La commission examine, conjointement avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, le rapport d'information de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les programmes d'investissements d'avenir (PIA) finançant la transition écologique (Mmes Eva Sas et Sophie Rohfritsch, rapporteures).
Nous examinons ce matin un rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les programmes d'investissements d'avenir (PIA) finançant la transition écologique. Je rappelle que la MEC s'est saisie cette année de deux autres sujets : la formation continue et la gestion des carrières dans la haute fonction publique, sur le rapport de Jean Launay et Michel Zumkeller, que nous avons examiné lors de notre réunion du 8 juin ; la transparence et la gestion de la dette publique, sur le rapport de Jean-Claude Buisine, Jean-Pierre Gorges et Nicolas Sansu, que notre commission devrait examiner le 6 juillet prochain.
Je tiens à exprimer notre satisfaction à l'égard de cette réunion conjointe qui permet d'entendre les deux rapporteures de la Mission d'évaluation et de contrôle sur les programmes d'investissements d'avenir finançant la transition écologique.
Notre commission a auditionné, à plusieurs reprises, le commissaire général à l'investissement et suit, depuis le début, les programmes d'investissement d'avenir finançant la transition énergétique et écologique, notamment l'évolution des engagements financiers par opérateur et par action. C'est pourquoi nous avions nommé Mme Sophie Rohfritsch co-rapporteure et sommes particulièrement intéressés par le rapport qui va être présenté.
Contrairement à leur dénomination, les financements du PIA ne sont pas des « investissements » au sens budgétaire puisqu'il ne s'agit pas majoritairement d'immobilisations de l'État. Ce sont des dépenses d'intervention (subventions ou avances remboursables), des prêts, parfois des prises de participation.
Le PIA doit permettre d'effectuer ces dépenses à l'appui de priorités bien identifiées sur la durée, de façon lisible et significative. Le PIA décline ainsi les orientations fixées par la commission Juppé-Rocard de 2009, qui a retenu la protection de l'environnement comme une priorité afin d'agir sur les deux ressorts de la croissance économique, je cite : « l'économie de la connaissance et l'économie verte ».
Il me paraît utile de rappeler ses préconisations : « l'emprunt national doit être porteur de sens, d'espoir pour les générations futures, en facilitant la mutation du modèle actuel de l'économie vers un développement moins dépendant de la dépense publique, moins dépendant des énergies fossiles, davantage tourné vers la connaissance, adapté aux évolutions démographiques, articulé avec des positions industrielles d'excellence ». Il doit donc financer des « projets innovants et "transformants", c'est-à-dire des projets de nature à incarner ou à faciliter l'émergence des secteurs de l'économie de demain, compatibles avec les ambitions écologiques que l'on souhaite développer ».
La transition écologique nécessite en effet des solutions décarbonées auxquelles font aujourd'hui obstacle des verrous technologiques dans le domaine industriel ou des enjeux d'organisation, par exemple dans nos villes. L'innovation est donc essentielle mais elle est dans ce domaine plus coûteuse et plus risquée qu'ailleurs : les financeurs privés sont donc réticents à en assumer seuls les risques, malgré les mécanismes tarifaires ou fiscaux qui promeuvent la transition écologique. Ce défaut de marché nécessite un apport financier direct de l'État pour faire naître une offre compétitive et jouer un rôle de levier de la croissance verte.
Nous avons donc cherché à identifier cette orientation dans les dotations du PIA votées en 2010 et 2013.
Au total, devaient être destinés à la transition écologique 16,7 % des crédits du PIA 1, soit 5,85 milliards d'euros, dont 5,1 de dotations consommables, éclatés sur sept programmes relevant de quatre missions budgétaires distinctes pour des actions confiées à cinq opérateurs différents et 17,25 % des crédits du PIA 2, soit 2,07 milliards d'euros, exclusivement sous forme de dotations consommables, pour des actions toutes rattachées, cette fois, à la mission Écologie, et qui prolongent des actions créées par le PIA 1. Au total, 16,85 % des PIA devraient être consacrés à la transition écologique, pour près de 8 milliards d'euros.
Ces dotations financent des actions innovantes qui interviennent sur différents leviers.
Tout d'abord celui de la valorisation de la recherche, avec le financement par l'Agence nationale de la recherche (ANR) d'une dizaine d'instituts pour la transition énergétique, les ITE. Il s'agit de consortiums de droit privé réunissant industriels et établissements publics de recherche, partageant une même feuille de route, dans différents secteurs-clés de la transition écologique : la recherche conduite par les institutions publiques doit ainsi répondre aux enjeux industriels. L'ITE pilote la recherche de ses membres académiques puis en valorise les résultats auprès des membres industriels et du marché. La réussite de ces instituts doit se traduire par la mise au point de brevets trouvant des débouchés dans l'industrie afin de générer des revenus qui seront de nouvelles ressources pour l'institut.
Ensuite, avec 3,9 milliards de dotations initiales, la moitié des financements du PIA revient à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour financer des démonstrateurs, à un stade plus aval de l'innovation. Il s'agit de démontrer « grandeur nature » que des techniques nouvelles sont viables aux plans industriel et commercial. Ce ne sont pas toujours des innovations de rupture, mais aussi des améliorations dans la mise en oeuvre de technologies plus matures ayant des effets significatifs sur le développement durable. L'objectif est toujours de cofinancer des projets qui démontreront aux marchés visés que les nouvelles solutions sont viables et pourront à terme être financées sans subvention publique.
Ce volet est complété par des financements relevant de Bpifrance avec une action dite « PIAVE », qui met en oeuvre les orientations de la politique industrielle et dont un volet concerne la transition écologique. S'y ajoutent les « prêts verts », à savoir des prêts bonifiés aux entreprises pour acquérir des équipements améliorant la compétitivité dans un sens favorable à l'environnement.
Une enveloppe de 1 milliard d'euros du PIA 1 a été attribuée aux projets urbains relevant de la démarche Éco Cités. Ces projets portés principalement par des collectivités territoriales sont innovants dans la mesure où leur démarche, dite « intégrée », traite simultanément différentes dimensions de la transition écologique dans l'urbanisme. Mais je souhaite le dire d'emblée, sur les 288 projets financés au titre de la démarche Éco Cités, il me semble que tous n'ont pas satisfait cette exigence, ce qui a pu dévoyer l'intention initiale. Ce volet a été complété, dans le PIA 2, par une action de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) pour vingt quartiers d'intérêt national de la politique de la ville.
Enfin, le PIA contribue depuis son lancement au financement du programme « Habiter mieux » géré par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Ce programme apporte une aide financière et un accompagnement technique à des propriétaires aux revenus modestes pour la rénovation thermique de leurs logements. Le PIA cofinance donc également dans ce cas un investissement privé qui répond à un objectif de transition écologique. Il s'agit également de lutter contre la précarité énergétique, ce qui confère à ce volet une dimension sociale essentielle qui permet d'améliorer, sur la durée, le pouvoir d'achat des bénéficiaires.
Nous avons cherché à vérifier si ces différentes actions ont eu « l'effet additionnel par rapport aux financements budgétaires habituels » comme préconisé par la commission Juppé-Rocard. Nous avons dû constater que certaines dépenses ne se sont pas ajoutées à des crédits budgétaires existants mais s'y sont substituées : le PIA a pris le relais d'une partie de fonds préexistants de l'ADEME et sa montée en chargé a entraîné une diminution de dépenses effectuées auparavant par l'agence sur ses propres ressources. Surtout, 200 millions d'euros de l'action Ville de demain ont servi à compléter le financement d'un appel à projet ministériel en finançant douze projets de transports en commun en site propre, des tramways et des bus, sans caractère innovant.
Inversement, un volet de l'action « Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique » de la Caisse des dépôts et consignations, créé par le PIA 2, qui réservait 35 millions d'euros à des collectivités territoriales de taille moyenne, a finalement été vidé de tout objet car le ministère a financé directement ce projet, hors PIA, en utilisant l'« enveloppe spéciale transition énergétique » (ESTE) créée par l'article 20 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ce fonds a été doté de 250 millions d'euros par la loi de finances rectificative pour 2015, montant qui devrait être porté à 750 millions d'ici 2017. Ce fonds a également été mobilisé en 2015 pour financer l'ANAH, parallèlement aux financements du PIA.
Nous constatons donc qu'il manque une vision d'ensemble des financements de la transition écologique provenant à la fois du PIA et du budget général. Or elle est essentielle pour préserver la doctrine d'emploi de financements du PIA, qui doivent être réservés à des actions qui ont un effet « transformant » et innovant.
Nous proposons donc que le Gouvernement justifie dans les documents annexés aux projets de lois de finances, au regard de l'état d'avancement du PIA, l'évolution des crédits budgétaires finançant la transition écologique. En particulier, l'articulation du futur PIA 3 et du fonds de financement de la transition énergétique doit être clarifiée. Nous proposons aussi que soit défini au sein du Commissariat général à l'investissement (CGI) un suivi transversal de ces financements.
Ceci est d'autant plus nécessaire que la disponibilité des financements du PIA peut détourner les porteurs de projet de faire appel autant que possible à des financements européens qui visent le même objet, comme les financements européens du programme Horizon 2020. Nous proposons donc de mieux formaliser l'identification des cofinancements européens.
Il convient également de rester vigilant sur les frais que prélèvent les opérateurs du PIA, pour mettre en oeuvre ces dépenses de l'État, particulièrement dans les cas de délégations entre opérateurs et d'interventions en fonds de fonds qui accroissent la part des frais.
Nous émettons ces réserves car nous sommes persuadées que le pilotage actuel, interministériel, du PIA, qui permet de sortir des « approches en silo », constitue un réel atout dans le domaine de la transition écologique.
La qualité des choix d'investissements tient à la méthode : les aides sont attribuées au terme d'appels à projets qui visent à faire émerger mais aussi à orienter les initiatives des différents acteurs de la transition écologique ; de même les aides consistent en un cofinancement qui complète un investissement privé avec un objectif d'effet de levier de la dépense publique et parfois de retours financiers avec un intéressement de l'État.
Nous avons constaté que le suivi de l'avancement des projets par les opérateurs est effectif. Il se traduit par la définition d'étapes de poursuite ou d'arrêt de projet dites « go no go ». L'ANR a par exemple su prendre précocement une telle décision concernant l'ITE IDEEL, qui était paralysé par les divergences entre ses membres.
De même, les ajustements opérés au fur et à mesure par les opérateurs ont amélioré de façon significative la mise en oeuvre des programmes. L'ADEME a par exemple simplifié ses procédures d'appels à projets et diversifié ses domaines d'intervention.
Si nous avons auditionné des directeurs d'administration et des responsables des opérateurs qui se sont pleinement saisis des enjeux du PIA, nous devons cependant regretter que ni la ministre de l'écologie ni le ministre de l'économie – compétent au titre de la politique industrielle – n'aient pu répondre à l'invitation de la MEC.
C'est d'autant plus regrettable que nous pensons que le suivi des effets du PIA peut être amélioré non seulement au regard des différents objectifs de la transition écologique, mais aussi en matière d'activité et d'emploi. Les évaluations ne sont que partielles, et les indicateurs trop nombreux et non harmonisés, ne permettent pas au CGI de fournir une évaluation d'ensemble.
