La Mission d'évaluation et de contrôle entame aujourd'hui un nouveau cycle de travaux. La commission des finances a en effet souhaité, sur la proposition de Mme Monique Rabin, que nous nous penchions sur les missions et les financements des réseaux consulaires, qui ont fait l'objet de nombreuses discussions lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015. De fait, certains estiment que ce modèle est efficace, d'autres qu'il a fait son temps et que, les réseaux consulaires bénéficiant de ressources issues d'une taxe affectée, l'État a pour le moins un droit de regard sur leurs crédits et leur fonctionnement. Par ailleurs, le projet de loi NOTRe, en cours de discussion à l'Assemblée nationale, modifie l'organisation territoriale de l'action économique, dont les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers et de l'artisanat sont des acteurs importants. Ainsi s'affrontent trois conceptions des réseaux consulaires – celle du monde de l'entreprise, dont ils sont l'émanation, celle de l'État et celle des collectivités territoriales –, dont le Parlement doit tenter de réaliser la synthèse, ce qui n'est pas aisé.
Je rappelle que la MEC associe traditionnellement, dans son fonctionnement, majorité et opposition. Elle compte ainsi deux co-rapporteurs, en l'espèce Mme Monique Rabin et Mme Catherine Vautrin.
Nous commençons nos travaux par l'audition des responsables des chambres consulaires au sein du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique : M. Renaud Riché, sous-directeur des chambres consulaires au service de l'action territoriale, européenne et internationale de la Direction générale des entreprises, M. Bernard Lavergne, chef du bureau de la tutelle des chambres de commerce et d'industrie, et M. Pierre Rebeyrol, chef du bureau de la tutelle des chambres de métiers et de l'artisanat.
Monsieur le président, nous représentons en effet tous trois la direction générale des entreprises de Bercy, qui assure la tutelle sur les réseaux consulaires des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA). Actuellement adjoint du directeur du service du développement territorial et international de la direction générale des entreprises et sous-directeur des réseaux consulaires, j'ai été conseiller au sein de cabinets ministériels au moment de l'élaboration de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, qui comportait un premier train de réformes visant notamment à renforcer le rôle des chambres de commerce et d'industrie régionales (CCIR).
Le réseau des chambres de commerce et d'industrie se retrouve dans l'actualité législative, puisque des amendements d'origine parlementaire sur ce sujet ont été déposés sur la loi NOTRe. L'un d'entre eux vise notamment à permettre, par anticipation sur les réflexions menées par la tête de réseau, la fusion au 1er janvier 2016 de certaines CCIR, notamment celles de Haute-Normandie et de Basse-Normandie. L'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) est, quant à elle, pour des raisons liées à sa taille et à son homogénéité, en avance dans ce domaine. Son président, M. Alain Griset, qui a su faire oeuvre de pédagogie et est parvenu à faire adopter un projet de réforme du réseau qui se traduira par quatre amendements à la loi NOTRe. Il s'agit, pour le réseau des CMA, d'avoir le plus rapidement possible de véritables présidents de région consulaire face aux présidents des nouvelles régions qui seront issues des réformes territoriales en cours.
Par ailleurs, il est vrai que l'examen des derniers projets de loi de finances a suscité des débats opposant, d'une part, le ministère de l'économie et des finances pour qui, les chambres de commerce étant des établissements publics de l'État financés par prélèvements obligatoires, l'État y est chez lui et, de l'autre, des dirigeants d'entreprise élus à la tête d'établissements publics qui contestent les mesures prises depuis deux ans. La direction générale des entreprises est au carrefour de ces débats : représentants de l'administration qui participe à la vie des deux réseaux consulaires, nous devons faire comprendre aux présidents de chambre que les temps ont changé et que, dès lors que l'on bénéficie de prélèvements obligatoires, il faut justifier de leur utilisation. Au demeurant, lorsqu'une CCIR signe une convention avec un conseil régional, elle remplit les indicateurs de gestion imposés par la collectivité ; il n'y a pas de raison que la même logique de fonctionnement ne s'applique pas dans les relations que le réseau entretient avec l'État.
Les deux réseaux ont une culture différente à cet égard. Les artisans sont beaucoup plus « disciplinés » que les commerçants et se considèrent davantage comme des agents publics. Les présidents des chambres de métiers et de l'artisanat ont ainsi adopté, dès 2009, un statut du personnel assez proche de celui de la fonction publique territoriale. Le recrutement des cadres supérieurs se fait sur la base d'un examen professionnel organisé par la tête de réseau, auquel participent les chefs de bureau des chambres de métiers et de l'artisanat ainsi que des universitaires. Force est de constater qu'en l'espace d'un mandat, les profils ont changé, de sorte que les relations avec les élus locaux et les préfets se sont améliorées et que les procédures d'appel d'offres et de marchés publics sont mieux respectées, comme en témoignent les résultats des programmes de contrôle organisés par le Contrôle général économique et financier et l'Inspection générale des finances (IGF). Le trésorier d'une chambre de métiers et de l'artisanat est un chef d'entreprise élu et, sans un secrétaire général compétent qui appelle son attention sur la nécessité de respecter seuils et procédures, il pourrait tomber dans certains pièges, sans mauvaise foi aucune ni esprit dolosif.
Quoi qu'il en soit, le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat est plutôt uni derrière son président, qui a une vision claire de l'objectif qu'il souhaite atteindre et qui est conscient des responsabilités qui incombent au réseau en tant que bénéficiaire de prélèvements obligatoires. Du reste, comme les artisans craignent d'être perdants en cas de rapprochement des deux réseaux, ils mettent un point d'honneur à être pour l'État des partenaires plus conciliants que leurs cousins des chambres de commerce et d'industrie. Il est vrai cependant qu'ils disposent de ressources plus modestes. C'est pourquoi l'émotion suscitée par la mission menée par l'IGF au printemps dernier fut plus vive dans les chambres de commerce et d'industrie que dans les chambres de métiers et de l'artisanat, qui ne disposent pas de 2,3 milliards de valeurs mobilières – à la fin de l'année 2014, leur trésorerie s'élevait en effet à moins de 3 millions d'euros.
De fait, certains des propos du précédent ministre de l'économie, M. Arnaud Montebourg, avaient été perçus comme urticants par les chambres de commerce. Sa conviction, partagée du reste par l'ensemble du pôle de Bercy, était en effet que, les collectivités territoriales étant, de par la Constitution, chefs de file en matière de développement économique, les CCI et les CMA devaient se consacrer en priorité à la gestion des formalités, à l'accompagnement des entreprises et à la formation, et participer au redressement des comptes publics en ajustant leurs ressources à ces missions.
Le rapport de l'IGF a, certes, été critiqué, mais il a le mérite de s'être appuyé exclusivement sur les chiffres fournis par les deux têtes de réseau, l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) et l'APCMA. En tout état de cause, la tête de réseau des CCI n'a pas besoin d'annoncer que la loi de finances va la contraindre à se séparer de 7 500 salariés alors que 19 % de ses agents vont partir à la retraite dans les cinq ans à venir et qu'elle va naturellement réaliser ainsi un peu plus de 250 millions d'euros d'économies.
Je commencerai par une brève présentation du réseau des CCI. Celui-ci compte actuellement 151 établissements publics et près de 26 000 agents ; son budget consolidé s'élève à environ 4 milliards d'euros. L'article L. 711-16 du code de commerce dispose que la tête de réseau assure l'animation de l'ensemble du réseau des chambres de commerce et d'industrie. CCI France remplit la plupart des missions qui lui sont confiées à ce titre. Elle a ainsi élaboré « une stratégie nationale du réseau des chambres de commerce et d'industrie » en signant avec l'État, le 28 mai 2013, un contrat d'objectifs et de performance. Par ailleurs, elle a mis en place le Système d'information des ressources humaines (SIRH), qui permet une gestion prévisionnelle des effectifs, et le « cube », qui permet d'agréger des données comptables du réseau. Ce faisant, elle gère des « projets de portée nationale intéressant le réseau », « propose aux chambres des fonctions de soutien dans les domaines technique, juridique et financier » et « passe, pour son propre compte ou pour celui de tout ou partie des chambres, des marchés ou des accords-cadres ». Elle définit également « la politique générale en matière de gestion du personnel des chambres », puisque des commissions paritaires nationales, présidées par le ministre et composées des représentants des employeurs et des organisations syndicales, sont chargées de faire évoluer le statut des personnels. Enfin, elle « coordonne les actions du réseau avec les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger » par l'intermédiaire de CCI France International, qui clarifie la répartition des rôles entre les différentes entités. En revanche, CCI France n'a pas diligenté « d'audit relatif au fonctionnement des différentes chambres du réseau » ni « constitué, à la demande des chambres, une instance de conciliation », en dépit de l'existence de certains différends au sein du réseau.
On sait qu'il existe sinon une rupture, du moins un malentendu entre CCI France et certains présidents de chambres régionales, qui récusent son rôle et s'interrogent sur le type de missions qui lui sont confiées. Outre la question financière, qui est récurrente, la structuration même du réseau n'est-elle pas en cause ?
L'une des difficultés de CCI France est due au fait qu'elle ne dispose pas de ressources propres et qu'elle est donc obligée de demander aux chambres de commerce et d'industrie régionales de lui octroyer des financements. Dans cette négociation, elle n'est pas en position de force.
Quelle forme revêt la contribution des CCIR : s'agit-il d'une cotisation fixe annuelle ou est-elle négociée au coup par coup ?
CCI France fixe elle-même le montant de la participation des CCIR. Toutefois, elle ne peut pas, par exemple, demander une augmentation importante de cette participation à un moment où les ressources financières du réseau issues de la taxe pour frais de chambre baissent. Elle est donc dans une négociation politique avec les CCIR.
En 2013, le budget global du réseau était de 3,6 milliards et se répartissait comme suit : 2,6 milliards pour les chambres de commerce et d'industrie territoriales (CCIT), 879 millions pour les CCIR et 36 millions pour CCI France.
Elle est la lointaine survivance d'une association de présidents créée à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle. La structure des chambres de métiers et de l'artisanat est plus récente et a été immédiatement encadrée par la loi, dans les années 1920.
Il serait intéressant que l'on dresse un bilan de la loi de 2010, pour mesurer les évolutions intervenues depuis son entrée en vigueur. Il ne faut pas oublier, en effet, que cette loi a été précédée d'une discussion interne à CCI France – qui s'appelait alors l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) – entre défenseurs du départementalisme, tenants de la régionalisation et partisans de la métropolisation. Les enjeux sont donc non seulement financiers, mais aussi organisationnels. Or, le moins que l'on puisse dire est que les choses n'ont guère évolué.
On constate que, là où la régionalisation a été mise en oeuvre, dans le Nord-Pas-de-Calais ainsi qu'en Haute-Normandie et en Basse-Normandie, cette évolution avait fait l'objet d'un véritable projet de mandat pour la période 2010-2015, annoncé comme tel par les futurs élus dirigeants. Les présidents de CCIR qui ont lancé le processus quelques mois plus tard – je pense au président de la CCI Champagne-Ardenne – ne parviennent pas à le mener à terme. Pour l'APCMA, les choses sont plus faciles. On retrouve, au sein du comité directeur de CCI France, les clivages apparus avant 2010, même si l'on assiste actuellement à une montée en puissance des tenants de la métropolisation, les départementalistes étant beaucoup plus modérés.
Chacun est maintenant bien conscient que ce sont les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en particulier les agglomérations métropoles, qui piloteront, avec les régions, l'action économique territoriale. C'est la raison pour laquelle se pose notamment la question de l'avenir des CCI.
À chacun son métier. Les collectivités piloteront peut-être l'action économique territoriale, mais elles n'entretiennent pas avec les entrepreneurs le même lien que les CCI, composées de dirigeants d'entreprise élus. Dès lors, peut-être faudra-t-il développer les politiques contractuelles entre les professionnels et les collectivités.
Lors de son dernier comité directeur, CCI France a préféré attendre d'avoir une connaissance plus claire des dispositions de la loi NOTRe pour présenter ses propositions de réforme.
La conclusion de la convention d'objectifs et de performance entre l'État et la tête de réseau a suscité de vifs débats, CCI France contestant le rôle de chef de file des collectivités et tenant à ce que le leadership des chambres de commerce et d'industrie soit reconnu dans le domaine du développement économique. La signature des conventions d'objectifs et de moyens consulaires régionales a pris beaucoup de retard parce qu'il a été très difficile de faire admettre aux chambres que ces conventions devaient s'inscrire en parfaite cohérence avec les schémas prévus par le code général des collectivités territoriales. Ce qui nous semblait évident n'allait pas du tout de soi. Il nous a donc fallu faire oeuvre de pédagogie, sur ce point mais aussi dans d'autres domaines, en particulier sur la question de l'innovation. À cet égard, il est difficile de critiquer les derniers projets de loi de finances quand on a connaissance des projets dans lesquels étaient prêts à s'engager, de bonne foi, certains présidents de CCI.
On peut penser que l'achat par un président de chambre maritime de six chalutiers qui lui coûtent moins cher en restant au fond d'un port qu'en naviguant n'est pas forcément un très bon investissement. Un autre président de chambre a annoncé un plan de licenciement d'une dizaine d'agents alors que dans le même temps, il achetait un immeuble 11 millions d'euros en utilisant de la trésorerie qui risquait d'être écrêtée. Dès lors qu'aucun emprunt n'est contracté, le préfet ne peut s'y opposer.
Acheter un immeuble n'est pas forcément absurde ; tout dépend de l'usage que l'on en fait. On aborde ici la question des compétences des chambres de commerce, qui varient beaucoup selon les départements et les régions : certaines d'entre elles ont pour activité principale la gestion de ports et d'aéroports ; d'autres gèrent des écoles de commerce relevant de l'enseignement supérieur. Pouvez-vous nous indiquer comment est réparti le budget des CCI entre ces différentes missions ?
La mission de l'IGF a permis d'établir cette ventilation. On sait ainsi que 40 % des dépenses sont consacrées à l'accompagnement des entreprises et aux formalités et un tiers à la formation, domaine dans lequel, du reste, les chambres de commerce ont fait la preuve de leur efficacité.
Notre pays forme très bien ses élites, mais les étudiants des grandes écoles de commerce gérées par les CCI seront embauchés par de grandes entreprises ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI), alors que les chambres de commerce sont financées essentiellement par les cotisations des PME – 95 % des entreprises françaises comptent moins de vingt salariés. Les CCI ont aussi pour mission de les aider à élaborer des plans de formation et d'apprentissage, car, actuellement, les PME dépendent le plus souvent de l'éducation nationale. Ne pourrait-on pas envisager des partenariats dans ce domaine ?
Les CCI ne gèrent pas seulement les 29 écoles supérieures de commerce ; elles forment également 60 000 apprentis de niveau infra-bac ou supérieur.
Pour deux millions de ressortissants, certes. En tout état de cause, les CCI ont pour atout de connaître le tissu de commerçants et d'industriels, de sorte qu'elles mettent en place des formations adaptées, parfois conjointement avec les CMA. Ainsi, la formation de prothésiste dentaire, de niveau du brevet de technicien supérieur (BTS), est inter-consulaire : les étudiants sont accueillis par la CMA à Rennes et par la CCI à Strasbourg. De manière générale, j'encourage les CCI très dynamiques dans ce secteur, notamment celle du Nord-Pas-de-Calais, à communiquer davantage sur les nombreux BTS et de bacs professionnels qu'elles ont créés.
Qu'en est-il des conventions d'objectifs et de moyens qui doivent être signées à l'échelle des CCIR ? Elles devraient précisément permettre de fixer ces objectifs.
L'idée émise par le ministre des finances M. Arnaud Montebourg à l'occasion des débats sur le projet de loi de finances pour 2015 et reprise par son successeur, est que ces conventions doivent permettre au moins aux préfets de vérifier que les crédits dédiés à la formation et à l'apprentissage ne sont pas affectés. Nous avons envoyé, il y a un mois, une instruction relative aux conventions à l'ensemble des préfets, même si nous savions qu'aucune ne serait signée au 9 février, comme cela était prévu initialement. À ce stade, nous souhaitons que chaque préfet sache ce qu'a fait la chambre de commerce de sa région et les chambres territoriales qui lui sont rattachées.
Je précise tout de même qu'il s'agit de l'ancien modèle régional. Je ne saisis pas la logique.
J'ai été frappé, au moment des débats sur le projet de loi de finances, par le fait que les CCI ne se sentent pas sous tutelle ; elles ont le sentiment d'être indépendantes. Or, c'est un élément qui peut alimenter le doute que nourrit la communauté entrepreneuriale quant à l'action publique, et pas uniquement depuis trois ans. Comment avez-vous perçu cette évolution et comment peut-on, selon vous, remédier à ce problème afin que le travail soit à l'avenir plus constructif ?
J'ai le sentiment qu'à la fin du précédent mandat, les présidents d'établissements publics s'inscrivaient davantage dans une démarche proche du syndicalisme. Du reste, le président de la CCIR Rhône-Alpes, qui est en quelque sorte le doyen du réseau, rappelle de temps à autre à ses collègues qu'ils ne sont pas représentants du MEDEF et que les CCI sont financées par des prélèvements obligatoires, et non par des cotisations volontaires. Néanmoins, ce discours syndicaliste commence à s'infléchir. Même s'ils ne l'affirment pas en assemblée générale, certains présidents de CCIR et de petites chambres qui fonctionnent plutôt bien sont en demande d'orientations claires de la part de l'État, car ils souhaitent pouvoir articuler le mieux possible leur action avec celle des collectivités territoriales. Je rappelle d'ailleurs qu'en 2009, la tête de réseau a tenté, en vain, de mettre en oeuvre une véritable régionalisation. Certains présidents – je pense notamment au président de la CCI Pays-de-Loire, dont les missions de l'IGF reviennent toujours satisfaites – souhaiteraient que le Gouvernement et le Parlement reprennent la main.
La conception selon laquelle les chambres de commerce sont des corps intermédiaires reflue donc, même si la moitié des présidents, dont André Marcon, voient dans les CCI les héritières des parlements de l'Ancien régime, dotées à ce titre d'un droit de remontrance au Gouvernement. Ceux-là sont ceux qui font le plus de syndicalisme et ils sont, de temps à autre, rappelés à l'ordre par leurs collègues.
Quelles sont les parts respectives des ressources propres et des dotations dans le budget des CCI ?
Les ressources propres représentent 52 % des financements des CCI, mais c'est une moyenne nationale : le produit de la taxe pour frais de chambre constitue 75 % des ressources des chambres d'Auvergne ou du Limousin, par exemple, contre un petit quart pour les chambres qui se portent bien. Au plan international, nous savons que la chambre de Madrid se porte désormais très bien, bien qu'elle soit privée de subsides publics depuis quelques années.
Il serait important que l'on sache précisément ce que recouvre ce pourcentage afin de mieux appréhender la question de la contribution des réseaux consulaires lors de l'examen du projet de loi de finances. Par ailleurs, il me semble que les CCI vivent une crise de légitimité : les entreprises ne reconnaissent pas les CCI, qu'elles jugent incapables de les aider. Quel est votre sentiment sur ce point ?
Le taux de participation aux élections – 17 % en 2010 – est éloquent. Un ami chef d'entreprise m'a en effet confié qu'il ne se reconnaissait pas dans la CCI Paris-Ile-de-France, par exemple, dont l'image est brouillée. Et cela est vrai pour les autres CCI : le président de celle du Nord-Pas-de-Calais m'a indiqué qu'un de ses ressortissants l'avait félicité pour une campagne de promotion de la formation par alternance, campagne qui était en fait réalisée par l'APCMA et le FNPCA… Si l'on ajoute à cela que 65 % des chefs d'entreprise sont affiliés à la fois à la CCI et à la CMA et doivent cotiser aux deux chambres, force est de reconnaître que le paysage n'est pas très lisible.
En réalité, deux modèles coexistent en Europe : le modèle anglo-saxon, qui est associatif – les chambres sont indépendantes et vivent uniquement de recettes propres, même si des collectivités locales peuvent les aider au coup par coup – et le modèle latin des établissements publics ou assimilés. La spécificité française tient à la fusion de ces deux modèles : les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics dont une partie des activités est purement commerciale. Si ce double financement est maintenu, les activités financées sur recettes propres devraient être isolées de la section générale, financée par l'impôt. Car, aujourd'hui, dans les comptes de nombreuses CCI, ces deux activités sont mélangées, même si les concessions font l'objet de budgets annexes. Par ailleurs, nous pourrions responsabiliser les chambres en déléguant à leur assemblée générale le pouvoir de fixer le taux de la taxe qu'elles perçoivent, dans la limite d'un plafond fixé par le Parlement. Les choses seraient plus claires, car le mode de fixation actuel n'est pas très lisible. Une réflexion est-elle menée sur ces sujets ?
Oui. D'autant plus qu'outre-mer, le problème est criant, puisque les CCI y étaient adossées à un port ou à un aéroport fonctionnant sous la forme d'une concession. En Guyane, par exemple, depuis vingt ans, les recettes excédentaires du port couvrent tout le budget de la CCI, section générale comprise. Et, lorsqu'a été créé l'établissement public du Grand port maritime de Guyane, la CCI a disposé de la trésorerie et ne l'a pas transférée. C'est un problème que nous sommes en train de traiter ; une mission de l'IGF a été demandée à la fin de l'année dernière par Emmanuel Macron et Michel Sapin.
Se pose également la question des structures : pourquoi existe-t-il des chambres de commerce, des chambres de métiers et des chambres d'agriculture ? Dans les territoires d'outre-mer, me semble-t-il, les différentes chambres ont fusionné en une seule qui comprend une section agricole, une section artisanale et une section industrielle et commerciale.
C'était en effet le cas à Saint-Pierre-et-Miquelon, où la chambre interprofessionnelle a été scindée en trois sections. Pour revenir sur la distinction entre activités non-commerciales et concessions, il faut savoir que ces dernières sont parfois une charge pour les CCI. Ainsi, l'exploitation des ports coûte beaucoup d'argent à la chambre territoriale de la Côte d'opale. Dans un tel cas, les acteurs économiques sont satisfaits que la CCI finance ce type d'activités. Des aéroports sont également dans cette situation. Il s'agit donc d'une question délicate.
Ce financement n'est-il pas assimilé à une aide publique par la réglementation européenne ?
Une plainte a en effet été déposée par Air France auprès de la Commission européenne. Il est évident que ce type de problèmes se pose.
Les chambres de métiers et de l'artisanat sont des établissements publics à caractère administratif, mais elles ne sont pas opérateurs de l'État, dans la mesure où elles n'ont pas de comptable public et sont administrées par des professionnels élus. Le statut de leurs agents est spécifique : il ne correspond pas à celui de la fonction publique et ne relève pas non plus du code du travail. Il s'agit d'un statut sui generis, défini dans le cadre d'une négociation paritaire nationale entre employeurs et représentants du personnel.
Le réseau, qui comprend 103 établissements publics, est composé de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), dont les missions sont définies à l'article 5-8 du code de l'artisanat, de quinze Chambres régionales de métiers et de l'artisanat (CRMA), auxquelles sont rattachées des chambres départementales, de onze chambres de métiers et de l'artisanat de région (CMAR), composées de sections dépourvues de personnalité juridique, et de 77 chambres départementales.
Il emploie 11 258 agents publics, dont 8 010 titulaires et 3 248 non-titulaires. Les ressources du réseau s'élevaient, en 2012, à 797 millions d'euros, répartis de la manière suivante : 28 % provenaient de la taxe pour frais de chambre, 49 % de subventions, versées notamment par les conseils généraux pour financer les activités en matière de formation et d'apprentissage, et 23 % de diverses prestations tarifées.
Les chambres départementales auxquelles sont directement rattachés des centres de formation forment environ 66 000 des 400 000 apprentis que compte notre pays.
Comment se répartissent les attributions entre les échelons national, régional et départemental ? L'APCMA a pour mission de définir la stratégie et la coordination de l'ensemble du réseau. Les CMAR tiennent les registres des métiers et sont compétentes en matière de qualification. Quant aux chambres de métiers départementales, elles exercent une mission d'accompagnement et de conseil auprès des artisans et gèrent les centres de formation qui leur sont rattachés.
Que pensez-vous de l'offre des CMA en matière de formation ? La jugez-vous adaptée aux besoins actuels ? Comment les plans de formation sont-ils élaborés ?
La structure de formation des chambres de métiers et de l'artisanat est définie dans les contrats d'objectifs et de moyens État-régions et partenaires de formation. Nécessité a fait loi en quelque sorte, puisque les CFA des chambres de métiers, qui coûtent cher, sont financés en moyenne à 83 % par les régions. Se pose, dès lors, la question de leur mutualisation. Toutefois, les présidents de CMA ont souvent un lien affectif avec leur centre de formation dont ils ont été, pour la plupart, apprentis, et ils sont de ce fait attachés à leur territoire. Ce phénomène n'est pas propre aux territoires ruraux. On peut ainsi se demander s'il est vraiment nécessaire que la région parisienne compte deux importants CFA pouvant accueillir 2 500 apprentis chaque année, d'autant que certaines organisations professionnelles ont leurs propres centres de formation ou leurs écoles nationales. En outre, ce secteur est devenu concurrentiel, puisque les lycées professionnels et même les universités ouvrent des classes d'apprentissage.
L'APCMA a eu cependant de bonnes intuitions en labellisant quelques CFA rebaptisés « Université régionale des métiers de l'artisanat » (URMA) et en constituant, en partenariat avec l'éducation nationale, des filières allant du CAP au BTS, ce qui est de nature à rassurer les parents. N'oublions pas que la moitié des créateurs d'entreprise sont des artisans qui créent leur emploi.
Quelles sont, selon vous, les fusions possibles entre CCI et CMA ? Par ailleurs, est-il possible de dresser un bilan du fonds de péréquation du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat créé par la loi de finances rectificative d'août 2014 ?
Selon le dispositif prévu, le fonds de péréquation doit être alimenté par un prélèvement sur le fonds de roulement, dont sont déduits l'ensemble des investissements approuvés par le préfet. Pour 2014, ce prélèvement est de 58 millions d'euros, dont il faut déduire 40 millions d'investissements. Sachant que l'écrêtement sera d'environ 17 millions, il restera probablement 1,3 million d'euros pour le fonds de péréquation.
Quant à la fusion des CCI et des CMA, nous en entendons surtout parler par les deux têtes de réseau. L'APCMA y est hostile : elle se voit comme un bon élève à la tête d'un petit réseau et ne souhaite pas se fondre dans le grand réseau des chambres de commerce dont elle estime qu'il ne fonctionne pas bien. CCI France envisage cette hypothèse lorsqu'elle a des griefs contre l'APCMA, par exemple lorsque les fromagers ou les cuisiniers quittent les CCI pour rejoindre les chambres de métiers.
Cette fusion pourrait tout de même être source d'économies, car je rappelle que les entrepreneurs qui sont commerçants et artisans paient les deux taxes.
Nous devrons nous poser la question des compétences respectives des uns et des autres, qu'il s'agisse des services de l'État ou des collectivités pour ce qui est de la compétence économique, et avoir le courage de décider qui travaille avec qui, y compris au sein des réseaux consulaires.
Par ailleurs, comment le réseau rend-t-il compte de sa performance et de l'utilisation de ses ressources fiscales pour les seules missions prévues par les lois et les règlements, à l'exclusion des activités marchandes ? Il serait intéressant que nous disposions d'une photographie précise des activités de chacun des réseaux et de l'utilisation qu'ils font de leurs ressources propres et de leurs ressources fiscales – j'imagine que la comptabilité des chambres le permet.
Je souhaiterais également savoir comment sont réparties les charges du réseau et quelle est l'évolution de la masse salariale.
Enfin, les artisans nous disent tous que l'apprentissage est une charge pour leur entreprise. Peut-être nous faut-il, là aussi, mener une réflexion sur les recettes fiscales perçues par les CMA et sur l'accompagnement des entreprises qu'il conviendrait de mettre en place.
Sur ce point, un dialogue est en cours sur la réforme du statut des personnels d'enseignement. Pour l'instant, les positions sont tranchées. La tête de réseau souhaite en effet que les enseignants consacrent moins de temps à la préparation de cours et plus au travail d'intérêt collectif, qu'il s'agisse de présence dans les entreprises ou de promotion de l'offre de formation des CMA dans un environnement concurrentiel. La période actuelle est en effet difficile. Pour la première fois, en 2012, le solde net des créations d'entreprises artisanales s'est établi à moins 3 000. De fait, la voilure commence à se réduire, notamment dans l'alimentaire et le bâtiment.
Par ailleurs, le président Griset n'a pas souhaité signer un contrat d'objectifs et de performance avec l'État. Toutefois, l'article 1601 du code général des impôts dispose que pour percevoir un complément de ressources fiscales, compris entre 65 % et 90 % du droit fixe, les chambres régionales doivent signer une convention d'objectifs et de moyens avec le préfet et rendre compte de leurs investissements. Il est donc possible, par ce biais, d'avoir une vision synthétique de leurs activités.
Je vous poserai la même question que Mme Vautrin, mais de manière plus directe : pensez-vous que les réseaux consulaires pourraient passer de la tutelle de l'État à celle des régions ?
À la fin de l'année dernière, le cabinet de Mme la secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat a organisé, pour anticiper notamment l'alignement des deux réseaux sur la nouvelle carte territoriale, un cycle de réunions auxquelles une quinzaine de présidents de chambre ont participé. Certains s'y sont opposés et l'on peut se demander pourquoi une telle évolution leur fait si peur dès lors que l'on s'inscrit dans une logique où chaque chambre consulaire agira en complémentarité avec son homologue territorial et d'autant que certains présidents de chambres reconnaissent qu'ils règlent les problèmes du bassin d'emploi dans le bureau du président du conseil régional.
Il s'agit d'une logique « gagnant-gagnant », mais je crois davantage à l'échange qu'à la stratégie du bâton. Actuellement, des expériences sont menées au plan local : je suis élue d'une collectivité où la chambre et la métropole mettent en commun leurs services. L'État ne devrait-il pas recenser ce type d'expériences et les encourager afin que l'on puisse progresser ? En tout état de cause, un texte ne peut pas traiter d'une compétence sans l'envisager dans son ensemble.
Ces pratiques constituent en effet le quotidien des chambres consulaires dans la mesure où, qu'il s'agisse d'économie ou de formation, la région est chef de file dans leurs principaux champs d'action. Ainsi, le président Griset a conclu des conventions avec la région Nord-Pas-de-Calais, et cela se passe très bien. Les 150 indicateurs de gestion prévus dans chacune d'entre elles ne sont pas contestés. En revanche, la signature d'une convention d'objectifs et de performance avec l'État au nom de la tête de réseau ne paraît pas envisageable.
Les présidents de chambre semblent très réticents à l'idée d'être sous la tutelle des régions, si bien que, lors du lancement de la mission de l'IGF, qui préfigurait la rédaction des projets de loi de réforme territoriale, ils avaient obtenu du Premier ministre M. Jean-Marc Ayrault un courrier les assurant que le passage sous tutelle régionale était exclu. Bien entendu, l'assemblée générale des CCI vote des délibérations dans lesquelles elle insiste sur l'importance de la tutelle étatique au regard de l'équilibre entre régions riches et régions pauvres. Mais on ne peut pas s'empêcher de penser que la tutelle exercée par la région serait peut-être un peu plus musclée qu'elle ne l'est actuellement… Au fond, le système actuel leur convient assez bien : les dispositions du code de commerce qui organisent la tutelle de l'État sont très peu nombreuses, et le préfet ne peut donc pas faire grand-chose.
Un éventuel changement de tutelle soulève la question de la taxe. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, Bercy a adressé aux chambres une forme de rappel à l'ordre, lequel a provoqué, dites-vous, une évolution qui s'est traduite par un rappel des missions principales des chambres et par un reflux des positions que vous avez qualifiées de « syndicalistes ». Les chambres s'interrogent sur le sens de cette action. À cet égard, la volonté du Gouvernement de conférer aux régions davantage de pouvoir en matière d'organisation des politiques territoriales de développement économique est de nature à faire évoluer leur sentiment sur la tutelle. Reste la question de la ressource. Si l'État transfère aux régions la compétence dans ce domaine, il se prive d'une réserve dans laquelle il peut puiser.
Les présidents de chambres de commerce et d'industrie ont été d'autant plus surpris par le prélèvement, en 2015, de 500 millions sur leur fonds de roulement qu'ils avaient pensé que celui de l'année précédente, de 170 millions, avait été effectué presque par inadvertance. Mais 1,1 milliard sur trois ans, il est vrai que cela commence à se voir. Sachant que des recours seraient déposés, le ministre de l'économie et des finances M. Emmanuel Macron leur avait indiqué que le dispositif était juridiquement solide. Il a reconnu que celui-ci avait peut-être provoqué des dégâts collatéraux mais que c'était à eux, présidents d'établissement public, d'indiquer au Gouvernement ce qui devait être préservé. Je rappelle qu'ils avaient tout de même exclu les préfets de leurs assemblées générales en province et avaient pu dire dans la presse pis que pendre de Bercy et des ministres sans conséquences.
L'éventuelle fusion des chambres de métiers et de l'artisanat et des chambres de commerce ne sera pas facile à réaliser, dans la mesure où les statuts de leurs personnels, les cotisations qu'elles perçoivent et les modes d'élection de leurs membres sont différents. À l'instar de Mme Vautrin, je ne crois pas à l'efficacité de la stratégie du bâton. Je souhaiterais donc savoir si une réflexion est menée en particulier sur l'uniformisation des statuts, afin que l'on puisse procéder par étapes.
Par ailleurs, les CCI et les chambres des métiers ont notamment pour mission d'aider les chefs d'entreprise. Or, les horaires de travail de leurs personnels ne correspondent pas au rythme des entreprises. Le service ne pourrait-il pas être amélioré à cet égard ? Peut-être les chefs d'entreprise se sentiraient-ils alors davantage concernés par les réseaux consulaires s'ils ont le sentiment qu'ils leur sont utiles.
Les CCI et les CMA ont en effet la même clientèle, constituée de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) du commerce, de l'industrie et des services. Elles ne sont pas sollicitées par les adhérents de l'AFEP, qui, en tant que gros contributeurs, financent pourtant le réseau – la cotisation de France Telecom s'élève à 24 millions d'euros –, ce qui les conduit du reste à dénoncer le matraquage fiscal dont ils seraient victimes.
La réflexion sur le rapprochement entre les deux réseaux a été menée dans le cadre de la mission Guillaume, qui a étudié la question à travers le prisme de Bercy, c'est-à-dire en termes d'économies. Quoi qu'il en soit, une telle fusion relève d'une décision politique. Cela dit, a priori, les agents des deux réseaux ont plus de points communs que de différences : ils sont sous statuts relevant de la même loi et ils sont payés sur la valeur d'un point d'indice, même si celui-ci diffère d'un réseau à l'autre. En revanche, leurs systèmes de rémunération diffèrent. Celui des chambres de métiers et de l'artisanat est conçu de telle manière qu'il permet de comparer la rémunération de n'importe quelle profession d'une région à l'autre, ce qui est quasiment impossible dans les CCI. Le transfert de la gestion de leurs personnels à la chambre régionale a nécessité un an et demi de négociations, car, dans une région, les écarts de rémunération atteignent parfois 30 % pour une même profession. La revalorisation minimale du taux indemnitaire, qui correspond à 0,1 % de la masse salariale, votée par la commission paritaire nationale constitue un plancher : chaque président de CCI dispose d'une large marge de manoeuvre et il en résulte quelques écarts en matière d'équilibre de rémunérations.