Examen, pour avis, du projet de loi relatif à la réforme de l'asile (n° 2182) – Mme Chantal Guittet, rapporteure.
La séance est ouverte à dix heures trente.
Notre commission suit avec attention le respect de la garantie du droit d'asile en France. Ce droit repose sur la convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés, ainsi que sur un ensemble de directives européennes dont le but, depuis 1999, est de créer un régime d'asile européen commun (RAEC). Notre suivi se traduit notamment, chaque année, par l'examen des crédits de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » dont Jean-Pierre Dufau est notre rapporteur pour avis. C'est à ma demande que le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a confié à nos collègues Jeanine Dubié et Arnaud Richard la mission d'évaluer la politique d'accueil des demandeurs d'asile. Il était également logique que nous nous saisissions pour avis du projet de loi relatif à la réforme de l'asile.
Ce texte important et très attendu vise à remédier aux dysfonctionnements de notre système national d'asile, marqué par des délais d'examen des demandes excessivement longs et par une saturation du dispositif d'accueil. Le projet de loi transpose également dans notre droit de nouvelles directives européennes faisant partie d'un ambitieux « paquet asile » dont le dernier élément a été adopté en juin 2013. Ce paquet cherche à instaurer des procédures communes et un statut uniforme pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire.
Notre commission s'est saisie des articles 2 à 8, 10, 13, 18 et 19 du projet de loi, qui correspondent aux trois volets suivants : les conditions d'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire en France ; la procédure d'examen des demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis – en cas de recours contre la décision de l'OFPRA – par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; enfin, le contenu de la protection accordée en France si la demande d'asile est acceptée. La commission des affaires sociales s'étant également saisie pour avis de ce projet de loi, nous avons choisi de ne pas nous saisir du volet relatif au dispositif d'accueil des demandeurs d'asile, afin d'éviter tout travail en double. Quant à la commission des lois, saisie au fond, elle devrait examiner le texte le mardi 25 novembre prochain.
Quel que soit l'intérêt de ce projet de loi, il ne suffit pas d'améliorer les procédures nationales ; tant que nous ne disposerons pas d'un système européen coordonné, les difficultés persisteront. En effet, certains pays comme le nôtre – mais également les États responsables des frontières extérieures de l'UE – sont particulièrement concernés par l'afflux des demandeurs d'asile ; le paquet européen vise à remédier à ces disparités, mais il faudra bien un jour parvenir à harmoniser les conditions pratiques d'accueil à l'échelle européenne.
Ce projet de loi vise à tenir compte d'une double nécessité : réformer notre système d'asile qui souffre d'une série de dysfonctionnements et transposer en droit français plusieurs directives européennes adoptées entre 2011 et 2013 dans le cadre du « paquet asile ».
Le diagnostic – je l'ai constaté au cours de mes auditions – est aujourd'hui largement partagé : le système de l'asile en France est à bout de souffle. Plusieurs rapports, notamment celui que nos collègues Jeanine Dubié et Arnaud Richard ont rédigé dans le cadre du CEC en avril 2014 et celui que Valérie Létard et Jean-Louis Touraine ont remis au ministre de l'intérieur en novembre 2013, soulignent l'inadaptation de notre système et identifient les points à améliorer.
Tout d'abord, malgré les efforts entrepris par l'OFPRA et la CNDA, les délais d'examen des demandes restent très longs : un rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA), paru en 2013, estime ainsi la durée complète d'une procédure dite « courte » – qui comprend l'examen d'une première demande d'asile par l'OFPRA, puis un recours devant la CNDA – à dix-neuf mois et demi.
De son côté, le dispositif d'accueil apparaît largement saturé. Cette année, malgré la création, de 4 000 places supplémentaires depuis 2012, ce qui représente un investissement important, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) ne devraient pas être en mesure de couvrir plus de 38 % des demandeurs éligibles. C'est le dispositif d'urgence qui sert de variable d'ajustement alors que la hausse du nombre des demandes d'asile – commune à tous les pays européens – s'élève à 87 % depuis 2006 et à 7,8 % par rapport à l'année dernière. On estime qu'à l'échelle européenne, le nombre des demandes a doublé en cinq ans.
Nous devons également transposer en droit français trois nouvelles directives du « paquet asile » qui vient d'être adopté au niveau européen : la directive « qualification » qui définit les conditions pour bénéficier d'une protection internationale ; la directive « accueil » qui prévoit les conditions matérielles de l'accueil des demandeurs ; et la directive « procédures » qui établit les normes communes pour l'octroi et le retrait du statut de réfugié. Ces dispositions visent à créer un véritable régime d'asile européen commun (RAEC), faisant appel à des procédures uniques et instaurant des statuts uniformes dans tous les États membres. Plusieurs éléments essentiels font encore défaut, en particulier des règles qui permettraient d'établir une véritable solidarité européenne. Malgré l'existence d'un bureau européen d'appui en matière d'asile, certains pays supportent des charges démesurées par rapport à d'autres États membres, mais également au vu de leurs propres capacités : Malte, par exemple, reçoit 5 300 demandeurs d'asile par million d'habitants, soit cinq fois plus que la France. Néanmoins, ce paquet devrait instaurer une harmonisation plus poussée que celle qui a prévalu dans la première partie des années 2000 : qu'il s'agisse des conditions d'octroi de la protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – comme des procédures d'examen des demandes d'asile et des droits reconnus aux demandeurs, nous devons aujourd'hui transposer une moyenne européenne et non plus seulement des normes a minima.
