COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 11 juillet 2012
La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'examen pour avis, sur le rapport de Mme Martine Faure, du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 71).
Mes chers collègues, avant de passer à notre ordre du jour, je souhaiterais vous communiquer la décision prise par le Bureau de notre Commission, qui s'est réuni la semaine dernière, concernant la publicité de nos travaux.
Dans la continuité de la règle que nous nous étions fixée lors de la précédente législature, le Bureau a décidé que l'ensemble des travaux de la Commission seraient ouverts à la presse, filmés par les soins des services de l'Assemblée et retransmis en direct sur le site internet de l'Assemblée ainsi que sur le réseau de télévision intérieur. Il pourra bien évidemment être fait exception à cette règle en fonction des circonstances et suivant l'appréciation du Bureau ou, en cas d'urgence, du président.
J'indique à nos collègues que cette pratique suivie depuis 2009 par notre Commission s'inscrit dans la logique du renforcement du rôle des commissions dans la procédure d'élaboration de la loi puisque désormais c'est le texte de la commission qui est soumis au vote de l'Assemblée en séance publique. Je signale que la Commission des lois a adopté la même règle de publicité de ses travaux.
Je souhaite également informer la Commission qu'en accord avec la Commission des affaires sociales, nous mettrons en place à la prochaine rentrée parlementaire une mission d'information commune sur la question de l'emploi culturel. Cette mission abordera toutes les formes d'exercice d'un métier artistique en intégrant pour les professions salariées la question des emplois permanents ou intermittents.
Notre ordre du jour appelle maintenant l'examen pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui revêt la plus grande importance pour la prochaine rentrée scolaire grâce aux créations d'emplois qu'il prévoit.
Compte tenu des compétences de notre Commission, cet avis porte sur les articles 23, 24 et 30 du projet.
Mes chers collègues, c'est avec un grand plaisir que je vous présente ce « collectif budgétaire » dont notre Commission s'est saisie pour avis. C'est une heureuse initiative dont je tiens à remercier notre président.
Ainsi qu'il vous l'a indiqué, mon propos et mon rapport seront centrés sur les mesures d'urgence pour la rentrée scolaire, que le projet de loi de finances rectificative permet de financer.
Ce qui nous est proposé est sans précédent : à quelques semaines d'une rentrée scolaire, l'occasion est donnée au Parlement de signaler à l'opinion publique que l'école redevient la priorité de l'action publique. Certes, un collectif ne peut que rectifier le budget initial, non le changer en profondeur. Cette étape est cependant très importante, car elle amorce la refondation de l'école annoncée par le Président de la République, François Hollande, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault et le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon.
Quelques éléments de contexte : de 2008 à 2012, l'éducation nationale aura été la victime d'une politique purement quantitative de réduction des postes : plus de 70 000 suppressions au total ! En effet, cette stratégie n'a jamais été corrélée à une politique éducative ou à une quelconque analyse des besoins d'accompagnement des élèves.
Ainsi, quelle contradiction y avait-il entre, d'une part, cette approche mécanique, comptable, aveugle et, d'autre part, la volonté sans cesse renouvelée d'individualiser l'enseignement, mise en avant par le précédent gouvernement ! Certes, ont été mis en place une aide personnalisée à l'école, un accompagnement éducatif au collège et un accompagnement personnalisé au lycée. Mais dans le même temps, année après année, l'offre éducative a été attaquée dans sa substance, ce qui ne pouvait que nuire à sa qualité et à sa continuité. Le sort réservé aux personnels formés pour prendre en charge les élèves rencontrant des grandes difficultés, dans le cadre des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, illustre une telle contradiction.
En 2010, nous avons connu le budget de la « mastérisation » du recrutement, formule magique pour le ministre de l'époque, Xavier Darcos. Ce fut l'occasion de lancer une belle opération de communication sur le relèvement de la qualification universitaire des professeurs, mais aussi, et peut-être surtout, d'économiser 14 000 postes.
À partir de 2010, nous avons connu les fameux « leviers d'efficience », à l'usage des rectorats, et qui, pour l'essentiel, consistaient à augmenter la taille des classes dans les écoles primaires, dans les collèges comme dans les lycées.
Au final, l'école a été mise sous tension et en est arrivée à un point critique. Je rappelle en effet que 14 000 postes ont été supprimés sur 2012. Dans le primaire, cela s'est traduit par la suppression de 715 classes. Dans le secondaire, 5 046 emplois ont été supprimés en réduisant les heures d'enseignement, soit sur la base de la baisse des effectifs, soit par une diminution des taux d'encadrement.
Représentant 89,5 millions d'euros de crédits supplémentaires, les mesures d'urgence contenues dans le projet de loi de finances rectificative arrivent donc à point nommé pour corriger une trajectoire néfaste et enclencher une dynamique, celle de la refondation de l'école.
Elles se traduisent par de nouveaux moyens en personnels qui ont pour but d'atténuer les effets les plus graves des tensions constatées sur le terrain.
C'est ainsi que 1 000 professeurs des écoles supplémentaires dans l'enseignement public vont être recrutés, 17,3 millions d'euros étant budgétés à cet effet. La répartition de ces emplois permettra d'ouvrir des classes ou d'éviter les fermetures de classes initialement prévues. 271,5 emplois seront ainsi consacrés à améliorer l'accueil des élèves dans les zones rurales et 165,5 à l'accueil dans les écoles de l'éducation prioritaire. Ni le remplacement, avec 181,5 emplois, ni les RASED, avec 97 emplois, ne sont oubliés.
Seront également recrutés 50 professeurs pour l'enseignement technique agricole, qui avait lui aussi été dépecé au cours de ces dix dernières années, …
…760 000 euros étant budgétés à cet effet.
