La Commission entend M. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics et M. Christian Eckert, secrétaire d'État au Budget, sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.
Tout d'abord, un regret. Contrairement aux années précédentes, le programme de stabilité, qui vient d'être discuté ce matin en Conseil des ministres, ne donnera pas lieu cette année à un débat, ni à un vote, dans l'hémicycle. Ce regret est accentué par une annonce qui paraîtra tout à l'heure dans un journal de l'après-midi, selon laquelle il ne serait pas non plus présenté de collectif budgétaire de milieu d'année, alors même que tout un ensemble d'éléments plaident pour une révision budgétaire. Dès le mois de janvier, il a ainsi fallu dégager plus de un milliard d'euros de crédits supplémentaires pour des actions de lutte contre le terrorisme et l'extension du service civique. De même, le 10 mars, le Conseil de l'Union européenne a demandé à la France de dégager 4 milliards d'euros, en recettes ou en économies supplémentaires. Enfin, vous avez annoncé de nouvelles mesures fiscales en faveur des entreprises, dont une, qui pèsera dès l'exercice 2015, visant à améliorer le régime d'amortissement dégressif des acquisitions de biens industriels ; cette mesure serait intégrée, sans aucune étude d'impact, dans une loi autre qu'une loi de finances, au mépris des circulaires successives des Premiers ministres successifs.
L'an dernier, alors que la nécessité d'une révision budgétaire n'était pas si claire, le Premier ministre, lors du débat sur le programme de stabilité, nous avait indiqué que soumettre ce document à l'Assemblée était « un respect que nous devons au Parlement quand il s'agit de faire des choix qui engagent la France devant les Français, qui engagent aussi sa crédibilité devant l'Europe ». En outre, nous avons eu un collectif budgétaire l'an dernier. Pour quelles raisons faut-il attendre la présentation de la prochaine loi de finances initiale, à l'automne, pour savoir comment seront financées les dépenses supplémentaires, de quelle manière s'organisera la réponse à la demande de la Commission européenne, ainsi que les autres questions de fond ?
Je ne minore pas le rôle de la commission des Finances, puisque, bien que nous soyons en vacances parlementaires la semaine prochaine, nous écouterons mercredi la présentation d'un rapport de notre rapporteure générale sur le programme de stabilité. J'espère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que vous serez présents pour répondre à nos questions. Le programme de stabilité est un document relativement hermétique et nous le découvrons à l'instant : il nous est donc un peu difficile de réagir maintenant. Nous serons plus à même de le faire la semaine prochaine. En revanche, nous comptons sur vous pour nous présenter ici de façon pédagogique ce document qui, comme le soulignait l'an dernier le Premier ministre, est d'une extrême importance pour notre pays.
Je croirais, monsieur le président, me retrouver à l'époque où j'étais enfant de choeur et où je me faisais réprimander par le curé pour tous ceux qui étaient absents alors que j'étais là. Nous sommes heureux d'être à votre disposition dès la sortie du Conseil des ministres, de même que nous serons à votre disposition la semaine prochaine pour répondre à des questions plus approfondies.
Nous sommes à la date habituelle des engagements européens de coopération, d'information mutuelle, de solidarité visant à permettre à la Commission européenne et aux autres pays partageant la même monnaie de porter un jugement sur nos stratégies budgétaires et nos plans de réforme. À cette fin, deux documents seront communiqués à la Commission européenne et à l'ensemble de nos partenaires, et donneront lieu à un examen et à un avis de la Commission européenne, avant un vote du Conseil. Ces deux documents sont notre stratégie budgétaire, que nous allons vous présenter ici, et un plan national de réformes. Conformément à la décision prise par la Conférence des présidents de votre Assemblée, un débat aura lieu début mai dans l'hémicycle sur ces questions.
La première caractéristique du présent programme de stabilité est le retour à la croissance. C'est le sujet fondamental : une croissance supplémentaire permet de faire reculer le chômage, principale préoccupation de nos concitoyens. Nous apportons dans le programme de stabilité les éléments, déjà évoqués la semaine dernière, concernant les moteurs de cette croissance.
Un premier moteur s'est allumé : la consommation des ménages. Elle était déjà repartie en 2014 et la tendance se confirme en 2015. Certains phénomènes la soutiennent : une inflation nulle, des revenus qui continuent à augmenter à une vitesse supérieure à celle de l'inflation, des décisions de diminution des impôts – neuf millions de Français verront leurs impôts baisser cette année, ce qui soutiendra leur capacité de consommation. Il faut entretenir ce moteur.
Le deuxième moteur est celui des exportations. Sous l'effet d'un niveau de l'euro bien plus favorable, notre capacité à l'exportation s'est renforcée, de même que notre capacité à résister aux importations hors zone euro. En outre, la croissance est plus forte sur l'ensemble de la zone, notre principal partenaire. Ce moteur s'est également allumé et continuera de monter en puissance.
Le troisième moteur est celui de l'investissement, en particulier des entreprises. Des mesures ont été prises la semaine dernière. Le premier élément qui permettra aux entreprises d'investir est la reconstitution de leurs marges au niveau de 2010 ; ces marges parviendront au niveau de 2007 ou 2008 en 2016 et 2017. Sous-jacente à la croissance en 2015 et 2016 : une légère reprise de l'investissement, de 1,2 %, en 2015, et une plus forte reprise en 2016, de 4,6 %. C'est parfaitement en ligne avec ce qui se passe habituellement en période de reprise.
Nos hypothèses de croissance sont inchangées pour 2015, à 1 %, même si tout converge pour indiquer que la croissance pourrait être supérieure. Nous avons également décidé de faire des hypothèses extrêmement réalistes, prudentes en 2016 et 2017, de 1,5 % chacune de ces années. J'ai apprécié que le Haut Conseil des finances publiques déclare ce matin que nos hypothèses sur ces trois années sont prudentes ; c'est la première fois que cette institution porte un tel jugement. C'est un élément de crédibilité de notre démarche.
