La réunion

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La séance est ouverte à onze heures cinq.

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Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport sur les suites données à l'évaluation de la médecine scolaire, réalisée à la fin de la précédente législature et présentée au Comité le 17 novembre dernier. Ce rapport de suivi a été préparé par Mme Martine Pinville, co-auteure du rapport initial, et par M. Xavier Breton, qui a remplacé M. Gérard Gaudron.

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Mes chers collègues, je voudrais d'abord vous convaincre de l'importance de ce sujet. Alors qu'il nous semblait au départ bien circonscrit, Gérard Gaudron et moi-même nous sommes progressivement aperçus qu'il obligeait à aborder toutes les questions relatives à la santé de notre jeunesse : par exemple la prévention et le traitement des addictions ou encore des troubles du comportement. Il est donc de notre devoir et de notre intérêt à tous de le traiter sérieusement, même si la tâche n'est pas si aisée, en raison de la nature interministérielle de la matière.

Dans notre rapport initial, nous avons constaté une crise profonde de la médecine scolaire, la faiblesse des effectifs empêchant de suivre la santé des enfants comme il conviendrait. Nous avons donc préconisé des mesures d'urgence en faveur de ces professionnels et, au-delà, appelé à arrêter des orientations plus claires pour la politique de santé à l'école. Le présent rapport vise à rendre compte des mesures d'urgence prises, mais il évoque également les évolutions législatives possibles. La concertation sur la refondation de l'école de la République a certes été l'occasion d'aborder ce thème de la santé scolaire, notamment à propos de l'accueil du handicap à l'école, mais on ne saurait trop insister sur la nécessité d'un suivi et, comme je l'ai dit, de dispositions législatives. Nos enfants ont en effet besoin d'une organisation et d'un environnement scolaire qui favorisent la transmission du savoir, qui les mettent tous dans les meilleures conditions pour apprendre et assimiler.

Pour nous, adultes, la médecine scolaire évoque la visite médicale du CP, qui permettait de prendre une photographie de l'état général de l'enfant : on le pesait, on évaluait sa vision… Il faut aujourd'hui aller au-delà. D'ores et déjà d'ailleurs, la santé à l'école recouvre de nouveaux domaines, par exemple la lutte contre les addictions – prévention et traitement – ou l'éducation sexuelle. Il faut amplifier ce mouvement et, en particulier, développer l'éducation à la santé dès le niveau du collège. Sachant qu'elle accueille tous les enfants jusqu'à l'âge de 15 ou 16 ans, l'école est le lieu par excellence à partir duquel peuvent se mettre en place des politiques de santé publique. Prenons par exemple la détection des troubles de l'apprentissage et du langage : si elle ne se fait pas précocement dès l'école primaire, les enfants atteints de dyslexie ou de dyscalculie vont avoir des difficultés à poursuivre leurs études sans qu'on se préoccupe d'en déterminer la cause, puis auront du mal à s'insérer, ce qui affectera la société tout entière. Prendre le problème à temps n'aura sans doute pas toujours des effets immédiats mais, à long terme, cette prévention sera pour tous un facteur de mieux-être. Certaines structures sont déjà en place, tel le Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté dans les collèges : il faut les renforcer et préciser les objectifs à leur assigner.

Ayons donc conscience que, par la médecine scolaire et par un effort de prévention, nous pouvons préparer les enfants à devenir des adultes mieux insérés dans la société !

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Je tiens tout d'abord à rendre hommage au travail accompli par mon prédécesseur, Gérard Gaudron.

Le second volet du rapport de suivi s'attache à définir les conditions auxquelles doit satisfaire une politique de santé à l'école pour être véritablement opérationnelle, ce à partir des préconisations formulées dans le rapport initial du CEC, rédigé par Martine Pinville et par Gérard Gaudron.

Les conclusions de ce rapport ont convaincu le Gouvernement d'engager, au cours de l'année 2012, une rénovation du statut des professionnels de santé concernés, ce dont nous pouvons nous féliciter. Auparavant, le constat établi par la Cour des comptes avait favorisé une appréciation objective des difficultés dont souffre la médecine scolaire, au premier rang desquelles, précisément, le manque d'attractivité des carrières proposées, qui explique le manque de vocations.