Dans ce double contexte, français et européen, voici les principaux apports du texte dont notre commission est saisie pour avis.
Le projet de loi clarifie et codifie les dispositions applicables en matière de conditions d'octroi de la protection internationale. Les articles 2 à 4 reprennent ainsi explicitement certaines stipulations de la convention de Genève, relative au statut des réfugiés. Des dispositions issues de la directive européenne « qualification » de 2011 sont également insérées dans le code, qui consacre par ailleurs la pratique et la jurisprudence en vigueur en France. Cette clarification rend les conditions de l'asile plus accessibles et plus lisibles – avancée saluée par les associations. Le projet de loi renvoie à la même directive pour l'appréciation des actes et des motifs de persécution au sens de la convention de Genève. Il en résultera bien sûr une meilleure harmonisation.
S'agissant des pays d'origine sûrs – dont la liste fait régulièrement l'objet de critiques au regard de son utilisation par l'État et de l'annulation fréquente de l'inscription de certains pays –, l'article 6 transpose la directive « procédures » qui apporte plusieurs garanties supplémentaires. D'une part, la notion de pays d'origine sûr et ses critères d'appréciation sont définis plus précisément ; d'autre part, l'article pose une exigence nouvelle de pertinence et d'actualisation de la liste de ces pays, notamment grâce à un mécanisme de suspension en cas d'évolution rapide de la situation.
Si les articles 2 à 4 du projet de loi ne modifient pas les principes du droit d'asile – tels qu'ils ont été définis par la convention de Genève et consacrés par la loi –, les articles suivants ont pour objet de rénover en profondeur l'examen des demandes. L'actuelle procédure prioritaire de l'OFPRA devrait être remplacée par une nouvelle procédure dite accélérée, applicable dans un plus grand nombre d'hypothèses. Il s'agit de favoriser un examen plus rapide des demandes manifestement étrangères à un besoin réel de protection. Dans certains cas, strictement définis à l'article 7, l'OFPRA pourra aussi opposer une décision d'irrecevabilité sans examiner au fond la demande, ou clore l'examen d'un dossier. La nécessité de mieux adapter les procédures à la nature des demandes conduit également à prévoir que l'office doit statuer en priorité sur les demandes manifestement fondées, ainsi que sur celles des personnes identifiées comme vulnérables – notamment des mineurs non accompagnés – qu'il faut éviter de laisser trop longtemps dans la précarité.
En ce qui concerne la CNDA, le projet de loi élargit le recours au juge unique, à la place des formations collégiales qui associent un magistrat et deux personnalités qualifiées dont une est nommée par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce juge unique statuera dans un délai de cinq semaines si la demande d'asile a été examinée dans le cadre de la nouvelle procédure accélérée à l'OFPRA ou si elle a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité. Actuellement, un juge unique ne statue à la CNDA, par voie d'ordonnances, que sur environ 20 % des recours.
Cette adaptation des procédures permettra d'améliorer l'efficacité de l'OFPRA et de la CNDA, et ainsi de ramener les délais d'examen des demandes d'asile à des niveaux plus raisonnables ; mais il convient de ne pas réduire la possibilité pour un demandeur de faire valoir son droit à être protégé en France. Si le fonctionnement de notre système d'asile peut certainement être rendu plus efficace, il ne doit pas devenir expéditif pour autant. Ce sont ces deux impératifs d'efficacité et d'équité que le projet de loi s'efforce de concilier. Conformément aux directives européennes et parallèlement à l'aménagement des procédures, il donne ainsi aux demandeurs d'asile des garanties supplémentaires. Ainsi, à l'occasion de son entretien à l'OFPRA, le demandeur pourra être accompagné par un tiers – avocat ou représentant d'une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile – qui pourra formuler des observations à la fin de l'entretien. Autre évolution notable, le caractère suspensif du recours devant la CNDA sera généralisé. Cela vaudra en particulier pour la nouvelle procédure accélérée, alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui pour la procédure prioritaire.
La clarification de la position de l'OFPRA à l'égard du ministère de l'intérieur est également bienvenue. Son indépendance fonctionnelle, dans le cadre de l'exercice de ses missions, est déjà une réalité ; le projet de loi précise que l'office ne reçoit aucune instruction lorsqu'il statue sur une demande d'asile. L'article 10 permettra aussi de poursuivre la professionnalisation de la CNDA, en modifiant les conditions de nomination des deux personnalités qualifiées qui siègent dans ses formations collégiales. Le projet de loi précise que les assesseurs doivent être choisis pour leurs « compétences dans les domaines juridique ou géopolitique ».