D'une stratégie de plafond, par laquelle on se fixe un objectif de croissance, que l'on avait tendance, les uns et les autres, à ne pas atteindre, nous passons à une stratégie de plancher. Nos hypothèses de croissance sont des hypothèses planchers : notre stratégie doit nous permettre d'aller au-delà. Ce n'est pas une vision pessimiste mais réaliste ; si la croissance est plus élevée, il sera plus agréable de répondre à la question de savoir que faire de la croissance supplémentaire plutôt qu'à celle de savoir ce qu'il faudra faire faute d'avoir atteint les objectifs de croissance que l'on s'était fixés.
Notre stratégie de réduction des déficits consiste, après une période d'explosion en 2009 et 2010, à les diminuer, non seulement pour respecter la règle des 3 %, mais surtout pour enrayer l'endettement de la France et retrouver des marges de manoeuvre pour financer nos priorités. Nous proposons cette année un objectif de 3,8 % de déficit, alors que la Commission européenne recommandait 4 % ; nous proposons 3,3 % pour l'année prochaine, alors que la Commission européenne recommande 3,4 % ; et 2,7 % pour 2017 alors que la Commission européenne recommande 2,8 %. C'est une trajectoire quasi identique à celle que vous avez votée dans la loi de programmation des finances publiques en décembre dernier. Ce n'est donc pas parce que l'on nous aurait demandé de le faire que nous le faisons mais parce que nous l'avons décidé. Il se trouve que ce que nous avons décidé et les recommandations qui nous sont faites par le Conseil convergent, et c'est bien ainsi ; je préfère les convergences aux divergences. Mais nous appliquons nos décisions.
Notre plan de 50 milliards d'économies sur trois ans, 2015, 2016 et 2017, n'augmente pas l'effort demandé : c'est celui que vous avez voté. Certaines économies programmées ne se matérialisant pas du fait que nous passons d'une hypothèse d'inflation de 0,9 % à une inflation nulle, ces économies qui ont disparu doivent être compensées, en particulier par des mesures nouvelles à hauteur de 4 milliards cette année. Ce ne sont pas 4 milliards en plus des 21 milliards. Nous ne proposons rien d'autre que d'atteindre l'objectif que vous avez voté. Des mesures complémentaires devront être prises en 2016, dans le même état d'esprit.
Au-delà de la stratégie de croissance et de la réduction des déficits, la question des prélèvements obligatoires est également importante. Alors que 2014 a été l'année de la stabilité des prélèvements – les impôts n'ont pas augmenté par rapport à 2013 –, 2015 sera celle de la diminution des prélèvements par rapport au PIB, et nous continuerons en 2016 et 2017. C'est un engagement qui a été pris. La trajectoire que nous proposons est donc la fin des hausses d'impôts commencée en 2009 et conduite jusqu'en 2013, et, après la stabilité en 2014, la baisse dès cette année.
Un autre élément important en termes de crédibilité est le poids de la dette par rapport à la richesse nationale. Celui-ci n'a cessé d'augmenter ces dernières années, avec un ressaut considérable les années 2009, 2010 et 2011, par rapport à un PIB lui-même en difficulté. Après cette explosion, la dette a continué d'augmenter en 2012, 2013 et 2014. Elle continuera d'augmenter légèrement en 2015 mais se stabilisera en 2016 et diminuera en 2017. Puisque nous partons d'hypothèses de croissance très prudentes, toute croissance supplémentaire ferait diminuer le poids de la dette par rapport au PIB. Les symboliques 100 % de dette par rapport au PIB ne sont pas dans notre trajectoire, bien au contraire.
En quoi ce programme de stabilité est-il différent de la dernière recommandation de la Commission et du Conseil ? Il n'y a pas de différence sur le déficit ; à 0,1 ou 0,2 point près, nous sommes même légèrement en dessous du déficit recommandé. Il n'y en a pas non plus sur les dépenses. Nous avons cependant un point de différence sur l'effort structurel demandé par la Commission européenne en 2016 et 2017. En 2014, la Commission européenne craignait que nous n'ayons pas respecté nos engagements ; elle avait donc une vision critique de la situation. Au moment de sa première recommandation, elle pensait, comme nous d'ailleurs, que nous étions à un déficit de l'ordre de 4,3 % en 2014. Le déficit constaté a en fait été de 4 %. Ceux qui avaient des craintes sur l'exécution de 2014 sont donc aujourd'hui rassurés. Il n'y avait aucune raison de montrer la France du doigt, les obligations en termes d'effort structurel ont été acquittées.
La Commission européenne a considéré raisonnable de recommander 3 % en 2017, au lieu de 2015 initialement, mais elle a souhaité en contrepartie qu'un effort particulier soit déployé en 2016 et 2017 : 0,8 % d'effort structurel en 2016 et 0,9 % en 2017. Or nous avons regardé les choses de près. Si nous vous proposions un tel effort aujourd'hui, cela ne nous permettrait pas d'atteindre la cible plus facilement, au contraire, car cet effort supplémentaire, pour le plaisir du structurel, ferait chuter la croissance en dessous de 1 % et empêcherait la France de faire reculer le chômage et d'atteindre ses objectifs nominaux de déficit. C'est pourquoi nous vous proposons un effort structurel de 0,5 %, qui est déjà exigeant pour toutes les catégories des administrations publiques.
