La réunion

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L'audition débute à seize heures trente-cinq.

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Nous reprenons notre séquence d'auditions consacrée au thème « Inégalités et solidarités territoriales » en accueillant M. Jean-Christophe Baudoin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Rattaché au Premier ministre, le CGET est chargé de concevoir et de mettre en oeuvre la politique nationale d'égalité des territoires, et d'en assurer le suivi. Il a pour missions principales de réduire les inégalités, d'assurer la continuité territoriale et de développer les territoires au bénéfice des habitants. Avec les collectivités locales, le CGET met en oeuvre des politiques contractuelles, comme la politique de la ville, et des partenariats, notamment dans le cadre du Conseil national à l'égalité des territoires.

La péréquation vise à réduire les inégalités entre collectivités territoriales. Ces inégalités sont appréciées au regard tant des ressources que des besoins. Pour les premières, on s'intéresse à la « substance fiscale » de la circonscription, donc à sa substance économique ; pour les seconds, on s'intéresse aux caractéristiques de sa population et de son territoire, comme la superficie ou les singularités topographiques. D'un côté, on cherche donc à caractériser des territoires « riches » et des territoires « pauvres » ; de l'autre, on voudrait pouvoir déterminer quels sont les territoires qui devraient bénéficier d'un effort de développement spécifique.

Le Président de la République a évoqué, la semaine dernière, la notion de « justice territoriale » ; un comité interministériel aux ruralités s'est réuni avant-hier ; la réflexion sur le développement économique des quartiers prioritaires de la politique de la ville se poursuit ; une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) se prépare. Que peuvent attendre de tout cela les collectivités territoriales, alors que leurs budgets doivent absorber la baisse des dotations de l'État prévue jusqu'en 2017 ?

Avant de vous donner la parole, monsieur Baudoin, je vais vous demander, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Jean-Christophe Baudoin prête serment.)

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

Le chef de l'État a rappelé, lors du dernier comité interministériel aux ruralités (CIR), l'importance de l'égalité des territoires et les exigences que sa recherche impose tant aux services de l'État qu'à tous les citoyens.

Tel est l'objet du CGET, service de l'État créé en 2014 et fondé sur une synthèse entre deux approches de l'aménagement du territoire. La première est héritée de l'après-guerre et de la période de la reconstruction ; longtemps incarnée par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), elle s'inspire d'une vision gaullienne axée sur les infrastructures. La deuxième approche est née de la politique de la ville mise en place à la fin des années 1970, politique ciblée davantage sur les habitants et leurs besoins que sur les structures. Fruit d'une fusion entre la DATAR, le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), le CGET s'efforce d'incarner ces différentes logiques. Nous nous intéressons donc aux inégalités territoriales comme un des aspects d'un vaste enjeu de cohésion nationale.

Le CGET emploie 320 agents, regroupés dans trois directions : la direction de la ville et de la cohésion urbaine (DVCU), chargée de l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique de la ville ; la direction du développement des capacités des territoires (DDCT), qui pilote les actions pour le développement des territoires à enjeux et fragiles ; la direction des stratégies territoriales (DST), qui est transversale. C'est cette dernière direction que j'anime.

Le sujet qui vous intéresse, « Inégalités et solidarités territoriales », est un thème sur lequel nous travaillons chaque jour. La cartographie que nous établissons montre la situation des territoires en France et les inégalités entre eux, qui sont des inégalités à la fois régionales et sociales. Elle fait apparaître une France à la fois métropolitaine et urbaine, en pleine croissance démographique. La carte n° 2 vous en présente les caractéristiques. Des zones de faible densité de population y accusent une sous-représentation des jeunes et une surreprésentation des personnes de plus de soixante-cinq ans. Dans cette population, les revenus médians sont plus faibles qu'ailleurs. Les zones concernées englobent l'Est, le Massif central, le centre de la Bretagne et les Pyrénées. Le professeur Laurent Davezies a dû vous en parler. La population est de plus en plus mobile. Les déplacements entre domicile et lieu de travail rendent interdépendantes les zones urbaines et leur périphérie. Entre 1982 et 2008, ils ont augmenté de plus de 60 %, tandis que la durée et la longueur des trajets s'accroissaient également.

L'économie de la France est inscrite dans la mondialisation ; la croissance du produit intérieur brut (PIB) y est portée en grande partie par les zones urbaines. Entretenant une interdépendance, les pôles urbains et leur périphérie exercent entre eux une influence réciproque. Ce phénomène est générateur de systèmes et sous-systèmes que nous analysons.

Depuis 2008, une forte croissance des inégalités de revenus s'observe, plus entre individus d'ailleurs qu'entre régions. Je vous renvoie aux cartes n° 4 et 5 relatives aux inégalités territoriales au regard du revenu fiscal et à l'échelle des métropoles. En Île-de-France, par exemple, le revenu fiscal médian est de 9 400 euros à Clichy-sous-Bois contre 46 000 euros à Neuilly-sur-Seine. L'écart est moins fort entre régions. En 2013, le revenu fiscal médian en Île-de-France était d'un peu plus de 22 000 euros, contre 10 500 euros pour La Réunion, région la plus pauvre. L'écart est donc plus faible, même s'il demeure trop important. Ces analyses confortent notre vision de la correction de ces inégalités par l'intervention publique. Le professeur Laurent Davezies a dû y insister.