De même seront recrutés 100 conseillers principaux d'éducation – CPE – et 16 000 personnels éducatifs contractuels pour améliorer la sérénité et la sécurité des établissements. Seront ainsi recrutés 2 000 assistants d'éducation, 500 assistants chargés de la prévention et de la sécurité, en complément du travail effectué par les équipes mobiles de sécurité, 1 500 auxiliaires de vie scolaire chargés de l'accompagnement individuel des élèves handicapés – AVSI – et 12 000 contrats uniques d'insertion, ces contrats aidés ayant remplacé, en 2010, les emplois de vie scolaire. Au total, un peu plus de 54 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus pour financer le recrutement de ces personnels.
S'y ajoute le recrutement de 280 professeurs certifiés, qui ne correspond pas à de nouveaux emplois, mais à des besoins non couverts. Ces professeurs certifiés seront recrutés dans des disciplines fondamentales et sur la base d'une procédure garantissant aux familles la qualité de leurs compétences académiques.
Le collectif comprend aussi des mesures de nature très diverse, mais que je qualifierai de « correctives ».
En premier lieu, des mesures d'aménagement de service sont budgétées pour faciliter l'entrée dans le métier des professeurs directement affectés en académie à l'issue des concours, soit 13,6 millions d'euros pour l'enseignement secondaire public, afin d'accorder une décharge de trois heures aux professeurs du secondaire – ce qui correspond à 36 journées de formation au cours de leur première année d'exercice – et 3,4 millions d'euros pour l'enseignement privé des premier et second degrés. Dans le premier degré public, 6 000 professeurs des écoles bénéficieront de l'accompagnement d'un enseignant qualifié les six premières semaines, jusqu'à la rentrée de Toussaint, ce qui nécessitera la présence de maîtres remplaçants.
Ces mesures doivent être saluées car elles mettront fin au « bizutage » insupportable qui était réservé aux professeurs de lycée et de collège nouvellement recrutés depuis 2010 : ceux-ci bénéficiaient jusqu'alors d'une formation complémentaire en plus de leurs obligations réglementaires de service, ce qui alourdissait leur charge de travail alors qu'ils ne disposent pas de séquences de cours préparées.
Autre mesure corrective : la suppression de la prise en charge – PEC – des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger. Il s'agit de mettre en oeuvre un engagement du Président de la République, cette « mesure de gratuité » ayant suscité d'innombrables rapports, à commencer par celui de notre collègue Hervé Féron, qui pourra nous en parler tout à l'heure.
Enfin, une troisième mesure, très importante pour les familles : l'augmentation de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire – ARS. Cette augmentation n'est pas négligeable : plus de 70 euros pour un enfant de seize à dix-huit ans, l'ARS passant ainsi de 310 à plus de 380 euros.
Avant de conclure, je dirai quelques mots rapides sur le rétablissement du taux de 5,5 % de la TVA dans le secteur des livres, ce dont je me félicite. Cette bouffée d'oxygène confortera la politique du livre que notre Assemblée a relancée – je pense aux initiatives de M. Hervé Gaymard – ces dernières années.
Je conclurai en adressant tous mes voeux de succès à la grande concertation ouverte le 5 juillet dernier sur la refondation de l'école. Le plan exceptionnel de recrutement annoncé par le Président de la République doit en effet s'accompagner de contreparties devant permettre au système scolaire de prendre enfin en main les 20 % d'élèves les plus en difficulté.
Pour cela, il faudra repenser la formation des enseignants, sujet auquel nous nous sommes intéressés au cours des cinq dernières années, et réformer les rythmes scolaires, question qui nous a mobilisés une année durant. C'est un grand pari, mais il faut que notre école renoue avec le progrès et l'espérance.
Pour toutes ces raisons, je donnerai un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2012 qui nous ont été soumis, et je vous demande d'en faire autant.
Mes chers collègues, au nom du groupe SRC, je veux saluer ce plan d'urgence pour la rentrée 2012 : il est dans la droite ligne des engagements pris par François Hollande, qui mettent fin à la casse du service public de l'éducation nationale à laquelle nous assistons depuis des années. Avec ces mesures, le Gouvernement signe l'arrêt des suppressions massives de postes, véritable saignée qui a considérablement affecté et affaibli le grand service public de l'enseignement.
Renaud Dutreil, ancien ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État l'annonçait haut et fort le 20 octobre 2007 à la fondation Concorde, dans le cadre de la conférence sur la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques – RGPP : c'était à l'éducation nationale de porter l'effort principal de réduction des effectifs de la fonction publique. Ce qui fut dit fut fait : 79 400 postes furent supprimés au cours du dernier quinquennat !
Cette déstructuration du service public de l'éducation nationale nous amène aujourd'hui à un triste constat : nous avons le plus mauvais taux d'encadrement des pays de l'OCDE, s'agissant de l'école primaire. La politique de matraquage qui a été menée ces cinq dernières années a touché les plus faibles et les plus démunis. En atteste la diminution de près de 50 % des effectifs des enseignants des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté.
De la même manière, la scolarisation des enfants de deux ans, si importante pour les milieux économiquement, socialement et culturellement défavorisés, dans les territoires en grande difficulté que nous connaissons tous, s'est trouvée divisée par plus de trois depuis 1980 ! Aujourd'hui, elle ne concerne que 10 % des enfants de cette classe d'âge.
Nous ne le dirons jamais assez : un euro économisé dans l'éducation de notre jeunesse n'est pas un bon euro !
Aujourd'hui, la justice sociale, la justice fiscale et la jeunesse sont à nouveau au coeur de l'action gouvernementale. Cette première étape est fondamentale pour redonner confiance à des enseignants bien souvent découragés par une politique brutale, injuste, qui a creusé les inégalités.
Vous le savez, monsieur le président, mes chers collègues, l'attente est énorme. Les orientations de la Lettre du ministre à tous personnels de l'éducation nationale, ainsi que les mesures qui viennent d'être rapportées dans le projet de loi de finances rectificative, se traduisent par l'injection, en urgence, de 89 millions d'euros pour la rentrée de septembre : 1 000 postes dans le premier degré, 1 500 auxiliaires de vie pour accompagner les élèves en situation de handicap, 2 000 assistants d'éducation. Toutes ces mesures constituent la première pierre de la refondation de notre école, de notre service public de l'enseignement. Comme le rappelait fort justement M. le président de l'Assemblée nationale lors de son discours d'investiture, le service public de l'enseignement constitue le patrimoine de ceux qui n'ont rien.
L'éducation a toujours été une priorité pour notre pays – conformément à l'article L 111-1 du code de l'éducation. Et quoi que puissent déclarer certains, ce fut une réalité sous le quinquennat de Jacques Chirac comme sous celui de Nicolas Sarkozy.
Aujourd'hui, vous parlez de plan d'urgence et de casse, alors que nous savons tous que nos enseignants font, sur le terrain, un travail extraordinaire et qu'il s'agit de leur faire confiance. Certes, la France se situe dans une position moyenne tant sur le plan des résultats que des coûts de son système scolaire. Mais pas au point de dire que nous sommes les derniers de la classe au niveau de l'OCDE !
Le défi actuel de l'enseignement scolaire n'est plus de faire face à l'accroissement des élèves : cette tendance a pris fin dans les années quatre-vingt-dix. Ainsi, pendant l'année scolaire 1989-1990, nous comptions 800 000 enseignants pour 12 800 000 élèves, et pendant l'année scolaire 2011-2012, 833 000 enseignants pour 12 300 000 élèves, soit 33 000 enseignants de plus pour 500 000 élèves de moins !
Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 prévoit la création d'environ 6 000 postes dès la rentrée prochaine – 1 000 dans le primaire, 355 dans le secondaire, 1 500 auxiliaires de vie, 2 000 assistants d'éducation, des agents de prévention et de sécurité…mais le groupe UMP estime que le budget de l'éducation doit, comme tous les autres, contribuer à la maîtrise des dépenses publiques. Et c'est ce que nous avons toujours fait.
Aujourd'hui, les socialistes n'ont pas de mots assez durs pour condamner la RGPP et le non remplacement d'un poste de fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Mais le premier budget de l'État ne pouvait s'exonérer des efforts imposés par la situation économique nationale, dans un contexte de crise internationale. C'est cela, le courage politique !
Le Président Hollande nous annonce que le nombre global de fonctionnaires n'augmentera pas. Mais personne ne nous a dit où seront supprimés les postes qui permettront d'en créer d'autres dans l'éducation nationale, puisque l'on raisonne à moyens constants. Va-t-on « matraquer » le ministère de la santé, les sous-préfectures, l'armée, Pôle emploi ? Nous n'en savons rien.
Vous nous proposez aujourd'hui de concrétiser une promesse électorale démagogique qui consiste à créer, à terme, 60 000 postes dans l'éducation nationale. Mais comment ? Procéderez-vous par redéploiements ? Il y a de quoi être perplexe. Le ministre délégué au budget n'a-t-il d'ailleurs pas déclaré qu'on ne créerait pas de postes supplémentaires dans la fonction publique d'État parce que la France n'en avait tout simplement pas les moyens ? Mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Notre conviction est que les problèmes de l'école ne sont pas liés aux moyens qui lui sont alloués, mais à l'utilisation et à la répartition de ces moyens. Depuis la loi Fillon de 2005, priorité a été donnée à la maîtrise des enseignements fondamentaux dès le primaire. Je pense que cette politique porte aujourd'hui ses fruits. De même, nous avons développé les aides personnalisés, qui, j'en suis persuadé, ont donné de bons résultats. Mais aucune évaluation n'a été faite et l'on préfère polémiquer à propos des RASED. Mais, là encore, nous aurons l'occasion d'en reparler.
Nous sommes persuadés que l'école primaire est la clef de voûte de notre système éducatif, parce qu'elle est le lieu de l'acquisition des enseignements fondamentaux, qu'elle conditionne la suite des apprentissages et l'insertion dans la société.
Bien d'autres problèmes se posent, que mes collègues aborderont tout à l'heure. Mais vous comprendrez d'ores et déjà que nous ayons déposé un amendement de suppression de l'article 23, qui est relatif aux plafonds des autorisations des emplois de l'État. Comme dans un autre domaine que vous avez évoqué rapidement, à savoir le taux réduit de TVA dans le secteur du livre, nous nous interrogeons sur l'avenir des recettes de l'État. En revanche, nous ne pouvons que regretter la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger, car il y va de l'avenir de ces établissements, ainsi que de la francophonie.
Je voudrais à mon tour saluer ces mesures d'urgence, qui tranchent avec la conception de la priorité à l'éducation en vigueur sous le quinquennat précédent : celle-ci se traduisait concrètement par la suppression de 70 000 postes, la casse de la formation et une dévalorisation du rôle des enseignants. Je ne suis pas près d'oublier la déclaration de M. Darcos selon laquelle on n'avait pas besoin d'une formation de cinq ans pour changer les couches en maternelle. Quelle méconnaissance de la pédagogie en classe maternelle et de l'importance de la scolarisation dès l'âge de trois ans !
Certes, ces mesures d'urgence ne sauraient se substituer à la nécessaire refondation du système scolaire, qui suppose notamment plus de moyens en personnels. Ainsi les quatre-vingts postes supplémentaires attribués à l'académie de Créteil ne sauraient suffire à compenser les nombreuses suppressions de postes et le démantèlement d'une partie des réseaux RASED qui ont frappé la Seine-Saint-Denis. Le courage politique, mes chers collègues, c'est de trouver les moyens pour que tous nos enfants connaissent l'école de la réussite. Il faudra aussi travailler sur les questions de formation des enseignants et relancer la recherche pédagogique, délaissée ces dernières années.
Je me félicite d'ores et déjà du recrutement de 12 000 contrats uniques d'insertion, notamment pour ces hommes et ces femmes dont le contrat n'avait pas été renouvelé, en dépit du dévouement et de la compétence dont ils ont fait preuve. Il faut en finir avec la précarité dans l'éducation nationale, en accueillant dans la fonction publique des hommes et des femmes qui font partie intégrante des équipes éducatives.
Grâce enfin à l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, toutes les familles pourront acheter à leurs enfants les fournitures nécessaires à de bonnes études.
Pour ces raisons, le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine émet un avis favorable à l'adoption des articles 23, 24 et 30 du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Au nom du groupe UDI, je peux reprendre à mon compte tout ce qui a été dit par notre collègue Reiss. Je me contenterai donc d'une remarque de forme. Les déclarations de notre rapporteure sont quelque peu hors de propos : la campagne est finie, madame Faure ; vous n'êtes pas devant une réunion de militants socialistes, mais devant la Commission. On se croirait en 1981, quand certains prétendaient que la France était passée de l'ombre à la lumière. Il n'y a pas d'un côté ceux qui aiment l'école, et de l'autre ceux qui la cassent. Des propos aussi inacceptables ne laissent rien augurer de bon pour la suite de nos travaux, et j'espère, monsieur le président, que notre Commission pourra travailler dans un autre climat.
Chaque commissaire est libre de dire ce qu'il veut, le président de la Commission n'a pas à se prononcer sur le fond des interventions.
On ne peut pas nier les attaques dont l'école de la République a fait l'objet ces dernières années. Contestez-vous qu'en décembre 2007, le Président de la République nous expliquait que l'instituteur ne pourrait jamais remplacer le curé ou le pasteur ? Nous croyons, nous, au rôle de l'instituteur et à la nécessité de le renforcer.
Mme la rapporteure n'a fait que constater la suppression de 70 000 postes dans l'éducation nationale du fait de la RGPP, politique de réduction aveugle des effectifs que les radicaux ont toujours critiqué. Cette réduction drastique des emplois a nui à l'accueil en maternelle et fait baisser le niveau de l'école primaire. Les dommages causés par cette politique ont été aggravés par la suppression de la carte scolaire et la réduction du nombre de postes RASED, pourtant indispensables. En conséquence le groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste ne peut que saluer la création de postes supplémentaires de professeurs des écoles et autres personnels éducatifs ainsi que l'augmentation de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire. C'est la raison pour laquelle le groupe RRDP soutient ce projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Je vous félicite, madame Faure, pour avoir réussi à produire un si bon rapport, alors que vous venez d'être désignée par notre commission : quel exploit !
Nous savons tous que les conditions de scolarisation se sont fortement dégradées : nous avons tous en tête des exemples de fermetures de classes alors que le nombre d'élèves augmentait.
Ces 1 000 postes créés en urgence sont destinés à parer aux situations les plus tendues, mais nous savons que la rentrée 2012, préparée par la majorité sortante, aura lieu dans des conditions difficiles. Ce n'est qu'en 2013 que nous verrons un début d'amélioration, et j'espère que nous aurons adopté d'ici là une loi d'orientation et de programmation.
Je conclurai mon propos par deux remarques. Je suis surpris, chers collègues de l'opposition, de vous entendre déplorer cet effort budgétaire de 89,5 millions d'euros tout en vous opposant à la suppression de la prise en charge sans conditions de ressources des frais de scolarité des enfants français scolarisés à l'étranger.
Par ailleurs, monsieur Salles, on donne une plus grande preuve d'amour à l'éducation nationale quand on l'embrasse que quand on lui colle une claque, comme vous l'avez fait régulièrement ces dernières années !
Des propos tout en nuance de notre rapporteure et de nos collègues socialistes, j'ai retenu les accusations de « casse », de « saignée », ou la caractérisation de la RGPP comme politique « purement quantitative », « aveugle », « mécanique ». J'espère que vous caractériserez de la même façon le budget de la culture, qui va être soumis à la règle, non plus du « un sur deux », mais du « deux sur trois ». On sait en effet que la fin de l'application du « un sur deux » dans l'éducation nationale sera compensée par le non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois dans l'ensemble des autres ministères.
J'ai trouvé pour le moins curieuse, voire spécieuse, la façon dont votre rapport présente la situation. Vous y faites état de l'évolution du nombre d'enseignants dans le primaire sans indiquer l'évolution du taux d'encadrement pédagogique. Or c'est le nombre d'élèves par classe qui importe, et, de ce point de vue, il n'y pas eu de dégradation depuis dix ans.
De la même façon, vous indiquez que dans notre école primaire, ce taux se situe très largement en dessous de la moyenne de l'OCDE, en omettant de préciser que tous degrés d'enseignement confondus, notre pays se situe dans la moyenne, et qu'il est très largement au-dessus si on ne retient que le taux d'encadrement en lycée.
Enfin, vous vous fondez sur l'enquête PISA pour 2009 pour corréler la qualité du système éducatif français au nombre d'élèves par classe. Or cette enquête étudie des cohortes scolaires constituées avant 2007, et qui n'ont donc pas subi la réduction du nombre d'enseignants que vous incriminez. La corrélation que vous établissez dans votre rapport n'est donc pas vérifiée.
Dois-je rappeler à mes collègues de l'opposition les doutes qu'ils exprimaient eux-mêmes à propos de la refonte de la formation des enseignants, notamment à l'occasion de l'examen du rapport Grosperrin ? Cette réforme était d'autant plus contestable qu'elle intervenait dans les pires conditions, après trois ans de réduction drastique du nombre des enseignants, et elle était d'ailleurs contestée par l'ensemble des personnels, les recteurs et des inspecteurs d'académie.
À l'inverse, les propositions contenues dans ce projet de loi de finances rectificative – mesures d'accompagnement des enseignants nouvellement recrutés, décharges horaires des tuteurs – vont dans le bon sens, et préludent aux mesures nécessaires d'ores et déjà annoncées. Vous avez eu le tort de faire dépendre la réforme de la formation des enseignants de mesures quantitatives : c'était le pire choix possible. En effet, des moyens suffisants sont la condition sine qua non pour que notre école puisse garantir à chaque élève la possibilité de disposer des enseignants les mieux formés.
Nous reviendrons aussi sur le prérecrutement des enseignants, afin d'assurer la mixité sociale de ce corps, si nécessaire à l'égalité républicaine.
Je voudrais à mon tour déplorer le ton parfois outrancier de notre rapporteure et de certains de nos collègues de la majorité, qui fait douter de l'existence d'un véritable projet : quel besoin sinon de consacrer vos premières interventions à dénigrer tout ce qui a été fait pendant cinq ans ? Il serait beaucoup plus constructif de nous présenter ce que vous souhaitez faire.
Je m'étonne par ailleurs, madame la rapporteure, que votre travail soit marqué du caractère strictement comptable que vous reprochez à la politique de l'ancienne majorité : il n'y a quasiment que des chiffres dans votre rapport. On aurait aimé connaître votre vision de l'école et du rôle que vous lui assignez ; on aurait aimé que vous nous parliez de la surcharge des programmes, ou que vous nous expliquiez pourquoi les résultats de notre système scolaire ne sont pas à la hauteur des moyens considérables que la France consacre depuis vingt ans à l'éducation nationale. Quand on sait que 15 à 20 % des élèves sortent du CM2 sans savoir lire et écrire correctement, on aurait aimé connaître vos propositions pour lutter contre l'illettrisme.
Voilà les sujets de fond qu'il serait préférable d'aborder, plutôt que de se perdre dans des polémiques stériles et des chiffres égrenés comme autant de perles. L'école est un sujet trop important pour limiter ainsi son discours à des chiffres. Ceux qui, comme moi, attendent de cette commission de la prospective, de l'ambition, des objectifs politiques au vrai sens du terme, restent un peu sur leur faim ce matin. Le temps de la campagne est fini : nous devons consacrer les prochaines années à rendre l'école meilleure pour les élèves, car c'est pour eux qu'est fait le service public de l'éducation, et non pour les enseignants.
Je voudrais d'abord apaiser les craintes de notre collègue quant à l'avenir de l'enseignement français à l'étranger et de la francophonie en général : c'est au contraire la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger, promesse du candidat Sarkozy en 2007, qui a mis à mal tout le système d'enseignement français à l'étranger, et nous avons fait de nombreuses propositions pour le restaurer.
En ce qui concerne l'éducation nationale, il n'y a pas photo. Les dernières années ont vu les inégalités scolaires augmenter, comme cela a été prouvé par une enquête PISA ; l'effort de financement global de l'éducation a baissé d'un point de PIB entre 2000 et 2009 ; 154 000 postes ont été supprimés dans l'éducation entre 2000 et 2011 ; selon l'OCDE, la rémunération des enseignants français a connu une dégradation relative par rapport à leurs collègues européens.
Je constate l'état de misère scolaire de ma circonscription : en cinq ans, deux écoles ont fermé, quatorze postes ont été supprimés en école primaire ; pour seize écoles primaires, elle ne compte plus que quatre maîtres G de RASED – c'est-à-dire des enseignants rééducateurs – dont trois doivent disparaître en septembre.
Nous nous réjouissons aujourd'hui que le Gouvernement envoie le signal d'une véritable volonté de redonner à l'école de la République les moyens et l'ambition que les enfants de France méritent.
Je déplore, tant le caractère uniquement à charge de ce rapport que la méthode consistant à débattre d'un document qui vient seulement d'être mise en distribution. C'est d'autant plus gênant que ce rapport est truffé d'erreurs.
Au chapitre de la charge, vous attaquez d'une façon extrêmement manichéenne la mastérisation, en passant totalement sous silence l'élévation du niveau de formation des enseignants auquel elle a contribué. Autre élément surprenant, vous présentez comme une mesure nouvelle l'accompagnement des nouveaux professeurs des écoles par un enseignant expérimenté, alors que ce dispositif est précisément lié à la mastérisation.
Vous persistez en revanche dans l'erreur méthodologique qui consiste à sortir les nouveaux enseignants de la classe, alors que la solution réside dans la pratique accompagnée et le tutorat, comme prévu dans le cadre de la mastérisation.
Ce que nous reprochons à la RGPP, monsieur Apparu, c'est l'application aveugle de la règle comptable du « un sur deux », le coup de rabot uniforme quel que soit le ministère.
Non : il y aura un traitement individualisé ministère par ministère, car faire des choix, c'est l'enjeu de la politique.
Comment pouvez-vous nier par ailleurs la baisse du taux d'encadrement ? Sachant que le nombre d'élèves connaît une hausse continue depuis 2004 et que 70 000 postes d'enseignants ont été supprimés depuis 2007, il ne faut pas être grand clerc pour conclure à une baisse du taux d'encadrement.
Quant à la différenciation entre le lycée, d'une part, l'école primaire et le collège, d'autre part, elle est tout à fait légitime, puisque c'est au stade de l'école primaire et du collège que notre école exclue massivement : il est scandaleux de concentrer l'investissement au bénéfice des élèves qui sont déjà dans le wagon de la réussite. Dans le cas de mon département, la Seine-Saint-Denis, je me félicite des annonces ministérielles, mais il faut savoir que les 23 postes qui seront créés dans le primaire ne suffiront pas à atteindre les seuils d'éducation prioritaire. Cette mesure d'urgence est un signal positif envoyé à la communauté éducative, mais il faudra aller plus loin. Ce n'est pas en faisant des économies qu'on refondera l'école : pour cela, il faudra s'interroger sur ce qui ne fonctionne pas dans notre système scolaire, y créer de nouveaux métiers et y consacrer plus de moyens.
Ce projet de loi de finances rectificative est excellent, d'autant qu'il s'inscrit dans un contexte budgétaire très contraint. La réorientation des moyens financiers de l'État au bénéfice de l'éducation nationale traduit une différence idéologique fondamentale entre notre projet politique et le vôtre, messieurs de l'opposition : l'école n'est pas votre priorité, comme le prouve la politique qui a été suivie ces cinq dernières années.
J'entends un collègue de l'opposition déplorer le taux d'illettrisme à l'issue de l'école primaire, mais qui a été au pouvoir ces dix dernières années ? Jugez notre programme dans dix ans.
Ce n'est pas à moi, élu d'un territoire extrêmement défavorisé où la transition démographique n'est pas terminée, que vous allez faire croire que vous avez fait un effort pour l'éducation : alors que La Réunion comptera 200 000 habitants supplémentaires d'ici à 2020, et 10 000 élèves supplémentaires par an, elle a perdu 150 postes par an au cours des quatre dernières années.
Aujourd'hui, la nouvelle majorité, le Gouvernement et le Président de la République replacent l'école au centre de leurs priorités. Laissez-nous faire notre travail.
Je me réjouis pour ma part que ce projet de loi de finances rectificative s'intéresse au domaine de la culture, en restituant au spectacle vivant les crédits qui avaient fait l'objet d'un gel et en rétablissant la TVA sur le livre à 5,5 %. Le groupe socialiste s'est battu en son temps, aux côtés d'Hervé Gaymard, contre l'application de la loi de modernisation économique (LME) aux libraires – le paiement à 45 jours imposé par celle-ci conduisait en effet à tuer les librairies de nos communes. Il a eu gain de cause. De même avons-nous obtenu que la TVA sur le livre numérique soit alignée sur celle du livre papier. Je tenais à le rappeler, à l'heure où la Commission européenne semble, de manière quelque peu surprenante, affirmer que la distribution d'un livre sous forme numérique serait une prestation. Il y a là des combats à mener, et c'est pourquoi il est important que le projet de loi de finances rectificative mette cette question sur le devant de la scène. Le livre et le cinéma n'ont-ils pas toujours été au coeur de l'exception culturelle française ?
Permettez-moi de dire à nos collègues de l'opposition que mes propos n'avaient rien d'insultant : je me suis bornée à des constats. Je peux comprendre que vous soyez irrités par leur teneur négative, mais dois-je rappeler que l'OCDE, l'Institut Montaigne, la Cour des comptes, dans son rapport de 2010 sur la réussite scolaire, et les services du ministère eux-mêmes – lorsqu'ils avaient le droit de donner des chiffres – ont tous fait état d'une dégradation de notre système scolaire ?
Nous poursuivrons sans doute la bataille des chiffres, monsieur Reiss, mais force est de constater que nous avons encore trop de classes de maternelle à 33, 34 ou 35 élèves, et trop de classes de CP qui comptent 29, 30 ou 31 élèves – ce qui ne favorise pas la réussite. Le courage politique, nous l'aurons autant que vous, pourvu que vous nous en laissiez le temps. Il ne s'agissait cependant ce matin que de donner un avis sur le projet de loi de finances rectificative, et non d'aborder, monsieur Huet, la refondation de l'école : nous le ferons tout à l'heure avec le ministre.
Sans doute n'avez-vous pas écouté : j'en ai parlé.
Je remercie Marie-George Buffet d'avoir rappelé que de nouveaux moyens étaient nécessaires. 97 postes, c'est évidemment insuffisant pour la Seine Saint-Denis, mais de même que pour l'allocation de rentrée scolaire, nous ne faisons pour l'instant que rectifier à la marge.
Rudy Salles a parlé de hors sujet, de propos inacceptables, de climat détestable. Qu'il me soit permis d'observer que la réponse de M. Apparu n'était pas vraiment aimable – pour ne pas dire bien plus outrancière que le ton que j'ai moi-même employé.
Je remercie M. Braillard d'avoir rappelé que pour l'ancien Président de la République, l'instituteur n'était pas l'équivalent du curé ou du pasteur : il était surtout méprisé.
Michel Ménard a évoqué les fermetures de classes qui sont programmées alors même que nous avons des classes à 35 élèves.
La prise en charge des frais de scolarité des élèves scolarisés à l'étranger (PEC) constitue une autre injustice flagrante à laquelle il convient de mettre fin.
Sans revenir sur le ton de ses propos, qu'il me soit permis de faire observer à Benoist Apparu que les chiffres de l'enquête PISA de 2009 résultent bien de la politique conduite entre 2002 et 2007. Et ne nous dites pas que le constat que nous faisons en 2012 ne doit rien à votre politique !
Je remercie Pascal Deguilhem d'avoir rappelé que la réduction massive des postes liée à la mastérisation a été opérée au plus mauvais moment.
J'ai déjà répondu à M. Huet. J'ajouterai simplement que la modération dans les propos n'a pas toujours été de mise sous la précédente législature, loin s'en faut.
Nous connaissons bien, en particulier dans les territoires ruraux et les banlieues, la misère scolaire dont a parlé Hervé Féron.
Vous ne pouvez parler de rapport à charge, monsieur Hetzel. Je l'ai dit, il ne s'agit que d'un constat. Je comprends que celui-ci vous touche particulièrement, mais vous ne pouvez nier les suppressions de postes induites par les fameux « leviers d'efficience ». De même, vous savez que la « masterisation » a abouti à supprimer la formation professionnelle initiale. Nous n'avons jamais été opposés à l'élévation du niveau de nos professeurs, mais s'il s'agit de remplacer la formation initiale par la « masterisation », nous disons non, et encore non !
Quant au compagnonnage, vous savez fort bien qu'il n'a pas été correctement mis en oeuvre : certains compagnons étaient basés à plus de 100 kilomètres du jeune qu'ils devaient accompagner !
Je remercie Mathieu Hanotin d'avoir dénoncé à nouveau la règle comptable aveugle du « un sur deux », qui porte une part de responsabilité dans la situation actuelle.
Jean-Jacques Vlody a évoqué la différence fondamentale qui existe entre notre projet et celui de l'ancienne majorité. Le nôtre replace l'enfant au centre du débat tout en redonnant sa mission au professeur, alors que vous, mesdames, messieurs de l'opposition, vous n'avez songé qu'à compter. Il est vrai que supprimer des postes, supprimer les RASED, supprimer une demi-journée de classe, puis la formation initiale, mais aussi continue des maîtres est autrement plus facile que de créer et chercher des moyens !
Je remercie enfin Marcel Rogemont d'avoir salué le retour à la TVA à 5,5 % sur le livre.
La Commission en vient à l'examen des articles.
TITRE II AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2012 – PLAFONDS DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS
Article 23 : Plafonds des autorisations d'emplois de l'État
La Commission est saisie de plusieurs amendements identiques de suppression de l'article 1 AC à 23 AC, déposés respectivement par M. Benoist Apparu, M. Xavier Breton, M. Bernard Brochand, M. Jean-François Copé, M. Gérald Darmanin, M. Bernard Debré, Mme Sophie Dion, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, M. Dominique Le Mèner, M. François de Mazières, Mme Dominique Nachury, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, Mme Claudine Schmid, M. Claude Sturni et Mme Michèle Tabarot.
Nous souhaitons supprimer cet article, car nous pensons sincèrement que la question posée n'est pas celle des moyens, mais de leur juste répartition. Sous la précédente législature, nous avons souhaité nous inspirer de la réforme des universités, qui a octroyé à celles-ci davantage d'autonomie en contrepartie de leur évaluation. Nous entendions donc donner davantage d'autonomie aux chefs d'établissement, qui sont mieux à même de connaître les besoins. Nous sommes par ailleurs convaincus que la situation de nos finances publiques ne permettra pas de créer 60 000 postes supplémentaires, à moins d'accepter une paupérisation des enseignants. Pour notre part, nous avons consacré un milliard d'euros entre 2007 et 2012 à la revalorisation de leurs salaires – revalorisation des débuts de la carrière et heures supplémentaires.
En l'absence de rectification, nous aurons 715 suppressions de classes dans le primaire, alors même que les effectifs progressent. Dois-je rappeler que nous avons déjà 761 emplois en moins pour le dispositif de remplacement ? Actuellement, un maître de CP en arrêt maladie n'est pas remplacé. C'est tout de même navrant pour les enfants qui en sont victimes ! Les 1 000 nouveaux emplois de professeur des écoles seront mis au service des élèves au début de leur scolarité. En primaire, les enfants ont en effet besoin d'un accompagnement beaucoup plus précis, surtout à l'heure où l'on supprime des postes d'enseignant spécialisé. Nous ne pouvons plus tolérer des classes de CP à 28, 29, 30 ou 31 élèves !
De même, la décharge de service de trois heures des enseignants du secondaire permettra de remettre de l'ordre et de la sérénité dans le système de recrutement des enseignants, qui a été totalement désorganisé.
Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à ces amendements.
Les Français ont voté pour un homme, mais aussi pour un projet, dans lequel figurait clairement – et honnêtement – la création de 60 000 postes sur cinq ans dans l'éducation nationale. Je ne doute pas que nos collègues de l'opposition soient profondément démocrates. Ils auront donc à coeur, tout en formulant de légitimes remarques, de laisser la majorité appliquer le mandat qu'elle a reçu du peuple.
Ce n'est certes pas une surprise que la nouvelle majorité s'attelle dès la rentrée 2012 à mettre en oeuvre ce pour quoi elle a été élue.
Deux arguments justifient ce collectif budgétaire déposé en urgence. Il s'agit d'abord de la priorité donnée à l'école primaire, clé de voûte de notre système éducatif pour reprendre les termes de notre collègue Reiss. Or tous les observateurs, y compris l'Institut Montaigne – qui ne passe pas pour gauchiste – le disent : c'est dans le primaire que le taux d'encadrement est aujourd'hui le plus faible. C'est pourtant dans le primaire et à la maternelle que tout se joue, et c'est pourquoi il est nécessaire de « mettre le paquet » sur le primaire avec ces 1 000 postes.
S'agissant des enseignants, il est vrai que les débuts de carrière ont été revalorisés. Mais le manque d'attractivité dramatique du métier d'enseignant, que nous constatons à travers l'assèchement du nombre des candidats aux concours, est en grande partie dû à la difficulté du métier, qui trouve elle-même son origine dans la suppression – dans les faits – de toute formation professionnelle des enseignants. Il faudra donc y revenir.
Certes, et nous le savons, tout n'est pas question de moyens. C'est pour cela qu'est lancée une grande concertation sur la refondation de l'école, dont le ministre nous parlera tout à l'heure. Mais avant de refonder, il fallait réparer : tel est l'objet de ce collectif. Voilà pourquoi je souhaite qu'il soit adopté et que nous repoussions ces amendements.
La Commission rejette les amendements identiques 1 AC à 23 AC.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 23.
TITRE III DISPOSITIONS PERMANENTES
I.- MESURES FISCALES NON RATTACHÉES
Article 24 : Rétablissement du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % dans le secteur des livres
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 24.
II.- AUTRES MESURES
Article 30 : Suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger
La Commission est saisie de l'amendement 24 AC de M. Gérald Darmanin et Mme Claudine Schmid.
Cet amendement vise à supprimer l'article 24. Contrairement à ce que semble penser l'un de nos collègues, il ne saurait y avoir deux catégories de Français – ceux qui vivent sur le territoire métropolitain ou outre-mer et les Français de l'étranger. Tout d'abord, ces derniers ne sont pas nécessairement appelés à passer toute leur vie à l'étranger – ce qui les contraint souvent, que ce soit pour des raisons professionnelles ou privées, à scolariser leurs enfants dans des écoles françaises. Ensuite, il faut rappeler que cette prise en charge des frais de scolarité (PEC) peut constituer un lien avec la culture française, notamment pour les nombreuses familles mixtes qui hésitent entre école française et établissements du pays de résidence. Elle est aussi un atout économique. Les PME aussi envoient leurs cadres ou leurs employés à l'étranger, monsieur Féron ; les expatriés ne sont pas tous richissimes, et il y a aussi des problèmes sociaux chez les Français de l'étranger. La PEC simplifie donc la vie des familles, mais aussi celle des entreprises, notamment des petites entreprises.
La PEC n'a pas nui au financement des bourses : jamais il n'y a eu autant de bourses que depuis sa création. Supprimer la PEC au bénéfice exclusif des bourses ne ferait donc que renforcer la bureaucratie.
D'autre part, si quelques abus auxquels il faut évidemment remédier ont pu être constatés, la PEC n'a pas tari le financement des frais de scolarité par les grandes entreprises.
Il ne s'agit en fait que d'un problème budgétaire. Vous ne saviez pas comment financer vos mesures : vous avez trouvé là un moyen commode de le faire, au détriment de la culture, de l'éducation et du rayonnement de la France.
J'ajoute qu'il n'est pas exact de parler de gratuité, puisque la PEC a été plafonnée au taux de 2007, année de sa mise en place. Sa suppression revêt du reste un caractère arbitraire : des télégrammes diplomatiques ont été adressés aux consulats la veille du discours de politique générale du Premier ministre, pour indiquer que la mesure était prise. Mais le plus grave est ailleurs : s'est-on vraiment soucié des élèves ? Certains parents, qui ne pourront pas payer, doivent aujourd'hui chercher une autre orientation pour leurs enfants à la rentrée. Nous parlons ici de futurs élèves de terminale !
Enfin, cette suppression aboutit à déséquilibrer le budget des écoles. Les frais de scolarité ont été votés en assemblée générale, sur la base d'un nombre connu d'élèves – qui va diminuer.
Je conclurai en évoquant l'égalité républicaine : les Français de l'étranger ne sont pas des exilés fiscaux.
Seulement à certaines conditions. Il suffit d'avoir hérité d'une propriété en France pour ne pas y avoir droit.
Par ailleurs, une partie de l'économie ainsi réalisée sera utilisée pour financer des mesures d'accompagnement exceptionnelles au bénéfice de certains élèves en difficulté.
Par conséquent, je ne juge pas utile de revenir sur le coût exponentiel de la PEC, et donne un avis défavorable à cet amendement.
C'est précisément parce que nombre de Français à l'étranger ne sont pas riches que l'absence de conditionnement aux ressources de la PEC pose problème. Cette mesure, qui répondait à une promesse de Nicolas Sarkozy, a constitué un effet d'aubaine pour les entreprises, dont certaines avaient créé des établissements ou participaient de façon importante au financement des frais de scolarité des enfants de leurs salariés.
La PEC n'est pas conditionnée au niveau de ressources. En outre, elle bénéficie à des familles qui ne payent pas toujours d'impôts en France. On se souvient de l'exemple de ce couple résidant à Londres qui percevait 2 millions d'euros par an et s'est vu offrir cette prise en charge gratuite. Celle-ci a immédiatement nourri des effets pervers. Son financement ayant abouti de fait à un appauvrissement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), les établissements homologués ont dû trouver d'autres ressources. L'existence de la PEC les a conduits à augmenter les frais d'écolage, puisque la PEC ne concernait que les classes de terminale, première et seconde, d'où une augmentation importante du recours aux bourses.
Mais l'enseignement français à l'étranger s'adresse aussi aux enfants étrangers, qui représentent 60 % des enfants scolarisés dans nos établissements sur l'ensemble de la planète. Je rappelle à cet égard que parmi les missions de l'établissement public AEFE figurent la formation des élites étrangères et la coopération éducative, toutes deux mises à mal aujourd'hui.
L'AEFE a donc été appauvrie. Sa gestion est à flux tendus. Elle s'est vu transférer en 2008 par l'État une quinzaine d'établissements en mauvais état, qu'elle n'a pas les moyens d'entretenir. En 2009, le coût de la PEC était évalué à 20 millions d'euros par classe d'âge, soit 60 millions d'euros par an. Si elle avait été étendue comme prévu à toutes les classes d'âge, son coût aurait atteint 713 millions d'euros par an à partir de 2018.
C'est pourquoi le projet de loi de finances rectificative propose de la supprimer et d'appliquer les propositions formulées en 2010 par la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de notre Assemblée, à savoir redonner des moyens de fonctionnement à l'AEFE et restaurer des moyens pour l'attribution de bourses conditionnées aux revenus, en instituant de façon différenciée, selon un barème établi par pays de résidence, un plafond quant aux droits d'écolage.
La Commission rejette l'amendement, puis donne un avis favorable à l'adoption de l'article 30.
La Commission donne un avis favorable à l'adoption sans modification de l'ensemble des dispositions du projet de loi de finances rectificative dont elle est saisie.
La séance est levée à onze heures trente-cinq.