Les chiffres fournis au mois d'août dernier par le ministère de l'Éducation nationale montrent que la baisse du nombre de personnels qualifiés, relevée dans le rapport initial, s'est poursuivie entre 2010 et février 2012. En ce qui concerne les médecins scolaires, les plus touchés, les départs vers d'autres professions ont été en constante augmentation et ont annulé à eux seuls l'effet des recrutements, sans même tenir compte des départs à la retraite, en nombre bien supérieur. Et si l'effectif des infirmiers s'est en revanche accru, il demeure en deçà du nombre souhaité par le Gouvernement, également du fait de l'insuffisance de candidats.

À la suite du rapport du CEC, le Gouvernement a donc engagé à partir du mois de janvier 2012 des discussions pour une rénovation du statut des professionnels de santé du ministère de l'Éducation nationale. Les personnels infirmiers souhaitaient être reclassés dans un corps de fonctionnaire de catégorie A, comme l'avaient été leurs collègues de la fonction publique hospitalière après que le niveau de la licence eut été attribué aux titulaires du diplôme d'État d'infirmier : l'intégration de l'ensemble des corps infirmiers de l'État dans la catégorie A a été décidée par voie de décret le 9 mai 2012.

Pour les médecins scolaires, les discussions ont été plus longues dans la mesure où il fallait définir un dispositif adapté à la diversité des postes à responsabilité proposés en fin de carrière. L'économie générale du nouveau statut, défini par décret le 20 juillet 2012, met l'accent sur le début de carrière afin d'élargir le vivier des médecins susceptibles de rejoindre l'Éducation nationale. Les personnels déjà en poste bénéficient d'un reclassement dans la nouvelle grille indiciaire à l'échelon correspondant à l'indice immédiatement supérieur à leur indice actuel. Cependant, les personnels qui sont parvenus au sommet de la grille indiciaire de leur catégorie voient leurs perspectives salariales s'améliorer à moyen terme, du fait de l'allongement de la carrière et de la création de nouveaux échelons.

L'ensemble de ces mesures a rendu confiance aux personnels en améliorant leurs conditions de travail – nous en avons recueilli des témoignages. Cependant, au-delà de la question immédiate des rémunérations, les intéressés attendent que soit également abordée celle de leurs missions. La profession de médecin scolaire est insuffisamment reconnue, y compris parmi les professionnels de santé, car la politique de santé à l'école à laquelle ils participent est insuffisamment lisible.

En ce qui concerne les corps des professionnels de santé du ministère de l'Éducation nationale, nous souhaitons, comme cela a été indiqué dans le rapport initial, qu'ils aient davantage accès à la mobilité interministérielle et qu'ils soient inclus dans le mouvement de regroupement qui a permis de réduire le nombre des corps de la fonction publique de 700 à 333 au cours de ces cinq dernières années.

Il est d'autre part souhaitable que la politique de santé à l'école s'appuie sur des structures plus visibles, que ce soit au niveau local, à l'échelle régionale ou au niveau interministériel.

Nous recommandons ainsi d'introduire dans les établissements scolaires la notion de « parcours de santé de l'élève », regroupant toutes les actions susceptibles d'être menées, à cette échelle, dans le cadre de la politique de santé à l'école : bilans infirmiers, consultations médicales, avis portés par les psychologues scolaires, adaptations réalisées dans le cadre d'un projet d'accueil individualisé (PAI) ou d'un projet personnalisé de scolarisation (PPS), aides sociales... De même que notre système de santé cherche à s'appuyer sur un parcours de soins diversifié, variable selon la gravité de la pathologie, ce parcours de santé à l'école devrait assurer à l'élève une réponse aux questions de santé qui se posent à lui, adaptée et graduée en fonction de son âge et de ses besoins. Il s'agirait de recentrer la politique de santé à l'école sur la personne de l'élève en mettant l'accent sur les interactions à établir, au niveau de l'établissement, entre les différents éléments de cette politique, au travers des prestations individuelles et collectives prévues par le code de l'éducation.

