COMMISSION ÉLARGIE
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mercredi 2 novembre 2016
Présidence de M. Dominique Baert, vice-président de la commission des finances, et de Mme Chantal Guittet, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, puis de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq.
projet de loi de finances pour 2017
Aide publique au développement
Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, monsieur le secrétaire d'État chargé du développement et de la francophonie, nous sommes heureux de vous accueillir dans cette commission élargie. Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, retenue par la conférence des présidents, vous prie de l'excuser. Mme Chantal Guittet, vice-présidente de cette même commission, la remplacera jusqu'à son arrivée prochaine.
Nous sommes réunis afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2017 consacrés à la mission « Aide publique au développement ». La conférence des présidents ayant reconduit les modalités d'organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, nous entendrons d'abord les rapporteurs des commissions, chacun disposant de cinq minutes. Après la réponse du ministre, les porte-parole des groupes s'exprimeront, également pour cinq minutes chacun. Puis, les députés qui le souhaitent pourront intervenir pendant deux minutes.
Monsieur le ministre, je vais tenir des propos peu agréables, mais qui ne vous concernent pas directement puisqu'il faut reconnaître que, pour la première fois, les crédits de la mission « Aide publique au développement » augmentent légèrement. En revanche, sur l'ensemble du quinquennat, c'est une catastrophe, car la comparaison des crédits affectés à cette mission en 2012 avec ceux prévus pour 2017 montre un écart de 646 millions d'euros, soit moins 20,8 %. Cet effondrement est d'ailleurs incompréhensible, car lorsque l'on considère l'ensemble des missions depuis 2012, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » mise à part, c'est la mission « Aide publique au développement » qui a le plus souffert des diminutions de crédits.
Certes, en apparence, une meilleure image est donnée, mais elle tient à la confusion qui est faite avec les deux taxes additionnelles, celle sur les billets d'avion et celle sur les transactions financières (TTF). Or l'une comme l'autre ont toujours été conçues et mises en oeuvre pour constituer des taxes additionnelles, et non pas des taxes de substitution aux crédits budgétaires.
À une époque où l'inquiétude règne au sujet du devenir de l'Afrique, son explosion démographique et la misère qui s'installe dans un certain nombre de pays, les déclarations politiques très optimistes sur l'aide publique au développement (APD), notamment du Président de la République, ne sont suivies d'aucun effet concret en termes budgétaires. C'est la raison pour laquelle les députés, tous courants politiques confondus, ont pris l'initiative, dès 2016, d'augmenter les crédits dans des proportions importantes, et l'ont confirmée dans le budget pour 2017 en adoptant à l'unanimité un amendement en commission des finances. Cet amendement a ensuite été adopté lors de l'examen en séance publique de la première partie du projet de loi de finances.
Le Gouvernement est-il déterminé à maintenir jusqu'à la fin du débat budgétaire les 270 millions d'euros supplémentaires prélevés sur la TTF ainsi votés afin d'être versés à l'Agence française de développement (AFD) pour ses opérations de subventions et bilatérales ? C'est précisément dans ces deux domaines que nous sommes très déficients alors qu'ils concernent les pays les plus pauvres, les pays les moins avancés (PMA). Il me semble qu'il y a là beaucoup à faire, et l'AFD est tout à fait prête à agir. La réponse à cette question conditionnera la position que nous adopterons à l'issue du débat sur la loi de finances.
Êtes-vous prêt à confirmer qu'il n'y aura pas un accord du Gouvernement d'un côté, et, de l'autre côté, un rattrapage portant sur les crédits ainsi que cela s'est produit en 2016 ?
Par ailleurs, devant la conférence des ambassadeurs au mois d'août 2015, le Président de la République avait annoncé la fusion de l'AFD avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Or rien ne s'est produit, car des résistances très fortes se sont manifestées, et aujourd'hui ce projet est mort-né. En revanche, j'ai cru comprendre qu'un certain nombre de dispositions doivent être prises avant la fin de l'année afin de rapprocher partiellement la CDC et l'AFD. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?
Enfin, nous agissons beaucoup sur le plan militaire en Afrique. Dans quelle mesure existe-t-il des liens matériels, juridiques et fonctionnels entre nos actions militaires et l'aide publique au développement ?
Le budget de l'aide au développement de la France a souffert, depuis 2013, d'une diminution régulière de ses crédits, qui n'a pris fin que grâce aux amendements adoptés lors de la discussion budgétaire de l'année dernière. Le projet de loi de finances que nous examinons aujourd'hui représente certes une amélioration par rapport à celui présenté l'année dernière, mais celle-ci demeure insuffisante pour que je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
L'augmentation d'environ 5 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » reste limitée et maintient le niveau de notre aide à près de 20 % en dessous de son niveau de 2012 – à moins que le parlement ne vienne une nouvelle fois rétablir la situation, comme il l'avait fait l'an dernier. Cette augmentation est surtout constituée d'efforts ponctuels et limités, comme celle d'environ 38 millions d'euros de l'aide bilatérale sous forme de dons, qui demeure insuffisante au regard des besoins actuels, ou encore l'aide de 50 millions d'euros accordée pour la deuxième année aux réfugiés de la zone syrienne, conformément aux engagements pris par la France.
L'économie générale du budget de l'aide au développement demeure cependant la même.
De fait, le budget qui nous est présenté n'indique aucune inversion du glissement de notre aide au développement du bilatéral vers le multilatéral, dont la part est passée de 35 % à 43 % entre 2012 et 2015. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'utilité de l'aide multilatérale ni des efforts que fait la France pour préserver son influence auprès des principaux bailleurs, mais l'augmentation de la part du multilatéral a induit une dispersion de nos efforts vers des objectifs que nous ne maîtrisons pas suffisamment. Ainsi, les objectifs de développement durable adoptés l'année dernière reflètent certes les finalités de l'aide publique au développement pour 2030, mais ils ne peuvent constituer la seule définition de l'aide au développement de la France, qui doit aujourd'hui répondre à des urgences.
L'augmentation des crédits est bien sûr souhaitable, mais elle ne peut se résumer à une politique du chiffre visant à atteindre un jour le fameux objectif des 0,7 % du revenu national brut (RNB), un objectif certes louable, mais qui nous conduit à faire valider par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) un ensemble disparate de dépenses, dont la mission « Aide publique au développement » ne représente, du reste, qu'environ 30 %, plutôt qu'à nous doter des moyens adaptés à nos objectifs.
L'aide publique au développement ne peut être séparée de nos objectifs de politique étrangère, dont elle est une composante. Stabiliser les pays de la zone sahélienne, consolider les appareils administratifs et sécuritaires des États de la région, soutenir l'emploi et l'agriculture familiale dans les régions dont la croissance démographique est la plus forte et soutenir l'éducation dans ces pays, telles doivent être nos priorités. Notre politique étrangère comme notre politique de défense ont besoin de l'aide publique au développement : une intervention militaire ne suffit pas à elle seule à stabiliser un pays.
Quelle est la part de notre politique aujourd'hui consacrée à la stabilisation des pays du Sahel ? Avons-nous une stratégie d'aide au développement visant spécifiquement à la stabilisation de cette région ?
Par ailleurs, quel sort le Gouvernement entend-il donner au projet de création d'une facilité de lutte contre les vulnérabilités et de réponse aux crises proposé par l'AFD ? Est-il prévu de lui affecter un budget supérieur aux 100 millions d'euros qui seraient envisagés et qui ne paraissent guère suffisants au regard des besoins ?
Notre aide au développement, ne disposant que de moyens limités, doit d'autant plus être rationalisée et avant tout pilotée de façon cohérente. La réorganisation en cours de notre dispositif, actuellement éclaté entre deux ministères, serait ainsi utilement complétée par la création d'un ministère de plein exercice, réactif et capable de hiérarchiser les priorités. Est-il envisagé que la réorganisation en cours, avec la création d'Expertise-France et le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts, aboutisse enfin à la mise en place d'un pilotage unifié de notre aide au développement ?
Je me réjouis de commencer avec vous l'examen du budget de mon ministère par l'aide publique au développement, car j'y vois un symbole. En écoutant les rapporteurs, je vois aussi une ambition partagée. Il s'agit, en effet, monsieur Guibal, d'un aspect extrêmement important de notre politique étrangère.
Je ne vous décrirai pas tous les désordres du monde, vous les connaissez fort bien. Il est vrai que le ralentissement de la croissance dans les pays émergents à des conséquences sur les États les plus pauvres, notamment en Afrique, où des centaines de millions de personnes n'ont pas accès aux services de base comme la santé et l'éducation.
À cela, il faut ajouter le dérèglement climatique, ainsi que, vous l'avez tous deux évoqué, messieurs les rapporteurs, les désordres sécuritaires, notamment la menace du terrorisme et de la radicalisation, situation qui conduit la France à intervenir soit directement, soit dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, contre Daech, AQMI au Sahel, Boko Haram en Afrique subsaharienne. Les populations sur place n'ont d'autre choix que de subir la barbarie au quotidien ou de fuir, ce qui pose la question de l'immigration en provenance de ces pays. Aussi aider tous ces pays constitue-t-il l'une des priorités de notre politique.
Il est vrai que nous intervenons militairement, mais il faut aussi s'attaquer aux racines du mal ; nous le constatons au Mali et en Centrafrique. Des modèles politiques doivent prendre la suite des opérations militaires, ce qui est le cas au Mali avec les accords pour la paix et la réconciliation ; c'est aussi vrai pour la République centrafricaine où le gouvernement légitime doit faire face à une exigence de réconciliation, mais aussi de l'installation d'un État, de la construction d'une administration, d'une police et d'une armée. La mise en oeuvre de projets de développement est aussi nécessaire, ce qui rend indispensable une aide s'inscrivant dans la durée, mais ne se limitant pas à une action sécuritaire.
C'est la raison pour laquelle, en préparant ce budget pour 2017, j'ai souhaité que le budget de l'aide publique au développement connaisse une forte augmentation. Les moyens de l'APD augmenteront de très manière significative en 2017. C'est la traduction concrète des engagements du Président de la République : augmentation de plus 4 milliards d'euros de la capacité l'intervention de l'AFD et de près de 400 millions d'euros de dons à l'horizon 2020.
Les crédits budgétaires de la mission APD augmentent de 133 millions d'euros, dont 83 millions d'euros pour l'aide sous forme de dons sur le programme 209, ce qui constitue un changement significatif que Jean-François Mancel a souligné, 50 millions d'euros pour l'aide sous forme de prêt sur le programme 110, conjointement géré avec le ministère des finances.