Il est également possible d'améliorer les effets du PIA. En premier lieu, l'accès des PME aux financements peut être accru. Leur part est aujourd'hui insuffisante : 24 % des financements de l'ADEME, pour des PME associées à des projets portés par des grandes entreprises à titre principal. C'est regrettable car l'effet d'incitation à l'innovation est beaucoup plus fort pour les PME. Nous proposons donc que le CGI fixe aux opérateurs des objectifs précis d'accès des PME aux financements du PIA, et que l'état d'avancement des actions soit évalué non seulement en fonction des montants engagés mais également du nombre de projets financés.
L'ADEME a d'ailleurs fait des efforts, en réservant aux PME des éco-industries les appels à projets spécifiques dits « Initiative IPME ». Dans ce cadre, les pôles de compétitivité peuvent d'ores et déjà accompagner les PME vers les fonds du PIA. Mais tous ne remplissent pas aujourd'hui suffisamment cette mission. Nous proposons donc que l'activité des pôles de compétitivité soit évaluée au regard de leur valeur ajoutée en termes de soutien aux PME et ETI dans les appels à projet du PIA.
Nous pensons également que les financements du PIA peuvent être mieux adaptés en fonction des situations des entreprises. Les modalités de remboursement des avances, en cas de succès du projet, pourraient être définies avec plus de souplesse, alors qu'elles ont été standardisées dans le but, louable, de gagner du temps entre la sélection du projet et la signature du contrat.
En matière d'intervention en fonds propres, nous pensons qu'il faut améliorer le dialogue entre Bpifrance et l'ADEME, qui interviennent toutes deux de façon distincte, mais également conjointement dans le fonds écotechnologies, dotée de 150 millions d'euros délégués par l'ADEME à Bpifrance. La gouvernance de ce fonds a été jugée difficile par la Cour des comptes comme par France Stratégie. Il semble que s'opposent une approche plus « prudentielle » de Bpifrance et celle de l'ADEME qui, à partir d'une stratégie de filières, accepte de prendre un peu plus de risques pour garantir un continuum de financements et accompagner le développement des PME.
Si les financements du PIA en fonds propres doivent être des investissements « avisés » assumant un risque comparable à celui des investisseurs privés, il reste qu'une bonne connaissance des perspectives des filières innovantes doit permettre d'adapter la prise de risque publique aux exigences de la transition écologique. Ceci appelle une convergence des approches de Bpifrance et de l'ADEME.
Je souhaiterais d'abord remercier la corapporteure, Sophie Rohfritsch, pour ces premiers constats, et je voudrais commencer moi-même par souligner tout d'abord que le bilan de la mise en oeuvre du PIA est globalement satisfaisant. Son utilité et l'efficacité des différents opérateurs ne font pas de doute. Parmi les exemples de réussite issus du PIA, nous pouvons citer l'introduction en bourse de la société Fermentalg, qui est une société de biotechnologie industrielle spécialisée dans la production d'huiles et de protéines à partir de micro-algues. Cette société a bénéficié de l'investissement du fonds écotechnologie, géré par Bpifrance.
Toutefois, la mission doit aussi relever un écart important avec les objectifs initiaux du législateur et particulièrement avec les annonces faites par le Gouvernement lors du PIA 2. Il s'agit en premier lieu des redéploiements de crédits effectués au détriment des actions finançant la transition écologique.
La gestion extrabudgétaire des crédits du PIA permet au Premier ministre d'opérer rapidement des redéploiements de crédits entre actions selon des modalités qui échappent dans les faits très largement au contrôle du Parlement.
Ainsi, les actions du PIA finançant la transition écologique comptent pour un quart dans l'ensemble des redéploiements de crédits opérés depuis 2010 et surtout, il s'agit principalement de redéploiements à la baisse et de transferts de crédits vers des thématiques autres que la transition écologique.
Un montant de 1,6 milliard d'euros a été redéployé depuis le lancement des PIA en 2010, dans le domaine de la transition écologique : 228 millions ont certes servi à augmenter l'aide à la rénovation thermique des logements privés, et sont donc restés dans le domaine de la transition écologique, mais 1,37 milliard d'euros ont été transférés vers des domaines sans lien avec la transition écologique, notamment au profit de la défense. Les diminutions les plus fortes touchent l'ADEME et le programme Ville de demain.
Au total, les montants consacrés à la transition écologique sont passés de 7,92 à 6,55 milliards d'euros, soit une baisse de 17,3 %. À ce jour, la part de la transition écologique dans l'ensemble des crédits des PIA 1 et 2 est donc passée de 16,9 à 13,9 %, ce qui représente une baisse de 3 points.
Les actions du PIA dédiées à la transition écologique ont donc subi plus que d'autres des arbitrages budgétaires défavorables. Elles sont par exemple surreprésentées, en 2012, parmi les différents financements mobilisés pour abonder l'action du PIA 1 « Recapitalisation d'OSEO » dans le but de financer la création de la « Banque de l'industrie », Bpifrance. Les actions destinées au financement de la transition écologique ont contribué à cette opération à hauteur de 40 %. Il s'agit de crédits « détournés » de leur finalité initiale.
De même, la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 a abondé le programme « Excellence technologique des industries de défense » du PIA 2 de 170 millions d'euros de crédits de subventions provenant d'actions de l'ADEME. En outre, l'action Ville de demain a été mise à contribution, au profit de la défense à nouveau, en 2014, pour 82 millions d'euros de crédits de subventions.
Les crédits du PIA finançant la transition écologique étaient constitués à 91 % de dotations consommables : leur disponibilité immédiate a accru le risque de les mettre à contribution. Néanmoins, ces redéploiements ont parfois été facilités aussi par une relative sous-consommation initiale des crédits, en particulier entre 2012 et 2014.
La mission a examiné les motifs de ces retards : une partie a tenu à des lourdeurs auxquelles les opérateurs ont remédié depuis, mais une part s'explique par le temps nécessaire pour faire émerger des projets sur des sujets innovants dans un secteur émergent. D'autres secteurs industriels, plus matures, avaient logiquement plus de projets à proposer au financement dès le lancement du PIA.
Sur ce secteur plus nouveau, l'ADEME a dû établir, avec les professionnels, des feuilles de route stratégiques sectorielles afin de cibler les appels à projets vers les domaines présentant à la fois de véritables atouts pour la France et des perspectives de développement commercial, notamment à l'export. Il s'agissait ainsi d'éviter de chercher à financer des innovations dans des domaines où la production ne se ferait pas sur le territoire national, ou dans des segments où il n'existerait pas d'opportunités de marché en raison d'une demande trop faible, ou d'une concurrence déjà installée.
En revanche, le rythme de dépenses est systématiquement plus rapide lorsque le PIA se substitue à des crédits budgétaires pour financer des projets préexistants. Redéploiement de crédits et débudgétisation vont donc souvent de pair.
En tout état de cause, certains redéploiements ont été décidés avant même le lancement des programmes, par exemple pour les interventions de l'ANRU ou pour des enveloppes du programme « Véhicules du futur » issues du PIA 2. Ils ne sont donc pas dus à la montée en charge trop lente des programmes, mais à des priorités données à des actions nécessitant rapidement des fonds, souvent en remplacement de crédits budgétaires.
En conséquence, afin de limiter les redéploiements excessifs et facilitant la débudgétisation, nous proposons d'accroître le niveau d'information du Parlement sur les décisions du Premier ministre, lors de leur communication aux commissions, en faisant en sorte que soient indiqués les motifs des redéploiements de crédits et, surtout, leurs incidences sur la part des financements du PIA consacrés à la transition écologique et sur les appels à projets en cours.
Outre l'impact des redéploiements, la MEC doit également constater un écart entre les objectifs affichés et les résultats en ce qui concerne le principe d'éco-conditionnalité des aides défini en 2013.
Ce principe soumet à des objectifs de transition écologique des projets qui n'entrent pas directement dans ce domaine. Tout ou partie des neuf critères d'éco-conditionnalité retenus par le CGI constituent des éléments de « sélection secondaire », donc des critères de choix de second niveau ou de modulation du montant de l'aide. L'éco-conditionnalité paraît donc utile, mais la démarche n'est pas encore aboutie ni harmonisée. L'approche excessivement compartimentée entre opérateurs n'a pas permis de l'appliquer sur un périmètre suffisamment large.
La Caisse des dépôts et consignations, par exemple, n'a pas pu l'appliquer pour l'essentiel des actions du PIA 2 – ce qui a écarté plus d'un milliard d'euros de financements, y compris dans le domaine du numérique pourtant fort consommateur d'énergie ou de métaux rares.
Or, le Premier ministre avait, en 2013, présenté ce critère comme devant permettre le financement direct ou indirect de la transition écologique par 50 % des crédits du PIA 2. Cet objectif était manifestement hors d'atteinte.
Nous proposons donc que les opérateurs poursuivent leurs efforts pour mettre en oeuvre l'éco-conditionnalité de manière adaptée à chaque secteur, mais nous considérons que ce financement indirect de la transition écologique, ne doit pas servir à en minorer le financement direct. Ainsi, il ne saurait être retenu comme critère d'appréciation de la part des dotations du PIA 3 destinées à transition écologique.
En ce qui concerne la perspective du PIA 3, la sous-consommation constatée dans les premiers temps n'est plus d'actualité. L'expertise dans le repérage et le traitement des dossiers, ainsi que la maturation d'un secteur jusque-là émergent, ont permis d'atteindre un rythme de croisière.
Si l'engagement des enveloppes s'accélère depuis deux ans, il reste que les décisions de redéploiement prises jusqu'à présent ont diminué les financements potentiels, sur la durée, pour chacune des actions du PIA finançant la transition écologique : nous considérons donc que le PIA 3 peut être mis à profit pour en compenser les effets, qui s'élèvent, je le rappelle, à 1,3 milliard d'euros.
Le PIA 3 doit également être mobilisé pour financer les nouvelles opportunités que présentent, d'une part, les dynamiques suscitées par le PIA et, d'autre part, le nouveau contexte en matière de transition écologique.
Ainsi, et sous réserve, comme l'a souligné Sophie Rohfritsch, d'une meilleure lisibilité et d'une meilleure complémentarité avec les autres financements, qu'ils soient nationaux ou européens, on peut évaluer les financements nécessaires à la poursuite des actions consacrées à la transition écologique à 2 milliards d'euros dans le PIA 3. Cette suggestion est raisonnable, voire minimale, pour que la transition écologique puisse continuer à figurer parmi les priorités de la stratégie industrielle et commerciale de la France.
En tant que législateur, nous posons des exigences de transition de nos systèmes productifs en fixant des buts de développement durable. C'est aussi ce que fait nous faisons en ratifiant les conclusions de la COP 21. Or ces engagements appellent des investissements importants pour viabiliser les innovations techniques, mais aussi pour en déployer les effets en complément du financement de l'innovation. Il nous faut donc faire preuve de cohérence au plan budgétaire, mais aussi et surtout de plus de volontarisme et de constance dans les choix stratégiques.
