La commission a examiné la proposition de loi visant à mieux protéger les appellations géographiques et les noms des collectivités territoriales (n° 329) sur le rapport de M. Daniel Fasquelle.
Nous sommes réunis ce matin pour examiner la proposition de loi visant à mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales.
La proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter concerne deux sujets distincts que sont, d'une part, les indications géographiques appliquées aux produits artisanaux et manufacturiers et, d'autre part, la protection des dénominations des collectivités territoriales. Ces questions sont connexes et s'inscrivent dans une même perspective, celle de renforcer la reconnaissance des savoir-faire des entreprises françaises en s'appuyant sur les identifiants forts pour les produits que sont les noms des collectivités territoriales, lesquels permettent une identification à un terroir, une histoire ou une renommée.
Tout se passe comme si la mondialisation de l'économie et de la concurrence avait pour corollaire un intérêt accru des consommateurs pour la proximité, le local, l'identification des produits à leur origine et l'authenticité. Ces tendances peuvent s'analyser comme autant de défenses à l'encontre de l'uniformisation et du marché global, qui ne permettent plus de rattacher un produit à une entité géographique. Ce constat, notre commission a eu maintes occasions de le dresser, notamment lorsqu'elle a traité des questions relatives aux droits de plantation, aux couteaux Laguiole ou à l'AOC gruyère.
Ce texte s'inspire largement des débats que nous avons eus lors de l'examen en 2011 du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, dont j'étais le rapporteur. Le projet de loi comportait un article relatif aux indications géographiques des produits non alimentaires, et la Commission des affaires économiques avait également adopté, à mon initiative, un amendement visant à mieux protéger les noms des collectivités territoriales contre les usages dévoyés ou déloyaux. Ce texte n'ayant malheureusement pu aboutir, je vous propose aujourd'hui de revenir sur ces questions qui avaient recueilli un large consensus parmi nous et devraient illustrer la volonté unanime de notre commission de mieux protéger le nom des collectivités et les produits de nos terroirs.
J'en viens aux articles de cette proposition de loi. J'indique par ailleurs que j'ai été amené, au fil des auditions et de mes réflexions, à modifier la proposition initiale afin de lui conférer une meilleure lisibilité et une plus grande efficacité. J'ai d'ailleurs déposé plusieurs amendements dont l'objet est de préciser, de compléter et de restructurer le texte.
En ce qui concerne tout d'abord la création d'indications géographiques protégées en faveur des produits artisanaux ou manufacturiers, il s'agit pour notre pays d'être précurseur tout en s'inscrivant dans un cadre européen. Le droit positif comporte depuis fort longtemps un système de protection des produits alimentaires sous la forme des appellations d'origine contrôlée (AOC), définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation. Même si le texte de cet article n'exclut pas formellement les produits autres qu'alimentaires, la pratique qui exige un lien fort entre un terroir et un savoir-faire a conduit à ce que l'immense majorité des produits AOC soit des produits alimentaires. Il existe certes quelques contre-exemples comme la dentelle du Puy, les mouchoirs et toiles de Cholet, la poterie de Vallauris, les émaux de Limoges et le monoï de Tahiti, mais il s'agit d'AOC très anciennes.
Le droit européen, quant à lui, prévoit deux modes de protection de l'indication géographique des produits alimentaires : l'appellation d'origine protégée (AOP), qui garantit un très fort lien avec le terroir et qui est l'équivalent de l'AOC française, et l'indication géographique protégée (IGP), qui garantit un lien avec l'origine au moins à l'un des stades de la production, de la transformation ou de l'élaboration.
La volonté européenne d'étendre la catégorie des IGP aux produits non alimentaires existe et des études préparatoires sont en cours, mais cela n'a pas encore débouché sur des propositions concrètes.
L'article 1er de la proposition de loi reprend le texte du projet de loi voté en 2011 en première lecture. Il prévoit une procédure d'homologation par décret d'un cahier des charges qui indique le nom du produit, délimite l'aire géographique, définit la qualité, la réputation et les autres caractéristiques qui peuvent être attribuées à cette origine géographique, et précise les modalités de production, de transformation, d'élaboration ou de fabrication qui ont cours dans cette aire géographique ainsi que les modalités de contrôle des produits.