Nous souhaitons également que la prévention en faveur des enfants et des adolescents soit mieux articulée avec le système de santé local, afin qu'il y ait un lien plus effectif entre les examens de dépistage et l'accès aux soins. Pour ce faire, il convient de renforcer les fonctions d'expertise et de médiation médicales à l'échelle d'un groupe d'établissements scolaires constitué au sein d'un même bassin d'éducation. Les bassins d'éducation devraient ainsi devenir un lieu d'animation et d'évaluation de la politique de santé à l'école, ainsi que de coordination avec les autres acteurs de la prévention. Ils le sont parfois déjà dans certaines zones géographiques mais cette organisation mérite d'être généralisée.

Suivant les recommandations du CEC, le ministère de l'Éducation nationale a relancé la politique éducative de santé à l'échelon des académies, par le biais d'une instruction en date du 2 décembre 2011. Si nous nous félicitons de voir ainsi affirmé le caractère prioritaire de la politique régionale de santé, nous regrettons que les structures de pilotage préconisées dans le rapport du CEC, notamment pour la collecte et le traitement des données épidémiologiques régionales, n'aient pas encore été généralisées.

De même, nous regrettons que les structures de coordination interministérielle ne jouent pas leur rôle au niveau national, ce qui entraîne un découplage entre les orientations de la politique de santé publique et la politique conduite par le ministère de l'Éducation. Cette absence de coordination interministérielle est patente s'agissant de la définition des référentiels à prendre en compte pour les bilans de santé programmés à l'école. Sur ce point, le code de l'éducation doit être mis en conformité avec l'organisation des programmes de prévention sanitaire prévue par la loi de santé publique de 2004. Les acteurs sanitaires que nous avons rencontrés comprennent difficilement pourquoi la loi fixe de manière rigide, pour les visites médicales, des modalités dont la justification sur le plan sanitaire n'est pas toujours évidente aux yeux mêmes de la Haute autorité de santé, plutôt que de s'attacher à déterminer de manière précise les objectifs de santé publique poursuivis et d'identifier ensuite les démarches y contribuant le plus efficacement.

Les politiques de santé en faveur de la jeunesse ont une forte dimension éducative et préventive, et supposent une prise en charge de proximité. Au regard de ces deux critères, l'école a un rôle irremplaçable à jouer. Le rapport d'évaluation rendu public par le CEC en novembre dernier nous a permis de prendre conscience de la crise aiguë que traverse la médecine scolaire. En donnant le coup d'envoi à une réflexion collective sur l'avenir de la politique de santé à l'école, ce travail d'évaluation prolongé par le présent rapport de suivi vise à éclairer le législateur sur les choix qu'il aura à faire, le moment venu.

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Je regrette que nous soyons bien peu nombreux ce matin pour débattre d'un sujet d'une telle importance !

Les rapporteurs évaluent à 272 le nombre de postes de médecins scolaires devenus vacants depuis 2005, en raison d'un nombre trop faible de candidats au concours : une telle situation n'est pas acceptable. Mais pensez-vous que la revalorisation de leur statut suffira à surmonter cette crise des vocations ? Pour quelles raisons notre pays a-t-il tardé à actualiser son modèle de service de santé scolaire ?

La définition de la politique de santé à l'école devra s'accompagner d'un renforcement de la formation initiale dispensée aux enseignants et aux autres personnels du service public de l'éducation sur ces questions de santé : quel sera le format de cette formation ? Y aura-t-il une formation commune avec les médecins et infirmières ?

Enfin, le comité national de santé publique créé par la loi du 9 août 2004 n'ayant jamais été réuni, n'y aurait-il pas lieu de le dissoudre dans le cadre de la future loi de santé publique ?

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J'espère que ce rapport sera transmis à nos collègues des commissions des Affaires sociales et des Affaires culturelles et de l'éducation, afin qu'ils en tirent les conséquences concrètes.

Les sept objectifs prioritaires retenus dans la circulaire ministérielle de décembre 2011 sont plutôt pertinents, me semble-t-il. Ce texte est cependant trop centré sur les seuls personnels de santé alors qu'on gagnerait à une approche pluridisciplinaire : dans certains établissements de ma circonscription, on a ainsi réalisé un travail sur les questions d'estime de soi et de confiance en soi, travail qui a eu des effets bénéfiques sur certaines conduites dangereuses pour la santé, telles que la consommation de tabac ou d'alcool.