Il apparaît par exemple de plus en plus nécessaire de financer le déploiement des nouvelles infrastructures de la transition écologique, mais les conditions d'utilisation du PIA en ce sens ne sont ni définies, ni clarifiées. Dans le PIA 1, 60 millions d'euros de subventions de l'ADEME destinées aux « Véhicules du futur » ont financé, de façon assez dérogatoire, des infrastructures de recharge sur la voirie pour les véhicules électriques. La question sera à nouveau posée, pour les bornes interopérables pour les véhicules électriques hybrides-hydrogène. Nous devons donc clarifier les conditions de financement public du déploiement des infrastructures qui amorcent les nouveaux marchés de la transition écologique, soit par une action identifiée du PIA, soit plutôt par des crédits budgétaires ou par le fonds de financement de la transition énergétique, en complément du PIA.
De même, le PIA a permis, de façon limitée, d'intervenir très en aval du financement de l'innovation, jusqu'au stade de la première exploitation commerciale, par exemple, en matière d'éoliennes offshore. Mais cette orientation n'est pas assumée, ni cadrée. Le PIA 3 doit donc permettre de fixer la doctrine de financement des premières exploitations commerciales, particulièrement au moyen de fonds propres par l'ADEME et le fonds SPI de Bpifrance.
Il faut également faire preuve de cohérence sur la durée : le programme de rénovation thermique « Habiter mieux » de l'ANAH financé par le PIA, est une réussite. Il est donc absolument indispensable d'assurer la pérennité du financement de cette action. Les ressources propres de l'ANAH pourraient ainsi être accrues à hauteur de l'objectif de rénovation thermique de 70 000 ou 100 000 logements par an. Nous considérons par ailleurs qu'il est possible d'identifier dans le PIA 3 un programme dédié à l'innovation en matière de rénovation énergétique, qui pourrait contribuer aux nouvelles formes d'intervention du programme « Habiter mieux », par exemple les interventions groupées dans les quartiers pavillonnaires.
De même, concernant les instituts pour la transition énergétique (ITE), des éléments concordants conduisent à penser qu'il est trop ambitieux d'exiger leur autofinancement en neuf années à partir des seuls revenus des droits de propriété intellectuelle tirés des recherches qu'ils pilotent. Des financements supplémentaires devront permettre de reporter cette échéance et de diversifier leurs ressources en élargissant leurs activités, par exemple par des prestations de services de démonstration.
Dans le domaine de l'urbanisme durable, où les financements actuels sont presque entièrement consommés, une nouvelle enveloppe paraît justifiée. Elle pourrait comporter des aides importantes pour un petit nombre de projets plus structurants assortis d'obligations d'exemplarité au niveau international. Il faudrait y ajouter l'appui à des projets conduits en réseau afin de soutenir l'innovation dans les villes moyennes, en tenant compte du rôle des régions et de la décentralisation d'une part plus importante des crédits du PIA 3.
À ce titre, il convient de veiller à la plus-value que peut représenter le programme « Ville durable » de l'ANRU, dont l'enveloppe reste à engager suite à la clôture de l'appel à projet en 2015, et qui pourrait, en fonction de ses résultats, faire l'objet d'un nouveau financement dans le cadre du PIA 3.
Pour conclure, des mesures d'ordre plus général peuvent accroître la mobilisation de financements privés dans la transition écologique et donc améliorer l'effet de levier des financements publics. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévue par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte facilitera par exemple le déploiement commercial des filières, grâce à une trajectoire définissant appels d'offres, tarifs d'achat et compléments de rémunération. Il faut donc la mettre en oeuvre dans sa globalité et sans tarder.
De même, il conviendrait d'instituer une obligation pour des acteurs financiers tels les mutuelles et les assurances de placer une partie minime de leurs investissements dans des projets innovants de la transition écologique. Il s'agit d'une proposition ancienne et souvent formulée, mais le besoin n'en est aujourd'hui que plus vif.
Je remercie les rapporteures de cette présentation extrêmement précise et complète. Je me bornerai à observer, en tant que président de la commission des finances et pour rassurer notamment Eva Sas, que nous sommes décidés à être très vigilants sur la relation entre redéploiements et débudgétisation.
En effet, dans la mesure où sont appliqués en début d'année des gels de crédits très importants, à hauteur de 8 %, pour faire face aux éventuels dépassements ou décisions nouvelles de dépenses, il est procédé ensuite à des annulations importantes sur des crédits dits « pilotables », qui se trouvent être des crédits d'investissement. Cela explique la tentation de substituer en partie aux crédits ainsi annulés, par redéploiement, des crédits du PIA. Cette méthode entraîne une dérive progressive du PIA vers le financement d'actions classiques, figurant dans le budget de l'État.
Dans le domaine écologique, comme Eva Sas l'a souligné, cette situation est d'autant plus sensible qu'une partie des actions au sein du PIA s'inscrivent dans le cadre de l'éco-conditionnalité. Nous ne sommes pas dupes de ce « coup de peinture verte » et devons rester très vigilants sur ce sujet. En effet, il y aura probablement un décret d'avance vers le mois d'octobre ou novembre prochain, et nous devrons être très vigilants aussi lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative de fin d'année, qui prévoira probablement des redéploiements de crédits en provenance du PIA pour des montants encore plus importants que les années précédentes.
Je vous remercie pour votre rapport, qui permet de donner plus de visibilité aux PIA 1 et 2 et aux sommes engagées. Ceux-ci s'élèvent 47 milliards d'euros, tandis que le PIA 3 est attendu pour un montant 10 milliards d'euros. Au sein des PIA, les crédits pour la transition écologique étaient annoncés comme prioritaires ; or ils ne représenteraient que 17 % des crédits. Un rapport sénatorial évoque cependant des sommes plus importantes. Qu'en est-il exactement ?
De multiples acteurs concourent à la mise en oeuvre de la transition écologique, tels que la BPI, la Caisse des dépôts, l'ANRU, l'ANAH, ou encore l'ADEME. Cette multiplicité d'opérateurs, et la répartition des compétences opérée entre ces derniers, vous paraissent-elles pertinentes ? Par exemple, la Caisse des dépôts finance les territoires à énergies positives hors PIA, alors que l'ANAH dispose, dans le cadre des PIA, de crédits destinés au programme de rénovation de l'innovation thermique des logements. Cela rejoint la question de la gouvernance et du portage transversal des crédits des PIA.
L'ADEME est le principal opérateur de la transition écologique, pour un total de crédits qui s'élèverait à environ 3 milliards d'euros. Son budget a néanmoins été amputé de près de 800 millions d'euros, qui ont été redéployés. Quel a été l'impact de ces redéploiements ? Ont-ils handicapé le lancement de ses programmes ? Par ailleurs, les procédures de cet organisme étaient réputées être les plus longues, et les plus lourdes. Les délais d'instruction ont-ils été raccourcis ? Cela se traduit-il au niveau du rythme de décaissement des crédits ?
Sur la question de l'efficacité du dispositif, êtes-vous entrées en contact avec le comité d'experts chargé de l'évaluation à mi-parcours du PIA pour en mesurer l'efficacité, tant vis-à-vis des organismes de recherche, que vis-à-vis des entreprises ?
Enfin, le mécanisme de décentralisation peut-il permettre le développement de projets innovants et favoriser les PME ?
Je félicite les deux rapporteures pour cet excellent travail. Il avait été prévu de financer par le PIA, à hauteur de 1 milliard d'euros, neuf « instituts d'excellences sur les énergies décarbonées » (IEED), qui ont été labellisées à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012. Ces organismes, renommés depuis « instituts de la transition énergétique » (ITE), avaient pour but de redonner de la compétitivité économique et de permettre à la France d'acquérir des savoirs de pointe favorisant le développement d'une économie sans carbone. Toutefois, sur les treize dossiers présentés, trois ont perdu leur labellisation, tandis qu'un autre devrait être arrêté prochainement. Les neuf autres sont en cours d'évaluation. Il semble donc que ces programmes n'aient pas atteint leurs objectifs. Selon un rapport d'étape du comité d'experts sur l'évaluation des PIA publié en mars dernier, il apparaît que ces institutions se sont lancées sur des marchés inexistants ou trop peu développés. De plus, ils sont souvent de trop petite taille pour être performants. Dans un souci de simplification, le comité recommande de transformer les ITE survivants en « instituts de recherche technologique » (IRT), plus performants. Ces transformations successives donnent le sentiment de mauvais choix stratégiques en termes structurels. J'aurais souhaité avoir votre analyse sur cette question.
Quant à l'ADEME, elle permet de financer de nombreuses opérations. On peut facilement contrôler la gestion de ces opérateurs au niveau des collectivités locales, mais peut-on le faire également pour les entreprises ?
Enfin, vous dites que les partenaires privés ne tirent pas véritablement parti des incitations fiscales permettant la rénovation thermique de leurs logements. Ces derniers ont-ils accès à une bonne publicité, et savent-ils à qui s'adresser ?
À tout seigneur, tout honneur : les PIA correspondent au grand emprunt de Nicolas Sarkozy en 2008, aux 35 milliards d'euros du gouvernement Fillon, et aux 12 milliards du gouvernement Ayrault. Nous soutenons cette politique de grand emprunt et d'investissements d'avenir, mais nous déplorons des redéploiements toujours plus vastes, une consommation de crédits de moins en moins importante, ainsi que des problèmes de gouvernance.
C'est ainsi que le 18 mai dernier, le secrétaire d'État au budget, M. Christian Eckert, a présenté un projet de décret d'avance qui prévoyait d'annuler 150 millions d'euros de l'action « Démonstrateurs de la transition énergétique et écologique » du PIA, au profit du fonds d'aide à la rénovation thermique géré par l'ANAH, qui doit financer l'engagement pris par le Gouvernement de porter à 70 000 le nombre de logements rénovés en 2016.
Le rapport remis par le comité d'experts chargé de l'examen à mi-parcours du PIA, en mars dernier, souligne quant à lui la difficulté à consommer les crédits alloués à la transition écologique, alors qu'il s'agit pourtant d'un objectif prioritaire. Un travail de réflexion plus spécifique doit donc être conduit pour les actions en lien avec la transition énergétique. Une enveloppe totale de 1,7 milliard d'euros avait été prévue dans le cadre des PIA 1 et 2 pour l'action « Démonstrateurs » de l'ADEME, portant sur les énergies renouvelables et décarbonées. Toutefois, au troisième trimestre 2015, seuls 650 millions d'euros avaient été engagés, en raison du nombre insuffisant de projets soumis. Comment améliorer cette situation ?
Ce rapport met également en exergue des difficultés en termes de gouvernance : quel est votre ressenti à ce sujet ?
Dans son rapport, le comité d'experts indépendants a constaté que certaines actions ne finançaient pas les dépenses exceptionnelles d'investissement, mais uniquement des dépenses supprimées au sein du budget de l'État. Ce constat a été corroboré par la Cour des comptes. Qu'en est-il plus spécifiquement des PIA finançant la transition écologique ?
Par ailleurs, les efforts effectués pour accélérer et simplifier les procédures de sélection des projets dans le domaine de la transition écologique ont-ils été suffisants ? Ne faudrait-il pas adapter les procédures à la taille et aux caractéristiques des projets à financer ?