L'aide publique au développement de la France doit être considérée de façon globale. Il convient donc aussi de prendre en compte les ressources extrabudgétaires affectées à partir d'une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières et de la taxe sur les billets d'avion. Le niveau des recettes de la taxe sur les billets d'avion affecté à l'APD est reconduit en 2017 à son niveau de 2016, soit 210 millions d'euros. La taxe sur les transactions financières a fait l'objet de débats approfondis lors de l'examen de la première partie du PLF la semaine dernière.
Vous avez adopté trois amendements : deux amendements dits « fiscaux », à l'article 11 du PLF, l'un instituant le dispositif de TTF intra-journalière, l'autre augmentant le taux de la TTF de 0,2 % à 0,3 %. Cela veut dire qu'il y aura plus de recettes de TTF l'an prochain. Une partie de ces recettes additionnelles sera affectée à l'APD : c'est l'objet du troisième amendement, qui affecte plus de 270 millions d'euros à l'AFD. Avec ce dernier amendement, le niveau de TTF affecté à l'APD passera donc de 528 millions d'euros en 2016 à 798 millions d'euros en 2017.
Le total des taxes affectées à l'aide publique au développement, TTF plus taxe sur les billets d'avion, dépassera en 2017 le milliard d'euros, pour s'établir à 1,8 milliard d'euros. Au final, avec ces 270 millions d'euros de ressources extrabudgétaires additionnelles que vous avez votés, cumulées aux 133 millions d'euros supplémentaires prévus sur les crédits budgétaires de la mission, les crédits de notre APD augmenteront de 403 millions d'euros par rapport à 2016. Cela veut dire que le niveau d'APD en 2017 sera supérieur de 160 millions d'euros à son niveau de début de quinquennat.
Grâce à ces moyens additionnels, le pourcentage de notre revenu national brut consacré à l'APD augmentera très significativement puisque nous étions à 0,37 % du RNB en 2015, à 0,38 % en 2016 et que nous devrions, en 2017, dépasser très largement la barre des 0,40 %, et même approcher les 0,42 %. Nous ne sommes pas encore à 0,7 %, mais c'est ce vers quoi nous devons tendre. Parmi ceux de nos pays voisins qui sont très engagés en matière d'aide au développement, la Grande-Bretagne atteint presque ce taux et l'Allemagne se situe légèrement au-dessus de nous. J'admets que nous avions contracté un retard que nous devons rattraper, objectif qui s'inscrit dans la durée.
Nous nous rencontrons quotidiennement avec André Vallini, et considérons que, dans la répartition des moyens additionnels, la priorité doit être donnée à l'aide sous forme de dons. Les 270 millions d'euros de TTF que vous avez votés seront intégralement consacrés à l'aide sous forme de dons. Si l'on ajoute les 83 millions d'euros prévus pour le programme 209, les dons augmenteront de 353 millions d'euros. Cela veut dire que nous aurons réalisé en 2017 l'essentiel de la trajectoire fixée par le Président de la République dans ce domaine, soit une augmentation des dons de l'ordre de 400 millions d'euros à l'horizon 2020. Je ne peux donc que me féliciter du rôle que chacun a pu jouer, particulièrement du travail fourni par les parlementaires qui, depuis plusieurs années et singulièrement l'année dernière, ont pris des initiatives.
À côté des dons, les crédits du programme 110 pour l'aide sous forme de prêts augmenteront de 50 millions d'euros. Il y a donc bien un rééquilibrage de notre dispositif global en faveur des dons. Dans le même temps, l'augmentation de ce programme nous permet d'être en cohérence avec la trajectoire fixée par le Président de la République en matière de prêts avec l'augmentation de 4 milliards d'euros de la capacité d'intervention de l'AFD à l'horizon 2020.
Vous m'avez interrogé au sujet de la répartition des moyens additionnels pour les dons : elle devra se faire en fonction des grandes orientations qui seront décidées lors du prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), qui ne s'est pas réuni depuis plusieurs années, et se tiendra sous peu sous la présidence du Premier ministre.
Il faut faire preuve de pragmatisme au sujet des canaux qui devront être activés pour mettre en oeuvre ces ressources nouvelles. Il ne faut pas créer de rigidités supplémentaires par des considérations techniques, car, à chaque fois, il s'agit de revenir à nos choix politiques. Le pragmatisme impose d'être en mesure d'utiliser tous les canaux à notre disposition avec le maximum d'efficacité, qui dépend de la rapidité de la mise en oeuvre des actions conduites.
L'essentiel de la ressource additionnelle pour 2017 a vocation à être affectée à notre aide bilatérale, notamment au profit de l'aide à projet mise en oeuvre par notre opérateur pivot, l'Agence française de développement.
Je sais, par ailleurs, d'expérience que nous devons conserver une partie de la ressource pour nos outils de réponse aux crises, notamment en matière de stabilisation, d'aide humanitaire d'urgence, dont une partie très importante transite par les organisations non gouvernementales (ONG), et l'aide alimentaire. J'ai récemment lu un article de presse dont le ton était assez ironique et qui considérait, au sujet d'Haïti, que le plus clair de l'aide apportée à ce pays était le fait des ONG. C'est faux : il s'agit d'une aide que les ONG que nous considérons comme de bons opérateurs de terrain mettent en oeuvre, mais qui est financée par l'État.
À chaque fois qu'une crise survient, nous travaillons avec les ONG les plus performantes et les mieux implantées, et nous les aidons. C'est pourquoi il faut augmenter les moyens du Centre de crise et de soutien dont vous connaissez tous le rôle. Au cours des arbitrages budgétaires, j'ai insisté pour que les moyens en personnels de cette structure soient renforcés, fut-ce de façon modeste. Car ce centre de crise a fait preuve de sa compétence dans bien des situations, par exemple à Nice où dix-neuf nationalités étaient concernées par le terrible attentat. Et j'ai pu le constater lors de la cérémonie à la mémoire des victimes, les équipes du Centre étaient présentes depuis une semaine pour accompagner les familles des victimes. Un travail à la fois très professionnel et très humain a été accompli, et je profite de cette occasion pour le saluer.
Par ailleurs, dans l'aide publique au développement, le canal européen ne doit pas être oublié. Il constitue un vrai levier pour mobiliser les ressources conjointes de l'ensemble des États membres pour un certain nombre de projets. Pratiquement à chaque réunion du Conseil des affaires étrangères (CAE), la question de l'aide publique au développement, en particulier à l'Afrique est à l'ordre du jour. Et le fonds européen de développement (FED), auquel la France contribue au niveau de 17,6 %, ce qui en fait le deuxième financeur, constitue un facteur de démultiplication des actions engagées. Notre contribution, versée à partir du programme 209, augmentera de 41 millions d'euros. La France pèse donc particulièrement sur les orientations de ce fonds, et elle veille à ce que les décisions prises au Conseil européen des affaires étrangères concernent prioritairement les régions les plus fragiles comme le Burkina Faso, la République démocratique du Congo, le Mali, le Niger – pays qui fait preuve de beaucoup de courage – et Madagascar, pays qui connaît de graves difficultés et où se tiendra le prochain sommet de la francophonie.
S'agissant des priorités thématiques, je n'oublie pas notre contribution au Fonds fiduciaire d'urgence pour les migrations. Vous avez en mémoire les décisions prises au sommet de La Valette ; les aides sont très attendues par les pays partenaires, particulièrement en Afrique. Il faut encore mentionner la facilité pour l'investissement pour l'Afrique, la facilité africaine pour la paix, le travail en cours pour fixer un objectif de 20 % des ressources du FED consacrées au climat. On ne parle pas assez, à mon avis, du volet européen de la politique publique de développement dans le débat français. Je tenais donc à le rappeler, car il est essentiel.
Par ailleurs, les canaux multilatéraux inscrivent notre action dans de grandes priorités transversales. Je souhaite évoquer en particulier notre contribution aux fonds santé, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), ainsi qu'aux grandes pandémies. La France est très présente, et personne au sein de l'Organisation des nations unies ne néglige son rôle. Cela est aussi vrai pour le climat, avec par exemple le Fonds vert, dont les dotations augmenteront en 2017.
Il s'agit de mobiliser des ressources, via les canaux multilatéraux, là où la situation sécuritaire est très dégradée. En Syrie et en Irak, nous nous préparons à disposer, à l'issue de la bataille de Mossoul, de fonds d'urgence très importants que nous utiliserons dans un cadre soit bilatéral, soit multilatéral. La France devra être présente, car des crises humanitaires ne manqueront pas de survenir après cette bataille, auxquelles il faudra faire face, et l'on voit déjà le nombre de réfugiés augmenter. Là encore, nous devrons collaborer étroitement avec les agences onusiennes.
Afin de répondre de façon précise à vos questions, je vous indique que le Fonds de solidarité et de développement (FSD) constitue le réceptacle naturel des taxes affectées à l'APD. En complément des outils du programme 209, il présente, en matière de dons, la souplesse de gestion permettant aussi bien de mettre en oeuvre nos canaux bilatéraux que multilatéraux. Encore une fois, j'insiste sur la nécessité d'agir rapidement, surtout dans les situations de crise, et le FSD permet d'affecter les fonds de façon beaucoup plus dynamique.
Je rappelle quelles sont nos priorités thématiques. La première consiste à poursuivre notre effort visant à augmenter l'aide transitant par les ONG, ce qui est très attendu. La seconde réside dans la définition de nos priorités géographiques, en Afrique en particulier. La troisième est constituée par le renforcement de notre action en faveur des secteurs prioritaires que sont la santé, le climat et l'éducation. La quatrième est la réorganisation de l'AFD, qui travaille bien avec son nouveau directeur, Rémi Rioux, en tant qu'opérateur pivot de notre aide bilatérale.
Nous avons élargi les missions de l'AFD au secteur de la gouvernance, avec transfert des instruments financiers, mais également de l'ensemble de l'expertise technique dans ce domaine. Nous avons recommandé à Expertise-France de se rapprocher de l'AFD afin de se restructurer et être ainsi beaucoup plus efficace, ce que M. Mancel a préconisé avec raison.
Conformément à l'annonce faite en août 2015 par le Président de la République, le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations est en cours. Il ne s'agit pas nécessairement du rapprochement initialement prévu, mais je puis garantir que cette coopération étroite se traduira par une convention-cadre pluriannuelle qui sera signée au mois de décembre prochain. Cette convention permettra la mise en commun d'expertises sectorielles, le développement de la mobilité des personnels entre les deux institutions ainsi que la convergence des réseaux, car la Caisse des dépôts dispose d'un bon réseau, notamment sur le plan national, singulièrement auprès des acteurs du développement au sein des collectivités territoriales. À cet égard, la conférence des ambassadeurs a consacré une journée à la diplomatie des territoires. Enfin, un fonds d'investissement de 500 millions d'euros, commun à l'AFD et à la CDC, sera créé pour financer de grands projets d'infrastructures dans les pays en développement.
Une autre de nos priorités thématiques est le renforcement de nos instruments et de notre capacité d'action en matière de stabilisation et de réponse aux vulnérabilités dans les régions les plus fragiles ; vous connaissez ces régions, je pense à la région du Lac Tchad, la bande saharo-sahélienne.
Je prie la représentation nationale de m'excuser, mais je vais laisser André Vallini prendre le relais, car je dois me rendre au Conseil de défense, dont l'ordre du jour comporte des questions très délicates.
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes, puis aux questions des députés.
Face aux multiples défis planétaires, il est de la responsabilité de la France de reprendre une trajectoire ascendante vers les objectifs qu'elle s'est fixés en matière d'aide publique au développement : consacrer 0,7 % du revenu national brut à l'APD – nous en sommes à 0,37 % –, et augmenter de 4 milliards d'euros les capacités d'intervention, en particulier de l'AFD, en faveur du développement d'ici à 2020. Le budget dont nous débattons aujourd'hui constitue une première étape, avec une proposition de hausse de 133 millions d'euros par rapport à 2016, des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Cette hausse de 5 % est la première depuis cinq ans ; elle est néanmoins insuffisante. Afin de dégager des recettes supplémentaires, nous avons adopté, en première partie du projet de loi de finances, une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières de 0,2 % à 0,3 %, tout en étendant cette taxe aux transactions dites « intraday ». Ces amendements permettent d'allouer 270 millions d'euros supplémentaires à l'Agence française pour le développement, et de porter la recette de la taxe sur les transactions financières dédiée au développement à 800 millions d'euros. Nous serons attentifs à ce que ces moyens supplémentaires soient effectivement affectés à l'aide publique au développement. En outre, nous souhaitons que les recettes issues de la taxe sur les transactions financières soient utilisées de manière massive sous forme de dons et de subventions, comme nous le demandons depuis plusieurs années. Le recours de plus en plus important aux prêts conduit, en effet, à concentrer l'aide en direction des pays à revenu intermédiaire, c'est-à-dire vers des pays solvables. Nous réaffirmons qu'il faut réserver un sort particulier aux pays les moins avancés en leur consacrant véritablement 50 % de l'aide publique au développement, majoritairement sous forme de dons et de subventions.
Par ailleurs, nous regrettons le manque de lisibilité du Fonds de solidarité pour le développement, par lequel transitent les recettes de la taxe sur les transactions financières destinées au développement. Quelle est la part des ressources du FSD respectivement affectée sous forme de prêts et sous forme de dons ? Que propose le Gouvernement pour permettre un suivi, par la représentation nationale, plus simple et plus clair de l'utilisation de ces moyens financiers ?
Comment sera mise en oeuvre l'augmentation des crédits affectés aux ONG, conformément à l'engagement pris par le Président de la République ?
Les députés du groupe Socialiste, écologiste et républicain voteront les crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Certes, dans le projet de budget présenté initialement par le Gouvernement, les crédits de l'aide publique au développement augmentent, pour 2017, de 130 millions d'euros, mais, en pleine année électorale, cette augmentation ne doit pas faire oublier l'importante érosion subie depuis 2012.
Regardez les données, madame la présidente, la véritable rupture intervient en 2012.
En tout cas, mes chiffres sont exacts : depuis 2012, le recul est supérieur à 20 %, soit plus de 600 millions d'euros. L'aide publique au développement est le budget qui a subi la plus forte baisse, après celui des anciens combattants. Pire, c'est le programme 209, qui concerne l'aide bilatérale aux pays les plus pauvres, pour la plupart francophones, qui absorbe la grande majorité des coupes : sur le quinquennat, il aura perdu 500 millions d'euros.
Après avoir été longtemps deuxième donateur, au milieu des années 1990, la France se place aujourd'hui derrière les États-Unis, le Royaume Uni, l'Allemagne et, depuis 2015, le Japon. Cette cinquième position n'est pas conforme au rang et aux traditions de notre pays en matière d'aide internationale. Les engagements pris par les autorités françaises, au G8 de 2005, de consacrer 0,7 % du revenu national brut en 2015 n'ont pas été tenus, et nous nous en sommes même fortement éloignés au cours de ce quinquennat.
Sur un autre sujet, je constate que, depuis de longues années, un nombre croissant de commissaires aux affaires étrangères demandent un rééquilibrage entre le multilatéral et le bilatéral au bénéfice de ce dernier. Ces parlementaires demandent avec la même insistance qu'au sein du bilatéral, la part du don ou de la subvention soit sensiblement augmentée par rapport à celle du prêt. Pourtant, depuis 2012, la part du don n'a cessé de décroître, à tel point qu'elle n'est devenue que résiduelle et qu'elle ne permet pas de venir en aide aux pays les plus pauvres qui en ont le plus besoin
S'agissant des financements innovants, une guerre de tranchées a opposé le Gouvernement et une partie de sa majorité. La taxe sur les transactions financières a fait l'objet de plusieurs amendements votés en première partie de la loi de finances. Cette question difficile est abordée de deux façons différentes : il y a ceux qui pensent que le moment était mal choisi en raison de la concurrence de Paris avec d'autres places financières à la suite du Brexit britannique, et il y a ceux qui considèrent que cet apport de financement nouveau est indispensable pour redonner un peu de consistance à l'aide bilatérale que la France doit mettre en place, notamment pour aider les pays africains avec lesquels elle entretient depuis longtemps des relations si particulières. En tout cas, si, comme je l'espère – et comme le ministre ne l'a pas dit en réponse à une question de M. Mancel –, ces recettes additionnelles survivent à la navette parlementaire, si elles constituent véritablement un surplus et ne viennent pas se substituer à d'autres, il sera bon de les affecter.
Il ne serait pas inutile de réfléchir aux propositions présentées le 19 octobre dernier, à la commission des affaires étrangères, par M. Serge Michailof, l'un des meilleurs spécialistes de l'aide au développement. Il suggère d'affecter les montants ainsi dégagés à un fonds fiduciaire ou à une facilité, pour reprendre une terminologie admise, à charge pour le Gouvernement d'intervenir auprès des bailleurs multilatéraux afin d'abonder fortement cette mise de départ. Ce n'est que de cette façon que nous pourrons disposer de ressources significatives pour conduire une vraie politique de développement, notamment au Sahel qui en a particulièrement besoin.
Le groupe Les Républicains votera contre ce projet de budget.
Depuis les années 1990, des progrès considérables ont été enregistrés dans la lutte contre l'extrême pauvreté. Ainsi, selon le dernier rapport de la Banque mondiale, la part des populations mondiales vivant sous le seuil de l'extrême pauvreté est passée de 35 % en 1990, à 10,7 % en 2013. Pourtant, les inégalités persistent. Les chiffres en attestent : en 2017, plus de 750 millions de personnes vivent encore sous le seuil de pauvreté. Dans ce contexte, l'aide publique au développement doit demeurer, plus que jamais, une véritable exigence pour un pays tel que le nôtre, soucieux de développement, de stabilité et de paix.
Trois rendez-vous historiques ont eu lieu en 2015 : la troisième conférence internationale sur le financement du développement, à Addis-Abeba, le sommet spécial sur le développement durable, à New York, et la conférence des parties sur le climat (COP21).
Les objectifs de développement durable (ODD), adoptés en 2015, établissent un programme plus ambitieux que celui prévu quinze ans plus tôt dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement. La France va donc devoir redoubler d'efforts pour les atteindre. Or, avec une baisse de 20 % des crédits alloués à la mission sur le quinquennat, l'aide publique au développement fait figure de budget sacrifié. Avec 0,36 % de son revenu national brut consacré à l'aide publique au développement, contre 0,45 % en 2011, nous voyons s'éloigner l'objectif de 0,7 % à l'horizon 2030. Une telle configuration fait de la France un cas isolé parmi les membres de l'OCDE.
L'an dernier, nous avions dénoncé l'écart entre les engagements du Président de la République – consistant à atteindre 4 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2020, dont 2 milliards consacrés à la lutte contre le changement climatique –, et les choix budgétaires du Gouvernement et ce, en dépit des amendements de rattrapage adoptés au cours des débats, inscrivant 150 millions supplémentaires au budget.
Cette année, la mission « Aide publique au développement » affiche une augmentation de 133 millions d'euros par rapport à 2016, soit une hausse de 4 %. C'est loin d'être suffisant au regard des enjeux et des engagements de la France. Certaines avancées obtenues dans la première partie du projet de loi de finances sont toutefois à souligner.
Il y a, tout d'abord, l'élargissement du champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions intraday. Un amendement en ce sens avait déjà été adopté dans le projet de loi de finances pour 2016, puis déclaré contraire à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) par le Conseil constitutionnel. Nous nous réjouissons de la réintroduction de cette mesure. Le taux de la TTF a ensuite été porté de 0,2 % à 0,3 %. Nous nous en félicitons également, même si une augmentation à 0,5 % aurait été préférable. Je précise que ce dernier taux appliqué en Grande-Bretagne permet à la taxe britannique de rapporter entre 3 et 4 milliards d'euros annuels. Enfin, nous saluons l'augmentation de 270 millions d'euros du montant de la taxe sur les transactions financières affecté à l'Agence française de développement. En revanche, je regrette la suppression de l'article 43 de la loi de finances pour 2016, qui permettait d'affecter une fraction de 25 % du produit de la TTF au budget de l'AFD.
Pour autant, ces quelques améliorations apportées au projet de loi de finances initial sont insuffisantes. Pour atteindre les objectifs fixés, il faudrait apporter 800 millions d'euros de crédits supplémentaires chaque année à l'aide publique au développement. Le groupe Union des démocrates et indépendants ne pourra donc voter les crédits de la mission « Aide publique au développement », car cette dernière ne permet pas de dégager les moyens nécessaires, alors que notre pays s'est engagé à contribuer à subvenir aux besoins des populations les plus pauvres et vulnérables de la planète.
Nous sommes satisfaits de constater que les crédits de la mission « Aide publique au développement » augmentent de 5 % dans ce projet de loi de finances pour 2017…
…et qu'ils atteignent 2,62 milliards d'euros, montant qui sera complété pour se fixer à 3,7 milliards d'euros.
Nous sommes aussi heureux que notre amendement visant à élargir l'assiette et le taux de la taxe sur les transactions financières, que d'autres groupes avaient déposé à l'identique, ait été adopté. Cette évolution permettra d'atteindre deux objectifs : dégager des recettes fiscales supplémentaires, notamment en vue d'augmenter les financements pour la solidarité internationale et la lutte contre le changement climatique ; limiter les transactions déstabilisatrices qui accentuent la volatilité du marché en en réduisant l'intérêt financier.
Le premier objectif est conforme aux engagements pris par le Président de la République concernant l'affectation de la taxe sur les transactions financières, et à sa volonté d'augmenter de 4 milliards d'euros l'APD d'ici à 2020. En outre, la taxation des transactions intra-journalières s'inscrit dans la dynamique des négociations européennes, puisque la directive proposée par la Commission européenne préconise cette mesure. Les onze États membres associés à la coopération renforcée visant à instaurer une taxe européenne sur les transactions financières, dont la France, ont décidé, en septembre dernier, de soutenir cette proposition. Ils doivent encore s'accorder sur le taux de la taxation. Quel est l'état de ces négociations ? Avancent-elles rapidement ?
Si ce n'était pas le cas, le dispositif prévu dans l'amendement que nous avons adopté risquerait de se heurter à la censure du Conseil constitutionnel. Or, sans l'application de cette taxe et l'abondement exceptionnel qu'elle permettrait, il sera difficile de répondre aux nombreux défis du développement : lutter contre les inégalités ; réduire la pauvreté ; garantir le respect des droits humains et l'accès aux services essentiels tels que la santé, l'éducation, l'eau et l'assainissement ; répondre aux nombreuses crises humanitaires ; promouvoir une agriculture durable ; lutter contre le dérèglement climatique et préserver les ressources de la planète pour les générations futures.
L'aide publique au développement constitue un rempart face aux dommages économiques et humains que subissent les pays les plus pauvres de la planète. Même si elle ne peut pas tout faire seule, la France a un rôle à jouer et elle est attendue sur ce terrain. C'est pourquoi le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste votera les crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2017.
L'année 2015 a été décisive pour l'avenir de notre planète, avec deux rendez-vous internationaux majeurs : le lancement des objectifs de développement durable, feuille de route ambitieuse pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, et la COP21. Pour répondre à ces enjeux, les besoins sont immenses. La France a longtemps été un acteur clé de la communauté internationale en matière d'aide au développement et de solidarité internationale. Malheureusement, depuis plusieurs années, le Gouvernement ne fait plus de la solidarité internationale un axe fort de sa politique extérieure.
Le projet de loi de finances pour 2017 doit permettre à la France de retrouver une trajectoire positive en la matière. Il prévoit une hausse de 5 % par rapport à la loi de finances pour 2016. Je me félicite de cette décision – une première depuis six ans.
La volonté des députés de la majorité d'élargir l'application de la taxe sur les transactions financières aux opérations intra-journalières, permettant de taxer des opérations hautement spéculatives, est une très bonne nouvelle. C'est une demande de longue date de nombreuses ONG et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Malheureusement, cette hausse tardive n'est pas suffisante pour masquer sept années de baisses consécutives des dépenses de solidarité, qui représentent une perte de 640 millions depuis 2010.
La logique de l'aide française privilégiant les prêts, l'éloigne de plus en plus des populations et des pays les plus pauvres. À ce jour, seulement un quart de l'aide française est réellement affecté aux pays les moins avancés. La France se doit de renforcer la part des dons dans le budget de l'APD, tout comme elle se doit de revoir à la hausse l'affectation des crédits aux PMA et aux ONG.
Ces coupes de crédits aux pays les plus pauvres vont de pair avec un discours toujours plus porté sur les enjeux économiques de l'aide, qui fait la « promotion des entreprises françaises à l'international » au détriment de l'aide aux populations les plus pauvres. Cette évolution privilégiant la diplomatie économique aggrave le désengagement des États dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités, au profit d'acteurs du secteur privé qui concentrent l'aide vers le financement de secteurs productifs les plus rentables.
Il est aussi nécessaire d'en finir avec les discours liant l'aide publique au développement avec les politiques de contrôle des flux migratoires et de sécurité. Cette instrumentalisation est injustifiée et inefficace.
Ainsi, en 2015, la France n'a consacré que 0,37 % de son revenu national à l'APD, loin de l'objectif de 0,7 % fixé par l'ONU. Un budget loin d'être à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés, alors que les crises humanitaires liées aux conflits et à la misère se multiplient et se manifestent de manière dramatique par l'arrivée en Europe de centaines de milliers de réfugiés.
Les associations sont unanimes pour dire que l'engagement de la France dans des domaines comme l'éducation primaire ou l'accès à l'eau et à l'assainissement est insuffisant, et qu'il se situe bien en deçà de celui des autres pays développés. La France doit respecter ses engagements au plus vite, et augmenter de 10 % par an les crédits alloués à l'APD dès 2017, pour atteindre les 0,7 % d'ici à 2022. Le chef de l'État a fixé une feuille de route ambitieuse. Nous attendons que ses engagements soient tenus.
Le budget qui nous est proposé est certes en progression sensible. Malheureusement, cette évolution positive ne lève pas les réserves liées à la baisse structurelle des crédits de l'APD depuis plusieurs années. C'est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche s'abstiendront.
Nous ne pouvons que nous féliciter de l'effort consenti, dans le budget 2017, en faveur de la mission « Aide au développement ». La diversité des objectifs comme la lutte contre le changement climatique, la lutte contre la pauvreté, le soutien aux besoins des populations les plus vulnérables montrent l'importance que la France entend donner à l'aide au développement, élément fondamental de sa politique étrangère.
La volonté affichée d'apporter les moyens supplémentaires nécessaires aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables nécessite des ressources financières accrues. La mise en place de la taxe sur les transactions financières permet de financer l'aide au développement. Au niveau national, la TTF est renforcée grâce à l'élargissement de son taux. Nous avons suggéré que cette taxe soit appliquée et élargie, et que son assiette soit étendue aux transactions intra-journalières. C'est le sens des amendements que nous avons présentés et adoptés.
Nous savons que la France a un rôle important à jouer dans l'élaboration d'une initiative européenne visant à mettre en place une taxe sur les transactions financières dont le produit serait affecté aux pays en voie de développement. Dix pays européens – l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la France, la Grèce, l'Italie, le Portugal, la Slovaquie et la Slovénie – se seraient déclarés récemment favorables à l'adoption d'une directive. Nous sommes impatients de voir se concrétiser cette taxe européenne. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous en dire plus sur l'état d'avancement des négociations européennes concernant le contenu et le calendrier d'une avancée significative pour la mise en oeuvre d'une politique plus volontariste envers les pays en voie de développement ?
Avant de nous quitter, le ministre des affaires étrangères et du développement international a évoqué la flexibilité du Fonds de solidarité et de développement. Je n'ai personnellement rien contre la flexibilité ; en revanche, le manque de transparence dans l'utilisation de ce fonds pose véritablement un problème. Alors que les comptes 109 et 210 sont contrôlés par les parlementaires, ce n'est pas le cas du FSD, ce qui est vraiment regrettable.
J'ai étudié le document transversal que nous avons reçu vendredi dernier, en fin de soirée. Je relève, page 70, que les coupes prévues pour le Fonds mondial de lutte contre le sida et Unitaid sont contraires aux engagements pris par la France. Par ailleurs, je constate que les bonifications de prêts sont financées par la TTF et la taxe Chirac alors qu'elles devraient l'être sur le compte 110. Ce n'est pas normal ! Vous dévoyez l'utilisation des fonds innovants en utilisant 88 millions d'euros en 2016 pour bonifier les prêts.
Il faut clarifier tout cela. Nous ne voulons plus avoir systématiquement l'impression que les financements que nous votons sont détournés grâce à l'utilisation du FSD qui n'est pas contrôlable.
Nous avons retrouvé le même niveau d'aide qu'en 2012, mais pas sur les mêmes lignes budgétaires. En outre, entre 2012 et aujourd'hui, faute d'avoir suivi une courbe d'évolution normale, beaucoup d'argent a manqué à l'aide au développement.
Nous autres parlementaires, avons beau gagner des combats, nos victoires sont anéanties soit en fin de discussion budgétaire, soit par les modalités d'utilisation de l'argent que nous avons réussi à obtenir par les services ou des forces que je ne connais pas. Ainsi, je trouve ennuyeux que 88 millions de bonifications d'intérêts aient été accordés l'an dernier sur le FSD, alors même que ces bonifications ne sont pas comptabilisées dans l'aide au développement. On touche là au comble du cynisme. C'est comme si l'on nous disait : « Votez des crédits supplémentaires, nous nous débrouillerons toujours pour les ajuster à notre convenance et à notre rythme ». Cela suffit !
Comme le demandait Chantal Guittet, il faut maintenant une vraie transparence sur l'utilisation du FSD, tant en dons qu'en affectations multilatérales. Quant à nos engagements à l'égard de GAVI, d'Unitaid ou du Fonds mondial, nous pouvons contester leur niveau dans le cadre du débat parlementaire, mais dès lors qu'ils sont pris et signés, ils doivent être respectés. Sur ce terrain aussi, on nous roule dans la farine, et sans doute encore davantage que ce que nous croyons, car, au-delà des modifications de l'affectation des fonds, on joue aussi manifestement sur les délais et la trésorerie.
Qu'on le veuille non, l'aide au développement doit aussi venir en soutien de notre politique étrangère. Il ne s'agit évidemment pas de tout subordonner à un point de vue strictement égoïste, car il est dans notre intérêt que les pays concernés se développent et gagnent en stabilité. Il n'en demeure pas moins que nous devons agir dans le sens de nos intérêts, proches ou lointain. Par exemple, nous ne voyons toujours pas venir de rééquilibrage entre l'aide multilatérale et bilatérale, y compris s'agissant des crédits communautaires. À mon sens, il s'agit d'une faute. Sans partir la fleur au fusil et le drapeau à la main, il faut tout de même planter ce dernier, faire savoir que c'est la France qui aide. Or les actions multilatérales rendent cette aide anonyme, et je ne suis pas du tout certain que ce soit de bonne politique.
J'ai entendu que le ministre des affaires étrangères venait de dire aux Chinois : « Allons en Afrique ensemble ! » Si cela devait arriver, je serais fort étonné que nous ne nous retrouvions pas – pardon pour l'image – cocus à la sortie. Nous savons parfaitement que les Chinois n'ont pas pour habitude de faire du sentiment en Afrique. Y aller avec eux nous amènerait à adopter des méthodes contraires à nos conceptions ; surtout, ce serait introduire le loup dans la bergerie. Il s'agit peut-être de déclarations de circonstances prononcées par le ministre lors de son voyage en Chine, mais elles sont déplacées. Nous devons revenir à un peu plus de réalisme dans nos relations internationales.
Je veux dire ma satisfaction de voir les crédits de l'aide publique au développement augmenter dans ce projet de loi de finances pour 2017, de 6,8 % ou de 5 % selon que l'on inclut le FSD ou pas. Les crédits de 50 millions d'euros que nous avions obtenus l'année dernière par amendements sont maintenus – ils permettent de faire une priorité du problème des réfugiés en Syrie. Je constate aussi avec satisfaction que les crédits du multilatéral en matière de jeunesse et d'éducation sont destinés au Liban qui n'accueille pas des milliers, mais des millions de réfugiés.