Le texte prévoit également l'articulation entre une marque et une IGP portant sur une même dénomination. Les deux dispositifs pourront coexister, conformément aux principes du droit international en la matière. Ainsi, il pourrait exister une IGP pour les couteaux Laguiole qui ne remettrait pas en cause la marque actuellement déposée mais ne se heurterait pas non plus à la prééminence actuelle du droit des marques. Bien entendu, la définition du cahier des charges sera fondamentale pour permettre l'identification des modes de fabrication et les exigences de qualité requises. Cette définition permettra d'inclure au sein d'une IGP des lieux de production distincts, voire éloignés – je pense aux communes de Laguiole et de Thiers –, dès lors qu'ils satisferont aux exigences du cahier des charges.
Le second volet de la proposition de loi concerne la protection des dénominations des collectivités territoriales à l'égard des marques commerciales. On constate en effet que la notoriété de certaines communes peut être utilisée par des entreprises implantées dans d'autres régions ou par des entreprises locales dans un sens contraire aux intérêts et à l'image de la collectivité, voire par une autre collectivité – je pense à l'affaire dite Saint-Nicolas. Afin d'éviter ce type de conflit, la proposition de loi prévoit l'information de la collectivité territoriale dès lors que sa dénomination est utilisée à des fins commerciales. Cette information lui permettra, le cas échéant, de faire opposition à l'enregistrement de la marque auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). J'indique que je proposerai un amendement de précision de cet article, qui n'en modifiera pas l'économie générale. L'opposition ne sera recevable que si la marque contrevient aux dispositions figurant aux articles L. 711-2 à L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle. Il s'agit non de modifier le droit des marques mais de permettre aux communes, au travers de l'obligation d'information et de ce droit d'opposition, de bénéficier de la protection offerte par ce droit. Je souligne qu'il ne s'agit pas d'un droit d'opposition inconditionné, les collectivités devront démontrer l'atteinte au nom, à l'image ou la notoriété, conformément au code de la propriété intellectuelle. L'obligation d'information, quant à elle, permettra aux collectivités d'intervenir beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui
Par ailleurs, je souhaite mettre en valeur le dispositif de l'actuel article 3 de la proposition, qui concerne l'usage exclusif par les collectivités territoriales de leur dénomination dans le cadre de leurs missions de service public. Il s'agit là d'inscrire dans la loi un principe dégagé par la jurisprudence et de lui donner une meilleure visibilité en le plaçant en tête des dispositions relatives à la protection des dénominations. J'ai déposé un amendement en ce sens.
Enfin, pour compléter l'arsenal protecteur du nom des collectivités territoriales, je propose, par le biais d'un amendement, de créer à leur bénéfice une présomption de marque collective pour leur dénomination. Elles pourront s'en prévaloir dès lors qu'elles auront adopté un règlement d'usage mentionné à l'article L. 715-1 du code de la propriété intellectuelle. Cette disposition peut s'avérer d'une grande utilité pour les collectivités qui souhaitent protéger l'utilisation de leur nom et de leurs signes distinctifs. En effet, le principe essentiel gouvernant l'usage d'une telle marque réside dans le fait qu'elle peut être utilisée par tout professionnel qui fournit des produits ou services qui répondent aux exigences imposées par le règlement d'usage.
Cette proposition de loi est très attendue par les élus locaux – l'audition du maire de Laguiole l'a démontré –, lesquels sont soucieux de préserver les intérêts légitimes de leur collectivité face aux pratiques de parasitisme ou de captation de leur image ou de leur réputation, qui reposent sur un savoir-faire et des compétences spécifiques. Il s'agit d'un sujet dont nous avons longuement débattu lors de l'examen du projet de loi Lefebvre, texte qui avait été amélioré en commission et lors de son examen en séance tant à l'Assemblée qu'au Sénat, mais qui n'a pas pu aller jusqu'à son terme. Les auditions auxquelles j'ai procédées ont encore permis de faire évoluer le dispositif en la matière. Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter la proposition de loi, qui me paraît constituer un texte abouti, qu'il s'agisse de l'extension des IGP aux produits artisanaux attachés à nos territoires, du règlement des conflits avec les marques, du cadre géographique de l'IGP – lequel peut dépasser les limites d'une seule commune – ou de la protection du nom des communes. J'ajoute que ce texte respecte le droit, tant national qu'européen ou international, des marques et de la protection des indications géographiques.