Enfin, combien de projets ont été financés, et ont abouti de manière significative, dans le cadre des PIA finançant la transition écologique ?
Je voudrais féliciter et remercier les rapporteures pour leur présentation. Lors du travail que nous avions mené avec Alain Claeys sur les PIA consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche, nous avions abouti au même constat à propos de l'importance des redéploiements de crédits. Madame Sas, vous soulignez que ces redéploiements s'élèvent à 25 % des crédits. Votre proposition n° 2 recommande notamment d'être très vigilant à cet égard, pour éviter que les financements extrabudgétaires ne donnent lieu à des redéploiements de crédits par annulation sur les programmes récurrents. Pourriez-vous nous dire quelles sont les autres mesures envisageables pour que le Parlement puisse agir avant même la prise de ces décisions ?
Je me pose toujours la question de l'utilité et de l'efficacité de la dépense publique. En tant que rapporteures, vous nous avez expliqué que celle-ci est justifiée notamment par la rénovation thermique des logements, qui est un succès. Il a d'ailleurs fallu augmenter la dotation de 45 %, de 500 millions à 728 millions ; il s'agit d'ailleurs là de la seule dotation qui ait été augmentée, toutes les autres ayant été réduites. Les instituts pour la transition énergétique constituent une autre justification de la dépense, mais parmi ces instituts, on compte trois échecs, et pour les neuf autres, la situation est mitigée. Concernant les autres grands volets de la dépense, comment évaluez-vous la situation ? Peut-on en apprécier l'efficacité ?
La mise en place du fonds Écotechnologies doté de 150 millions d'euros va dans le sens d'une meilleure prise en charge des besoins écologiques futurs. Cette logique doit être pleinement encouragée et soutenue. Des difficultés de gouvernance ont toutefois accompagné sa mise en place en raison d'une différence de culture entre l'ADEME et la BPI. Qu'en retenez-vous et que pouvez-vous nous dire sur ce point ? Pour ma part, il me semble que tous les enseignements doivent être tirés afin que puisse être défini un pilotage efficace, alliant expertise technique et expertise financière, des différentes actions contenues dans le PIA en lien avec la transition énergétique.
Les énergies renouvelables occupent une place prépondérante dans les principaux programmes d'investissement d'avenir – environ 80 % des crédits consacrés à l'énergie. Il reste qu'aujourd'hui, les énergies renouvelables ont des difficultés à être rentables. Il y a des problèmes techniques liés à l'intermittence de ces énergies : on ne sait pas encore stocker l'électricité en grande quantité, mais il y a surtout des problèmes de coût : ces énergies sont chères et non compétitives. Elles sont donc grandement dépendantes de la dépense publique, ce qui va à l'encontre des orientations de l'emprunt national. Comment envisagez-vous ce point ?
Ma seconde observation concerne l'amélioration de l'accès au financement des PME. Vous avez souligné que 24 % du financement de l'ADEME va en direction des PME, ce qui est insuffisant. Comment développer ce financement, notamment en direction des filières économie verte, agricole et agroalimentaire où existent de vrais enjeux de développement économique et de développement durable ?
Des prêts sont mis en place jusqu'à fin 2016 pour soutenir les investissements de transition énergétique. Il s'agit de financer des projets exemplaires en termes d'innovation et de performance énergétique, portés, bien sûr, par des PME. Les projets des entreprises doivent s'inscrire dans la stratégie énergétique et écologique des collectivités lauréates de l'appel à projets intitulé « territoires et énergies positives pour la croissance verte ». J'aimerais savoir si ce dispositif sera prolongé au-delà de l'année 2016. Il a été très apprécié par les PME concernées, comme j'ai pu le constater dans ma circonscription en Mayenne.
Ma première question concerne la part consacrée à la transition énergétique, qui est passée de 13,9 % à 16,9 % des PIA. Peut-on distinguer entre le PIA 1 et le PIA 2, sachant que les programmes sont encore en cours ? Je me souviens des annonces du Premier ministre selon lesquelles 50 % du PIA 2 seraient consacrés à la transition énergétique. Le PIA 3 va venir s'ajouter. Tout cela se mélange. PIA après PIA, on peut estimer qu'il faut être plus exigeant sur la part consacrée à la transition énergétique. Pourriez-vous préciser quelles sont les parts respectives du PIA 1 et du PIA 2 consacrées à la transition énergétique ?
Ma seconde question concerne les 1,37 milliard d'euros de redéploiements. Quelle est la part de ce montant liée à une sous-consommation de crédits. Je me souviens, par exemple, que le projet Lucos, de plus de 100 millions d'euros, n'a pas pu se réaliser.
Je retiens de votre analyse – mais j'aimerais vérifier que je comprends bien votre message – qu'il y a un problème de visibilité sur une politique centrale de ce quinquennat, portée par une loi présentée comme très importante. Les montants présentés ici, qui sont certes relativement importants, ne sont pas forcément à la hauteur des chiffrages qui ont pu circuler sur les besoins en matière de transition écologique. Je constate une forme de saupoudrage, avec des priorités parfois entremêlées.
Il est clair qu'il y a une contradiction entre d'un côté, une publicité importante sur la transition écologique, présentée comme un grand virage, et de l'autre, la réalité – ce que vous appelez des redéploiements de crédits – que j'appelle pour ma part, plus simplement, des réductions des crédits destinés à cette grande priorité. Cela doit évidemment interpeller la majorité, mais aussi, plus généralement, tous les parlementaires. En effet, le Parlement vote des orientations et s'aperçoit ensuite que dans la mise en oeuvre, par des mécanismes de bonneteau, la balle n'est pas exactement sous la tasse qui était attendue. Voilà ce que je retiens de votre rapport et que je voudrais vérifier, même si je le dis de manière un peu crue.
Le rapport est un problème, non pas par sa qualité – et je tiens d'ailleurs à saluer la qualité du travail de nos rapporteures – mais parce qu'il souligne l'immense complexité des circuits que l'on met en place. Qu'il faille un travail parlementaire aussi long et approfondi pour essayer de comprendre le système est un vrai problème en soi, d'autant plus que les circuits mis en place – vous l'avez souligné avec diplomatie – ne sont pas toujours lisibles par nous-mêmes. La complexité de ces dispositifs, l'absence d'harmonie entre les uns et les autres, l'incapacité de croiser les actions entre les différents opérateurs posent des problèmes sur le terrain. Ces problèmes semblent expliquer en partie la faiblesse d'un certain nombre de résultats que vous avez présentés.
Je voudrais insister sur deux points. D'abord, peut-on avoir une clarification sur les rémunérations des opérateurs prélevées sur ces programmes ? Il s'agit d'opérateurs publics qui fonctionnent grâce à de l'argent public. On peut imaginer qu'il faille regarder de près la façon dont ils prélèvent leur rémunération sur les programmes pour leurs propres besoins.
Ensuite, Monsieur le Président, j'ai entendu la déception de nos rapporteures de ne pas avoir pu rencontrer les ministres en charge de ces sujets. La commission des finances pourrait peut-être leur demander de venir nous expliquer leur vision des choses. C'est bien le moins, compte tenu des montants constatés !
Effectivement, comme le disait tout à l'heure Sophie Rohfritsch, il y a un manque de vision d'ensemble pour préserver la doctrine. Il importe maintenant à nos deux commissions de suivre avec attention cette évolution.
J'ai également une question précise. Dans la filière véhicules du futur, vers laquelle 950 millions d'euros ont été fléchés, connaissez-vous le montant fléché vers les véhicules à hydrogène ?
Mme Lignières-Cassou, vous avez remarqué que les sénateurs ont identifié une enveloppe plus importante pour la transition écologique. C'est sans doute parce que le nucléaire est parfois inclus dans le développement durable. Ce choix est évidemment contestable. En tout cas, il ne s'agit pas d'une énergie renouvelable. Par ailleurs, le périmètre des crédits alloués à la transition écologique est assez mal identifié et nous avons dû mener sur ce point un travail important. On affiche la transition écologique comme un objectif prioritaire, mais on ne dispose pas des outils nécessaires pour suivre l'évolution de sa réalisation. Voilà pourquoi notre première préconisation vise à permettre une meilleure identification du domaine de la transition énergétique et la mise en place d'un suivi.
Vous nous avez interrogées sur la multiplicité des opérateurs. Le nombre d'opérateurs gérant le PIA fait effectivement débat aujourd'hui. Il serait sans doute plus opportun, pour la lisibilité et l'efficacité de la gouvernance, d'avoir un nombre plus réduit d'opérateurs. Je voudrais toutefois souligner que cela ne doit pas conduire à la réduction ou à la suppression de certains programmes. Je pense à des programmes de l'ANRU ou de l'ANAH qui sont très efficaces. Une réduction du nombre d'opérateurs – par exemple, si l'ADEME devenait l'opérateur central – ne doit pas leur porter atteinte.
Vous m'avez interrogée au sujet de l'impact des redéploiements. Ils ont deux types de conséquences. D'une part, certains appels à projets n'ont pas du tout été lancés ; d'autre part, les enveloppes PIA 1 et PIA 2 arriveront à leur terme en 2019 pour les principaux programmes, au lieu de 2024, en raison de la diminution de leurs montants. D'où la nécessité d'avoir un PIA 3 qui pourra financer ces mêmes actions.
S'agissant de l'intérêt de la pluriannualité et du caractère interministériel des programmes, nous avons un avis très favorable. La pluriannualité est indispensable – contrairement à ce que Charles de Courson prône parfois –, mais elle ne doit pas permettre d'échapper au contrôle du Parlement, ce qui est aujourd'hui le cas, malheureusement.
Monsieur Kossowski, vous avez évoqué la question des ITE en indiquant que trois d'entre eux ont perdu leur label. Je pense que ce constat est plutôt positif, en ce qu'il traduit la capacité qu'a l'État à arrêter des programmes qui ne fonctionnent pas. La sélection des ITE est réelle. Vous avez suggéré de transformer les ITE et IRT. Les entreprises sont moins impliquées dans les IRT que dans les ITE, parce que ces instituts n'ont pas le statut de société par actions simplifiée (SAS). Nous avons auditionné des entreprises comme Safran et Air Liquide, qui sont tout à fait favorables aux ITE. Il est vrai que nous avons observé des difficultés dans leur mise en place. La difficulté à travailler collectivement, qui est peut-être spécifiquement française, a pu empêcher un déploiement rapide des ITE, notamment à cause de la question du partage des droits de propriété intellectuelle issus de leurs travaux. Il faut travailler spécifiquement sur ce point pour faciliter leur mise en oeuvre.
Monsieur Pancher, vous constatez la difficulté à consommer les crédits alloués. Cela a été vrai, mais cela l'est de moins en moins. Il y a une grande efficacité de l'ADEME, d'une part à traiter les projets et, d'autre part à identifier les projets qui peuvent être pertinents. Elle a adapté ses appels à projet aux PME. Pour le coup, cela a un effet de moindre consommation des crédits, car les PME consomment évidemment moins de crédits que les grandes entreprises. Globalement, un rythme de croisière a été atteint, même s'il existe deux bémols, dans le domaine de l'économie circulaire et dans le domaine de la biodiversité, où il y a encore des difficultés à identifier des projets et à développer ces secteurs.