Il existe sur ce point une différence d'appréciation. Le programme de stabilité l'indique clairement : il constate les conséquences de la recommandation de la Commission européenne et propose une autre voie, celle que je vous viens de vous décrire. Je rassure ceux qui pensent qu'une attitude de dialogue est préférable : la Commission européenne ne découvrira pas aujourd'hui ce que nous proposons. J'ai déjà commencé à informer les commissaires concernés. Ils participent à cette réflexion car, au sein même de la Commission européenne, certains ont compris qu'il serait absurde de demander trop si c'est pour aboutir à une croissance plus faible.
La France représente 21 % du PIB de la zone euro ; c'est le deuxième plus haut PIB après l'Allemagne. Ce qui se passe dans notre pays concerne 100 % des autres pays. Diminuer la croissance de ces 21 %, à cause d'une trop grande rigidité, conduirait donc à une diminution de l'ensemble du socle de la zone euro.
Par ailleurs, quand on représente 21 % du PIB, on a aussi une responsabilité vis-à-vis des autres, et il faut que nous l'assumions. C'est ce que nous proposons avec ce programme de stabilité dont les grands équilibres sont fondés sur la réalité, la prudence, le dégagement de marges de manoeuvre, une exigence de maîtrise de la dépense publique. Rien de ce qui sera proposé par ce Gouvernement n'entravera donc la reprise de l'activité. Nous devons au contraire prendre des décisions qui confortent et amplifient la reprise de la croissance, ce qui est le seul moyen de recréer des bases économiques, sociales et budgétaires à la fois solides et durables.
D'exécution à exécution, la dépense de l'État a diminué de 3,3 milliards d'euros en 2014. Les déficits sociaux ont également diminué. Nous pouvons donc faire des comparaisons sans rougir. Cette meilleure position par rapport à la recommandation de la Commission européenne nous permet d'aborder le présent programme de stabilité dans de bonnes conditions de crédibilité.
Des mesures sont nécessaires en 2015 parce que nous nous sommes engagés à réaliser 21 milliards d'économies et qu'il manque aujourd'hui 4 milliards, pour une raison très simple, c'est que l'absence d'inflation conduit à ce que les économies bâties sur une prévision de 0,9 % d'inflation – sous-indexation de certaines prestations, gel du point d'indice des fonctionnaires, et d'autres – ne produisent pas d'économies comptables. C'est pourquoi nous proposons 4 milliards de modifications en 2015.
Ce n'est pas un plan d'austérité, contrairement à ce que j'ai pu lire hier. Il s'agit tout d'abord de 1,2 milliard de moindre dépense sur la dette, ce qui ne changera pas la vie de nos concitoyens. Les 400 millions d'euros de recouvrement supplémentaire prévus sur le service de traitement des réclamations rectificatives – STDR – ne pèsent pas sur la situation des personnes en situation régulière vis-à-vis de l'impôt, et la reprise des sous-exécutions de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM – n'est pas non plus une mesure d'austérité.
Certaines mesures de dépenses seront probablement un peu plus difficiles à mettre en oeuvre. Elles concernent l'État à hauteur de 700 millions d'euros : un décret d'annulation vous sera transmis, comme le précédent, probablement au début du mois de juin. Les dépenses de certains opérateurs ou agences de l'État seront réduites de 500 millions d'euros. Ces mesures, ainsi que 200 millions de dividendes supplémentaires attendus notamment du côté de la Banque de France, font 4 milliards d'euros.
Aucune mesure nouvelle n'est prévue en 2015 sur les collectivités territoriales. Les mesures les concernant sont connues depuis longtemps, bien avant les élections municipales. Les 3,66 milliards d'économies ayant été diminués d'une majoration de la dotation de solidarité rurale – DSR – et d'une modification sur le Fonds de compensation pour la TVA – FCTVA –, nous sommes donc plutôt aux alentours de 3,4 milliards. Cela reste important mais c'était connu. Les cris d'orfraie de ceux qui se sont engagés dans des campagnes municipales en affirmant qu'ils n'augmenteraient pas les impôts sont surprenants. L'augmentation de 0,9 % des bases d'imposition forfaitaires que le Parlement a décidée à la fin de l'année dernière permet de dégager 580 millions de recettes supplémentaires pour les collectivités territoriales, sans modification des taux d'imposition. Ceux qui prétendent réaliser 120 à 140 milliards d'économies en trois ans, tout en trouvant insupportable nos 3,4 milliards moins les 580 millions, devront démontrer comment ils entendent s'y prendre.
Je vous confirme que je serai là mercredi prochain pour répondre à vos questions.
Je suis parfaitement en ligne avec le fait que la préservation du rebond de la croissance est l'objectif prioritaire du Gouvernement. C'est certainement le levier le plus puissant pour améliorer la situation des comptes publics.
Vous avez expliqué que le programme de stabilité s'en tenait aux engagements votés par cette assemblée. La Commission européenne a une vue un peu différente sur le déficit non pas nominal mais structurel. Si une réduction supplémentaire de dépenses avait lieu, quel en serait l'impact sur la croissance économique ? Je sais que le modèle Mésange, à Bercy, fonctionne bien. Quelle est la sensibilité de notre PIB à la baisse de la dépense publique ? Un tel calcul est-il connu de vos services ?
Ce matin, le président du Haut Conseil des finances publiques, M. Didier Migaud, que nous avons auditionné, a salué la prudence des paramètres sur lesquels repose ce programme de stabilité. Il en a mentionné un que vous n'avez pas abordé : les risques financiers. Comment les évaluez-vous et de quelle manière les avez-vous pris en considération ?