Les tableaux figurant dans le rapport illustrent éloquemment les difficultés rencontrées dans le recrutement des personnels de santé, particulièrement des médecins et des infirmiers. Mais l'organisation de la santé doit-elle reposer exclusivement sur ces deux catégories de professionnels ? Ne peut-on envisager de faire intervenir dans les établissements scolaires des personnels extérieurs à l'Éducation nationale, par exemple lorsqu'il s'agit de prévention des maladies sexuellement transmissibles ? Cela s'est pratiqué dans d'autres domaines, par exemple pour l'éveil à la culture, avec une efficacité prouvée.

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Il est toujours bon d'« appuyer là ça fait mal » et nos deux rapporteurs viennent opportunément nous rappeler que la situation de la médecine scolaire reste alarmante, en raison d'une faible attractivité de ces métiers. J'apprécie aussi la proposition, formulée par François de Rugy, d'ouvrir ce secteur à d'autres professionnels, venus d'autres horizons : même s'il n'est pas question, bien sûr, de nier le rôle éminent de l'Éducation nationale, on aurait tort d'y enfermer la médecine scolaire.

Dans quelle mesure peut-on enfin faire de la prévention un axe majeur de la politique de la santé à l'école ? La fonction de soigner revenant avant tout à la médecine de ville, la médecine scolaire ne devrait-elle pas être davantage tournée vers cette mission de prévention et d'éducation à la santé et à la nutrition ?

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Le défaut d'attractivité de la médecine scolaire constitue en effet un problème préoccupant. Nos auditions nous l'ont montré : plus encore que du niveau des rémunérations, la profession souffre d'être mal reconnue. Nous avons rencontré des médecins qui se donnent sans réserve à leur métier, mais qui se sentent tenus en marge et qui se plaignent de ne pas recevoir les moyens de travailler correctement – pas d'ordinateur portable, pas de bureau…

En début de carrière, un médecin scolaire touche un salaire inférieur à celui d'un interne de médecine, en dépit d'un niveau d'études supérieur ! Dans notre rapport initial, nous avions d'ailleurs suggéré la création d'un corps de médecins de prévention, qui pourrait regrouper ces médecins scolaires et les médecins de PMI – j'avais même pensé leur adjoindre les médecins du travail, mais la situation de ce secteur est trop différente, ne serait-ce qu'en raison de son mode de financement particulier. Il me semble qu'il vaudrait la peine de réfléchir à cette possibilité, qui serait de nature à favoriser la mobilité et à rendre plus attrayant l'exercice de la médecine scolaire.

Sans doute faut-il renforcer la prévention – qui existe mais sans se voir accorder l'importance qu'elle mérite. À l'école primaire et au collège, l'éducation à la citoyenneté doit faire une place à l'éducation à la santé conçue au sens large, c'est-à-dire incluant l'éducation à la sexualité ou à une nutrition saine, et même une action sur les comportements. On ne saurait en effet s'en tenir à la santé au sens strict, d'autant que nous avons constaté que le suivi médical est déjà assuré pour un certain nombre d'enfants, ce qui permettrait de passer à une approche préventive. Cela étant, ce n'est pas toujours le cas : l'insuffisance de médecins et le manque de moyens des établissements empêchent souvent la réalisation d'examens obligatoires, y compris celui du CP que l'on s'efforce pourtant de maintenir.

Quant à l'intervention de personnes extérieures, il me semble nécessaire de conserver la spécificité de la politique de santé à l'école, ciblée sur l'enfant et l'éducation, ce qui diffère d'une politique générale de santé publique. Les médecins et infirmiers scolaires dépendent du ministère de l'Éducation nationale, et nous pensons que le travail de prévention et d'épidémiologie doit être maintenu dans la sphère scolaire.

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Nous ne souhaitons pas que la prévention se substitue à la mission principale du service de médecine scolaire : nous la concevons comme un complément.

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Certes, madame Dubois, la revalorisation du statut n'est pas suffisante, mais elle est nécessaire. Cela dit, il est indéniable qu'il faut aussi une meilleure reconnaissance des professionnels et une clarification de leurs missions.

L'examen du projet de loi d'orientation et de programmation sur la refondation de l'école donnera l'occasion d'ajouter à la formation initiale des enseignants un volet consacré aux questions de santé. Il faudra ensuite déterminer selon quelles modalités il pourra être intégré au programme des futures Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ).

Le recours aux intervenants extérieurs se pratique déjà, mais sur des sujets tels que la santé, l'hygiène de vie ou les comportements, qui touchent à la vie intime, il importe de s'assurer de leur parfaite objectivité et de leurs compétences pour éviter toute démarche à caractère militant.

Je suis bien sûr favorable à une politique de prévention, mais les campagnes actuelles sont à mon goût trop souvent négatives : on se borne à mettre en garde contre des dangers ou des menaces, alors que l'éducation devrait aussi s'appuyer sur des messages positifs, mettant en avant les comportements bénéfiques pour la santé.

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Les jeunes rencontrent toutes sortes de problèmes – pathologies, addictions, dépression, anorexie, etc. – qui affectent directement leur scolarité, mais auxquels la médecine scolaire est incapable de répondre, en raison d'une insuffisante formation des médecins et des infirmières. C'est pourquoi il y a trois ans, en accord avec les établissements scolaires, nous avons ouvert dans ma ville un « Espace santé jeunes » au sein duquel les jeunes peuvent évoquer leurs difficultés avec des intervenants qualifiés.

Une réforme de la médecine scolaire doit prendre en compte toutes ces difficultés, dont beaucoup sont nouvelles et qui exigent de faire appel à de nouvelles compétences, venant le cas échéant de l'extérieur de l'éducation nationale.

Je suis frappé aussi de constater que les parents ont autant besoin d'aide que les jeunes. Bien souvent, ces parents ne découvrent les difficultés scolaires ou l'absentéisme de leur enfant adolescent que lorsque les professeurs les alertent, et ils apparaissent totalement démunis pour y faire face. Le médecin traitant ou le médecin scolaire ne pouvant les aider, ils n'ont d'autre solution que de venir à nos réunions d'information, afin d'apprendre à redevenir des intermédiaires entre leur enfant et l'école. Avez-vous perçu ce problème, et comment pensez-vous que les parents d'élèves pourraient être pris en compte dans une rénovation de la médecine scolaire ?

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Avant tout, je suis surpris de l'approche très corporatiste de ce rapport. Peut-être cela vient-il du cadre imposé à ce rapport de suivi mais ce qui me frappe surtout, c'est que, dans notre pays, des milliers d'enfants échappent aux visites médicales scolaires durant toute leur scolarité maternelle et élémentaire. Quelles qu'en soient les raisons, nous ne pouvons plus nous satisfaire de cette situation. Dès lors, la question qui peut se poser, c'est de savoir s'il faut laisser à la seule médecine scolaire le soin de faire de la prévention auprès des enfants…

En tant que maire, je m'étonne que le rapport ne mentionne à aucun moment les collectivités locales. C'est pourtant sur elles que reposent les moyens mis à la disposition de la médecine scolaire, même si cela ne figure dans aucun texte ! Mais, lorsqu'une commune décide de fournir un ordinateur au médecin scolaire ou d'aménager un local où il pourra recevoir les élèves, et qu'elle sollicite pour cela une participation des autres communes du bassin scolaire, celles-ci rechignent bien souvent à contribuer à cet investissement. C'est un frein à l'amélioration des conditions de travail des professionnels de santé, fréquemment réduits à exercer dans des locaux qui ont tout sauf l'apparence d'un cabinet médical.

Les médecins généralistes réalisent des examens pour autoriser ou non la pratique de tel ou tel sport. Pourquoi ne pas intégrer ces visites, qui sont obligatoires, dans le parcours de santé des enfants ? Quant à la création d'un corps de médecins dédiés à la prévention, je la trouve pour ma part très intéressante, d'autant que ces médecins travailleraient à des heures plus compatibles avec la vie familiale – puisqu'il faut bien tenir compte de la féminisation des professions médicales.

Enfin, les campagnes de visites médicales scolaires permettent de détecter des cas d'inceste. Compte tenu des conséquences pour l'enfant – conséquences qui ne peuvent que s'aggraver au fil du temps –, il est vital qu'aucun n'échappe à ces visites.

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La sédentarisation est un des fléaux qui affectent la santé des jeunes. On peut la décrire comme la combinaison d'une dépense énergétique insuffisante, d'une addiction aux écrans et d'une alimentation trop riche ou déséquilibrée.

Les enfants de 6 à 11 ans passent 45 % de leur temps de loisir devant un écran ; les adolescents de 15 à 24 ans passent en moyenne 5 heures 20 minutes par jour devant leur ordinateur ou devant la télévision ! Cette « culture des écrans » contribue à la surcharge pondérale : 15 ou 16 % des jeunes sont en surpoids ou souffrent d'obésité. Or nous savons que 80 % des enfants obèses le resteront à l'âge adulte.

Les médecins scolaires se sont-ils rapprochés de ceux qui, à un titre ou un autre, interviennent dans l'alimentation des élèves ou dans l'organisation de la pause méridienne, en particulier des professeurs d'éducation physique et sportive en vue de prescrire aux enfants en surpoids des activités physiques et sportives en dehors de l'école ou de développer le recours à la « mobilité douce » ? Puisque se prépare une nouvelle organisation du temps éducatif, ne peut-on envisager, dans ce cadre, de consacrer l'après-midi à des activités physiques, sportives et culturelles ?

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Les phénomènes de harcèlement, qui jusqu'ici concernaient presque exclusivement des adolescents, gagnent de plus en plus à l'école primaire. Or il est très difficile de détecter les enfants qui sont ainsi victimes de leurs camarades. Les enseignants n'y sont pas plus formés qu'au repérage des cas de dyslexie ou de dyscalculie ; en conséquence, il peut s'écouler des mois avant que l'enfant n'exprime lui-même sa souffrance. Mais les enseignants seront alors impuissants à l'aider, d'autant qu'ils n'ont plus la possibilité de recourir à des psychologues ou aux réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Existe-t-il un relais entre ces enseignants, les infirmières scolaires et au moins un interlocuteur médical formé à ces questions ?

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Je m'associe aux propos de François Brottes quant à la nécessité d'un partenariat avec les collectivités locales.

À quel ministère – Éducation nationale ou Santé – rattacher les médecins et infirmières scolaires ?

Vous dites, monsieur le rapporteur, vouloir éviter les démarches militantes d'intervenants extérieurs. Je ne comprends pas, ou plutôt je préfère ne pas comprendre... Il va de soi que ces intervenants, qui n'agiraient qu'en complément des personnels de santé, devraient eux-mêmes être des professionnels : il pourrait notamment s'agir de psychologues ou de psychiatres, seuls aptes à détecter certains troubles. L'effort devrait d'ailleurs porter spécialement sur les territoires qui en ont le plus besoin, sachant qu'il existe une corrélation très nette entre situation économique et sociale et situation sanitaire. Une politique uniforme serait une aberration.

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La MECSS, que je préside, a eu l'occasion de dénoncer les imperfections de la gouvernance de notre santé publique, et l'absence d'articulation entre les différents dispositifs comme de coordination entre les différentes autorités, ce qui nous a conduits à suggérer la création d'un délégué interministériel placé sous l'autorité du Premier ministre. Nous avons également appelé à une actualisation de la loi quinquennale de santé publique, qui énonce tant d'objectifs – plus de cent – qu'elle en devient contre-productive : nous devons désormais nous concentrer sur quelques priorités claires.

L'intervention du médecin scolaire ne suffit pas. Il faut tout un travail éducatif visant à modifier les comportements, en sorte d'en finir avec cette scandaleuse inégalité que constitue un écart d'espérance de vie de six ou sept ans entre nos concitoyens ; les dernières études internationales ont démontré que cette différence n'était pas liée uniquement aux conditions de travail mais, plus fondamentalement, à des inégalités culturelles qui prennent leur source, dès le plus jeune âge, dans le cursus éducatif.

Avec le concours de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), a été mis en place il y a quelques années, en particulier dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur mais également à Lille, un programme d'éducation sanitaire obligatoire. Destiné aux classes de CE2, CM1 et CM2, il fédérait personnels de médecine scolaire, enseignants, directeurs d'établissement, associations de parents d'élèves et collectivités territoriales. Les résultats de cette expérimentation ont été spectaculaires si l'on en juge par les résultats d'une évaluation, effectuée quelques années plus tard, en classe de troisième, et portant sur quatre points : tabagisme, alcoolisme, sédentarité et obésité. Par rapport à des classes témoins qui n'avaient pas bénéficié de ce programme, on a constaté un écart vertigineux des taux d'intoxication alcoolique et tabagique, un écart notable pour ce qui est des addictions et un écart de 15 à 20 % des cas de surcharge pondérale. En septembre 2013, grâce à un financement de la caisse primaire d'assurance maladie, ce programme sera étendu aux 25 écoles élémentaires de ma circonscription.

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Monsieur Brottes, vous nous reprochez une approche corporatiste, mais il faut bien voir que les problèmes d'effectifs et de moyens sont ici centraux. Nous avons pu constater des actions très positives ici ou là – dans les académies d'Aix-Marseille et de Lille, notamment –, mais les médecins et les infirmières scolaires sont si peu nombreux qu'ils parent au plus urgent. S'ils s'occupent par exemple de l'insertion scolaire des enfants handicapés ou organisent des visites médicales dans les lycées professionnels, ils sont contraints ensuite de délaisser d'autres points pourtant essentiels. Ainsi, alors qu'il y a consensus sur la nécessité de maintenir la visite en cours préparatoire, ce n'est pas toujours le cas dans la pratique. La création d'un corps de médecins de prévention serait la bienvenue, mais comment sera-t-elle possible sachant que, dans trois ou quatre ans, nous aurons encore perdu quelques centaines de médecins scolaires ? La situation oblige à des choix : ce n'est pas satisfaisant, mais c'est ainsi. On va au plus urgent, au « plus obligatoire », et il est clair qu'il en résulte de graves lacunes.

La lutte contre le harcèlement relève de l'éducation à la citoyenneté et non de la santé scolaire, seul objet de notre rapport. Quoi qu'il en soit, compte tenu de l'état d'urgence dans lequel elle se trouve, la médecine scolaire n'en a pas les moyens. Puisqu'on ne pourra tout faire, il importe de clarifier les objectifs. Mais cela pose notamment le problème délicat du pilotage interministériel…

La contribution des collectivités a en effet permis des expériences très intéressantes à Villeurbanne, à Montpellier, à Lyon, à Lille… Cette participation, qui peut aller au-delà de la mise à disposition de locaux, pose cependant un problème d'équité territoriale, toutes les collectivités n'agissant pas de même. Il faut que les enfants bénéficient partout de la même prise en charge.

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Si notre approche est quelque peu corporatiste ou si nous avons négligé le rôle des collectivités, monsieur Brottes, c'est que ce rapport est un rapport de suivi, dont l'objet est de présenter ce qui a été réalisé au cours de l'année précédente. Or il s'est essentiellement agi d'évolutions statutaires. Cela étant, il vaudrait effectivement la peine de s'intéresser à la « territorialisation » de la médecine scolaire, en lien à la fois avec l'Éducation nationale et avec les collectivités.

Monsieur Juanico, la pratique du sport nous renvoie à l'articulation entre les diverses politiques de santé publique et la politique de santé scolaire. Dans le même ordre d'idées, je serais enclin pour ma part à insister sur la question du sommeil des enfants, le rapport sur les rythmes scolaires que j'ai rédigé avec Yves Durand nous ayant conduits à des constats inquiétants en la matière.

S'agissant de la lutte contre le harcèlement, l'absence de formation des enseignants est une chose mais tous les problèmes ne peuvent être médicalisés. Il faut trouver un niveau intermédiaire qui pourrait consister à disposer au sein de chaque établissement d'une personne capable de détecter ces problèmes avant de diriger les enfants vers les personnes qualifiées.

Même si elle est insuffisamment développée, l'implication des parents d'élèves n'est pas une idée nouvelle : il va de soi qu'ils doivent être totalement associés à toute politique de la santé scolaire, ne serait-ce que parce qu'ils sont en première ligne pour veiller à la bonne alimentation et au sommeil des enfants.

Le Comité autorise la publication du rapport de suivi.

La séance est levée à midi dix.