Monsieur Plisson, vous posez une question sur le nombre de projets aboutis. Il est possible de vous donner des chiffres, mais je ne suis pas certaine que cela serait très pertinent. J'ai cité l'exemple de l'introduction en bourse de Fermentalg. Les projets sont très différents entre eux. On ne peut pas comparer un ITE et la réussite d'une PME financée par BPIfrance. En tout état de cause, les grandes entreprises et les PME que nous avons auditionnées ont toutes souligné la pertinence des PIA et l'importance qu'il y a à poursuivre ces programmes, dans un objectif de développement commercial. Il existe des opportunités de marché. La France est déjà en retard dans certains domaines de la transition écologique. Dans beaucoup de secteurs, comme les énergies renouvelables, il n'y a plus d'opportunités de marché, car d'autres pays les ont déjà saisies. À l'inverse, dans certains domaines, les réussites constatées encouragent à la poursuite de ces programmes.
Monsieur Chevrollier, je vais vous répondre sur la question du coût des énergies renouvelables. Je suis en désaccord avec ce que vous avez dit. Je voudrais rappeler qu'aujourd'hui, le coût du kilowattheure issu de l'éolien terrestre est inférieur au coût du kilowattheure de l'EPR. Il n'est plus vrai que les énergies renouvelables sont coûteuses. Il faut donc les développer et c'est un des objectifs des PIA.
Monsieur Alauzet, pour le PIA 1 et le PIA 2, un tableau figurant dans le rapport montre que, dans le cadre du PIA 2, 2,07 milliards d'euros étaient prévus pour la transition écologique. Cette enveloppe a déjà été réduite de 238 millions d'euros qui ont été redéployés, soit 11,5 % des crédits initiaux. On observe malheureusement les mêmes phénomènes que pour le PIA 1. La même part initiale de crédits, à peu près, y était consacrée à la transition énergétique et, dans les deux cas, les redéploiements risquent de se poursuivre. Il n'y a donc pas de différences fondamentales entre PIA 1 et PIA 2 et la transition écologique est toujours mise à contribution pour financer d'autres actions considérées comme plus urgentes, comme le financement des opérations de défense.
Je réponds maintenant à M. Aubert en lui indiquant qu'il a tout à fait raison de pointer la contradiction entre les annonces faisant de la transition écologique une priorité et la réalité. On aurait pu imaginer qu'une montée en charge lente aurait justifié des redéploiements de crédits internes à la transition écologique. Or ce n'est pas le cas. Donc il ne faut pas se leurrer : les redéploiements financent bien des besoins de crédits budgétaires sur des opérations qui n'ont pas été budgétées en loi de finances initiale.
Enfin, M. Jégo soulignait la complexité des programmes en matière de transition écologique. Je crois que la complexité est inhérente à ce type d'actions et qu'elle est nécessaire. Les PIA sont destinés à financer des opérations et des actions à caractère transformant. La chaîne va du financement de la recherche par l'ANR en amont, notamment à travers des ITE, au financement des start-up par la BPI en aval. Les circuits de financement sont donc divers et les opérateurs multiples. Il est vrai que le système est complexe. Je pense qu'il répond tout de même aux besoins qui vont de la recherche en amont jusqu'à l'exploitation commerciale. Cette complexité est difficile à gérer, mais elle est nécessaire pour financer l'innovation en matière de transition énergétique.
En réponse à une question de Martine Lignières-Cassou, je souhaitais confirmer qu'il existe en effet une pluralité d'opérateurs dans ces domaines. La commission Juppé-Rocard avait toutefois préconisé, dans le domaine spécifique de l'énergie, la création d'une nouvelle agence à la structure très légère et souple, qui permettrait d'identifier les bonnes idées et les nouveaux marchés.
Concernant les redéploiements, ils ne posent pas de difficultés à ce stade pour l'ADEME mais, à terme, elle ne pourra plus lancer de nouveaux appels à projets : des financements devront donc être restitués dans le PIA 3.
Je répondrai par ailleurs à Patrick Hetzel que, si l'instruction des projets est globalement satisfaisante, il faut certainement améliorer leur évaluation, qui est encore balbutiante à ce jour ; cette amélioration permettrait de sélectionner les programmes qui méritent d'être développés.
Monsieur Chevrollier, pour les PME il faut effectivement veiller à un continuum dans le service public de l'innovation. La coordination en amont doit être renforcée par une agrégation plus efficace des données disponibles.
Monsieur Sermier, il n'y a pas de financement direct de véhicules hydrogènes mais trois projets sont financés dans le domaine de l'énergie hydrogène pour un total de 24 millions d'euros. Notre pays doit être identifié à l'international dans plusieurs domaines-clés que sont notamment l'énergie marine, la chimie, les réseaux intelligents et le photovoltaïque. Dans ces domaines, un financement de long terme est fondamental.
Existe-t-il un rapprochement entre les crédits affectés à une politique donnée par le biais du crédit d'impôt recherche (CIR) et par le biais des PIA ?
Il n'existe pas de coordination dans ces deux domaines et il s'agit d'ailleurs de l'une de nos préconisations.
En conclusion, je note que les critiques récurrentes de la Cour des comptes sur la gestion de ces crédits nous appellent à une grande vigilance dans le cadre de la procédure budgétaire. Certaines sous-consommations posent question et le Parlement doit savoir quelles en sont les raisons.
En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les programmes d'investissements d'avenir (PIA) finançant la transition écologique.
La commission examine le rapport de la mission d'information sur la taxation des produits agroalimentaires (Mme Véronique Louwagie, présidente, et M. Razzy Hammadi, rapporteur).
J'ai eu le plaisir, en tant que présidente de la mission d'information, de travailler avec notre collègue Razzy Hammadi depuis le mois de janvier dernier sur ce sujet, vaste et varié, qu'est la taxation des produits agroalimentaires. Nous nous sommes notamment efforcés de prendre en compte les travaux menés, en 2014, par nos collègues sénateurs Yves Daudigny et Catherine Deroche sur la fiscalité comportementale – même si le champ de nos travaux, qui n'incluait pas le tabac, était un peu différent.
Le thème de notre mission couvrait un champ vaste non seulement par le nombre de taxes concernées – nous en avons identifié plus d'une vingtaine, qui s'ajoutent à la TVA –, mais aussi par la diversité des produits alimentaires concernés. À cet égard, nous avons opté pour une conception large de notre sujet d'étude : nous avons analysé les taxes qui pèsent, depuis la production jusqu'au consommateur final, non seulement sur les aliments, mais aussi sur les boissons, y compris l'eau, les sodas et les boissons alcoolisées, qui sont elles-mêmes très diverses et soumises à des droits d'accise différents. En revanche, nous nous sommes concentrés sur les seules impositions de toutes natures, et notre rapport ne mentionne que pour mémoire les nombreuses redevances et « contributions volontaires obligatoires » (CVO) qui sont la contrepartie d'un service rendu aux professionnels concernés et ont vocation à structurer les filières.
Au total, les vingt-et-une taxes identifiées par la mission représentent tout de même près de 4,7 milliards d'euros de recettes publiques, soit près de 15 % du rendement actuel de l'impôt sur les sociétés. Ces taxes sont présentées dans le rapport sous forme de tableau récapitulatif et y sont ensuite analysées.
Notre travail nous a conduits à rencontrer un grand nombre d'acteurs, au cours de la trentaine d'auditions que nous avons menées : producteurs agricoles, industries agroalimentaires, distributeurs, associations de consommateurs, et bien sûr les différentes administrations concernées, qu'il s'agisse de ministères ou d'organismes bénéficiant actuellement de l'affectation du produit de certaines taxes, tels que la Mutualité sociale agricole (MSA).
Nous avons eu pour objectif prioritaire de rechercher l'efficacité et une meilleure lisibilité de cette fiscalité, car les taxes existantes sont trop compliquées, trop nombreuses et fonctionnent parfois mal. On peut faire mieux et plus clairement en réformant notre système, sans dégrader les finances publiques – je laisserai au rapporteur le soin de vous présenter nos propositions. Les réponses que nous avons obtenues en interrogeant les parlements des États membres du Conseil de l'Europe, que je tiens à remercier de leur coopération, confirment que la sédimentation historique de taxes dont nous disposons dans ce domaine est une singularité : nous sommes le seul pays à disposer de certaines de ces taxes, parfois archaïques et difficiles à recouvrer, comme celles sur les farines ou sur les huiles végétales.
Nous avons constaté que les taxes existantes créaient de nombreuses distorsions économiques, et avaient parfois « manqué leur cible », comme c'est le cas par exemple de la taxe sur les boissons dites énergisantes, qui frappe d'autres boissons contenant de la caféine (telles que les cafés latte vendus au détail), mais pas les boissons énergisantes à proprement parler.
D'autres imperfections nous sont apparues en ce qui concerne la structure des taux de TVA : le taux de 5,5 % n'est pas applicable à tous les produits alimentaires : certains produits, comme le caviar, la confiserie, la margarine ou divers produits à base de chocolat restent taxés au taux de 20 %. Mais les exceptions qui conduisent à appliquer le taux normal de TVA ne sont pas toujours convaincantes et nuisent à la cohérence de l'ensemble : c'est notamment le cas pour la margarine et pour certains produits chocolatés – c'est ainsi que le rocher au chocolat n'est pas taxé de la même manière que le « mini-rocher », à composition identique, pour des raisons de poids et de diamètre. Le rapport comprend bien sûr d'autres exemples du même type, qui donnent lieu à de multiples distorsions fiscales entre produits extrêmement proches, et l'ensemble paraît assez absurde.
Nous avons aussi étudié la façon dont la taxe sur les boissons sucrées et édulcorées, mise en place en 2012 avec un taux relativement faible (environ 2,5 centimes par canette de 33 centilitres), n'a entraîné qu'une baisse légère et temporaire de la consommation, qui a ensuite continué à augmenter à partir de 2013. Dans ce domaine, les études montrent qu'il faut que la hausse de taxe soit sensible pour pouvoir entraîner un signal-prix clair et perceptible par les consommateurs ; ils peuvent alors reporter une partie de leur consommation vers d'autres produits, dont la consommation ne présente pas les mêmes inconvénients sanitaires.
En matière de boissons alcoolisées, nous avons constaté que la complexité du système actuel s'explique largement par les règles imposées par le droit de l'Union européenne et qu'il est important de préserver cette fiscalité, très productive et répondant à des objectifs de santé publique bien évidents.
D'une manière générale, et sans m'étendre sur les propositions du rapport, notre approche a consisté à privilégier le plus possible la neutralité fiscale, et de ne s'en éloigner que lorsqu'il y a de bonnes raisons de le faire, pour des motifs d'intérêt général et avec des outils qui fonctionnent. Nous avons donc voulu prendre en compte les préoccupations sanitaires ou environnementales, mais encore faut-il que cela puisse être efficace en pratique. Ainsi, notre travail a placé au centre de ses préoccupations le fonctionnement et l'impact économique de ces taxes, en lien avec la situation des producteurs agricoles, en amont dans chaque filière.
