La séance est ouverte à 18 heures.
Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l'audition de M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale (DGCS), délégué interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, et de Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), adjointe au directeur général, au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur l'organisation, les moyens et l'action du service central et du réseau déconcentré des droits des femmes et de l'égalité.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale (DGCS) et délégué interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, depuis juin 2015, que je félicite pour ses nouvelles fonctions, et Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), que je remercie chaleureusement à nouveau de sa disponibilité.
Le service central et le réseau déconcentré des droits des femmes jouent un rôle essentiel dans le pilotage et la mise en oeuvre de la politique interministérielle de l'égalité entre les femmes et les hommes. La délégation a adopté en février 2013 un rapport d'information à ce sujet.
Aujourd'hui, il apparaît nécessaire de faire le point sur le réseau, mais aussi de répondre à certaines inquiétudes, notamment dans le contexte de réorganisation territoriale.
Tout d'abord, nous nous posons des questions quant à l'évolution des appellations des politiques : RGPP, MAP, RéATE … Où en est-on au juste ?
La révision générale des politiques publiques (RGPP) a été abandonnée au profit de la modernisation de l'action publique (MAP), qui a donné lieu à la tenue de comités interministériels pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) sous la présidence du Premier ministre. Ces actions de modernisation de l'action publique se sont appuyées sur des évaluations des politiques publiques (EPP). Cette politique est poursuivie dans certains champs des politiques suivies par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). À titre d'exemple, lors de la réunion au ministère des affaires sociales sur les États généraux du travail social, les ministres ont annoncé une évaluation des politiques publiques sur la certification des diplômes d'État dans le domaine de l'intervention sociale – les travailleurs sociaux sont des intervenants essentiels auprès des femmes victimes de violences et celles ayant besoin d'un accompagnement vers le logement ou l'insertion professionnelle. Ainsi, la démarche d'évaluation des politiques publiques se poursuit, mais elle s'est doublée d'une nouvelle démarche avec la loi de programmation des finances publiques de fin 2014, le Parlement ayant voté, sur proposition du Gouvernement, une disposition relative aux revues de dépenses conduites en matière de politiques publiques, inscrites dans le cadre du budget de l'État ou du budget de la sécurité sociale, et dont la liste doit être annexée à chaque projet de loi de finances. C'est ainsi que des revues de dépenses ont été lancées dans le champ du ministère des affaires sociales et de la santé sur les dispositifs médicaux ou encore les dépenses de logement. Deux dispositifs, donc, subsistent : les EPP et les revues de dépenses.
Conformément au nouveau découpage des régions, je vais habiter dans « la plus grande région », réunissant Poitou-Charentes, le Limousin et l'Aquitaine. Les déléguées sur le terrain nous ont fait part de leurs vives inquiétudes. Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la fonction publique, a redit sa volonté d'exclure tout déplacement de fonctionnaires, hormis par volontariat. Comment voyez-vous l'avenir des délégations aux droits des femmes en province ?
Quels sont précisément les effectifs de la direction générale de la cohésion sociale et, plus particulièrement en son sein, ceux du SDFE, tant au service central que dans le réseau déconcentré ? Une déléguée est-elle présente dans chaque département ou chaque région ?
Lorsqu'elle était cheffe du SDFE, Mme Nathalie Tournyol du Clos disposait d'une étroite marge de manoeuvre pour la nomination des déléguées régionales. Or on peut penser que la cheffe de service au niveau central est la mieux à même de choisir, au sein de listes, des personnels motivés par la question des droits des femmes.
Enfin, nous avions adopté une recommandation sur la visibilité du réseau. Mais nous sommes très inquiètes : les actions ne sont plus visibles sur le terrain et les déléguées régionales n'ont pas une légitimité suffisante. Que va-t-il advenir du réseau ?
Merci infiniment de cette invitation : il est très important pour nous de connaître les préoccupations de la représentation nationale sur les questions d'égalité entre les femmes et les hommes et de promotion des droits des femmes.
Vous m'avez posé deux questions : l'une sur la conception de mon rôle en tant que délégué interministériel aux droits des femmes et à l'égalité femmes-hommes ; l'autre sur le positionnement du SDFE au sein de la DGCS, autrement dit sur l'importance que celle-ci accorde à ces sujets d'égalité.