Au cours de la précédente législature, saisie du projet de loi renforçant les droits, la protection est l'information des consommateurs, la Commission des affaires économiques avait adopté un amendement prévoyant la consultation préalable des collectivités locales avant toute utilisation de leur nom à des fins commerciales, et ce afin de préserver leur notoriété et leur image, ainsi que plusieurs amendements d'André Chassaigne encadrant la portée du cahier des charges des IGP afin d'éviter qu'une certification soit accordée à un bien non alimentaire fait d'un assemblage de pièces provenant d'autres territoires, notamment de pièces provenant de productions délocalisées.
Lors de l'examen du texte au Sénat, malgré l'avis défavorable du ministre, un amendement a été adopté à l'article 7, visant à autoriser la délivrance d'une IGP malgré l'existence d'une marque de dénomination similaire. Il s'agissait de ne pas permettre à des personnes bénéficiant d'un droit sur une marque de bloquer la possibilité d'exploiter une IGP. À cet égard, je rappelle le douloureux exemple de la commune de Laguiole dont le nom a été usurpé par un particulier qui en assure l'exploitation commerciale. Cet exemple montre les limites du droit des marques quant à l'indication de provenance géographique. On ne peut accepter qu'une commune ne puisse utiliser son logo.
Toutefois, ce texte n'a pas été réinscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée. Au reste, j'ai trouvé amusante, monsieur le rapporteur, la question écrite que vous avez posée, au début de l'année, à M. Frédéric Lefebvre pour lui demander que ce texte aille à son terme au motif – argument étrange – que le FMI regrettait le retard pris par un texte bénéfique pour la concurrence dans les services.
De fait, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne fait que reprendre l'article 7, modifiée par les sénateurs de gauche, du projet de loi de M. Frédéric Lefebvre. D'ailleurs, vous le mentionnez dans l'exposé des motifs. Quel revirement de la part de l'ancienne majorité !
Le groupe SRC ne peut adhérer à cette proposition de loi car elle comporte un certain nombre de lacunes. Si, dans son exposé des motifs, le rôle de l'INAO – l'Institut national de l'origine et de la qualité – est mentionné pour la mise en oeuvre des appellations d'origine en matière alimentaire, le texte ne prévoit ni la constitution d'un organisme similaire pour les indications géographiques non alimentaires, ni le financement du dispositif.
Par ailleurs, l'étude d'impact du projet de loi de M. Frédéric Lefebvre mentionnait qu'il appartenait aux producteurs souhaitant s'engager dans une démarche de reconnaissance d'IGP, ou à leur fédération d'élaborer un cahier des charges. Or votre proposition de loi laisse à l'État l'entière responsabilité de décider de l'opportunité de créer une IG et n'associe que de manière marginale les professionnels concernés. En tout état de cause, si l'on veut assurer la pérennité du dispositif, il est essentiel d'associer dès le début les professionnels, comme cela est fait en matière alimentaire, via les organismes de défense et de gestion qui portent la demande de reconnaissance et participe à son suivi.
Enfin, cette proposition de loi manque d'ambition. Hier, lors de son audition par notre commission, le ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation, M. Benoît Hamon, indiquait que les extensions des indications géographiques aux produits manufacturés seraient intégrées au projet de loi relatif à la consommation, texte plus complet qui prendra en charge l'ensemble des problématiques. Et Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, a pris le même engagement lors de la table ronde qui s'est tenue début octobre à Laguiole.
Parce que les consommateurs attendent d'un produit qu'il possède des caractères dus au lieu de production, parce qu'une indication géographique met en évidence un lieu de production précis et détermine les qualités du produit originaire de ce lieu, parce que le droit des marques a montré ses limites quant à l'indication de provenance géographique, le groupe SRC votera contre cette proposition de loi incomplète, mais qu'elle considère comme un appel à voter le futur projet de loi relatif à la consommation.
Ce texte pertinent répond à la problématique de l'affaire Laguiole. Je citerai pour ma part l'exemple de la Ville de Nancy qui, souhaitant que le nom « Saint-Nicolas » ne se transforme pas en marque commerciale, a déposé la marque « Saint-Nicolas » au nom de la commune de Saint-Nicolas-de-Port. Les élus alsaciens s'étonnent que l'INPI ait accepté une telle appropriation car de nombreux marchés traditionnels en Alsace portent le nom de Saint-Nicolas. Nous avons négocié avec la Ville de Nancy, mais celle-ci ayant maintenu sa position, nous envisageons un recours judiciaire en vue d'obtenir la suppression de cette protection. Cette proposition de loi nous permettra de trouver une solution.
Les produits alimentaires ne sont pas aussi protégés que vous semblez le penser. Ainsi, la marque Roquefort a été utilisée pour d'autres produits fabriqués dans d'autres lieux du monde, notamment en Asie. Quant aux produits non alimentaires, ils ne font l'objet d'aucune protection.
La proposition de loi prévoit une protection nationale, avec les limites que nous connaissons. Son article 1er, qui donne une définition de l'indication géographique protégée, liée à certains critères, permettra de mettre fin à certaines difficultés. Ainsi, si les communes de Laguiole et de Thiers avaient eu seules la capacité de baptiser leurs couteaux, nous aurions pu éviter les importations à bas prix de couteaux et d'ustensiles estampillés Laguiole mais produits en Asie.
D'autre part, la propriété du nom de la commune ne saurait appartenir à quiconque qui empêcherait à celle-ci de fabriquer des produits portant son nom. C'est pourquoi l'article 2 entend permettre aux collectivités territoriales de s'opposer à l'utilisation de leur nom si elles le souhaitent.
Le groupe UMP votera donc cette proposition de loi qui comble un vide juridique.
Je vous félicite pour votre engagement, monsieur le rapporteur, et suis sensible à votre démarche de protéger les indications géographiques. J'y suis d'autant plus sensible que le nougat de Montélimar n'est pas protégé. La démarche IGP est en cours, mais il est difficile, dans un domaine concurrentiel, d'amener tous les acteurs à engager une démarche collective. Le fait de disposer d'un cadre législatif ne garantit pas non plus d'avoir une application qui soit la plus efficace possible ; il faut aussi qu'il y ait une sensibilisation des professionnels et des acteurs économiques.
Une meilleure information du consommateur sur le produit qu'il achète est également nécessaire. Actuellement, les consommateurs, en toute bonne foi, peuvent acheter un couteau de Laguiole fabriqué en Chine ou manger un nougat de Montélimar produit ailleurs.
La mention de l'IGP, en valorisant la culture et le savoir-faire d'un territoire depuis plusieurs générations, a un réel impact sur l'économie locale. À l'heure où nous battons contre les délocalisations, c'est un argument intéressant.
L'Europe étudie la possibilité d'étendre le dispositif des IGP aux produits non alimentaires, mais il n'en est pas moins urgent de mettre en place des outils législatifs susceptibles de mieux protéger le savoir-faire de nos territoires et les consommateurs.
Les législateurs que nous sommes doivent penser à ceux qui luttent pour sauver l'économie de leur territoire et non à leur petite cuisine politicienne. C'est pourquoi je demande à nos collègues qui s'expriment contre cette proposition de loi de faire en sorte que nous puissions poursuivre le travail législatif, éventuellement en déposant des amendements. Le groupe UDI, quant à lui, soutiendra cette proposition de loi.
J'ai pris connaissance avec grand intérêt de cette proposition de loi, et j'ai apprécié les précisions apportées par M. le rapporteur.
L'article 30, ancien article 36, du traité instituant la Communauté européenne autorise les « interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit », en particulier lorsqu'elles sont justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, à condition qu'elles ne constituent « ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ».
Le cahier des charges d'une indication géographique protégée devra donc prendre en considération des arguments historiques, économiques et industriels, et se garder – comme l'a dit M. Benoît Hamon hier – de toute approche sentimentale ou affective. Méfions-nous des grandes formules à l'emporte-pièce ! Si l'on ne respectait pas les antécédents, il y aurait un risque de multiplication des contentieux, qui apporteraient, j'en suis convaincu, la victoire à ceux qui détiennent l'antériorité de la fabrication d'un produit. Il ne faut pas laisser gagner ceux qui caricaturent nos positions. Le texte de loi comme les décrets d'application devront donc être rédigés avec soin.
Au reste, deux points n'apparaissaient pas dans le texte discuté lors de la précédente législature : qui définira le cahier des charges ? Qui sera le porteur du projet – collectivités locales, préfet de massif, professionnels ? Nous attendons des précisions sur ces points.
L'article 2 de la proposition de loi accorde à la collectivité locale un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser l'utilisation de son nom. Cela pose la question de la rétroactivité. Ainsi, des couteaux appelés Saint-Amant, Montpellier, Roquefort, Aurillac… existent depuis extrêmement longtemps : que deviendront-ils ? Là encore, il faudra être très précis afin d'éviter autant que possible les contentieux. Des marques déjà déposées – je pense bien sûr à M. Szajner, que nous avons reçu – seront-elles concernées par cette nouvelle législation ?
Cette proposition de loi vise à étendre les indications géographiques protégées afin de valoriser et de protéger les savoir-faire locaux et donc de s'assurer que les produits sont fabriqués sur le territoire qui leur donne leur nom. L'idée est intéressante, mais il faudrait apporter plus de garanties, en prévoyant notamment un cahier des charges plus exigeant et en mettant l'accent sur la qualité des produits. Le consommateur qui achète un produit porteur d'une IGP doit en effet être sûr de la qualité de ce produit. Or, en matière alimentaire, et contrairement aux appellations d'origine contrôlée (AOC), les IGP n'assurent pas toujours le consommateur de l'origine locale du produit ou même de sa qualité ; et il est encore plus facile de démanteler la fabrication d'un produit manufacturé !
Afin de dissiper la crainte qu'une porcelaine « de Limoges » soit en réalité fabriquée en Chine, il faut encadrer mieux que ne le fait cette proposition de loi les conditions dans lesquelles une IGP peut être décernée. Si des dérives devaient être constatées, ce sont les entreprises engagées dans une démarche de qualité qui seraient touchées. En particulier, il faudrait remplacer « ou » par « et » dans l'expression « les modalités de production, de transformation, d'élaboration ou de fabrication ».
La proposition de loi ne résout pas, en outre, le problème de Laguiole, dont le nom a été usurpé.
Une proposition de loi doit être novatrice et répondre aux attentes des consommateurs ; elle doit se fonder non seulement sur des critères de qualité, mais aussi sur des critères sociaux et environnementaux. En l'état, les députés écologistes ne pourront donc pas approuver cette proposition de loi.
Il est certain que la protection des indications géographiques de produits manufacturés ou artisanaux doit être renforcée. Le code de la consommation prévoit l'interdiction et la sanction de fausses appellations d'origine, y compris pour les produits industriels. Toutefois, cette procédure nationale se révèle souvent inadaptée aux nouveaux enregistrements. Sur le plan communautaire, les appellations d'origine protégée et les IGP, créées par les instances européennes en 1992, sont attribuées seulement à des produits agricoles ou alimentaires. Les sénateurs de gauche avaient, en 2011, déposé un amendement afin d'étendre ce mécanisme de protection, mais il fut malheureusement rejeté.
Le constat de l'inadéquation de la législation actuelle est donc partagé. Cependant, nous ne pouvons approuver cette proposition de loi qui nous paraît incomplète : elle ne prévoit par exemple ni financement, ni organisme pour gérer les IGP.
Il faudrait, de plus, associer dès le début les professionnels, comme c'est le cas pour les produits alimentaires. Ici, l'entière responsabilité de la démarche est laissée aux pouvoirs publics.
Le groupe RRDP soutient donc la concertation menée par Mme Sylvia Pinel et M. Benoît Hamon, qui prévoient de déposer un projet de loi sur ce sujet au début de l'année 2013 : l'extension des IGP aux produits artisanaux et industriels permettra de répondre aux attentes des producteurs, concurrencés par des producteurs qui usurpent les appellations géographiques et commercialisent des produits qui trompent les consommateurs.
Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi.
Madame Marcel, le texte a bien sûr évolué, puisque je recherche le consensus. Comme rapporteur du projet de loi sur la consommation, j'avais, vos collègues vous le diront, été attentif à tous les amendements, y compris ceux de l'opposition. Nous devrions tous adopter cette démarche : ne repoussez pas cette proposition de loi uniquement parce qu'elle émane de l'UMP !
Le projet de loi Lefebvre était, je vous le rappelle, accompagné d'une étude d'impact.
Si l'INAO – compétent pour les IGP alimentaires – est mentionné dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, la gestion des IGP non alimentaires reviendrait à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Il est bien entendu nécessaire d'associer les professionnels : relisez l'article 1er ! Ce sont eux qui proposent le cahier des charges, et qui sont donc à l'origine de l'IGP. Même le projet de loi de M. Hamon ne pourra pas faire mieux.
J'ai entendu que ce projet manquait d'ambition, qu'il était incomplet. Il s'en tient à ce qui ressort du domaine de la loi, ce qui me semble logique. Pour le reste, faites des propositions, acceptez le débat comme je l'accepte ! Allons de l'avant !
M. Straumann a évoqué l'affaire « Saint-Nicolas » et le conflit entre Nancy et Saint-Nicolas-de-Port d'une part et l'Alsace de l'autre. Cette proposition de loi permettrait de prévenir de tels conflits : grâce à l'obligation d'information, les communes seront alertées et pourront donc négocier en amont du processus. Le dépôt d'une marque collective pourrait par exemple être envisagé dans ce cas-là.
Dans mon travail, je suis justement parti de ces cas concrets – Saint-Nicolas ou Laguiole. Avec ce texte, ces problèmes seront résolus.
Je remercie M. Marc, qui connaît bien l'affaire Laguiole, de son soutien. Ce que nous faisons vaut pour l'avenir : le dépôt d'une IGP permettra à l'avenir de conforter, de consolider, de protéger les producteurs de ces territoires qui ont besoin de se réapproprier leur nom ; en revanche, le droit national, européen et international des marques nous interdit de remettre en cause ce qui a déjà été fait.
Monsieur Reynier, vous avez raison, cette extension est très attendue. Il est urgent d'agir. Certes, l'Union européenne a commencé à travailler sur le sujet, puisque la Commission européenne a saisi un cabinet qui mène une enquête à l'échelle de l'Europe pour connaître l'état des législations nationales. Toutefois, ce n'est qu'après que cette enquête aura été effectuée que la Commission fera une proposition, c'est-à-dire pas avant deux ou trois ans. En légiférant en France, nous donnerons envie à l'Union d'aller plus loin, ce qui serait positif pour nous : si une telle législation n'est adoptée que dans notre pays, elle sera assez fragile.
Monsieur Chassaigne, merci de vos propos. Vous aviez appelé notre attention sur plusieurs difficultés, ce qui nous avait permis d'améliorer le texte déposé lors de la précédente législature. Je suis d'ailleurs allé au-delà de ce que nous avions proposé alors : cette proposition de loi tient donc très largement compte des remarques que vous aviez formulées.
Il faut effectivement prendre en considération le droit du marché unique. Les cahiers des charges devront donc être rédigés avec les plus grandes précautions et en utilisant, comme vous le disiez, des arguments historiques, industriels et économiques.
N'oublions pas non plus qu'une IGP concernera souvent plusieurs communes.
À propos du nom de couteaux existant depuis longtemps, je veux vous rassurer : nous ne pouvons pas remettre en cause le droit des tiers – c'est-à-dire ceux qui utilisent déjà un nom.
Madame Allain, le cahier des charges sera très précis, parce qu'il sera rédigé par les demandeurs et parce que la loi le demande : relisez l'alinéa 5 de l'article 1er. On ne peut pas être plus précis !
Quant au risque de conflit entre une marque existante et une IGP, je répète que nous ne touchons pas au droit des marques, qui protège le droit des tiers. On peut s'en féliciter ou le regretter suivant les cas, mais nous ne pouvons légiférer que pour l'avenir : il est donc d'autant plus urgent d'agir.
Madame Dubié, ce texte est complet et précis. Si cela vous paraît nécessaire, je le répète, vous pouvez le compléter en déposant des amendements. Comme je l'ai déjà dit, l'étude d'impact existe, et des débats parlementaires ont déjà eu lieu.
Faut-il créer un organisme spécifique pour gérer l'extension des IGP ? Non, surtout pas ! La DGCCRF a réalisé une étude en 1995 : elle recensait alors une centaine de produits non alimentaires qui pourraient être concernés – tapisseries d'Aubusson, chaussures de Romans, ardoise des Pyrénées… Ses agents connaissent très bien les problèmes de droit de la concurrence, qu'ils traitent déjà, et ils peuvent parfaitement traiter une centaine de dossiers. L'INAO en revanche ne serait pas armé pour cela – il dépend du ministère de l'agriculture.
Enfin, je répète que les professionnels seront évidemment étroitement associés à cette démarche.
Retrouvons-nous donc ce matin pour adopter ce texte, sans attendre un hypothétique projet de loi qui traitera de toute façon aussi de nombreuses autres questions.
Même si une marque alimentaire est protégée, la collectivité territoriale elle-même ne l'est pas forcément. J'ai donc dû pour ma part protéger le nom de Beaune. Ce texte, dont je suis co-signataire, me paraît donc important.
J'aimerais savoir ce que vous prévoyez, monsieur le rapporteur, en cas de conflit entre une commune et une intercommunalité. Une intercommunalité peut en effet déposer le nom d'une commune qui, elle, ne l'a pas fait : c'est le cas de Chablis, par exemple.
D'autre part, qu'en sera-t-il de l'existant ? La proposition de loi mentionne ainsi les signes distinctifs. Mais certaines communes utilisent comme signe distinctif un monument qui appartient à un particulier : cela ne peut-il pas poser problème ?
La proposition de loi prévoit une obligation d'information, dont les modalités devront être précisées par décret – ce n'est pas le domaine de la loi. Cette obligation permettra d'éviter un grand nombre de difficultés. Ainsi, je suis moi-même maire du Touquet Paris-Plage : lorsque la capitale a créé l'opération Paris-Plage et déposé cette marque, nous avons été dépouillés de ce nom. Il y a eu un contentieux, qui s'est terminé par une transaction ; mais celle-ci s'est faite à notre détriment.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er (articles L. 115-1-1 et L. 115-2-1 [nouveaux], L. 115-3, L. 115-4, L. 115-16 du code de la consommation ; articles L. 711-4, L. 713-6, L. 721-1 et L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle) : L'indication géographique des produits non alimentaires
Contre l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement rédactionnel CE 1 du rapporteur.
Puis elle rejette l'article 1er.
Après l'article 1er
La Commission examine ensuite l'amendement CE 2 du rapporteur, tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er.
Cet amendement vise à restructurer le texte de la proposition de loi afin de faire figurer en tête des dispositions relatives à la protection des noms des collectivités territoriales une disposition de principe selon laquelle les collectivités territoriales bénéficient de l'usage exclusif de leur dénomination et de leurs signes distinctifs, dès lors qu'elles les utilisent dans le cadre de leurs missions de service public.
D'autre part, la nouvelle rédaction synthétise la position jurisprudentielle sur le domaine d'intervention exclusif des collectivités territoriales.
Contre l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CE 2.
Article 2 (article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle) : Protection de la dénomination des collectivités territoriales
La Commission est saisie de l'amendement CE 3 du rapporteur.
Cet amendement vise tout d'abord à faire figurer l'obligation d'information des collectivités territoriales dans l'article du code de la propriété industrielle concernant la procédure d'enregistrement des marques : c'est le fait générateur de l'information.
Il procède également à une simplification rédactionnelle pour ce qui concerne les titulaires du droit d'opposition à l'enregistrement d'une marque.
Il précise enfin les fondements qui permettent à une collectivité territoriale de s'opposer à un tel enregistrement.
Je répète donc que nous ne touchons pas au droit des marques au fond : les collectivités territoriales devront s'appuyer sur ce droit des marques pour défendre leurs intérêts.
La Commission rejette l'amendement CE 3.
Puis elle rejette l'article 2.
Article 3 (article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales) : Usage exclusif de la dénomination des collectivités territoriales dans le cadre des missions de service public
Contre l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement de coordination CE 4 du rapporteur.
Elle rejette ensuite l'article 3.
Après l'article 3
La Commission examine enfin l'amendement CE 5 du rapporteur, tendant à insérer un article additionnel après l'article 3.
Cet amendement vise à faire du nom d'une commune une marque collective, dès lors que cette commune aurait adopté un règlement d'usage en ce sens. Nous nous appuyons donc là encore sur le droit des marques pour renforcer les droits des collectivités territoriales. Cette disposition, qui est nouvelle, me paraît constituer une véritable avancée.
La Commission rejette l'amendement CE 5.
En conséquence du rejet de tous ses articles, l'ensemble de la proposition de loi est rejeté.
En conséquence, aux termes de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.
Cette proposition de loi constitue malgré tout un travail important ; elle nourrira sans aucun doute nos débats ultérieurs.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 28 novembre 2012 à 10 heures
Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Armand Jung, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Yves Nicolin, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier
Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Thierry Benoit, M. Christophe Borgel, M. Joël Giraud, M. Serge Letchimy, M. Bernard Reynès, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin