurs ont tendance à résister à tout ce qui s'apparente à un progrès : ce qui est sûr, c'est que plus jamais vous n'aurez l'occasion de répéter que le CSA ne représente pas la réalité, car, pour la première fois, il comprendra obligatoirement des membres de toutes les sensibilités politiques. Pour la première fois, il sera un véritable lieu de démocratie, comportant une majorité et une opposition, et dont le président devra rechercher un certain consensus pour que des décisions qui engageront l'avenir soient incontestables.
L'argument selon lequel il aurait fallu regrouper l'ensemble de la réforme de l'audiovisuel au sein d'un seul et même texte me fait sourire. Si nous l'avions fait, vous auriez qualifié le projet de loi d'usine à gaz. Je ne pense pas que vous soyez de mauvaise foi, mais, lorsque vous affirmez que c'est sur la base d'un projet précis que M. Nicolas Sarkozy a désigné des présidents de chaîne, on ne peut que vous souhaiter de remporter le prix de l'humour ! Sans doute, il avait ses raisons, qui correspondaient à une conception bonapartiste – ce qui est d'ailleurs tout à fait son droit. Il est certain, toutefois, qu'il ne raisonnait pas en termes de projet, mais en termes d'efficacité.
Enfin, ne soyons pas désobligeants à l'égard de nos collègues de l'opposition, qui sont en phase d'apprentissage de ce qu'est l'indépendance : indépendance de la justice, indépendance du Conseil constitutionnel et indépendance du CSA – et ils font le même apprentissage dans le processus d'élection des responsables de l'UMP !
Si des amendements sont déposés sur ce texte, nous serons bien sûr prêts à les examiner, voire à les adopter.
Cessez de nous donner des leçons d'indépendance au moment où les récentes nominations effectuées par le gouvernement évoquent une véritable purge dans tous les secteurs – comme le prouve la nomination à la tête du CNC de l'une des membres de la promotion Voltaire de l'École nationale d'administration (ENA) – une de plus ! – dont est issu le Président de la République.
C'est bien entendu à propos de la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public que nous avons parlé de dessaisissement : en effet, si le Parlement est aujourd'hui consulté sur ce point et dispose d'un pouvoir de blocage de ces nominations, ce ne sera plus le cas demain.
Il n'est nullement question de remettre en cause le CSA qui constitue bien sûr une institution d'avenir. Il conviendra cependant d'en faire évoluer le périmètre et les missions – ce qu'a d'ailleurs annoncé le gouvernement qui souhaite inclure parmi ses compétences des missions de régulation de l'internet aujourd'hui exercées par la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). Nous sommes pour notre part convaincus de la nécessité de changer de paradigme, comme l'ont fait l'Allemagne et la Grande-Bretagne, car, dans la mesure où vous maintenez le lien entre les pouvoirs exécutif et législatif, d'une part, et le CSA d'autre part – le Président de la République et le Parlement étant chargés d'en nommer les membres –, cette institution revêtira une dimension très politique, davantage même qu'hier. Il convient au contraire de créer un Haut Conseil composé de personnalités sans lien avec le pouvoir politique, issues de la société civile et de nos territoires. Ce Haut Conseil serait chargé de la nomination des présidents d'entreprises publiques de l'audiovisuel et de vérifier que celles-ci assurent bien leurs missions de service public. Le CSA jouerait, quant à lui, un rôle de régulateur, ce qui éviterait le mélange des genres entre mission de régulation et nomination des chefs d'entreprises du secteur régulé.
Notre Commission a effectivement été consultée sur ces nominations, mais il ne s'agissait nullement pour elle d'émettre un avis conforme. À l'inverse, le projet de loi prévoit l'obligation pour les commissions des affaires culturelles d'approuver une nomination par un vote aux trois cinquièmes.
Par ailleurs, la publicité ne permet en aucun cas à une chaîne de disposer de revenus stables, puisque le montant des recettes publicitaires dépend par définition de la conjoncture, des événements et du nombre de chaînes qui se partagent la ressource. Ainsi la BBC, véritable modèle de stabilité, n'est-elle pas financée par les recettes publicitaires mais bien par l'État.
La BBC est certes financée sur ressources publiques, mais pas par l'État, puisque ces ressources sont issues d'une redevance !
L'indépendance de l'audiovisuel public revêt deux dimensions : la première, d'ordre politique, fait l'objet du projet de loi. Je laisserai donc le rapporteur répondre à ceux qui perçoivent dans ce texte une régression des droits du Parlement. La seconde, moins évidente, est d'ordre financier et a été remise en cause lors de la réforme de 2008-2009. Car, à vrai dire, le ver est dans le fruit !
Certains ont déclaré le week-end dernier, sur les chaînes publiques et privées du petit écran, que l'ancien Président de la République, après avoir ruiné la France, avait ruiné son propre parti : je pourrais ajouter qu'il a aussi ruiné France Télévisions ! Portant la responsabilité majeure de la funeste réforme de 2009, il a en effet mis l'audiovisuel public dans un état de dépendance totale à l'égard de l'État actionnaire. Avant cette réforme, France Télévisions n'était financée que par la redevance audiovisuelle et les recettes publicitaires. Or l'ancien Président de la République a décidé, pour son bon vouloir et croyant jouer un bon tour politique en prenant la gauche sur sa gauche, de rayer d'un trait de plume 450 millions d'euros de recettes publicitaires en soirée sur France Télévisions, établissant ensuite un contrat d'objectifs et de moyens prévoyant pour ces chaînes en 2009 des recettes publicitaires de 450 millions d'euros en journée. Or elles n'ont atteint que 340 millions d'euros, une somme qui ne pourra que continuer à diminuer à l'avenir.
Afin de compenser ces pertes, le gouvernement a donc pris pour cette année une décision politique extrêmement courageuse, qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait prise depuis longtemps, en augmentant de 4 euros le montant de la redevance, au-delà des 2 euros d'augmentation dus à l'inflation. Et nous nous sommes collectivement réjouis, au nom de l'intérêt national, que la Cour de justice de l'Union européenne n'ait pas annulé la taxe sur les opérateurs de télécommunications. Celle-ci ne rapporte cependant à l'heure actuelle que 250 millions d'euros, quand les ressources publicitaires de France Télévisions s'élevaient en soirée à 450 millions d'euros au moment de la réforme de 2009. C'est pourquoi le budget de l'État est contraint de compenser les 200 millions d'euros manquants.
L'audiovisuel public étant déstabilisé pour un bon moment, nous essayerons, par le biais d'un avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, de revenir si possible à l'équilibre financier dans les deux ans qui viennent. Mais nous n'avons pas la garantie d'y parvenir. Alors que nous nous apprêtons à modifier le mode de désignation des présidents de l'audiovisuel public, le mal le plus grave que nous ayons à supporter collectivement réside dans cette dépendance budgétaire de France Télévisions à l'égard de l'État – effet le plus néfaste, selon moi, de la réforme de 2009.
Vous trouverez dans mon rapport une présentation du produit des taxes censé combler les 450 millions d'euros de recettes publicitaires non perçus par France Télévisions : le produit de la taxe sur les télécommunications est évalué à 190 millions d'euros en 2013, ce qui signifie qu'une part importante de la compensation nécessaire sera financée sur le budget de l'État et donc que le dispositif adopté en 2009 n'a fait qu'accroître notre niveau d'endettement, puisque l'État, n'ayant plus d'argent, est obligé d'emprunter. Représentant un coût de 745 millions d'euros sur cinq ans, cette réforme est fort dommageable pour nos finances publiques, alors même que le rapporteur de la loi de 2009 s'était à l'époque engagé à ce qu'elle ne coûte rien à l'État, la compensation à l'euro près étant censée être assurée par des taxes.
Les réflexions qui ont été menées sur un éventuel rapprochement de l'ARCEP et du CSA s'appuyaient sur l'idée d'une certaine convergence entre les régulations portant respectivement sur les contenants et sur les contenus, et donc sur la volonté de disposer d'une appréhension globale de ces deux aspects. Or il résulte de ces réflexions que ce sont les mutations technologiques affectant la manière dont les produits culturels circulent en France et dans le monde, par voie hertzienne ou filaire, qui impliquent de repenser la régulation. C'est pourquoi il est envisagé d'étendre la responsabilité du CSA à tous les contenus, quel que soit leur véhicule. Et c'est aussi pourquoi la question du rapprochement entre l'ARCEP et le CSA n'est pas à l'ordre du jour, même s'il existe actuellement un groupe de travail réunissant les deux autorités, qui mériterait d'être réuni plus souvent.
On aurait pu se demander si, avec la nomination du président du CSA par le Président de la République, le pouvoir politique ne s'installait pas dans le fauteuil principal du conseil. N'oubliez jamais, toutefois, que le CSA fonctionne selon la règle de la collégialité, ce qui signifie qu'il n'existe aucun rapport hiérarchique entre ses membres. La collégialité implique de recueillir une majorité avant de prendre une décision. De facto, cette majorité se rapproche le plus souvent de l'unanimité.
La question de l'obligation de diffusion des chaînes mérite effectivement d'être posée non seulement pour les chaînes régionales et associatives, mais aussi pour l'audiovisuel public, afin d'éviter que les distributeurs de services télévisés utilisant d'autres moyens que les faisceaux hertziens ne « fassent leur marché ». Cependant, elle ne sera pas traitée dans ce projet de loi, mais dans le suivant.
Je constate que, lorsque nous proposons de modifier la loi de 2009, l'opposition nous accuse de la détricoter, mais que, lorsqu'elle propose de créer un Haut Conseil de l'audiovisuel, ce qui revient à bouleverser la philosophie de cette même loi, elle ne fait pour sa part que l'améliorer ! Concédez donc à la majorité la possibilité de le faire, elle aussi !
En ce qui concerne l'indépendance financière de l'audiovisuel public, je ne reviendrai pas sur le coût pour le budget de l'État de la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions, lequel devait être compensé à l'euro près. Mais je rappellerai qu'à peine le COM fut-il signé en novembre 2011 que la loi de finances réduisait la dotation budgétaire de 15 millions d'euros pour 2012. Une loi de finances rectificative la réduisait encore de 6 millions d'euros, et 6 millions d'euros ont par la suite été gelés.
Absolument pas, puisqu'elles ont au contraire diminué. Si elles avaient augmenté, nous l'aurions remarqué !
Parlons de la manière dont ont été désignés les présidents des sociétés de l'audiovisuel public. Lors de son audition, M. Jean-Luc Hees nous a indiqué que, s'il se doutait de la raison de sa convocation à l'Élysée, sa nomination à la tête de Radio France fut tout de même une surprise pour lui, le Président de la République de l'époque ne lui en ayant rien dit auparavant. Voilà qu'un homme sans le moindre projet s'est rendu auprès d'un actionnaire qui n'en avait pas non plus. Et l'on peut supposer qu'ils se sont quittés sans en avoir davantage après cet entretien, ce qui illustre bien l'inconséquence totale d'un pouvoir de nomination intuitu personæ de ce type et la nécessité d'un minimum de réflexion préalable. Car, lorsque le conseil d'administration d'une société nomme son président-directeur général, il lui confie des orientations, ce qui n'a pas été le cas en l'occurrence puisque aucune lettre de mission n'a été adressée à M. Jean-Luc Hees. Nous ignorons par conséquent comment la politique de l'audiovisuel est élaborée dans le cadre du dispositif que vous avez mis en place.
Quant à votre proposition de création d'un Haut Conseil de l'audiovisuel, je vous accorde que l'ARCEP ne nomme pas le président d'Orange, ni la Commission de régulation de l'énergie, celui d'EDF. Mais il s'agit là de cas fort différents de celui dont nous traitons en l'occurrence, puisque nous souhaitons garantir l'indépendance de l'audiovisuel public. Lorsque l'ARCEP régule le secteur des télécommunications, sa mission ne porte nullement sur des contenus, contrairement au CSA qui, lui, s'intéresse aux contenus diffusés.
Il ne nous semble pas, quant à nous, que le Parlement soit dessaisi de ses pouvoirs quant à la nomination des présidents de l'audiovisuel public. L'objectif est de garantir l'indépendance de l'audiovisuel public et non de renforcer les pouvoirs du Parlement. Le dispositif adopté en 2009 confiait aux commissions des affaires culturelles des deux assemblées la possibilité de rendre un avis sur la nomination des présidents de l'audiovisuel public sans que le Président de la République soit contraint de le suivre.
Bien au contraire ! L'Assemblée nationale disposait d'un droit de veto. Or, contrairement à ce qu'a cru Mme Isabelle Attard, ce ne sera plus le cas avec ce projet de loi !
L'objectif du projet de loi n'est pas de faire en sorte que le Parlement participe à la nomination des présidents de l'audiovisuel public, mais d'assurer leur indépendance. Or nous considérons que le meilleur moyen d'y parvenir consiste à redonner au CSA l'autorité pour le faire et à s'assurer qu'il soit plus indépendant dans ses nominations. C'est pourquoi le texte prévoit que toute désignation d'un membre du CSA par le président du Sénat ou de l'Assemblée nationale soit soumise à une avis confirme à la majorité positive des trois cinquièmes des commissions des affaires culturelles – mesure qui constitue un gage d'indépendance pour les décisions que le CSA sera conduit à prendre.
C'est dans le cadre de notre mission de contrôle parlementaire du pouvoir exécutif que nos commissions des affaires culturelles ont été consultées, après la réforme de 2009, sur la nomination par le pouvoir exécutif de présidents d'entreprises de l'audiovisuel public. Dès lors que ce n'est plus lui mais une autorité indépendante qui nomme ces présidents, notre prérogative de contrôle disparaît tout naturellement.
Ajoutons que la loi de 2009 visait tant leur nomination que leur révocation – ce qui explique pourquoi le Président Sarkozy n'a pas ressenti le besoin de fournir à M. Jean-Luc Hees la moindre ligne à suivre : l'épée de Damoclès a pesé sur sa tête dès sa nomination, d'autant que nous ne disposions d'aucun droit de veto en cas de révocation.
Je note que M. Thierry Braillard s'est déclaré favorable à ce que le CSA rende un avis sur l'exécution des COM avant que nos commissions n'auditionnent les présidents de l'audiovisuel public sur cette exécution.
Les 745,7 millions d'euros dont j'ai parlé précédemment correspondent à la différence entre ce que l'État a versé à France Télévisions pour compenser la suppression de la publicité et le rendement des taxes créées pour compenser ce coût et dont le rendement s'est avéré très inférieur aux prévisions initiales.
Le renouvellement des membres du CSA débutera le 23 janvier 2015 et concernera notamment Mme Françoise Laborde.
Si ce texte est important, comme le souligne notre collègue Yves Durand, c'est parce que nous sommes en train de modifier la loi de 1986 qui avait marqué un certain nombre d'avancées.
Si M. Christian Kert trouve mon propos plus incisif dans mon rapport qu'aujourd'hui, c'est sans doute parce que ma réflexion évolue. En effet, en décembre 2008, à l'occasion d'une question orale au gouvernement, j'exprimais notre opposition à « l'ORTS », c'est-à-dire à « l'Office de radio-télévision Sarkozy ».
Cette évolution de ton me paraît tout à fait salutaire, dans la mesure où nous travaillons aujourd'hui sur la seule question qui nous intéresse : à savoir l'indépendance de l'audiovisuel public.
Si ce projet de loi n'est qu'une première étape d'une réforme du cadre juridique de l'audiovisuel, c'est parce que la ministre de la culture et de la communication a pris l'initiative de lancer plusieurs missions afin d'alimenter la réflexion du gouvernement. Pour disposer d'une vision d'ensemble, il faut se doter de fondements stables, sûrs et compétents. C'est pourquoi nous souhaitons instituer un CSA qui soit à la fois plus responsable – notamment sur les plans économique et industriel – et plus utile. Nous déclinerons notre vision d'ensemble dans des textes ultérieurs.
Le 8 janvier 2008, lorsqu'a été annoncée la suppression de la publicité sur France Télévisions, la ministre de la culture discutait avec M. Patrick de Carolis de la deuxième coupure de publicité : c'est dire si on l'avait tenue informée du dossier ! À l'époque, cette décision prise à l'emporte-pièce avait surpris la majorité autant que l'opposition. Non seulement la « commission Copé » s'est réunie bien après le 8 janvier, mais les décisions du gouvernement ont fait fi de ses préconisations, en matière de nomination du président de France Télévisions. La « commission Copé » suggérait en effet que ce soit le CSA qui propose une liste de trois ou quatre noms aux conseils d'administration des entreprises audiovisuelles publiques. Or les dispositions que vous avez finalement adoptées n'ont rien à voir avec cette préconisation. Nous n'avons donc aucune leçon à recevoir en matière de nominations !
Je remercie enfin M. Michel Françaix de nous avoir rappelé très utilement l'historique de la régulation de l'audiovisuel et le fait que des organismes ont été institués l'un après l'autre, afin de garantir l'indépendance de l'audiovisuel public. L'audiovisuel n'a rien à voir avec l'électricité ou les télécommunications. En effet, l'indépendance des médias est garantie par la Constitution. Mais il est bien vrai que certains d'entre nous sont toujours en phase d'apprentissage de l'indépendance – comme de la démocratie d'ailleurs.
La séance est levée à dix-huit heures.