Commission des affaires économiques

Réunion du 7 juin 2016 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a auditionné M. Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom, et M. Didier Casas, secrétaire général et porte-parole de Bouygues Telecom.

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Mes chers collègues, nous recevons M. Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom, accompagné de M. Didier Casas, secrétaire général et porte-parole du groupe.

Nous entendrons d'ici à la fin de l'année l'ensemble des opérateurs de téléphonie mobile. Le 24 mai dernier, nous avons reçu Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, que nous avons interrogée sur la couverture numérique du territoire. Nous pourrons revenir avec vous sur les sujets que nous avons abordés avec elle, notamment le plan national pour la couverture mobile pour 2015 et ses volets urgents : la mutualisation des réseaux en zone rurale grâce aux opérateurs et aux collectivités territoriales, la finalisation de la couverture des centres-bourgs d'environ trois cents communes en zone blanche d'ici à la fin 2016, la mise à niveau de 2 200 communes actuellement en 2G d'ici à 2017, la couverture complète de 400 zones d'intérêt économique ou touristique dans le même délai, etc.

Lors de son audition, la secrétaire d'État a présenté l'état actuel de la couverture et évoqué notre capacité à obtenir une couverture optimale d'ici à 2020. Elle a rappelé le rôle essentiel des opérateurs et les engagements qu'ils avaient pris en la matière. Elle a indiqué qu'elle inviterait les quatre opérateurs à mutualiser leurs équipements dans le cadre du guichet de couverture mobile qui concernera 1 300 sites. Vous êtes d'ailleurs tenu, avec les deux autres opérateurs titulaires de la fréquence 4G, de couvrir 40 % de la population en zone peu dense d'ici au 17 janvier 2017. Nous souhaitons évidemment faire le point avec vous sur l'ensemble de ces sujets.

Je souhaite également vous interroger sur la tentative de rapprochement avec l'opérateur Orange, sur le projet de loi pour une République numérique, qui devrait être examiné à la fin du mois par une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs avant d'être adopté par le Parlement, mais aussi sur la demande de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de favoriser le développement des réseaux propres des opérateurs mobiles. Le régulateur a invité les opérateurs à lui transmettre, avant le 15 juin, des propositions de modification des contrats de partage des réseaux mobiles afin de faire évoluer, notamment, le contrat d'itinérance entre Free Mobile et Orange, d'une part, et le contrat de mutualisation et d'itinérance entre Bouygues Telecom et SFR, d'autre part. Quelles propositions comptez-vous faire d'ici à la semaine prochaine ?

Nous serions enfin intéressés par vos éventuelles réflexions, s'agissant des problématiques relatives au numérique, concernant deux textes examinés en ce moment par le Parlement : le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin II », et le projet de loi dit « Travail ».

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Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'étais intervenu devant votre commission en février 2012, quelques semaines après l'arrivée d'un quatrième opérateur mobile en France, alors que nous affrontions un fort séisme. Que s'est-il passé depuis quatre ans et demi ? Nous avons réalisé au sein de Bouygues Telecom une assez profonde restructuration qui s'est traduite par la suppression d'environ 2 000 emplois directs auxquels s'ajoutent un certain nombre d'emplois indirects. Cette restructuration nous a permis de faire repartir notre croissance et de rétablir les fondamentaux économiques de l'entreprise. Nous venons donc de fêter nos vingt ans, le week-end dernier, en bonne santé économique – nous avions lancé notre offre de téléphonie mobile le 29 mai 1996.

Notre chiffre d'affaires du premier trimestre 2016 est en hausse de 6,4 %, ce qui détonne un peu parmi les résultats des opérateurs, qui subissent encore des pressions importantes. Le chiffre d'affaires du mobile, après vingt trimestres consécutifs de baisse, est reparti à la hausse pour revenir au niveau qui était le sien au début de l'année 2010. Ces résultats sont la traduction de l'arrivée de 240 000 nouveaux clients pour le mobile, et 71 000 clients supplémentaires pour le fixe.

Lorsque nous sommes arrivés sur le marché en 1996, Martin Bouygues nous avait assigné la mission de rendre la téléphonie personnelle accessible. Nous avons inventé le forfait, et nous avons accompagné le développement de la téléphonie mobile avec, par exemple, les offres groupées - ou bundle -, et la simplification de l'accès à de nombreux services. Aujourd'hui, notre mission principale évolue. Elle consiste désormais à apporter l'internet au plus grand nombre au meilleur prix, car nous pensons en effet qu'internet change profondément la société. Cette mission trouve trois traductions en termes stratégiques.

Nous avons tout d'abord été les premiers en France à lancer la 4G avec, dès le départ, une couverture significative qui atteignait 63 %. Cela a entraîné un mouvement sur le marché français et obligé son leader, Orange, à mettre les bouchées doubles pour parvenir à nous dépasser. Nous avons donc permis d'enclencher un mouvement de couverture 4G. Aujourd'hui, nous sommes à la deuxième place pour l'étendue de notre couverture, mais nous restons le référent 4G en termes de débit disponible.

Nous avons ensuite souhaité, il y a deux ans, rendre l'internet plus accessible, notamment aux plus modestes, en introduisant une offre à 20 euros, alors que depuis de nombreuses années il n'existait que des offres à 30 euros. Nous avons permis une démocratisation de l'accès au fixe.

Nous avons, enfin, créé une filiale, Objenious, qui utilise la norme LoRa, technologie développée par Cycleo, une société française, afin de connecter, d'« internetiser », les objets, car nous croyons que ce secteur est porteur d'une grande révolution qui changera profondément nos façons de travailler.

Je reviendrai ultérieurement sur ce qui s'est produit au début de l'année lors des discussions entre les quatre opérateurs, car il ne s'agissait pas d'un dialogue avec Orange uniquement. Nous considérons que le marché est durablement un marché à quatre opérateurs, et notre priorité est de poursuivre à investir dans le mobile pour renforcer encore notre couverture du territoire.