Ce voyage à travers notre fiscalité agroalimentaire a été instructif : il nous a montré qu'elle s'est trop compliquée au fil du temps, avec une certaine créativité qui s'exprime dans des lois qui ne sont pas toujours des lois de finances. Nous estimons que, pour un même montant global de recettes, nous pouvons faire mieux et plus simplement, en supprimant de nombreuses taxes.
Notre rapport comporte une quinzaine de propositions pour moderniser la fiscalité qui pèse sur mos produits agroalimentaires. Nous avons souhaité entendre les arguments du plus nombre. Le nombre des auditions auxquelles nous avons procédé le démontre. Nous avons également souhaité comparer la situation de la France avec les politiques menées dans les autres pays européens.
Notre premier constat est celui d'une accumulation historique de taxes qui n'a quasiment pas son pareil en Europe. Outre les redevances et les contributions volontaires, on recense vingt-et-une taxes directement liées à des produits alimentaires et pesant le plus souvent sur l'amont des filières, c'est-à-dire le producteur ou l'importateur, sachant qu'il s'y ajoute la TVA, intervenant au stade de la vente des produits au consommateur final. Le produit de ces taxes est de 4,7 milliards d'euros avec des rendements très hétérogènes. Les quatre taxes pesant sur les boissons alcoolisées ou sucrées rapportent plus de 4,1 milliards d'euros, tandis que huit taxes ont un faible rendement, compris entre 10 et 150 millions d'euros chacune, et neuf taxes ont un rendement inférieur à 10 millions d'euros. Ces micro-taxes provoquent une maxi-complexité ; leur utilité doit donc être démontrée.
Le consommateur final a rarement connaissance de ces taxes, sauf des plus rentables ; pourtant elles pèsent lourdement sur certaines filières de production sans s'inscrire nécessairement dans une logique sanitaire ou environnementale. Elles peuvent menacer économiquement la survie de certaines d'entre elles. C'est par exemple le cas des taxes sur les farines ou sur les huiles, dont la liquidation et le recouvrement posent des problèmes importants, en particulier quand il faut trouver la quantité d'huile ou de farine incorporée dans le produit fini – comme un biscuit par exemple. Cela suppose la transmission, notamment à l'administration des douanes, de formulaires papier. La complexité de ces procédures pénalise souvent les exportations françaises alors qu'elles en sont normalement exonérées. En sens inverse, l'application de ces taxes aux importations qui y sont en principe soumises reste lacunaire pour les mêmes raisons.
Il existe sept tarifs selon les différentes huiles végétales et c'est l'huile d'olive qui est la plus taxée. Ces taxes ont été créées au début des années 1960, uniquement dans un objectif de rendement budgétaire. Le rapport propose leur suppression. L'objectif n'est pas de priver les organismes affectataires, en l'occurrence la Mutualité sociale agricole, de leurs ressources : je précise que toutes les fois où la mission propose la suppression d'une taxe, elle préconise d'affecter un produit équivalent à l'organisme qui en bénéficie actuellement. Les taxes sur les huiles et les farines représentent au total 170 millions d'euros, qu'il nous faut donc compenser par d'autres recettes, j'y reviendrai.
Concernant les huiles, et notamment l'huile de palme, sujet actuellement débattu dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité, les critères à prendre en compte devraient être ceux du développement durable au sens large et ne sauraient cibler un type d'huile en particulier.
Parmi les taxes dont nous recommandons la suppression figure le droit spécifique sur les boissons non alcooliques qui constitue pour la MSA une recette de 75 millions d'euros mais donne lieu à de trop nombreux cas de cumuls d'imposition. La mission propose aussi de supprimer plusieurs autres petites taxes peu rentables, qui sont affectées à d'autres organismes : la taxe sur les céréales, la taxe sur les produits de la mer, la taxe pour le développement de l'industrie des corps gras, les droits sur les produits bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée, ou encore la taxe sur les boissons dites énergisantes. Finalement, si vous vous engagez dans la procédure de l'appellation protégée, vous devenez redevables d'une taxe !
Dans le cas des boissons dites énergisantes, si la suppression nous paraît préférable, c'est tout simplement parce que la taxe a « manqué sa cible » : pour des raisons liées à son histoire juridique, elle est devenue une taxe sur les boissons caféinées et ne rapporte plus que 3 millions d'euros, provenant de boissons telles que les cafés latte, mais nullement des boissons énergisantes, dont la composition a été modifiée pour éviter la taxe.
Au total, la mission propose donc de supprimer huit taxes pesant spécifiquement sur des produits agroalimentaires et ne paraissant plus justifiées : cela représente au total, pour les organismes affectataires, une perte de recettes estimée à 296 millions d'euros. Si nous y parvenons, nous aurons donc déjà fait un grand pas vers la simplification de notre système fiscal, au profit de nos producteurs, de nos entreprises mais aussi de nos consommateurs.
La recherche d'une plus grande simplicité et neutralité fiscale devrait aussi nous guider pour ce qui concerne les taux de TVA applicables à l'alimentation à domicile : actuellement, le taux appliqué est de 5,5 %, sauf dans quatre cas où le taux normal de 20 % est applicable par exception. Nous proposons d'appliquer le taux réduit de 5,5 % à la margarine (constituée d'huiles végétales), car il n'existe aucune raison nutritionnelle de maintenir un écart de 15 points avec le beurre, constitué de graisses animales et beaucoup plus riche en acides gras saturés : nous avons consulté à ce sujet les parlements des autres États membres du Conseil de l'Europe et il en ressort que, parmi la trentaine de réponses reçues, seule la Belgique taxe différemment ces deux produits, et encore avec écart de taux trois fois moins importants qu'en France.
Pour les produits à base de chocolat, l'application de la TVA nous a paru particulièrement peu cohérente, illisible et presque absurde, car elle conduit à taxer tantôt à 20 %, tantôt à 5,5 % des produits très proches. Ces règles sont beaucoup trop compliquées et distinctes des enjeux sanitaires pour être pertinentes. Elles n'ont été mises en place, il y a une dizaine d'années, que pour limiter la perte de recettes qu'engendrerait une application uniforme du taux de 5,5 % à ces produits. Nous proposons d'aller au bout de la logique et de clarifier le système en appliquant le taux de 5,5 % à tous les produits à base de chocolat, à l'exception des barres chocolatées, qui devraient toutes être soumises au taux de 20 % en raison de leur mode de consommation et de leur composition riche en acides gras saturés et, surtout, en sucres. Nous avons reçu des alertes d'organismes de prévention sanitaire au sujet de cas de diabète de type 2 chez des enfants de douze ans en milieu rural et dans certains quartiers.
D'après nos estimations et avec l'appui fourni par la direction de la législation fiscale, nous estimons que cette mesure, ajoutée à celle sur la margarine, entraînerait pour l'État une perte de recettes d'un peu plus de 300 millions d'euros. Nous proposons, là encore, de la compenser par l'augmentation d'autres recettes relevant de la fiscalité agroalimentaire.
Pour d'autres taxes, comme celles pesant sur les alcools, même lorsqu'elles rapportent peu comme celle sur les boissons dites « prémix », elles jouent un rôle sanitaire essentiel et il ne nous semble pas du tout envisageable d'en alléger le poids. Nous remarquons toutefois, comme la Cour des comptes l'a fait la semaine dernière dans un rapport public sur les politiques de lutte contre les consommations nocives d'alcool, qu'il existe de grandes différences de taxation entre types d'alcool. D'un point de vue sanitaire, il serait plus cohérent que la taxation soit toujours indexée sur la quantité d'alcool pur contenue dans ces boissons, mais il faut bien sûr tenir compte de la situation économique des filières concernées. Dans ce domaine, la stabilité nous paraît pour l'instant préférable, mais nous suggérons pour l'avenir, d'étudier une simplification des modalités de liquidation prévues par le droit de l'Union européenne pour ces divers droits d'accises.
J'ai indiqué tout à l'heure que nos propositions représentaient au total des baisses d'un montant global de près de 600 millions d'euros. Quelle recette peut-on mobiliser pour compenser ces mesures de simplification et d'harmonisation de notre fiscalité agroalimentaire ? Au vu des éléments recueillis en audition et dans divers documents dont la mission a pris connaissance, un droit d'accise déjà existant nous paraît pouvoir procurer le rendement attendu, tout en s'inscrivant dans une logique de santé publique dont la pertinence a été soulignée : la contribution sur les boissons sucrées. Nous proposons d'en augmenter le taux d'environ 14 euros par hectolitre, soit 4,6 centimes supplémentaires pour une canette de soda de 33 centilitres, ce qui devrait rapporter environ 590 millions d'euros. Comme pour l'estimation de l'impact des mesures de baisse, nous raisonnons ici à assiette constante, mais on peut estimer que cette hausse sensible serait bien répercutée sur les prix à la consommation et devrait donc entraîner une baisse des achats de ces boissons, au profit d'autres boissons non alcooliques ne présentant pas les mêmes inconvénients sanitaires, notamment en termes d'obésité et de diabète. Il ne nous paraît pas justifié, en revanche, de procéder à une hausse semblable sur les boissons édulcorées. Les données sur la situation économique de la filière sucrière française nous semblent montrer qu'elle serait bien en mesure de faire face à cette hausse, compte tenu de son dynamisme et de ses débouchés diversifiés – notamment au profit des biocarburants qui se développent.
La deuxième hypothèse que nous évoquons dans la proposition n° 11 consiste donc à élargir considérablement l'assiette de cette taxe pour instaurer une fiscalité des produits sucrés, en excluant les produits du terroir ou bénéficiant d'une appellation contrôlée.
Bien sûr, l'action sur les outils fiscaux ne peut être efficace, en matière de préservation de la santé publique comme de l'environnement, que si elle est combinée avec des mesures d'information et des campagnes de sensibilisation des consommateurs. Il nous semble d'ailleurs souhaitable de poursuivre les efforts pour améliorer l'étiquetage nutritionnel des produits comme le développement de filières de production dites « durables », et d'envisager une hausse des moyens alloués aux organismes publics en charge des politiques liées à l'alimentation et à la santé.
Enfin, sur le plan de la méthode, notre rapport rappelle qu'il est nettement préférable, pour assurer la cohérence de notre système fiscal, de réunir en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale l'ensemble des modifications de la fiscalité des produits agroalimentaires. Il est aujourd'hui contre-productif d'aborder ces sujets fiscaux dans d'autres textes de loi. Nous espérons dans un consensus multipartisan arriver à faire de cette règle non écrite une règle commune. Trop souvent, nous sommes conduits à regretter par la suite des initiatives prises au coup par coup. Ce voeu est traditionnel pour notre commission, mais nous avons constaté qu'il était important dans le cas de fiscalité agroalimentaire et il figure donc aussi parmi nos propositions.
Pour conclure, j'espère que ce rapport jettera les bases d'une rationalisation de notre fiscalité agroalimentaire et que vous serez sensibles à notre approche, qui s'est efforcée de privilégier l'efficacité économique, tout en prenant en compte les enjeux sanitaires, sociaux ou environnementaux mais aussi agricoles et industriels. Il nous appartiendra, cet automne lorsque nous examinerons les textes budgétaires, de veiller à ce que ces recommandations puissent aboutir à de réelles améliorations de notre législation.
Merci pour ce rapport et la qualité de vos propositions. La suppression des taxes inutiles n'est pas un sujet nouveau pour notre commission et le Gouvernement a déjà tenté de s'y attaquer sans succès, en raison des enjeux financiers. Le sujet de la fiscalité comportementale, qui tend à pénaliser la consommation de produits nocifs pour la santé publique, impose l'explication des objectifs visés et la vérification que les recettes de substitution attendues seront bien là.
J'ai particulièrement apprécié les tableaux qui figurent dans le rapport et dressent un état précieux des taxes en question. Je partage votre souci de limiter les modifications fiscales aux lois de finances ou de financement mais je pense qu'il faudra commencer par le dire au Gouvernement, qui ne se prive pas de faire le contraire. Le prochain rapport sur l'application de la loi fiscale va recenser les dispositifs fiscaux inclus dans d'autres lois que les lois de finances ; vous verrez que la liste n'est pas courte. Par ailleurs, si je partage pour l'essentiel vos conclusions, je voudrais faire observer que déplacer 590 millions d'euros de fiscalité, c'est un mouvement de curseur important. La fiscalité sur le tabac a suscité beaucoup de débats pour un montant de 200 millions d'euros. Cela ne se fait pas sans étalement dans le temps en raison de ses conséquences potentielles sur l'industrie et l'emploi. J'ajoute que le fléchage de ressources de substitution vers la MSA, comme vous le faites, est très important.
Vous évoquez la possibilité d'un changement du taux de TVA sur les boissons sucrées pour contribuer à faire de l'éducation à la consommation. Ma crainte est que cette communication faite sur la majoration de la TVA soit perceptible sur le moment, mais que par la suite cette mesure n'ait plus d'incidence sur la consommation de ces produits. Je crois que nous avons un travail à faire, en plus de celui de la fiscalité, qui est celui de l'éducation à la consommation – même si, bien entendu, une mesure portant sur la TVA pourrait être utile dans ce domaine. Vous avez bien fait de travailler sur ce sujet, compte tenu du nombre de taxes existant actuellement, alors que certaines ne rapportent rien et qu'elles compliquent la tâche des industriels dans le domaine de la fabrication des produits alimentaires. Je crois qu'il serait intéressant de travailler à une réduction de la taxation des produits agricoles vendus directement par les producteurs, afin qu'ils puissent bénéficier d'une TVA qui leur permette d'améliorer leurs ventes.
Je buvais du petit-lait en lisant ce rapport. Vous avez raison sur la suppression des taxes sur les farines, sur les huiles, sur les céréales et sur les produits de la mer. Je me bats dans le même sens depuis dix ans, uniquement pour des raisons de productivité fiscale, et je pense que vos propositions à la baisse sont raisonnables. J'émets néanmoins une petite réserve s'agissant de la suppression des droits sur les produits bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée : il faut ici faire attention à trouver un produit de substitution et à protéger la ressource.
Nous pouvons baisser le taux de TVA de 20 % à 5,5 % sur la margarine pour l'égaliser avec celui qui est applicable au beurre et faire de même pour les produits à base de chocolat, le système actuel étant très compliqué. Vos propositions vont dans le bon sens. En revanche, le vrai problème est de savoir comment seront financés les 590 millions d'euros de pertes de recettes. Et là, je pense que votre proposition de compensation financière, si elle était adoptée, ferait l'objet des mêmes critiques que celles que vous avez adressées au système existant : les gens vont s'adapter. Je pense donc que votre proposition pour compenser les 590 millions d'euros de pertes de recettes n'est pas celle qui convient. Il faudrait plutôt porter le taux de TVA de 5,5 % à 10 % sur des produits qui posent des problèmes en termes d'environnement ou de santé. Cela permettrait d'éviter toutes les critiques que vous avez faites, à juste raison, sur les conséquences économiques des diverses taxes sectorielles, en termes de distorsion de concurrence ou de contournement par les producteurs. Je ne suis pas d'accord avec ce que vous proposez pour la taxation des boissons sucrées, parce que vous risquez d'aboutir aux mêmes contournements que ceux que vous avez constatés pour la taxation des farines ou d'autres produits.
Je vais joindre mes remerciements et mes félicitations au rapporteur et à la présidente et émettre le voeu que votre rapport n'aille pas rejoindre celui de l'Inspection générale de l'administration (IGA) ou celui de la Cour des comptes – parce qu'il y a déjà eu des rapports sur le sujet. Je souhaite donc qu'il débouche dès le prochain projet de loi de finances. Je souscris à l'objectif de simplification et de rationalisation de la matière fiscale, de préservation de la filière agricole ainsi qu'aux politiques fiscales incitatives pour répondre aux enjeux de santé publique ; c'est également important – et je pense par exemple au sucre. Vous nous invitez à y procéder dans le nécessaire équilibre des finances publiques, que ce soit pour les recettes qui vont à l'État, aux collectivités locales ou aux organismes parapublics tels que la MSA.
Je ferai trois remarques. La première porte sur la surtaxe sur les eaux minérales : vous concluez en disant qu'il ne faut pas toucher à la surtaxe, et vous rappelez qu'il existe déjà un plafond de 0,58 euro par hectolitre. Je vous suggère, si nous devons le modifier dans le cadre de la loi de finances, que nous mettions un plancher à ce tarif. Aujourd'hui des chantages sont exercés vis-à-vis des collectivités locales, par certaines entreprises, pour diminuer la surtaxe – de ce qui est juridiquement possible, puisque le tarif de cette surtaxe n'est soumis qu'à un plafond. Ce serait l'occasion de réfléchir à un plancher. Il faut relier ce débat à celui que nous avons eu la semaine dernière dans l'hémicycle, lors de l'examen de la proposition de loi portant sur l'accès à l'eau, au cours duquel nous avons buté sur la question du financement de ce droit d'accès à l'eau. Dans le cadre de ce débat sur les taxes portant sur les produits agroalimentaires et, notamment, sur le financement que nous serons peut-être amenés à trouver pour compenser les 590 millions d'euros de pertes de recettes, il faut avoir en tête que le droit à l'eau et, en particulier, la création de ce fonds de solidarité pour l'accès à l'eau sont une nécessité. J'ai voté pour la suppression de l'article de cette proposition de loi qui concernait le financement de ce fonds, tout en ayant une vraie volonté d'aboutir sur la création et le financement d'un outil de ce type.
Ma deuxième remarque porte sur le fait que nous devons absolument veiller à ce que la baisse de la TVA que vous préconisez pour certains produits alimentaires, comme le chocolat, se traduise par une baisse réelle du prix des produits pour le consommateur. Nous avons voté il y a quelques mois une baisse du taux de TVA de 20 % à 5,5 % pour la vente des protections féminines, et je vous mets au défi d'aller vérifier qu'elle s'est traduite pour le consommateur. Par ailleurs, je voudrais faire une remarque sur le caviar : je sais que c'est un produit alimentaire, mais il n'est pas forcément de consommation courante... Enfin, je vous rejoins sur le fait que toute modification ou création d'une taxe doit trouver sa place exclusivement en loi de finances – vous aurez mon soutien là-dessus.
Je ne suis pas d'accord avec ce qui vient d'être dit par notre rapporteure générale sur l'effet masse des 590 millions d'euros. En effet, vous proposez la suppression de huit taxes, qui par définition ont un faible rendement. Il ne devrait donc pas y avoir un effet masse de 590 millions d'euros, mais plusieurs impacts pour plusieurs filières et, en revanche, une nouvelle recette unique. Sur ce point, je suis plutôt favorable à une assiette très large de taxation pour tous les produits qui contiennent du sucre, afin de lutter contre l'obésité et le diabète, qui sont de réels problèmes auxquels nous devrons faire face.
Je voulais tout d'abord saluer l'excellent travail de notre présidente et de notre rapporteur. S'il y a beaucoup de petites taxes qu'il faut supprimer, ceci est un peu de notre faute, conjuguée à la réalité constitutionnelle. En effet, puisque l'article 40 de la Constitution limite notre action sur la dépense, nous utilisons une des rares marges de manoeuvre qui sont les nôtres, c'est-à-dire la taxation. Nous l'avons peut-être un peu trop utilisée par le passé. Je souscris tout à fait à l'idée que désormais des dispositions fiscales ne devraient pouvoir figurer que dans des textes de nature budgétaire. Nous le disons depuis longtemps et j'oserai dire que le gouvernement précédent, le gouvernement Fillon, du moins en fin de législature, l'a appliquée. Il peut y avoir urgence, mais si nous avions un peu plus de décisions modificatives, cela permettrait d'y répondre, tout en évitant des « scories » fiscales dans des textes qui ne sont pas de nature budgétaire. Il y a un point sur lequel il faut insister : le coût de recouvrement de ces petites taxes, qui est parfois tout à fait conséquent et doit être comparé à leur rendement.
Sur le fond, je suis totalement d'accord avec la suppression de la taxe sur les céréales, qui pèse sur la production française et non pas sur les importations. Mais il faut aussi faire disparaître des réglementations obsolètes, puisqu'aujourd'hui un pays voisin qui achète des céréales à un autre pays doit multiplier les tampons, en principe pour payer une taxe. Il s'agit d'un système qui a 80 ans d'âge et qui ne correspond plus à la réalité. Tout le monde dit qu'il faut faciliter l'échange de proximité et, avec cette taxe, nous l'interdisons. Il faut en finir. Ce sont des dispositions que je défends à l'occasion de chaque loi agricole et à l'occasion de chaque loi budgétaire depuis une vingtaine d'années. Par conséquent, si votre rapport y concourt, j'y souscris totalement.
Il y a deux éléments avec lesquels je ne suis pas d'accord. Tout d'abord la taxe sur les « prémix », qui sont des boissons mélangeant de l'alcool à de la boisson sucrée. C'est souvent, pour beaucoup d'enfants et d'adolescents, un moyen d'accès à l'alcool : il faut donc vraiment maintenir cette taxe, voire la renforcer. Les « prémix » conduisent à l'alcoolisation d'adolescents mais également d'enfants : soyons donc très vigilants à cela. Le rapport n'y touche pas ? Alors c'est très bien.
Là où je m'inscris clairement en faux, c'est quand vous souhaitez aligner fiscalement margarine et beurre. Je crois qu'il faut taxer la margarine, car ce n'est pas au moment où les éleveurs connaissent des difficultés considérables que nous devons lui donner un avantage concurrentiel. Je ne voterai jamais une disposition de cette nature, non seulement pour des raisons d'ordre conjoncturel, mais parce que, sur le fond, nous devons nous inscrire dans la défense de l'aliment d'origine animale.
Je voudrais attirer l'attention sur le fait qu'un transfert de 600 millions d'euros de fiscalité peut effectivement entraîner quelques séismes économiques. Concernant les boissons sucrées, il existe déjà une réglementation qui fait que, chaque année, la teneur en sucre baisse. Un effort considérable a été effectué : la plupart des fabricants en France sont en avance sur la réglementation, et cela évolue progressivement. J'ai reçu ces professionnels qui connaissent déjà quelques difficultés dans notre pays et qui ont tendance à fabriquer leurs produits à l'étranger. Même si je vois l'intérêt de ce genre de modification, il faut donc faire attention. En revanche, il faudrait augmenter fortement les taxes sur la bière, qui fait des ravages colossaux dans nos quartiers, afin de la rendre moins attractive et de permettre une baisse de la consommation, qui est actuellement en croissance exponentielle.
Le rapport est tout à fait intéressant et pertinent, mais je me demande s'il n'est pas trop beau. Il est très séduisant de dire que nous allons supprimer ou diminuer une dizaine de taxes, puis d'assigner à une seule taxe, celle sur les boissons sucrées, le rôle de lever 600 millions d'euros de recettes supplémentaires pour compenser les pertes de recettes résultant des baisses de taxes. Sommes-nous certains que, sur le plan sanitaire, il est pertinent de viser les boissons sucrées comme nous le faisons ? Je me souviens des débats parlementaires en 2011, au cours desquels nous nous étions aperçus qu'il n'était pas si évident de désigner à la vindicte populaire les boissons sucrées. Comment les industriels ont-ils réagi à cela ? Par ailleurs, il me semble que le secrétaire d'État chargé du budget a déclaré récemment qu'il ne voyait pas de raison d'augmenter les taxes sur les boissons sucrées.
L'alternative, proposée par madame la rapporteure générale, d'échelonner dans le temps la suppression de ces taxes – en raison du montant élevé de leurs produits cumulés – aurait un impact sur les effets des suppressions envisagées. Aussi, si cette idée était retenue, la période choisie devrait être courte.
Concernant la taxation différenciée du beurre et de la margarine par la TVA, celle-ci résulte d'une volonté politique ancienne de soutenir la filière laitière française. Aujourd'hui, la diversité des produits proposés, que ce soit pour la margarine ou pour le beurre, et les différences de prix existants entre eux, ont de toute façon réduit l'impact du prix sur les choix des consommateurs.
La baisse du taux de la TVA sur les chocolats devra s'accompagner de véritables répercussions sur le prix de vente au consommateur, et il faudra être vigilant sur ce point. Je rappelle que nous avons près de quatre mille artisans chocolatiers en France, et que le chocolat fait l'objet d'exportations relativement importantes, avec une forte identification de la France sur ces produits ; nous devons préserver ce savoir-faire. Nous devons aider ces artisans qui développent des produits du terroir et participent à l'identification géographique des territoires de notre pays. Notre proposition constitue, à n'en pas douter, un véritable soutien à l'ensemble de ces artisans et à ces produits.
Le choix de rehausser le tarif de la contribution sur les boissons sucrées, plutôt que le taux de TVA de 5,5 % qui s'y applique, résulte d'une réflexion approfondie sur cette question. En effet, dans la perspective d'une fiscalité comportementale, jouer sur un droit d'accise est plus pertinent que d'agir sur le taux de TVA, car la TVA s'applique sur la valeur du produit et non sur la quantité de produit sucré. Par ailleurs, augmenter le taux de TVA aurait abouti à frapper indifféremment les boissons sucrées et les boissons édulcorées. Je rappelle que nous envisageons aussi une autre option fiscale pour procurer les recettes requises, qui serait la création d'une taxe sur les sucres entrant dans la composition des produits alimentaires en général (boissons comprises), et que cette piste doit être étudiée plus précisément avec les services des ministères de l'économie et des finances. La France n'est pas le seul pays à adopter une fiscalité incitative visant les produits et les boissons sucrés. D'ailleurs, le Royaume-Uni a prévu d'instituer, pour des raisons de santé publique, à partir de 2018, une taxe sur les boissons non alcooliques contenant au moins 5 grammes de sucre pour cent millilitres de produit, dont le tarif est supérieur à celui que nous proposons et atteindrait 0,23 à 0,30 euro par litre. Aux États-Unis, la ville de Philadelphie, comme d'autres municipalités, vient également de voter une taxe de même nature, avec un tarif encore plus élevé.
À propos de la taxe sur les céréales, je voudrais insister sur le fait que son application peut être kafkaïenne. J'entends la remarque de la rapporteure générale sur la montée en charge du dispositif. Pourquoi pas, mais si la modification est trop faible, elle sera sans effet.
Je voudrais rappeler quelques chiffres sur la filière sucrière française, qui jouit a priori d'une situation économique suffisamment forte pour supporter les hausses envisagées. Selon nos calculs, le volume de sucre potentiellement concerné par la taxation des boissons sucrées serait de l'ordre de 260 000 tonnes, soit moins de 5 % de la production française de sucre en 2014 ; cela signifie qu'une baisse de 10 % des ventes de boissons sucrées en France pourrait théoriquement réduire ce débouché d'environ 26 000 tonnes, soit 0,5 % de la production. Or, la production française de sucre augmente en moyenne de 2 % par an et la compétitivité de l'industrie sucrière française est l'une des meilleures en Europe. Enfin, la production d'alcool et d'éthanol, qui représente environ 20 % des débouchés de la production sucrière française, devrait augmenter grâce au développement de l'incorporation de bioéthanol dans l'essence. L'avenir de la filière paraît donc assuré. Sur chacune de nos propositions, nous avons véritablement eu comme souci la préservation des filières nouvellement impactées par la mise en place des options que nous proposons.
Je rappelle que, s'agissant de la taxation des produits sucrés, nous formulons deux propositions alternatives : celle portant sur les seules boissons sucrées et celle visant à créer une taxe avec une assiette très large sur l'ensemble des produits contenant du sucre ajouté – cette dernière solution est d'ailleurs soutenue par les industriels du secteur des boissons sucrées. Je tiens d'ailleurs à m'inscrire en porte-à-faux vis-à-vis des critiques mentionnant d'éventuels effets de seuil, car ce sont des propositions qui conduiraient à taxer les produits dès qu'il y aurait ajout de sucre. La seconde proposition envisagée possède un fort potentiel en termes de rendement, en raison de la largeur de son assiette, avec une taxation très faible.
La réflexion de Christine Pires Beaune sur l'institution d'un plancher à la surtaxe sur les eaux minérales mérite d'être étudiée. Je précise que nous proposons de supprimer le droit sur les boissons non alcooliques, dont le rendement s'élevait à 75 millions d'euros, et qui concerne notamment les eaux minérales. Nous apportons ainsi une réponse qui peut aller dans le même sens.
Il me semble que la surtaxe sur les eaux minérales ne s'applique qu'à la consommation interne et non aux exportations, ce qui est paradoxal. Je pense qu'il faut être vigilant sur ce point aussi.
Je pense qu'il serait opportun que, dès à présent, les contacts soient pris avec les ministres concernés pour voir comment, dès la prochain projet de loi de finances, ces propositions pourraient être reprises avec le même accord transpartisan que celui qui a guidé ce rapport.
En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport de la mission d'information sur la taxation des produits agroalimentaires.
Informations relatives à la commission
1. La commission a désigné, selon la liste ci-jointe, les rapporteurs spéciaux sur la loi de finances pour l'année 2017.
Rapports spéciauxRapporteurs1Action extérieure de l'ÉtatM. Pascal TERRASSE2Action extérieure de l'État : TourismeM. Éric WOERTH3Administration générale et territoriale de l'ÉtatM. David HABIB4Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Politiques de l'agriculture ; Développement agricole et ruralM. Charles de COURSON5Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Sécurité alimentaireM. Éric ALAUZET6Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangersM. Jean-François MANCEL7Anciens combattants, mémoire et liens avec la NationM. Razzy HAMMADI8Conseil et contrôle de l'ÉtatM. Philippe VIGIER9Culture : Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la cultureM. Pierre-Alain MUET10Culture : PatrimoinesM. Jean-Pierre GORGES11Défense : Préparation de l'avenirM. François CORNUT-GENTILLE12Défense : Budget opérationnel de la défenseM. Romain COLAS13Direction de l'action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrativeMme Marie-Christine DALLOZ14Écologie, développement et mobilité durables : Prévention des risques ; Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la merM. Hervé MARITON15Écologie, développement et mobilité durables : Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquacultureM. Jean-Claude BUISINE16Écologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Financement des aides aux collectivités pour l'électrification ruraleM. Marc GOUA17Écologie, développement et mobilité durables : Transports aériens et météorologie ; Contrôle et exploitation aériensM. Jean-Claude FRUTEAU18Écologie, développement et mobilité durables : Transports routiers, fluviaux et maritimes ; Aides à l'acquisition de véhicules propresM. Alain RODET19Écologie, développement et mobilité durables : Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires ; Services nationaux de transport conventionnés de voyageursM. Olivier FAURE20Économie : Développement des entreprises ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privésM. Jean-Louis GAGNAIRE21Économie : Commerce extérieurMme Monique RABIN22Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégie économique et fiscale ; Accords monétaires internationauxM. Joël GIRAUD23Égalité des territoires et logement : Égalité des territoires et logementM. Christophe CARESCHE24Engagements financiers de l'ÉtatM. Victorin LUREL25Enseignement scolaireM. Alain FAURÉ26Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local ; Facilitation et sécurisation des échangesM. Camille de ROCCA SERRA27Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Conduite et pilotage des politiques économique et financièreMme Karine BERGER28Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Fonction publique ; ProvisionsM. Michel PAJON29Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Politique immobilière de l'État ; Gestion du patrimoine immobilier de l'ÉtatM. Jean-Louis DUMONT30Immigration, asile et intégrationM. Laurent GRANDGUILLAUME31JusticeM. Patrick HETZEL32Médias, livre et industries culturelles ; Avances à l'audiovisuel publicM. Jean-Marie BEFFARA33Outre-merM. Marc LAFFINEUR34Politique des territoiresM. Michel VERGNIER35Politique des territoires : VilleM. Dominique BAERT36Pouvoirs publicsM. Marc LE FUR37Recherche et enseignement supérieur : RechercheM. Alain CLAEYS38Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudianteM. François ANDRÉ39Régimes sociaux et de retraite ; PensionsM. Alain CHRÉTIEN40Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales ;Mme Christine PIRES BEAUNE41Remboursements et dégrèvementsM. Dominique LEFEBVRE42SantéM. Claude GOASGUEN43Sécurités ; Police, gendarmerie, sécurité routière ; Contrôle de la circulation et du stationnement routiersM. Yann GALUT44Sécurités ; Sécurité civileM. Michel LEFAIT45Solidarité, insertion et égalité des chancesM. Gaby CHARROUX46Sport, jeunesse et vie associativeM. Régis JUANICO47Travail et emploi ; Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissageM. Christophe CASTANER48Participations financières de l'État ; Participation de la France au désendettement de la Grèce ; Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publicsM. Guillaume BACHELAYRapport d'information (usage des pouvoirs du premier alinéa de l'article 57 de la LOLF)49Affaires européennesM. CARRÉ Olivier
2. La commission a désigné M. Dominique Lefebvre rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 22 juin 2016 à 9 heures 30
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Joël Giraud, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Patrick Hetzel, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean Lassalle, M. Michel Lefait, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, M. Jacques Pélissard, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Michel Vergnier
Excusés. - Mme Marie-Christine Dalloz, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Fruteau, M. Victorin Lurel, M. Laurent Marcangeli, Mme Claudine Schmid, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez