Audition de M. Jérôme Bonnafont, directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères et du développement international et de Mme Hélène Duchêne, directrice des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement, au ministère des Affaires étrangères et du développement international.
La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Je remercie M. Jérôme Bonnafont, directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient et Mme Hélène Duchêne, directrice des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement, qui ont accepté de se libérer pour venir compléter les informations que nous ont données, lors de leurs auditions d'hier et de ce matin, le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense.
Madame Duchêne, nous aimerions en particulier connaître votre analyse sur la stratégie de Daech et ses moyens. Nous nous interrogeons notamment depuis longtemps sur les sources de financement de cette organisation, qui a pu bénéficier d'apport de fonds de la part de certaines personnes privées, quataries ou saoudiennes. Nous savons que Daech a également d'autres sources de financement, puisqu'elle contrôle un vaste territoire dont elle exploite les ressources. Elle dispose aussi des capitaux prélevés sur les banques irakiennes, lève des impôts et développe des activités de contrebande – entre autres sur le pétrole – pour organiser un marché noir qui implique les pays voisins, notamment, semble-t-il, la Turquie. D'après vos informations, se pourrait-il que, quoiqu'en disent nos services, des intérêts européens, voire français, soient impliqués dans ces trafics ? Quels sont les outils qu'il faudrait mettre en place pour assécher ces sources de financement ?
M. Bonnafont, nous aimerions vous entendre sur les résultats de la réunion de Vienne. Comment voyez-vous l'évolution des grands acteurs réunis autour de la table, la Russie et l'Iran notamment ? Le ministre nous a confirmé que la coopération militaire avec les États-Unis était désormais beaucoup plus active ; qu'en est-il au plan politique ?
Sans doute pourriez-vous nous dire également un mot de la situation en Lybie.
Enfin, une résolution est en préparation au conseil de sécurité de l'ONU. Ce que vous pourrez nous en dire sera très intéressant.
Je voudrais, au nom du groupe Les Républicains, émettre une protestation de principe sur l'organisation de nos travaux et sur l'audition du ministre des affaires étrangères qui s'est tenue hier au Sénat. Nous considérons qu'il est anormal, compte tenu de la situation et des événements en cours, compte tenu également du changement de stratégie de la France à l'égard de la Syrie, que cette audition n'ait pas eu lieu à l'Assemblée nationale, qui a la préséance sur le Sénat.
Elle n'aurait d'ailleurs pas dû se dérouler pendant que se réunissait le bureau politique du principal parti d'opposition !
Je souscris sans réserve aux propos d'Axel Poniatowski. Je considère que ce qui s'est passé hier a méconnu le rôle de l'Assemblée nationale et de notre commission dans les institutions de la République. J'en ignore la cause, mais je souhaite que cela ne se renouvelle pas. (Approbation sur les bancs des commissaires de la majorité.)
Je dois à l'ensemble des membres de la Commission une explication sur les raisons qui m'ont conduite – car c'est de ma responsabilité – à accepter que cette audition se tienne au Sénat. À la suite des événements qui se sont produits à Paris, j'ai immédiatement demandé à Laurent Fabius d'être auditionné par notre commission, à l'Assemblée nationale. Il se trouve qu'il était dans l'impossibilité de venir ce matin et que, de longue date, son audition par la commission des affaires étrangères du Sénat était prévue hier après-midi. Il a donc été proposé que nous nous joignions aux sénateurs. Il m'a semblé, compte tenu de l'accélération des événements, qu'il était préférable que nous entendions le ministre au plus vite, après les sommets de Vienne et d'Antalya. Je considère, comme vous, que l'avoir entendu au Sénat n'était pas l'idéal, mais je ne regrette cependant pas d'avoir fait ce choix, car cette audition était extrêmement intéressante. J'ai d'ailleurs fait part de mes réserves à Jean-Pierre Raffarin, qui s'est déclaré tout à fait disposé à se déplacer ici, avec sa commission, lors d'une prochaine réunion conjointe, si la situation l'exigeait. J'ajouterai qu'au lendemain de la réunion du Congrès à Versailles et dans les circonstances actuelles, cette audition conjointe ne m'a pas paru incongrue.
Le 13 novembre dernier, la France a été la cible de Daech dans des conditions horribles sur lesquelles je ne reviendrai pas. Depuis des années, nous voyons cette menace grandir, et nous avons, avec nos partenaires internationaux, mis en place une stratégie visant à stopper l'expansion de Daech, à réduire son influence et à empêcher cette organisation de nuire.
Ce qui s'est passé vendredi témoigne d'une inflexion dans la stratégie de Daech, inflexion qui s'explique aisément par le fait que, dès lors que l'organisation se sent menacée dans son réduit et sur le terrain par l'intensité des frappes, elle s'attache à frapper moins nos valeurs que ce que nous sommes. Alors que le 7 janvier dernier, elle frappait la liberté de la presse, des magasins juifs, des cibles incriminées spécifiquement par Daech. Vendredi, elle a frappé avec une violence volontairement aveugle.
En m'efforçant d'être synthétique, je dirai que Daech tient à la fois du projet étatique totalitaire – d'où le nom d'État islamique qu'elle s'est donné –, de la secte millénariste et de l'organisation militaire sophistiquée. L'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) est apparu lors de la proclamation d'Abou Bakr al-Baghdadi, le 8 avril 2013, mais ses fondements sont beaucoup plus anciens. Ils sont à rechercher dans l'histoire du salafisme et du djihadisme au Levant, laquelle a connu une accélération avec l'invasion de l'Irak en 2003 et la formation d'Al-Qaïda en Irak, puis de l'État islamique d'Irak ; enfin, lors de la guerre civile en Syrie, où l'État islamique s'est implanté à partir de l'automne 2011.
Le régime de Bachar el-Assad a largement facilité et encouragé le développement de Daech, d'abord en entretenant la désespérance des populations sunnites, puis en libérant des prisonniers radicaux, notamment en 2011 de la prison de Sednaya, dans le but de décrédibiliser l'opposition modérée.
L'État islamique d'Irak, qui était encore une émanation d'Al-Quaïda avant de faire scission en 2013 et de devenir l'EIIL était, à l'origine, porteur d'un projet djihadiste transnational, constitutif d'une menace pour les pays de la région.
La prise de Mossoul a constitué dans l'expansion de Daech une étape déterminante, en lui donnant beaucoup plus de moyens. Il faut par ailleurs souligner que son corpus conceptuel étant assez fruste et ne constituant nullement une doctrine sophistiquée, sa diffusion en est facilitée, ce qui lui permet de faire facilement des émules.
Si le projet de Daech constitue d'abord une menace pour la stabilité du Levant, puis, plus largement, pour l'ensemble du monde musulman, l'État islamique a néanmoins, à l'instar d'Al-Quaïda, identifié l'Occident comme son ennemi lointain, ce qui, ajouté à la simplicité du dogme qu'il défend, contribuant au recrutement dans les pays étrangers, de nombreux combattants qui deviendront des prosélytes.
