La commission entend MM. Paul Delduc, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature (ministère du logement et de l'habitat durable), et Olivier Meilland, chef du bureau du logement, de la ville et des territoires, direction du budget (ministère des finances et des comptes publics), sur l'exécution budgétaire des programmes 109 Aide à l'accès au logement et 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat.
Nous poursuivons ce matin notre cycle d'auditions de responsables de programmes et de la direction du budget, en lien avec l'examen du projet de loi de règlement.
En guise d'introduction, j'évoquerai les principales remarques que l'on peut faire sur l'exécution des programmes 109 et 135 au cours de l'exercice 2015 : un des événements les plus importants était le changement de périmètre du programme 109 avec la budgétisation, pour 5,7 milliards d'euros supplémentaires, d'une partie des aides au logement auparavant financées par la branche famille de la sécurité sociale. Nous aurons l'occasion d'échanger sur les difficultés qui ont marqué la gestion de ce programme en fin d'année. Mais je remarquerai que 2015 est sans doute la première année où la prévision budgétaire des besoins en aides personnelles au logement a été très proche de la consommation réelle. C'est le résultat des progrès réalisés en termes d'accès aux données et de méthodes statistiques qui permettent d'obtenir des estimations plus justes, et d'une certaine façon plus sincères.
Le programme 135 est essentiellement consacré aux aides à la pierre. 2015 a été marquée par une diminution des crédits de paiements inscrits dans la dotation budgétaire, compensée par l'accroissement des fonds de concours rattachés. Si l'on ne tient pas compte de ces renforts budgétaires, le programme 135 a été exécuté à un très bon niveau.
Nous examinons deux programmes de la mission Égalité des territoires et logement. Il aurait été intéressant de traiter aussi d'un troisième programme, le 177 Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables, qui concerne les dispositifs d'hébergement d'urgence, de veille sociale et de logement adapté.
Au sein des programmes 109 et 135, les trois plus lourds blocs de dispositifs sont les aides personnalisées au logement, les aides à la pierre et les dépenses fiscales, ces dernières atteignant presque 13 milliards d'euros.
S'agissant du programme 109, et plus particulièrement de la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL), la forte hausse de ces dépenses est bien un effet d'optique, pour l'essentiel, et il est important de souligner qu'il n'y a pas eu besoin de rallonge budgétaire pour couvrir les besoins de l'exercice, contrairement aux années précédentes, qui ont nécessité plusieurs abondements substantiels. Il demeure néanmoins une interrogation à propos de la dette du FNAL, c'est-à-dire de l'État, vis-à-vis des organismes de sécurité sociale. L'exercice 2014 avait généré une dette de 171 millions d'euros ; la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 a ouvert 70,3 millions d'euros pour régulariser une partie de cette dette. Cependant, ces 70 millions ainsi que 230 millions des crédits initiaux n'ont finalement pas été consommés en 2015. En réalité, cela ne correspond pas à de moindres dépenses mais à un blocage de 300,3 millions d'euros de crédits de paiement, décidé sans en informer le Parlement et qui n'ont pas été reportés sur 2016, aggravant la dette de l'État à 401,3 millions d'euros. Je souhaiterai donc quelques explications sur cette mesure de « régulation budgétaire ». Que deviendra, enfin, la dette du FNAL vis-à-vis de la sécurité sociale ?
Je rappelle aussi que le Parlement a voté en loi de finances pour 2016 plusieurs mesures de réforme des aides personnelles au logement. Nous en reparlerons en fin d'année. Mais nous n'avions défini qu'un cadre général et je souhaiterais connaître les modalités réglementaires précises que vous avez finalement retenues.
Concernant le programme 135, la production de logements sociaux est remontée en 2015, avec près de 109 000 logements agréés sur le territoire métropolitain – hors Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) –contre 106 414 en 2014. Mais elle reste inférieure aux résultats de 2013 (117 065 logements agréés) malgré la politique volontariste du Gouvernement. Pourquoi la mobilisation, soutenue depuis 2012, de moyens importants, fiscaux et partenariaux notamment, ne donne-t-elle pas de meilleurs résultats ? Quelles sont selon vous les principales difficultés ?
On constate parallèlement de vrais progrès en termes de recentrage territorial de la production de logements sociaux. C'est très important au regard d'un des grands objectifs de la politique du logement de construire les logements sociaux là où ils sont indispensables. Même s'il existe des besoins ailleurs, ils sont particulièrement criants en zones tendues. De fait, la part cumulée des financements en zones A et B1 est passée de 65 à 70 % entre 2014 et 2015 ; elle était de 56 % en 2009. Ce recentrage est le résultat d'une stratégie volontaire de l'État dans la répartition de ses agréments. Mais ne pourrait-on l'accompagner d'une modulation des aides fiscales accordées aux organismes de logement social qui accentuerait la priorité donnée aux territoires les plus tendus ?