C'est un honneur particulier pour moi d'avoir été nommé délégué interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour la première fois, en effet, un homme incarne cette fonction – et j'ai très à coeur de relever ce défi. Ma feuille de route, fixée par le comité interministériel aux droits des femmes, est parfaitement claire au travers de ses 48 mesures déclinant les outils utiles à la promotion des droits des femmes. Nous nous appuyons également sur les instruments juridiques introduits par la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, afin de convaincre l'ensemble des acteurs de l'importance d'une politique mise en oeuvre par l'ensemble des ministères – pas seulement par celui chargé des droits des femmes –, déclinée tant au niveau national qu'au niveau des territoires.
La semaine dernière, Mme Stéphanie Seydoux et moi-même étions aux côtés de la secrétaire d'État chargée des Droits des femmes, Mme Pascale Boistard, du directeur de cabinet de Marisol Touraine et de la déléguée au Secrétariat général du gouvernement (SGG) chargée des nominations dans la haute fonction publique, pour lancer les Conférences de l'égalité 2015. Par cette démarche, nous demandons aux hauts fonctionnaires à l'égalité de décliner les objectifs et les actions, inscrits dans la feuille de route et la loi du 4 août, au sein de leur ministère en termes de gestion des ressources humaines, de promotion de l'égalité, mais aussi dans leur champ de politiques publiques. Ainsi, ce rôle interministériel, celui du Service des droits des femmes au sein de la DGCS, est clairement défini et fortement soutenu au travers de la politique du Gouvernement.
Nous devons attendre le retour des ministères pour disposer des chiffres. Mais au vu de ceux que nous avons examinés lors de la réunion de lancement des Conférences de l'égalité, les nominations de cadres dirigeants, présentées ou non en conseil des ministres, ont progressé. Des efforts notables ont été accomplis dans certains champs ministériels, notamment celui de la santé, où le nombre de femmes directrices générales de centre hospitalier universitaire régional est passé de 2 à 13 en deux ans. En effet, après un dialogue parfois musclé avec les présidents de conseil de surveillance des établissements, élus territoriaux dans la majorité des régions, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a eu à coeur de faire exister le vivier de directrices d'hôpital.
Avant l'arrivée de Mme Marisol Touraine au ministère, aucune femme n'était nommée, si bien qu'aucune ne se présentait à cette fonction. Or la ministre a pu nommer 13 femmes, car le vivier existe ! Ainsi, l'argument selon lequel les nominations dans certains secteurs ne peuvent se faire à cause de l'absence de vivier ne tient pas : nommer des femmes crée un appel d'air pour les autres !
Le vivier émerge grâce aux nominations exemplaires, qui suscitent des vocations : c'est ainsi que le processus vertueux s'amorce. Un bilan de l'effort de l'État, qui a fixé un objectif de parité pour des autorités administratives indépendantes (AAI), sera réalisé.
La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) comprend trois services, dont le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), composé de 28 collaborateurs – contre 25 en 2013. La DGCS comporte en outre une sous-direction chargée de l'inclusion sociale, de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté, une sous-direction de l'enfance et de la famille, et une sous-direction de l'autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées. Ce sont elles qui ont été mobilisées auprès des ministres sur divers textes – projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, proposition de loi sur la protection de l'enfant, disposition relative à la prime d'activité du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi.
Au sein de cet organigramme, la DGCS compte également deux sous-directions supports sur lesquelles s'appuie le SDFE : la sous-direction budgétaire et financière, pour la gestion du programme 137, la procédure de gestion du versement des subventions aux associations et la passation des appels d'offres, et la sous-direction chargée des conventions collectives et des travailleurs sociaux.
En définitive, le SDFE conserve une visibilité avec des missions propres – il est en cela l'héritier du service autonome antérieur –, tout en se trouvant renforcé grâce à sa présence dans une grande direction sociale. Quand nous mettons en oeuvre le plan de lutte contre les violences faites aux femmes, conformément à l'objectif du Président de la République de création, à l'horizon 2016, de 1 650 places d'hébergement pour les femmes victimes de violences, il est très utile que le SDFE puisse travailler avec le bureau de l'hébergement d'urgence de la sous-direction compétente. De la même manière, les actions que nous menons dans le cadre du plan pauvreté en faveur des familles monoparentales concourent à la politique de conciliation entre vie professionnelle et vie privée et, par là même, elles constituent un levier pour augmenter le taux d'activité des femmes. Et lorsque nous mettons en place la garantie contre les impayés de pension alimentaire (GIPA), annoncée dans le cadre de la modernisation de la politique familiale par M. Jean-Marc Ayrault le 3 juin 2013, nous faisons progresser les politiques d'égalité femmes hommes, les principales bénéficiaires du dispositif étant des mères isolées. Nous portons également la politique publique du handicap, qui est elle-même une politique d'égalité.