Autour de ce pôle central au Levant se sont constituées des franchises se réclamant de Daech, comme Boko Haram, certains groupes libyens, la wilaya du Caucase, Jund al-Khalifa en Algérie, Khorassan au Yémen, mais nous n'avons pas la preuve qu'il existe entre Daech et ces franchises des flux financiers ou des convergences doctrinales. Ce dont nous sommes certains en revanche, c'est de l'existence d'un réseau transnational par lequel s'effectue la communication entre le centre et les périphéries et par lequel transitent les orientations politiques, le financement, les armes, le recrutement, et enfin les instructions pouvant déboucher sur des attentats. On estime cependant assez faible le contrôle exercé par Daech sur les provinces via ce réseau.
Vous vous interrogez sur les moyens de répondre à Daech. La première réponse est politique et passe par le règlement des crises, dont Daech se nourrit ; la seconde réponse est militaire – le ministre de la défense vous l'aura détaillée ce matin ; la troisième réponse enfin est économique : il faut priver Daech de ses financements.
Concernant ces derniers, on estime que, fin 2014, Daech disposait de 2,9 milliards de dollars, somme dont aucun groupe terroriste n'avait jusqu'alors disposé. Cet argent provient de sources multiples et, en premier lieu, des ressources naturelles des zones que Daech contrôle, au premier rang desquelles les hydrocarbures. On estime que cela pourrait représenter entre 35 et 50 millions de dollars par mois, la production de pétrole en Syrie s'élevant environ à quarante-six mille barils par jour, à quoi il faut aussi ajouter le produit des régions agricoles – blé en Irak et coton en Syrie. Daech a d'autre part fait main basse sur les réserves financières des administrations dans les territoires tombés sous son contrôle, et l'on estime à 430 millions de dollars le montant récupéré lors du pillage de la succursale de la Banque centrale iranienne à Mossoul, en juin 2014. L'organisation a également mis en place un système d'extorsion généralisée dans tous les territoires placés sous son contrôle dont les habitants sont soumis à des taxes de toutes sortes. À ces sources de financement s'ajoutent enfin le recel et le trafic d'antiquités et de biens culturels, ainsi que des dons en provenance de l'étranger, qu'il s'agisse de dons directs ou de détournements de l'aide humanitaire.
La coalition internationale à laquelle participe la France a fait du tarissement des sources de financement de Daech l'un de ses principaux objectifs. Depuis un an, les frappes de la coalition ont ainsi permis de détruire un nombre important de raffineries mobiles ainsi que des points de chargement de pétrole, principalement en Syrie, ce qui réduit évidemment les capacités de raffinage de Daech, même s'il faut admettre que l'organisation a fait la preuve de sa capacité à réparer les sites endommagés.
Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est également mobilisé contre le financement de Daech en adoptant, le 12 février 2015, la résolution 2199 qui appelle à lutter contre les trafics de pétrole et de bien culturels. Au total, 622 individus et 398 entités ou groupes figurent sur la liste des sanctions des Nations unies contre les individus, groupes, entreprises et entités associées à Al-Qaïda au titre de la résolution 1267. Cette résolution fait notamment obligation aux États membres de geler les avoirs des individus ou groupes sanctionnés.
Le Groupe d'action financière (GAFI), créé par le G7, est également impliqué dans cette lutte et a beaucoup inspiré les travaux du sommet du G20 qui vient de se tenir à Antalya. Il assiste notamment les pays dont les législations sont défaillantes et peut appeler les institutions financières à mettre en place des contre-mesures à l'égard des États ou des institutions non coopératifs.
Un dialogue s'est enfin noué avec les pays du Golfe, lesquels ont, d'une façon générale, fait de la lutte contre le financement du terrorisme une priorité. Dans le cadre de la coalition internationale, ils prennent une part active au groupe de travail sur la lutte contre le financement de Daech, d'ailleurs coprésidé par l'Arabie saoudite. Bahreïn a, pour sa part, organisé, le 9 novembre 2014 à Manama, une réunion ministérielle sur la lutte contre le financement du terrorisme. Ces pays ont réaffirmé à plusieurs reprises leur détermination à mettre en oeuvre les résolutions du Conseil de sécurité ; ils coopèrent avec les organisations internationales et frappent à nos côtés en Syrie et en Irak.
Je rappelle par ailleurs que la France s'est dotée d'un dispositif permettant de bloquer les avoirs des individus qui commettent ou tentent de commette des actes terroristes ainsi que ceux des personnes qui les financent. Le ministère des finances a mis en ligne sur son site un ensemble de recommandations incitant les acteurs économiques et financiers français à prendre des mesures de vigilance à l'égard des établissements financiers syriens et irakiens, de certaines transactions – notamment le commerce de pétrole ou de biens culturels et archéologiques – et de tout concours financier en direction d'individus susceptibles de porter assistance à Daech. C'est dans cette optique que les transactions en liquide sont aujourd'hui limitées à mille euros.
En ce qui concerne le trafic de biens culturels, la France est particulièrement mobilisée. Les douanes ont mis en place une procédure de surveillance renforcée des importations de biens culturels en provenance de la zone. De son côté, le ministère de la justice travaille à une incrimination pénale, qui viserait à sanctionner la participation intentionnelle à un trafic de biens culturels ; enfin, le Président de la République a annoncé hier devant l'Unesco que la France introduirait un contrôle douanier sur l'importation de ces biens et qu'allaient être créés sur notre territoire des refuges pour accueillir les biens culturels en danger.
Selon le rapport remis par Jean-Luc Martinez au Président de la République sur la protection du patrimoine de l'Humanité, la lutte contre le trafic des biens culturels passe avant tout par la lutte contre le recel, ce qui implique que ces biens soient clairement identifiés. En 2003, lors de l'invasion de l'Irak par les États-Unis et de la seconde guerre du Golfe, tous les musées européens ont, à l'initiative du British Museum, publié la liste des oeuvres d'art qu'abritait le musée de Bagdad. De la même manière, le musée du Louvre a pris aujourd'hui l'initiative de publier une liste de toutes les pièces répertoriées dans les musées et sur les sites syriens. Nous pouvons, en la matière, nous prévaloir de réelles compétences et d'une longue expérience du terrain : nous avions, avant la guerre, dix-huit missions archéologiques financées par le Quai d'Orsay, qui oeuvraient en Syrie, ancien mandat français, et constituaient un réseau vivace disposant d'une documentation solide.
Aussi importante soit-elle, la lutte contre le financement de Daech n'est pas tout. Lutter contre Daech, c'est aussi lutter contre le recrutement par l'organisation de combattants étrangers, qui constituent une réserve de forces sur le terrain mais surtout des relais d'action sur notre territoire. Le nombre d'individus impliqués aujourd'hui dans les réseaux djihadistes a atteint une ampleur inégalée, et l'on estime à 171 le nombre de Français ou résidents français combattant en Syrie, à 246 le nombre de nos ressortissants rentrés en France après un séjour sur zone, tandis que 141 sont présumés morts ; 258 Français ou résidents français seraient en transit et 702 auraient manifesté des velléités de départ. Ce sont des chiffres élevés, d'autant plus inquiétants qu'ils sont en constante augmentation. Par ailleurs, la radicalisation touche aujourd'hui de plus en plus de femmes et de mineurs : on estime respectivement à 199 et à 16 le nombre d'entre eux actuellement en Syrie. Quant au nombre de convertis recrutés, il ne cesse également de progresser et représenterait désormais un quart des effectifs.
Pour lutter contre ces nouveaux visages de la menace terroriste, la France a renforcé son arsenal législatif. La loi du 13 novembre 2014 crée une procédure d'interdiction de sortie du territoire et une nouvelle incrimination d'entreprise individuelle terroriste. Elle permet également le blocage des sites internet. La loi sur le renseignement accroît pour sa part à la fois les moyens et les pouvoirs des services de renseignement.
Quant à la justice, elle est également fortement mobilisée : 232 personnes sont mises en examen et 11 ont été condamnées. Enfin, le Gouvernement s'attache à contrer la propagande terroriste, en particulier sur internet. Il a mis en place le site Stop Djihadisme et a obtenu la collaboration des acteurs de l'internet, pour que soient notamment retirés de Facebook les contenus illicites. La réponse sécuritaire ne peut en effet en aucun cas constituer une réponse satisfaisante si elle n'est accompagnée d'un volet préventif permettant d'empêcher la radicalisation. Cela passe par des actions au sein des écoles, dans les quartiers et auprès des familles, actions qui doivent s'appuyer sur un réseau associatif qui a ici tout son rôle à jouer pour prévenir la radicalisation. C'est l'esprit du plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes adopté en avril 2014, qui crée notamment un numéro vert à l'intention des familles.
Le ministre des affaires étrangères vous a déjà largement rendu compte de la conférence de Vienne, deuxième réunion d'un groupe de pays qui, jusqu'alors, ne se parlaient pas dans ce type de format. Ce groupe réunit entre autres, autour des membres du P5 (membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies), des pays arabes et l'Iran. La présence de ce dernier constitue un tournant d'importance car ce protagoniste majeur en Syrie qui était, jusqu'à l'intervention russe, l'allié principal de Bachar el-Assad, n'avait pas été convié au processus de Genève, dont il estimait de ce fait ne pas être partie prenante.
À l'issue de la première réunion, il avait été décidé de constituer trois groupes de travail, le premier travaillant sur les terroristes, le deuxième sur l'opposition et le troisième, à la demande de la France, sur les questions humanitaires. Après avoir, dans un premier temps, laissé entendre qu'ils participeraient à ces groupes de travail, les Russes les ont désertés pour des raisons qu'ils n'ont pas expliquées, ce qui a entraîné dans la foulée le retrait des Iraniens. En conséquence, les échanges s'y sont déroulés entre pays partageant grosso modo les mêmes orientations mais ils n'ont pu servir de base de travail commune à la conférence de Vienne qui s'est tenue le 14 novembre, au lendemain des attentats de Paris. Celle-ci a cependant été l'occasion pour les participants de témoigner de leur solidarité unanime avec la France, particulièrement active dans le processus puisque, en amont de la séance plénière, Laurent Fabius a présidé une réunion de coordination rassemblant les Américains, les Britanniques, les Allemands, les Turcs, les Émirats, l'Arabie saoudite, le Qatar et la Jordanie, afin de faire le point premièrement sur la question de la transition politique et de son lien avec un cessez-le feu, deuxièmement sur la question de la constitution d'une opposition unie capable de mener avec le gouvernement syrien les discussions sur cette transition politique, et troisièmement sur la question des listes terroristes.
Les positions des différentes parties, habituées à négocier de concert depuis longtemps, ont convergé d'une part sur le fait que le travail sur les groupes terroristes devait s'effectuer sous l'égide du Conseil de sécurité des Nations unies, d'autre part sur le fait qu'il était nécessaire de rassembler l'opposition de l'extérieur, l'opposition de l'intérieur et les groupes armés non terroristes, et enfin sur le fait qu'aucun processus de transition politique ne pourrait être crédible si la question des pouvoirs de l'autorité de transition n'était pas réglée d'une façon garantissant à l'opposition que les exactions du régime cesseraient, cela signifiant qu'un cessez-le-feu général ne pourrait être envisagé avant que les mécanismes de la transition politique aient été agréés.
Lors de la réunion plénière qui a suivi, les Américains ont présenté un projet de communiqué qui visait à engager un travail politique concret sur l'ensemble de ces aspects et qui a été approuvé de manière assez unanime par les participants à la réunion qu'avait présidée Laurent Fabius. La Russie, représentée par le ministre Lavrov, a, pour sa part, fait preuve d'un esprit assez constructif ; quant à l'Iran, son vice-ministre s'est d'abord montré relativement discret, avant que l'arrivée du ministre des affaires étrangères, M. Zarif, marque des positions beaucoup plus dures, en particulier sur la nécessité de maintenir au pouvoir Bachar el-Assad, comme seul représentant légitime de la Syrie.
Les discussions ont été longues et dures, mais elles ont permis d'aboutir à un certain nombre de résultats. Il a d'abord été décidé que la Jordanie élaborerait, en collaboration avec les services de renseignement des pays participants – à l'exception de l'Iran qui a tenu à ne pas participer –, une liste des entités terroristes. En effet, au-delà des cas de Daech et d'Al-Nosra, qui font l'objet d'un consensus entre les pays participants, il n'existe pas d'accord sur la qualification terroriste des différents groupes qui se combattent sur le terrain. Certains – c'est assurément le cas de l'Iran et, de manière plus nuancée, celui de la Russie – considèrent comme Bachar el-Assad que tout opposant ayant pris les armes contre le régime syrien est un terroriste ; d'autres font preuve de davantage de prudence et considèrent qu'il faut s'entendre dans le cadre qu'a défini l'ONU pour l'application des sanctions, sachant qu'élaborée par les pays du P5 et des représentants de la communauté internationale parmi les plus importants sur ce type de questions, la liste élaborée sous l'égide de la Jordanie aura toute les chances d'être agréée par le Conseil de sécurité.
Il a ensuite été décidé de fédérer les groupes d'opposition, mission qui a été confiée à l'Arabie saoudite, ce que ne précise pas le communiqué. Il faudra pour cela rassembler l'opposition extérieure et l'opposition armée de l'intérieur, et parvenir à réconcilier des groupes qui refusent de se parler, l'opposition reconnue par Damas étant jugée non légitime par celle qui ne l'est pas. La tâche est complexe, mais le royaume saoudien estime pouvoir y parvenir.
Enfin, et c'est le plus important, a été actée la mise en route, d'ici quatre à six mois, du processus politique devant aboutir à la mise en place de cette gouvernance de transition à laquelle se référait déjà le communiqué de Genève, afin de pouvoir, dans un délai de dix-huit mois, élaborer de nouvelles institutions et organiser des élections marquant pour la Syrie un nouveau départ.
Il va de soi que des ambiguïtés non négligeables demeurent dans cette feuille de route, d'abord sur le point de départ du calendrier envisagé, ensuite sur la nature de la gouvernance de transition. Sur ce dernier point, il n'existe pas de consensus entre ceux qui estiment, comme la France, que les pouvoirs de Bachar el-Assad et de son équipe doivent être transférés à un organe neutre, et ceux qui, comme l'Iran et la Russie, estiment que le régime en place doit conserver les pleins pouvoirs pendant la période de transition. Enfin, reste également à déterminer selon quelles modalités une nouvelle constitution et de nouvelles institutions seraient mises en place. Quoi qu'il en soit, le processus politique a bien été relancé, sachant que de ce processus doit découler un cessez-le-feu qui, pour être crédible, doit être général et sous contrôle de la communauté internationale. Il a été entendu que ce cessez-le-feu devait s'appliquer à l'ensemble des groupes armés du régime ou de l'opposition, pourvu qu'ils soient non terroristes. Il n'y aura donc pas de trêve face à Daech, à al-Nosra ou à tout autre groupe unanimement qualifié de terroriste.
Une autre réunion du groupe de Vienne se tiendra dans un mois environ pour suivre l'évolution du processus. Dans l'intervalle, les groupes de travail vont poursuivre leurs travaux, et Américains et Français vont préparer une résolution sur la Syrie, afin de conférer aux actions menées toute l'autorité de l'ONU, tout en renforçant la position de l'envoyé spécial du secrétaire général, M. Staffan de Mistura.
Que peut-on dire sur la position des uns et des autres ? En ce qui concerne d'abord les Russes, leur diplomatie vient incontestablement d'effectuer un tournant, accentué par le fait qu'ils ont finalement reconnu que leur avion abattu au-dessus de l'Égypte avait bien été l'objet d'un attentat perpétré par l'État islamique. Jusqu'à présent, les Russes ne frappaient quasiment pas Daech et appuyaient les forces d'Assad contre les autres groupes armés, la ligne de front entre le régime et Daech restant remarquablement stable. Alors que, selon le renseignement militaire disponible, 80 % de leurs frappes visaient des groupes que nous ne considérions nullement comme des groupes terroristes, les Russes, depuis quelques jours, ont lancé des attaques vigoureuses contre les positions de Daech, ce qui peut constituer un tournant majeur dans les opérations en Syrie.
Des interrogations demeurent en revanche sur la position de l'Iran, qui ne veut pas entendre parler de transition politique et refuse pour l'instant de s'impliquer concrètement dans les actions portées par le groupe de Vienne. On ignore quel est son degré d'entente avec la Russie et la façon dont elle envisage l'issue de la crise syrienne. Le président Rohani, qui devait venir en visite à Paris, a reporté sa venue. François Hollande s'est néanmoins entretenu avec lui par téléphone, car il est clair qu'on ne pourra, sur la Syrie, faire l'économie d'un dialogue avec l'Iran, comme sur le Liban d'ailleurs ou, plus généralement, sur les enjeux régionaux.
En ce qui concerne enfin l'opposition syrienne, Khaled Khoja, le président de la coalition nationale syrienne, qui était récemment à Paris, oeuvre dans deux directions. Il s'efforce d'une part de rassembler Kurdes, Druzes, Chrétiens, Alaouites et Sunnites, ce qui inclut, au sein de ces derniers, les Sunnites séculiers ou les proches des Frères musulmans, et a organisé, d'autre part, un système de liaisons plus efficace avec les groupes armés actifs sur le terrain, en particulier avec l'armée libre syrienne, afin de mieux articuler action politique et action militaire
À ce titre il est peut-être utile de rappeler quelques chiffres : Daech, en Syrie, c'est environ trente mille personnes, dont une proportion importante de combattants étrangers ; Jabhat al-Nosra environ sept mille personnes dont, là encore, plus de la moitié de combattants étrangers. Les autres groupes d'opposition armés non terroristes rassemblent, quant à eux, au-delà de leurs divergences idéologiques, quatre-vingt mille combattants, syriens pour une écrasante majorité d'entre eux.
J'en viens à la Libye. Le blocage de l'accord qu'avait négocié Bernardino León, l'envoyé spécial des Nations unies, et le remplacement de ce dernier par Martin Kobler nous obligent à reconsidérer notre stratégie. Si l'accord est dans l'impasse, c'est qu'à Tripoli comme à Tobrouk les tenants d'une ligne dure estiment qu'ils ont plus à perdre qu'à gagner à la signature de cet accord et font pression sur les modérés, pourtant majoritaires dans chaque camp, empêchant la convocation des deux parlements, nécessaire à la ratification de l'accord. Il est clair que ceux qui profitent de cet état de faits, ce sont les groupes armés, les milices et les terroristes. La situation est d'autant plus préoccupante que des divisions commencent à se faire jour au sein de la Banque centrale libyenne et de la Compagnie nationale pétrolière. Tout l'enjeu aujourd'hui est donc de trouver les moyens qui permettront au nouvel envoyé spécial de convaincre les parties de signer l'accord pour mettre un terme à ces divisions.
Un mot également sur le Liban, car on ne peut pas ne pas faire mention de l'attentat qui s'est produit à Beyrouth il y a quelques jours contre des quartiers chiites et qui a été revendiqué par Daech. Cela nous rappelle l'extrême fragilité de ce pays, qui n'a plus de président depuis des mois et où les efforts politiques pour en élire un nouveau restent vains.
Reste enfin le Yémen où des pourparlers sont en cours pour réunir autour d'une même table le gouvernement légitime et les rebelles houthis ainsi que leur allié, l'ancien président Saleh et son immense fortune, afin qu'un accord politique soit rapidement trouvé et permette, d'une part, de mettre fin aux opérations militaires qui sont dévastatrices, d'autre part, de juguler la crise humanitaire qui est épouvantable, et enfin d'arrêter la progression de Daech et Al-Qaïda, dont les implantations progressent dans le pays.
Vous avez évoqué, madame Duchêne, le travail des musées occidentaux pour lutter contre le trafic d'antiquités. Malheureusement, certains opérateurs privés sont moins coopératifs, et des objets venant du Moyen-Orient et de Syrie ont pu apparaître ces dernières semaines sur le marché, y compris en France. Qu'envisage le Gouvernement pour mettre un terme à ces trafics ? Par ailleurs, une commissaire européenne a évoqué il y a quelques jours l'implication éventuelle de certains opérateurs bancaires français dans le financement de Daech. Cela vous semble-t-il possible ou ces propos ne vous paraissent-ils pas étayés ?
En matière de financement, comment peut-on espérer limiter l'essor des marchés parallèles en organisant mieux les marchés officiels ?
Au plan stratégique, qu'est ce qui peut laisser penser que l'Arabie saoudite, siège du wahhabisme et terreau du salafisme peut préférer s'allier à l'Iran plutôt qu'aux sunnites de Daech ? Ou situera-t-elle le point d'équilibre entre les deux menaces que représentent pour elle l'Iran et le califat ?
Enfin, le fait que l'expansion territoriale de Daech soit contenue n'augmente-t-il pas le danger que s'exportent, comme autant de métastases, des attentats contre l'étranger ?
Madame Duchêne, vous avez évoqué dans une même phrase Daech et Al-Qaïda. Que pensez-vous de l'analyse, livrée cet été dans Ouest-France par un intellectuel par ailleurs plutôt respectable mais que je trouve pour ma part révoltante, selon laquelle il ne fallait pas confondre ces deux mouvements car Daech cherchait à construire un État, ambition qui, comme en témoignent la Révolution Française et la Terreur, s'accomplit souvent dans la violence, ce qui poussait l'auteur à conclure que, in fine, lorsque cet État serait créé, nous serions obligés de négocier avec lui ?
Pour ce qui concerne la Lybie, non seulement Bernardino León a échoué, mais l'on apprend par la presse qu'il aurait accepté un poste rémunéré près de 50 000 dollars par mois, offert par les Émiratis, avec lesquels il semble qu'il ait déjà été en contact et prêt à suivre leurs instructions à l'époque où il exerçait son mandat pour le compte des Nations unies. Deux choix semblent aujourd'hui s'offrir à son successeur, M. Kobler. En premier lieu, privilégier sur les négociations bilatérales des négociations multilatérales impliquant l'ensemble des acteurs régionaux concernés ; en second lieu, jouer auprès des Syriens de la carotte et du bâton, c'est-à-dire les menacer de sanctions s'il refusent de signer un accord d'autant plus crucial que, comme nous l'a rappelé le ministre, Daech progresse vers le sud et qu'il serait catastrophique qu'il parvienne à effectuer la jonction avec la bande sahélienne.
Il est important que nous abordions la question de la sécurité de manière globale. Même si notre tropisme vers la Syrie et l'Irak se justifie par l'actualité, les Européens ne pourront garantir leur sécurité si la crise libyenne ne trouve pas rapidement une issue. Vous n'avez d'ailleurs, monsieur Bonnafont, jamais mentionné l'Europe : quel rôle pensez-vous qu'elle puisse jouer, en matière de diplomatie, de développement ou de défense, dans cette stratégie globale de sécurité ?
Les pays de la région clarifient progressivement leurs position à l'égard de Daech et du terrorisme ? Qu'en est-il de la Turquie ?
Quant au Liban, il y a de quoi s'inquiéter en effet des effets conjugués de la crise économique, de la crise des réfugiés, de la crise politique et institutionnelle, qui mettent le pays au bord de l'effondrement. Que peut-on faire ?
Vous avez déclaré devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale qui vous auditionnait le 21 octobre dernier : « Bachar el-Assad ne peut d'évidence être considéré comme l'animateur d'un gouvernement travaillant dans un climat de neutralité ; la question de sa permanence à la tête de l'État a donc déjà été traitée à Genève », ajoutant que : « Si la Russie a fait croire cet été qu'elle pensait possible une solution politique en Syrie afin de préparer tranquillement son opération militaire, c'est qu'elle considérait certainement que Bachar el-Assad était sur le point de ne plus être assez fort pour rester en place. Et c'est ainsi que les forces aériennes russes – dont 80 % des frappes ne touchent pas Daech – sont venues appuyer l'offensive des forces du régime pour détruire ceux qui, sur l'échiquier politique, sont entre le régime et Daech. L'objectif est d'aboutir à une confrontation totale entre le régime syrien et Daech pour nous obliger à choisir Bachar el-Assad comme allié contre ce mouvement terroriste qui est sa créature. » Ce dernier point avait été fortement contesté, comme certains de vos propos qui ont disparu du compte rendu, ce qui est regrettable, car ils étaient encore plus violents…
Vous dites que les Russes ont changé de ligne politique, mais qu'en est-il de la France ?
Hier soir, à Istanbul, lors d'un match amical entre la Turquie en la Grèce, non seulement la minute de silence en hommage aux victimes des attentats parisiens a été sifflée, mais tout le stade aurait hurlé « Allahou Akhbar », et ce en présence des Premiers ministres grec et turc. C'est un scandale, une offense aux victimes, et je m'interroge à mon tour : Quel est le rôle véritable joué par la Turquie dans le combat contre Daech ?
En ce qui concerne les flux financiers, peut-on établir une forme de traçabilité des marchandises comme le pétrole ou le coton, dont certains disent qu'il pourrait être utilisé à la confection de vêtements vendus en France ?
D'autre part, Vladimir Poutine a récemment affirmé qu'une quarantaine de pays, dont certains membres de la coalition, contribuaient aujourd'hui au financement de Daech ? Qu'en pensez-vous ?
Pour en revenir enfin à ce qui a été acté lors de la dernière conférence de Vienne, comment envisager à court terme l'organisation d'élections dans un pays à moitié occupé par Daech ? Par ailleurs, ne craignez-vous pas que le fait de conditionner le cessez-le-feu au maintien d'Assad dans le jeu de la transition ne décrédibilise aux yeux de la population l'opposition qui a combattu le régime ?
On réussira à détruire Daech dans un, deux ou cinq ans, mais comment voyez-vous la situation en Irak, une fois cette tâche accomplie ? Les Kurdes, ayant payé le prix du sang, n'accepteront probablement pas d'entrer dans un système institutionnel irakien, même fédéraliste. Leur revendication permanente est de vivre dans le territoire qu'ils ont reconquis. Les milices chiites, sous le gouvernement de M. Nouri al-Maliki, ont également commis des atrocités qui ont précipité les sunnites dans les bras de Daech, et il sera donc très difficile de faire coexister ces deux communautés ; par conséquent, l'Irak n'existe virtuellement plus. Quel futur voyez-vous pour les frontières de ce pays ? Sans solution crédible, en lien avec le théâtre syrien, le conflit se perpétuera ad vitam.
Quelle est la situation au Kurdistan irakien ? Différentes formations politiques se sont livrées à des règlements de compte et des contestations ont été exprimées à l'encontre de M. Massoud Barzani lors de manifestations.
Une armée irakienne, regroupant des chiites et des sunnites, parvient-elle à se constituer et à développer des capacités opérationnelles ?
Mossoul ne tient que par l'accord liant les quelque 10 000 combattants de Daech à des tribus sunnites. Le gouvernement du Premier ministre M. Haïder al-Abadi et les Kurdes parviennent-ils à tisser des relations de confiance avec ces tribus ? Quand peut-on espérer une reprise de Mossoul ?
La Commission européenne estime que trois millions de réfugiés pourraient affluer dans les deux prochaines années. Partagez-vous cette évaluation ?
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, a évoqué hier la question de la participation de la diaspora syrienne à un éventuel processus électoral. Un consensus existe-t-il sur ce sujet essentiel, qui recoupe la question des contours d'un futur gouvernement comprenant ou non M. Bachar el-Assad ?
Madame Duchêne, attribuer la responsabilité principale de la création de l'État islamique au régime syrien constitue une erreur historique fondamentale ; je vous renvoie à l'étude de M. Denis Bauchard, membre de l'Institut français des relations internationales (IFRI), qui recense quatre causes à l'émergence de Daech : les fautes de M. Paul Bremer, proconsul américain en Irak, celles de M. al-Maliki, les financements de l'Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie qui ont alimenté cette organisation, enfin, l'ouverture des geôles par M. el-Assad à la suite de l'attentat perpétré contre lui par les États-Unis et de l'application du principe selon lequel « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Le soutien financier à Daech n'a pas cessé, et il faudrait ouvrir les yeux sur cette situation, monsieur Bonnafont ! Le politiquement correct du ministère des affaires étrangères et du développement international commence à m'insupporter.
Je suis stupéfait de l'irréalisme du processus qui est en train de se mettre en place. Vous nous parlez de tournant russe, n'oubliez pas de parler de tournant français. Je me réjouis d'ailleurs de cette subite lucidité. Vous nous avez affirmé que le soin d'identifier et de rassembler les opposants serait confié à l'Arabie saoudite. Cela me semble aussi pertinent que de faire garder des enfants par un pédophile ! L'Arabie saoudite a envoyé plus de 10 000 missiles dans l'ensemble de la zone, ceux-ci étant promis à nous revenir sur la tête. Je ne comprends pas le sens de cette politique. Vouloir écarter le régime actuel dès la période de transition est une idée folle : c'est lui qui possède les moyens militaires, donc comment peut-on croire à ce changement de pouvoir ?
La Turquie vient de publier une liste des 900 terroristes qu'elle considère les plus dangereux : 890 appartiennent au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et seulement dix à l'État islamique !
Vouloir élaborer une solution politique qui passe par l'Arabie saoudite et la Turquie, c'est vraiment fort !
Combien Daech compte-t-il de combattants ? Combien de personnes vivent dans les territoires qu'il contrôle ?
Il est essentiel de ne pas rentrer dans le jeu de Daech qui voudrait diviser la société civile. Une partie infime de la jeunesse née de l'immigration en France est capable de tuer d'autres jeunes de notre pays. On n'en est pas encore au point de voir deux jeunesses se dresser l'une contre l'autre, car nous serions alors en guerre civile.
Monsieur Bonnafont, avant le revirement – que j'ai salué – du président de la République il y a deux jours, la France était sur le point de se trouver totalement marginalisée par la politique initiée par M. Alain Juppé et poursuivie par M. Fabius, qui consistait à éliminer M. el-Assad. La France a ainsi été exclue du format de Vienne il y a trois semaines : la première réunion s'est tenue sans elle, et il a fallu manoeuvrer pour élargir ce format à douze pays et y retrouver une place. Comme MM. Jacques Myard et Jean-Paul Bacquet, et comme l'ensemble des députés de notre Commission, je suis satisfait que notre diplomatie soit revenue dans le monde réel et soit sortie de l'impasse dans laquelle elle s'était enfermée.
Nous assistons à la réouverture des frontières et des nations inventées par la France et le Royaume-Uni il y a cent ans. Il s'avère compliqué de penser un processus de paix pour la Syrie et pour l'Irak alors que le territoire de l'État islamique chevauche ces deux pays ; en outre, cette situation fait ressurgir la question du Kurdistan, non résolue par le traité de Sèvres de 1920. Les personnes qui réfléchissent au Quai d'Orsay doivent étudier un mécanisme de négociation inclusif, qui intègre l'ensemble de ces paramètres. Il faudra bien un jour régler le problème kurde, sauf à accepter que des difficultés persistent constamment avec la Turquie et la future Syrie.
Comme beaucoup, je me suis réjoui de l'inflexion annoncée par le président de la République, mais que pense-t-on du maintien au pouvoir de M. el-Assad ? Jusqu'à quand doit-il rester ? Comment mener une négociation de paix sans les parties prenantes et sans l'État syrien ? En combattant contre Daech, on se bat avec tous les Syriens, y compris les forces gouvernementales, qui luttent contre ce groupe terroriste. Si ce n'est pas le cas et si je n'ai pas compris les propos de M. François Hollande, la situation est grave et mérite des explications. Il faut inclure dans la négociation les représentants du gouvernement syrien, les opposants – dont la liste est curieusement établie par l'Arabie saoudite – et les Iraniens via le Hezbollah. Il ne peut y avoir de règlement politique sans la présence de toutes ces composantes autour de la table. Qu'impliquent exactement les propos du président de la République pour les discussions conduites à Vienne ?
Monsieur Jean-Paul Bacquet, M. Jérôme Bonnafont a relu et corrigé certaines expressions du compte rendu de son intervention comme cela en est l'usage. Telle est la condition de la spontanéité de nos échanges avec les hauts fonctionnaires, qui se trouvent tenus par un devoir de réserve. Je les remercie d'ailleurs de venir devant notre Commission.
Madame la présidente, je ne comprends pas votre intervention, qui me blesse. J'ai repris des propos écrits et constaté qu'ils avaient été retirés. Ce n'était pas une accusation ! À aucun moment, je n'ai remis en cause notre méthode de travail et de correction des comptes rendus, y compris par les intervenants eux-mêmes. En revanche, votre remarque visait mes propos, alors que je ne me suis livré à aucune attaque. J'ai simplement mis en lumière l'édulcoration de propos qui avaient été tenus, ce qui est la vérité !
Tant mieux si tels sont les faits !
Il est essentiel d'éviter les caricatures et d'échanger avec franchise. Aucun élément de fond des interventions ne me choque, mais il n'est pas interdit de faire attention au ton que l'on emploie.
Je partage la remarque de M. Pierre Lellouche. C'est une infime minorité qui est responsable de cette violence et elle peut compter dans ses rangs des personnes n'étant pas d'origine maghrébine, même si les derniers attentats ont été le fait d'individus appartenant à cette population. Il est essentiel de ne pas rentrer dans le jeu de Daech qui veut fragiliser la cohésion de la société française. Je vous conseille, chers collègues, la lecture d'une tribune de M. Magyd Cherfi, du groupe Zebda, parue hier dans Libération. Ce texte est un hymne à la France, et il convient de diffuser ce genre de témoignages. J'ai parlé avec de nombreux compatriotes musulmans d'origine arabe qui m'ont exprimé leur sentiment d'appartenance à la France et leur solidarité avec la communauté nationale ; la situation diffère quelque peu de janvier dernier où l'on entendait quelques réserves liées aux caricatures de Charlie Hebdo.
Monsieur Lellouche, cela fait deux ans que l'on ne peut plus dire que nous n'avons pas assez de contacts avec les Russes ! En effet, le président de la République s'est rendu de manière impromptue en Russie, les discussions directes avec M. Vladimir Poutine sur les situations en Ukraine, au Proche et au Moyen-Orient sont fréquentes, et on a engagé le processus de Minsk. M. Fabius dit depuis longtemps que M. el-Assad ne peut pas incarner l'avenir et la solution au conflit syrien, comme l'affirmait M. Juppé en son temps, mais il est faux de déclarer que l'on ne parle pas avec les Iraniens ou avec les Russes. Des opinions différentes, toutes légitimes, s'expriment au sein de cette Commission sur nos rapports avec M. el-Assad.
Madame la présidente, je n'ai caricaturé personne. Depuis deux ans et demi, nous débattons au sein de notre Commission sur la politique étrangère française. Nous étions un certain nombre à critiquer notre action en Syrie – ce débat existait également au sein du Gouvernement entre la ligne de M. Jean-Yves Le Drian et celle de M. Fabius –, qui avait débuté lorsque M. Juppé était encore ministre des affaires étrangères. Le président de la République a décidé d'opérer une rupture dans cette politique. Je n'ai pas donné de leçon, j'ai simplement demandé quelles étaient les implications de ce changement dans la conduite du processus diplomatique. Il n'y avait aucun esprit polémique dans ma question.
Je n'apporte aucune conclusion aux travaux de notre Commission, mais je me sens autorisée à donner mon point de vue ! Des évolutions et des inflexions ont incontestablement été apportées, mais il est faux de parler de rupture.
Bien que les expressions employées au cours de notre réunion n'aient pas dérogé à ce que l'on peut attendre dans un tel cercle, votre appel à la raison et au calme s'avère tout à fait pertinent, madame la présidente. En revanche, il n'est pas facile de conserver un ton neutre lorsque l'on entend un haut fonctionnaire de l'État, dont je respecte pleinement la carrière et la personne, affirmer le contraire de ce qu'il a dit devant notre Commission le 21 octobre dernier.
Madame Duchêne et monsieur Bonnafont, je vous remercie d'avoir pris de votre temps pour venir devant notre Commission et de nous avoir fourni des éléments aussi précis.
Présidence de Mme Odile Saugues, vice-présidente de la Commission
Je comprends que les débats puissent être tendus du fait de la gravité de la situation et de l'épreuve que traverse notre pays, mais nous devons faire preuve d'unité et de détermination. Je pense que nous ne devrions pas rentrer dans le jeu de Daech, qui veut nous diviser, et à cet égard, les analyses de Gilles Kepel sont pleines d'enseignements.
Il existe un circuit parallèle d'exportation de biens culturels ; il s'avère nécessaire de publier des catalogues des oeuvres connues afin de les faire sortir de la clandestinité. Les douanes ont renforcé leur contrôle dans ce domaine, et une incrimination pénale de trafic a été créée. Hier, à l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), le président de la République a annoncé que la France introduirait un contrôle douanier à l'importation de biens culturels et instaurerait des refuges en France pour les oeuvres d'art menacées par Daech. Nous faisons tout notre possible pour lutter contre ce trafic, mais le travail des musées et des institutions culturelles reste important. Les maisons de vente, pour leur notoriété, ont intérêt à se tenir éloignées de toute mise aux enchères de biens contestés. Lorsque les pays latino-américains contestent un bien de l'art précolombien, les grands acheteurs ne participent pas à la vente, qui subit ainsi une forte dépréciation.
Daech s'efforce de mettre en place une structure étatique, alors qu'al-Qaïda se voit comme une organisation terroriste moins structurée. Ces deux groupes ont un ennemi commun, l'infidèle, et répondent tous deux à la qualification juridique internationale de terrorisme, l'une ne l'étant pas davantage que l'autre.
Le coton constitue une ressource, mineure par rapport au pétrole, que Daech écoule localement plus que régionalement. Nous ignorons si des vêtements portés en France contiennent du coton provenant des zones contrôlées par Daech.
Nous ne connaissons aucun cas de fraude d'institutions financières françaises ; notre pays dispose d'un système efficace de gel des avoirs, qui repose sur une procédure administrative rapide gérée par le service de traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin), et qui assure la surveillance des banques et leur interdit toute impunité dans ce type d'activités. Nos établissements financiers sont donc respectueux des règles.
M. Poutine a certes affirmé que 40 pays finançaient Daech, mais j'ignore d'où il tire ces informations. Les États ne soutiennent pas financièrement Daech, mais il y a sûrement des personnes de 40 nationalités différentes qui financent cette organisation, et l'on recense probablement des Saoudiens et des Français dans ce groupe.
30 000 combattants se battent sous l'étendard de Daech, cette organisation contrôlant un territoire peuplé de 8 millions d'habitants.
Monsieur Myard, je n'ai pas dit que M. el-Assad avait créé Daech, mais qu'il avait contribué à le nourrir en libérant des prisonniers. Avant cela, l'idéologie s'était déjà déployée et les germes de l'essor de Daech avaient été semés.
La Turquie a très tôt été frappée par l'État islamique ; ainsi, au moment de la prise de Mossoul, ce dernier a retenu 60 diplomates turcs
Certes, mais cet épisode date du début de l'expansion de Daech, et des attentats ont frappé la Turquie. Celle-ci représente le principal pays de transit pour les djihadistes, y compris ceux venant de France. Nous bénéficions aujourd'hui d'une excellente coopération avec la Turquie, et M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, s'est rendu à plusieurs reprises à Ankara et à Istanbul. Nous ne sommes plus au temps où les autorités turques n'avaient pas prévenu leurs homologues français de la destination du vol par lequel elles expulsaient trois djihadistes, ces derniers disparaissant à Marseille quand la police les attendait à Paris. Aujourd'hui, les Turcs nous appuient et agissent lorsque nous leur transmettons des signalements. On ne peut donc pas reprocher à ce pays de ne pas partager nos intérêts sécuritaires.
L'État islamique représente, comme les Frères musulmans, une menace mortelle aux yeux des Saoudiens. L'Arabie saoudite considère que l'État islamique met en péril les fondements mêmes des États actuels de la région. Elle impose le wahhabisme sur son territoire et de nombreux wahhabites font montre de prosélytisme à travers le monde, mais ce pays exerce une séparation totale entre les pouvoirs politique et religieux. L'Arabie saoudite ne peut accepter un système institutionnel dans lequel l'autorité religieuse exercerait le pouvoir exécutif. Là réside la source de son opposition fondamentale à des mouvements comme Daech. Il convient de ne pas assimiler le wahhabisme et le salafisme au terrorisme islamiste. De nombreux terroristes adhèrent à des doctrines islamistes radicales, mais les théologiens respectés de l'islam, quelle que soit leur obédience, condamnent ces dérives et ne reconnaissent pas l'autorité religieuse de ceux qui parlent au nom de Daech. L'Arabie saoudite se voit menacée de façon vitale par le califat, alors qu'elle devra gérer sa rivalité avec l'Iran pendant encore très longtemps. La nature de la menace diffère, même s'il s'avère très difficile d'asseoir Saoudiens et Iraniens à une même table pour qu'ils évoquent l'avenir de cette région dans laquelle ils possèdent de forts intérêts.
Bien que l'on parvienne à contenir Daech en Irak et en Syrie, cette organisation métastase ailleurs ; voilà pourquoi, en plus d'une politique antiterroriste tous azimuts, nous devons régler les crises régionales et restaurer un semblant de normalité dans les États faillis dans lesquels prospèrent Daech ou al-Qaïda, tels la Libye et le Yémen. Quant au Sahel, la situation y a justifié l'intervention française au Mali pour lutter contre AQMI.
M. Bernardino León envisage de poursuivre sa carrière aux Emirats mais il se trouve accusé de s'être montré trop complaisant avec leurs adversaires. Il n'a finalement pas réussi à faire signer l'accord, si bien que nous nous voyons obligés de revoir les modalités de notre appui au processus onusien. Comment bâtir un véritable cadre multilatéral ? Comment manier à la fois la carotte et le bâton ? Comment peut-on faire pour que les États défendant l'un des camps choisissent plutôt de soutenir un processus qui inclut tout le monde ? Telles sont les questions auxquelles nous devons répondre avec nos partenaires, notamment américains, britanniques et italiens ; il y a lieu de profiter du changement de représentant spécial des Nations unies en Libye pour insuffler une nouvelle dynamique, exercer une pression homogène de la communauté internationale et convaincre les acteurs nationaux et régionaux qu'une absence d'accord aurait un coût plus élevé que les sacrifices nécessaires à l'établissement d'un compromis.
Lors du conseil des ministres des affaires étrangères d'hier, la France a invoqué l'article 42-7 du traité de Lisbonne pour demander à l'Union européenne (UE) de l'aider à faire face à la grave crise qui résulte des attentats. Nous sollicitons un appui militaire de nos partenaires qui en ont les moyens, contre Daech en Irak et en Syrie ou sur d'autres théâtres, et un soutien logistique de ceux qui peuvent l'assurer. Nous attendons des pays de l'UE davantage de mobilisation. L'UE agit dans la lutte contre le terrorisme, réfléchit à la redéfinition de la politique de voisinage au sud et travaille à la révision des procédures de Schengen et à la gestion des frontières extérieures. Sur tous ces sujets, nous souhaitons aller plus loin et plus vite.
La situation de blocage au Liban s'avère préoccupante, car aux turbulences politiques s'ajoutent l'impact de la crise régionale et les difficultés financières. Dans ce contexte, on peut se réjouir que le Parlement ait pu se réunir pour adopter des lois financières urgentes, même s'il ne s'agit que d'un timide progrès. Avec la représentante spéciale de l'ONU et nos partenaires, nous tentons d'avancer, alors que plusieurs pays considèrent le Liban comme un problème secondaire par rapport à la Syrie. La France pense au contraire qu'il importe de convaincre les forces politiques libanaises de se mettre d'accord sur le nom d'un président et de permettre la reprise d'un fonctionnement normal de l'État. Ce chemin se révèle ardu car les différents camps sont soutenus ou contrés par des puissances régionales.
Je n'ai rien à retirer à mes propos tenus devant votre Commission le 21 octobre dernier. La France a toujours affirmé, y compris à Genève, que la transition se ferait par une négociation entre le régime et l'opposition.
Les acteurs concernés ne veulent pas se rencontrer ! Les rares fois où ils se sont réunis, ils n'ont échangé que des invectives. Nous n'avons pas dévié de l'esprit de la conférence de Genève où fut posée la question centrale : comment bâtir une gouvernance capable de construire un environnement de neutralité ? L'objectif est d'empêcher que les représentants de l'opposition soient emprisonnés ou torturés et que les responsables de la situation actuelle ne restent pas à la tête de la Syrie. M. el-Assad et ses proches refusent de quitter le pouvoir et se sentent encore soutenus par la Russie et l'Iran. Quant à l'opposition, elle n'a aucune garantie politique et de sécurité, et constate que le régime ne combat pas sérieusement Daech.
La Russie a récemment évolué parce qu'elle avait cru que son intervention militaire permettrait au régime de reconquérir du terrain au détriment de l'opposition modérée et, ainsi, de rester durablement au pouvoir. Elle n'avait pas anticipé l'attaque de Daech qu'elle a subie. Elle doit repenser sa politique, car l'armée syrienne n'est plus capable d'obtenir de gains significatifs et l'attentat de Daech contre l'un de ses avions l'oblige à riposter.
Nous devons nous appuyer sur le processus de Vienne pour reconquérir de l'espace politique, car, comme l'a toujours dit le ministre des affaires étrangères et du développement international et comme l'a répété le président de la République, la solution au conflit ne réside pas dans la victoire militaire d'un camp contre l'autre, mais dans une transition politique dans laquelle l'unité de la Syrie se trouverait préservée, les droits des Syriens reconnus et la concorde civile restaurée. Dans ce cadre, la question des élections s'avère centrale : comme elles ne pourront pas être organisées en six mois, un délai de dix-huit mois a été fixé à titre indicatif. Le communiqué de Vienne prévoit la participation de la diaspora à ces élections dans des conditions agréées par tous.
Le Kurdistan irakien souffre d'un blocage politique, puisque le mandat de M. Barzani s'est achevé en août dernier et qu'aucune perspective de renouvellement de la présidence de la région autonome ne se dessine. M. al-Abadi, Premier ministre irakien, poursuit ses efforts de réconciliation nationale, mais il se heurte au parlement qui ne lui donne pas l'autorité nécessaire, aux milices chiites qui jouissent d'une grande autonomie et aux représentants des sunnites qui ne se rassemblent pas autour d'une position sur l'avenir de leurs relations avec la communauté chiite. Mossoul n'est pas reprise à l'État islamique car les Kurdes ne s'y engagent pas, l'armée irakienne n'est pas encore en état de le faire et les sunnites s'y refusent.
Cette région compte environ 4 millions de réfugiés, et 7 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur de la Syrie. Plus le conflit dure, plus le danger s'accroît pour nous. En effet, le Liban et la Jordanie accueillent plus d'un million de réfugiés chacun, et la Turquie en recense plus de 2 millions sur son territoire ; ces pays ne peuvent pas conserver perpétuellement ces populations sur leur sol, et le flux de réfugiés ne cessera pas si la guerre en Syrie se prolonge. Nous avons donc un intérêt politique majeur à ce que cette région s'apaise.
Monsieur Myard, je précise mes propos : on ne demande pas à l'Arabie saoudite de constituer le groupe de l'opposition, mais d'accueillir une conférence réunissant ses représentants. Les Russes, les Américains, les Britanniques, les Saoudiens, les Britanniques et nous-même avons échangé, au cours des derniers mois, des listes recensant les opposants et les groupes les plus crédibles. Ces listes n'étant pas irréconciliables – alors que le document russe a été établi en lien avec Damas –, nous souhaitons que l'Arabie saoudite mette en place un mécanisme de coagulation et de coordination.
L'ensemble de la communauté internationale souhaite préserver les frontières existantes et refuse de s'adonner à un exercice de découpage, dont on se demande sur quels critères pertinents il pourrait reposer. En effet, les populations appartiennent à des communautés différentes, réparties dans les territoires. En revanche, il faut favoriser l'instauration d'un climat de respect entre toutes les communautés, et les entités nationales devront protéger l'identité kurde. Dans la Syrie de demain, les Alaouites, qui représentent 10 % de la population syrienne, doivent cesser d'être des dominateurs dictatoriaux, sans devenir une minorité persécutée. Les chrétiens d'Orient, minorité subissant des souffrances épouvantables depuis une quinzaine d'années, doivent pouvoir pratiquer librement leur culte en Irak, en Syrie et dans les autres pays d'établissement. Les guerres actuelles rendent de plus en plus difficile la coexistence entre les communautés, et la reconstruction d'une convivialité entre les sunnites, les chiites et les Kurdes requerra un travail de très longue haleine. Le charcutage des frontières de la région conduirait en tout cas à des guerres interétatiques interminables.
Je vous remercie, madame Duchêne et monsieur Bonnafont, de vos explications franches et directes.
La séance est levée à onze heures trente.