En matière d'internet mobile, nous avons pour cela réalisé un partage d'infrastructures avec SFR, ce qui nous permet d'apporter la 4G beaucoup plus loin : 82 % de la population sera éligible à la fin de l'été, et 99 % de la population le sera en 2018. Nous serons donc bien au-dessus des engagements que nous avions pris lorsque nous avions souscrit aux fréquences 800 et 700 mégahertz (MHz).

Nous investissons également dans le fixe, domaine dans lequel nous sommes entrés bien après nos concurrents. Nous finissons d'investir dans l'ADSL, mais l'heure est au développement de la fibre optique. Nous avons co-investi avec SFR dans les zones très denses et, avec Orange, dans les zones moyennement denses. L'une de nos filiales, Axione, intervient dans les réseaux d'initiative publique (RIP). Cette année, nous commercialiserons ses offres dans les départements qu'elle couvre en fibre optique avant de commercialiser les offres de RIP de ses compétiteurs.

En termes d'investissements, nous voulons aussi être au rendez-vous s'agissant des zones blanches. Notre histoire montre que nous agissons en parfaite conformité avec les engagements que nous prenons. Nous tiendrons nos engagements.

Après l'investissement, l'innovation constitue pour nous un autre domaine essentiel. Nous devons en particulier favoriser l'émergence des nouveaux métiers qui apparaissent avec l'exploitation des données et le big data. Cela ne manquera pas de susciter l'intervention du législateur, car il y aura besoin de prévoir quelques structures pour ces activités qui peuvent créer beaucoup d'opportunités, et qui sont très positives pour notre pays.

En matière d'innovation, nous avons aussi fait le choix d'une box complètement ouverte avec Android, afin que l'ensemble des foyers puisse utiliser les nouvelles technologies, quelles qu'elles soient. Notre approche n'est pas du tout fermée ; nous sommes même résolument l'acteur le plus ouvert actuellement en termes d'évolutions technologiques, et nous sommes aux antipodes de l'approche de certains de nos concurrents qui développent des stratégies de contenu – bien qu'une chaîne comme TF1 fasse partie de notre groupe. Nous considérons que le monde doit être ouvert, et qu'il n'y a pas lieu d'imposer des approches fermées en termes de contenus. Nous estimons que nos clients doivent avoir le choix, et qu'en aucun cas, il ne nous appartient de leur dire ce qu'il faut regarder à la télévision, ni quelle presse ou quel livre il faut lire. Nous sommes par exemple totalement ouverts s'agissant de la musique : nous avons signé un contrat avec Spotify, le leader mondial de la musique en streaming car nous considérons que c'est la solution qui permet au client d'avoir le plus de choix possible.

Après que l'entreprise a été particulièrement fragilisée pendant quatre ans, l'inflexion de notre chiffre d'affaires depuis le mois d'août de l'année dernière, et les résultats du premier trimestre de cette année, montrent que nous sommes maintenant « guéris ». Nous poursuivons l'aventure en réservant plus que jamais de nombreuses innovations à l'ensemble de nos concitoyens, et en ayant une approche un peu différente de celle de nos concurrents puisque nous avons la volonté, comme vous le constaterez de façon très concrète dans les mois à venir, de démocratiser encore davantage l'internet très haut débit qui change structurellement la vie de nos concitoyens.

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Bouygues Telecom a fêté ses vingt ans le 29 mai dernier. Cet anniversaire a été l'occasion de proposer de nouvelles offres commerciales, en particulier des offres plus avantageuses pour la 4G. M. Benoît Torloting, directeur de B&You et des activités digitales de Bouygues Telecom, a affirmé à ce sujet : « notre réseau fait référence en 4G. Il tient la route et on veut que nos clients en profitent ».

Pourtant, lorsqu'on évoque Bouygues Telecom, depuis deux ans, on pense aux tentatives de ventes qui n'ont pas abouti. En juin 2015, il y a d'abord eu l'offre de rachat à 10 milliards d'euros par Patrick Drahi, le patron de SFR. Puis il y a eu les négociations avec Orange qui ont échoué sur deux points : les conditions posées par l'État, et les conditions de cession du réseau Bouygues Telecom à Free.

Sur le premier point, votre groupe devait prendre 12 % du capital d'Orange pour ensuite atteindre 15 %. L'action d'Orange ayant été revalorisée, le groupe Bouygues a affirmé qu'il lui était difficile de suivre financièrement. Selon certaines sources, il semblerait également que, si l'opération avait eu lieu, vous vous seriez retrouvés actionnaires, certes, mais « ligotés ». Qu'en est-il exactement ?

Sur les conditions de cession de votre réseau à Free, il semblerait, selon les observateurs, qu'un climat de défiance entre vous n'ait pas été propice à cette cession – serait en cause la demande de Free visant à profiter d'une rallonge de deux ans du contrat d'itinérance lui permettant d'emprunter le réseau d'Orange.

Quelle est aujourd'hui la politique de Bouygues Telecom en matière de rapprochement avec un autre opérateur voire de cession de ses actifs ? L'entreprise est-elle susceptible d'être reprise ? Quelle est votre politique de développement pour les années à venir ?

Par ailleurs, comment analysez-vous le rôle joué par l'État actionnaire dans les négociations avec Orange ?

Pouvez-vous nous en dire plus sur le partenariat entre Bouygues Telecom et Telefonica, consolidé depuis un an et effectif depuis 2011, ainsi que sur la création de la co-entreprise Telefonica Global Solutions France ?

De 2009 à 2016, le nombre d'abonnés au mobile de Bouygues Telecom a augmenté passant de 10,7 à 15 millions – le nombre d'abonnés au fixe a également progressé. Parallèlement, vos résultats ont baissé tant en termes de chiffre d'affaires qu'en termes d'excédent brut d'exploitation. Comment voyez-vous l'avenir à moyen et long termes du point de vue des résultats économiques du groupe ? Comment comptez-vous augmenter le nombre d'abonnés ?

Je souhaite également vous interroger sur la couverture mobile assurée par votre groupe. L'ARCEP a fait de la couverture mobile l'une des priorités pour les réseaux 2G, 3G et 4G. Au 1er janvier de cette année, votre groupe déclarait couvrir 12 % de la population des zones peu denses contre 33 % pour Orange. Quelle est votre politique de déploiement en zone rurale et peu dense pour les années à venir ?