Vous l'avez compris : ces cohérences internes au sein de la DGCS représentent une force pour mener à bien les politiques publiques de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes. Non seulement la DGCS a pour mission de protéger les publics fragiles, ayant besoin d'un accompagnement pour bénéficier de leurs droits, mais elle constitue également une grande direction de l'égalité – je suis d'ailleurs, en plus d'être délégué interministériel aux droits des femmes, délégué interministériel à la famille.
En matière d'égalité femmes-hommes, nos priorités découlent des politiques portées par le Gouvernement et soutenues par le Parlement. La réforme de l'organisation territoriale représente à nos yeux une opportunité pour renforcer le maillage de notre réseau des droits des femmes. Actuellement, ce réseau est composé de 138 agents au niveau déconcentré –délégations régionales, chargées et chargés de mission au niveau départemental, collaborateurs et collaboratrices –, rémunérés par les crédits du ministère des affaires sociales, auxquels s'ajoutent 12 personnes mises à disposition par les différents ministères, ainsi que les 28 collaborateurs travaillant au SDFE, soit au total 178 personnes à fin 2014 – contre 176 en 2013.
L'effectif total ne s'élevait-il pas à 189 emplois en équivalent temps plein (ETP) en 2013 ?
Le chiffre que vous citez, madame la présidente, correspond vraisemblablement à une valorisation de la quotité de travail des fonctions supports de la DGCS.
Nous vous confirmerons les chiffres ultérieurement en fonction des champs retenus dans votre rapport.
Bien avant la confirmation par le Gouvernement, le 31 juillet dernier, de l'organisation retenue pour les services de l'État, nous avons entamé au sein du réseau un travail de réflexion et de concertation avec la Mission de coordination de la réforme des services déconcentrés de l'État (MICOR), pilotée par le préfet Jean-Luc Névache, afin de repenser le maillage territorial de ce réseau, mais aussi le positionnement de nos agents, tant au niveau régional que départemental.
Actuellement, le maillage territorial n'est pas totalement satisfaisant. En effet, certains départements ne comportent pas de chargé de mission, si bien que des déléguées régionales cumulent parfois leur compétence régionale et le rôle de chargé de mission départemental. Dans sa communication du 31 juillet en conseil des ministres, le Gouvernement a confirmé le niveau départemental comme échelon de mise en oeuvre des politiques publiques, tout en souhaitant une plus grande visibilité en matière de titres et de fonctions des représentants des ministères dans les départements. Aussi nos priorités sont-elles, d'une part, d'affecter une personne dans chaque département, et, d'autre part, de faire évoluer le titre de chargé de mission départemental au profit de l'appellation « délégué départemental ». Ce double objectif – meilleur maillage et meilleure identification des représentantes et représentants en département – nous semble très partagé par le réseau des droits des femmes. Pour autant, la question de la visibilité ne renvoie pas uniquement à la dénomination. C'est pourquoi nous estimons le moment venu, après les comités interministériels aux droits des femmes et le vote de la loi du 4 août 2014, de recenser dans une instruction ou une circulaire l'ensemble des sujets portés par les chargés de mission – ou les délégués départementaux, si cette appellation est retenue –, document qui aurait l'avantage de constituer un sésame leur permettant de solliciter les différents contributeurs en vue de la mise en oeuvre de ces politiques.
Quant au niveau régional, notre souci est de nous adapter aux futures grandes régions. Les moyens de fonctionnement des déléguées régionales sont actuellement assez disparates d'une région à l'autre, toutes ne disposant pas d'un collaborateur adjoint. Aussi notre idée est-elle de proposer aux actuelles directrices régionales d'une région qui perdrait le chef-lieu du fait du regroupement, d'être positionnées comme déléguées régionales adjointes. Les nouvelles régions comporteraient ainsi une directrice régionale, assistée d'une directrice adjointe, poste offert de préférence aux anciennes directrices d'une région fusionnée. L'idée également est de rapprocher la déléguée départementale du département chef-lieu de région de ce pôle en vue de permettre aux personnes de travailler ensemble dans l'animation de la politique publique et d'être assistées par un collaborateur chargé de mission. C'est une idée que nous avons émise mais pour l'heure, les concertations au sein du réseau ne sont pas achevées : lorsque nous aurons reçu le 23 septembre prochain les réponses au questionnaire que nous avons adressé aux agents pour connaître leurs préférences, nous affinerons nos propositions, avant de les présenter à Mmes Marisol Touraine et Pascale Boistard. Ce schéma organisationnel, discuté dans le cadre des concertations tout au long de l'été, nous semble le mieux à même d'assurer la constitution d'une équipe avec une directrice régionale, une directrice adjointe, la déléguée départementale du département chef-lieu de région et un chargé de mission positionné auprès d'elles.