Je suis également satisfaite de voir que les choses avancent en matière de gouvernance – même si l'on peut toujours en attendre davantage et souhaiter que cela aille plus vite –, avec la création d'Expertise France et la convention qui sera signée avant la fin de l'année entre l'AFD et la Caisse des dépôts.
Le ministre des affaires étrangères et du développement international a donné le sentiment que le Gouvernement souhaitait conforter le choix des députés qui ont adopté, dans la première partie du budget, trois amendements permettant de dégager 270 millions d'euros supplémentaires fléchés sur l'AFD, et sur les dons et le bilatéral. Ces deux derniers points constituent, à nos yeux, des priorités depuis plusieurs années.
À l'action 03 du programme 110, relative à la dette des pays pauvres, les moyens de l'action bilatérale diminuent tandis que ceux du multilatéral augmentent. J'aimerais en savoir plus sur l'état de cette dette des pays pauvres.
Lorsque nous nous sommes retirés d'Afghanistan, après que près de cent de nos soldats y eurent perdu la vie, nous avons pris l'engagement de participer à la stabilisation du pays. Si mes informations sont bonnes, ces engagements financiers ne sont aucunement tenus, alors même que, le Pakistan s'apprêtant à renvoyer plus de 200 000 travailleurs afghans dans leur pays, une nouvelle déstabilisation est en passe de se produire. Quelle est la réalité de l'aide française au développement en Afghanistan ?
Par ailleurs, après qu'un attentat a, en décembre 2014, causé la mort de trois personnes au centre culturel français de Kaboul, d'importants travaux ont été conduits pour remettre les locaux en état. Ils sont achevés et le centre pourrait avoir été rouvert en novembre 2015 ; pourtant, seuls les cours de langue ont repris. Les activités culturelles reprendront-elles dans le centre restauré ou restera-t-il fermé par souci de précaution absolue ?
Quand on a pour seul objectif la diplomatie d'influence, on perd à la fois son influence et ses principes. Le quinquennat aura mieux fini qu'il n'avait commencé, en raison de la pression constante des parlementaires qui ont tenu à faire comprendre que la moindre des choses attendues d'un pays membre du Conseil de sécurité des Nations unies – un des cinq seuls pays qui peuvent, en exerçant leur droit de veto, bloquer des résolutions de la communauté internationale – est qu'il tienne ses engagements internationaux. D'autres États le font : le Royaume-Uni a été capable d'imposer à une place financière forte une taxe sur les transactions financières intégrant l'intraday, et de respecter le principe de l'allocation de 0,7 % de son RNB à l'aide publique au développement. On peut tout mener de front.
Il n'y a pas lieu d'opposer aide multilatérale et aide bilatérale. C'est la pénurie de crédits qui conduit à privilégier l'une ou l'autre, alors que les deux sont nécessaires. L'aide multilatérale est un engagement important ; elle permet des effets de levier et des co-financements. Or la France ne remplit pas ses engagements d'abondement de certains fonds ; l'augmentation des crédits doit lui permettre de le faire. Mais il est urgent, aussi, de conforter l'aide bilatérale par des dons plutôt que par des prêts. Sinon, nous ne contribuerons pas à régler les besoins de développement des pays les moins avancés dont beaucoup sont d'anciennes colonies françaises de l'Afrique subsaharienne. Je vous laisse imaginer, chers collègues, ce que seraient les effets collatéraux de l'écroulement du « Sahelistan ». Il y a donc urgence à tout faire. Pour cela, il faut des moyens, sans quoi on reste dans le discours.
Jusqu'à présent, le Gouvernement a eu pour stratégie d'araser les crédits budgétaires directs au profit des taxes affectées. Peu importe, pourvu que l'argent y soit. Mais si l'on choisit de diminuer les crédits de la mission, qu'au moins l'augmentation de l'assiette, du taux et de l'affectation de la taxe sur les transactions financières ne donne pas lieu à un jeu de dupes. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, à supposer que le Sénat supprime la mesure adoptée par notre assemblée en première lecture, consistant à intégrer dans l'assiette de la taxe sur les transactions financières les transactions intraday, le Gouvernement s'engage-t-il à la défendre en deuxième lecture ?
L'absence de transparence du FSD a été maintes fois évoquée, et pour cause : le suivi financier de ce fonds, inextricable, est condamné par les ONG et par les citoyens. Un décret portant réforme de la gestion du FSD prévoirait-il enfin l'obligation de présenter un document budgétaire prévisionnel annexé au projet de loi de finances et la publication d'un bilan comptable annuel ?
S'agissant de l'amélioration de l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, la Coalition Eau nous alerte une nouvelle fois sur le déséquilibre entre prêts et dons et sur les conséquences du mauvais ciblage de l'aide publique au développement en ce domaine. La Coalition souligne la nécessité de flécher une partie des crédits non plus vers les pays solvables mais vers les pays les plus déshérités. Comment le Gouvernement s'y emploiera-t-il ? Pour conclure, je me réjouis de l'augmentation, si longtemps attendue, du budget de la coopération.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez assisté en ces lieux, le 5 juillet dernier, à un colloque organisé sur la place des femmes dans l'aide publique au développement. Nous le savons, qu'il y ait davantage de femmes formées, actives et capables de réussir est une chance pour le développement. Or vous aviez souligné que la pauvreté est « fondamentalement sexiste » : 70 % de ceux qui, dans le monde, vivent avec un revenu inférieur à un dollar par jour sont des femmes, et les deux tiers de l'ensemble des adultes analphabètes sont aussi des femmes. Faute de scolarisation, d'accès aux droits sexuels et reproductifs et à la contraception, faute de structures d'accueil, de lutte contre les violences, d'accès aux postes de responsabilité, le développement ne se fera pas de manière harmonieuse et le PIB n'augmentera pas. Comment le Gouvernement orientera-t-il les crédits de l'aide au développement vers le renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes ?
Nous souhaitons que la stratégie « genre et développement » adoptée en 2013 pour la période 2013-2017 soit reconduite, car la boussole de l'égalité est d'une importance capitale. L'AFD signale que si les femmes constituent 43 % de la main d'oeuvre agricole, 10 % sont propriétaires et seules 7 % d'entre elles bénéficient de l'aide au développement. Les objectifs du millénaire ont en partie échoué faute d'avoir insisté sur le renforcement de l'égalité entre les sexes ; les objectifs de développement durable en tiennent compte. Il faut vraiment faire des femmes les principales actrices du changement et avoir pour priorité, comme il est indiqué dans la loi Canfin, que 50 % des projets de développement français aient comme objectif principal ou significatif l'amélioration de l'égalité entre les femmes et les hommes. Je déposerai un amendement relatif aux politiques transversales, visant à rendre plus claire l'orientation de notre aide publique au développement, bilatérale et multilatérale – car je suis de celles et de ceux qui ne sont pas favorables à une politique uniquement dirigée vers l'aide bilatérale.
L'aide au secteur privé est un bon vecteur de développement. À ce sujet, le Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP) est doté pour 2017 de 18,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 21,51 millions d'euros en crédits de paiement ; mais, depuis l'année dernière, les projets d'investissements qui seront financés par ce biais ne sont plus détaillés. Quels seront-ils ?
Au nom du groupe Les Républicains, notre collègue Michel Terrot a souligné la diminution globale du budget alloué à l'aide publique au développement depuis 2012 et rappelé, hélas ! le recul de la France en cette matière au regard des engagements pris par le Président Jacques Chirac au cours des années 1990 et toujours poursuivis. Alors que, pendant des années, notre pays a montré la voie tant en matière d'aide publique au développement que pour les financements innovants, le budget du FSD montre que des coupes ont été opérées en 2016 dans les crédits alloués au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et à Unitaid et que d'autres coupes auront lieu en 2017. En outre, les produits des financements innovants seront utilisés pour bonifier les prêts accordés par l'AFD. Cette évolution traduit un véritable désengagement de l'État.
Le Président de la République, inaugurant hier l'exposition L'Histoire commence en Mésopotamie, a dit l'importance que la France accorde à cette région qui est à l'origine de la civilisation, et aux liens qui nous unissent. Mais l'on ne peut s'en tenir aux symboles ! Alors que l'on assiste à une flambée de cas de tuberculose multi-résistante associée au sida, le désengagement de la France dans les budgets du FMSTP et d'Unitaid est incompréhensible. Quels engagements pouvez-vous prendre à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, au nom de la France, passée du premier au cinquième rang mondial en ce domaine ?
L'aide au développement doit être liée aux priorités géostratégiques de la France. L'aide accordée aux pays du Sahel, qui occupent les dernières places du classement mondial en termes de développement humain, répond à ce critère. Mais la situation en Méditerranée n'a pas été suffisamment mise en exergue. Or la transition politique dans les pays du Maghreb, la pression croissante des flux migratoires et la lutte contre le terrorisme appellent une aide massive en faveur du développement de la région. La France conduit une politique bilatérale tout à fait satisfaisante avec l'Égypte, mais nous devons faire plus et mieux à l'échelle régionale. Une réunion dans le cadre du dialogue « 5+5 » a eu lieu il y a quelques jours. Il est important de lier développement, stabilité et tout ce qui peut être fait pour donner à ce qui est en somme la rive sud de l'Europe l'importance stratégique historique que nous lui devons, car sa sécurité est aussi la nôtre. Nous devons mobiliser les fonds consacrés à l'aide multilatérale à condition de pouvoir créer une task force dont nous pourrions assumer le leadership.
Je me félicite, monsieur le secrétaire d'État, de ce que vous faites, notamment en Afrique ; cela honore la France. Le rapport que la Commission sur l'emploi en santé et la croissance économique de l'Organisation mondiale de la santé, coprésidée par les présidents François Hollande et Jacob Zuma, a publié en septembre dernier comprend dix recommandations visant à stimuler l'investissement en personnel de santé. La couverture universelle en santé, garantie d'une sécurité sanitaire mondiale, n'est possible que par le biais d'investissements adaptés en personnel de santé, pilier d'un système de santé solide et résilient. Une pénurie de professionnels de ce secteur augmente les inégalités d'accès aux services de santé, entraîne des maladies et des handicaps, et menace la santé publique, la croissance économique et le développement. Le rapport souligne la rentabilité de cet investissement, estimant qu'un quart de la croissance économique entre 2000 et 2011 dans les pays à revenus faibles et intermédiaires provenait de l'amélioration en matière de santé ; le retour sur investissement dans ce secteur est estimé à 9 pour 1. Quelles suites pratiques seront données à ce rapport ? Comment seront mises en oeuvre les recommandations qu'il contient, notamment en matière de création d'emplois, de formation, de prestations et d'organisation des services de santé et de gestion de crises ?
Près de 225 millions de femmes n'ont ni accès aux services de planification familiale ni les moyens de décider librement du nombre d'enfants qu'elles ont. L'accès à la santé sexuelle et reproductive est un droit humain fondamental ; pourtant, chaque jour, plus de 800 femmes et jeunes filles meurent en donnant la vie. Combler les besoins non satisfaits de planification familiale permettrait d'éviter plus de 1,1 million de morts infantiles. En 2014, l'aide internationale de la France pour la planification familiale ne représentait que 0,41 % de l'aide publique au développement française. Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) est la seule agence de de l'ONU chargée de la santé sexuelle pour tous et du droit pour chaque femme à disposer de son corps. Or, en 2015, la France devançait le Pakistan au dix-neuvième rang des contributions régulières à UNFPA et elle était au dixième rang pour les contributions par voie de co-financement, avec 3,6 millions d'euros, soit près de deux fois moins que le Niger, qui y consacre 6,3 millions d'euros.
À l'aube de la mise en oeuvre de nouveaux engagements internationaux pour le développement durable, l'augmentation par la France de sa contribution régulière à l'UNFPA à hauteur de 30 %, soit 200 000 euros environ, constituerait, en dépit d'un contexte budgétaire contraint, une démarche réaliste et utile après des années de sous-investissement dans la planification familiale dans les pays en développement. Comment, monsieur le secrétaire d'État, comptez-vous agir en faveur de la planification familiale dans le monde ?
Le Président de la République a annoncé le rapprochement de l'AFD et de la Caisse des dépôts. Il a été question d'intégration, d'adossement, de filialisation et l'on parle aujourd'hui d'une convention, qui serait assortie d'une recapitalisation de l'Agence. Le Parlement est représenté à la commission de surveillance de la CDC et l'on sait que la gestion de la Caisse est professionnelle et éthique. Mais, pour avoir siégé en qualité de suppléant au conseil de surveillance de l'AFD, j'aimerais être sûr que le rapprochement envisagé ne vise pas uniquement à obtenir un peu d'argent supplémentaire – bien qu'un complément de ressources soit nécessaire pour parvenir à un montant d'aide publique au développement égal à 0,7 % du RNB. Pouvez-vous détailler, monsieur le secrétaire d'État, la démarche envisagée et les conditions éthiques qui seront définies dans la convention ?
Dans un autre domaine, je rappelle à M. Myard que l'AFD a fait en son temps un contrat de prêt à la Chine, alors pays émergent.
La commission des affaires étrangères, qui apporte une grande attention à l'aide publique au développement, a été quelque peu frustrée par les budgets alloués à cette mission au fil des ans, puis réconfortée depuis l'an dernier. La bataille que nous avons menée avec le Gouvernement a en effet permis, l'année dernière et cette année, l'adoption d'amendements qui ont fait heureusement progresser le montant de notre aide publique au développement, ce que le rapporteur spécial a souligné.
Certaines interventions m'incitent à rétablir la réalité des choses. Le projet de budget qui nous est présenté prévoit bien une hausse de ces crédits, et les amendements adoptés en première lecture auront pour effet une augmentation supplémentaire de 270 millions d'euros. Il en résulte, pour la mission « Aide publique au développement » et pour le FSD, un budget total de 3,647 milliards d'euros, en augmentation de 399 millions d'euros par rapport à la loi de finances de 2016. Je précise, monsieur Terrot, que le budget de l'aide publique au développement a diminué de 6 % à partir de 2010…
…et que le projet de budget pour 2017 aura pour effet, s'il est adopté en l'état, de rétablir des crédits supérieurs à ce qu'ils étaient en 2012. Il est effectivement souhaitable que l'on en finisse avec des hausses et des baisses en dents de scie pour en venir à une augmentation régulière des crédits alloués à l'aide publique au développement ; j'espère que l'évolution constatée en ce sens depuis l'année dernière se confirmera dans le temps.
Je suis heureuse que le Gouvernement ait accepté nos amendements, pour que nous puissions augmenter la part des dons et celle de l'aide bilatérale, et que nous ayons accru significativement – 50 millions d'euros – notre aide aux pays qui accueillent des réfugiés. Valérie Fourneyron a donné un coup de chapeau mérité au Liban, qui accueille 1,5 million de réfugiés ; rapporté à sa population, cela correspond à l'accueil de 20 millions de personnes par la France. On voit l'ampleur de l'effort consenti par ce petit État et aussi par la Jordanie et les autres pays limitrophes des conflits.
Je partage le point de vue de ceux de nos collègues qui ont appelé à ne pas opposer aide multilatérale et aide bilatérale ; les deux se complètent. L'exemple du Royaume-Uni a été donné : l'aide bilatérale doit servir de levier à la meilleure utilisation de l'aide multilatérale. Dans un contexte de pénurie des ressources publiques, c'est évidemment ce vers quoi nous devons tendre. Par ailleurs, puisque l'aide publique au développement est évidemment un support majeur de notre politique étrangère, il nous faut entraîner nos partenaires européens à allouer une aide bien supérieure aux pays du sud de la Méditerranée et aux pays de l'Afrique subsaharienne, car nous n'y pourvoirons pas seuls.
Je ne saurais faire mienne l'expression de M. Myard selon laquelle le ministre des affaires étrangères « introduirait le loup dans la bergerie ». La Chine n'est-elle pas déjà présente en Afrique ? Puisqu'il en est ainsi, n'est-il pas de bonne pratique, étant donné les excellentes relations politiques que nous entretenons avec un pays qui dispose de moyens de financement autrement plus considérables que ceux qu'aucun autre État est disposé à investir, de chercher à mieux orienter, au bénéfice de notre politique étrangère, l'affectation de crédits qui seront dirigés vers le continent africain quoiqu'il en soit, soit pour acquérir des terres agricoles en Afrique subsaharienne, soit pour privilégier un mode de développement uniquement fondé sur l'exploitation des matières premières et non sur des investissements productifs ?
L'intérêt de la France est d'entraîner les États européens. Nicole Ameline et moi-même, qui revenons de l'assemblée générale des Nations unies à New York, pouvons témoigner que, dans les enceintes internationales, on est reconnaissant à la France des efforts qu'elle accomplit en faveur de la sécurité de l'Europe – et donc du monde – en luttant contre l'extrémisme violent, et de ce qu'elle fait pour essayer d'en finir avec des réflexes archaïques. Nous devons, à mon sens, repenser entièrement notre aide au développement. Au-delà du commerce, qui reste nécessaire et utile, nous devons nous orienter vers de nouvelles formes de partenariat, avec des investissements partagés conduisant au partage de la valeur ajoutée. Si notre aide publique au développement en Afrique s'inspire davantage de ces principes, tout le monde sera gagnant et l'image de la France en sera considérablement renforcée.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, en février dernier, la discussion budgétaire était en cours au sein du Gouvernement, et j'ai eu la satisfaction de constater qu'à ce moment déjà, le budget de l'aide publique au développement était en hausse. À la fin de l'examen du projet de loi de finances en première lecture, la hausse était encore plus forte ; j'en ai été très heureux, et j'espère qu'au terme du débat sur la loi de finances pour 2017, elle sera au moins équivalente à celle que nous constatons aujourd'hui.
Je précise que le ministre des affaires étrangères a évoqué des pistes de coopération avec la Chine en Afrique et en Asie. Dans la lignée de la visite du Président de la République en octobre 2015, il s'agira de financer la contribution de nos entreprises au développement d'infrastructures dans ces régions du monde. La gouvernance du fonds en gestation garantira un traitement équitable des entreprises françaises et des entreprises chinoises. J'espère, monsieur Myard, vois avoir ainsi rassuré : nous ne sommes pas plus naïfs que vous ne l'êtes à l'égard des Chinois, mais nous considérons que la coopération est préférable à l'affrontement, y compris dans le domaine économique.
Mme Guigou a eu raison d'évoquer le Liban, ce petit pays si proche de la France, dont le général de Gaulle disait : « Aucun peuple de la terre n'a eu le coeur battant à l'unisson du coeur de la France plus que le peuple libanais. » Le Liban accueille 1,5 million de réfugiés sur 4,5 millions d'habitants. Nous avons annoncé 200 millions d'euros d'aide en 2016-2018 pour les pays du Proche-Orient qui accueillent beaucoup de réfugiés syriens, dont le Liban. Dès 2016, 83 millions d'euros ont été versés, dont 50 millions pour le seul Liban, et nous poursuivons nos efforts en 2017.
Le rapprochement entre l'Agence française de développement et la Caisse des dépôts a été évoqué par M. Dumont. Le Président de la République a annoncé cette décision lors de la conférence des ambassadeurs, à la fin de l'été 2015. Il était d'abord question d'une fusion entre les deux organismes, mais elle s'est avérée difficile à réaliser. Il s'agit maintenant d'établir une convention cadre pluriannuelle, qui sera conclue entre les deux institutions au début du mois de décembre, à l'occasion du soixante-quinzième anniversaire de l'AFD. L'Agence a, en effet, été créée en 1941 par le Général de Gaulle, à Londres ; elle ne portait pas alors ce nom, mais l'esprit était le même.
Cette convention cadre facilitera la mise en commun d'expertises sectorielles entre les deux organismes et l'émergence de synergies opérationnelles et stratégiques, notamment dans le domaine de l'ingénierie du financement de projets, dans les pays que nous aidons traditionnellement comme en outre-mer. Elle permettra aussi de développer la mobilité des personnels entre les deux organismes et de faire converger les réseaux de l'AFD et de la CDC pour bâtir des partenariats avec tous les acteurs du développement, notamment les collectivités territoriales. C'est très important, et la CDC est évidemment très bien placée pour amener les collectivités locales à accroître encore leur part dans l'aide au développement sous forme de coopération décentralisée.
Conformément aux engagements pris par le Président de la République, un fonds d'investissement de 500 millions d'euros commun aux deux groupes sera créé pour financer les grands projets d'infrastructure dans les pays concernés.
Le rapprochement stratégique pourrait se traduire par la participation de la CDC au conseil d'administration de l'AFD. Si elle était décidée, cette participation imposerait de modifier le décret portant statuts de l'AFD. Je vous rassure, l'État conservera une présence forte dans la gouvernance de l'AFD au titre du pilotage de la politique de développement. Enfin, quant à l'éthique et au professionnalisme, monsieur Dumont, je pense qu'autant du côté de la CDC que de l'AFD, nous n'avons pas de crainte particulière à avoir.
De nombreuses questions portent sur les dons, les prêts, et la répartition entre les deux. Nous sommes, bien sûr, très attachés à renforcer notre politique de dons. Elle permet d'intervenir auprès de pays qui, du fait de fragilités politiques ou économiques, ne sont pas éligibles à notre aide sous forme de prêts.
Comme l'a annoncé M. Ayrault, les 270 millions d'euros supplémentaires prélevés au titre de la taxe sur les transactions financières suite à l'amendement que vous avez voté seront affectés à l'aide française sous forme de dons. Si l'on ajoute les 83 millions d'euros que nous avions prévus dans le programme 209 de la mission « Aide publique au développement », les dons devraient donc augmenter en 2017 de 353 millions d'euros. Cela signifie que nous allons devancer de trois ans la réalisation de l'engagement pris par le Président de la République d'augmenter l'aide française sous forme de dons à hauteur de 370 millions d'euros d'ici à 2020.
S'ajoute à cela le doublement des crédits de bonification des prêts, qui ne représentent pas du don, mais plus que du prêt. Il s'agit du programme 110, qui permet à l'AFD de continuer à intervenir sous forme de prêts dans les zones géographiques les plus pauvres avec des prêts très concessionnels.
Plus généralement, il ne faut pas opposer prêts et dons, qui sont complémentaires. Ce fut affirmé lors de la conférence d'Addis-Abeba de 2015 sur le financement du développement : chaque mode opératoire a ses spécificités et ses avantages. Les prêts de l'AFD sont, pour la plupart, bonifiés et concessionnels, c'est-à-dire qu'ils comportent une partie en don. Les prêts permettent également un effet de levier dans des secteurs rentables à moyen et long termes qui répondent à des besoins essentiels, tels que l'eau potable, l'énergie ou les infrastructures urbaines.
Cette palette d'outils – prêts, dons, prêts bonifiés – et l'approche différenciée par pays constituent la principale valeur ajoutée de l'AFD par rapport à d'autres bailleurs, notamment américains ou britanniques, qui n'interviennent qu'en dons.
Je ne peux encore répondre précisément sur la répartition des moyens additionnels en dons, puisqu'elle dépendra des grandes orientations qui seront décidées par le CICID qui devrait se tenir début décembre. Il ne s'est pas réuni depuis 2013, il est donc très attendu, et le Président de la République a annoncé lors de la conférence des ambassadeurs qu'il se tiendrait avant la fin de l'année. Matignon et tous les ministères concernés travaillent d'arrache-pied à l'organiser avant cette échéance.
Beaucoup de questions portent sur le FSD et plus généralement sur les financements innovants qui sont nés du constat des limites des flux traditionnels d'aide au développement pour répondre aux défis spécifiques du développement durable. Ils se distinguent en deux catégories : les sources innovantes de financement, comme les taxes de solidarité ou les micro-dons, qui permettent de mobiliser de nouvelles ressources pour le développement ; les mécanismes innovants de financement, qui permettent d'optimiser les ressources existantes en les fléchant sur des investissements à impact sur le développement etou de les décupler par effet de levier.
Les financements innovants, qu'il s'agisse des sources ou des mécanismes, ont vocation à répondre au double enjeu de la raréfaction des ressources consacrées au développement et de l'impératif d'efficience des ressources mobilisées. Depuis sa création, en 2006, la taxe sur les billets d'avion a permis de collecter plus de 1,8 milliard d'euros. La France est le seul pays à consacrer une partie des recettes de la TTF, créée en 2012, au développement – en 2016, la moitié du 1,1 milliard d'euros dégagé par la TTF. Ainsi, en 2016, le FSD a atteint un niveau de 738 millions d'euros, 528 provenant de la TTF et 210 de la taxe sur les billets d'avion.
La gestion de ce fonds, que vous trouvez trop opaque, est effectuée par l'AFD pour le compte de l'État, sur instruction et sous la supervision d'un comité de pilotage interministériel qui rassemble la direction du budget, la direction du Trésor et la direction de la mondialisation du ministère des affaires étrangères. L'AFD y est présente, mais elle n'a pas voix délibérative.
Nous sommes conscients qu'il faut améliorer le mode de gestion du FSD et sa transparence, et nous allons faire un effort dans ce domaine en 2017. Nous préparons un projet de décret pour que les priorités du FSD soient plus claires : principalement la santé et le climat, auxquelles j'espère ajouter l'éducation. Je ne suis pas hostile, à titre personnel, à l'idée d'un budget prévisionnel – même s'il devra évidemment évoluer, car le FSD est par définition évolutif – et d'un bilan comptable. Je souhaite que la transparence de la gestion du FSD et le décret en préparation sur ce point soient à l'ordre du jour du CICID. En 2017, le Parlement pourra noter une véritable évolution positive de sa capacité d'analyse de la gestion du FSD.
Madame Guittet, vous m'avez interrogé sur le Fonds sida et l'Alliance GAVI. En 2013, la France s'est engagée à verser 1,08 milliard au Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Nous avons versé 352 millions d'euros en 2014 et 320 en 2015. Au titre de 2016, 328 millions sont actuellement fléchés, ce qui porterait le total des versements français à 1 milliard d'euros sur la période 2014-2016. Pour 2017, la contribution sera considérablement augmentée de manière à apporter dès le début de l'année les 80 millions d'euros restants. Cela nous placerait donc au niveau prévu en 2013.
Pour la période 2017-2019, j'ai confirmé, lors de mon récent déplacement à Montréal pour la reconstitution du Fonds mondial, que la participation de la France serait maintenue au même niveau de 1,08 milliard, et je peux vous assurer que l'accueil a été très positif de la part de tous les participants. Nous devrions rester le deuxième contributeur mondial, après les États-Unis, même si la Grande-Bretagne vient de décider une augmentation très forte de sa participation. Nous serons donc « en concurrence » avec la Grande-Bretagne sur la contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.
Concernant l'Alliance GAVI, lors de la conférence de mobilisation des ressources qui s'est tenue à Londres le 13 juin 2011, la France avait annoncé une contribution additionnelle de 100 millions d'euros pour 2011-2015. Les versements ont été intégralement honorés, le dernier à hauteur de 22 millions d'euros, le 31 mars de cette année. Nous sommes donc à jour de nos obligations à l'égard de l'Alliance GAVI, que j'ai visitée récemment à Genève. En marge du sommet de la francophonie à Madagascar, j'ai prévu de me rendre sur le terrain dans un village où GAVI vaccine les enfants. Depuis sa création, l'Alliance a permis de vacciner 580 millions d'enfants dans le monde.
L'engagement du Président de la République de doubler le financement transitant par les ONG a bien été tenu. La loi de 2014 a officialisé le rôle croissant des ONG dans le domaine du développement et de la solidarité internationale. Cette participation est fondamentale et de plus en plus reconnue. Cela se traduit par une augmentation de la part de l'aide publique au développement qui transite par les ONG : de 1,2 % au début du quinquennat, elle a dépassé 2 % en 2015. Depuis 2015, l'augmentation de l'enveloppe dédiée aux initiatives des ONG est de 8 millions d'euros par an, dont 1 million alloué à l'abondement du Fonds d'urgence humanitaire. Le PLF 2017 prévoit une augmentation de 9 millions d'euros en faveur du guichet des initiatives ONG de l'AFD : 79,9 millions d'euros iront à l'appui aux ONG, contre 41,8 en 2012 et 72 en 2016. Avec ce seul guichet, l'engagement du Président de la République de doubler le montant de l'aide publique au développement transitant par les ONG est en passe d'être tenu à la fin du quinquennat.
Tous canaux de financement confondus, les résultats sont encore meilleurs, puisque les crédits en faveur des ONG françaises ont augmenté de 30 % entre 2012 et 2015, pour atteindre 141,1 millions d'euros. Cela correspond à 2,1 % de notre APD bilatérale, et ce chiffre monte à 3 % en incluant le financement d'ONG internationales et étrangères. Sur ce dernier point, les montants ont plus que doublé.
Jusqu'à l'an dernier, il était difficile de suivre avec précision l'intégralité des financements publics au bénéfice des ONG françaises. Nous pouvons désormais identifier ces financements par ONG, par zone géographique ou par thématique. Cela va nous permettre d'améliorer notre exercice de redevabilité à l'égard du comité d'aide au développement de l'OCDE, qui est très exigeant en ce domaine. Nous sommes presque à jour, nous allons pouvoir fournir toutes ces données précises par zone, par thématique et par ONG à l'OCDE et au Parlement.
S'agissant des parts relatives du bilatéral et du multilatéral, comme Mme Guigou et Pascal Cherki l'ont dit à juste titre, il ne faut pas opposer bilatéral et multilatéral. Les deux sont utiles et efficaces, à condition d'être vigilant, et les deux sont complémentaires. L'APD française reste néanmoins majoritairement bilatérale, même si la part de l'aide multilatérale s'accroît – respectivement 58 % et 42 %.
L'aide multilatérale est utile pour atteindre une masse critique hors de portée de l'aide bilatérale dans certains domaines. Elle permet d'avoir une plus grande efficacité notamment sur les grandes pandémies, par exemple à travers le Fonds mondial sida, tuberculose, paludisme. Elle est également utile pour traiter des sujets globaux et assurer une cohérence de l'action globale : quand de nombreux pays interviennent sur une zone et une thématique, le multilatéral évite le saupoudrage, voire la concurrence entre pays. Elle nous permet aussi d'orienter selon nos priorités l'aide dispensée par les grands fonds internationaux. Plus la France est présente au sein d'un de ces fonds, plus elle peut peser sur les décisions, car les droits de vote sont souvent fonction du pourcentage de la participation au budget. Prenons l'exemple du fonds Bêkou. Je participerai, dans quinze jours, à une conférence des bailleurs à Bruxelles. La France a mis en oeuvre cette action multilatérale, elle y participe à une hauteur importante, ce qui lui permet de peser au profit de la Centrafrique. Il en va de même pour le Mali ou, dans le cadre de l'action contre le virus Ebola, pour la Guinée, et pour la lutte contre le changement climatique.
Pour que cette stratégie multilatérale soit plus claire et plus lisible pour les parlementaires et les citoyens, il a été décidé, lors du CICID de juillet 2013, d'élaborer une stratégie multilatérale de la France. Elle est toujours en cours de rédaction, mais la finalisation approche. Elle a nécessité un très gros travail de concertation avec les ONG et nos partenaires institutionnels internationaux. Le travail interministériel se termine, j'en ai parlé lors du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale. Un premier document, une version longue, a été validé par le ministère des finances et le Quai d'Orsay. Une synthèse est en cours de rédaction, dont la publication devrait intervenir début 2017.
La loi de 2014 que vous avez votée définit les critères de l'aide publique au développement française sur la base de quatre partenariats différenciés : les pays pauvres prioritaires, très majoritairement africains et francophones ; l'Afrique subsaharienne ; les pays du voisinage sud et est de la Méditerranée, c'est-à-dire le Moyen-Orient ; les pays en crise ou en sortie de crise, et en situation de fragilité.
J'en viens maintenant à la taxation des transactions financières intraday. Nous y sommes tous favorables. Le problème est de savoir quand et comment.
S'agissant de la faisabilité de cette taxation intraday, beaucoup d'amendements déposés sur la première partie de la loi de finances prenaient exemple sur la Grande-Bretagne, notamment sur le stamp duty, qui taxe les transactions intraday sur actions avec un taux de 0,5 %. Mais cette comparaison est limitée par deux éléments. D'une part, le stamp duty exonère intégralement les banques, ce qui n'est pas le cas de la TTF française ni du projet de TTF européenne. Ce sont essentiellement les hedge funds et les fonds de pension qui la paient, or il n'y en a quasiment pas sur le marché parisien. D'autre part, elle est en place depuis longtemps à Londres, dans une place financière qui dispose des infrastructures pour la traiter. Aujourd'hui, techniquement, ni le fisc français ni les banques françaises ne sont en mesure de prélever une TTF intraday. Il faudrait modifier les systèmes informatiques de traitement des négociations des intermédiaires, modifier un grand nombre de conventions entre les clients et les intermédiaires financiers, sans parler du fait qu'il faudrait faire en sorte que les acteurs financiers de Londres ou de Francfort la paient également au fisc français. C'est pourquoi il faut avancer de manière groupée et au niveau européen.
Le 10 octobre dernier, dix États européens, dont la France, se sont mis d'accord sur les contours d'une taxe européenne. Pierre Moscovici a annoncé que la Commission rédigerait un texte avant la fin de l'année. Ce serait une grande avancée, car, pour la première fois, on n'en resterait pas au niveau des principes : nous pourrions avancer sur un texte de droit, une directive. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite la mise en place d'une taxe intraday au niveau européen, dans ces dix pays, qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2018.
Il faut faire preuve de volontarisme pour que ces dix pays, qui sont volontaires, avancent. Les échos qui nous parviennent de Bruxelles nous laissent penser que c'est le cas et que nous allons vers un texte normatif avant la fin de l'année.
En réponse à MM. Tétart et Censi, les 738 millions de financements innovants ont été répartis comme suit : 80 millions pour l'UNITAID ; 328 millions au Fonds mondial ;1 million à l'Initiative solidarité santé Sahel ; 22 millions à l'Alliance GAVI ; 26 millions à l'IFFIm (International Finance Facility for Immunisation) ; 38 millions pour les dépenses du programme 110 ; 62 millions pour le Fonds vert ; 60 millions pour les projets climat AFD ; 25 millions pour le Fonds climat pour l'Afrique, et le fonds PMA ; 15 millions pour les projets forêt CREWS ; 15 millions de report 2015 sur 2016 de dépenses FSD ; 8 millions au partenariat mondial pour l'éducation ; 2 millions pour Expertise France (fonds de cofinancemement) ; 21 millions d'euros d'aide budgétaire en dons à l'Afrique.
Mesdames Coutelle et Gueugneau, le ministère a arrêté une stratégie genre et développement pour la période 2013-2017. Le CICID de 2013 avait chargé le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) d'évaluer la mise en oeuvre de cette stratégie sur une base annuelle. Les conclusions du HCE sont positives s'agissant du portage politique et l'engagement du ministère sur cette thématique. En revanche, elles relèvent la faiblesse des montants de l'aide que nous sommes en mesure de rattacher à la problématique du genre. Alors que l'objectif est d'avoir 50 % de notre APD sensible au genre, nous n'en étions qu'à 17 % en 2015, dernier chiffre connu. Cela s'explique en partie par les difficultés à identifier statistiquement la part « genrée » de notre aide, et par la non-prise en compte de notre aide multilatérale sensible au genre dans la comptabilisation.
Le ministère continuera ses efforts, notamment en améliorant les outils de comptabilisation de notre aide sensible au genre, tout en accroissant le volume de celle-ci. Notre aide bilatérale sensible au genre devrait passer de 55 millions d'euros en 2015 à 62 millions d'euros en 2016. L'augmentation de l'aide publique au développement pour 2017 devrait permettre de consolider cette trajectoire favorable à la stratégie « genre » dans notre APD. La problématique du genre sera, bien sûr, l'une des problématiques importantes du prochain CICID.
S'agissant des droits sexuels et reproductifs, j'ai lancé, le 4 octobre dernier, à la maison de la femme à Paris, avec des associations et les ONG concernées, la première stratégie sur les enjeux de population, de droits et santé sexuels et reproductifs. Elle cible prioritairement l'augmentation des taux de prévalence contraceptive et la santé sexuelle des jeunes et adolescents dans huit pays du Sahel. L'initiative de Muskoka a pris fin en 2015, mais face aux défis sanitaires et démographiques persistants en Afrique de l'Ouest et du Centre, et au vu des résultats de l'évaluation à mi-parcours réalisée en 2015, il a été décidé de poursuivre le financement du fonds français Muskoka, financé à hauteur de 10 millions d'euros en 2016. La priorité ira au renforcement de la complémentarité des différents canaux utilisés, en renouvelant notre partenariat avec les quatre agences des Nations unies, et en poursuivant l'action bilatérale de l'AFD. L'aide sera concentrée géographiquement vers les pays du Sahel et priorisée vers la santé sexuelle et reproductive des adolescents, la nutrition et le renforcement transversal des systèmes de santé.
S'agissant de l'Afghanistan, je me suis rendu, au nom de la France, à la conférence des pays donateurs, le 5 octobre dernier. J'y ai annoncé le maintien de notre soutien à ce pays d'un montant de 100 millions d'euros sur cinq ans – nous n'abandonnons donc pas l'Afghanistan. L'éducation et la santé seront nos priorités. Quant au centre évoqué par M. Mariani, son activité est en train de reprendre, pas seulement pour l'apprentissage de la langue française, mais aussi en matière culturelle. Il n'y a pas encore de grands événements programmés, mais l'activité va progressivement monter en puissance. Je me rendrai, en janvier ou février, à Kaboul pour inaugurer l'hôpital mère-enfant avec l'Aga Khan, dont la fondation a également beaucoup contribué au financement.
La commission des Nations unies sur l'emploi en santé et la croissance économique, créée par le secrétaire général Ban Ki-moon en mars 2016 et coprésidée par le président Hollande et le président sud-africain Zuma, s'est réunie à Lyon en présence de ses deux présidents en mars dernier, et en septembre à New York. Les travaux de la commission nous ont permis de dresser plusieurs constats fondateurs. En particulier, investir dans les emplois en santé représente un levier majeur de croissance économique inclusive et durable, et de cohésion sociale. Près de 40 millions de postes, de brancardiers et femmes de service à infirmières diplômées et médecins, sont nécessaires d'ici à 2030 pour répondre aux besoins sanitaires de la population des pays concernés. Des ressources humaines additionnelles en santé sont un élément clé pour mettre en oeuvre la couverture santé universelle, qui est notre objectif pour 2030. La couverture santé universelle fait partie des dix-sept objectifs de développement durable.
Pour la mise en oeuvre des recommandations de cette commission au sein de chaque pays, nous avons fait le choix de travailler au sein de la francophonie. Lors du sommet de l'Organisation internationale de la francophonie, qui se tiendra à Tananarive les 26 et 27 novembre prochains, la thématique de l'emploi dans le domaine de la santé fera partie des résolutions qui seront adoptées. Nous allons également aborder ce sujet lors de l'assemblée mondiale de la santé en mai prochain, car c'est un sujet très important qui fait partie de nos priorités.
La dette des pays les plus pauvres fait l'objet de l'action 03 du programme 110. Le calendrier de ces crédits est très lié à celui de la conclusion des accords internationaux d'annulation de la dette. Dans le PLF 2017, l'action 03 du programme 110 est stable par rapport à 2016, à 103 millions d'euros. Les autorisations d'engagement augmentent fortement, à 330 millions d'euros, contre zéro en 2016. Le recul relatif des crédits ces dernières années était lié à la fin progressive des Accords de Dakar, qui ont représenté une étape importante de l'annulation de la dette de la part de la France.
Nous restons vigilants sur l'endettement des pays en développement ; la France promeut une doctrine de financement soutenable du développement. Nous avons une technique qui fonctionne bien : les contrats de désendettement et de développement (C2D). Lorsqu'un pays rembourse sa dette, son remboursement est affecté par la France à des actions de développement. J'ai ainsi signé un C2D en Côte d'Ivoire très important financièrement. Cette technique fonctionne très bien, à la grande satisfaction de nos partenaires africains et de nous-mêmes.
Les projets du Fonds d'étude et d'aide au secteur privé et les prêts du Trésor font tous l'objet d'une communication publique. Parmi les projets en cours, on trouve une ligne à grande vitesse au Maroc pour 70 millions d'euros en 2016 ; le métro de Hanoï pour 40 millions d'euros ; la construction d'un TER reliant la garde de Dakar, pour 72 millions d'euros ; le métro du Caire, pour 71 millions d'euros. Il s'agit d'un outil très important contribuant à la fois à l'aide au développement et à notre commerce extérieur, notamment lorsqu'il s'agit d'infrastructures de transport, de trains ou de métros.
Monsieur Pancher, concernant l'eau, les chiffres officiels de l'APD française disponibles auprès de l'OCDE montrent que la part des dons reste stable depuis 2010, autour de 60 millions d'euros par an, hormis un pic à 79 millions d'euros en 2013. En 2014, ce chiffre, fourni par l'AFD, est de 58 millions d'euros. Le montant des prêts varie, en revanche, selon les années, avec un pic à 833 millions d'euros en 2014. C'est ce qui explique la forte variation de l'équilibre entre prêts et dons dans ce secteur selon les années : 93 % contre 7 % en 2014, mais 71 % et 29 % en 2013. Tout dépend des projets identifiés et « bankables », qui ne sont pas constants sur douze mois.
Dans ce secteur comme dans bien d'autres, l'AFD mélange souvent prêts et dons car les deux canaux ne s'opposent pas, et parfois se combinent. Le partenariat qui se développe dans ce secteur entre l'AFD et la Fondation Gates aboutit dans un premier projet au Sénégal. Lors d'un débat organisé par le journal Le Monde, j'ai essayé de convaincre Bill Gates d'orienter les financements de sa fondation vers le secteur de l'éducation. La Fondation Gates fait beaucoup pour la santé, elle élargit sa palette d'intervention, notamment dans le domaine des infrastructures, de l'eau et de l'assainissement. Elle est intéressée par l'éducation, et réfléchit au sujet.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, vous avez parfaitement exécuté cet exercice en embrassant la totalité des sujets soulevés.
La réunion de la commission élargie s'achève à onze heures cinq.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale