COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 24 octobre 2012
La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, et Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative, sur les crédits pour 2013 de la mission « Enseignement scolaire ».
Mes chers collègues, comme je l'ai précisé ce matin, l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2013 n'a pas lieu dans le cadre d'une commission élargie, mais dans le cadre de notre Commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, nous vous entendons sur les crédits pour 2013 de la mission « Enseignement scolaire », tout en ayant à l'esprit ce qui a déjà été fait au moment du collectif budgétaire de juillet dernier – le déploiement rapide de moyens supplémentaires pour la rentrée scolaire de septembre – et la concertation sur la refondation de l'école de la République, qui vient de se terminer et qui a mobilisé de nombreux députés de cette Commission. Que nous soyons dans la majorité ou dans l'opposition, sachez que notre disponibilité est entière pour préparer activement avec vous la future loi d'orientation et de programmation.
Avant de passer la parole à M. le ministre, je précise que l'examen de l'avis de M. Michel Ménard et le vote des crédits auront lieu mardi prochain, 30 octobre.
Je ferai une introduction pour donner sens à notre débat. Mais elle sera rapide, car de nombreuses questions se posent et je souhaite pouvoir répondre à vos interrogations, aux côtés de ma collègue George Pau-Langevin.
La priorité donnée à l'école, dont témoignaient déjà les mesures prises dans le projet de loi de finances rectificative, est réaffirmée dans le projet de loi de finances pour 2013. Comme vous le savez, nous avons également travaillé sur les trois prochaines années dans le cadre du budget triennal et nous aurons bientôt l'occasion d'examiner, ensemble, la loi d'orientation et de programmation, qui sera présentée au Parlement au début de 2013.
La concertation que vous avez évoquée, monsieur le président, qui avait été lancée par le Premier ministre le 5 juillet, a en effet terminé ses travaux. Je tiens à remercier un grand nombre d'entre vous, de la majorité comme de l'opposition, qui y ont participé et ont permis d'éclairer les prochaines décisions que nous allons prendre. Le Président de la République a lui-même conclu les travaux de la concertation après la remise du rapport et rappelé ses objectifs en matière d'éducation, cette priorité du quinquennat qui doit se traduire du point de vue budgétaire, mais que nous essayons d'aborder par des entrées pédagogiques. Les conclusions de ce rapport, pour l'essentiel celles du discours du Président, seront intégrées dans le projet de loi d'orientation et de programmation.
Dans le même temps, nous avons préparé les arbitrages budgétaires qui sont soumis à votre examen, sachant que le budget 2013 que nous allons examiner constitue la première année d'une construction triennale.
Il doit permettre à la fois de financer l'impact, sur 2013, des mesures que nous avions déjà prises dans le PLFR et de préparer la rentrée 2013 qui sera marquée, entre autres, par des recrutements importants. Ceux-ci se dérouleront en deux phases et permettront la remise en place d'une formation des enseignants.
Le budget 2013 confirme la priorité donnée à l'éducation nationale. De fait, le premier budget de l'État connaît une hausse d'1,8 milliard d'euros, soit de 2,92 %. Hors charge des pensions, cette hausse est de 293 millions d'euros, soit de 0,6 % par rapport à 2012. Alors même que l'ensemble des dépenses de l'État, hors charge des pensions, est stabilisé en valeur, une telle hausse est donc un signal très fort.
Ces moyens financiers ont une première traduction concrète, à savoir le recrutement de 43 000 enseignants – enseignants ne voulant pas dire « postes ». Ce recrutement, avec le concours exceptionnel qui est prévu, correspond à la création de 8 281 postes, alors même que les effectifs de la fonction publique sont stabilisés. Non seulement tous les fonctionnaires partant à la retraite seront remplacés, mais encore des moyens nouveaux seront accordés.
C'était absolument nécessaire, étant donné l'état de tension de l'école à cette rentrée scolaire. La situation risque de perdurer au cours de l'année qui vient, puisque l'effet des 80 000 suppressions de postes se fera encore sentir. Quand un réseau d'aides spécialisées est décimé, quand l'accueil des plus jeunes ne peut pas se faire, quand les remplacements ne sont pas assurés, toutes les familles – quelles que soient leurs opinions – sont directement atteintes. De la même manière, les jeunes professeurs travailleront cette année encore dans des conditions extrêmement difficiles – même si nous avons réussi à mettre en place, avec le collectif budgétaire, un début de décharge de trois heures dans le secondaire.
Ces recrutements viennent pallier de très nettes difficultés d'encadrement dans les établissements scolaires. Ce qui s'est passé ces derniers jours montre bien que nous avons besoin d'adultes, de personnels, non seulement pour prévenir, mais encore pour intervenir lorsque c'est nécessaire.
Ce budget 2013 est un signal fort. Mais il n'a de sens que dans le cadre d'une programmation. Car un effort qui se limiterait à une année serait insuffisant pour pallier nos difficultés, dans le domaine de la formation des enseignants – la remise en place de la formation est très consommatrice de moyens humains et donc financiers – comme dans d'autres domaines. Nous avons bien d'autres actions à mener pour améliorer nos performances éducatives et permettre la réussite du plus grand nombre possible d'élèves.
Nous avons à réfléchir et à dialoguer sur les orientations de ce budget, sans perdre de vue que nous devons inscrire notre action dans la durée par la programmation triennale. Nous avons déjà des éléments et nous en rediscuterons au moment de la loi d'orientation et de programmation sur le quinquennat.
Pour être un peu précis, nous avons été obligés d'organiser cette année deux concours. Si nous voulons remettre en place une formation des enseignants, il faut que ceux que nous recrutons n'aient pas à se présenter tout de suite devant des classes. Si nous voulons former correctement les enseignants qui seront devant des classes en 2014, il faut les recruter dès cette année. Cela explique que nous ayons organisé un second concours, qui ne correspond pas encore à ce que sera le concours définitif ni à la formation qui sera mise définitivement en place au concours suivant. C'est une étape intermédiaire, qui vise à « réalimenter la pompe ».
21 350 places seront donc ouvertes à l'occasion de ce second concours, qui se déroulera en juin 2013 et sera ouvert, à la différence des précédents, aux étudiants de première année de master (M1). Ceux qui seront admissibles à ce concours, et qui tenteront l'admission en fin d'année suivante, suivront un stage en responsabilité rémunéré, en parallèle de leur formation dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Tel qu'il est prévu, ce stage en responsabilité – vous voyez déjà la différence avec le système préexistant – sera de six heures hebdomadaires, le reste du temps étant consacré à la formation.
En même temps, nous attribuons un certain nombre de moyens à des recrutements de personnels non enseignants, notamment pour l'accueil et l'accompagnement des enfants en situation de handicap.
Nous avions créé 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés pour la rentrée, dans la loi de finances rectificative. Malgré tout, 6 000 enfants n'ont pas pu être accueillis comme c'eût été souhaitable. Nous allons donc poursuivre cet effort et créer 500 postes à la rentrée 2013, alors même que se poursuit le travail gouvernemental, sous la responsabilité de George Pau-Langevin, et de Marie-Arlette Carlotti, pour améliorer les formations, les qualifications et le statut des personnels chargés de suivre et d'accompagner ces enfants.
Les emplois d'avenir professeur seront lancés dès le mois de janvier 2013 – ils sont donc déjà budgétés. 6 000 seront créés pour la première année, en 2013. Le système est un peu compliqué, mais c'est le seul qui permette d'agir vite et efficacement. Il associe une bourse de service public, financée par le ministère de l'éducation nationale, la rémunération apportée par l'emploi d'avenir professeur – les heures faites en situation – et la bourse sur critères sociaux. Il assure aux étudiants un revenu moyen de l'ordre de 900 euros. C'est une mesure favorable au pouvoir d'achat des jeunes, et en particulier des étudiants. Nous savons qu'un très grand nombre d'entre eux sont dans une situation de très grande difficulté. Notre budget intègre bien la création de ces emplois, pour un coût total, porté par le ministère, de 31 millions d'euros.
Un certain nombre de crédits d'intervention en faveur de l'accompagnement social des élèves sont préservés : 539 millions d'euros, soit 15 millions de plus qu'en 2012, pour les bourses nationales d'études, destinées aux familles défavorisées lorsque leurs enfants sont inscrits dans des établissements du second degré (collège et lycée) ; des crédits, dédiés à l'assistance éducative et aux contrats aidés, qui sont également revalorisés.
Cela nous permet de financer les assistants d'éducation, en tenant compte des 2 000 que nous avions créés dans le PLFR et que nous budgétons pour l'année qui vient, ainsi que les 500 postes d'assistants de prévention et de sécurité qui ont été, depuis septembre, recrutés, formés et immédiatement affectés dans les établissements les plus exposés aux incivilités et aux violences.
Cela nous permet également de financer les 12 000 contrats aidés, qui ont été maintenus à la rentrée 2012, ainsi que des mesures d'urgence, et de maintenir, au niveau de la loi de finances initiale, les fonds sociaux.
En revanche, le budget de fonctionnement du ministère est soumis aux mêmes règles que celles appliquées dans les autres ministères. Nous devons en effet faire preuve d'exemplarité dans la gestion des moyens qui nous accordés.
Le fonctionnement courant du ministère baissera donc de 5 % en 2013. Cela concerne aussi – alors même que nous sommes en train d'opérer de grandes réformes avec eux – nos opérateurs, leurs dépenses de fonctionnement étant réduites de 2 millions d'euros et leurs dépenses de personnels maîtrisées.
Les économies que nous avons effectuées dans ce budget de fonctionnement permettent toutefois des redéploiements, que nous avons souhaité cibler sur des priorités stratégiques, que nous ferons monter en régime dès cette année et dans les années qui viennent, avec des opérateurs extérieurs à l'éducation nationale. C'est ainsi que la dotation du numérique augmente considérablement, passant de 3,6 millions d'euros à 10 millions d'euros. Notre volonté est de développer l'enseignement numérique et de favoriser la création de logiciels pédagogiques français. Nous devons être capables de constituer une filière française de production de logiciels. Au-delà, nous aurons à débattre, dans la loi d'orientation et de programmation, des ressources numériques et de la formation des professeurs au numérique.
L'ensemble des moyens nouveaux sera réparti conformément aux priorités que le Président de la République avait fixées dans le cadre de la campagne et que nous avons réaffirmées à plusieurs reprises : d'une part, veiller que le taux d'encadrement, qui baisse depuis plusieurs années, cesse de baisser – ce sera le cas ; d'autre part, renforcer le potentiel de remplacement, sur lequel des économies ont été faites ces dernières années.
J'ai ainsi demandé que des moyens soient affectés prioritairement dans un certain nombre de départements, où les tensions sont importantes – notamment en Seine-Saint-Denis, où ce potentiel de remplacement a été littéralement « liquidé » – en insistant sur un certain nombre de points, dont : l'accueil des moins de trois ans, surtout dans les zones qui connaissent les plus grandes difficultés sociales et scolaires ; le principe « plus de maîtres que de classes », qui constitue selon nous, un instrument de changement de travail dans l'école, et donc de réussite éducative.
Pour ce qui concerne les collèges et les lycées, je ciblerai plus directement les collèges les plus défavorisés et les lycées professionnels auxquels, dès la loi d'orientation et de programmation, nous proposerons un certain nombre d'évolutions.
Voilà la présentation introductive et synthétique que je souhaitais faire, monsieur le président, pour laisser autant de place que possible aux interrogations des uns et des autres, sur les sujets qu'ils choisiront.
Je souhaite appeler votre attention sur le fait que ce budget tient compte de ce que nous n'avons pas encore cette nouvelle loi d'orientation et de programmation et que, par conséquent, nous travaillons sur les dispositifs antérieurs.
Je tiens à souligner par ailleurs que notre intention de travailler pour les élèves les plus défavorisés ou en difficulté se manifeste à plusieurs niveaux. Nous tentons, par exemple, de rapprocher les résultats des enfants des zones les plus en difficulté de ceux des autres. Effectivement, l'anomalie de notre système éducatif tient au fait que nous sommes, parmi les pays de l'OCDE, un de ceux où les catégories sociales sont le plus nettement corrélées avec les résultats des enfants. Il est clair que dans des quartiers défavorisés, les acquis ne sont pas les mêmes.
Nous nous sommes également rendu compte que la réussite scolaire était affectée par les problèmes de santé, liés aux addictions, à l'alimentation, voire à l'obésité. Des brochures seront donc mises au point pour attirer l'attention des jeunes sur ce type de difficultés.
Vincent Peillon a parlé de ce qui est fait pour les enfants en situation de handicap. L'objectif est que le maximum d'entre eux puisse accéder à l'enseignement à des conditions équitables par rapport aux autres. Aujourd'hui encore, un certain nombre d'enfants ne peuvent pas être accueillis. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faut rationaliser les relations avec les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et l'éducation nationale qui doit suivre les prescriptions de ces dernières. Cette question sera sans doute à discuter dans le cadre de la nouvelle étape de la décentralisation. Enfin, nous avons mis en place un groupe de travail sur la professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire chargés de l'accompagnement individualisé (AVS-i). Pour les prochains budgets, nous serons sans doute en mesure de vous donner des éléments plus précis sur ce que nous ferons en ce domaine.
Par ailleurs, nous avons revalorisé les crédits de l'action sociale autant que faire se peut – pas énormément, compte tenu du budget. Seulement, pour que les élèves appartenant à des catégories défavorisées arrivent à vivre dans les conditions les plus normales possibles, il faut que les fonds sociaux, non seulement soient d'un montant suffisant, mais encore soient débloqués – l'année dernière, ils avaient été gelés. Je vise les fonds sociaux pour les cantines et les fonds sociaux « collégiens et lycéens ». À ce titre, nous avons mis en place, sous l'égide du Premier ministre et avec Mme Marie-Arlette Carlotti, un groupe de travail sur les familles et la vulnérabilité. Nous sommes conscients que la pauvreté est de nature à influer sur les résultats scolaires des enfants. En tout cas, le fait que les crédits d'intervention, notamment sur les dispositifs de bourse, s'élèvent à 535,9 millions d'euros, est le signe de notre volonté de prendre en compte ces catégories défavorisées.
Je tiens à préciser, madame et monsieur les ministres, que notre Commission a récemment auditionné M. Éric Debarbieux, votre délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences scolaires, pour aborder ce problème important qui touche les établissements scolaires – et le plus souvent leurs abords. Nos échanges ont été particulièrement constructifs.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé les difficultés qu'a rencontrées et que rencontre encore l'éducation nationale, et qui sont la conséquence de la politique de mise à mal du système éducatif suivie ces dernières années : postes massivement supprimés, RASED décimés, absence de formation des futurs enseignants, pénurie de remplaçants.
Pour ma part, je me félicite de ce premier budget qui s'inscrit dans le projet de refondation de l'école. Vous l'avez rappelé, la mission « Enseignement scolaire » est, par son volume, la première de l'État, avec 64 milliards d'euros, 2,9 % de plus qu'en 2012. Quand on connaît le contexte dans lequel le budget de l'État est bâti, nous voyons bien que l'enseignement scolaire est une priorité du gouvernement.
43 000 personnes seront recrutées : 22 000, à la fois pour remplacer l'ensemble des départs en retraite et recruter des enseignants et des non enseignants ; 21 300 postes, équivalents à 11 476 emplois de stagiaires, seront proposés pour rétablir l'année de stage, destinée à former des enseignants qui seront ainsi à même d'assurer leurs missions dans les meilleures conditions. Enfin, les emplois d'avenir professeur viendront en soutien dans les établissements.
Le budget 2013 est donc dans la continuité du collectif budgétaire de juillet 2012, qui avait déjà permis de prendre des mesures d'urgence. Je tiens à saluer ce budget dans ce contexte contraint et à dire que, sur les territoires, les enseignants et les parents d'élèves ont bien mesuré l'effort qui était fait.
Plus généralement, cette ambition pour la jeunesse doit évidemment rester notre priorité pour les cinq prochaines années. Mais, de façon plus particulière, j'ai souhaité, dans mon rapport, insister sur la scolarisation des enfants handicapés. Je souhaite vous dire quelques mots et vous poser deux questions à ce sujet.
J'ai centré mes investigations sur le primaire car c'est à ce niveau que l'intégration des enfants handicapés se déroule dans les meilleures conditions. Or, même à l'école primaire, chacun peut constater que de nombreux obstacles affectent la qualité du processus de scolarisation de ces enfants : traitement inégal des demandes des familles par les MDPH ; nombre insuffisant d'enseignants spécialisés ; manque criant de formation des maîtres ; quasi absence des projets personnalisés de scolarisation ; caractère fourre-tout de certaines classes pour l'inclusion scolaire (CLIS).
Certes, c'est le bilan de l'ancienne majorité, qui n'a eu de cesse de mettre à mal l'éducation nationale – particulièrement l'enseignement public. Mais nous devons maintenant agir pour faire en sorte que les enfants souffrant d'un handicap soient mieux accueillis et mieux encadrés.
L'absence d'un cadre d'emploi pour les accompagnants est un problème récurrent, qui donne aujourd'hui lieu à des procès contre les établissements scolaires qui ont failli à leurs obligations. Le coût de ces contentieux dépasse d'ores et déjà 2 millions d'euros. À cet égard, je me félicité qu'un groupe de travail sur la professionnalisation de ces personnels ait été mis en place la semaine dernière par les ministres en charge du handicap et de la réussite éducative, comme vient de le rappeler Mme Pau-Langevin.
Je souhaiterais vous interroger sur deux points précis liés au thème de mon rapport.
En premier lieu, sur l'aide apportée par les aides à la vie scolaire mutualisées (AVS-m) qui est encadrée par un décret du 23 juillet 2012. Plusieurs associations et syndicats craignent qu'elle ne prenne systématiquement la place de l'accompagnement individualisé. Je sais que ce dernier n'apporte pas toujours une réponse aux besoins des élèves handicapés. Cependant, ne faudrait-il pas rassurer les familles en prévoyant, d'ici l'été prochain, une évaluation des conditions d'application du décret, pour vérifier que l'aide mutualisée ne dégrade pas le service rendu aux élèves ?
En second lieu, sur la formation des enseignants : vous avez abordé cette question d'une façon générale. Tous mes interlocuteurs considèrent qu'il s'agit d'une question prioritaire. Par conséquent, comment s'assurer que la formation initiale, dans les futures écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), garantira aux étudiants se destinant au concours de recrutement l'acquisition de connaissances de base en matière de handicap ou, plus généralement, de besoins éducatifs particuliers ? Comment articuler ensuite ces actions avec la formation continue ?
Au nom du groupe SRC, je tiens à saluer les mesures que vous avez annoncées, parce que je pense qu'elles redonnent ses lettres de noblesse à l'éducation nationale.
Ces mesures ont restauré, dès la rentrée de septembre 2012, la confiance dans un corps de métier qui a été bafoué et qui n'avait plus les moyens de pratiquer une profession digne de ce nom.
Je rappelle les conséquences d'une politique de coupes mécaniques des moyens alloués, menée sans véritable stratégie éducative depuis dix ans : dégradation des conditions de travail des apprenants que sont les élèves, et des enseignants ; remontée du nombre d'élèves en difficulté et en décrochage – or les élèves qui décrochent de l'école décrocheront du marché du travail ; accentuation des inégalités de réussite scolaire et de la tendance à la reproduction sociale et des déterminismes sociaux. Je ne crois pas que le but d'origine de l'école était cette reproduction sociale.
En conséquence, je tiens à saluer l'initiative de François Hollande qui replace l'école et la jeunesse au coeur de l'action publique.
Il faut remettre l'école en adéquation avec les tendances sociétales. Mais il faut lui donner les moyens de le faire et de mettre à plat des procédés obsolètes, qui ne sont plus adaptés aux élèves d'aujourd'hui. Je considère que les premières mesures d'urgence vont tout à fait dans ce sens-là – notamment, les créations de postes pour les enseignants et pour tous les métiers connexes à l'enseignement.
Je voudrais aussi remercier M. le ministre, et tous les partenaires qui ont participé à la refondation de l'école. Nous avions besoin de cette concertation, qui va pallier non seulement les difficultés socio-économiques des élèves, mais aussi les violences et les incivilités qui se sont développées en milieu scolaire. En auditionnant M. Debarbieux, le délégué ministériel chargé de la prévention de la violence, nous avons bien compris qu'un climat délétère dans les établissements mine les élèves et conduit à la mésestime de soi.
Ma question concerne les assistants chargés de la prévention. Depuis la rentrée, 500 ont été affectés dans les établissements les plus exposés. Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser qui seront les intervenants et les organismes formateurs, ainsi que le contenu de la formation de ces assistants ? A-t-on prévu une formation continue pour ces intervenants ? Quel sera leur statut et sous quel type de contrats sont-ils recrutés ?
Je trouve évidemment mes collèges de la majorité bien sévères, mais je pense que nous aurons l'occasion de débattre de tout cela dans les prochains mois.
Monsieur le ministre, le budget de la mission « Enseignement scolaire » reste le plus gros budget de l'État, et ses crédits bénéficieront d'une augmentation de 7 % d'ici 2015.
Dans votre présentation stratégique de la mission, vous avez évoqué les premières mesures que vous avez prises pour que la rentrée 2012 se passe bien. Je tiens tout de même à dire que les précédentes rentrées scolaires ne se sont pas si mal passées que cela, malgré les courageuses suppressions de postes prises par l'ancienne majorité pour réduire la dépense publique.
Nous proposions de revoir le service des enseignants, et de revaloriser leur salaire ; nous l'avons d'ailleurs fait pour les débuts de carrière. La majorité actuelle a fait un autre choix, qui sacrifie le pouvoir d'achat des enseignants.
Vous annoncez 43 000 recrutements en 2013, dont 21 300 de re-création, et tout cela conformément à la volonté du Président de la République. Je note qu'en équivalent temps plein, vous nous avez annoncé 8 281 postes. Je vous en donne acte – pour ma part, j'avais calculé, en prenant en compte les programmes 140, 140 et 139, qu'il y en avait 8 332.
Je voudrais cependant rappeler qu'en examinant les courbes des effectifs depuis la loi Jospin de 1989, on s'aperçoit que le nombre d'enseignants a augmenté significativement jusqu'en 2002, puis a diminué progressivement, alors que le nombre d'élèves baissait relativement régulièrement sur cette même période.
Lors de la dernière année scolaire, nous avions encore 34 000 enseignants de plus qu'en 1989 et 540 000 élèves en moins. Malheureusement, les performances de notre système scolaire, notamment en période d'encadrement très confortable, ne se sont guère améliorées par rapport aux autres pays de l'OCDE. Se poser la question d'une meilleure répartition des moyens était donc légitime.
À l'UMP, nous partageons vos objectifs de faire réussir tous les élèves et de donner la priorité à l'école primaire, avec la maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun – une innovation majeure de la loi Fillon. Nous partageons même votre objectif de « mieux former et évaluer les enseignants ». En créant en 2011 une mission d'information sur la mastérisation et la formation des maîtres, notre Commission avait bien conscience qu'il fallait améliorer la formation professionnelle des futurs enseignants.
J'ai bien noté, dans les programmes 140 et 141, la réintroduction de la catégorie d'emploi d'enseignants stagiaires et les crédits demandés y afférents. Disposer d'enseignants motivés et compétents est aussi notre souhait.
J'ai la certitude que la politique éducative menée ces dernières années n'a pas été aussi négative que certains veulent bien le dire, y compris pour les élèves en difficulté. Le programme ECLAIR (écoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) a permis des améliorations certaines dans l'éducation prioritaire. Je salue d'ailleurs votre volonté de réduire les écarts avec les établissements situés hors éducation prioritaire.
L'accueil et la scolarisation des élèves handicapés ont progressé significativement durant les dix dernières années. Vous poursuivez cet effort, ce que nous approuvons évidemment.
L'aide personnalisée, les stages de remise à niveau ont aussi permis une évolution favorable à l'entrée en sixième. Je laisserai mes collègues vous interroger sur ces sujets-là.
Pour ma part, je terminerai sur un appel au secours. Le « malaise » des directeurs d'école devient « souffrance au travail », si l'on en croit un récent article, qui s'appuie sur une enquête des syndicats. Les directeurs demandent une revalorisation financière, une amélioration des décharges, une meilleure formation. Dans ce domaine, j'ai constaté que vous prévoyez 1,4 million d'euros pour la formation initiale, conformément à un arrêté de 1997. Or ce n'est pas suffisant. Je crois à l'effet « chef d'établissement », et pas seulement à la lutte contre la violence scolaire – et vous renvoie à l'audition de M. Debarbieux, il y a quinze jours. Je n'ai pas réussi, malheureusement, à ouvrir ce dossier, lors de la précédente législature. Dans le cadre de la refondation de l'école, envisagez-vous de revoir le statut des directeurs d'école ?
L'éducation est une priorité pour ce gouvernement et la majorité, nous n'en doutons pas. Votre présentation budgétaire témoigne de ce volontarisme que je tiens à saluer au nom du groupe écologiste. Les défis à relever sont grands, car l'éducation nationale a beaucoup souffert lors du précédent quinquennat. On voit les conséquences de l'application d'une idéologie néolibérale à l'éducation nationale qui a fait des ravages et dont les premières victimes sont nos enfants et nos jeunes.
Je ne m'étendrai pas sur les effets des réformes du précédent gouvernement. Je préfère saluer votre volonté de changement, illustrée notamment par les nombreuses créations de postes, mais aussi par l'organisation de cette grande concertation sur la refondation de l'école. Permettez-moi néanmoins d'appeler votre attention sur un certain nombre de points.
Concernant la réforme de la formation des enseignants, il est indéniable que mettre de nouvelles recrues directement face à une classe sans préparation et accompagnement adéquat mène à la catastrophe. C'est pourquoi nous soutenons l'organisation, dans cette période de transition, d'une véritable formation professionnelle des futurs enseignants, avec une mise en responsabilité progressive, dans le cadre des futures ESPE.
Afin que le temps de formation soit véritablement consacré à former les étudiants à leur futur métier, il convient, à notre sens, de les dégager de la contrainte que représente le bachotage de la préparation d'un concours. Or situer le concours à la fin de la première année de master reviendrait, pour nous, à réduire cette année de formation à une préparation de concours. Nous vous suggérons donc d'organiser un concours ou – car nous sommes conscients de l'impact budgétaire d'une telle mesure – une épreuve d'admissibilité en fin de licence, et l'épreuve définitive en fin de première année de master.
Bien sûr, la question du pré-recrutement est essentielle, pour permettre aux étudiants de se former réellement et pour que cette profession soit à nouveau ouverte à celles et ceux qui n'ont pas les moyens d'accomplir des études supérieures. C'est le modèle de l'école républicaine qui est en jeu. À cet égard, j'aimerais que vous nous précisiez l'articulation du master avec le dispositif des emplois d'avenir professeur. Qu'en est-il de notre suggestion d'intégrer les contrats d'avenir professeur à la formation professionnelle ?
Au-delà de cette question, d'autres enjeux sont très importants : la formation continue des enseignants, mais aussi les filières de l'enseignement professionnel, qui doivent bénéficier de toute notre attention.
Je pense également aux rythmes scolaires. Il est indispensable d'organiser différemment les journées d'école – nous aurons l'occasion d'en reparler lors des prochaines échéances – et de prévoir plus de temps pour le périscolaire, d'imaginer des partenariats avec des associations locales, de construire des projets collectifs, de travailler avec les artistes, etc. Il faut pour cela que l'on favorise les initiatives des personnels et des établissements et que l'on associe davantage les parents. Il faudrait penser à donner à ces derniers un véritable statut. Mais nous savons que le gouvernement y pense.
Nous serons attentifs à ce que toutes les collectivités territoriales, où qu'elles soient ou quels que soient leurs moyens, soient en mesure de proposer la même variété d'offres pour nos enfants. C'est pourquoi j'appelle votre attention sur la nécessité de mettre en place un système de péréquation. Je suis persuadée que vous partagez ce point de vue. J'espère que vous pourrez nous donner quelques garanties supplémentaires.
Donner davantage de place au périscolaire et revoir les rythmes scolaires nécessite également – mais nous aurons l'occasion d'en discuter lors de nos prochains débats – de repenser le contenu des programmes scolaires. On ne peut plus organiser le temps de travail par séquences disciplinaires, qui se font suite sans cohérence : une heure de mathématiques, une heure de sport, une heure de littérature. Il faut le faire de manière transversale, repenser le contenu des programmes. Cela suppose, évidemment, que ces évolutions soient reflétées dans les manuels scolaires.
En outre, la lutte contre les discriminations, l'homophobie et le sexisme, doit bénéficier d'une place privilégiée à l'école. Un volet spécifique sur la déconstruction des stéréotypes de genre devrait, pour ce faire, être inclus dans la formation des enseignants.
Il conviendrait également de prévoir, dans le cadre de cette formation, un apprentissage de l'accueil des personnes porteuses de handicap. Je suis ravie de l'avoir déjà entendu dans les propos de notre rapporteur. Le principe de l'accueil des enfants handicapés dans les écoles les plus proches de leur domicile doit être une réalité. Ce coût doit être assumé par l'État. Je me réjouis que les orientations budgétaires aillent dans ce sens.
Monsieur le ministre, pour conclure, je tiens à vous réaffirmer notre soutien dans votre volonté d'agir pour l'éducation nationale.
Je ne vais pas revenir à mon tour sur le bilan de la majorité précédente. Notre collègue de l'UMP, que j'ai trouvé très défensif, a dit que la politique précédente n'était pas « si négative ». Inutile d'en rajouter. Je dirais toutefois qu'au-delà la suppression des postes, c'est à une dévalorisation de ce si beau métier de l'enseignement que nous avons assisté.
Je me félicite donc de la politique de rupture qui nous est proposée aujourd'hui à travers de ce budget et qui, je l'espère, se confirmera dans la loi d'orientation et de programmation sur le quinquennat. Je pense en effet, monsieur le ministre, que nous avons besoin de moyens. Il nous faut davantage d'enseignants et des enseignants mieux formés, mais aussi davantage d'adultes qualifiés dans les établissements scolaires. Car on le sait, l'équipe pédagogique n'est pas faite que d'enseignants. Elle est faite aussi de tous ceux qui entourent et accompagnent les élèves. Or souvent, l'absence d'infirmières et de personnels qualifiés joue sur l'ambiance qui règne à l'intérieur de l'établissement et ne permet pas de rattraper certaines situations délicates.
Vous avez évoqué le département de la Seine-Saint-Denis qui a en effet particulièrement souffert de la politique précédente. Je voudrais aborder quatre points.
Premièrement, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) : la dernière fois que vous êtes venu devant nous, vous avez dit que vous étudiiez l'avenir de ces réseaux. Quel est votre point de vue ? Aussi bien les personnels de l'éducation nationale que les familles ont trouvé ces réseaux utiles. D'ailleurs, les grandes mobilisations qu'il y a eu en Seine-Saint-Denis tournaient autour de la suppression des maîtres E, et de la mise à mal de ces réseaux, auxquels nous sommes particulièrement attachés.
Deuxièmement, l'accueil des tout petits – deux ans, deux ans et demi – en maternelle : nous savons que dans les milieux les plus défavorisés, sur le plan économique et de la connaissance de la langue française, la scolarisation précoce est un atout important pour la suite de la scolarité des enfants.
Troisièmement, les remplaçants : la situation est très tendue dans mon département en ce moment, car nous ne disposons pas de remplaçants pour faire face aux absences.
Quatrièmement, les CLIS : les professeurs de ces classes sont parfois amenés à accueillir des enfants qui auraient davantage leur place dans un institut médico-pédagogique (IMP) mais qui ne peuvent y être acceptés, faute de place. Cela pose des problèmes particuliers.
Permettez-moi également de revenir sur la formation des maîtres. J'ai bien entendu que le prochain concours aurait un caractère transitoire. Mais dans la loi d'orientation, comment faire en sorte que le pré-recrutement et l'année du concours permettent d'assurer à la fois une formation professionnelle et disciplinaire, sans négliger pour autant la recherche ? Je sais que certains syndicats proposent un concours en fin de deuxième année de master (M2) et un pré-recrutement dès la troisième année de licence. J'aurais aimé avoir votre opinion sur ce sujet.
Avez-vous des contacts avec les associations d'élus sur la modification des rythmes scolaires et les problèmes posés par l'occupation des équipements, qui seront davantage utilisés le mercredi après-midi ?
Une dernière petite question : pourra-t-on maintenir le Printemps des poètes ?
Je ne critiquerai pas la politique qui vient d'être menée par l'UMP. Je répondrai simplement à M. Frédéric Reiss, qui disait que l'UMP avait réduit les dépenses publiques, que l'UMP n'a fait que le dire : nous au moins, avec ce budget, nous le faisons. Et je crois que ce pays en avait bien besoin.
Monsieur le ministre, votre position est ambivalente : il faut travailler dans la durée et en même temps répondre à des situations d'urgence, voire de grave urgence. Voilà pourquoi le groupe RRDP soutient ce budget. C'est un bon budget qui répond aux intentions que nous avons exprimées pendant la campagne. Il est la réponse adaptée qu'il fallait donner.
Je ne répéterai pas ce que mes collègues ont déjà dit, mais il est vrai que trop d'élèves en fin d'école primaire ne maîtrisent pas les connaissances de base. L'école primaire a été délaissée et elle est devenue notre priorité, par rapport au collège et surtout au lycée – en 2012, pour la première fois, 85 % d'une génération a atteint le niveau du baccalauréat. De fait, les décrochages apparaissent dès l'école primaire. Ce budget répond complètement à cette inquiétude et à cette urgence.
Des postes sont créés : c'était une autre promesse. Comme quoi, quand nous faisons des promesses, nous essayons de les tenir. De la même façon, la formation des professeurs est rétablie.
M. Debarbieux nous a amenés à réfléchir au fait qu'il fallait consacrer des moyens dans les zones dites difficiles ou fragiles. Mais je crois que le chef d'établissement a un rôle essentiel et que, souvent, face à une violence de plus en plus malaisée à maîtriser, la formation de ces directeurs et, peut-être, la réévaluation de leur rémunération constitueraient une réponse adaptée au problème.
Même si on connaît les différences entre autorisations d'engagement et crédits de paiement, la dernière fois que nous vous avons entendu, vous avez exprimé une inquiétude liée à la création des postes ; dans certaines filières, il n'y aurait pas le nombre de candidatures escomptées – par exemple, en mathématiques. Quelle réponse apporter à ce problème, qui nous empêcherait de remplir nos engagements ?
On parle de réformer les rythmes scolaires et d'accroître le temps périscolaire – sans doute d'une heure par jour. Cette question déborde le cadre du budget et de la loi de finances que nous discutons, mais elle risque malheureusement d'avoir des conséquences sur le budget de certaines collectivités territoriales. Les premières évaluations qui ont été faites sont d'autant plus alarmantes que nous n'avons pas aujourd'hui la certitude que la Caisse d'allocations familiales (CAF) pourrait apporter sa contribution. Pensez-vous mettre rapidement en application cette réforme ou bien les conséquences qu'elle aurait sur les collectivités ne pourraient-elles pas vous amener à donner un peu de temps au temps ?
Je voudrais moi aussi me féliciter du renversement de tendance avec la période précédente. Je n'en dirai pas plus, si ce n'est que là où on parlait de suppressions de postes, on parle maintenant de créations de postes. Je voudrais aussi féliciter M. Frédéric Reiss pour son panégyrique de la formation des maîtres. Il va donc appuyer votre volonté d'avoir des enseignants formés.
Sur ce point, je voudrais vous demander, quelle que soit la place qui sera celle du concours de recrutement, comment vous comptez assurer la pérennisation de cette formation, notamment la formation initiale, sur toute la durée du quinquennat qui est devant nous ? Quelle place accordez-vous à ce qui a toujours été, hélas, une variable d'ajustement dans les budgets de l'éducation nationale, à savoir la formation continue ? Celle-ci apparaît de plus en plus comme une nécessité pour la suite de la formation des enseignants, qui doivent être capables de s'adapter à un métier qui change avec les années.
Par ailleurs, avec mon collègue Xavier Breton, j'ai été chargé d'un rapport parlementaire sur les rythmes scolaires. Nous avons travaillé pendant des mois sur le sujet, de manière à la fois consensuelle et approfondie. Nous sommes arrivés, après de multiples auditions, très exactement aux conclusions que vous proposez aujourd'hui. Ce rapport a été voté à l'unanimité et de la Commission, et donc de l'Assemblée. C'est donc l'unanimité des parlementaires, monsieur le ministre, qui vous soutiendra dans ces propositions.
Je vais vous étonner : je tiens à saluer la hausse du budget de ce ministère. L'effort est louable. Mais les propositions sont peu originales et ne sont pas à la hauteur de l'ambition affichée, qui est celle de refonder l'école.
Il est intéressant de remarquer que si tous les programmes de la mission augmentent, un seul stagne, celui de l'« Enseignement privé du premier et second degré ». Pourtant, il est bien spécifié dans le projet annuel de performances que : « L'État réaffirme vis-à-vis des établissements privés sous contrat les mêmes exigences que pour le public ». Par conséquent, faut-il comprendre que si le public a besoin de moyens supplémentaires, le privé devra, lui, faire la même chose mais avec moins de moyens ?
Ma deuxième question concerne les nouvelles technologies, que vous avez abordées rapidement. L'éducation doit en effet être développée, mais elle suppose des moyens, des réseaux et des équipements – tableaux numériques, notamment. Comment comptez-vous y parvenir ?
M. Frédéric Reiss a parlé des directeurs d'école. Mais, madame Pau-Langevin, je remarque qu'ils sont les grands oubliés de la concertation, bien que leur rôle soit extrêmement important et leurs missions pléthoriques. Ne fallait-il pas en profiter pour redéfinir leur rôle et leur mission, et faire évoluer leur statut et leur rémunération ?
Ensuite, plutôt que de vouloir supprimer les devoirs à la maison et les notes, pourquoi ne pas plutôt créer une École du mérite personnel, qui mettrait en valeur les élèves studieux et méritants ? Et une École de l'égalité des chances, avec la mise en place systématique, au niveau des lycées, de partenariats avec les grandes écoles et les entreprises, dont le milieu est méconnu ? Ce serait intéressant pour l'orientation des élèves.
Ma dernière question concerne l'École des parents, dont il serait important de renforcer la place au sein de l'école. Je vous renvoie à l'excellent rapport du Centre d'analyse stratégique « Aider les parents à être parents ». Car si le rôle de l'éducation nationale est d'instruire, c'est aux parents d'éduquer.
Il est clair que l'éducation est aujourd'hui une priorité pour notre gouvernement. Celui-ci l'a déjà montré en créant des postes dès la rentrée, en mettant en place une véritable formation de nos enseignants, et en accordant des moyens à l'école et à la nouvelle approche de celle-ci. Un temps nouveau sera peut-être mis à disposition de nos établissements scolaires. Cela m'amène à revenir sur un dossier qui m'est très cher : l'éducation artistique et culturelle, sur le temps scolaire, là où l'on touche tous les enfants, et qui leur permet, de la maternelle à l'université, d'accéder aux oeuvres contemporaines et à notre patrimoine.
En 2011, 23 % des enfants scolarisés ont bénéficié d'actions culturelles financées par le ministère de la culture. C'est évidemment peu.
L'éducation artistique et culturelle implique, il est vrai, l'engagement des acteurs éducatifs et culturels. Mais elle est souvent portée par les collectivités territoriales. J'aimerais donc savoir, monsieur le ministre, où en sont vos discussions avec le ministère de la culture, les collectivités territoriales et nos partenaires ? Comment allons-nous pouvoir développer la culture artistique et culturelle, et suivant quel calendrier ?
Madame et monsieur les ministres, je vous ai bien écoutés, et je constate que vous êtes dans le règne de la quantité, là où l'approche qualitative devrait prévaloir. Pour vous, la création de postes supplémentaires est une solution magique. À mon sens, vous vous trompez à trois titres : budgétairement, politiquement, mais aussi et surtout pédagogiquement.
J'ose affirmer que l'enjeu essentiel de notre école n'est pas d'obtenir des moyens supplémentaires. Celle-ci a surtout besoin de dépasser ses propres carcans et les idéologies qui lui interdisent toute évolution.
L'école ne peut progresser et être efficace que si son action est ancrée au coeur de la société et si elle remet la transmission du savoir aux élèves au centre de son projet. C'est d'ailleurs ce qu'attendent les familles et les élèves.
Allez-vous le faire, à l'image des Pays-Bas ? Ceux-ci ont mené une véritable politique qualitative, après avoir compris qu'il fallait modifier certaines approches pédagogiques. Aujourd'hui, vous privilégiez la quantité, ce qui est extrêmement dangereux.
Ce que j'ai entendu ce soir m'inquiète beaucoup. Vos propositions sont à l'inverse de ce qui a été fait par un certain nombre de pays qui ont véritablement pris à bras-le-corps la question de l'éducation. Ainsi, en l'espace de dix ans, la Floride nous a dépassés, si l'on en croit certaines enquêtes internationales, en jouant sur « l'effet maître » et sur les connaissances scientifiques en matière pédagogique. En tout cas, le document budgétaire que vous nous présentez n'indique rien en ce sens. Pouvez-vous nous éclairer quant à vos intentions ?
À travers la consultation que vous avez lancée, on ne peut que souligner l'effort d'un gouvernement qui fait de la jeunesse et de l'éducation sa priorité, et qui reconnaît les bienfaits d'une éducation partagée. Oui, l'éducation est l'affaire de tous et concerne non seulement la communauté éducative, mais également les parents, les associations ou encore les collectivités locales.
Ainsi, les contours d'un vrai débat de société sur l'éducation sont enfin dessinés et nous appellent à une réflexion globale. Pour ma part, j'attends avec impatience le projet de loi d'orientation et de programmation annoncé pour la fin de cette année.
Le budget qui nous est aujourd'hui présenté nous garantit que les élèves seront accueillis dans des conditions bien plus sereines que ces dernières années. Il offrira aux enfants un accompagnement et une prise en charge adaptée en milieu scolaire. Je pense plus particulièrement aux enfants porteurs de handicaps.
Ma question porte plus précisément sur le soutien qu'apportera le ministère, dès 2013, aux projets éducatifs locaux. Pour faire face aux désengagements successifs de l'ancien gouvernement, les collectivités locales n'ont jamais baissé les bras. Ces dernières années, elles ont assuré un quart des dépenses éducatives. Elles ont su faire preuve d'innovation, de coordination et de transversalité en s'appuyant sur les acteurs de leur territoire, et surtout, en plaçant l'enfant et l'éducation dans une démarche globale. Cette démarche a permis, dans certains territoires volontaristes, de mener à bien des structurations ambitieuses, en tissant de vrais parcours d'éducation et d'insertion sociale. Je suis ravi que le ministère reconnaisse enfin leur engagement. Le partenariat entre l'éducation nationale et les collectivités est un enjeu majeur, qui prend en compte toutes les formes d'éducation : formelle, non formelle et informelle.
Pour autant, j'aurais souhaité avoir davantage de précision sur l'accompagnement financier des collectivités, par l'État et les différents ministères, notamment en 2013.
Je voudrais partager ce diagnostic, qui doit nous être commun, indépendamment de nos « catéchismes » : 12 millions d'élèves, 850 000 enseignants, mais un système éducatif en échec : échec annoncé pour 60 000 élèves qui entrent en sixième ; sortie de 150 000 élèves sans diplôme et sans solution d'avenir à l'issue de la scolarité obligatoire.
Si j'évoque ce diagnostic commun, c'est évidemment avec l'idée de trouver des propositions qui rassemblent. L'un de nos collègues a opposé démarche quantitative et démarche qualitative. Je crois qu'il a bien posé le problème.
Dans la législature passée, face à des contraintes économiques et financières qui étaient les mêmes que celles que nous connaissons aujourd'hui, le choix avait été fait d'aller vers une aide personnalisée. L'ensemble des travaux qui ont été conduits depuis de nombreuses années a démontré que cette aide personnalisée donnait des résultats. Je voulais donc vous interroger sur votre intention, ou non, de poursuivre cette aide personnalisée.
Vous avez choisi de recruter 20 000 enseignants en plus des 850 000 qui exercent actuellement. Cela correspond, dans la mesure où on aura l'occasion de les recruter, à une augmentation de 0,2 %. C'est extrêmement peu et on ne voit pas l'effet que cela peut produire dans une classe. En revanche, on voit très bien l'effet que peut avoir une affectation prioritaire dans des secteurs en difficulté ou pour des aides personnalisées.
Affecterez-vous les enseignants en priorité dans certains secteurs ou vous contenterez- vous d'une moyenne d'affectation ? Dans ce dernier cas, je peux parier d'ores et déjà sur l'inefficacité des mesures prises.
Je voudrais souligner néanmoins une mesure positive, qui est celle de la formation des enseignants. Nous avions été, avec un certain nombre de nos collègues, déçus de la mise en place de la mastérisation, qui avait pourtant été souhaitée par l'ensemble des professions et des syndicats, mais qui ne s'était pas traduite par des moyens supplémentaires.
Aujourd'hui, il faut une formation pour les nouveaux enseignants : une formation continue, comme le rappelait tout à l'heure M. Yves Durand, mais aussi un nouveau mode d'affectation. Ce n'est pas en affectant les nouveaux enseignants, même bien formés, dans les secteurs difficiles, que les élèves de ces secteurs verront leurs chances augmenter. Envisagez-vous donc de modifier le système d'affectation des enseignants ? Nous sommes conscients de la difficulté que cela représente. Mais comptez-vous vous attaquer à ce chantier ? Cela me semble important.
Enfin, de nombreux rapports et de nombreuses d'études, communs avec certains de nos collègues de l'actuelle majorité, visent à encourager l'orientation de tous les élèves – et pas seulement ceux qui s'y engagent « par défaut » – vers la voie professionnelle. Je crois que cette filière n'est pas assez développée, alors qu'elle peut représenter une chance pour les élèves du XXIe siècle.
Avoir une ambition pour l'école suppose de s'en donner les moyens : réformer la formation des maîtres tout en supprimant des postes était voué à l'échec ! Il reste que, même avec des moyens supplémentaires, tous les problèmes ne pourront pas être résolus.
Les enfants et les enseignants de milieu rural ont besoin des mêmes soutiens qu'ailleurs : maîtres spécialisés, enseignants spécialisés en informatique, décharges pour les directeurs d'école. Cela suppose des crédits de déplacement et, dans ma circonscription, on rencontre des difficultés pour assurer la continuité de service.
De même, lors de la rentrée, la modestie des crédits attribués aux petits collèges ruraux n'a pas toujours permis le remplacement ou l'acquisition de livres.
Quant aux auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i), certains ont d'ores et déjà obtenu une vraie qualification, mais leur avenir reste incertain du fait de leur statut. Quel dommage !
Pourquoi l'enseignement privé voit-il ses crédits augmenter de 0,0095 %, quand la hausse est de 3,9805 % pour l'enseignement public du premier degré et de 2,5689 % pour l'enseignement public du second degré. Un budget, ce sont des ambitions, mais aussi des choix politiques. Sur quelles hypothèses repose le vôtre ?
Alors qu'en matière d'éducation, le précédent gouvernement parlait d'« autonomie », de « ressources humaines » et de « personnalisation », vous préférez tabler sur la réussite de tous et sur la confiance, et vous lancez les mesures nécessaires au redressement du système éducatif. De cela, nous vous félicitons.
La réussite scolaire des élèves en situation de handicap constitue une ambition prioritaire du projet de refondation de l'école, qui s'est déjà traduite par le recrutement de 1 500 AVS-i à la rentrée. Vous souhaitez combler le manque de reconnaissance et de stabilité des personnels chargés de l'accompagnement de ces enfants par l'instauration d'une formation préalable, d'un statut et d'un cadre professionnel.
Toutefois, les conditions de recrutement présentent encore des dysfonctionnements. Trop d'enfants en situation de handicap restent à la porte de l'école et, pour ceux qui peuvent bénéficier d'un accompagnement, le délai entre le constat d'un besoin et la prise de fonction de l'AVS est trop long. Le processus de recrutement, ponctué par des étapes administratives obligatoires, s'étend sur trois à quatre semaines : étude des candidatures, audition des candidats, établissement d'un contrat de travail. Ces contraintes empêchent les AVS d'être présents dès la rentrée ; l'élève demandeur ne peut pas intégrer l'établissement en même temps que ses camarades, ni les AVS participer aux réunions de prérentrée avec l'ensemble de l'équipe enseignante. Du point de vue psychologique, cette attente est très mal vécue par les familles, d'autant plus qu'elle s'ajoute à un cheminement souvent lent et douloureux vers l'acceptation de l'accompagnement.
Voilà pourquoi, dans la continuité des engagements de François Hollande en matière de handicap, de la concertation sur la refondation de l'école et de l'installation du groupe de travail interministériel sur la professionnalisation des accompagnants, il conviendrait de se pencher sur les conditions de recrutement des AVS et, à terme, sur la consécration d'un véritable métier, dont les praticiens seraient formés, affectés à des postes pérennes et intégrés durablement aux équipes pédagogiques, de manière à enrayer le recours à des recrutements ponctuels, qui donnent lieu à des contrats précaires et à des solutions d'accompagnement déconnectés des besoins réels.
Je vous remercie pour la clarté et la justesse de la présentation de ce budget, qui nous redonne confiance et espoir – notamment pour ce qui est de l'école maternelle, fort malmenée durant ces dix dernières années. Merci donc de redonner du sens à l'école maternelle, de conforter son identité, de lui donner les moyens d'accueillir les enfants dans des conditions adaptées, et de contribuer largement à l'amélioration de la trajectoire des élèves issus de milieux défavorisés, car c'est dès la toute petite enfance que nous devons essayer de réduire les inégalités.
Quid de la formation des futurs professeurs des écoles en maternelle ? Comment se mettront en place les écoles supérieures du professorat et de l'éducation ? La délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale pense que l'éducation à l'égalité entre les hommes et les femmes doit commencer dès la maternelle ; pensez-vous qu'il puisse y avoir une formation spécifique des enseignants sur cette question ?
Les acteurs de l'éducation ont bien perçu que cette année était de transition ; à bien des égards, la dernière rentrée scolaire fut la plus difficile de ces dernières années. Dans mon département, il y a eu des problèmes de remplacement, notamment dans le primaire, où l'on a vécu une rentrée catastrophique : dans certains groupes scolaires, aucun enfant n'avait de professeur ! Mais je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, pour votre réactivité.
Messieurs Patrick Hetzel et Frédéric Reiss, vous évoquez le nécessaire changement de nature de l'acte éducatif ; or c'est le sens même de la refondation de l'école lancée par Vincent Peillon ! Vous, qu'avez-vous fait pendant dix ans ? Votre action s'est réduite à une approche comptable, visant à diminuer les moyens et à réduire le nombre d'enseignants !
Certes, il existait des problèmes de décrochage scolaire avant votre arrivée au pouvoir et il y aurait bien des choses à changer dans l'école. Il est cependant assez comique que le seul exemple que vous mettiez en avant pour illustrer l'action du précédent gouvernement soit le dispositif ECLAIR, c'est-à-dire le seul qui ait maintenu des moyens dans les zones en difficulté !
Monsieur le ministre, avez-vous prévu des moyens pour aider les collectivités pour l'accueil des enfants de moins de trois ans, notamment dans les zones de forte tension démographique ?
Pour prévenir la violence scolaire, il me semble nécessaire de renforcer le plus rapidement possible les équipes mobiles de sécurité (EMS) et d'élargir à tous les acteurs de l'éducation la formation à la prévention de la violence et à la médiation.
Au collège, il faudrait travailler davantage en équipe. Serait-il envisageable de faire appel aux maîtres formateurs du primaire, notamment comme animateurs d'équipe dans le cadre de la transversalité ? De même, on pourrait distinguer deux concours de recrutement, un pour le lycée et un autre pour le collège.
6 000 étudiants boursiers de L2 à M1 bénéficieront du dispositif des emplois d'avenir professeur à partir de 2013, ce qui donnera une forte assise sociale au système de formation et de recrutement des maîtres, qui doit redevenir à l'image de la nation, dans toute sa diversité sociale, et être fondé sur une sélection par le mérite. Ce dispositif, attendu par des nombreux étudiants, constituera également une ressource nouvelle pour les établissements scolaires, puisqu'il conduira ses bénéficiaires à s'acquitter pendant une durée de trois ans de tâches d'abord péri-éducatives, puis orientées de plus en plus vers l'action pédagogique dans la classe.
Les étudiants seront recrutés par les établissements publics locaux d'enseignement, après avis d'une commission chargée de vérifier leur aptitude. Quels critères présideront à leur choix ? Comment sera composée la commission ? Quelle sera la place des ESPE dans le dispositif ?
La refondation de l'école est une des priorités du Président de la République. L'augmentation des moyens financiers en est la traduction budgétaire – ce dont je me félicite.
Le taux de scolarisation des enfants dans l'année des deux ans est passé en dix ans de 34 % à 12 %. Pourtant, la scolarisation des enfants de moins de trois ans contribue à la réussite scolaire et au retour à l'emploi, en particulier dans les familles les plus fragiles. D'aucuns lient même l'excellence académique et ce taux de scolarisation.
Il s'agit, non pas d'une obligation, mais d'un choix des familles, qui doit être respecté et favorisé. Les collectivités locales sont prêtes à relayer cette priorité nationale, mais il importe d'y affecter aussi des moyens supplémentaires en personnel, en étant attentif aux territoires les plus en difficulté, notamment les territoires ruraux. À quel rythme entendez-vous conduire ce chantier ?
Votre travail permet de redonner un cap ambitieux mais raisonné à la politique éducative, qui avait tant souffert sous la précédente législature. Vos premières mesures répondent à l'impérieuse nécessité de rendre au métier d'enseignant son rôle majeur dans la promotion sociale et républicaine.
Les RASED sont très importants. Leurs interventions bénéficient non seulement aux enfants en difficulté scolaire, qui sont suivis individuellement, mais à toute la classe, car cela permet à l'enseignant de se consacrer aux autres élèves. Le précédent ministre nous avait assuré qu'on n'y toucherait pas, mais, en pratique, les RASED sont démantelés dans les territoires.
À notre collègue qui soutient qu'il appartient aux parents d'assumer l'éducation et aux enseignants l'instruction, je citerai ce problème africain : « Il faut tout un village pour éduquer un enfant ».
En 2008 ont été lancés les internats d'excellence. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit des crédits à hauteur de 54 millions d'euros, soit une augmentation de 1,70 million, pour ce dispositif très coûteux. D'ailleurs, un rapport de 2011 de l'inspection générale s'interrogeait sur sa soutenabilité financière eu égard à ses coûts de fonctionnement et d'investissement très élevés. Quelles sont vos intentions en la matière ? Une répartition plus équitable des moyens sur l'ensemble des internats du territoire ne serait-elle pas souhaitable ?
Oui, le changement, c'est bien maintenant : la politique en faveur de l'éducation nationale en est la preuve ! Vous faites naître dans tout un peuple une espérance extraordinaire, grâce à votre volonté de refonder l'école et grâce à l'effort financier que vous consentez, dans un contexte de crise budgétaire.
Le dispositif des emplois d'avenir professeur va relancer l'ascenseur social et huiler les rouages des processus de recrutement des enseignants, tout en permettant d'atteindre l'objectif d'une création à terme de 60 000 postes. Ces emplois sont attendus de manière presque fébrile, notamment à La Réunion, où la situation sociale est particulièrement difficile, puisqu'un tiers de la population y vit des minima sociaux ; si un jeune ayant atteint un certain niveau d'études veut s'engager dans un cursus long, les familles n'arrivent pas à suivre.
Dans ce contexte, comment vous y prendrez-vous pour satisfaire tout le monde ? Chacun voudra que son territoire soit le mieux loti ! Je crois qu'il ne faut pas rentrer dans ce jeu ; il convient de privilégier une logique d'équité, en examinant les besoins de chaque territoire. Quels seront vos priorités et vos critères pour la répartition territoriale des nouveaux moyens, notamment des 6 000 emplois d'avenir professeurs ? Comment l'Outre-mer sera-t-il traité ?
Au vu des propositions budgétaires que vous faites, on constate que l'éducation est redevenue une priorité du gouvernement et que l'école a été remise au coeur du pacte républicain. Il est tout de même aberrant que les enseignants du second degré soient les seuls à devoir exercer leur métier sans avoir été au préalable formés ! Pourquoi ne pas envisager, au cours de l'année suivant l'obtention du concours, un système de préprofessionnalisation, sous la forme de stages en collège ou en lycée ? Il ne s'agirait pas de donner aux jeunes diplômés la responsabilité d'une classe, mais de les faire accompagner un enseignant aguerri dans l'exercice de son métier et de les mettre au contact des adolescents. Le futur enseignant participerait ainsi à l'élaboration des cours, voire prendrait ponctuellement en charge la classe de son maître de stage, ce qui lui permettrait d'acquérir un bagage pédagogique qui lui sera fort utile par la suite.
Je me félicite moi aussi de l'effort consenti par le nouveau gouvernement pour commencer à réparer les erreurs du précédent.
Dans mon département, 38 postes de RASED ont été supprimés à la rentrée ; d'autre part, certains enseignants craignent que les créations d'AVS ne se fassent au détriment des postes d'aide à la direction d'école. Qu'en est-il ?
Développer les activités culturelles, artistiques, sportives est une excellente initiative, dont la mise en oeuvre devrait être cependant plus facile en ville qu'en milieu rural, où les écoles sont dispersées. Avez-vous prévu d'accompagner nos communes rurales, afin de donner les mêmes chances à tous les enfants ?
Pour une fois que les moyens sont en hausse, nous ne bouderons pas notre plaisir – d'autant plus que votre projet de refondation de l'école donne la priorité à l'intérêt de l'enfant et à la réussite scolaire !
Députée d'une circonscription essentiellement rurale, je souhaiterais savoir si vous comptez maintenir le dispositif de la classe unique.
Les contrats d'emplois vie scolaire (EVS), qui permettent d'apporter une aide aux directeurs d'école, sont trop souvent reconduits en octobre ou novembre. Serait-il possible de faire coïncider le calendrier de recrutement avec la rentrée scolaire ?
Je voudrais dire à Mme Pau-Langevin combien sa venue dans un collège du Mirail, à Toulouse, a été appréciée ; ses propos positifs ont rassuré toute la communauté scolaire, ainsi que les parents présents. Cela a contribué à faciliter la rentrée et à redonner de l'estime de soi aux enseignants.
Depuis quelques années, les évaluations se multiplient à l'école primaire et au collège. Elles sont coûteuses en temps et en moyens, souvent inefficaces, en tout cas peu exploitées. Quel sera leur avenir ?
Je vous félicite à mon tour pour ce budget en hausse, qui a pour corollaire une exigence d'autant plus forte que l'argent public est rare.
Quid de l'aide aux communes pour passer à la semaine de quatre jours et demi ? Vous avez évoqué les mécanismes de solidarité dans les agglomérations et les intercommunalités, mais comment fera-t-on lorsqu'il n'y a pas d'intercommunalités, comme en Ile-de-France, ou dans les agglomérations qui n'ont aucune compétence en ce domaine ?
Il y a quelques semaines, vous avez donné une interview remarquée sur l'articulation entre l'école et le monde de l'entreprise. Quelle est votre conception en la matière, notamment s'agissant de l'enseignement professionnel ?
Quelle capacité d'expérimentation accordez-vous à l'éducation nationale ? Pour les instituts médico-pédagogiques (IMP) ou les classes pour l'inclusion scolaire (CLIS), ce sont souvent des structures privées ou associatives qui mettent en place les dispositifs expérimentaux ; le faire serait tout à l'honneur de l'éducation nationale.
Ce budget peut se résumer en quatre mots : espoir, confiance, justice, équité. Dans ses propositions, François Hollande avait inclus la mise en oeuvre d'une politique transversale sur le handicap. Concrètement, quelle réponse comptez-vous apporter aux parents d'enfants handicapés qui ne trouvent pas de place d'accueil pour leur enfant à moins de 60, voire 70 kilomètres de chez eux ? Selon quels les critères les nouvelles places seront-elles créées ?
C'est avec beaucoup de plaisir que nous adopterons ce budget. On sait l'importance de l'éducation pour le redressement du pays – et c'est encore plus vrai pour les quartiers en difficulté et les zones rurales fragiles.
L'éducation prioritaire a de ce fait un rôle immense à jouer. Ce n'est plus le cas depuis longtemps : un récent référé de la Cour des comptes souligne que l'éducation nationale donne plus d'argent pour un lycéen de centre ville que pour un lycéen de zone difficile !
Le projet de budget pour 2013 n'indique pas clairement quelles créations de postes ou quelles redistributions de moyens bénéficieront aux zones d'éducation prioritaire. Comment comptez-vous refonder l'éducation prioritaire – étant entendu qu'un tel chantier demandera du temps ?
Vos questions, qui ne portent pas à proprement parler sur le projet de budget, confirment qu'il est bien difficile de séparer ce qui est de l'ordre de l'annualité budgétaire et un projet pédagogique. Tant mieux !
C'est l'approche exclusivement quantitative de la question éducative qui a conduit à la réduction des moyens. Nous, nous n'avons jamais privilégié cette approche. Notre priorité est pédagogique : assurer la réussite des élèves.
Beaucoup d'acteurs interviennent autour de l'école : les professeurs, les parents, les associations, les collectivités locales ; certains entrepreneurs auront l'occasion de nouer des liens, directs ou indirects, avec l'école. Pour s'inspirer de l'exemple des grandes réformes réussies à l'étranger, il faut que nous ayons l'intérêt des élèves en point de mire.
Or l'intérêt des élèves, dans l'immédiat, ce sont des enjeux pédagogiques. Comment peut-on nous accuser de faire du quantitatif quand notre première préoccupation est de renforcer l'effet-maître, dont toutes les études soulignent l'influence essentielle sur la réussite scolaire ? Quand plus de 8 500 équivalents temps plein (ETP), soit la quasi-totalité de nos moyens pour 2013, seront consacrés cette année à la reconstruction de la formation des maîtres ?
Je commencerai par quelques points de méthode.
Nous prenons le risque d'une programmation sur cinq ans, afin de mener des politiques publiques dans la durée, ce qui ne s'était pas vu depuis des années. Cela suppose deux choses. D'abord, je pense que l'école de la République ne doit pas être un lieu d'affrontement, mais qu'il faut au contraire la soustraire autant que possible aux polémiques inutiles. De ce point de vue, je ne recherche pas « l'originalité ».
La première de nos priorités est l'école primaire ; il me semble qu'il existe désormais un consensus national sur ce point, et que personne de bonne foi ne peut se dire en désaccord avec cette orientation – d'ailleurs, beaucoup de mes prédécesseurs ont regretté de ne pas avoir pu mener une telle politique lorsqu'ils étaient aux affaires… Notre taux d'encadrement en primaire est mauvais par rapport aux autres pays de l'OCDE, et il s'est détérioré encore. Pour l'améliorer, il faut s'attacher à l'accueil des petits, aux méthodes pédagogiques, à la mise en oeuvre du « plus de maîtres que de classes », aux moyens budgétaires.
Notre deuxième priorité est la formation des maîtres ; nous en avons déjà parlé, et je crois qu'elle est également partagée.
La troisième priorité est le temps scolaire. Pourquoi la France serait-elle le pays qui donnerait le plus mauvais temps d'enseignement à ses enfants ? Et l'on se plaindrait ensuite que ceux-ci n'apprennent pas comme ils le devraient ? Il faut revenir à une idée simple : pour apprendre – et pour enseigner –, il faut un peu de temps. Nous en sommes là : à quémander des heures pour nos enfants !
Or, M. Yves Durand l'a rappelé, il existe un consensus sur ce point à l'Assemblée. Le précédent ministre avait fait faire des consultations, qui avaient abouti à des propositions. Et l'on n'est pas passé à l'acte parce qu'à nouveau des intérêts particuliers ont pris le pas sur l'intérêt général ! Vous voyez : nul besoin d'être original, il faut simplement être juste et efficace, en agissant sur la base d'idées simples et consensuelles.
Une telle ligne de conduite permet de rassembler une famille politique sur quelques grandes priorités, mais elle doit toucher bien au-delà. Nous en sommes à la mise en pratique – et il n'est pas idiot de commencer par le commencement : pour faire du qualitatif, donner la priorité à la formation ; pour démultiplier les effets pédagogiques, s'attacher aux enfants en situation de handicap et améliorer la sécurité. C'est pourquoi nous souhaitons que ces questions soient enseignées aux enseignants eux-mêmes, via les écoles de formation – comme autrefois, sous la IIIème République, les écoles normales étaient le vecteur de la transformation pédagogique. Cette tâche, il faut la conduire dans la durée.
En effet, ce qui fait l'efficacité d'une action, c'est sa simplicité. Si nous voulons résoudre tous les problèmes en même temps, nous n'y arriverons pas. Notre rôle, en tant que responsables politiques, est de fixer des priorités. La reconstruction de la formation des maîtres consomme déjà 20 000 postes en deux ans ; si l'on ajoutait à cela la montée en régime rapide des zones d'éducation prioritaire, la reconstitution des RASED – plus de 5 000 suppressions de postes ces dernières années –, etc., il faudrait demander 200 000 nouveaux postes, alors qu'il nous est déjà difficile d'en recruter 43 000 ! Nous avons du temps : agissons dans la continuité, avec méthode et en nous disciplinant. On ne peut se contenter de juxtaposer les revendications, aussi justes soient-elles ! Nous devons, vous en tant que législateurs, nous en tant que gouvernants, défendre l'intérêt général ; sinon, nous ne réussirons pas cette réforme.
J'en viens maintenant aux questions plus précises.
J'en suis d'accord : l'aide mutualisée ne doit pas se substituer à l'aide individualisée – elle coûte d'ailleurs beaucoup plus cher à l'État. Une évaluation du décret du 23 juillet permettra d'examiner les choses avec précision. En la matière, nous nous inscrivons dans la continuité de la loi de 2005, en étant partisans d'une école inclusive – mais un autre choix aurait pu être fait. Nous pensons en effet qu'il convient d'accueillir et d'accompagner les enfants en situation de handicap, quel que soit celui-ci. Il est de notre responsabilité de rappeler que cela a un coût. L'Éducation nationale fera sa part, mais il faut pour commencer former le personnel, lui donner un statut, permettre l'accueil des enfants. La question doit donc être prise à bras-le-corps.
J'entends vos préoccupations, et je les partage. Nous ne pouvons nous satisfaire de la situation actuelle ; cela aura des conséquences budgétaires importantes. Il reste qu'on ne peut pas, en trois semaines, à la fois recruter et former ; une gestion prévisionnelle des emplois est donc nécessaire – et c'est là que l'approche qualitative rejoint la logique quantitative. Si l'on prétendait que tout cela ne coûterait pas un sou à la nation, on mentirait et l'on créerait des situations difficiles dans les classes ; ce ne serait pas à notre honneur. Pour l'heure, des assistants de prévention et de sécurité sont recrutés, et ils bénéficient des formations spécifiques, conçues par Éric Debarbieux, dans lesquelles ils travaillent en alternance avec l'équipe pédagogique d'un établissement, et en étroite coordination avec la justice, la police et les éducateurs.
Laissez-moi vous donner les vrais chiffres sur les taux d'encadrement – ce sont ceux de l'État : entre 2007 et 2012, le nombre d'élèves par enseignant est passé, pour le premier degré public, de 18,2 à 18,59, et, pour le second degré public, de 11,48 à 12,05. Le taux d'encadrement s'est donc détérioré durant le quinquennat précédent – ce qui est logique, puisque 39 200 postes d'enseignants, hors stagiaires, avaient été détruits durant la même période, alors que les effectifs des élèves du public ont augmenté de 24 730 élèves entre les rentrées 2007 et 2011 : 16 700 élèves dans le premier degré public et 8 030 dans le second degré. Cessons cette polémique !
Grâce aux mesures que nous avons prises, les perspectives pour 2013 laissent entrevoir un début de correction de la tendance, malgré l'augmentation attendue des effectifs : 32 500 élèves supplémentaires, dont 20 600 dans le premier degré.
Pour le premier degré, le taux d'encadrement français est substantiellement moins bon que la moyenne des pays de l'OCDE, avec 19,7 élèves par enseignant, contre 16 – mais ce n'est pas le cas pour le secondaire. Entre juin 2008 et juin 2012, les moyens mobilisables pour les remplacements sont passés de 10 791 à 7 405, soit une baisse de 30 % – ce qui explique la tension actuelle ; la plupart des suppressions ont porté sur des postes qui n'étaient pas « devant élèves » : ainsi 30 % des postes de RASED ont été supprimés.
La question des directeurs d'école doit être abordée avec un minimum de sens des responsabilités. Je rappelle que les syndicats du primaire sont attachés à un statut non hiérarchique : c'est une tradition dans l'école primaire française, et il vaut mieux ne pas se risquer sur ce terrain ! D'autre part, une école élémentaire n'est pas un établissement public local d'enseignement, et l'on se heurterait à des oppositions virulentes si l'on souhaitait les rattacher à d'autres établissements.
Cela étant, j'ouvrirai au premier trimestre 2013 un dialogue avec les associations de directeurs d'école et les syndicats. Parmi les pistes à creuser, il y a la question des décharges : il leur faut du temps pour mieux accomplir leurs missions, qui sont toujours plus diverses et plus complexes ; on a d'ailleurs déjà noté certaines avancées – certes modestes – sur ce point. Il faut aussi veiller à leur apporter une aide pour le travail administratif, dans un délai correct ; je rappelle que, tout comme l'accompagnement aux enfants handicapés, les aides à la direction d'école faisaient partie des emplois aidés supprimés ou non budgétés par le gouvernement précédent. Au cas où cette aide manquerait, nous devrions apporter des réponses en termes quantitatifs. Enfin, les directeurs d'école sont demandeurs de formation et de reconnaissance, voire d'une certification qui pourrait justifier une évolution indemnitaire.
Si le concours en fin de M1 n'est peut-être pas la meilleure solution, il apparaît, après plus d'un an de concertation, que c'est encore la moins mauvaise ! Certains ont proposé que le concours ait lieu en fin de M2 – les syndicats semblaient même se retrouver sur cette position –, mais ce serait trop difficile pour les étudiants. Quant à un pré-recrutement en fin de L3, cela supposerait de doubler les moyens pour les accompagner financièrement. En outre, les enseignants souhaitent avoir la même durée d'études, qu'ils se destinent à être professeurs des écoles ou professeurs dans le secondaire : c'est un acquis sur lequel il ne serait pas sensé de revenir.
Les maîtresses et les maîtres de maternelle retrouveront, à l'intérieur des ESPE, les enseignants du supérieur et les autres professions de l'éducation : il s'agit d'une véritable révolution culturelle ! Tout l'enjeu de la professionnalisation repose, non sur le niveau du concours, mais sur sa nature : s'il reste purement disciplinaire, on ne réglera rien. C'est pourquoi nous travaillons à la conception de concours qui, sans exclure les connaissances disciplinaires – dont la maîtrise est indispensable –, engagent une véritable professionnalisation ; par ailleurs, les étudiants devraient pouvoir suivre, dès la deuxième année de licence et même hors du cadre des emplois d'avenir professeur, un cursus professionnalisant à l'ESPE. On pourrait introduire dans ce cadre des éléments de formation relatifs à l'accueil des enfants en situation de handicap, à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les stéréotypes, à l'orientation, au rapport avec les parents d'élèves. Des propositions seront faites dans une quinzaine de jours ; suivra l'élaboration des maquettes des écoles du professorat, pour lesquels je souhaite un encadrement national et un cahier des charges très strict. Ce travail ambitieux sera conduit de façon ouverte, avec tous ceux qui souhaiteront y participer.
La question des rythmes scolaires doit être abordée du point de vue de l'intérêt des élèves ; cela implique, jusqu'au CM2, le retour à une semaine plus étalée, comprenant neuf demi-journées, avec des journées de travail moins chargées. Tout le monde doit faire un effort. Les professeurs conserveront un temps d'enseignement identique, avec un volume horaire calculé annuellement et se déclinant semaine par semaine. L'État doit faire sa part –c'est ce que traduit le présent budget –, mais il faut que les collectivités territoriales fassent aussi la leur – même si leur particularités doivent être prises en considération. L'État – c'est-à-dire les citoyens – aurait-il indiqué, programmé, pris des décisions pour que chacun vienne soumettre sa liste de revendications et ses demandes de crédits ? Non ; je crois que, dès lors que la nation décide que l'intérêt des élèves est premier, chacun doit ériger celui-ci en priorité.
J'ai rencontré les associations de maires, en particulier les maires ruraux, qui m'ont fait part de leur « grand engagement » sur cette affaire. Être rural n'empêche pas de vouloir tout faire pour les élèves et de se mobiliser pour les moyens : les regroupements pédagogiques intercommunaux et les projets éducatifs locaux le montrent bien ! Ayant été moi-même élu d'une circonscription rurale, je sais que la ruralité est capable de répondre à ces challenges, et je compte sur les élus locaux pour réussir. Le quart de la dépense éducative et beaucoup d'innovations proviennent des collectivités ; dans le projet de loi d'orientation et de programmation, on fera en sorte de mieux les associer aux décisions, on favorisera les expérimentations et l'on proposera de contractualiser les orientations pédagogiques, via des contrats d'objectifs et de plans éducatifs locaux. Il convient, tout en fixant un cadre national, de permettre à ceux qui sont sur le terrain de travailler le mieux possible.
Pour ce qui est du recrutement, l'essentiel est de redonner au métier d'enseignant sa valeur, sa place, une perspective, une programmation ; c'est ce que nous essayons de faire. Les étudiants qui se sont inscrits aux concours durant l'été sont déjà plus nombreux que les années précédentes ; quant à ceux qui se présenteront au second concours de juin 2013 – qui sera ouvert aux étudiants de M1 –, ce ne sera pas pour se retrouver à plein temps devant une classe, mais pour bénéficier d'une année de formation, avec six heures hebdomadaires d'enseignement et un traitement. Le vivier sera donc plus large et les perspectives de carrière seront plus intéressantes.
Les emplois d'avenir professeur faciliteront les recrutements. Sachant qu'à terme 30 000 départs à la retraite sont prévus, ce dispositif est appelé à monter en régime ; au total, il profitera à plus de 18 000 étudiants en trois ans. Je crois que nous aurons plus de demandes que d'offres : beaucoup de jeunes sont prêts à embrasser le métier d'enseignant à condition qu'on les accompagne et qu'on leur donne dès la deuxième année universitaire une perspective, qui ne soit pas seulement pécuniaire, mais qui inclue la formation à un métier.
Pour la répartition des emplois d'avenir, nous procéderons de la même manière que pour l'affectation des 1000 postes supplémentaires de professeur des écoles, en tenant compte à la fois de critères sociaux et des demandes des académies, et en affinant par discipline – dans certaines d'entre elles, comme les mathématiques, l'anglais, les lettres modernes ou l'éducation physique et sportive, les déficits seront longs à résorber. Nous allons réamorcer la pompe, mais sachez qu'en Seine-Saint-Denis, nous avons utilisé les listes complémentaires aussi loin que nous le pouvions afin de pourvoir les postes vacants !
L'écart entre le public et le privé s'explique par des méthodes de calcul différentes : le budget inclut les cotisations sur les pensions pour le public, mais pas pour le privé. Cela précisé, notre action dans ce domaine est plutôt une réussite. L'accent mis sur la formation concerne aussi l'enseignement privé, qui dispose de ses propres outils et avec lequel nous avons engagé un dialogue sur le sujet. Cela se traduit notamment par des créations de postes en proportion du nombre de postes détruits – 876 ETP pour la rentrée 2013, il y avait longtemps que l'on n'avait vu ça !
Sur les internats d'excellence, le rapport de l'inspection générale conclut à un coût beaucoup trop élevé pour des résultats pédagogiques insuffisants. En outre, ce dispositif dérive d'un état d'esprit qui ne nous convient pas : pour nous, une bonne politique doit viser à l'excellence de tous les internats. Des décisions seront prises dans l'année qui vient.
En revanche, il ne faut pas porter atteinte à ceux qui ont manifesté de la bonne volonté – qui, selon la morale laïque traditionnelle, est la seule chose réellement « bonne » ! – et se sont engagés avec dévouement. Même lorsqu'il s'agit d'institutions viciées, des personnels y ont cru, et l'on ne peut pas tout balayer d'un revers de main.
Nous sommes favorables aux classes uniques, à condition que leurs effectifs soient suffisants. Contrairement à une idée répandue, la coopération qui s'y établit donne lieu à des résultats intéressants. Le regroupement et la coopération peuvent aussi créer des conditions utiles pour tout le monde, en matière de temps scolaire, d'activités péri-éducatives, d'accueil du matin ou de cantine.
J'en viens à la question du rapport à l'entreprise, qui est très importante. Il faut prendre conscience que les « décrocheurs » scolaires sont en réalité des personnes que nous faisons décrocher. Il s'agit, non d'un trait génétique, mais d'un parcours dans lequel nous, les adultes, avons une responsabilité. Il convient donc d'intervenir le plus tôt possible, dès la maternelle, afin d'éviter que ne s'enclenche la spirale qui conduira de la difficulté scolaire à l'échec scolaire, puis à l'exclusion et au décrochage. Nos réformes ne portent pas que sur les moyens, elles sont éminemment pédagogiques, mais au-delà c'est tout un état d'esprit qui est à changer ; je considère pour ma part qu'il est de la responsabilité de l'éducation nationale d'émanciper la personne, plutôt que l'individu – lequel est séparé des autres –, et de favoriser l'insertion professionnelle du citoyen.
De ce point de vue, nous ne pouvons pas être satisfaits de la situation actuelle, d'autant moins qu'elle contribue à accentuer les inégalités sociales : ceux qui sont soutenus à la maison, qui ont des modèles et de l'entregent ne rencontrent pas de difficultés. Il convient donc de construire des parcours d'orientation et d'accompagnement dès la sixième – non pour envoyer les élèves de ce niveau en entreprise, mais pour leur donner une connaissance de leur environnement économique. Tous les grands lycées des centres villes et les grandes écoles invitent des parents à venir présenter leur métier ; pourquoi les enfants issus de milieux sociaux moins favorisés n'auraient-ils pas accès à ces informations ? Cela fait partie des réformes importantes que nous proposerons dans la loi d'orientation et de programmation.
Concernant les évaluations, j'ai déjà pris des décisions. La future loi proposera un changement global, concernant à la fois l'élaboration des programmes – avec la réinstallation d'un conseil supérieur des programmes – et les modalités d'évaluation du système éducatif – le prescripteur ne pouvant être l'évaluateur des prescriptions. Le Parlement aura bien évidemment un rôle important à jouer dans ce double chantier. Définir ce que doit être la connaissance, la compétence et la culture d'un élève au terme de sa scolarité obligatoire relève d'un débat politique de haut niveau et d'une prise de position de la représentation nationale. De même, la nation a besoin de connaître l'état de son système éducatif, afin d'éclairer ses décisions, de faire évoluer les esprits et de transmettre des informations exactes. Il ne faut pas revivre les polémiques de ces dernières années.
Il convient de renforcer les équipes mobiles de sécurité, je suis d'accord.
Nous allons modifier le découpage des cycles d'enseignement, et rendre aux maternelles leur spécificité.
L'éducation prioritaire est au centre de toutes nos actions. Le principe du « plus de maîtres que de classes » et l'accueil des tout-petits viseront d'abord les territoires les plus en difficulté, avant une montée en régime progressive. Le rapport de la Cour des comptes l'a montré, la politique de zonage telle qu'elle a été pratiquée jusqu'à aujourd'hui n'a pas donné les effets escomptés. Il nous faut évoluer sur cette question. L'éducation nationale est capable de mettre en place une gestion plus individualisée, moins stigmatisante, plus efficace aussi, grâce à l'allocation de moyens, afin de donner au moins la même chose à ceux qui ont moins. Or la Cour a constaté que, malgré les grandes déclarations de principes, on leur donnait moins, tout en leur disant qu'on leur disait plus, ce qui est particulièrement pervers !
Nous mènerons ce chantier avec prudence, dans le respect des personnels, en l'articulant avec le zonage proposé par le ministre délégué à la ville, et en répondant à l'exigence du Président de la République de stabiliser les équipes et d'aller sans doute vers la voie d'un statut particulier.
Nous sommes au début d'un travail qui, pour être efficace, doit se fixer des priorités ; il nous faut créer autour de ces priorités le plus vaste rassemblement possible : nos enfants ne doivent pas être les otages de positionnements politiques.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.