Actuellement, les déléguées régionales sont plutôt satisfaites de leur positionnement au sein des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), lesquels vont se réorganiser en deux pôles : l'un chargé de la conduite des politiques publiques, l'autre du pilotage budgétaire et financier. Un positionnement des déléguées régionales au sein du premier pôle serait donc une très bonne chose dans le cadre de leur participation à l'animation des politiques publiques au niveau régional.
S'agissant des chargées de mission départementales ou des déléguées départementales, les avis sont très partagés. Dans votre rapport d'information, vous plaidez pour un positionnement auprès des préfets. Or s'il semble plus flatteur et autoriser un pouvoir accru d'interpellation du préfet, un tel positionnement est aussi susceptible de se traduire par une forme d'isolement professionnel de la chargée de mission ou du chargé de mission départemental. Certaines chargées de mission départementales voient un avantage à travailler dans les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) ou directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) ; d'autres en direction départementale interministérielle (DDI) préféreraient une affectation en préfecture. Sans doute faudra-t-il privilégier la souplesse, en reconnaissant que les positionnements dépendent du choix des personnes directement concernées, à savoir le préfet ou la préfète, et le chargé de mission ou la chargée de mission départementale, ou future déléguée départementale. Il s'agirait ainsi de permettre une modularité en fonction du contexte local. J'ajoute que, du fait de la création des grandes régions, avec des départements très distants du chef-lieu de région, le préfet de département préférera certainement être entouré d'une équipe resserrée, avec un chargé de mission aux droits des femmes auprès de lui. Les préfets seront appelés par le Premier ministre à formuler des propositions sur l'organisation des services de l'État ; nous aurons voix au chapitre sur le réseau des droits des femmes lorsque la consultation sera achevée dans quelques jours.
Concernant le positionnement auprès des préfets, j'observe que si certains d'entre eux sont sensibles à la question des droits des femmes, d'autres la considèrent comme le cadet de leurs soucis, d'où le risque pour les chargées de mission ou les déléguées de ne pas réussir à se faire entendre. Pour être efficaces, elles doivent pouvoir participer aux réunions avec la chambre de commerce, les acteurs économiques, le procureur… En revanche, vous avez raison, il faut une circulaire définissant clairement leur rôle.
Conformément au label diversité, le ministère des affaires sociales applique des procédures très transparentes en matière de recrutements. Pour un chargé de mission, par exemple, c'est le préfet ou la préfète de département ou le SGAR qui conduit la procédure de recrutement : il reçoit les candidatures, constitue un jury, présente des propositions. Je reçois la candidate ou le candidat classé premier, mais j'ai tout le loisir de rencontrer d'autres candidats. Il est arrivé que la procédure soit reprise en l'absence de candidature répondant aux critères de recrutement, lesquels sont une compétence en matière d'égalité femmes-hommes, une expérience dans ce domaine, mais aussi une capacité à comprendre et à opérer dans un environnement institutionnel particulier, une appétence pour le sujet, et enfin une capacité à conduire des projets et à prendre des initiatives. Ce sont donc tout à la fois des savoir-faire et des savoir-être qui sont recherchés dans le cadre de cette procédure.
Dans les régions où deux délégués sont présents, comment envisagez-vous les choses dans le cadre de la réforme territoriale ?
Certes, nous connaissons tous des préfets qui portent peu d'intérêt aux droits des femmes, mais il est toujours possible de s'appuyer sur le directeur de cabinet – ou le SGAR s'agissant des déléguées régionales. Néanmoins, le problème restera le même si le directeur départemental de la cohésion sociale n'y croit pas.
Les réseaux Violences intrafamiliales (VIF) sont très attendus dans nos territoires ruraux. D'ici à 2017, cinq d'entre eux vont être mis en place dans mon département de Saône-et-Loire et, dans quelques jours, Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes viendra dans ma ville pour signer une convention en ce sens. Or la mise en place de ces réseaux nécessite des moyens en termes de formation des personnels. J'ai interpellé Mme Pascale Boistard à ce sujet. Avez-vous des informations rassurantes à nous communiquer ?
Dans le Rhône, le service de la cohésion sociale souhaite fusionner, dans un souci d'économies, les centres d'accueil de femmes victimes de violences de Villeurbanne et de Saint-Fons. Une telle décision me semble regrettable, sans compter qu'elle ne manquera pas de poser des problèmes aux personnels.
Nous avons toujours autant de mal à y voir clair en ce qui concerne les crédits accordés aux droits des femmes. Au programme 137 sont inscrits les 25 millions d'euros annoncés, mais un autre programme porte sur les personnels et un autre sur les moyens mutualisés des administrations déconcentrées. En fait, nous avons le sentiment que les déléguées n'ont quasiment pas de moyens pour mener des actions sur le territoire.
Sur la réorganisation du réseau au niveau régional, et compte tenu du choix exprimé le 31 juillet en conseil des ministres sur les futurs chefs-lieux de région retenus pour la préfecture de région, en cas de fusion de deux régions, l'une des anciennes directrices régionales pourrait devenir directrice régionale de la nouvelle entité et l'autre son adjointe. Cela suppose un dialogue, actuellement conduit par le SDFE. Dans le cas de la fusion de trois régions, les choses sont plus compliquées : le travail de ressources humaines, conduit par Stéphanie Seydoux et ses collaborateurs, consiste, d'une part, à trouver les bons points de chute pour les personnes souhaitant changer de métier ou de ministère, et, d'autre part, à retenir parmi les personnes désireuses de rester dans la nouvelle région la meilleure candidate aux fonctions de déléguée régionale adjointe. Nous disposons de plus de temps que d'autres ministères, car nous prenons en compte les aspirations de chacune et de chacun – les futurs directeurs régionaux de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) des nouvelles régions, tout comme les futurs directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) ont d'ores et déjà ont été désignés. Aurons-nous 100 % de premier choix ? Sans doute faudra-t-il mettre en place des accompagnements, mais Mme Stéphanie Seydoux va vous l'expliquer dans un instant, puisque c'est elle qui conduit les entretiens.
Certes, le préfet a de multiples priorités. Mais si le Gouvernement a souhaité que le préfet de région soit celui qui pilote, au niveau du département, la mise en oeuvre des politiques publiques, cela signifie que les ministres peuvent s'appuyer sur lui. L'instruction ou la circulaire que j'évoquais pourrait tout à fait rappeler que le préfet doit être pleinement mobilisé pour soutenir la chargée de mission ou la déléguée départementale quand elle doit organiser une réunion avec le procureur ou le directeur départemental de la santé publique sur les moyens de créer au sein d'une brigade une cellule de recueil des plaintes des femmes victimes de violences, par exemple. En d'autres termes, si le département est l'échelon de mise en oeuvre des politiques publiques et que le préfet est le représentant de l'État pour les mettre en oeuvre, alors les ministres ont autorité sur le préfet pour la mise en oeuvre de ces politiques, et nous pouvons donc proposer à ces derniers de donner des consignes aux préfets.
S'agissant du budget, je comprends que les choses soient compliquées pour vous car les moyens sont éclatés en plusieurs programmes. La présentation du budget fait apparaître, au programme 137 dédié à l'égalité entre les hommes et les femmes, tous les crédits d'intervention, nerf de la guerre pour la mise en oeuvre de nos politiques. Ensuite, les personnels du réseau sont rémunérés sur le programme 124 – programme support en masse salariale et en crédits de fonctionnement du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes – à l'exception des collaborateurs des services interministériels au niveau déconcentré, comme les directions départementales interministérielles, dont le budget relève du Secrétariat général du Gouvernement (SGG). Ainsi, les crédits affectés aux droits des femmes relèvent du programme 137, d'une partie du programme 124 et du programme 333.
Nous avons eu à coeur de préserver les crédits d'intervention, dont nous sommes responsables en faisant des propositions en vue de la construction du projet de loi de finances. Pour 2015, les crédits du programme 137 n'ont pas baissé en budgétisation initiale, ils ont même légèrement augmenté par rapport à 2014 – le plan d'économies de 50 milliards d'euros ne les concerne pas. Ils s'établissent à 16,4 millions d'euros pour les crédits déconcentrés et à 7,8 millions pour les actions pilotées par le SDFE, qui sont essentiellement des subventions aux têtes de réseau et des prestations pour la mise en place de dispositifs sur tout le territoire, soit un total de 24,2 millions.
J'en viens aux centres de planning familial, dont un certain nombre a connu des difficultés de trésorerie ou des problèmes de gouvernance. Nous avons été sollicités par les cabinets, quelquefois par des parlementaires, pour soutenir financièrement ces lieux d'accueil et leur permettre de se restructurer ou de se réorganiser. Nous soutenons également les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), mais aussi les réseaux naissants. Concernant les réseaux VIF, pour lesquels notre programme n'est pas le principal financeur, la question est de trouver le meilleur tour de table à même de financer leur développement – nous y porterons, en tout cas, une très grande attention.
Sur la base de l'élaboration du document de politique transversal (DPT) relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, nous allons demander, dans le cadre des Conférences de l'égalité, l'identification d'indicateurs budgétaires sexués, conformément à l'approche intégrée inscrite dans la loi du 4 août 2014. Cette avancée reflétera l'effort de clarification de l'État en faveur des droits des femmes et de l'égalité femmes-hommes.
Dans un contexte budgétaire contraint, notre objectif est de préserver les moyens d'intervention qui, même en très légère diminution le cas échéant, nous permettront de conduire nos actions. Nous avons à coeur de financer des actions prioritaires, comme l'enquête VIRAGE (enquête nationale sur les violences subies et les rapports de genre), le développement des territoires d'excellence ou encore la promotion du label égalité. En tout cas, les discussions interministérielles ne laissent pas présager une diminution de 10 % de nos moyens.
À La Rochelle, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine a annoncé devant des associations féminines et féministes le doublement des moyens alloués aux actions de prévention et de lutte contre la prostitution, qui passeront ainsi de 2,4 à 5 millions en 2016. S'agira-t-il de crédits supplémentaires ou de crédits existants qui seront redistribués ?
Ce sont des crédits supplémentaires en faveur de la lutte contre la traite des êtres humains et les dispositifs d'accompagnement des femmes qui en sont victimes. Le fonds, alimenté par le ministère des droits des femmes, mais aussi le produit des avoirs saisis lors de la condamnation des criminels, sera également financé par des crédits budgétaires issus des autres ministères. Ces crédits ministériels n'amputeront pas ceux dédiés aux droits des femmes ou à la lutte contre la traite ; ils relèveront, par exemple, de programmes dédiés à la santé afin d'assurer un accompagnement des femmes en parcours de sortie des réseaux mafieux ou de traite.
Le fonds AGRASC (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués) permet une grande marge de manoeuvre – il ne doit pas être fléché seulement pour rénover les gendarmeries, qui, certes, en ont bien besoin.
Vous avez évoqué les territoires d'excellence. Or les politiques d'égalité femmes- hommes relèvent de choix politiques et les collectivités pourraient être tentées de mettre fin à ces politiques, les jugeant moins importantes que les autres. Allez-vous réaliser un bilan des territoires d'excellence avant la fin de l'année ? Cela nous permettrait de faire des comparaisons avant et après les élections régionales et l'entrée en vigueur des nouvelles régions.
La vocation des territoires d'excellence est de promouvoir des actions innovantes en matière d'égalité professionnelle, grâce à des appels à projet qui permettent un tour table complet des partenaires. Nous ferons un bilan des territoires d'excellence le 23 septembre prochain, grâce au travail d'évaluation conduit par le chercheur Yannick L'Horty. Après une première expérimentation dans neuf régions, quatre partenariats ont été lancés cette année et un grand nombre de signatures sont prévues à l'agenda de Mme Boistard dans les semaines à venir. Sur la base de la nouvelle carte régionale, dans les régions à trois, aux moins deux territoires auront signé ; parmi les régions à deux, il n'en restera qu'une ou deux où un seul territoire aura signé. Globalement, la France sera donc couverte, y compris certains départements d'outre-mer (DOM).
À son arrivée au ministère, Mme Najat Vallaud-Belkacem avait annoncé la tenue d'un comité interministériel aux droits des femmes tous les ans. Cela n'a pas été le cas : à notre connaissance, en dehors des réunions interministérielles, ce comité s'est tenu fin 2012, puis début janvier 2014. Qu'en est-il ?
S'il appartient aux ministres de confirmer cette information, Mme Pascale Boistard a récemment indiqué, devant les hauts fonctionnaires à l'égalité et membres de cabinet réunis pour le lancement des Conférences de l'égalité, avoir obtenu un accord de principe du Premier ministre pour la tenue d'un comité interministériel aux droits des femmes (CIDF) avant la fin de l'année 2015.
Jusqu'à présent, le rythme annuel des comités interministériels était adapté, mais peut-être sera-t-il plus difficile de le maintenir à l'avenir, notamment à l'approche des échéances électorales nationales. Nous sommes dans une période charnière où, après la consolidation des droits des femmes acquis grâce aux grandes lois des années 1960-1970, une nouvelle génération de droits émerge en application du principe de parité et de la loi du 4 août 2014. Les ordonnances sur la parité dans les autorités administratives indépendantes (AAI) et les ordres professionnels, présentées en conseil de ministres, vont être proposées à la ratification du Parlement.
L'Assemblée nationale a organisé l'année dernière un colloque européen sur les études d'impact. Ce ne sont pas les ministères, mais le SDFE seul qui réalise ces études d'impact sur l'égalité, dont les paragraphes sont très inégaux en quantité et en qualité selon les textes de loi, si bien que nous nous appuyons davantage sur les avis du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) notamment.
Loin de moi l'idée de critiquer le SDFE, madame Seydoux ; je tiens simplement à rappeler le manque de moyens dont vous disposez. À mon sens, les ministères devraient réaliser eux-mêmes ces études d'impact, qui seraient alors supervisées par vos collaborateurs. D'autant que des textes de loi très importants, comme ceux sur la santé, l'adaptation de la société au vieillissement ou encore le patrimoine, renvoient à l'égalité femmes-hommes !
Nous ne pouvons que partager votre avis : la bonne étude d'impact est celle qui est conçue par le ministère dont émane le projet de loi. Cette préoccupation est inégalement prise en compte par les ministères. L'étude d'impact renseignée par le ministère des affaires sociales sur la loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, par exemple, a permis des échanges parlementaires très riches sur la prise en compte des temps partiels, des trimestres cotisés, etc. Dans le cadre du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, la prime d'activité a elle-même donné lieu à un débat de très bonne qualité sur la situation des femmes divorcées, les pensions alimentaires, etc. Nous continuerons à plaider en ce sens ; de votre côté, il est important de rappeler aux ministres la nécessité de porter eux-mêmes ces études d'impact dans leur volet égalité femmes-hommes.
Notre délégation doit avoir terminé les auditions, l'examen du texte et des amendements avant l'examen du texte en commission !
Combien de personnes travaillent aux études d'impact ?
Nous avons un équivalent temps plein (ETP) entièrement dédié, grâce à une création de poste en 2013, encore que cette année nous avons eu besoin de beaucoup de ressources pour la mise en oeuvre de la loi du 4 août 2014, et nous sommes d'ailleurs heureux de pouvoir dire qu'elle est presque entièrement appliquée, à l'exception d'un décret qui devrait être pris prochainement.
Dans le cadre du colloque européen organisé à l'Assemblée, nous avons évoqué notre guide méthodologique de prise en compte de l'égalité dans les études d'impact. Après avoir sensibilisé les hauts fonctionnaires à l'égalité entre les femmes et les hommes, l'étape suivante consistera à interroger systématiquement, lors des Conférences de l'égalité, les ministères sur la manière dont ils se sont organisés pour intégrer la prise en compte de cette exigence. Les agents de leur direction des affaires juridiques ont-ils suivi la formation ? Appliquent-ils le guide ? Pour notre part, nous nous efforcerons de continuer à être exemplaires au sein de la DGCS et, plus largement, du ministère des affaires sociales.
Merci infiniment de votre soutien : votre vigilance de tous les instants est essentielle au regard de tous les projets qui se succèdent. Je renouvelle notre offre de mettre le dispositif de formation méthodologique à la disposition de l'Assemblée nationale et du Sénat pour les études d'impact des propositions de loi.
Merci beaucoup, madame, monsieur. Vous l'avez compris : nous espérons vous revoir régulièrement, car notre souhait est de vous aider.
La séance est levée à 19 heures 35.