La crise économique a fait exploser la pauvreté. Le nombre d'allocataires du revenu de solidarité active (RSA) a augmenté entre 2009 et 2014 de près de 50 %. Les volumes financiers correspondants qui sont nécessaires chaque année sont phénoménaux.

Une spécialisation des territoires s'observe parallèlement. Les zones d'emploi se spécialisent, se recoupant en partie avec les zones de pauvreté. Mais une spécialisation générationnelle s'observe également, comme si les centres urbains, et principalement les métropoles, s'appropriaient la jeunesse ; je vous renvoie à la carte n° 8 sur la concentration des 18-24 ans.

Les inégalités les plus flagrantes sont celles qui sont fondées sur le revenu fiscal médian. La carte n° 9 présente les différences d'évolution de ces inégalités, dont l'amplitude tire souvent son origine d'une augmentation des hauts revenus, notamment des revenus des travailleurs frontaliers dans les régions frontières.

L'inégalité ne concerne pas seulement le niveau de revenus. L'accès inégal aux services, au logement et à l'emploi constitue un autre sujet de préoccupation. Présenté dans la carte n° 10, il a été l'objet de débats nourris à la dernière réunion du CIR. Il se mesure en temps moyen d'accès aux équipements intermédiaires, mais je vous laisse apprécier quel peut être également le temps moyen d'accès aux équipements de première nécessité. Là encore, les zones concernées sont l'Est, le Massif central, le centre de la Bretagne, les Pyrénées et le sud des Alpes. L'analyse vaut également pour le logement et l'emploi. Une forte tendance à la sur-occupation des logements s'observe ainsi depuis 2008.

Dans la France rurale, sur laquelle se sont particulièrement penchés les CIR de mars et de septembre, les inégalités dépassent, elles aussi, la sphère de l'analyse des revenus. Il y existe notamment un déficit de médecins généralistes, et l'accès aux soins de proximité n'y est pas optimal non plus. L'accès aux réseaux lui-même laisse à désirer, puisque tout le territoire n'est pas couvert par la 4 G et que 160 communes ne sont même pas couvertes en 2 G. Je vous renvoie sur ce point à la carte n° 14. Une polarisation s'opère en conséquence, qui conduit à une sous-représentation des diplômés bac +2 ou équivalent dans les zones rurales moins connectées et moins denses en services.

La France urbaine aussi est traversée par les inégalités. Les quartiers prioritaires en agrègent de nombreuses. Il se trouve, dans ces zones urbaines sensibles (ZUS), trois fois plus de personnes vivant sous le seuil de pauvreté qu'ailleurs ; l'écart avec le revenu moyen y est nettement supérieur ; des comportements de renoncement aux soins sont également source de préoccupation. Apparaissent ainsi des poches de pauvreté, qui sont presque en décrochage par rapport au reste des territoires des métropoles. Cela s'observe en particulier dans les figures n° 3 et 4 relatives au devenir scolaire des jeunes des ZUS. Seuls 27 % d'entre eux s'orientent vers une première générale, contre 40 % dans le reste du territoire. Pire encore, le taux d'emploi des jeunes diplômés du supérieur en ZUS est inférieur à ce qu'il est ailleurs, où il s'établit à 71 %. C'est un écart très important, même si je ne veux pas forcer le constat.

Appartenant aux services du Premier ministre et mis à la disposition du ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, et de celui de la ville, de la jeunesse et des sports, le CGET a pour mission de fournir des outils d'aide à la décision. Sa pratique professionnelle se fonde sur l'analyse la plus complète possible afin d'avoir une vision très précise de la situation, cette dernière étant extrêmement évolutive aujourd'hui. Tant l'Observatoire de la ville que l'Observatoire des territoires – qui met aujourd'hui toutes nos informations à disposition en ligne, en vertu de notre politique de données ouvertes (open data) –, nous aident à voir la situation la plus fine, y compris au niveau d'un micro territoire.

Aujourd'hui, nous savons qu'une baisse des dotations est engagée, comme l'a rappelé le Président de la République au CIR. Dans le même temps, malgré ces contraintes financières, l'État est déterminé à réitérer son engagement contre les inégalités, sans doute en diversifiant les dispositifs pour mieux répondre à des besoins plus ciblés, plutôt qu'en adoptant une approche globale. Ce faisant, il recherchera l'effet levier maximal grâce à un recours accru à la contractualisation. Le CGET s'attachera, par conséquent, à mobiliser tant les moyens de l'État que les acteurs de terrain dans l'objectif, non seulement de diminuer ou d'atténuer les inégalités, mais aussi de développer les capacités des territoires. Son action se veut ainsi à la fois curative et préventive, car nous croyons que chaque territoire peut s'intégrer dans l'économie et le développement.

La contractualisation globale s'appuie en premier chef, comme l'a rappelé le Président de la République, sur les contrats de plan État-région (CPER). Ils représentent actuellement un total de 27 milliards d'euros, provenant pour moitié de l'État et pour moitié des régions. Nous attendons de ce financement qu'il ait un effet de levier sur les investissements. L'État finance leur volet mobilité multimodale à hauteur de 7,1 milliards d'euros, leur volet enseignement supérieur, recherche et innovation à hauteur de 1,2 milliards d'euros et leur volet territorial à hauteur de près de 1 milliard d'euros, issu du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). S'ajoutent à cette contractualisation le pacte d'avenir pour la Bretagne ou le pacte pour la Lorraine, ainsi que le programme exceptionnel d'investissements (PEI) pour la Corse.

Deux types de territoires nous causent plus particulièrement des soucis. Il s'agit d'abord des territoires ruraux, dont il fut beaucoup question au CIR de mars dernier ainsi qu'aux assises de la ruralité. Les maisons ou pôles de santé peuvent remédier à certaines de leurs difficultés. Non moins de 700 ont déjà vu le jour, l'objectif étant d'atteindre 800, voire 1 000. Il faut aller vite. Nous envoyons un autre signe en créant 1 000 maisons de services au public, chiffre qui peut sembler insignifiant, mais qui est en réalité très important. Peu onéreux, le simple maintien d'une station-service indépendante que les gérants n'ont plus les moyens de mettre aux normes conserve un pôle de convivialité. Grâce à mon expérience à Cergy-Pontoise, je peux même vous dire qu'elle peut être pôle de rencontres, même dans des zones très urbaines, quand les commerces de proximité en ont disparu.

Nouvelle mesure arrêtée au CIR de septembre, la couverture en très haut débit, ou 4 G, sera étendue autour des 22 000 kilomètres de voies ferrées. Ces dispositifs peuvent aussi avoir un effet de levier, car ils portent en eux la capacité de mobiliser à la fois État et collectivités. Le plan France Très haut débit a déjà recueilli le soutien de 87 départements, mais il faudra qu'il soit soutenu par les cent un. Car rien ne peut se faire par l'État seul ; il lui est impossible d'agir sans les collectivités. Encore faut-il réfléchir aux modalités de cette association.

Des solutions innovantes ont pu être trouvées. Dans le domaine du logement, le prêt à taux zéro a été étendu pour la rénovation dans 30 000 communes de zone rurale. Ce ne sont pas des petites mesures, elles peuvent avoir un effet important. De même, des contrats de réciprocité entre villes et campagnes ont été signés, qui ne sont pas anodins. Ils participent de l'articulation entre les territoires, car l'on ne saurait opposer aires urbaines et zones rurales qui fonctionnent, au contraire, en interdépendance. Parmi les territoires déjà identifiés figurent Lyon métropole et Aurillac, Toulouse métropole et Massif des Pyrénées, Brest métropole et Centre Ouest Bretagne, Communauté urbaine de Le Creusot et Montceau les Mines et parc naturel régional du Morvan.

Toutes les décisions prises en CIR précisent, pour chaque territoire, le dispositif retenu et l'effet levier attendu. Sur les 438 contrats de ville prévus, 325 ont déjà été signés. Ce ne sont pas forcément d'énormes sommes d'argent, mais ces mesures sont capitales. Nous travaillons avec tous les acteurs locaux, collectivités locales bien sûr, mais aussi associations qui ont un rôle à jouer sur les territoires. Nous cherchons à nous appuyer sur elles, mais l'absence totale de réseau associatif sur certains territoires est pour nous très préoccupante. Par ailleurs, le nouveau programme national de rénovation urbaine (PNRU) prévoit des mesures pour lesquelles un effet levier est envisageable.

Dans le cadre du comité interministériel, un point important a également été fait sur l'ingénierie. Dans quelle mesure les territoires en ont-ils besoin ? Comment l'État peut-il les aider dans ce domaine ? Le dispositif d'appui interministériel au développement et à l'expertise en espace rural (AIDER) est conçu pour apporter des réponses, en permettant de mobiliser à leur profit l'ingénierie d'État disponible dans les commissariats généraux ou les centres d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Car il arrive que certains centres-bourgs ne puissent, faute d'ingénierie, répondre à des appels à projets ou à des manifestations d'intérêt.

Les mesures prises dans le cadre de la simplification sont un autre point, même s'il est peu médiatique. Économiser une vidange de piscine peut en allonger le temps d'ouverture et supprimer des coûts, de même que la suppression d'un document d'urbanisme peut également apporter un soulagement. Voilà autant de sources d'économies, sans augmentation des dotations. Il ne s'agit peut-être pas d'un effort structurant, mais cela renforce la sérénité des collectivités.

Enfin, dans le domaine de l'investissement, le Président de la République a annoncé une aide supplémentaire de un milliard d'euros, dont la moitié est destinée aux territoires ruraux, une partie alimentant la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Sur ce point, le Gouvernement nous a enjoint de conduire des actions qui se déploient au plus proche des problèmes posés.

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Notre commission planche sur l'incidence de la baisse des dotations. Il est certain que la simplification de certaines pratiques peut en faire baisser les coûts, notamment ceux des documents d'urbanisme, que les nouvelles règles introduites au cours des sept dernières années ont renchéris et que les communes des territoires ruraux n'étaient pas habituées à assumer. Cette simplification pourrait en effet rendre en partie indolore la baisse des dotations, encore faudrait-il pour cela qu'elle soit réelle et avérée.

Dans le domaine de l'ingénierie, nous avons péché par excès de jacobinisme avec la loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », à travers laquelle, depuis Paris, on impose un mode d'organisation aux collectivités. Or, si certaines savent s'organiser, quel peut être l'effet structurant de l'intercommunalité dans le département de la Lozère qui ne compte que 49 000 habitants ? Le conseil départemental apparaît de préférence comme l'échelon le plus efficace. Il en va de même dans l'Ariège, où je suis élu. Puisque l'on ne veut pas regrouper de manière autoritaire les communes existantes, le département pourrait faire office d'intercommunalité. En tout état de cause, cette approche du sommet à la base (top down) ne peut être répliquée partout à l'identique, alors que tant de spécificités locales sont à prendre en compte.

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Votre présentation a bien complété celle du professeur Laurent Davezies, plus globale. Il est intéressant de voir quel est l'état du territoire et de connaître quelles actions y sont menées.

Notre commission d'enquête porte sur les conséquences de la baisse des dotations financières de l'État au bloc communal, notamment en termes d'investissement public et de services publics de proximité. Il faut en attendre une réduction de l'action publique. Je me doute que le CGET n'a pas réalisé d'étude globale à ce sujet, mais est-il en mesure de déterminer s'il n'y a pas des territoires en danger, des territoires qui menacent de s'effondrer ? Sur vos cartes, je vois apparaître, non un triangle des Bermudes, mais comme une « banane » qui s'étend de l'est de la France aux Pyrénées, en passant par la Champagne-Ardenne et le Massif central.

Lors du récent CIR, des décisions ont été arrêtées. Tout est bon à prendre, mais je souhaiterais avoir un comparatif entre les nouveaux CPER et les anciens. Sur l'actuelle période de cinq ou six ans, ils représentent un volume de financement de 27 milliards d'euros. Mais à combien s'élevait la somme auparavant ? Il me semble qu'il y a une diminution de l'intervention publique.

Aujourd'hui, les collectivités locales, et notamment le bloc communal, interviennent sur les maisons de santé car c'est un besoin majeur dans les territoires. Il y a trente ans, hormis quelques dispensaires – devenus centres de santé –, l'offre libérale pourvoyait aux besoins. Aujourd'hui, l'action publique doit compenser et pallier les carences de l'activité privée. Je vois une contradiction entre la hausse des besoins qui s'ensuit et la baisse des dotations sur laquelle nous nous penchons. Certes, l'implantation de maisons de santé ne représente pas stricto sensu une nouvelle mission pour les collectivités locales. Mais elle s'impose de facto à elles comme une nécessité, à cause du vieillissement de la population et de la baisse du nombre de médecins. Que peut dire le CGET à ce sujet ?

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Dans le domaine de la santé, tout dépend de la période de référence que l'on choisit. Dans les années 1960-1970, dans les territoires ruraux, les médecins étaient rares et les équipements faisaient, pour ainsi dire, peur. L'évolution de la situation conduit, certes, à s'adapter ; il faut, tout en évitant les dépenses inutiles, telles que la multiplication d'examens qui se juxtaposent, investir dans les équipements nécessaires.

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

En effet, monsieur le rapporteur, le CGET n'a pas produit d'étude sur l'impact de la baisse des dotations ; nous vous l'aurions sinon transmise. Nous sommes en train d'examiner, en croisant les regards financier et territorial, des territoires où il n'y a pas de correspondance entre la population et la richesse, en particulier des territoires aisés fiscalement comptant une population pauvre, mais nous n'avons pas encore les résultats de cette étude. En tout état de cause, les inégalités territoriales sont au coeur de notre mission.

S'agissant des CPER, nous en sommes à la septième génération, et vous avez raison, monsieur le rapporteur, de souligner qu'il y a eu baisse des crédits apportés par l'État. Les CPER de nouvelle génération sont cependant plus ciblés que les vastes partenariats d'autrefois – j'en parle d'expérience, car j'ai participé à la négociation de certains d'entre eux. Aujourd'hui, l'État se concentre sur les domaines structurants qui font la force et l'attractivité de la France et de ses territoires, d'où l'importance du volet territorial dans les CPER actuels. Ils peuvent ainsi se focaliser sur la stratégie de développement.

Le CGET coordonne l'ensemble pour l'État, et nous avons insisté pour que l'évaluation des CPER s'appuie sur des critères très pragmatiques, comme l'impact que peuvent avoir sur l'emploi les mesures prises. Nous voulons ainsi mesurer l'effet de levier des CPER sur l'action publique. Cette obligation d'évaluation est inscrite dans tous les CPER.

Peut-on identifier des territoires qui « décrochent » ? À nos yeux, aucun n'est censé décrocher. Cela veut dire qu'il faut adapter les dispositifs. Nous avons beaucoup travaillé, en nous appuyant sur les études du professeur Laurent Davezies, pour circonscrire les zones des métropoles où la population n'a pas accès aux smart cities. Dans cette perspective, ce n'est pas tant l'accessibilité théorique que l'accès effectif qui a retenu notre attention. Un des signaux d'alerte est l'absence d'égalité des chances entre jeunes diplômés, selon qu'ils viennent ou non d'un quartier prioritaire. Ce n'est pas admissible.

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N'est-on pas passé d'un modèle dans lequel les grandes villes irriguaient les territoires à un modèle favorisant – au contraire – un phénomène de drainage de la part des métropoles ?

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

Rien ne serait pire qu'une aspiration de l'ensemble des forces d'un territoire par une métropole. Nous étudions les pistes susceptibles de contrer ce mouvement et de favoriser une meilleure articulation, par exemple en mettant en place des réseaux et en développant les contrats de réciprocité. J'observe qu'il n'est pas deux territoires qui se comportent de manière identique. Nantes est différente de Marseille, qui n'est pas semblable à Bordeaux. À Marseille, du fait d'une segmentation spécifique des zones selon le revenu médian, la ville se trouve, par exemple, comme coupée en deux. Aussi faut-il adapter nos dispositifs. Il en va de même dans les territoires ruraux où certains d'entre vous sont élus.

Le CGET travaille main dans la main avec les services territoriaux de l'État pour lutter contre ce phénomène, et il a parfois de bonnes surprises. L'industrie est certes en recul dans notre pays, perdant des emplois, ne représentant que de 11 % à 12 % de la valeur ajoutée, contre 16 % en Italie et 22 % en Allemagne. Pourtant, on trouve dans nos régions –par exemple à Angers, à Cholet ou en Vendée – des pépites, de nouveaux modes industriels très intéressants, même s'ils ne pourvoient pas encore des milliers d'emplois. Cela montre que tous les territoires ont une chance. Aucun n'est abandonné par la République.

S'agissant des maisons de santé, il y des territoires, comme le Morbihan, où la médecine ambulatoire en crée naturellement d'elle-même, sans avoir nécessairement besoin de soutien. Dans d'autres régions, ce n'est pas possible, et la contractualisation avec les jeunes internes – mesure en soi peu coûteuse décidée par le CIR – devrait permettre de les mettre en face de leurs responsabilités. Là où les SAMU sont trop éloignés et les besoins patents, les médecins généralistes peuvent aussi être formés par des médecins urgentistes pour y répondre. Ainsi, tandis que l'offre privée s'organise d'elle-même dans certains territoires, l'intervention publique est nécessaire dans d'autres, notamment pour y préserver le lien social.

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Je suis élu du Cantal, département rural dont le chef-lieu Aurillac se trouve éloigné des métropoles, à mi-chemin entre deux d'entre elles. Aussi ne bénéficions-nous pas de leur développement. Vous dites qu'il n'y a pas de territoire en décrochage. Je soutiendrai, pour ma part, que certains sont soumis à une double peine : la baisse des dotations les empêche de bien exercer leurs compétences, tandis que le jeu traditionnel de l'offre et de la demande ne permet pas d'y offrir des services au public que les collectivités se retrouvent ainsi en devoir d'organiser. Le CGET pourrait prendre comme objet d'étude l'évaluation de ces dépenses supplémentaires dues à la carence de l'offre privée.

Au cours du CIR du 14 septembre dernier, il a été décidé que la moitié du fonds d'investissement serait affectée aux zones rurales, soit 500 millions d'euros. C'est une très bonne chose, mais il conviendrait de prévoir en sus un soutien aux communes ou aux petits établissements publics intercommunaux (EPCI) pour monter des projets, notamment en mobilisant l'ingénierie de l'État.

Le CGET a produit un rapport sur l'intercommunalité assorti de propositions allant assez loin, notamment le passage à l'intercommunalité comme cellule de base de l'organisation territoriale et l'élection au suffrage universel de ses instances. Au cours du débat sur la loi NOTRe, notre collègue Marc Dolez l'a brandie comme l'épouvantail suprême. Je pense que c'est pourtant la direction qu'il faut prendre. La mise en oeuvre partielle ou totale de ces propositions n'atténuerait-elle pas quelque peu les effets de la baisse des dotations ?

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Le creusement des inégalités territoriales a déjà été évoqué au cours de l'audition précédente. Les documents que vous nous avez présentés en témoignent. Pourquoi y assiste-t-on ? Vous remontez jusqu'à 2008 pour en trouver les facteurs, d'autres remontent plus loin encore. Comment peut-on agir contre ce creusement ?

De quels leviers les collectivités disposent-elles pour réduire des inégalités ? Vous avez évoqué la contractualisation, qui a fait ses preuves dans d'autres domaines et pour d'autres collectivités. Y a-t-il, aux yeux du CGET, un échelon prioritaire d'intervention de l'État pour réduire les inégalités ?

Vous avez également cité la mutualisation des moyens, le soutien de l'ingénierie de l'État ou encore la création de maisons de santé. Ces dernières constituent, en effet, un équipement indispensable pour nos territoires. Il est aussi des régions qui incitent les jeunes médecins, par des bourses, à s'installer dans des zones rurales.

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

Le fameux rapport sur les EPCI faisait suite à une commande ministérielle : il n'est pas anormal qu'un service de l'État fasse ce que l'autorité politique lui demande. Nous y avons posé des questions, mais nous réfléchissons aussi à des pistes relatives à l'intégration ou à des formes de péréquation. Le CGET n'entend pas d'opposer un type de collectivité à un autre. Pour autant, selon nous, la raréfaction des ressources publiques doit conduire à trouver tous les moyens de mutualiser et à mettre en place une péréquation là où c'est nécessaire. Par exemple, les charges de centralité sont parfois le simple résultat d'une intégration insuffisante des intercommunalités ; en ce cas, l'État a d'autres rôles à jouer que de compenser cette « atténuation » de la péréquation. L'intercommunalité nous semble être le bon niveau pour régler une partie des facteurs d'ingénierie, même s'il y a une incertitude sur la capacité des petites intercommunalités à gérer les gros problèmes en la matière. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que les petites communes n'y arrivent pas et que la mutualisation constitue ainsi une réponse.

Le dispositif AIDER permet également de mettre l'ingénierie de l'administration centrale à la disposition de collectivités pour leur permettre de faire éclore leurs projets. Il a encore un caractère expérimental et nous espérons qu'il sera étendu. Il n'en demeure pas moins que l'État ne pourra pas tout. Supportant les dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité, les départements peu peuplés doivent, certes, faire des choix. D'une manière générale, le CGET reste cependant persuadé que l'ingénierie doit rester proche des échelons où sont développés les projets.

Quant à nos analyses, les documents que je vous ai distribués n'en livrent qu'un petit aperçu. Je souligne que la démographie est vivante dans tous les territoires, y compris en zone rurale. Il est peu de zones où le solde démographique est négatif, même s'il est mécaniquement plus élevé là où se concentre la population jeune.

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Il y a tout de même dix départements en décroissance.

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

Il faudrait remettre leur situation en perspective sur des séries longues. Lorsque nous concevons des dispositifs, nous refusons en tout état de cause de considérer que certaines zones seraient en décrochage et que ces dispositifs y seraient inopérants.

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Puisque ces zones existent, ne faut-il pourtant pas prévoir de traitement particulier pour elles ?

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

Certes, nous nous efforçons constamment de cibler nos efforts sur les territoires qui en ont le plus besoin. Dans les territoires ruraux, nous savons qu'une série de mesures sont nécessaires dans les zones les plus en difficulté – le CIR du 14 septembre dernier en a témoigné – même si ce ne sont pas forcément des mesures « majeures ». S'agissant des investissements, ce n'est pas rien que le milliard d'euros supplémentaire annoncé par le Président de la République, concourant à un accroissement de la DETR. S'il est ciblé, cet apport financier pourra produire un effet de levier.

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Certains territoires n'ont cependant pas de capacité de financement. Pour ceux-là, ne conviendrait-il pas de relever le taux de subvention pour des équipements comme les crèches, en le faisant passer ponctuellement de 30 % à 50 %, voire 60 % ?

Il appartient aussi aux élus locaux de faire preuve d'imagination. Si le manque de médecins est patent, l'hôpital local doit se faire un devoir d'accueillir régulièrement les jeunes qui étudient en deuxième année de médecine sur son territoire. N'étant pas toujours issus de milieux favorisés, ils sauront qu'ils peuvent jouir d'une reconnaissance qui aura tout de même une autre allure dans leur région d'origine que dans l'anonymat des grands centres. Nous devons mettre nos jeunes à l'honneur.

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

Madame Marcel, le CGET a produit un document sur les inégalités. Il est disponible sur notre site, car nous nous efforçons de diffuser nos réflexions. Je répète cependant que deux territoires peuvent ne pas se comporter de la même façon. Nous n'avons d'ailleurs pas pour seul but de proposer des analyses ; sur cette base, nous proposons également des actions. Nous avons ainsi mis en évidence que, sur les territoires à faible densité, il y a un potentiel d'innovation important. Je tenais à le réaffirmer.

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Monsieur le directeur, dans votre exposé, vous avez surtout fait référence à des données de 2011, tout en proposant un spectre de réflexion qui ne recoupe pas tout à fait le champ d'investigation de notre commission. Certains des éléments que vous présentez dépendent de la mise en oeuvre de politiques de territoire, tandis que d'autres dépendent de politiques nationales. Quelle que soit sa couleur politique, chacun s'efforce de corriger les inégalités.

Dans ma circonscription, une augmentation de 900 000 euros de la DETR a conduit à de nouvelles attributions à soixante des 97 communes. Même si elles se heurtent à des difficultés, elles savent aussi faire preuve de réactivité pour déposer des dossiers.

Pour la période de 2011 à 2015, disposez-vous d'éléments qui laissent présager une aggravation de la situation observée ou, au contraire, une inversion de la tendance ? Prenons l'exemple des médecins. La question de leur maintien ou de leur installation se pose partout. Pourtant, la création de maisons des professions médicales ne constitue pas, à mes yeux, la seule réponse au déficit en médecins. C'est l'attractivité des territoires qui est en cause. De ma circonscription, j'observe que les étudiants préfèrent Nancy à Longwy… Sans doute faudra-t-il réfléchir à des mesures coercitives, même si la liberté d'installation des médecins pose de ce point de vue un problème épineux. Mesurez-vous donc, en ce domaine, des évolutions positives ou un creusement accru des inégalités territoriales ?

Vous nous dites avoir participé à l'élaboration des CPER. Au-delà de l'aspect strictement quantitatif des 26 à 27 milliards d'euros qu'ils représentent, le volet territorial, dans sa nouvelle version revisitée, permettra-t-il à de plus nombreux projets d'éclore ? Les choix sont-ils difficiles entre les projets présentés ? Une dynamique est-elle à l'oeuvre ?

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Je voudrais d'abord vous fait part d'une réflexion personnelle. Selon nos engagements politiques ou les partis auxquels où nous appartenons, nos analyses peuvent varier. Vous faites valoir la mirifique augmentation de la DETR. Certes, elle est notable, mais les transferts globaux de l'État aux collectivités, quant à eux, baissent sérieusement. À cet asséchement global ne répondent que des prises de position ou, pour tout dire, des postures politiques, d'ailleurs non dénuées de talent, parfois, j'en conviens.

En matière de territoires, la question des métropoles est primordiale. Je ne crois pas que l'évolution du périmètre des régions change quoi que ce soit, car leurs compétences ne changent pas. Mais il n'en va pas de même pour les métropoles, qui constituent un élément structurant pour l'avenir de la France. Notre pays ne compte, en effet, qu'une ville de dimension mondiale, à savoir Paris. Les villes qui viennent à sa suite ne sont que de petites agglomérations à l'échelle de l'Europe : Lyon semble de taille bien modeste si on la compare à Munich ou à Milan. Les métropoles françaises n'ont donc pas la dimension européenne ; c'est une spécificité de notre pays.

Pourtant, rien n'est prévu pour favoriser les synergies entre elles-mêmes et leur périphérie. L'organisation administrative actuelle les en coupe plutôt, alors même qu'elles en auraient besoin pour atteindre une dimension européenne. Car il est nécessaire qu'elles s'appuient sur des territoires plus vastes. Dans l'ensemble des réformes territoriales récentes, voilà, je pense, le défaut le plus important.

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Cette remarque est très juste. L'effort demandé aux collectivités est important. Au vu de certaines déclarations, il est cependant loisible d'imaginer qu'il eût pu être plus grand encore, si d'autres partis politiques en avaient décidé.

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

Tous les chiffres dont nous disposons sont, en effet, de 2011 ou sont plus anciens. Le CGET se contente de traiter les données, mais ne les produit pas. Or l'INSEE préfère une consolidation complète avant toute transmission.

Observe-t-on une aggravation ou une évolution plus positive des inégalités ? En réalité, deux logiques sont à l'oeuvre. L'une s'attache au fait urbain, qui se développe partout. Les grands centres urbains portent la croissance, en particulier grâce à leurs centres universitaires. Mais il y a aussi dans ces agglomérations une hausse des bénéficiaires du RSA, car les marches, marges ou franges des aires métropolitaines les plus prospères peuvent abriter des poches de pauvreté. Cela témoigne d'une double capacité d'attraction et de répulsion. Du moins la loi sur les métropoles multiplie-t-elle déjà, monsieur le député, les possibilités d'interaction avec la périphérie.

Certes, dans beaucoup de pays européens, les grandes villes sont plus peuplées que les villes françaises. C'est le cas en Italie comme en Allemagne. Mais cela ne signifie pas qu'elles soient plus innovantes. La France compte des métropoles de 400 000 ou 500 000 habitants, telles Strasbourg, Montpellier, Nantes ou Bordeaux, où la French Tech s'affirme pleinement. La ville de Nantes est même souvent consultée – comme le fut autrefois et l'est encore aujourd'hui Fribourg – pour la qualité de son projet urbain. L'innovation territoriale n'est donc pas liée au nombre d'habitants ou à la taille, certaines zones extrêmement actives le montrent. De plus, la loi organise une dynamique de regroupement et de contractualisation. L'État propose des contrats de réciprocité qui mettent l'accent sur l'accord des centres avec leur périphérie, car une aire urbaine ne peut vivre sans son hinterland.

Quant aux CPER, je voudrais souligner que les volumes financiers annoncés vont susciter eux-mêmes près de un milliard d'euros de financement à l'échelle intra régionale. On voit que l'effet de levier fonctionne. J'ajoute que nous envisageons dans nos analyses tant la taille que la nature des investissements. Par le passé, tous n'ont peut-être pas renforcé l'attractivité des territoires. Si nous manquons encore d'instrument d'évaluation des politiques publiques, le Gouvernement nous a cependant demandé de procéder à des vérifications.

Un creusement des inégalités de revenus est, en effet, à déplorer, du fait de la hausse des plus élevés d'entre eux, notamment dans les régions frontalières. Ce sont non moins de 70 000 travailleurs frontaliers qui prennent, par exemple, chaque jour la direction du Luxembourg, car c'est de l'autre côté que se trouve la richesse. Cela se répercute aussi sur la richesse foncière. Chaque territoire doit cependant être examiné à part.

Le flux de RSA ne s'est pas tari. Toutefois, les métropoles présentent l'intérêt d'intégrer l'ensemble des faits sociaux et sociétaux présents sur leur aire géographique. Il ne faudrait pas que les problèmes sociaux ne soient pris en charge que par la périphérie, qu'elle soit lointaine ou proche, à parfois moins de vingt kilomètres du centre. Ce serait accepter la confrontation d'un monde de prospérité avec une altérité précaire. Nous devons travailler à l'éviter.

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Je voulais revenir sur les inégalités au sein d'un même territoire, soit entre une métropole et sa périphérie, soit, en zone rurale, entre les villes moyennes et leurs environs. Comme député du Bas-Rhin, je constate que cette relation entre centre et périphérie est très différente en Allemagne. L'installation des jeunes médecins en est un exemple. Les mesures coercitives ne sont pas toujours les bonnes. Pour mieux ancrer les jeunes médecins dans les territoires, il appartient à la métropole de plutôt les responsabiliser. S'il doit s'appliquer, le système de la carotte et du bâton doit concerner autant les individus que les structures.

L'accessibilité et la mobilité constituent un autre aspect des relations entre centre et périphérie au sein d'un territoire. Pour ne citer qu'un exemple, je dirais que le contournement d'une grande ville n'est pas forcément vu d'un bon oeil par tous les habitants de l'agglomération.

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Vous appuyez-vous sur les actions pilotes menées dans certaines régions ? Depuis six ans, le département du Lot-et-Garonne, où je suis élue, en a conduit une remarquable dans le domaine de la géographie médicale. Le département soutient les jeunes étudiants en médecine, tandis que l'Agence régionale de santé définit où encourager l'implantation de maisons de santé.

S'agissant des maisons de services au public, ma commune s'est positionnée très tôt et nous serons les premiers ou les deuxièmes à en installer une en partenariat avec La Poste. Notre participation devrait être ainsi quasi nulle, s'il n'y avait un bémol. Nous devons être, en effet, pleinement entendus tant par La Poste que par l'État. Ce dernier nous apporte son financement, mais La Poste demande une participation au prorata des autres services qui seront présents sur son implantation. Je souhaiterais, pour ma part, une bonne logique collaborative.

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Je vous remercie de nous avoir distribué les cartes que nous avons sous les yeux. Au-delà de ce type de diffusion, vos données ouvertes constituent un vrai progrès. N'opposons pas les territoires : qu'ils soient ruraux ou urbains, vous l'avez montré, les inégalités sont partout, à l'intérieur même des territoires.

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Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires, CGET

Les expérimentations menées dans les territoires sont suivies par ma direction, qui s'occupe à faire ressortir ce qu'il se passe de mieux. Dans l'Orne, par exemple, un dispositif de soutien à la médecine ambulatoire a vu le jour. Mais je pourrais citer de nombreux autres territoires dans d'autres domaines, tels le Morbihan ou, en effet, le Lot-et-Garonne.

Comme service rattaché au Premier ministre, nous pouvons ainsi proposer des dispositifs innovants au niveau national, non en inventant de toutes pièces, mais en reprenant des dispositifs qui ont fait la preuve qu'ils sont opérationnels. Voilà ce que nous demandent le Premier ministre et le Président de la République, ce qui nous impose de raisonner dans un temps court. Notre carte des maisons de services au public vous montre combien nous avons déjà progressé dans l'implantation de telles maisons.

Quant à l'implantation de médecins, personne ne croit, je pense, à l'injonction. Des contrats d'engagement au service public ont déjà été signés avec des internes : non moins de 1 200 à ce jour, mais ils devraient être 1 500 de plus en 2017. La mobilisation passera évidemment par ce type de dispositifs. Là encore, il me semble que nous progressons.

À la demande du Premier ministre et des ministres chargés du secteur, les études que nous menons aujourd'hui portent sur les zones périurbaines. Ce faisant, nous nous efforçons de dépasser le découpage des limites administratives. Le CGET coordonne, par ailleurs, les dispositifs relatifs aux bourgs-centres et s'intéresse, en partenariat avec Villes de France, aux villes moyennes qui, par la réussite de leurs expérimentations, sont pour nous des sources d'inspiration.

Même s'il est un service de l'État, le CGET demeure le partenaire naturel des collectivités territoriales. Il nous appartient donc d'en faire remonter les bonnes pratiques.

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S'agissant des maisons de santé et de l'accueil des jeunes étudiants en médecine, je crois, en effet, que la séduction est beaucoup plus efficace que la coercition. On ne sait pas tout, à dix-huit ans, de ce qui se passe sur son propre territoire. L'accompagnement et l'information peuvent marcher.

L'audition s'achève à dix-huit heures cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Réunion du mercredi 16 septembre 2015 à 16 heures 30.

Présents. – M. Éric Alauzet, M. Olivier Audibert Troin, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Calmette, M. Alain Fauré, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Régine Povéda, M. Nicolas Sansu.

Excusés. – M. François de Mazières M. Martial Saddier.