Nous accueillons M. Jean-Luc Brenner, sous-directeur à la gestion comptable et financière des collectivités locales, et M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction des professionnels de la Direction générale des finances publiques.
Nous nous intéressons à la fiscalité touristique et à la taxe de séjour, dont la DGFiP semble assez peu se préoccuper. L'objet de notre audition est de mieux comprendre votre rôle dans le domaine de la fiscalité locale et, plus précisément, dans la collecte et le contrôle de la taxe de séjour.
La taxe de séjour est gérée par les ordonnateurs, donc par les collectivités locales, et recouvrée par le réseau des comptables de la DGFiP, selon une organisation assez similaire à celle qui fonctionne pour d'autres impôts, notamment les impôts d'État, avec, d'une part, un service de gestion, et, d'autre part, un acteur en charge du recouvrement.
Les contrôles sont menés par les élus locaux, par l'intermédiaire d'agents commissionnés, nommés par eux et qui effectuent ce que l'on appelle les rappels, mis en recouvrement auprès du comptable de la collectivité locale.
Le fait que l'assiette de cette taxe soit établie par la collectivité locale ou par l'établissement public de coopération intercommunale est-il conforme au droit constitutionnel français ?
L'article 34 imposant au législateur de déterminer les règles en matière de gestion, de contrôle et de recouvrement des impositions, dès lors que l'on agit dans un cadre légalement défini, je ne vois pas ce qui pourrait poser un problème constitutionnel.
L'État peut-il déléguer à une collectivité territoriale le soin d'établir l'assiette d'une taxe pouvant être définie comme une imposition de toute nature ? Nous nous sommes déjà posé la question pour d'autres taxes, et j'aimerais connaître votre analyse sur le sujet.
À ma connaissance, la DGFiP n'a jamais analysé la question en ces termes. Il nous semble en effet que la définition de l'assiette est relativement claire, que la matière imposable, les conditions d'application de la taxe et son taux sont assez bien déterminés par les textes.
Mais je répète ma question : est-il légal que ce soient les collectivités locales qui établissent aujourd'hui l'assiette de l'impôt, sur la base des déclarations que veulent bien fournir les particuliers ? Pensez-vous que cela soit conforme au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques ?
Il revient aux collectivités d'organiser la collecte et le contrôle de la taxe de séjour, le rôle du comptable public étant de l'encaisser et de la comptabiliser. Mais ces collectivités sont souvent désemparées devant la mise en oeuvre de cette taxe, et on a le sentiment que la DGFiP ne tient pas à s'en mêler.
Au sein même de la sphère de l'État, la DGFiP ne gère pas la totalité des taxes existantes, et le législateur a procédé à une répartition des rôles entre les différents acteurs publics. Nous mettons en oeuvre ce que la loi a prévu.
Nous parlons ici d'un impôt qui, conformément à nos grands principes fiscaux, est fondé sur le déclaratif, puis sur le contrôle. Pour être efficace, ce contrôle doit s'appuyer sur une connaissance très fine du tissu fiscal. Or qui connaît mieux ce tissu que la collectivité locale, qui peut compter pour cela sur l'office du tourisme ou le syndicat d'initiative, auprès de qui sont référencés les loueurs de meublés, de chambres d'hôte ou de gîtes ruraux ?
Mais quels sont les outils dont dispose la collectivité territoriale pour contrôler que les déclarations des acteurs touristiques sont correctes et exhaustives ? Je sais d'expérience que certains de ces acteurs ne déclarent pas leur activité ou qu'ils la déclarent mais prétendent n'en avoir tiré aucun revenu faute de client. La DGFiP, chargée du recouvrement de l'impôt sur le revenu, dispose, elle, de ce pouvoir.
Nous pensons que le système actuel n'est pas satisfaisant et aimerions connaître vos suggestions techniques pour l'améliorer.
Que pensez-vous de l'idée que le législateur confie à l'administration fiscale le soin d'asseoir la taxe de séjour, de la recouvrer et de la contrôler ?
Dans ce cas, la DGFiP appliquerait la loi comme elle le fait pour tous les autres impôts. Mais il faut être conscient que, nos moyens se resserrant, nous les allouons aux objectifs prioritaires, dont je ne peux vous garantir que le recouvrement de la taxe de séjour fasse partie.
Cela étant, on peut en effet imaginer de coupler les déclarations de taxe de séjour avec celles dont dispose déjà la DGFiP et d'inclure cette taxe dans les procédures de contrôle qui touchent les particuliers.
Les collectivités locales sont assez démunies aujourd'hui face à un contribuable qui ne paie pas sa taxe de séjour. Elles n'ont pas la puissance de l'administration fiscale et, à moins d'aller en justice, elles en restent souvent là. Cela pose un problème d'inégalité devant l'impôt.
Les loueurs les plus astucieux choisissent de ne déclarer que la moitié des revenus qu'ils tirent de leur activité.
Il convient de se demander pourquoi le législateur a choisi d'organiser comme il l'a fait le recouvrement de cette taxe, confiant aux communes et aux départements - lesquels peuvent adopter une taxe additionnelle – le soin de définir l'assiette. Il me semble que c'est parce qu'il s'est posé la question du rapport entre le rendement de cet impôt et son coût, et qu'il a souhaité, par ailleurs, responsabiliser les collectivités qui décident d'un impôt et doivent donc en supporter le coût.
Sachant que certaines communes disposent des outils juridiques mais pas des ressources nécessaires au contrôle, pourquoi ne pas déléguer cette compétence au niveau intercommunal, voire la mutualiser entre plusieurs collectivités ?
Je rappelle que les collectivités peuvent opter soit pour une taxation au forfait soit pour une taxation au réel. Dans ce dernier cas, c'est l'hébergeur qui liquide et recouvre directement la taxe auprès de son client, en fonction du barème adopté par la collectivité, avant de la reverser au comptable de la commune. Celle-ci n'a donc aucune assiette à gérer et doit se contenter de vérifier que l'hébergeur a bien appliqué les précomptes demandés. Le choix de gestion de l'assiette relève donc des collectivités, et il convient de les responsabiliser financièrement.
Elle concerne une activité économique qui n'est pas toujours aisément identifiable, puisqu'elle n'exige aucune autorisation municipale, à la différence des cas d'occupation du domaine public. En cela, la taxe de séjour se rapproche des impôts gérés par l'État, et les petites collectivités ne sont pas toujours bien outillées pour la gérer convenablement. Je comprends, cela étant, que la DGFiP ne soit pas très désireuse de s'en charger, compte tenu des frais de gestion que cela occasionnerait et qu'il faudrait répercuter sur les collectivités. On peut néanmoins s'interroger sur l'opportunité d'effectuer des recoupements avec les données dont disposent vos comptables.
Lorsque la DGFiP contrôle un camping qui n'a déclaré que 80 % de ses revenus, elle procède à un redressement ; mais elle n'effectue jamais de redressement sur la taxe de séjour.
Cela ne rentre pas dans notre champ de compétence.
La levée du secret fiscal nous autorise en effet à communiquer ce type d'information confidentielle, mais il faut bien distinguer entre les moyens juridiques et les moyens matériels. Je veux bien entendre que les textes actuels qui régissent la taxe ne sont sans doute pas suffisamment développés pour fonder une action en contrôle de la part d'acteurs locaux.
Se pose par ailleurs le problème de l'accès à l'information. Certes, le recoupement peut être un moyen d'accéder à cette information, mais il existe également au plan local des moyens d'identifier les lieux d'activité, ne serait-ce qu'en se référant à la profusion de panonceaux publicitaires censés attirer le client. Il faut ensuite se doter des moyens juridiques permettant de vérifier la véracité des déclarations.
On sait parfaitement que les propriétaires de gîtes ruraux sous-déclarent leur activité. Comment contrôler, par exemple, les règlements effectués en espèces ?
Je pense que le système en place n'est pas constitutionnel et qu'il doit être réformé. C'est pour cela que nous souhaitions connaître votre opinion sur l'idée de transférer la gestion de cette taxe à la DGFiP.
Dans cette hypothèse, j'appelle l'attention du législateur sur la nécessité de clarifier l'assiette, pour éviter au vérificateur d'avoir à se renseigner auprès des 36 000 communes sur les taux en vigueur. S'il relève d'une administration d'État, il est recommandé que cet impôt ait peu ou prou les mêmes caractéristiques sur l'ensemble du territoire.
L'assiette est plutôt homogène. Seul le taux varie en fonction des collectivités locales. Ce qui est compliqué, c'est qu'il s'agit d'un impôt touchant une activité diffuse – nous n'avons pas évoqué la location par internet, qui génère des flux assez significatifs mais complexes à appréhender.
La DGFiP s'efforce d'intégrer dans son spectre de surveillance l'activité commerciale qui procède d'internet. Cela étant un site comme Airbnb, qui offre une plateforme aux particuliers souhaitant louer leurs biens, ne concerne que des montants assez modiques, n'offrant qu'un complément de revenu. Seule une analyse fiscale précise permet ensuite de qualifier ces revenus pour déterminer, par exemple, s'ils relèvent des bénéfices industriels et commerciaux. Je précise enfin que, si la surveillance des plateformes est assez aisée, il est plus difficile de surveiller les hébergements proposés en ligne sur des sites personnels.
On vous sent en définitive assez peu concernés par le sujet. Il appartient donc au législateur de poursuivre sa réflexion plus avant.