Le troisième volet du texte dont nous sommes saisis pour avis – les articles 18 et 19 – tend à améliorer le contenu de la protection apportée aux bénéficiaires du droit d'asile.
Ces dispositions concernent tout d'abord la délivrance des titres de séjour. Conformément à la directive « qualification », le bénéficiaire de la protection subsidiaire se verra délivrer une carte de séjour temporaire de deux ans – au lieu d'un an – lors de son premier renouvellement. Les parents des mineurs sous protection internationale bénéficieront des mêmes droits au séjour que leur enfant.
Afin de permettre aux bénéficiaires du droit d'asile de se déplacer à l'étranger, le projet de loi codifie également la délivrance de documents de voyage spécifiques qui ne sont aujourd'hui mentionnés que dans le code général des impôts.
Le texte consacre par ailleurs le droit à la réunification familiale pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire. À la différence du regroupement familial, cette procédure particulière n'est pas soumise à des conditions de durée de séjour préalable, de ressources ou de logement : les personnes sous protection internationale se distinguent des autres étrangers admis au séjour en France par les raisons qui les ont contraints à fuir leur pays et qui les empêchent d'y mener une vie familiale normale.
Enfin, une disposition du projet de loi confère une base légale aux certificats médicaux demandés par l'OFPRA lorsqu'une protection internationale a été accordée à une mineure en raison d'un risque de mutilation génitale. Le risque peut en effet persister en France ; en cas de refus de transmettre un certificat médical, l'office pourra saisir le procureur de la République.
Au vu de ces observations, je donnerai un avis favorable à l'adoption des articles de ce projet de loi dont notre commission a été saisie pour avis.
Ce projet de loi très attendu – examiné au fond par la commission des lois et pour avis par notre commission et par celle des affaires sociales – reprend l'ensemble des directives européennes sur le droit d'asile et clarifie la position particulière de la France. En effet, chaque État applique les directives européennes en tenant compte de ses particularités, ce qui rend l'harmonisation européenne complexe. En témoigne la question récurrente des pays d'origine dits « sûrs » et « non sûrs », dont la liste fluctue en permanence.
Le projet de loi propose des solutions efficaces pour assurer dans des délais raisonnables l'instruction des demandes d'asile tout en traitant le stock de dossiers qui se sont accumulés au fil des années à cause de la lenteur des procédures. Les moyens humains et financiers accrus dont la loi de finances pour 2015 dote l'OFPRA et la CNDA faciliteront ce travail. Pourtant, la rapidité de l'instruction ne doit pas faire oublier le besoin de protéger les demandeurs d'asile, et le projet de loi semble offrir toutes les garanties de droit nécessaires en cette matière. Ainsi, il consacre l'indépendance de l'OFPRA, ainsi que la professionnalisation à la fois de l'office et de la CNDA. Enfin, le texte aborde la question souvent problématique des titres de séjour, la durée proposée étant équivalente à celle qu'offrent la plupart de nos voisins européens.
Reste à débattre de deux questions. Le nombre de places dans les CADA doit être augmenté pour assurer à terme 50 % des besoins, les hébergements d'urgence devant pourvoir aux 50 % restants. Il faut enfin assurer une protection particulière aux mineurs qui ne sauraient être séparés de leurs parents ; la réunification familiale est reconnue par le droit international, que nous devons respecter.
Le groupe SRC se prononcera pour un avis favorable à l'adoption de ce texte et restera attentif aux amendements déposés en commission et en séance.
Le groupe UMP estime que ce texte n'est vraiment pas à la hauteur de l'enjeu. En 2003, lors de l'adoption de la loi Villepin – dernière loi de fond sur l'asile –, la gauche nous expliquait qu'il eût été scandaleux de voir ce texte relever du ministère de l'intérieur et qu'il fallait à tout prix qu'il relevât du ministère des affaires étrangères, ce qui était le cas. Dix ans plus tard, vous faites exactement ce que vous nous reprochiez d'envisager, et que nous n'avions pas fait, puisque, même si l'OFPRA est censé être totalement indépendant, le présent projet de loi émane du ministère de l'intérieur ! Je tiens à vous faire remarquer cette petite révolution idéologique.
En matière d'immigration, l'échec est aujourd'hui flagrant. En tant que président de la commission « Immigration, réfugiés, apatrides » de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je ne peux que constater que l'Europe ne contrôle plus ses frontières ; pas plus que Malte, la Grèce ni la Turquie ne maîtrisent leur immigration. Face à cette explosion qui ne fera que s'amplifier – toutes les ONG nous alertent sur ce problème –, les moyens européens tels que FRONTEX se montrent défaillants. Renforcer ce dispositif devrait être la priorité de tout gouvernement : désormais, protéger la frontière turque, grecque ou maltaise, c'est protéger la frontière française.
En matière d'asile, l'uniformisation à l'échelle européenne devrait concerner non seulement les procédures, mais également les droits, la France étant l'un des pays les plus généreux avec les demandeurs dont le dossier est en cours d'instruction. À nos yeux, l'espace Schengen – en partie responsable de cet échec – doit être réformé.
Toute réforme du droit d'asile devrait commencer par renforcer les moyens de l'OFPRA dont nous connaissons tous la lenteur de traitement des dossiers. Le projet de loi revoit également la procédure contentieuse et généralise le caractère suspensif du recours devant la CNDA. Sur ce point, nous avons un désaccord fondamental, car ces changements impliquent qu'une personne déboutée à plusieurs reprises pourra faire de nouvelles demandes et former de nouveaux recours devant le juge sans jamais être reconduite dans son pays d'origine.
Cela constitue un signal d'encouragement aux filières d'immigration clandestine. Il est nécessaire de faire évoluer le droit pour qu'une décision de rejet de la demande d'asile vaille obligation de quitter le territoire.
À ce propos, je n'ai déposé qu'un seul amendement ; inspiré par l'exemple suisse et américain, il propose que tout demandeur qui ment dans le cadre de sa démarche soit obligatoirement débouté et privé du droit de déposer d'autres demandes. À défaut, les dossiers continueront à s'empiler au fil de procédures interminables. Comme nous tous, je suis attaché à la défense du droit d'asile, mais celui-ci devrait être réservé aux vrais demandeurs et non à ceux qui – en témoignent les agents de l'OFPRA – essaient d'en abuser.
Notre présence ici relève de la mascarade. Comme vous l'avez vous-même révélé dans votre rapport, ce projet de loi est en grande partie issu des directives européennes. Contrairement à ce qui vient d'être suggéré, celles-ci sont de plus en plus précises et contraignantes et laissent très peu de marge de manoeuvre aux États ; si nous ne les appliquons pas, nous subirons des sanctions. Dès lors que tout est déjà décidé, notre point de vue apparaît dérisoire.
Les fonctionnaires européens semblent de plus en plus déconnectés de la réalité : alors qu'ils élaborent ces mesures, enfermés dans leurs bureaux, à partir de statistiques, ils n'ont pas remarqué que la filière asile a connu ces dernières années en France une augmentation de 86 %. Or cette réforme qui a pour vocation de simplifier les procédures et d'en réduire les délais instaure en même temps des outils – tels que la systématisation du regroupement familial ou l'allongement de la durée de la carte de séjour à deux ans – qui renforceront l'attractivité de cette filière.
Partant, vous aurez beau améliorer l'efficacité de l'OFPRA, vous ne ferez que remplir le tonneau de Danaïdes : le nombre de demandes continuera à exploser, il faudra à nouveau relever les crédits de la mission et on se retrouvera d'ici à quelques années avec le même problème d'encombrement des services de l'office. En effet, comme l'a relevé M. Mariani, nous ne sommes plus maîtres de nos frontières et vu l'instabilité géopolitique du monde, les malheureux des pays concernés seront de plus en plus nombreux à vouloir taper à nos portes pour bénéficier de la générosité française. Voilà pourquoi je m'opposerai à ce projet de loi, si tant est que nous ayons encore notre mot à dire.
Si du point de vue du droit, on peut comprendre la volonté d'uniformisation à l'échelle européenne, on ne peut que s'interroger au vu des disparités économiques, sociales et géographiques entre différents États membres : certains pays comme Malte ou Chypre sont confrontés à des difficultés du fait de leur position sur la carte ; quant à la France, elle reçoit beaucoup de demandes d'asile de la part de ressortissants de pays francophones. L'harmonisation du droit d'asile est-elle réaliste ?
Le Gouvernement reconnaît qu'il existe des recours abusifs à la procédure d'asile. Pouvez-vous expliciter ce point ? Comme M. Mariani, je trouverais étonnant que l'on accorde satisfaction à des personnes qui mentent pour essayer d'entrer en France et de s'y installer alors qu'elles ne sont pas persécutées dans leur pays d'origine.
La convention de Genève a été introduite à un moment historique particulier : au sortir de la guerre, elle visait à répondre aux persécutions qui avaient marqué l'Europe. Mais est-elle toujours adaptée aux flux migratoires d'aujourd'hui ? Les migrations déclenchées par des déstabilisations et des guerres civiles ne relèvent pas d'un cadre individuel, mais d'un destin collectif de peuples. Cet outil me paraît totalement inadapté à de telles situations.
Je partage le jugement de Jacques Myard et de Thierry Mariani. Je ne me demande même pas si ce projet de loi est à la hauteur : il est juste à côté de la plaque ! L'urgence aujourd'hui n'est pas de renforcer les droits du demandeur d'asile, mais de protéger l'Europe face à une immigration de peuplement qui n'en est qu'à ses débuts. L'Afrique, qui n'a pas encore connu la transition démographique, se dirige vers une explosion du nombre d'habitants. Les jeunes de quinze à vingt-cinq ans qui ne trouvent pas de travail y sont plus de 500 millions, soit l'équivalent de la totalité de la population européenne. Pour saisir l'échelle des flux migratoires qui nous attendent, pensez que si 10 % de ces jeunes partent chercher un emploi en Europe, cela équivaudra à la migration d'un pays aussi grand que la France ! Nous allons donc au-devant de problèmes considérables.
Les hauts responsables et fonctionnaires grecs que j'ai rencontrés la semaine dernière lors d'une réunion consacrée à l'immigration, à Athènes, avouent ne pas contrôler les 15 000 kilomètres de frontière maritime de la Grèce, et moins encore la frontière terrestre avec la Turquie. Les directives européennes à transposer dans le droit français devraient mettre en place une solidarité entre les pays de transit et les pays destinataires de cette immigration, et harmoniser les modalités d'accueil et de renvoi de ces demandeurs d'asile non pas politique, mais économique. Plutôt que de renforcer les droits de ces personnes ou d'augmenter les moyens de l'OFPRA, il faut coordonner la surveillance des frontières grâce à FRONTEX, poser la question de la survie ou non du système Schengen, réformer les conditions d'accès des demandeurs d'asile aux prestations sociales et surtout – point fondamental pour la France – organiser le renvoi des déboutés. À défaut, les délais d'instruction des dossiers permettent à quantité de gens de s'installer en France, d'y rester alors même que leur demande a été rejetée, puis de procéder à des regroupements familiaux. C'est ainsi que le nombre d'immigrés qui finissent par être régularisés ne cesse de croître.
Ne confondons pas le projet de loi sur les droits des étrangers et celui sur la réforme de l'asile, qui visent des populations différentes. Les demandeurs d'asile sont exposés à des risques graves dans leur pays et doivent à ce titre bénéficier d'une protection internationale.
Dans certains cas, on essaie en effet d'obtenir l'asile pour émigrer, mais la nouvelle procédure accélérée réduira le temps de présence du demandeur dans notre pays. Si manifestement la demande est infondée, le demandeur sera débouté. Environ 18 % des demandeurs obtiennent aujourd'hui le statut de réfugié.
La loi en tient compte dans la mesure où elle cherche à améliorer l'efficacité des procédures. Plus on reste longtemps sur le territoire en attendant une décision sur la demande d'asile, plus le retour est difficile ; il faut donc traiter très rapidement les cas jugés infondés et faire en sorte que les personnes concernées puissent retourner dans leur pays d'origine. C'est dans le cadre de la future loi sur l'immigration qu'il faudra trouver une solution à ce problème.
Le projet de loi sur les droits des étrangers en France devrait être examiné en 2015, et le texte est déjà en distribution. Les demandeurs d'asile déboutés relèvent du droit commun des étrangers ; cette future loi représente donc le véhicule approprié.
Je ne suis pas persuadée que le dispositif français soit le plus généreux d'Europe, mais les conditions d'accueil sont effectivement différentes selon les pays et doivent évidemment faire l'objet d'une harmonisation à l'échelle de l'Union Européenne.
Le bureau européen qui a été créé il y a quatre ans devrait prendre plus de poids et promouvoir la solidarité en Europe.
Madame Maréchal-Le Pen, vous dites qu'il s'agit d'une mascarade puisqu'on ne fait qu'appliquer des directives européennes ; en tant que membre de l'Union Européenne, la France a en effet délégué certaines compétences et est tenue de transposer ces directives dans son droit. On ne peut contester ce principe que si l'on veut quitter l'Union Européenne, ce qui n'est pas notre cas.
J'évoquerai la réunification familiale dans le débat sur les amendements.
La base de données Eurodac permet une amélioration, même si ce n'est sans doute pas suffisant en ce qui concerne les frontières.
Je veux enfin rappeler que la protection internationale constitue un droit qui doit être respecté : toute personne fuyant les persécutions doit pouvoir trouver un pays qui la reçoive et lui donne la possibilité de vivre librement sans avoir à craindre pour sa vie.
Monsieur Mariani, c'est effectivement lorsque M. Sarkozy était Président de la République que les compétences en matière de visas et de droit d'asile ont été transférées du ministère des affaires étrangères vers celui de l'intérieur.
Monsieur Lellouche, en 2012, un peu plus de 24 000 dossiers de demandes d'asile – à distinguer de l'immigration – concernaient les ressortissants européens, contre 21 000 pour les personnes originaires d'Afrique. L'Asie – notamment le Bengladesh – monte en puissance avec 13 000 dossiers. Contrairement à une idée reçue, ce n'est donc pas d'Afrique que viennent la plupart des demandeurs d'asile. Pour ce continent, les demandes ont augmenté depuis qu'il y existe des foyers d'instabilité, ce qui prouve le lien entre ces demandes et les situations de guerre ou de persécution.
Quant aux abus – notre rapporteure a rappelé le faible taux d'acceptation des demandes d'asile – le projet de loi donne à l'OFPRA la possibilité de prendre des décisions d'irrecevabilité et de clore certains dossiers.
Nous sommes tous ici, par définition, des républicains. La France a toujours été une terre d'asile et personne ne conteste l'idée d'accueillir des réfugiés menacés de mort dans leur pays.
Cependant, nous n'avons plus affaire à l'arrivée périodique de personnes fuyant un pays en guerre – jadis l'Espagne ou actuellement certaines régions d'Ukraine –, mais à une immigration de masse. Les chiffres explosent : la Grèce arrête chaque année 150 000 personnes qui arrivent par la Turquie ou par la mer en provenance d'Afrique et d'Asie. Incapable de traiter leur cas, ce pays de transit les garde quelque temps, puis les fait entrer dans l'espace Schengen. Des familles entières arrivent par train de Vintimille à Menton après avoir pénétré en Italie par la Sicile ou par Lampedusa. Ces réfugiés sont avant tout économiques et cherchent à s'installer dans un endroit où ils auront un avenir. On ne peut pas réellement distinguer le droit d'asile et l'immigration car la plupart des demandeurs d'asile, déboutés, deviennent ensuite des immigrés.
Ce texte nous invite à renforcer les moyens de l'OFPRA et à faciliter les recours ; mais pour la stabilité de l'Europe et de ses systèmes démocratiques, il est au moins aussi important de contrôler efficacement nos frontières extérieures et d'harmoniser les politiques entre les pays de transit et les pays destinataires. À Calais, la France joue ainsi le rôle de garde-frontière de la Grande-Bretagne, mais l'Italie ne fait pas ce travail à Menton, ni la Grèce à Athènes.
Face à l'urgence et à la pression que cette immigration non contrôlée et non choisie fait peser sur les démocraties européennes, ce texte me paraît en effet inadapté. Dans ma circonscription au centre de Paris, tous les hôtels trois étoiles servent aujourd'hui d'hébergement d'urgence, et les personnes qui en bénéficient restent sur le sol français. Elles ont accès à l'école et aux minima sociaux, elles bénéficient du regroupement familial ; c'est ainsi, insensiblement, que le nombre d'immigrés en France augmente de 200 000 à 250 000 par an. Jusqu'à quel point cette augmentation sera-t-elle tolérable pour la société ? Si je ne soulève pas, en républicain, ce type de questions dans une réunion de députés, qui le fera ?
Monsieur Lellouche, vous soulevez un vrai problème : celui de l'immigration irrégulière qui fait peser sur notre société des contraintes parfois ingérables en matière d'hébergement et de scolarisation, et qu'il faut absolument maîtriser. Cependant, le texte que nous examinons aujourd'hui porte sur l'amélioration des procédures qui concernent les demandes d'asile – dispositif auquel, vous l'avez dit, tous les républicains sont attachés. Il est parfaitement légitime de s'interroger dans le débat public sur l'articulation entre une loi sur l'asile et une loi sur l'immigration qui devrait traiter le cas des demandeurs déboutés ; mais concentrons-nous pour l'heure sur le texte en discussion.
Nous avons beau débattre, la population française ne comprend pas la différence entre immigration et droit d'asile. Nous nous trouvons dans une situation d'amalgame extrêmement grave et il serait naïf de croire qu'un droit d'asile parfaitement réglementé résoudrait toutes les difficultés. La société française fait face à un problème bien plus grave, dont nous restons malheureusement inconscients.
Il y a quinze jours, à l'occasion de la commission élargie sur l'immigration – à laquelle n'a assisté aucun représentant du ministère des affaires étrangères –, j'ai fait remarquer que nous regardions le problème par le petit bout de la lorgnette. En 2050, l'Afrique comptera deux milliards d'habitants ; dans les quinze ans à venir, la population du Mali et du Niger doublera ; chaque année, 330 000 habitants de l'Afrique subsaharienne arrivent sur le marché du travail. Le débat en commission élargie – qui s'est concentré sur la situation immédiate sans l'inscrire dans l'évolution démographique mondiale – est passé totalement à côté de l'enjeu posé par ces chiffres. À défaut d'une véritable réflexion sur cette question, nous serons très rapidement dépassés par la réalité.
Je considère moi aussi que nous avons trop longtemps esquivé le problème de l'immigration irrégulière et de la maîtrise des mouvements de population. Il est légitime, dans un débat intellectuel et politique, de souligner les liens entre différents enjeux sur lesquels il faudrait attirer le regard du Gouvernement. Cela étant, ne faisons pas peser sur les demandeurs d'asile – qui ont droit à une protection en France – les conséquences de cette situation.
Il est urgent de se pencher sur ces questions. Ceux qui pénètrent dans les enclaves espagnoles ou qui débarquent à Lampedusa sont rarement menacés de mort dans leur pays d'origine. Qu'ils prennent le risque de se faire tuer ou de se noyer prouve que les situations qu'ils fuient sont gravissimes, et on ne peut pas continuer à fermer les yeux sur cette réalité.
Je pense également qu'on ne peut pas considérer ce type de problèmes à travers un prisme franco-français ; il faut élargir notre regard.
La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi dont elle est saisie pour avis.
Article 2
La Commission commence par examiner l'amendement AE1 de M. Thierry Mariani.
Cet amendement, le seul que nous ayons déposé, nous semble capital. Tout le monde sait que la procédure d'asile permet parfois à des personnes sans aucune motivation politique de faire traîner en longueur leurs demandes au point qu'il devient impossible, de fait, de les expulser. Toute personne qui ment pendant la procédure doit – comme la loi suisse et la loi américaine le prévoient – être d'office déboutée, sans avoir le droit de renouveler sa demande. En effet, une fois que la première version des faits exposée par le demandeur a été jugée irrecevable, il passe à une autre version, ce qui explique les délais de traitement des dossiers. Ce type de comportement est inadmissible.
Avis défavorable. Pour commencer, cet amendement est mal placé ; si vous voulez le représenter, il faudrait le situer ailleurs.
Par ailleurs, votre amendement est en partie satisfait, même si vous proposez d'aller plus loin. L'article 7 prévoit déjà qu'en cas de présomption de fraude, l'OFPRA statue en procédure accélérée. Ensuite, si le demandeur introduit une demande de réexamen, l'office examine la recevabilité des faits ou éléments nouveaux.
Proposer au demandeur qui a menti d'apporter des faits nouveaux lui permet d'essayer de se rattraper. La Suisse – qui n'a rien d'un État fasciste – prévoit que lorsqu'on ment de façon effrontée, on n'a plus de nouveaux éléments à apporter : la procédure est close. Il serait symbolique d'acter dans la loi que le fait de mentir et de changer de version vaut rejet automatique.
Lorsque le demandeur fait des déclarations incohérentes et contradictoires, manifestement fausses, l'OFPRA statuera en procédure accélérée.
Dans certains cas, l'OFPRA aura la possibilité de clôturer le dossier. Si la CNDA est saisie, elle déboutera évidemment le demandeur en cas de mensonge.
La possibilité ne vaut pas automaticité. Les personnes qui travaillent à l'OFPRA, souvent très altruistes, veulent toujours laisser une nouvelle chance aux demandeurs d'asile. La loi doit parfois venir au secours de la générosité pour l'encadrer.
Ce n'est pas tout à fait exact puisque le taux d'admission de l'OFPRA est inférieur à celui de la CNDA.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 sans modification.
Article 3
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 sans modification.
Article 4
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 sans modification.
Article 5
La Commission examine l'amendement AE6 de la rapporteure pour avis.
L'amendement précise que l'OFPRA reconnaît le statut d'apatride et y met fin. Il s'agit de reprendre dans la partie législative du code une disposition qui figure déjà dans sa partie réglementaire.
La Commission adopte l'amendement.
Elle passe à l'amendement AE4 de la rapporteure pour avis.
Le projet de loi prévoit que l'office ne reçoit aucune instruction dans l'exécution de ses missions ; l'amendement précise qu'il agit en toute impartialité.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 modifié.
Article 6
La Commission est saisie de l'amendement AE5 de la rapporteure pour avis.
Il s'agit de renforcer le contrôle parlementaire de l'OFPRA en portant de deux à quatre le nombre de députés et sénateurs siégeant au conseil d'administration de l'office, dans le respect du principe de parité entre les hommes et les femmes.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AE7 de la rapporteure pour avis.
L'amendement vise à porter de trois à quatre le nombre des personnalités qualifiées qui assistent au conseil d'administration de l'OFPRA pour y contribuer notamment à l'établissement de la liste des pays d'origine sûrs.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 6 modifié.
Article 7
La Commission examine l'amendement AE9 de la rapporteure pour avis.
Je propose de remplacer, à propos de la langue dans laquelle est entendu le demandeur d'asile à l'occasion de son entretien à l'OFPRA, les mots : « qu'il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement » par les mots : « dont il a une connaissance suffisante », cette dernière expression – reconnue dans le droit positif – paraissant plus claire.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AE8 de la rapporteure pour avis.
Le projet de loi permet au demandeur d'asile de se faire accompagner à son entretien à l'OFPRA par un tiers : un avocat ou un représentant d'une association de défense des droits des étrangers. Il convient de prévoir que ce tiers peut également être un représentant d'une association de défense des droits de l'homme.
Est-ce bien le rôle de la loi d'entrer dans de telles précisions ? « Association de défense des droits des étrangers » me semble être une expression assez générique.
La notion de défense des « droits des étrangers » me paraît justement bien plus spécifique que celle de défense des « droits de l'homme ».
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AE10 de la rapporteure pour avis.
Le texte prévoit que l'office peut prendre une décision d'irrecevabilité lorsque le demandeur bénéficie d'une protection au titre de l'asile dans un autre État membre de l'Union Européenne ; suivant la jurisprudence du Conseil d'État – dans un arrêt du 13 novembre 2013 –, je souhaite préciser qu'il doit s'agir d'une protection « effective ».
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AE11 de la rapporteure pour avis.
Lorsque le demandeur n'a pas introduit sa demande dans les délais impartis, l'OFPRA peut décider de clore son dossier. Cet amendement prévoit que la décision ne doit intervenir qu'en l'absence de raison valable, car les personnes vulnérables peuvent parfois manquer le délai – par exemple à cause d'une maladie.
Le souci de précision et d'humanisme est louable, mais si, à chaque fois que l'on instaure un droit, on prévoit des dérogations, on multiplie les usines à gaz au sein d'un système déjà submergé. Cela ne paraît pas raisonnable.
Le demandeur bénéficie déjà d'un délai de cinq mois, que l'on allongera encore si l'on prévoit des circonstances exceptionnelles. On sait pourtant comment les choses se passent : le demandeur explique être en attente d'éléments nouveaux en provenance du pays d'origine et le dossier traîne, ce qui donne un prétexte pour rester sur le territoire.
Le délai n'est pas de cinq mois, mais de quatre-vingt-dix jours et il peut arriver – les associations en témoignent – que le demandeur dépose sa demande tardivement pour des raisons tout à fait valables. Nous demandons simplement que le bien-fondé du retard puisse être pris en considération.
L'expression « sans raison valable » s'applique déjà à la deuxième partie de l'alinéa : « ne s'est pas présenté à l'entretien à l'office » ; il s'agit simplement de l'étendre au début de la phrase : « n'a pas introduit sa demande à l'office dans les délais impartis ».
Thierry Mariani a raison de pointer la difficulté de constitution de certains dossiers : dans certains pays, obtenir un extrait d'acte de naissance ou d'autres documents relève du défi. Il serait anormal que le demandeur d'asile soit débouté pour des raisons qui ne lui appartiennent pas.
Lorsque l'on a affaire à des pays en guerre, les actes d'état civil peuvent arriver au bout d'un ou deux ans, voire jamais. La procédure sera alors sans fin.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine alors l'amendement AE12 de la rapporteure pour avis.
Le projet de loi permet à l'OFPRA de clore le dossier si le demandeur a quitté sans autorisation son lieu d'hébergement. L'amendement supprime ce lien peu justifié entre le respect des conditions matérielles d'accueil et l'examen au fond de la demande d'asile.
La Commission adopte l'amendement.
Elle aborde enfin l'amendement AE13 de la rapporteure pour avis.
L'article 7 prévoit que le statut de réfugié peut être refusé, dans le cadre d'une demande de réexamen, si le demandeur se prévaut d'un risque de persécutions fondé sur des circonstances qu'il a créées de son propre fait. L'amendement précise qu'il s'agit de circonstances qu'il a créées sciemment dans le cadre de sa demande d'asile.
Comment peut-on créer ce type de circonstances inconsciemment ? Quel type de comportement visez-vous ?
Un demandeur d'asile qui milite en France pour une association de défense des droits de l'homme condamnée dans son pays d'origine peut s'exposer à des poursuites sans l'avoir prévu. On peut se demander, en revanche, si quelqu'un qui arrive en France et se met subitement à brûler le drapeau de son pays d'origine, alors qu'il n'avait jamais milité dans ce pays , ne le fait pas sciemment afin de créer les conditions de persécution qui empêcheraient son retour. Des personnes qui profitent de la liberté qu'offre la France pour militer dans des associations – par conviction, et non pour obtenir le statut de réfugié – relèvent d'un cas différent.
Cette précision viserait-elle le chef des Femen ? Inna Chevtchenko – qui bénéficie de l'asile politique que l'on a refusé à Edward Snowden – a déclaré être venue en France par choix stratégique, car elle avait besoin d'un pays d'accueil pour développer son mouvement.
Il faut qu'il y ait une certaine continuité. Par exemple, une personne qui vient en France parce qu'elle est persécutée pour son orientation sexuelle et qui milite dans une association de défense des homosexuels ne crée pas sciemment, pour favoriser sa demande d'asile, les conditions qui l'empêchent de rentrer dans son pays d'origine. En revanche, arriver en France et brûler, pour favoriser sa demande d'asile, le drapeau de la Fédération russe, alors que l'on n'a jamais milité dans son pays, peut constituer une condition de refus.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 7 modifié.
Compte tenu de l'heure, nous poursuivrons l'examen des articles cet après-midi à seize heures quarante-cinq.
La séance est levée à onze heures cinquante.