Permettez-moi tout d'abord de vous interroger sur la procédure. L'Union européenne, en particulier dans ses procédures de coordination et de surveillance économiques, est déjà considérée comme opaque ; nos concitoyens éprouvent une certaine incompréhension, voire une certaine défiance. Cela indique, selon moi, la nécessité de mieux y associer les représentants du peuple et les partenaires sociaux. Alors que nous vous avons, avec Gilles Carrez, adressé un courrier commun demandant que les commissions des Finances et des Affaires européennes soient associées en amont aux concertations du Gouvernement avec la Commission européenne sur le programme de stabilité, nous n'avons à ce jour pas reçu de réponse. C'est dommage.
Le renforcement de la légitimité démocratique sera, me semble-t-il, une piste essentielle des propositions des quatre présidents relatives à l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. Comment entendez-vous mieux associer nos commissions à l'élaboration des programmes de stabilité et de réforme avant leur présentation devant le Parlement ? Pouvez-vous, par ailleurs, permettre aux parlementaires d'exercer leur droit d'amendement sur ces programmes lorsqu'un débat est organisé dans l'hémicycle ?
Sur le fond, le 26 février, la Commission européenne a redit que la situation économique de la France présentait des déséquilibres macroéconomiques excessifs et a ciblé, même si c'est sans le dire, le modèle français de protection des travailleurs. Est-ce seulement une impression de ma part, ou une dérégulation du travail est-elle toujours à l'ordre du jour de la Commission européenne ?
Enfin, pouvez-vous détailler un peu plus les économies prévues pour 2016 et 2017 ?
J'admire la complémentarité entre le cardinal Sapin et le gladiateur Eckert, qui ont anticipé, l'un et l'autre dans des exercices différents, les réactions à ce programme à la fois crédible, prudent et équilibré.
M. Michel Sapin a évoqué le différend qui l'oppose à la Commission européenne, ainsi qu'à l'UMP et à l'UDI : je crois comprendre que le président Carrez considère que les ajustements structurels ne sont pas assez rapides et préfère la trajectoire fixée par Bruxelles à celle du Gouvernement. Dans le dialogue que vous aurez avec la Commission européenne, quelle est votre capacité à faire entendre la voix de la France, à tenir sur ce que vous proposez ce matin ? De quelles études d'impact disposez-vous permettant de démontrer à l'Union européenne que les objectifs peuvent être atteints avec une politique différente ?
Enfin, un groupe de travail a été constitué concernant la taxe sur les transactions financières, groupe de travail qui réunit onze pays de l'Union. Pouvez-vous nous donner des éléments sur l'avancée du débat ?
L'échange, tout à l'heure, avec le président du Haut Conseil des finances publiques a beaucoup porté sur la réévaluation de la croissance potentielle. L'écart entre ce qui est constaté dans notre pays et cette réévaluation n'est-il pas le constat de votre échec à porter notre économie au meilleur de ses talents ? Quelle est la source de cet échec ?
Il faut que les 4 milliards d'euros de mesures nouvelles que vous avez évoqués soient justifiés structurellement. Compte tenu de la manière dont ils se décomposent, s'agit-il vraiment de mesures d'économies structurelles ? Ces mesures ne paraissent pas reconductibles.
S'agissant de l'évolution de la fiscalité, notre collègue Karine Berger se demande si le programme de stabilité n'est pas trop perpendiculaire aux éléments économiques dans la motion signée par le Premier ministre. J'entends l'engagement du Gouvernement sur la stabilisation de la fiscalité. La question qui intéresse les contribuables, c'est de savoir si cette stabilité fiscale concernera chacun des ménages ou si le Gouvernement a en vue, par exemple par un énième retour du débat sur la CSG, des transferts significatifs de catégories de Français vers d'autres.
Je commence par vous féliciter d'être – après nous avoir trois années durant abreuvés d'hypothèses bien trop optimistes – devenus des gens prudents. Cette attitude n'est pas nécessairement privée de toute arrière-pensée politique, mais je ne vous le reproche pas.
Comment expliquez-vous l'écart croissant entre le déficit effectif et le déficit structurel ? Il était à 0,7 point en 2011, à 0,8 point en 2012, à 1,6 point en 2013, à 2 points en 2012, à 2,2 points en 2015 et en 2016. D'après la théorie des cycles, il devrait pourtant y avoir une inversion : en haut de cycle, le déficit effectif devrait être inférieur au déficit structurel. Or, l'écart s'accroît : mon hypothèse est que cette hausse provient du fait que vos prévisions de croissance sont encore trop élevées. Vous aviez fait des hypothèses de croissance de 2,5 %, de 3 % il y a trois ans, sur ces périodes ! Aujourd'hui, vous espérez une croissance de 1,5 % : ce chiffre n'est-il pas encore trop élevé ?
S'agissant des mesures complémentaires, votre dossier ne dit rien des 5 milliards d'euros en 2016, mais il donne quelques détails sur les 4 milliards de 2015. Cela permet de constater que les mesures que vous présentez ne sont pas structurelles, mais tout à fait conjoncturelles, à commencer par la baisse de 1,2 milliard de la charge de la dette ! Il en va de même pour les 400 millions de recettes supplémentaires du STDR, puisqu'une fois la vague de régularisations passée, les recettes reviendront à leur niveau ordinaire – avec certes quelques recettes supplémentaires correspondant aux montants rapatriés. Quant aux dividendes, c'est encore la même chose. Ces mesures sont donc conjoncturelles. Je suis également impatient de vous entendre commenter le milliard d'économies sur la santé et la protection sociale, ainsi celles attendues d'économie sur l'État et ses opérateurs, à hauteur de 1,2 milliards d'euros, ainsi que sur les 5 milliards d'économies prévues en 2016.
