La commission entend M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, sur les résultats de l'exercice 2016.
Monsieur le secrétaire d'État, nous nous retrouvons pour un rendez-vous habituel : la présentation des résultats provisoires de l'exécution 2016 pour le budget de l'État, dans la perspective de la préparation du projet de loi de règlement de l'exercice 2016, et, peut-être, des résultats provisoires des comptes sociaux et des comptes des collectivités territoriales.
Nous disposons déjà d'éléments significatifs et très précis, notamment grâce à votre communiqué du 7 février dernier sur la situation mensuelle budgétaire au 31 décembre 2016, mais il serait très utile que vous nous en disiez plus cet après-midi et que ceux qui le souhaitent puissent ensuite vous interroger.
Mesdames et messieurs les députés, cette audition – traditionnelle – va nous permettre d'évoquer les premiers résultats de l'exécution budgétaire 2016.
En préambule, je rappelle que, comme à l'accoutumée, nous ne disposons à ce stade que des résultats relatifs au budget de l'État. Ils sont quasi définitifs – il peut y avoir quelques modifications mineures. Les comptes seront arrêtés définitivement au mois de mars avant d'être certifiés par la Cour des comptes. En outre, les résultats de la sécurité sociale ne seront rendus publics qu'à la mi-mars, mais il semble – disons-le avec les précautions d'usage – que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) devrait être respecté ; s'il ne l'était pas, il s'en faudrait de peu.
Quant aux collectivités territoriales, une première agrégation de leurs comptes sera publiée à la fin du mois de mars, même si nous avons d'ores et déjà des données infra-annuelles assez précises. Les derniers documents dont je dispose datent d'hier soir ; portant sur la situation des comptes au 31 janvier, ils retracent quelques éléments significatifs. Certes, ces chiffres, qui prennent en compte la période complémentaire du mois de janvier, doivent être maniés avec précaution, car ils peuvent encore varier légèrement, mais les dépenses réelles de fonctionnement de l'ensemble des collectivités locales – bloc communal, départements et régions – auraient connu une augmentation historiquement faible de 0,77 %. Parmi ces dépenses, les frais de personnel auraient augmenté de 0,9 %. Quant aux recettes réelles de fonctionnement, elles auraient augmenté de 1,97 %, soit une progression significativement plus forte que celle des dépenses, et, nonobstant des disparités, la capacité d'autofinancement, c'est-à-dire l'épargne brute, aurait augmenté de 9,37 %. Les dépenses d'investissement hors remboursement auraient, pour leur part, baissé de 2,29 %, variation également plus faible que les années précédentes. Quant aux dépôts au Trésor, ils s'élèvent à 37,9 milliards d'euros, alors qu'ils étaient de 35 milliards d'euros il y a un an.
Le montant du déficit public pour 2016 fera l'objet d'une première estimation que l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) publiera, selon nos informations, vendredi 24 mars prochain. Le programme de stabilité devrait, pour sa part, être présenté en Conseil des ministres le 12 avril prochain.
À la lumière des premiers chiffres dont nous disposons, nous pouvons considérer que l'objectif du Gouvernement de ramener le déficit public à 3,3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2016 se trouve conforté – c'est d'ailleurs, je le souligne, le point de vue de la Commission européenne, dont les prévisions dites « d'hiver », publiées hier matin, sont identiques sur ce point à ce qui était prévu à l'automne dernier.
L'année 2017 s'ouvre donc sur une note positive pour les finances publiques : en 2016, le déficit budgétaire de l'État s'est établi à un peu moins de 69 milliards d'euros. Ce chiffre correspond à la fois à une amélioration d'un milliard d'euros par rapport à la dernière loi de finances rectificative et de 3,3 milliards par rapport à ce que nous avions prévu en loi de finances initiale 2016. Cela devient une habitude : nos résultats d'exécution sont, depuis plusieurs années, significativement meilleurs que nos prévisions. Sous ce quinquennat, le redressement de nos comptes publics aura été exceptionnel : entre 2012 et 2016, le déficit de l'État a été ramené de 87 à 69 milliards d'euros soit une diminution de plus de 18 milliards. En 2011, le déficit public s'établissait à plus 5 % du PIB ; je vous invite à en tirer toutes les conclusions qui s'imposent.
Il est donc faux de dire que les dépenses ou les déficits auraient explosé au cours de ce quinquennat ; ils se sont réduits. Je dis souvent que le passé éclaire l'avenir : déjà, en 2015, alors que la loi de finances initiale tablait sur un déficit de l'État supérieur à 74 milliards d'euros, il fut de 70,5 milliards, soit 4 milliards de mieux que ce que nous avions originellement prévu. En 2016, nos résultats d'exécution ne sont pas seulement meilleurs que nos prévisions : pour la première fois depuis 2008, le déficit de l'État est repassé sous la barre des 70 milliards. Ces bons résultats sont le fruit d'une méthode exigeante – exigeante pour tous, pas seulement pour l'État – à laquelle nous avons su nous tenir : d'abord, en menant en 2016 la deuxième étape du plan triennal d'économies lancé en 2015 pour l'État comme pour l'ensemble des administrations publiques ; ensuite, en finançant en cours d'année toutes les dépenses nouvelles par redéploiement, et donc par des économies complémentaires ; enfin, en pilotant au plus juste la dépense en fin d'année.
Comme je l'avais indiqué lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative, les ouvertures de crédits de fin d'année ont d'abord été compensées par des annulations à hauteur de 1,7 milliard d'euros, essentiellement sur la réserve de précaution, que nous avions portée par prudence à un niveau particulièrement élevé dès le mois d'avril 2016. Par ailleurs, les prélèvements sur recettes ont été réduits de 2 milliards, notamment grâce à une sous-exécution du budget de l'Union européenne en 2016 ; parallèlement, le plafond des taxes affectées aux opérateurs a été abaissé de 200 millions par plusieurs prélèvements sur fonds de roulement.
In fine, la norme de dépenses de l'État, hors dette et pensions, a été sous-exécutée de 400 millions d'euros à 294,8 milliards d'euros de dépense – l'objectif était de 295,2 milliards. Les dépenses du budget général, à périmètre constant, sont en baisse de 2,7 milliards par rapport à 2015, ce qui porte le total de la baisse à 6,3 milliards depuis 2012 ; « à périmètre constant » signifie qu'il est tenu compte du fait que l'État prend désormais en charge des dépenses qui incombaient auparavant à la sécurité sociale, notamment les allocations logement.
En dépit de cet effort, nous sommes parvenus à financer nos priorités, qu'il s'agisse du plan emploi, des aides aux agriculteurs, de la poursuite des recrutements dans l'éducation nationale ou, bien sûr, des dépenses de sécurité et de défense. En 2016, comme chaque année, nous avons parfaitement respecté la loi de programmation militaire. Nous avons même fait mieux, puisque nous l'avons sur-exécutée de près de 800 millions d'euros !
Votre commission étant légitimement très attentive à ce paramètre, je précise que ces résultats sont atteints en maintenant un niveau purement résiduel de dette de l'État envers la sécurité sociale.
En ce qui concerne les recettes, les recettes totales de l'État – recettes fiscales, recettes non fiscales et solde des comptes spéciaux retraités de l'opération de recapitalisation de l'Agence française de développement – sont globalement en ligne avec le niveau de la loi de finances initiale. Cependant, les recettes fiscales sont inférieures de 3,8 milliards d'euros au montant prévu en loi de finance initiale. Nous avions d'ailleurs opéré des ajustements dès la loi de finances rectificative, essentiellement au titre de l'impôt sur les sociétés (IS). Plus précisément, les recettes d'impôt sur le revenu (IR) sont légèrement supérieures – de 200 millions d'euros – à la prévision de la loi de finances rectificative, qui avait ajusté les recettes pour prendre en compte une appropriation meilleure que prévu du crédit d'impôt pour la transition énergétique. Les recettes de TVA sont, pour leur part, en phase avec la loi de finances rectificative, donc légèrement inférieures à la prévision initiale, sous l'effet d'un transfert de 500 millions de TVA à la sécurité sociale pour compenser la baisse des cotisations maladie des exploitants agricoles, décidée au début de l'année 2016. Les autres recettes fiscales sont quasiment en ligne avec la prévision initiale, quoique légèrement en deçà – inférieures de 400 millions d'euros. Les recettes ont par ailleurs été soutenues par le rendement du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) : le rendement global pour l'année 2016 s'établit à 2,5 milliards.
Ainsi, grâce à un budget initial bâti sur des hypothèses réalistes, nous tenons nos engagements quant au solde budgétaire, qui s'améliore de 3,3 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale.
Alors à quoi bon pousser des cris d'orfraie quand les résultats apportent un cruel démenti à tous ceux qui prétendent jouer les Cassandre ? La Cour des comptes elle-même, qui se montre souvent critique à l'égard du Gouvernement, a salué la semaine dernière les progrès réalisés depuis 2012 pour assainir nos finances publiques, et, tout en redressant les comptes publics, nous avons financé nos priorités. Savez-vous que l'ensemble des mesures du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, lancé en 2012, représente en 2017 un impact cumulé de plus de 4 milliards d'euros, soit 0,2 point de PIB ? L'une des mesures en question est l'augmentation de 10 % au cours du quinquennat du montant du revenu de solidarité active (RSA). Savez-vous que l'effort budgétaire en faveur de l'éducation et de la jeunesse aura augmenté de près de 6 milliards d'euros entre 2012 et 2017, soit 10 % de hausse pour atteindre plus de 65 milliards d'euros en 2017 ? Ces deux exemples illustrent notre politique et nos priorités.
Quant à l'exercice 2017, je souhaite rappeler que le Gouvernement s'est attaché à construire le budget sur des hypothèses solides – la Commission européenne, qui n'est pas un repaire de gauchistes, l'a d'ailleurs reconnu, puisqu'elle confirme la prévision, à politique inchangée, d'un déficit à 2,9 % du PIB en 2017. Cela permettra à la France de sortir enfin de la procédure de déficit public excessif dont elle est l'objet depuis 2009. Le débat sur la sincérité, attisé artificiellement par l'opposition, a été éteint par les décisions du Conseil constitutionnel sur la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
Je le répète : l'ensemble des mesures décidées, notamment celles qui concernent la rémunération des fonctionnaires, la jeunesse, l'emploi et la sécurité, sont intégralement financées ; dans le même temps, les mesures fiscales en faveur de la compétitivité des entreprises et la baisse de l'impôt sur le revenu sont maintenues.
Je vous entends déjà, monsieur le président de la commission des finances : « Oui, le déficit baisse, mais très peu... ». N'oublions pas, n'oublions jamais que les mesures de réduction de cotisations sociales, qui devraient être supportées par la sécurité sociale, sont intégralement compensées par l'État. Voilà qui relativise les remarques selon lesquelles cette baisse du déficit est faible : nous aurions bien plus sensiblement réduit le déficit de l'État si nous avions laissé à la charge de la sécurité sociale le montant, plus que significatif, de ces allégements.
Je rappelle qu'en 2016, près de 200 000 emplois salariés marchands ont été créés. C'est le rythme de création le plus élevé depuis neuf ans. Nous avons visé et obtenu un retour à la sécurité financière. Nous y parvenons grâce à l'effort, sur plusieurs années, de l'ensemble des collectivités publiques : État, sécurité sociale, collectivités territoriales. Je ne le nie pas : tous les acteurs de la dépense publique ont contribué à ce résultat.
Voilà quel fut, et quel restera jusqu'au dernier jour, comme se plaît à le rappeler le Premier ministre, le ressort notre action.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour ces éléments, qui confirment un certain nombre de développements du rapport de la Cour des comptes – des éléments qui figuraient effectivement dans ce rapport mais que n'évoquaient pas forcément ses commentateurs…
En matière de recettes de TVA, les résultats semblent conformes aux prévisions. En revanche, les recettes de l'IS sont moindres. Pourriez-vous nous dire quel serait le montant brut de l'IS, sur lequel est imputé le coût du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ? Et ce dernier coût a-t-il augmenté en exécution entre 2015 et 2016 ?
Le rendement de l'IR serait, pour sa part, supérieur de 3,5 % à la précédente exécution, soit une progression plus forte que celle du PIB – que l'on considère son évolution en valeur ou en volume. Y a-t-il à cela une raison particulière ?
D'une année à l'autre, le périmètre des dépenses peut évoluer. Pouvez-vous nous indiquer quelles nouvelles dépenses ont été mises à la charge du budget de l'État en 2016 ?
Je vous remercie d'avoir rappelé que l'État compense chaque année 37 milliards d'euros à la sécurité sociale : non seulement le budget de l'État prend en charge les dépenses de l'État, mais il assure aussi un certain nombre de compensations.
Je ne vous reprocherai pas, monsieur le secrétaire d'État, de présenter l'exécution 2016 sous un jour favorable, et même optimiste. Je n'en éprouve pas moins quelque inquiétude. Des facteurs exogènes ont nettement joué en faveur de nos comptes publics au cours de cet exercice : la charge d'intérêts de la dette a été inférieure de 2,9 milliards d'euros aux prévisions, et les prélèvements sur recettes ont été moindres de 2 milliards – cette baisse par rapport aux prévisions se répartit entre l'Union européenne, à hauteur de 1,2 milliard, et les collectivités territoriales, à hauteur de 800 millions. En revanche, d'exécution à exécution, les autres dépenses – dépenses de fonctionnement, masse salariale et dépenses d'intervention – ont augmenté. Certes, les changements de périmètre rendent toute comparaison un peu compliquée, mais, ayant lu avec attention votre communiqué de la semaine dernière sur la situation mensuelle budgétaire au 31 décembre 2016, j'aimerais savoir comment se décomposent les 83,8 milliards d'euros de dépenses d'intervention dont il fait état – le montant desdites dépenses a sensiblement crû d'exécution à exécution.
Je n'évoquerai pas 2017, mais le rapport public annuel de la Cour des comptes mentionne quand même l'explosion de la masse salariale, qui suscite une inquiétude dont le Premier président s'est fait le relais lors de l'audience de rentrée de la Cour, à laquelle vous et moi avons assisté. Sous l'effet de l'augmentation de la valeur du point d'indice, de l'augmentation très importante des effectifs et du plan pluriannuel relatif aux carrières et aux rémunérations, elles devraient progresser de 3 % à 4 % par an. Nous sommes en quelque sorte sauvés par des éléments exogènes mais, compte tenu des changements de structure, il serait intéressant que vous nous décomposiez l'évolution des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'intervention d'exécution à exécution.
Les recettes d'IS sont quand même inférieures de 3,5 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale et de 500 millions à la prévision rectifiée du collectif de fin d'année. Que s'est-il passé ? L'effet du CICE était-il plus important que prévu ? Ou le problème se situe-t-il au niveau de la marge des entreprises ?
Les résultats ne sont pas excellents non plus en ce qui concerne l'IR, dont le produit connaît une quasi-stagnation.
De même, le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) n'évolue pas en volume. Si les recettes progressent, c'est exclusivement lié à la contribution climat-énergie – 2 centimes par litre – et à la convergence de la fiscalité du diesel et la fiscalité de l'essence.
Quant à la TVA, à périmètre constant, une progression de 1,3 % en valeur, d'exécution à exécution, n'est pas très favorable. Heureusement que les recettes non fiscales sauvent la mise ! Ce n'est pas rien, 1,4 milliard d'euros de recettes grâce aux cessions de fréquences... Il y a aussi les comptes d'affectation spéciale (CAS). Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi leurs soldes sont supérieurs d'un milliard au montant inscrit dans la loi de finances rectificative de fin d'année. Votre communiqué sur la situation budgétaire au 31 décembre dernier ne nous donne pas de détails.
Vous comprenez mon inquiétude : les dépenses récurrentes ont plutôt tendance à augmenter, tandis que les recettes récurrentes stagnent. Certes, le résultat est au rendez-vous, je ne le conteste pas, mais c'est le fait d'éléments exogènes. Le solde du CAS Participations financières de l'État est ainsi supérieur de 1,2 milliard d'euros aux prévisions, notamment grâce aux cessions d'aéroports, mais tout cela a un côté très artificiel et très temporaire, surtout quand on songe à ce qui nous attend avec la recapitalisation d'AREVA. Sans esprit de polémique, si nous atteignons l'objectif visé, tant mieux, notamment pour la crédibilité de notre pays, mais les motifs d'inquiétude sont réels. Je ne répéterai pas ce qu'a dit la Cour des comptes...
..mais passer d'un déficit de 3,5 % du PIB en 2015 à 3,3 % en 2016, ce n'est quand même pas une performance unique et exceptionnelle en Europe !
Je vous ai connu faisant preuve de plus de bonne foi, monsieur le président. Les chiffres, que cela plaise ou non, témoignent d'une évolution pour le moins « raide » des finances publiques. Vous avez mis en valeur, monsieur le secrétaire d'État, les politiques gouvernementales qui se traduisent par une hausse de la dépense ; or, les chiffres que vous nous présentez aujourd'hui font état d'une baisse, d'une année sur l'autre, de 4 milliards d'euros du champ « zéro valeur » ! C'est sans précédent. Où ces économies ont-elles donc été réalisées ? Encore une fois, je n'ai jamais observé une telle baisse des dépenses pilotables depuis que je suis les questions budgétaires – ce qui fait tout de même quelques années...
Ma deuxième question porte sur les rentrées fiscales. Sauf erreur, l'écart entre la prévision de croissance économique retenue dans la loi de finances initiale pour 2016 – soit 1,5 % – et la croissance constatée de 1,2 % est de l'ordre de 0,3 % ; sur un total de 1 000 milliards de recettes fiscales, cela représente d'un point de vue macro-économique un manque à gagner de 3 milliards de recettes fiscales, y compris au titre des cotisations sociales. Que pouvez-vous nous dire de cette question des rentrées fiscales moindres en raison de la révision à la baisse de la croissance économique ? Avez-vous déjà des données concernant les rentrées de cotisations sociales, notamment patronales, pour 2016 ?
Troisième question : le CICE relève-t-il oui ou non du « champ maastrichtien » ?
Enfin, les données que vous nous présentez permettront à chacun de convenir qu'en 2017, la France respectera enfin la règle du plafond de 3 % de déficit et sera de ce fait soumise au plan préventif, et non plus correctif, du pacte de stabilité européen. Pour respecter celui-ci, elle devra donc dès l'année prochaine corriger son déficit structurel de 0,5 % par an pour aboutir à l'équilibre budgétaire dans moins de cinq ans. Pouvez-vous nous confirmer qu'à partir de l'an prochain, nous ne chercherons plus à réduire le déficit mais à respecter l'obligation de correction de 0,5 % du déficit structurel qui nous est faite par le pacte ?
La capacité brute d'autofinancement des collectivités territoriales se serait selon vous améliorée de quelque 9 %, monsieur le secrétaire d'État : sans doute faudrait-il étudier de près comment les collectivités territoriales ont réagi aux baisses de dotations. Dans le département du Jura, les dépenses de fonctionnement ont été considérablement diminuées partout où c'était possible – y compris les subventions et aides aux associations, par exemple – et, dans le même temps, l'investissement a été énormément réduit. Certes, la capacité d'autofinancement s'est améliorée, et pour cause : nous ne faisons plus rien ! Est-ce pour autant la bonne solution ? Le chiffre de 9 % que vous donnez n'a aucun sens si l'on n'examine pas en détail quelles en sont les conséquences.
La France relève toujours de la procédure de déficit public excessif. Si le déficit passe sous le seuil de 3 % du PIB l'an prochain, sortirons-nous du champ de cette procédure et les perspectives pour 2017 nous le permettront-elles vraiment ? Je vous cite à nouveau : depuis 2012, les dépenses consacrées à l'éducation nationale ont augmenté de 6 milliards d'euros ; ce n'est pas un montant anodin. Or, dans les territoires ruraux et montagnards, la préparation de la dernière rentrée scolaire a été très douloureuse ! Dans le seul département du Jura, dix-huit classes ont fermé. C'est un paradoxe : vous annoncez 6 milliards de dépenses supplémentaires au titre d'une ligne budgétaire essentielle et, pourtant, on ne cesse de fermer des classes ! Vous avez instauré un dispositif tout à fait pervers dit « plus de maîtres que de classes » qui affecte davantage les territoires ruraux et montagnards malgré les efforts budgétaires demandés à tous nos concitoyens dans tous les territoires.
J'en viens enfin au niveau de la dette, après que vous vous êtes félicité de sa baisse en répondant tout à l'heure à une question dans l'hémicycle. Permettez-moi tout de même de rappeler que vous avez bénéficié de la baisse exceptionnelle des taux d'intérêt, qui explique 40 % de la maîtrise globale des dépenses – soit une part colossale. Tant mieux ; c'est une évolution conjoncturelle qui ne se reproduira peut-être plus.
N'oubliez pas non plus que le maintien de notre dette à 96 % du PIB est non seulement lié à la faiblesse des taux d'intérêt, mais surtout à l'utilisation continue par l'Agence France Trésor d'un volume élevé d'émissions sur des souches anciennes, c'est-à-dire à des taux supérieurs à ceux du marché actuel, ce qui présentera un réel problème pour les remboursements des années à venir : notre capacité de remboursement subira un effet de ciseau qui affectera nécessairement les dépenses courantes annuelles. Je souhaite que vous expliquiez en toute transparence quelles en seront les incidences sur nos futurs remboursements.
Peut-on quantifier l'incidence des opérations extérieures (OPEX) et du renforcement de la sécurité sur le budget de 2016 ? D'autre part, la situation économique s'améliore grâce à la création de 200 000 emplois : pouvez-vous anticiper quel impact cela produira sur les recettes de l'impôt sur les sociétés en 2017 ?
Dans son dernier rapport public annuel, la Cour des comptes a souligné que la réduction du déficit est « modérée » et facilitée une nouvelle fois par la baisse des taux d'intérêt, la charge de la dette étant inférieure de 2,9 milliards d'euros par rapport aux prévisions. Elle a ajouté que le déficit structurel demeure élevé en 2016. D'autre part, le président Carrez a évoqué la semaine dernière en séance publique l'évolution de l'écart révélateur qui existe entre le poids de la dépense publique en France et dans les autres pays de la zone euro : il était de 7,5 points en 2010 contre 10,7 points en 2015 – autrement dit, il n'a cessé de croître depuis 2012. Cela signifie que la France a décroché par rapport à la zone euro et qu'elle n'est pas parvenue à se réformer de manière structurelle ; voilà ce que l'on peut retenir de l'analyse présentée dans le rapport de la Cour des comptes.
Je m'interroge sur la baisse des recettes fiscales, en particulier celles de l'impôt sur les sociétés qui diminuent depuis plusieurs années – et de manière substantielle cette année, à hauteur de près de 3 milliards d'euros par rapport aux prévisions. Pouvez-vous confirmer que cette baisse résulte d'une érosion des bases et, si c'est le cas, que la marge des entreprises connaît une forte diminution ?
Ma seconde question porte sur la sous-budgétisation. En 2016, le recours aux décrets d'avance a été beaucoup plus fréquent que l'année précédente, comme cela a déjà été dit lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Les montants concernés – plus de 4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et plus de 3 milliards de crédits de paiement – sont nettement supérieurs à ceux de 2015. N'est-il pas possible d'anticiper ces dépenses parfois prévisibles ? Les montants atteints sont en effet très élevés alors que le recours aux décrets d'avance devrait être par nature dérogatoire au principe d'autorisation parlementaire des dépenses.
Ma première question porte sur les comptes spéciaux. Les dépenses exécutées sont naturellement inférieures aux prévisions. Pouvez-vous nous dire ce qui, dans ces comptes spéciaux, relève de l'action volontariste du Gouvernement et ce qui, au contraire, est lié à des effets purement mécaniques ? Ceux-ci ne sont d'ailleurs pas à négliger et l'on ne peut que s'en féliciter, comme le rappelait Marie-Christine Dalloz, mais le Gouvernement ne peut guère s'en attribuer la responsabilité.
D'autre part, le Haut Conseil des finances publiques indique que les versements à l'Union européenne d'une part et aux collectivités locales d'autre part ont été revus à la baisse, ce qui a naturellement une incidence sur l'exécution budgétaire que vous nous présentez. Selon quelles modalités la baisse de ces versements a-t-elle été décidée ?
Je me félicite que nous soyons parvenus ces dernières années à rétablir les normes que nous avions initialement instaurées au niveau européen. Ce retour aux grands équilibres de la dépense est satisfaisant. Quelques questions demeurent cependant. Tout d'abord, avez-vous mesuré l'incidence que pourrait avoir en 2017 et surtout en 2018 un éventuel désengagement américain en matière de défense européenne, via l'OTAN ? Bercy s'est-il interrogé sur les conséquences concrètes pour la dépense militaire d'un retrait militaire partiel des États-Unis en Europe ?
D'autre part, je suis très inquiet au sujet d'AREVA. Sa recapitalisation par fusion avec EDF est certes nécessaire, mais la question de la dimension financière de son démantèlement n'est toujours pas réglée. Des engagements ont été pris mais comment, concrètement, démantèle-t-on une usine comme Georges-Besse I, compte tenu du coût que cela représente ?
Enfin, quelles sont les conséquences de la baisse des rendements connus de l'assurance vie ? Celle-ci connaît désormais un glissement certain qui a des incidences sur nos recettes, en particulier au titre de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Quel en sera l'impact au cours des deux prochaines années, même si l'environnement demeure favorable ? Un rendement maximal de 2,5 % est très faible, et cela risque d'affecter gravement nos recettes en 2018. Quelle perspective envisagez-vous pour l'année prochaine ?
Mme Dalloz parlait à l'instant d'effet ciseau ; que n'a-t-elle pas rappelé l'effet massue que fut celui de la superposition des déficits provoquant une cavalcade de la dette parce que le taux d'intérêt était supérieur au taux de croissance ! Il fait partie de l'héritage qu'il nous a fallu assumer.
Précisément : les stocks étaient si élevés et la dynamique si forte que cinq années ne furent pas de trop pour la casser.
Dans ces conditions, nous ne pouvons nous livrer qu'à des constats très positifs : le déficit est plus faible que prévu, les dépenses publiques sont respectées et plus modérées qu'elles ne l'étaient précédemment – n'en déplaise aux donneurs de leçons – et la modération des charges financières joue un rôle vertueux pour l'évolution de nos dépenses, étant entendu que la faiblesse des taux d'intérêt est en partie liée, comme chacun sait, à la crédibilité de la politique économique et financière qui est menée.
Ma première question porte justement sur l'héritage. Il n'a pas fallu réduire que la dette et le déficit, mais aussi les fonds que l'État emprunte sur les marchés financiers pour financer ses besoins annuels de fonctionnement. Or, pour rembourser les emprunts croissants levés au cours de la période 2007-2012, nous empruntons encore 185 milliards d'euros sur les marchés financiers. Pouvez-vous nous rappeler quelle part du paiement annuel des fonctionnaires ces 185 milliards représentent ?
Ensuite, vous évoquiez la modération des dépenses de personnel dans les collectivités locales ; nous nous en réjouissons. Pour autant, si ces dépenses sont modérées, c'est aussi parce que les charges exogènes imposées par l'État aux collectivités locales ont elles-mêmes été modérées. Le temps n'est pas si éloigné – c'était en 2014 – où, sur un même exercice, le seul poids des reclassements catégoriels, de l'augmentation des cotisations au titre de l'URSSAF, des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL), du glissement vieillissement technicité (GVT), des avancements de grade et d'échelon ou encore de la revalorisation du SMIC a coûté à ma commune 1,1 million de dépenses exogènes supplémentaires qu'il a fallu financer en redéployant les autres dépenses et en trouvant les économies nécessaires. Dans la réflexion que vous conduisez sur la modération des dépenses publiques, en particulier celles des collectivités locales, qui ne dépendent pas directement de l'État mais qui peuvent être liées à ses décisions, vous avez créé une structure s'apparentant à un observatoire qui est chargée d'évaluer toutes les dépenses imposées pouvant avoir une incidence sur la dynamique de dépense des collectivités sans que les élus locaux en soient à l'origine.
Je vais m'efforcer d'apporter quelques réponses, sans respecter l'ordre des questions, je vous prie de m'en excuser.
S'agissant d'AREVA, je ne peuxpas aujourd'hui vous donner davantage d'informations sur les recapitalisations en cours. Ces opérations financières massives sont en train d'être négociées, parfois avec des partenaires privés ; elles ont donné lieu à de premiers échanges avec la Commission européenne.
La question que vous n'avez pas posée mais qui sous-tend probablement vos remarques est de savoir quelle part de ces opérations sera comptabilisée dans le déficit maastrichtien. Aujourd'hui, je ne peux pas vous répondre, parce que la Commission européenne n'a pas encore apporté de réponse à cette question, faute de connaître les caractéristiques précises de ces opérations.
Les négociations en cours sont partiellement couvertes par le secret – je n'y participe pas mais j'en suis informé, rassurez-vous – ou inquiétez-vous... La première des deux opérations de recapitalisation porte sur l'ancienne société AREVA SA et la seconde sur la nouvelle société NewCo. Nous prévoyons des décaissements importants sur le CAS Participations financières de l'État au titre de ces opérations, je vous le confirme, mais tout le monde le sait. Dans cette perspective, nous prévoyons de doter le compte de moyens suffisants pour pouvoir absorber les dépenses. La seule question qui demeure est de savoir quelles dépenses seront considérées comme maastrichtiennes. Vous connaissez, comme moi, les règles en la matière. Je ne peux pas vous en dire plus à ce stade. Des discussions sont en cours, des préaccords sont conclus. Nous verrons quelles dépenses la Commission retiendra. Je ne peux pas vous dire que ce sera zéro ou la totalité. Elle a fixé deux conditions : la validation de la mise en service de la cuve du réacteur de Flamanville par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; l'autorisation de la vente à EDF de l'activité réacteurs d'AREVA au nom du respect des règles sur les concentrations. À cet instant, ces conditions ne sont pas remplies – l'avis de l'ASN ne sera connu que dans quelques semaines ou mois. Je ne veux pas nourrir les fantasmes : en disant davantage, je ferais courir des risques à cette opération.
Un mot sur la tonalité des propos, qui sont plus apaisés ici que dans l'hémicycle, et c'est fort heureux. Je ne prétends pas, monsieur Hetzel, que le Gouvernement peut s'approprier l'ensemble des mérites qui ressortent de l'analyse des comptes. Je n'ai jamais dit une telle chose ; j'ai pris soin de préciser dans mon propos introductif que l'ensemble des acteurs ont – plus ou moins vite, plus ou moins bien, plus ou moins fortement – participé à la réduction des déficits et de la dépense publique. Oui, un certain nombre d'efforts de réduction des dépenses ont été accomplis à la sécurité sociale. Oui, les collectivités locales ont suivi le mouvement. Vous connaissez mon couplet habituel sur les collectivités : je prends toujours la précaution d'indiquer que communes et départements, départements et régions, ce n'est pas la même chose ; Guéret dans la Creuse n'est pas Lyon, tout comme Hénin-Beaumont et Nantes n'ont rien à voir. Mme Pires Beaune pointe régulièrement du doigt la diversité extrême des collectivités. Les moyennes par communes, intercommunalités, départements et régions dont je fais état ne sont pas des prévisions ; ce sont les chiffres transmis par les comptables, agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP), à la fin de chaque mois, que nous consolidons au niveau national, en l'occurrence les chiffres au 31 janvier.
Madame Dalloz, la capacité d'autofinancement a augmenté de 9,37 %. Je ne peux pas vous dire le contraire, je n'ai jamais fait mystère de ces chiffres, je les ai régulièrement communiqués à Mme la rapporteure générale ou à M. le président de la commission. Je vous transmettrai un exemplaire du document. Vous y vérifierez ce phénomène marquant que les recettes ont augmenté deux fois plus en pourcentage que les dépenses. Il est donc normal que la capacité d'autofinancement s'améliore. Les investissements – c'est variable d'une collectivité à l'autre – ont diminué d'environ 2 %, hors remboursements. La baisse était de 14 à 15 % les années précédentes. Chacun en tire ses conclusions. Est-ce grâce au fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) ou grâce à l'augmentation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ? Ces dispositifs y ont sûrement contribué mais ils ne sont sans doute pas la seule cause de l'amélioration. Je persiste à dire que les fusions d'intercommunalités ou de régions ont probablement différé un certain nombre d'investissements du fait de l'absence de lisibilité et des interrogations quant à la répartition des compétences. Est-ce grâce au Gouvernement ? Je ne sais pas.
Pour répondre à M. Baert, dans les communes, la masse salariale a baissé en 2016 de 0,03 % par rapport à 2015, autrement dit elle est restée stable. C'est une première depuis des lustres. Est-ce une bonne chose ou pas ? Chacun est libre de porter une appréciation politique. Qu'en pensent nos concitoyens ? Je ne sais pas. Ils se plaignent de la réduction des effectifs lorsqu'elle affecte leur commune, mais ils sont prompts, de façon générale, à critiquer le nombre trop élevé d'agents publics. Cette réaction est propre aux Français.
En effet, le point d'indice a été augmenté. Les collectivités locales, comme l'État, vont en subir les conséquences. L'État a intégré cette hausse dans son budget. Vous nous l'avez presque reproché, monsieur le président, en notant que la masse salariale augmente plus que l'année dernière. Mais nous souhaitons éviter les surprises lors de la loi de règlement.
Quant aux prélèvements sur recettes, nous avons enregistré pour les collectivités locales une baisse des dépenses au titre du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA). La baisse de l'investissement en 2015 a une répercussion en 2016 pour les collectivités qui bénéficient du FCTVA avec un an de décalage. S'agissant de la diminution du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, nous n'y sommes pour rien, vous avez raison. Les chiffres évoluent, quatre ou cinq fois par an, dès que l'Union adopte un budget rectificatif ou modifie les règles de calcul qui sont liées au PIB et au nombre d'habitants. Nous vous livrons la dernière version en date. Ensuite, là aussi, chacun en tire les conséquences.
La tenue de la norme de dépense s'entend hors dette et pensions. Lorsque certains mettent ce résultat sur le compte de faibles taux d'intérêt, c'est archi-faux puisque la charge de la dette n'est pas prise en compte. Ne dites pas que c'est grâce à la baisse de la charge de la dette que nous avons tenu nos engagements !
Quant aux fameuses primes à l'émission – on les agite sans cesse sous notre nez, Le Canard enchaîné au premier chef, mais il a en ce moment d'autres occupations... –, madame Dalloz, votre affirmation...
La Cour des comptes peut dire ce qu'elle veut – elle est dans son rôle – mais moi aussi je peux dire ce que je veux.
Imaginons des taux d'intérêt à zéro aujourd'hui – ce qui était le cas il y a quelques mois. Lorsque vous empruntez 100, vous payez zéro pendant dix ans et vous payez 100 au bout de dix ans. Je vous rappelle – ce que tout le monde méconnaît – que l'État, à la différence des particuliers et des collectivités – ne rembourse pas le capital. Rassurez-vous ou inquiétez-vous, tant que notre budget sera déficitaire, notre dette en valeur augmentera. Le déficit budgétaire s'établit aujourd'hui à 69 milliards d'euros. Nous devons emprunter la somme correspondante, à laquelle s'ajoutent les échéances qui tombent tous les ans. Nous empruntons un peu plus de 180 milliards d'euros. Ces 180 milliards comprennent les 70 milliards pour couvrir le déficit et les titres qui tombent à échéance. Faute d'excédent budgétaire, pour remplacer les titres souscrits il y a dix ans, nous sommes obligés de réemprunter immédiatement la même somme. Ce préalable était nécessaire pour expliquer le mécanisme des primes à l'émission. Lorsqu'un vieux titre à 3 % vient à échéance, nous devons réemprunter pour couvrir le capital : soit nous réempruntons aux conditions du marché, disons à zéro – pendant dix ans, nous paierons zéro et nous paierons 100 au bout de dix ans ; soit nous choisissons de prolonger de dix ans le titre à 3 %. Le prêteur, en contrepartie, va consentir un rabais, ce qu'on appelle une prime à l'émission : au bout des dix ans, au lieu de payer 100, nous paierons 90 ou moins en fonction du taux d'intérêt retenu.
Cela signifie que nous payons plus vite le remboursement de la dette, contrairement à ce qu'on nous dit. On nous reproche de reporter la charge sur les générations futures, alors que, dans dix ans, nos successeurs, quels qu'ils soient, auront moins à rembourser que si nous avions souscrit des nouveaux titres avec des taux plus faibles. Voilà pourquoi parfois ce reproche m'énerve un peu.
Dans un souci de transparence, nous avons indiqué dans tous les documents budgétaires le montant des primes à l'émission réalisées et attendues pour les années suivantes. Je ne sais pas si c'est susceptible de vous rassurer, mais la gestion de la dette dans les autres pays européens s'appuie sur les mêmes principes, en ayant recours aux primes à l'émission de la même façon. Nous ne gagnons pas d'argent mais cela change le rythme de remboursement.
Il me semble que le montant inscrit dans le projet de loi de finances rectificative est de 17 milliards d'euros. Comparé aux 2 200 milliards de PIB, je ne suis pas sûr que cela change le niveau de la dette si on l'exprime en pourcentage du PIB.
J'en viens à vos questions sur les recettes. Le CICE est-il « maastrichtien » ? La créance au titre d'une année affecte le déficit public mais seule la consommation effective affecte le solde budgétaire. Elle est considérée comme maastrichtienne au sens du déficit public. Cela crée un décalage dans le temps qui peut paraître un peu complexe entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité nationale, mais je sais que vous êtes familiers de ces questions.
Le CICE est maastrichtien dans le déficit un an plus tard alors que l'entreprise peut l'intégrer dans ses comptes immédiatement. Du point de vue des décaissements, les entreprises peuvent faire jouer les créances dans un délai maximum de trois ans.
C'est exactement cela.
Je le dis avec humilité, je me pose parfois les mêmes questions que vous. J'ai été assez surpris de l'ampleur de la baisse du produit de l'impôt sur les sociétés en fin d'année 2016. J'ai espéré jusqu'au bout que le cinquième acompte puisse atténuer cette baisse mais cela n'a pas été le cas. Le cinquième acompte concerne des très grandes entreprises, souvent des banques ; en 2015, nous avions eu la bonne surprise de voir deux ou trois sociétés s'acquitter d'un milliard d'euros au titre du cinquième acompte. J'ai demandé une expertise sur ce point. Pour l'instant, je n'ai pas de réponse véritablement convaincante.
Pour autant, il faut tenir compte de la suppression, à compter de 2016, de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés. Les recettes de l'impôt sur les sociétés sont passées de 33,5 milliards d'euros en 2015 à 30 milliards en 2016. La contribution exceptionnelle rapportait autour de 3 milliards. C'est un premier élément d'explication.
Madame Berger, le CICE a représenté 11,6 milliards d'euros en 2015 et 11,8 milliards en 2016. Cette faible évolution n'explique pas à elle seule la baisse du produit de l'impôt sur les sociétés. Les raisons sont plus à chercher du côté de la contribution exceptionnelle ou – mais il est toujours très complexe pour nos services de disposer d'éléments consolidés – des reports de déficit fiscal. Si les marges des entreprises sont nettement restaurées – toutes les études de la direction générale du Trésor le montrent –, cela ne se traduit pas encore par un bénéfice fiscal supérieur dans la mesure où certaines continuent de reporter des déficits.
Je ne peux pas vous en dire plus à ce stade sur l'évolution des cotisations sociales car nous n'avons pas les chiffres définitifs mais je crois pouvoir vous rassurer : le niveau des cotisations sociales semble, si ce n'est en ligne, du moins très proche des prévisions.
La progression de la masse salariale est très importante, de l'ordre de 2,3 %, légèrement inférieure à notre prévision de 2,4 %. À notre grande surprise, les cotisations sont en ligne avec les prévisions. Là non plus, nous n'en comprenons pas vraiment la raison. Nous devons attendre la fin de l'année ou le début de l'année suivante car nous savons que les entreprises appliquent les allégements de cotisations sociales à la fin de l'année. Nous cherchons un élément d'explication de cette nature car la petite différence dans l'évolution de la masse salariale semble ne pas se traduire par une baisse de cotisations. C'est plutôt une bonne nouvelle mais il s'agirait de pouvoir l'expliquer. Nous pourrons vous le confirmer dans quelques semaines lorsque nous disposerons des comptes définitifs.
Concernant l'augmentation du produit de l'impôt sur le revenu, n'oublions jamais que nous avons supprimé la prime pour l'emploi (PPE), le président Carrez l'a rappelé, pour un montant de 2 milliards d'euros. Mécaniquement, la suppression de la PPE se traduit par une hausse des recettes de 2 milliards. Il faut avoir cette mesure à l'esprit lorsque l'on fait des comparaisons.
En 2016, les OPEX ont coûté 685,8 millions de plus que les 450 millions inscrits en loi de finances initiale. Les OPINT – opérations de sécurité intérieure auxquelles participent nos forces armées – ont coûté 145,2 millions d'euros. Ces opérations représentent ainsi au total une dépense de 1,3 milliard d'euros. Comme c'est l'usage, la solidarité interministérielle a joué, la charge supplémentaire – 850 millions – a été répartie entre l'ensemble des ministères, sans que le ministère de la défense soit mis à contribution, contrairement à l'année dernière.
Je reviens sur les primes à l'émission, monsieur le président : en 2016, elles représentent 20,8 milliards d'euros alors que nous avions prévu 17 milliards dans le projet de loi de finances rectificative.
Vous pointez un recours accru aux décrets d'avance. Il faut toujours rappeler que ces décrets sont équilibrés. Ils sont neutres pour le solde, je le dis à l'intention de Mme Louwagie. Ils nous ont permis de financer certaines dépenses apparues en cours d'année : le plan d'urgence pour l'emploi et le plan « Migrants ». Chaque gouvernement détermine l'ampleur des réserves de précaution. Je crois que nous avons été bien inspirés en la matière.
Quant à la TVA, les chiffres sont à peu près en ligne avec les prévisions. Je suis un peu irrité d'entendre certains mettre en avant une conjonction des astres favorable – les taux d'intérêt bas, le pétrole bon marché, l'euro faible. D'une part, cette situation n'est pas toujours sans lien avec les positions que nous avons pu défendre ou avec le regard porté sur la France – si les taux sont moins élevés qu'en Italie ou en Espagne
Sachez que le spread s'accroît entre l'Allemagne et l'ensemble des pays européens. Je vous l'accorde, il a beaucoup augmenté, mais il se réduit de nouveau.
Je rappelle que la loi de finances s'appuie sur des prévisions de taux d'intérêt en fin d'année à 1,25 %. Ces taux s'établissent aujourd'hui autour de 1 %.
Je reviens à la « conjonction des astres ». Vous soulignez toujours les éléments favorables – c'est de bonne guerre – en omettant les éléments défavorables. La faible inflation que nous connaissons est-elle favorable pour les recettes de TVA par exemple ? Il me semble que c'est plutôt le contraire. L'inflation commence à remonter légèrement – les prévisionnistes pensent que cela devrait durer, mais ce ne serait pas la première fois qu'ils se tromperaient...
L'inflation a aussi des effets sur les recettes. Si elle est plus importante, les recettes de TVA augmentent.
La faible inflation n'est pas très favorable s'agissant des recettes de TVA. Elle est favorable sur les taux d'intérêt puisque certains produits sont indexés sur le niveau de l'inflation, il faut le reconnaître.
S'agissant de la correction de 0,5 % du déficit structurel, Madame Berger, nous avons déjà atteint 0,6 pour 2016. Vous avez raison, cette règle s'impose dans le plan préventif du traité fiscal européen auquel nous serons soumis une fois sortis du plan correctif, en 2018 je l'espère sauf si une nouvelle majorité décidait d'un déficit à 4,7 % ainsi que je l'ai lu, mais c'était avant le voyage de M. Fillon à Berlin... Au retour, les chiffres avaient changé. Monsieur Carrez, avez-vous pris cette décision dans le train ?
J'ai fait des efforts de persuasion depuis l'été dernier pour expliquer que le déficit ne serait pas à 4,7 %, mais nettement inférieur, et que 2018 serait compliqué.
En patois lorrain, on dirait que je vous « chtipeule », je vous asticote...
S'agissant de l'évolution des dépenses, vous avez raison de souligner les difficultés d'appréciation liées au périmètre. Nous avons effectué un travail de retraitement du périmètre qui pourra être diffusé prochainement.
À périmètre constant, l'évolution des dépenses entre 2015 et 2016 montre une diminution de 2,7 milliards, qui se décompose de la manière suivante : une hausse de 2,1 milliards sur les ministères, et une baisse de 4,9 milliards sur les prélèvements sur recettes (0,7 pour l'Union européenne et 4,2 pour les collectivités locales).
Les mesures de périmètre en 2016 représentent 10 milliards d'euros dont 5,3 milliards au titre de la compensation État-sécurité sociale, 2 milliards au titre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et 2,1 milliards pour la transformation de la PPE en prime d'activité.
Plusieurs missions voient leurs crédits augmenter – Travail pour 900 millions d'euros, Défense pour 1,1 milliard, Enseignement scolaire pour 1 milliard – tandis que d'autres subissent une baisse – Écologie pour 600 millions, Agriculture pour 800 millions et Gestion des finances publiques et des ressources humaines pour 200 millions d'euros.
Entre 2015 et 2016, la dépense publique en valeur a augmenté de 1,3 %. Entre 2007 et 2012, la progression a été de 3,2 %. Chacun peut faire ses comparaisons.
Alors arrêtez de dire que les dépenses explosent.
À l'attention de M. Baert, en 2016, la France a émis 185 milliards d'euros de dette, dont 122 milliards pour le remboursement de titres arrivant à l'échéance, tandis que les dépenses de personnel, hors charge de retraites, représenteront 80 milliards en 2017.
Les comptes d'affectation spéciale progressent d'un milliard d'euros. Cette évolution résulte d'une hausse du solde du compte de concours financier aux collectivités locales de 560 millions d'euros grâce à de meilleures rentrées fiscales sur les impôts locaux, d'une amélioration du solde du CAS Transition énergétique de 300 millions d'euros en raison du report d'une dépense à 2017 – un versement à EDF effectué en janvier au lieu de décembre –, d'une dégradation du solde du CAS Participations financières de l'État, du fait des décaissements prévus en 2017, à hauteur de 410 millions, d'une amélioration de 92 millions pour le CAS Pensions et de 75 millions pour le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l'État grâce à une cession en décembre que nous n'étions pas sûrs de réaliser – celle de l'Hôtel de l'Artillerie, un dossier médiatiquement connu.
Le solde du CAS Pensions augmente de 92 millions d'euros.
Ils figurent dans tous les projets de loi de finances. Les recettes représentent 41 milliards d'euros, les dépenses, 40 milliards.
En réponse à M. Terrasse, je précise que nous bénéficions de taux d'intérêt faibles et que les rémunérations des contrats d'assurance vie sont donc faibles. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Les incidences de la faiblesse des taux sur la CSG et la CRDS sont prises en compte dans les estimations du Trésor.
Monsieur Carrez, vous considérez que nous sommes optimistes. Vous ne variez pas. Je me suis amusé à retrouver un entretien que vous aviez, avec M. Woerth, accordé à L'Opinion en janvier 2016. Vous disiez « ensemble, ce sont donc 15 milliards d'euros qu'il va falloir rattraper, soit 0,75 point de PIB » : vous aviez tort.
Mme Dalloz a évoqué les fermetures de classes : je n'habite pas dans le Jura mais j'ai connu des rentrées scolaires plus perturbées...
Quant à la masse salariale d'exécution à exécution, il est vrai qu'en 2017, elle reprend une progression plus forte que celle que nous avons connue de 2012 à 2016. Nous aurons l'occasion de comparer les augmentations de masse salariale ou d'effectifs – j'ai demandé aux services de faire un bilan des effectifs pour le quinquennat.
Vous êtes absorbé, monsieur le président, dans la lecture de L'Opinion. Il est sans doute un peu tard pour demander un correctif...
Dans cet entretien, je dis qu'« il y a aussi des points positifs. Il est quasiment certain que nous engrangerons à nouveau, comme en 2015, environ 2 milliards d'euros d'économies sur la charge de la dette ». En fait, nous avons engrangé 2,9 milliards. Je suis vraiment pessimiste !
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette présentation très utile, en particulier pour les données que vous nous avez fournies.
Informations relatives à la commission
1. La commission a reçu en application de l'article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 2 380 000 euros en titre 2 exclusivement et de 28 équivalents temps plein travaillés (ETPT), en provenance de sept programmes et à destination du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.
Ce décret a pour objectif de permettre à la direction générale de l'administration et de la fonction publique de pouvoir assumer ses nouvelles missions de direction des ressources humaines de l'État et renforcer ainsi ses moyens de développement de nouvelles politiques interministérielles et de coordination et d'accompagnement des ministères en matière de gestion des ressources humaines.
Les annulations se répartissent de la façon suivante :
– programme 107 : 85 000 euros en titre 2 et 1 ETPT ;
– programme 141 : 1 360 000 euros en titre 2 et 16 ETPT ;
– programme 152 : 170 000 euros en titre 2 et 2 ETPT ;
– programme 166 : 85 000 euros en titre 2 et 1 ETPT ;
– programme 176 : 170 000 euros en titre 2 et 2 ETPT ;
– programme 212 : 425 000 euros en titre 2 et 5 ETPT ;
– programme 307 : 85 000 euros en titre 2 et 1 ETPT.
2. La commission a reçu en application de l'article 14 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret d'annulation de crédits d'un montant de 36 739 808 euros en autorisations d'engagement (AE) et 2 121 142 euros en crédits de paiement (CP), portant sur huit programmes du budget général.
Ce mouvement, à caractère exclusivement technique, est destiné à régulariser, en fin de gestion 2016, les rattachements de crédits de fonds de concours et d'attributions de produits, afin d'assurer leur parfaite cohérence avec les recouvrements effectivement constatés.
Il vise également, dans le cas d'opérations d'investissement cofinancées ayant donné lieu à ouverture d'AE en application du décret n° 2007-44 du 11 janvier 2007 modifié, à annuler les AE excédentaires constatées à la suite de la réduction ou de l'annulation d'ordres de recouvrer.
Les annulations se répartissent de la façon suivante :
– programme 150 : 256 143 euros en AE ;
– programme 175 : 658 313 euros en AE et 2 000 000 euros en CP ;
– programme 176 : 30 euros en AE et CP ;
– programme 181 : 33 445 euros en AE ;
– programme 203 : 35 670 765 euros en AE ;
– programme 214 : 100 446 euros en AE et CP ;
– programme 303 : 20 621 euros en AE et CP ;
– programme 307 : 45 euros en AE et CP.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 14 février 2017 à 16 heures 15
Présents. - M. François André, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Marc Goua, M. Patrick Hetzel, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Pierre-Alain Muet, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Claudine Schmid, M. Pascal Terrasse
Excusés. - M. Charles de Courson, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Daniel Gibbes, M. Jean-Pierre Gorges, M. David Habib, M. Dominique Lefebvre, M. Victorin Lurel, M. Laurent Marcangeli, M. Hervé Mariton, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez
Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Chevrollier, M. Christophe Léonard