Les annonces récentes de cession à un autre opérateur, et les diverses tentatives de rapprochement ont certainement eu un impact sur le climat social de l'entreprise : les salariés doivent craindre de perdre leur emploi. Monsieur le président, pouvez-vous nous éclairer sur le climat social qui règne au sein de Bouygues Telecom ?

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Monsieur le président, vous appartenez à un groupe très puissant, mais Bouygues Telecom est-il un « opérateur puissant » ?

Vous venez de fêter vos vingt ans. Joyeux anniversaire ! Cependant votre actionnaire principal souhaitait-il vous voir arriver à cet âge ? Souhaite-t-il que vous fêtiez demain vos trente ou vos quarante ans ? Derrière ces questions un peu taquines, vous comprenez que je m'interroge sur la stratégie du groupe à l'égard de sa filiale.

Actuellement, c'est vrai, les choses vont plutôt mieux pour votre société, et, en tant que parlementaires, nous ne pouvons qu'être satisfaits de voir l'un des fleurons de nos entreprises en meilleure forme. Quel est selon vous l'avenir de Bouygues Telecom : être vendu, devenir un opérateur leader en achetant un concurrent et en faisant le choix de l'internationalisation, ou d'autres perspectives se dessinent-elles ?

Le sujet de l'internationalisation est essentiel. Peut-on rester un opérateur isolé sur un marché domestique face à des groupes très internationalisés ? Orange, par exemple, n'est pas un groupe français mais mondial.

Avez-vous les moyens d'être demain un leader en restant seul dans un monde où les technologies évoluent, et où l'investissement capitalistique exigé est souvent massif ? Avez-vous la taille critique pour être un leader sur le marché français ou sur le marché international ?

Quel est l'avenir de votre réseau de boutiques, aujourd'hui très développé ? Vous êtes un gros employeur, mais la concurrence se fait de plus en intense en matière de vente des smartphones, et les techniques de ventes évoluent. Comptez-vous contracter votre réseau ?

Un débat a-t-il toujours lieu concernant l'installation des antennes ? Il était particulièrement vif, il y a quelques années, et les opérateurs déployaient de gros moyens pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens.

Certains opérateurs sans réseau gagnent des parts de marché. C'est le cas de La Poste, qui compte maintenant plus d'un million de clients. Comment ressentez-vous la présence sur le marché de ces opérateurs un peu particuliers ? Sont-ils des clients, des concurrents, ou les deux à la fois ?

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L'Europe compte 120 opérateurs pour 360 millions d'habitants alors qu'aux États-Unis, pays de 320 millions d'habitants, on dénombre 4 opérateurs pour le mobile et 2 opérateurs par zone pour le fixe – le ratio entre nombre d'opérateurs et population est sensiblement le même en Chine. Pensez-vous que la concurrence européenne est viable à long terme ? L'Europe des télécoms devra-t-elle forcément passer par la consolidation des opérateurs européens ? Si c'est le cas, à quel prix et sous quelle forme ? Avez-vous des stratégies de conquête du marché européen, voire du marché mondial ? Avez-vous noué des partenariats ou avez-vous racheté des entreprises en dehors du territoire français ?

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Avec un recul de quelques mois, que pensez-vous des négociations qui ont mené à l'échec de votre « mariage » avec Orange ? Comment conserver l'identité Bouygues dans les années à venir ? Certains analystes restent perplexes sur vos capacités à investir dans le très haut débit fixe. Comment continuer à gérer la guerre tarifaire des opérateurs ? Le rapprochement avec Orange est-il finalement repoussé d'ici à quelques années ?

Vous avez lancé en février dernier votre filiale Objenious, afin de renforcer votre position dans l'internet des objets ou IOT – pour Internet of Things –, qui s'appuiera sur le réseau LoRa d'ores et déjà déployé sur 15 grandes agglomérations pour connecter des millions d'objets. Pouvez-vous faire le point sur les avancées de cette filiale ? Le secteur des objets connectés est un important domaine d'initiatives dans notre pays, sur lequel nous devons fermement nous positionner : comment comptez-vous travailler avec les start-up innovantes en matière d'objets connectés, qui foisonnent dans notre écosystème numérique ? Avez-vous envisagé des partenariats ?

Sur nos territoires, nous ne connaissons que trop bien les zones blanches. Lors du congrès des maires, la semaine dernière, au cours de l'atelier consacré au numérique, les élus ruraux ont témoigné des difficultés financières auxquelles ils sont confrontés, malgré les aides de l'État, pour améliorer la couverture de leurs communes. Pour une couverture de 100 % du territoire en très haut débit d'ici à 2022, le Gouvernement mise principalement sur la fibre, avec l'objectif d'atteindre 7 millions de prises jusqu'à l'abonné, soit un investissement de 12 milliards d'euros. Que pensez-vous de cette stratégie de couverture du territoire ? Comment pouvez-vous accompagner les territoires ruraux pour mettre fin aux zones blanches ?

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Un travail d'identification des dernières zones blanches en téléphonie mobile a été engagé par le Gouvernement, qui a permis de recenser 268 communes qui ne sont actuellement pas couvertes. Il reste cependant encore beaucoup à faire afin de favoriser l'accès à un réseau téléphonique de qualité dans nos territoires ruraux. Des objectifs nationaux d'équipement ont été fixés lors des comités interministériels aux ruralités : 3 300 centres-bourgs devront être couverts en 2G, et 3 600 en 3G. Sachant que Bouygues Telecom a déclaré couvrir 12 % de la population des zones peu denses au 1er janvier 2016, quelles sont vos perspectives de couverture des zones blanches mais aussi des zones grises ? Statistiquement, les communes classées en zone grises sont couvertes, mais le réseau n'est parfois disponible que dans une partie du village.

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Député de la Loire, je suis régulièrement alerté par mes administrés ou par des maires sur les zones blanches. Je pense notamment à la commune de Gumières, dans le Haut-Forez, qui n'a accès à l'ADSL qu'à une vitesse maximale de 2 mégabits par seconde depuis 2005, et qui n'est couverte par aucun opérateur en 3G ou 4G.

En février dernier, M. Emmanuel Macron a convoqué les représentants des opérateurs télécoms ainsi que des maires pour discuter de la mise en oeuvre du plan de couverture mobile qui prévoit la couverture des zones blanches pour l'année 2020. Le journal Les Échos explique que M. François Hollande avait déjà créé la surprise au mois de janvier en annonçant la prise en charge par l'État de la fin de la couverture des centres-bourgs en 2G, prévue pour le 31 décembre 2016, opération qui était jusque-là assumée par les opérateurs télécoms et les collectivités locales.

Il reste encore 268 communes à couvrir, et l'État souhaite que ces chantiers soient terminés à temps, quitte à régler la facture d'un montant de 30 millions d'euros. Il va ainsi assumer l'intégralité des coûts d'investissement pour construire les pylônes de téléphonie mobile que les opérateurs télécoms devront ensuite équiper. Selon le Gouvernement, les centres-bourgs pourront ainsi s'équiper en 3G ou en 4G avant la mi-2017.

Concernant la couverture des zones blanches, huit cents zones situées au-delà des centres-bourgs doivent passer à la 3G entre 2016 et 2020. Les collectivités sont d'ailleurs chargées de faire remonter leurs déclarations au cas par cas.

Initialement, l'État n'était censé financer que 30 000 euros par site, mais il prendra finalement à sa charge 50 % du financement dans la limite de 50 000 euros par site, augmenté à 75 000 euros pour les pylônes. Le coût de cette opération pour l'État devrait passer de 24 à 40 millions d'euros.

Ce projet vous paraît-il réaliste ? Selon vous, le calendrier peut-il être tenu ?

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En juin 2015, Telefonica et Bouygues Telecom ont engagé une action en faveur de la couverture des grandes entreprises. Mme Anne Perrin, directrice de la co-entreprise disait alors : « Les grandes entreprises ne tolèrent pas de défaut de couverture ou de qualité de services. C'est critique pour leur activité et leur productivité, encore plus que pour le grand public. » C'est vrai, mais la situation est aussi critique pour la dynamique et le développement économique des zones de montagne dont les habitants sont toujours les derniers servis.

Malgré les efforts que vous avez déployés, vous continuez d'accuser un retard en matière de couverture mobile. Serez-vous en mesure de respecter vos obligations résultant de la loi dite « Macron » ou des décisions du comité interministériel aux ruralités de mars 2015 ? Vous vous engagiez devant nous sur un taux de couverture de 82 % dans votre propos liminaire, mais je crains que les 18 % non couverts soient, une nouvelle fois, des secteurs de montagne. Je sais que vous êtes particulièrement sensible à cette question. Quelle sera votre stratégie à l'égard de ces territoires ? Comment vous inscrivez-vous dans l'engagement fort de l'État qui finance largement les infrastructures de fibre optique ?

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L'an passé, si mes chiffres sont exacts, les 4 opérateurs ont dû investir 6,075 milliards d'euros dans les infrastructures. Selon le rapport d'information du Sénat sur la couverture numérique des territoires, publié en novembre dernier, l'éligibilité au très haut débit ne concerne que quelque 45 % des foyers français. Quelles devraient être les sommes investies au cours des années 2016 et 2017 pour permettre d'entretenir correctement les réseaux existants, tout en investissant dans de nouveaux réseaux afin de satisfaire les besoins de plus en plus importants en très haut débit ?

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Monsieur le président, vous nous avez annoncé, comme l'un de vos concurrents, la proposition de nouveaux tarifs avantageux. Une nouvelle guerre des prix s'annonce-t-elle ? Elle serait évidemment profitable pour le consommateur, mais ne constituerait-elle pas un risque pour l'investissement sur le territoire ? Avant de bénéficier de prix avantageux ou de services complémentaires, les consommateurs, notamment ceux des zones moins denses, demandent d'abord à avoir un accès au réseau. Vous l'avez constaté, les députés qui représentent tous les territoires de France sont particulièrement préoccupés par la question de la couverture.

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Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Un certain nombre de vos questions ont trait aux zones blanches. M. Didier Casas pourra vous apporter des réponses extrêmement précises sur ce sujet. Il combattra en particulier quelques idées reçues, notamment celles relatives au taux de couverture – le chiffre de 12 % a été repris plusieurs fois de façon approximative. Le 18 février dernier, nous nous étions étonnés des commentaires faits, le jour même, par l'ARCEP dans un communiqué qui s'interrogeait sur notre capacité à tenir nos engagements de l'année 2017 alors que notre plan de marche prévoyait de les respecter. Il me semble en tout cas intéressant d'analyser les chiffres en regardant la situation réelle de la couverture selon les opérateurs.

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Didier Casas, secrétaire général et porte-parole de Bouygues Telecom

Je commence par préciser qu'il n'est pas exact d'affirmer que le taux de couverture des zones peu denses par Bouygues Telecom est de 12 %. Ce taux représente en effet la couverture des zones peu denses par Bouygues Telecom, mais en 4G, et en fréquence 800 MHz. Dans ces zones, la couverture en 4G toutes fréquences confondues est supérieure à 12 %, et la couverture globale se situe très au-delà si nous parlons toutes technologies confondues – 2G, 3G et 4G.

J'ajoute, mais il s'agit d'une piètre consolation, que dans la mise en demeure de l'ARCEP relative au respect des échéances qu'évoquait il y a un instant M. Olivier Roussat, nous n'étions pas l'opérateur dont le taux de couverture était le plus faible.

S'agissant des zones blanches, dans quel cadre agissons-nous, et en quoi consiste notre action ?

Nous agissons dans un cadre qui est d'abord réglementaire. Je rappelle que les opérateurs ne sont réglementairement pas tenus de couvrir 100 % de la population. Nous agissons dans le cadre de licences, achetées plusieurs centaines de millions d'euros qui vont au budget de l'État, nous imposant des obligations de couverture de la population qui varient selon la technologie utilisée, mais, même en 2G ou en 3G, nous ne devons atteindre que 99,2 ou 99,3 % de la population selon les opérateurs, et pas davantage. La couverture n'est jamais de 100 % : il y a donc nécessairement une partie de la population qui n'est pas couverte en application de ces licences.

Je rappelle également, s'agissant du paysage réglementaire, qu'il n'existe pas de service universel de la téléphonie mobile comme il en existe un pour le fixe…

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Didier Casas, secrétaire général et porte-parole de Bouygues Telecom

Nous agissons ensuite dans un cadre économique et financier. En France, lorsque nous déployons des services mobiles, nous avons préalablement acheté des fréquences pour plusieurs centaines de millions d'euros, je l'ai dit. Il existe des pays européens dont la densité de population est très faible, par exemple au-delà du cercle polaire, mais où la couverture mobile est très bonne. Il se trouve que, dans ces pays, le prix des fréquences est très peu élevé. Pour des raisons qu'il ne nous appartient pas de commenter, la France a fait un choix différent : dans notre pays, les fréquences sont parmi les plus chères. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme : nous investissons dans l'achat de fréquences de l'argent qui abonde directement le budget de l'État, mais qui ne va pas dans le déploiement de la couverture des zones les moins denses.

J'ajoute, s'agissant du contexte dans lequel nous agissons, que les pouvoirs publics ont fait le choix, il y a maintenant cinq ans, de créer les conditions réglementaires et économiques pour l'arrivée d'un opérateur supplémentaire. Cela a eu les conséquences que vous savez sur le niveau des prix et sur le niveau de rentabilité et de marge des opérateurs, ce qui a naturellement pesé sur les capacités d'investissement.

Dans le contexte que je viens de décrire, que faisons-nous ?

Dans le cadre de l'achat des licences des fréquences 700 et 800 MHz, nous respectons nos obligations de déploiement prioritaire dans les zones moins denses. L'ARCEP nous sanctionnerait bien légitimement si nous ne le faisions pas.

Nous mutualisons également une partie de notre réseau mobile sur un peu plus de 60 % du territoire avec celui d'un opérateur concurrent afin d'optimiser nos investissements, mais aussi afin d'accroître notre couverture mobile dans les territoires.

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Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

En Corse, nous passerons des soixante-dix pylônes que Bouygues Telecom avait installés depuis vingt ans, à deux cent dix pylônes à partir du 1er juillet. Les Corses auront donc la possibilité de téléphoner à peu près n'importe où dans l'île, ce que nous ne pouvions garantir suffisamment jusqu'alors.

Après le sujet des zones blanches vient en effet le sujet des zones grises : dès que la couverture est assurée par un opérateur, on nous dit qu'il faudrait de la concurrence. Le programme que nous réalisons en co-investissant avec SFR permet, entre la fin de l'année 2015 et le début de 2018, de faire progresser de plus de 40 % le nombre de sites de Bouygues Telecom. De façon très concrète, nous nous sommes fixés l'objectif d'être présents dans toutes les communes où Orange est actuellement présent. Une telle situation ne s'est jamais produite depuis la création de Bouygues Telecom. Nous consacrons à cet objectif des centaines de millions d'euros.

En 2018, dans toutes les communes où Orange sera présent, Bouygues Telecom et SFR le seront aussi. La concurrence permettra de faire baisser les prix, et le fait que nous soyons plus nombreux va accélérer l'arrivée de la 4G sur l'ensemble de ces territoires. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que 99 % de la population serait couverte par la 4G en 2018.

Ce qui est important pour nous, ce n'est pas tant le service de téléphonie qu'internet. Certes la téléphonie est importante, mais pour les jeunes générations, elle est devenue un peu secondaire : ils veulent avant tout utiliser internet. Les jeunes de douze, treize ou quatorze ans ne se servent plus du téléphone que pour répondre à leurs parents. Ils utilisent WhatsApp ou Snapchat pour rester en contact avec leurs amis ; ils n'ont recours qu'à l'internet mobile. Il est donc nécessaire que nous puissions l'offrir partout, ce que permettra la couverture en 4G. Elle donne accès à de l'internet très haut débit, dans bien des cas très supérieur au débit de l'ADSL. Elle constitue un véritable accélérateur qui transformera les usages de l'internet mobile.

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Didier Casas, secrétaire général et porte-parole de Bouygues Telecom

Dans une initiative commune avec les autres opérateurs, nous avons aussi enrichi les différents programmes zones blanches qui existent depuis 2003 – ils ont redémarré après avoir été interrompus.

Dans le cadre de discussions qui ont eu lieu parallèlement à l'examen du projet de loi pour une République numérique, alors que je présidais encore la fédération française des télécoms, nous avons pris un certain nombre d'engagements devant Mme Axelle Lemaire, la secrétaire d'État chargée du numérique. Le nombre de sites dits « de guichet » passera de 800 à 1 300.

Au total, l'ensemble des sites concernés par un programme zones blanches, qu'il soit 2G, 3G ou guichet, représente à peu près l'équivalent de ce que l'opérateur historique néerlandais a dû couvrir pour tout son territoire. Vous me direz que les Pays-Bas sont moins accidentés que l'Aveyron ou la Haute-Savoie, mais on y trouve quelques zones denses, et l'effort consenti par les opérateurs en adoptant des solutions mutualisées et concertées n'en est pas moins assez loin d'être négligeable.

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Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Vous avez été nombreux à demander des précisions sur les négociations de ce début d'année. Permettez-moi d'abord d'indiquer, Madame Marie-Lou Marcel, que Bouygues Telecom n'est pas en vente depuis deux ans. L'entreprise n'était pas en vente, en 2015, lorsque M. Patrick Drahi a fait une offre au groupe Bouygues de près de 10 milliards d'euros pour acheter sa filiale. Martin Bouygues avait clairement affirmé sur RTL qu'une entreprise n'était pas une marchandise comme les autres, que tout n'était pas à vendre, et que, de façon très concrète, nous n'étions pas à vendre.

Par ailleurs, et cela fera peut-être un lien diffus avec la question qui m'a été posée sur la loi « Travail », nous ne sommes pas tout à fait une entreprise comme les autres pour ce qui concerne les rapports avec nos partenaires sociaux : nous sommes une entreprise dans laquelle 82 % des salariés ont voté pour élire leurs représentants du personnel. Lorsque je discute avec les partenaires sociaux de l'entreprise, j'ai vraiment en face de moi des gens qui représentent l'ensemble des salariés de l'entreprise.

Nous pratiquons véritablement le dialogue social : il est utile et efficace, il permet d'avancer rapidement. Il nous a permis de traverser les difficultés que nous avons connues pendant de nombreuses années. Chaque fois que nous avons eu besoin d'agir, nous avons toujours discuté avec nos partenaires en faisant preuve de beaucoup de transparence. Nous avons présenté les choses comme elles étaient, ainsi que nos idées pour rétablir la situation. Nous avons ainsi pu prendre, avec les partenaires sociaux, l'ensemble des mesures qui ont permis de redresser l'entreprise. Le dialogue social est chez nous permanent et réel. Je ne sais pas si vous trouverez beaucoup d'entreprises de plusieurs milliers de personnes dans laquelle 82 % des salariés votent aux élections professionnelles. Ce dialogue existe depuis de très nombreuses années. Vous ne faites pas la restructuration que nous avons faite en 2014, dans les conditions dans lesquelles nous l'avons faite, sans le soutien des partenaires sociaux. En 2014, ils ont, par exemple, décidé de réduire la durée maximale prévue par la loi pour la mise en place du plan de départs volontaires, parce qu'ils souhaitaient que nous allions vite.

Les résultats que nous avons présentés à l'issue du premier trimestre 2016 ont permis à l'ensemble de nos collaborateurs de se dire que l'entreprise était sortie d'une période difficile. En février 2016, nous sommes revenus au chiffre d'affaires du secteur mobile qui était le nôtre en 2010. Il y avait eu une baisse jusqu'en 2013, suivie d'une remontée progressive grâce à la 4G, qui nous avait permis de retrouver notre situation antérieure, avant qu'une nouvelle baisse se produise. Nous sommes une jeune entreprise, et beaucoup de nos collaborateurs actuels étaient déjà présents à nos débuts. Ils ne travaillent pas dans « une » entreprise, mais dans « leur » entreprise ; l'entreprise qu'ils ont fabriquée, qu'ils ont créée. Nous avons tout créé : lorsque je suis arrivé, il n'y avait rien. À l'époque, nous étions deux cents collaborateurs chez Bouygues Telecom, où j'ai démarré avec une équipe de six personnes. Il y a beaucoup de gens qui, comme moi, ont passé vingt ans chez Bouygues Telecom. L'attachement au groupe est donc énorme.

Lorsque nous discutions avec Orange au premier trimestre, les salariés se rassuraient en pensant que les valeurs sociales d'Orange étaient voisines des nôtres, mais le déchirement n'en était pas moins extrêmement fort, parce qu'il s'agissait de « leur » entreprise et que celle-ci allait disparaître. Aujourd'hui, l'ensemble de nos salariés est rassuré que la stratégie conçue en 2014 porte ses fruits, et qu'elle nous permette de sortir l'entreprise de l'ornière.

Les discussions du début d'année ne visaient pas à « vendre » Bouygues Telecom. Le groupe Bouygues, qui souhaite rester dans les télécoms, comme il l'avait annoncé à la fin de l'année 2015, devenait actionnaire de référence d'Orange. Les choses ne se sont pas faites. Martin Bouygues explique clairement dans Le Figaro du 3 avril dernier que la consolidation du marché français ne peut se faire qu'à quatre acteurs. En raison de l'application des règles relatives à la concurrence, il n'est pas possible qu'un seul opérateur en achète un autre : tous doivent participer. Lorsque nous avons affirmé que la situation à quatre opérateurs était durable, nous voulions non seulement dire que les discussions ne pouvaient pas avoir lieu à trois, mais aussi que la situation était soutenable : notre état de santé retrouvé nous permettait de faire face à nos engagements. De mémoire, Martin Bouygues considérait dans Le Figaro que certains avaient eu un comportement puéril et l'avaient cru acculé. Bien évidemment, nous ne pouvions pas commencer une négociation avec l'obligation d'aboutir car, dans ces conditions, nous aurions pu être poussés à accepter des conditions qui n'auraient pas été dans l'intérêt du groupe. Les choses ne se sont pas faites parce que l'un des quatre acteurs présentait des demandes impossibles à satisfaire. Nous sommes maintenant dans une stratégie à quatre, et l'entreprise est suffisamment restructurée pour faire face aux enjeux et à son avenir.

Le nerf de la guerre dans les télécoms n'est pas l'évolution du chiffre d'affaires ou du résultat ; il tient à l'excèdent brut d'exploitation, l'EBITDA, soit le chiffre d'affaires moins les dépenses courantes, car cet argent permet d'investir. Si l'EBITDA devient trop faible, vous ne pouvez plus investir, ce qui signifie, dans un marché aussi capitalistique que les télécoms, que vous mourez. Nous devons donc redresser l'excédent brut d'exploitation afin qu'il couvre nos investissements et nos impôts. C'est à cette seule condition que nous sommes une entreprise viable sur la durée. C'est pourquoi nous avons pris autant de mesures de restructuration pour redresser l'EBITDA de Bouygues Telecom, et le ramener au niveau qui était le sien avant l'arrivée du quatrième opérateur. Nous dégageons désormais les marges suffisantes pour investir lourdement dans le mobile.

Nous considérons que la fibre optique n'est probablement pas un alpha et un oméga, car il faudrait des années pour mettre en place cette solution, qui est aussi infiniment plus coûteuse que la pose de pylônes dans les communes. Il est illusoire d'imaginer que l'on amènera la fibre optique dans les nombreuses communes qui ont mis en place des programmes zones blanches. Heureusement il y a d'autres solutions : nous étions favorables à ce qui nous a été demandé sur la couverture en 800 MHz afin d'apporter la 4G dans les zones rurales – nous trouvions en revanche qu'il était inutile d'ajouter une condition relative à la fréquence 700 MHz sachant que les deux fréquences ne peuvent pas être utilisées ensemble. Notre argent aurait été plus utile pour apporter la 4G où elle n'existe pas – cela dit ce n'est pas la première fois que l'on nous demande de mettre en place des infrastructures multiples qui n'ont aucun intérêt.

Si nous avions réalisé le rapprochement avec Orange, l'Autorité de la concurrence aurait été compétente pour se prononcer parce que la fusion concernait deux groupes dont plus des deux tiers du chiffre d'affaires global étaient réalisés en France – s'agissant d'Orange, qui venait de vendre sa filiale en Angleterre, cette situation était ponctuelle. Si nous n'avions pas eu la possibilité d'être soumis à l'aval de l'autorité française, nous n'aurions même pas discuté, car nous avions la certitude que la doctrine actuelle de la Commission européenne aurait abouti à un refus, comme cela a été le cas pour la Grande-Bretagne ou le Danemark. Actuellement, la Commission ne souhaite pas qu'il y ait de réduction du nombre des opérateurs – elle accepte la fusion qui se déroule en ce moment en Italie sous réserve qu'un autre opérateur émerge. Aujourd'hui, dans l'état d'esprit qui est celui de la Commission, les consolidations ne peuvent pas se faire, ou, plutôt, elles peuvent se faire, à condition que le nombre d'acteurs soit préservé, ce qui annule le gain économique que l'on en attend – d'où le fait qu'il n'y en ait pas. Cette donnée n'est pas neutre pour comprendre l'évolution du paysage global européen.

Bouygues Telecom est-il en mesure de faire face à tous ses engagements dans un univers aussi technologique que les télécoms ?

Nous avons, d'une part, opéré un partage de réseau mobile avec SFR. Cela nous permet de diviser par deux le coût de la couverture de 58 % de la population française, et de faire disparaître toutes les zones grises. En 2018, partout où il y a aujourd'hui un opérateur, il y en aura forcément trois.

Nous avons d'autre part fait le choix d'une box Android dont le coût de production permet de proposer des offres à 20 euros par mois pour la diffusion d'internet dans les foyers. Lorsque vous souhaitez baisser votre prix de vente, vous devez ramener votre prix de revient à un niveau extrêmement bas ce qui, dans un monde de haute technologie, peut consister à choisir une solution standardisée qui fait baisser drastiquement les coûts de production. Cela nous permet d'afficher des offres à 20 euros, alors que celles de nos concurrents sont à 38 euros.

Les opérateurs sans réseau (MVNO) ont, de fait, disparu après l'arrivée du quatrième opérateur. Il en existe encore deux types. Les opérateurs ethniques sont utilisés par les populations d'origine étrangère qui téléphonent beaucoup en Afrique ou dans les pays du Moyen-Orient, par exemple. On peut citer Lycamobile ou Lebara. Nous sommes l'opérateur qui accueillons le plus de MVNO ethniques. D'autres opérateurs possèdent un réseau de distribution et vendent de la téléphonie comme un produit supplémentaire. C'est le cas de La Poste dont le réseau extrêmement étendu permet de considérer comme marginaux les coûts de commercialisation. De la même façon, le CIC a pu mettre en place une offre de téléphonie qui fonctionne bien dans son réseau d'agences – CIC et Crédit mutuel. Sans réseau de distribution, un MVNO ne serait pas très rentable.

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Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Ils ont été repris par le CIC.

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Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Nous opérons la moitié du CIC, et tous les MVNO ethniques. La Poste est opérée par SFR. Certains prétendent que Martin Bouygues ne voudrait personne « sur la pelouse du château », alors que nous accueillons sur notre réseau plus de MVNO qu'Orange ou SFR, tandis que Free n'en accueille pas. Nous sommes les premiers dans ce domaine, et nous menons une politique résolument ouverte en la matière.

Je veux dire un mot d'Objenious. Une malencontreuse erreur nous a fait oublier la Corse dans une carte illustrant la couverture d'Objenious, diffusée lors du congrès des maires. Bien entendu, la Corse recevra l'internet des objets comme le reste du territoire. L'intégralité du territoire sera couverte d'ici à la fin de l'année – nous dépasserons les 50 ou 60 % de couverture réseau dès le mois de juin. Au final, nous aurons le réseau d'internet des objets à la norme LoRa le plus étendu de France – pour être clair, plus étendu que celui d'Orange. Disons, que ce n'est pas mal pour un opérateur malade dont on ne sait pas ce qu'il va devenir !

Ayez à l'esprit que nous avons investi massivement dans l'internet des objets dès l'année dernière ! Nous croyons en effet que cette technologie va révolutionner la vie dans de très nombreux domaines : nous avons travaillé à la fabrication de puces qui seront implantées sous la peau du bétail et qui permettront de savoir comment le nourrir, mais aussi sur les parkings, sur les relevés de compteurs d'eau et d'électricité… Nous sommes devant une révolution qui va transformer profondément de très nombreux métiers, et qui changera radicalement de très nombreuses pratiques, par exemple dans la logistique. Ce changement important pour certains, j'allais dire un peu brutal, ouvrira aussi énormément de potentialités et d'opportunités.

Je rappelle que nous utilisons la norme LoRa, créée par une start-up grenobloise, Cycleo, malheureusement rachetée par une société américaine. Cycleo reste basée à Grenoble où elle continue à faire évoluer la norme. Certains font croire qu'il existe un seul opérateur toulousain qui propose des normes françaises ; or, nous utilisons aussi une norme fabriquée par une entreprise française basée à Grenoble.

Objenious est une toute petite structure qui réalise la couverture du réseau. Nous avons souhaité qu'elle reste indépendante de Bouygues Telecom dont la taille peut constituer un handicap. Nous avons choisi un format de start-up pour inventer des métiers de demain. Nous pensons que ce sont les start-up qui créeront des niches, et que c'est par elles que les nouveautés arriveront. Nous souhaitons d'ailleurs les mettre en valeur : en 2007, nous avons créé un fonds, Bouygues Telecom Initiatives (BTinitiatives), qui en assiste un certain nombre tout au long de l'année.

Nous avons fait le choix d'avoir un réseau de boutiques, sur lequel vous nous avez interrogés. Avec l'arrivée du quatrième opérateur, certains ont cru un moment que tout allait se passer sur le net. Ce n'était pas notre analyse, et ce n'est pas ce que nous avons constaté. Avant l'arrivée de Free, deux types de boutiques cohabitaient : les indépendantes, et celles des marques propriétaires. Aujourd'hui, les boutiques indépendantes ont disparu. The Phone House ou Tél and com, gros réseaux indépendants des opérateurs, ont fait faillite.

Le réseau de notre marque comporte aujourd'hui 540 boutiques. Il vit sa vie de réseau : nous pouvons être amenés à fermer une boutique pour en agrandir une autre afin d'augmenter notre surface de vente, de diminuer le temps d'attente des clients, et leur présenter les dernières évolutions technologiques. Nous faisons actuellement un énorme travail de modernisation des boutiques : nous avons investi massivement pour les équiper progressivement et les transformer – nouvelle charte graphique, nouvelles couleurs, nouveau logo… Nous y consacrons 30 à 35 millions d'euros par an sur trois ans. Nous n'avons pas de restructuration particulière à conduire, les fermetures de boutiques sont liées à l'ajustement de notre business.

Dans les faits, il n'y a pas quatre opérateurs aux États-Unis. Lorsque nous voulons assurer la couverture du territoire américain, nous avons besoin de soixante à soixante-dix accords de roaming. Sous les très grands opérateurs, il existe donc une multitude de petits acteurs.

L'internationalisation présente un intérêt pour nous à double titre. Elle permet, d'une part, de développer l'entreprise et de faire croître son chiffre d'affaires ; elle facilite, d'autre part, la répartition des risques. Mais le fait d'être un opérateur national puissant permet-il mécaniquement d'être un gros opérateur à l'étranger ? Orange, très gros opérateur – il doit se classer au dixième ou au onzième rang mondial – a dû quitter la Grande-Bretagne où il ne parvenait pas à obtenir la position qu'il souhaitait. Chaque développement dans un pays est une histoire différente qui dépend des règles propres à ce pays. L'harmonisation de la régulation n'est pas une réalité absolue, la distribution est différente… Lorsque vous arrivez dans un pays au troisième rang, vous le restez. L'histoire démontre que lorsque Vodafone, qui est l'un des plus gros opérateurs de téléphonie mobile au monde, arrive en tant que numéro 2, il le reste, sauf à procéder par rachat. En conséquence, l'internationalisation ne donne pas un poids supplémentaire dans la discussion avec les fournisseurs visant à faire baisser le prix des infrastructures. L'expérience montre que les tarifs qu'obtiennent les petits opérateurs sont assez voisins de ceux que paient les plus gros. L'internationalisation n'a pas non plus d'intérêt particulier au regard des mobiles. Nous avons gagné notre action en justice contre Apple qui souhaitait signer un contrat d'exclusivité avec Orange. Il n'y a donc aucun gain spécifique sur le territoire national qui soit lié à la taille et à l'internationalisation. Évidemment, cette dernière favorise le développement de l'entreprise. L'annonce ce matin même, par Orange, de l'arrivée en France d'Orange money s'appuie sur le développement de l'entreprise en Afrique. On ne peut pas contester que ce soit une belle opération.

Sur le territoire national, je le répète, l'internationalisation n'a pas d'intérêt direct. Il est en revanche essentiel d'être capable de générer un cash suffisant pour couvrir les investissements et les impôts. Si cette condition est remplie, l'entreprise se développe, et il est possible d'assurer le devenir de l'entreprise. C'est précisément ce que nous faisons.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous évoquiez le roaming, l'itinérance. Où en est-on sur ce dossier pour les Français qui voyagent ? Ils sont très choqués de revenir de l'étranger avec des factures effarantes.

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Didier Casas, secrétaire général et porte-parole de Bouygues Telecom

Il faut distinguer la situation des entreprises de celle du grand public.

En Europe, pour le grand public, la réglementation européenne prévoit de faire quasiment disparaître les différences tarifaires entre les États membres, mais, lorsqu'un voyageur quitte le continent européen, la réglementation européenne ne s'applique plus, et cela a un impact sur sa facture. Nous ne maîtrisons pas les tarifs que nous pratiquons, par exemple, en République dominicaine ou dans les pays du Maghreb : ils nous sont imposés par les opérateurs locaux. En conséquence, nous avons décidé de couper le téléphone des particuliers dont la facture dépasse le montant de 50 euros – ils ont préalablement reçu des SMS relatifs aux tarifs, les avertissant de la coupure.

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Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Avant que la réglementation européenne soit mise en place, nous ne proposions pas le roaming à nos clients. Nous ne voulions pas qu'au retour des vacances l'un d'entre eux constate qu'il nous devait 3 000 euros qu'il ne pouvait pas payer. Cela n'avait aucun intérêt ni pour le client, ni pour nous.

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Didier Casas, secrétaire général et porte-parole de Bouygues Telecom

En revanche nous ne coupons pas systématiquement la ligne des entreprises au-delà de 50 euros. D'une part, nous considérons que le comportement de ces dernières est plus avisé que celui des particuliers, disons qu'elles sont mieux informées. D'autre part, elles peuvent avoir besoin de roaming, et une coupure pourrait leur faire subir un préjudice. Nous menons à leur égard une action renforcée visant à les informer des tarifs.

Vous avez pu entendre parler de quelques cas de problèmes liés à l'itinérance dans la presse, mais s'agissant de Bouygues Telecom, ces cas concernaient tous, sans exception, je peux en témoigner, des clients professionnels dûment avertis qui ont effectivement eu une consommation donnée dans un pays aux coûts de communication élevés.

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Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Il s'agit souvent du visionnage de vidéos !

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Didier Casas, secrétaire général et porte-parole de Bouygues Telecom

Il est certain que si vous téléchargez des heures de vidéos en République dominicaine, cela vous coûte plusieurs milliers d'euros !

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Messieurs, je vous remercie pour l'ensemble de vos propos.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 7 juin 2016 à 16 h 15

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Dino Cinieri, M. Laurent Furst, M. Philippe Kemel, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois

Excusés. – Mme Jeanine Dubié, M. Georges Ginesta, Mme Béatrice Santais, M. Lionel Tardy

Assistait également à la réunion. – Mme Virginie Duby-Muller