Quant aux collectivités territoriales, vous écrivez que « les APUL [administrations publiques locales] devraient ralentir plus significativement leurs dépenses de fonctionnement ». Mais le Gouvernement, si j'ai bien compris, fait l'hypothèse d'une croissance nulle des dépenses des collectivités territoriales en 2015 – c'est indiqué, page 26. Je m'en étonne. Vous vous attendez, et je vous l'ai déjà fait remarquer, à un partage des 3,6 milliards d'économies sur la dotation globale de fonctionnement – DGF – entre la hausse des impôts, l'endettement supplémentaire, le décalage des investissements et, hélas ! fort peu de baisse de dépenses de fonctionnement. C'est d'autant plus vrai que vous contribuez à la hausse de ces dernières avec la réforme des rythmes scolaires : les TAP – temps d'activités périscolaires – représentent quand même 700 à 800 millions supplémentaires, c'est-à-dire déjà 0,3 % d'augmentation des dépenses publiques locales ! Où est la cohérence de vos propositions sur les collectivités territoriales ?
Sur le fond, le programme de stabilité est dans la continuité de la politique que mène déjà le Gouvernement – vous le reconnaissez d'ailleurs. C'est un choix de contraction, ou à tout le moins de maintien, de la dépense publique ; or, vous savez notre préférence pour un assouplissement de cette politique, qui permettrait de relancer l'économie. Les questions qui viennent d'être posées sur la croissance sont pertinentes.
Il faut surtout nous interroger aujourd'hui, je crois, sur la croissance des inégalités : les inégalités peuvent s'accroître, et le nombre de chômeurs stagner, même si le PIB recommence à croître. Les recommandations de la Commission européenne, dont vous avez dit que vous ne souhaitiez pas les suivre, poussent fréquemment à une déréglementation, et menacent même parfois notre modèle social.
Nous ne réglerons pas les problèmes de la dette et du déficit sans modifier notre architecture fiscale. Je ne rappellerai pas ici le merveilleux rapport du président de notre commission, qui était alors rapporteur général, en 2010 : il montrait que la baisse des prélèvements sur les plus aisés avait accru considérablement le niveau de la dette entre 2000 et 2010. Nous devrions aussi nous poser la question du financement de la dette : faut-il, par exemple, aller sur les marchés financiers ou bien trouver d'autres voies ? Nous en reparlerons bientôt, puisque j'aurai l'occasion de présenter prochainement le rapport sur la proposition de résolution européenne relative à la dette souveraine des États de la zone euro, déposée par le groupe GDR.
Sur la forme, j'appuie ce qu'a dit la présidente Auroi : il existe un vrai problème de légitimité démocratique. Même les parlementaires européens ont déploré la faiblesse des liens entre le Parlement, la Commission et le Conseil sur ces questions de gouvernance économique : ces questions se posent pour l'ensemble du semestre européen, pour le programme de stabilité, pour l'encadrement budgétaire, qui repose sur un article du traité interprété de façon quelque peu baroque… Le président Carrez a raison : ces questions – programme de stabilité, mais aussi stratégie nouvelle de la Banque centrale européenne par exemple – méritaient un débat en séance et un vote.
Enfin, je poserai une question ingénue. Je lis dans votre présentation du programme de stabilité que vous souhaitez conserver l'ensemble du pacte de responsabilité, et donc des 41 milliards d'allégements de prélèvements pour les entreprises. Il en reste 15 à 16 milliards pour 2016. Mais j'ai cru lire aussi que le Premier ministre était signataire, et vous-mêmes aussi peut-être, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, d'un texte d'orientation politique qui proposerait de divertir tout ou partie de ces 15 milliards pour les consacrer au soutien à la demande. Ma question est sans perfidie : pouvez-vous nous expliquer comment s'articulent les orientations du parti majoritaire et celles de l'exécutif issu de ce parti ?
Le redémarrage de l'économie française, et européenne, se produit aujourd'hui après deux ans et demi d'une récession due aux politiques d'austérité : c'est la conséquence du fait qu'aujourd'hui, les politiques budgétaires de la zone euro sont globalement neutres, à quoi il faut ajouter une politique monétaire fortement expansionniste et la baisse du prix du pétrole. De façon assez traditionnelle, c'est la consommation qui repart en premier, parce que le pouvoir d'achat s'améliore ; l'investissement repartira également.
Sur ce dernier point, les documents que vous nous avez distribués montrent l'amélioration du taux de marge. C'est une condition nécessaire pour que l'investissement reprenne, mais pas suffisante : pour investir, il faut de la demande, et il faut aussi que les conditions financières le permettent. La meilleure façon d'avoir une reprise forte, c'est de mener une politique en direction des entreprises qui valorise fortement l'investissement : les allégements doivent stimuler directement l'investissement des entreprises – ce qui est le cas aujourd'hui avec le dispositif d'amortissement accéléré qui vient d'être annoncé, mais de façon relativement faible.
La reprise de l'investissement est, et de loin, la meilleure façon d'obtenir la croissance la plus forte possible : elle stimule immédiatement la demande, et à plus long terme accroît l'offre. C'est la seule grandeur économique qui ait ces deux effets. Si le Gouvernement agissait encore plus massivement selon la logique esquissée lors du dernier Conseil des ministres, si certains dispositifs déjà prévus – je pense à la réforme de la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – étaient utilisés plus efficacement pour conforter la reprise de l'investissement, nous pourrions, je pense, retrouver une croissance forte et réduire beaucoup plus rapidement l'écart entre production potentielle et production effective. Dans une reprise normale, les taux de croissance devraient être très supérieurs à la croissance potentielle. Il est donc aujourd'hui possible, je crois, de mener une politique qui permette une croissance forte.
Je terminerai en exprimant une légère inquiétude : l'inflation négative permet de redonner du pouvoir d'achat, ce qui est positif ; mais on peut aussi craindre une déflation du prix des actifs. Quelle est la position du Gouvernement ? Nous sommes passés très vite d'une vision très négative de la déflation à une vision positive. Quel équilibre trouver ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous nous présentez aujourd'hui un programme de stabilité, mais pas de programme de réforme : je le regrette. La France, vous l'avez dit, représente 21 % du PIB de la zone euro, mais cela n'interdit pas de regarder ce qui se fait dans les autres pays. Entre janvier 2014 et janvier 2015, le nombre de chômeurs a diminué de 896 000 dans la zone euro, alors qu'il a progressé de 160 000 dans notre pays : ce chiffre doit appeler notre attention.
Où en est votre réflexion sur les réformes structurelles ? L'Italie a mis en place un contrat de travail unique, l'Espagne a modifié son régime d'indemnités de licenciement, le Portugal a augmenté la durée du travail, l'Allemagne a accru la flexibilité du travail. Le prix du pétrole, le cours de l'euro, les taux d'intérêt nous sont favorables : il serait dommage que la France ne profite pas de cette situation pour mener des réformes fortes.
Quant aux mesures complémentaires que vous annoncez, ce sont toutes des recettes, mais aucune dépense n'est concernée. Je signale également que la baisse des taux d'intérêt sur la dette ne peut pas être considérée comme une mesure structurelle.
Monsieur le ministre, vous annoncez une trajectoire légèrement plus favorable que celle prévue par la Commission européenne, en bénéficiant, certes, de facteurs exogènes. Dont acte : je ne peux que m'en féliciter. Vous introduisez un peu de flexibilité dans la rigueur budgétaire, pour stimuler la croissance.
Monsieur le secrétaire d'État, lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi de finances pour 2015, vous mettiez en avant 1,6 milliard d'économies résultant d'élément favorables de conjoncture – notamment la faible inflation – et vous insistiez sur l'émergence de recettes supplémentaires, dont une manne de 850 millions d'euros au titre de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales. Où en est-on aujourd'hui ? Confirmez-vous les chiffres donnés à l'époque ?
La modification de la parité entre euro et dollar entraîne aussi des conséquences négatives, notamment une hausse des prix du pétrole que nous achetons. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Enfin, agir en faveur de l'investissement est une très bonne chose, comme l'a dit Pierre-Alain Muet. Les effets des amortissements supplémentaires que vous avez annoncés pour les entreprises ont-ils toutefois été bien chiffrés ? Sont-ils pris en compte ici ?
En tant que parlementaire, on ne peut que regretter le caractère restreint de notre débat. J'aurais ainsi aimé répondre à Hervé Mariton, qui s'interrogeait sur l'écart entre croissance réelle et croissance potentielle, qu'il faut bien attendre que les mesures soient mises en place et produisent leur plein effet…
Monsieur le ministre, nous aurons l'occasion de vous interroger à nouveau sur les perspectives ouvertes par ce programme. La pleine intégration du « plan Juncker » au programme de stabilité, par exemple, pourrait permettre d'entrer dans le débat plus vaste du semestre européen.
Ce programme est formulé de façon raisonnable, et il s'aventure loin dans le temps ; j'aimerais néanmoins plus de détails, notamment sur le risque d'une inflation importée, entraînée par une modification de la parité euro-dollar. Méfions de ce que nous dit la Réserve fédérale américaine !
Enfin, la mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – a estimé intéressant d'ouvrir une réflexion sur un éventuel basculement du CICE vers un allégement de cotisations sociales. Or, vous n'évoquez pas cette hypothèse.
Je regrette qu'aucun débat en séance publique ne soit prévu sur ce programme de stabilité. Un tel mépris du Parlement n'est pas acceptable.
En vous écoutant parler, monsieur le ministre, du retour de la croissance, de la reprise de la consommation, des revenus en augmentation, des baisses d'impôts, d'exportations qui vont s'améliorer fortement en 2015, je me demandais si nous avions face à nous un ministre de l'économie, ou bien Mme Irma !
Le rapport du Haut Conseil des finances publiques indique que seul le contexte favorable créé par les fortes baisses des cours du pétrole et de l'euro rend crédible votre prévision de croissance à 1 %. Vos prévisions ne se réaliseront donc que grâce à des facteurs exogènes !
La crédibilité, monsieur le ministre, cela ne se décrète pas : il faut montrer des éléments probants. D'exécution à exécution, on constate, dites-vous, une baisse des dépenses de l'État de 3 milliards d'euros. J'entends bien. Mais vous parlez de 21 milliards d'euros de réductions de dépenses en 2015, et vous avez déjà du mal à détailler la composition des 4 milliards d'économies demandés par la Commission européenne ! Vous comprendrez notre perplexité, encore redoublée quand vous comptabilisez comme mesure structurelle la baisse de 1,2 milliard d'euros sur les taux d'intérêt de la dette. Monsieur le ministre, vous dites ne pas vouloir faire d'effort supplémentaire pour le « plaisir du structurel ». Du coup, vous ne parlez qu'en tendance, ce qui provoque cet effet de flou. C'est pour cela que vous refusez le débat en séance publique !
Madame la députée, je ne m'appelle pas, en effet, Irma Macron. C'est donc en tant que ministre des Finances et des comptes publics que je vous réponds. Les sujets abordés sont très nombreux, et nous aurons l'occasion de débattre plus longuement la semaine prochaine. Emmanuel Macron sera d'ailleurs présent afin d'évoquer le programme national de réforme. Programme de stabilité et programme national de réforme vont de pair : l'un et l'autre visent à améliorer notre capacité de croissance.
S'agissant de la procédure, le texte présenté en Conseil des ministres ce matin est porté à votre connaissance quinze jours avant d'être communiqué à la Commission européenne. Nous sommes donc susceptibles de le modifier, de le faire évoluer en fonction des avis qui s'expriment et des débats qui se développent, et qui sont parfaitement légitimes, notamment au sein des parlements. Ce délai est une manière, qui n'est certes sans doute pas très satisfaisante dans l'absolu, de respecter les avis parlementaires et plus largement les avis citoyens sur ces sujets.
S'agissant de l'opposition entre la trajectoire recommandée par la Commission européenne et celle que nous proposons, nous ne cherchons pas le moins du monde à éluder le débat. Il a bien sûr déjà commencé avec les membres de la Commission, dans un esprit extrêmement positif : je suis très confiant, nous devrions aboutir. Les schémas des pages 5 et 6 montrent qu'en suivant la recommandation de la Commission, nous atteindrions en 2016 une croissance de 0,7 %, alors qu'avec notre trajectoire, nous prévoyons une croissance de 1,5 %. En 2017, ce serait 0,8 % au lieu de 1,5 %. Or, je rappelle que nos hypothèses ont été calculées de façon prudente. Vous le voyez, les conséquences du choix entre l'une ou l'autre trajectoire sont extrêmement fortes : derrière tout cela, il y a des milliards de mesures nouvelles à prendre – la Commission n'en impose pas le détail. Vous comprenez pourquoi nous vous proposons de suivre la trajectoire budgétaire que nous qualifions de « retenue ».
Madame la rapporteure générale, vous évoquez la question des risques financiers. C'est un débat qui dépasse largement les limites du Haut Conseil des finances publiques, et même les frontières de notre pays. Je me rends demain aux États-Unis pour assister aux réunions de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale : il y a encore six mois, pour le FMI, le risque majeur pour l'économie mondiale, c'était – si l'on omet les problèmes géostratégiques, en Ukraine par exemple – une trop faible croissance en Europe. Aujourd'hui, l'activité reprend en Europe, et une autre inquiétude prend le relais : les politiques monétaires menées aux États-Unis et dans la zone euro ne créent-elles pas un risque financier, en injectant de grandes quantités de liquidités ? Ces politiques ont été utiles pour aider la croissance à reprendre, mais n'est-on pas en train de créer dans tel ou tel secteur une bulle qui, en crevant, aura des conséquences graves ? C'est une réflexion menée par ceux qui veulent à tout prix éviter de reproduire l'erreur commise collectivement avant 2008. L'un des éléments de cette réflexion, c'est bien sûr la régulation du secteur bancaire, mais aussi du shadow banking. Nous y travaillons, dans le cadre du G20 comme dans celui du FMI.
J'en viens à la question des 4 milliards. Christian Eckert y reviendra également. Mais je veux répondre à ceux qui estiment que la somme de 1,2 milliard – qui correspond à la baisse des taux d'intérêt – n'est pas une réduction de dépenses structurelles. Il ne s'agit pas là d'un taux d'intérêt d'une dette nouvelle, mais du résultat du refinancement de la dette du passé : si je voulais être un tout petit peu politicien, je soulignerais que nous refinançons ainsi la « dette Sarkozy » de 2009, 2010 et 2011. Les taux d'intérêt oscillaient alors entre 3,5 % et 4 % ; en 2015, nous nous ré-endettons au même niveau pour une durée similaire, mais avec une économie très substantielle, puisque les taux sont descendus à 0,5 %. Cette baisse est donc récurrente ; elle dure pendant toute la durée du remboursement de cette dette. Pour nous, comme pour les autorités européennes, il s'agit donc – contrairement à ce que beaucoup disent – d'une économie pérenne, considérée comme structurelle dans tous les pays.
Cette économie nous évite-t-elle de réduire les dépenses de nos services publics ? Non. Mais elle est néanmoins pérenne. L'an prochain, nous la retrouverons, et nous constaterons peut-être de nouvelles baisses, liées au refinancement d'autres dettes.
Nos calculs se fondent, je le souligne, sur des hypothèses de taux d'intérêt à dix ans bien supérieures à ce que nous constatons aujourd'hui. Comme sur l'inflation, où notre hypothèse est supérieure au chiffre qui fait aujourd'hui consensus, nous sommes extrêmement prudents. Nous constaterons donc peut-être une économie supplémentaire.
S'agissant de la croissance potentielle, je pourrais répondre à M. Mariton que si son critère pour juger de la réussite ou de l'échec d'une politique – atteindre le niveau de la croissance potentielle – était le bon, alors ce serait un formidable moyen de montrer l'échec du quinquennat précédent ! L'échec serait ainsi largement partagé entre les uns et les autres.
Ces questions de croissance potentielle, de déficit structurel, d'écarts de production… – dont je plaisante parfois en disant que je n'y comprends goutte – sont des sujets importants, auxquels des gens travaillent avec beaucoup de sérieux. La question de la croissance potentielle fait aujourd'hui, après la crise, dans les conditions nouvelles que nous connaissons, d'un vrai débat : je ne rencontre plus deux personnes qui me disent la même chose. À l'instar de certains parmi les plus sages de cette commission – je ne nomme personne, mais vous les reconnaîtrez – je préfère donc m'en tenir au critère du déficit. On peut l'appeler nominal si l'on veut. Mais enfin le déficit, je comprends exactement ce que c'est : c'est celui que je ne peux combler qu'en allant sur les marchés financiers pour emprunter de l'argent ! Et même si le taux d'intérêt n'est qu'à 0,43 % comme c'est le cas en ce moment, c'est toujours 0,43 % de trop, car ces intérêts devront être remboursés par les générations à venir. De plus, c'est bien une règle de déficit nominal qui est fixée par l'Union européenne. Si vous et nous avions au cours des dernières années respecté les déficits nominaux que nous nous étions fixés, personne ne nous poserait de questions abracadabrantesques sur la croissance potentielle et autres concepts économiques compliqués – même s'il est légitime, bien sûr, de s'intéresser à ces sujets de façon théorique, car ils ont aussi des conséquences pratiques.
Je m'intéresse donc au critère du déficit, en m'interrogeant sur les moyens d'accroître nos capacités de croissance.
J'en viens à l'investissement. Il a été beaucoup trop faible, ces dernières années, dans la zone euro en général, et en Allemagne en particulier – l'investissement est aujourd'hui beaucoup plus bas en zone euro qu'il ne l'était en 2007, et il est beaucoup plus bas en Allemagne qu'en France ! L'Allemagne peut sans doute être donnée en exemple pour l'état de ses finances publiques, mais certainement pas pour son niveau d'investissement, et les Allemands en sont d'ailleurs très conscients. Ce retard est gravissime, car pendant ce temps, d'autres continents ont, eux, investi très intelligemment, ont énormément modernisé, innové, formé, et pourraient bien, dans cinq ou dix ans, nous balayer. M. Muet a raison : la question de l'investissement – ne parlons pas ici de politique de l'offre, car c'est une catégorie compliquée – est décisive. L'investissement stimule la croissance tout de suite, et construit une nouvelle croissance pour plus tard.
Monsieur Muet, vous êtes intervenu avec intelligence et pertinence. En effet, les mesures décidées la semaine dernière visent à stimuler l'investissement, et pas n'importe lequel mais celui qui nous paraît le plus propre à transformer et à moderniser notre économie. Monsieur Sansu, vous m'interrogez sur l'avenir du pacte de responsabilité. Je vous réponds sans cachotteries : nous avions décidé de mettre en place des mesures en faveur de l'offre pour 41 milliards d'euros. Le CICE monte en charge progressivement et atteindra son plafond en 2016. Nous avons aussi abaissé les cotisations salariales – baisse passée inaperçue car, si beaucoup d'entreprises souhaitent que cette baisse soit effective rapidement, peu expriment une ferme volonté de l'afficher sur les feuilles de paie... Il est dommage que les salariés ne soient pas informés que les cotisations ont baissé. Il y aura encore, de 2015 à 2017, de nouvelles diminutions de cotisations familiales, cette fois pour des salaires supérieurs à 1,6 SMIC et jusqu'à 3,5 SMIC. La C3S a déjà été partiellement supprimée ; nous entendons aller jusqu'à sa suppression totale en 2016-2017. Enfin, un « paquet IS » – impôt sur les sociétés – comprend la fin de la surcotisation d'IS pour les très grandes entreprises et l'amorce d'une diminution du taux de l'IS.
Le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause le volume global de mesures : c'est un point fondamental pour donner de la visibilité, pour aider les entreprises à prendre des décisions. Mais un débat a lieu par exemple, au sein du monde patronal même, sur l'opportunité d'agir plutôt sur la C3S ou plutôt sur l'IS, débat qui s'était d'ailleurs déjà amorcé lors de la discussion du pacte de la responsabilité. et que je comprends. Il n'y a pas d'urgence à trancher, et nous avons encore le temps de débattre d'ici à la préparation du projet de loi de finances pour 2016. Mais, je le répète, le Gouvernement souhaite conserver ce volume global de 41 milliards, et c'est ainsi que nous avons conçu ce programme de stabilité. Il faut continuer de redonner des marges aux entreprises – elles se sont déjà redressées, mais l'objectif est de revenir à leur niveau de 2007, car cela stimulera l'investissement.
Michel Sapin vient de faire une excellente démonstration sur la question des intérêts de la dette et du caractère pérenne de cette mesure. Je ferai la même sur les recettes liées au STDR. Celles-ci représentaient, en 2014, 2 milliards d'euros de recettes ; nous avions prévu 2,2 milliards en 2015, nous pensons aujourd'hui atteindre 2,6 milliards, car le flux de dossiers ne se tarit pas. Nous avons aujourd'hui plus de 37 000 dossiers, avec une moyenne de 900 000 euros d'avoirs déclarés par dossier. Nous avons décidé de décentraliser les dossiers les plus simples et les moins volumineux, afin d'accélérer leur traitement : nous n'avons traité que 5 000 à 6 000 des 37 000 dossiers déjà constitués. Vous avez également accepté de voter une disposition législative que nous avions proposée et qui contraint ceux qui ont déposé un dossier à le compléter et à payer les sommes exigées dans les six mois qui suivent le dépôt du dossier. Nous nous attendons donc à une accélération.
Il y aura donc des recettes pérennes, comme le montrent les chiffres que je viens d'énumérer : si même il n'arrivait plus aucun dossier – il en arrive actuellement 130 par semaine, nous en avons reçu 2 000 depuis le début de l'année – il nous faudrait plusieurs années pour les traiter tous définitivement, puisque certains sont complexes.
Un simple calcul montre aussi que ce sont ainsi quelque 30 milliards d'avoirs qui vont ainsi être révélés. Ces sommes produiront évidemment une nouvelle fiscalité.
Ce ne sont donc pas là des recettes conjoncturelles, même si elles ne dureront peut-être pas vingt ou vingt-cinq ans – quoique, après la Suisse, d'autres pays puissent être touchés eux aussi par une frénésie de repentance.
Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 15 avril 2015 à 12 heures
Présents. - M. Dominique Baert, Mme Karine Berger, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Yves Censi, M. Pascal Cherki, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Claude Goasguen, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Alain Claeys, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Pierre Gorges, M. David Habib, M. Jean Launay, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Thierry Robert, M. Pascal Terrasse
Assistaient également à la réunion. - Mme Danielle Auroi, M. Gérard Bapt, M. Jacques Lamblin, M. Pierre Lequiller, M. Michel Ménard