Autre problème que je souhaite évoquer : l'essentiel des crédits de paiement de l'action 1 du programme 135 correspondent à la couverture d'engagements antérieurs, les opérations de logements sociaux qu'ils financent s'étalant sur plusieurs années. À chaque exercice depuis quatre ans, l'État a annulé une part significative de ces crédits de paiement (hors ceux issus des fonds de concours) pour contraindre certains délégataires de compétence pour les aides à la pierre à réduire leurs excédents de trésorerie. De mon point de vue, c'était une bonne démarche. En 2015, ce sont encore 125,7 millions d'euros de crédits de paiement qui ont été annulés en cours de gestion, soit 37,7 millions d'euros de plus qu'en 2014. Or, ces nouvelles annulations ont inversé la situation : la trésorerie totale des délégataires est devenue négative à hauteur de 29 millions d'euros en 2015 ; certains d'entre eux sont désormais créanciers de l'État. Pouvez-vous expliquer pourquoi l'État est allé aussi loin dans ces annulations ?
Une dernière question enfin sur le dispositif d'aide aux maires bâtisseurs, que je trouve très intéressant. Il a été mis en place au second semestre 2015. Sur les 100 millions d'euros prévus par an, 50 millions d'euros avaient été affectés au programme 135 (action 5 Soutien) en 2015 ; 33,8 millions d'euros ont été engagés sur l'exercice, mais seulement 13,7 millions d'euros de crédits de paiement ont été consommés. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la mise en oeuvre de ce dispositif ? Il s'agit d'un encouragement donné aux collectivités qui font des efforts importants pour produire des logements, apportant un soutien financier de 2 000 euros par logement autorisé au-delà d'un seuil minimal traduit en pourcentage du parc existant.
Quelques mots également sur la cinquantaine de dépenses fiscales rattachées à la mission Égalité des territoires et logement : une quinzaine d'entre elles présentent un coût très significatif, supérieur à 100 millions d'euros ; d'autres sont en voie d'extinction comme les premiers dispositifs de soutien à l'investissement locatif. Dans la mesure où l'on cherche à faire des économies, les autres ne pourraient-elles faire l'objet d'une révision ?
La plupart de ces dépenses fiscales sont en stabilisation, voire en régression, à quelques exceptions notables comme le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Sa forte évolution était souhaitée par le législateur, mais je remarquerai que la dépense est passée de 619 millions d'euros en 2014 à 900 millions en 2015.
Je ne peux que partager le point de vue de notre rapporteur spécial sur la nécessité de réduire l'ampleur et le nombre des niches fiscales. C'est, au reste, une préoccupation ancienne de notre commission des finances.
Les politiques du logement, qu'il s'agisse de logement locatif social, d'investissement privé ou d'accession à la propriété, relèvent de volontés et de responsabilités politiques qui doivent normalement s'exprimer clairement au sein de notre Assemblée. J'aurais donc préféré m'adresser directement aux ministres concernés. L'administration gouvernementale est tout de même mandatée pour rendre quelques comptes.
Parmi mes questions, je veux exprimer mon inquiétude grandissante face à certaines méthodes des administrations locales dans les territoires ultramarins. Je reviens de La Réunion où, manifestement, il n'est tenu aucun compte des besoins de la population et où l'on tient seulement des « comptes d'apothicaire ». La réponse aux besoins prend en effet de plus en plus de retard.
Je constate par ailleurs qu'en termes de dépenses fiscales, chaque nouveau ou nouvelle ministre introduit de nouveaux dispositifs.
En tout état de cause, je demande plus de transparence dans les financements des politiques du logement. Par exemple, d'où vient le peu d'argent investi dans les aides à la pierre ? Je rappelle qu'à sa nomination comme ministre de l'économie, M. Moscovici a entériné la décision de liquider le Crédit immobilier de France (CIF). Or, d'ici sa disparition, le CIF versera chaque année à l'État environ 100 millions d'euros, avant de reverser dans quelques années un solde qui pourrait être de l'ordre de 2 milliards d'euros. Cela se fait au détriment des petits accédants à la propriété, mais aussi d'une politique sociale qui était menée avec les excédents du CIF. Ces 100 millions d'euros servent-ils à financer les aides à la pierre ?
Je pense également qu'il serait opportun de débattre du programme 177. Le Gouvernement n'a vraiment réagi que lorsque les dépenses de nuitées, qui nourrissent souvent des entreprises, voire des individus louant confortablement des centaines de chambres, ont atteint 1 milliard d'euros. Cette offre d'hébergement hôtelier n'est pas convenable, ni morale, ni même vraiment efficace quand on constate l'état d'indécence de certains locaux.
Enfin, quand le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) sera-t-il opérationnel ? Assurera-t-il une vraie transparence dans les comptes du ministère du logement ?
À propos du FNAL, il est exact que pour respecter la norme de dépense globale, les 70 millions d'euros votés en loi de finances rectificative ainsi que 230 millions d'euros de la dotation initiale n'ont pas été versés au fonds en fin de gestion. Je laisserai mon collègue du ministère des finances vous en dire davantage. En tout état de cause, nous comptons sur l'exercice 2016 pour réduire cette dette : si le budget qui a été voté pour cette année est exécuté en totalité au niveau des montants initialement prévus, elle pourra être ramenée des 401 millions d'euros atteints fin 2015 à environ 265 millions.
S'agissant des mesures de réforme des aides personnalisées au logement (article 140 de la loi de finances pour 2016), la première est assez complexe à mettre en place. Il s'agit de prendre en compte la valeur du patrimoine des ménages bénéficiaires dans le calcul de l'aide lorsqu'il est supérieur à 30 000 euros. La mesure s'appliquera au 1er octobre et devrait permettre de diminuer les dépenses d'environ 70 millions d'euros. La difficulté est d'évaluer à la fois le capital immobilier et mobilier des ménages, en excluant les résidences principales, les biens à usage professionnel et divers biens qui ne sont pas disponibles, parce qu'ils sont sous séquestre par exemple. Il faut en revanche identifier les biens détenus sur les livrets A, livrets jeune, livrets d'épargne populaire etc. Une liste de biens mobiliers a été fixée avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) avec l'idée de rester le plus proche possible de ce qui retenu pour le revenu de solidarité active (RSA). Quant au patrimoine immobilier, il existe des outils pour l'estimer, dont un qui est mis à disposition par le ministère des finances. Cela étant, cette réforme représente une très lourde charge pour les caisses d'allocations familiales, qui doivent collecter les données de nos 6,5 millions d'allocataires. Aujourd'hui, l'intention du Gouvernement est de l'appliquer aux nouveaux entrants dans le dispositif à compter du 1er octobre mais non de traiter en une seule fois l'ensemble des bénéficiaires. Parallèlement, nous travaillons avec la CNAF et le ministère des finances pour trouver des solutions permettant de récupérer les données déjà transmises par les allocataires à d'autres administrations – dans l'esprit général de « dites-le nous en une seule fois ».
La mise en place d'une dégressivité de l'aide, qui devra s'appliquer lorsque le niveau de loyer paraît excessif au regard de la taille du ménage, est également en cours. Il y aura un premier seuil de loyer à partir duquel l'aide décroîtra et un second au-delà duquel elle s'annulera, tous deux multiples du loyer-plafond. Les coefficients varieront selon les zones : ils seront fixés à, respectivement, 3,4 et 4 fois le loyer-plafond en zone 1, et à 2,5 et 3,1 en zones 2 et 3. Cela devrait toucher environ 80 000 ménages et permettre d'économiser quelques 96 millions d'euros en année pleine. Les décret et arrêté nécessaires à la mise en oeuvre de la mesure ont été présentés au Conseil national de l'habitat, à la CNAF et à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et leur publication devrait intervenir très prochainement.
Reste une troisième mesure qui concernait la suppression de l'évaluation forfaitaire des ressources pour les travailleurs de moins de 25 ans. Il était en effet prévu de supprimer la possibilité de calculer les ressources d'un ménage sur l'année N-2. Dans le courant de l'année, des discussions assez intenses ont eu lieu, mais à ce stade, le Gouvernement ne souhaite pas encore mettre en place cette réforme, afin de ne pas aggraver la situation des jeunes. Cela revient à dire que nous n'appliquons pas une décision du Parlement, c'est vrai, ce qui n'est jamais très agréable.
S'agissant de la production de logements sociaux, en particulier du faible accroissement constaté entre 2014 et 2015, alors que l'énergie qui est déployée reste forte, une partie de la réponse se trouve dans la question suivante : nous avons davantage recentré les programmes. Or, de ce fait, la production de logement est plus chère et plus complexe, car nous cherchons à construire au sein des zones les plus tendues, notamment en Île-de-France, où les bailleurs sociaux doivent réussir à trouver des terrains. Malgré cela, l'effort est constant : sur les 109 000 logements que vous évoquiez, 30 000 se situent en Île-de-France. Sur les vingt dernières années, 2015 est donc, avec 2013, une des meilleures. Les bailleurs sociaux ont vraiment joué le jeu, mais la tâche est ardue lorsqu'il s'agit de bâtir en zones tendues.
Nous prenons bonne note de votre remarque monsieur le rapporteur spécial ! Reste qu'une action dynamique et collective est menée et porte ses fruits aux endroits les plus tendus.
Vous avez également évoqué le renforcement de la mobilisation des collectivités territoriales. Suite au comité interministériel égalité et citoyenneté de mars 2015, une instruction du Gouvernement a été adressée aux préfets le 30 juin 2015 afin d'accélérer la mise en oeuvre des obligations des communes SRU, avec l'idée d'un accompagnement étatique fort. Beaucoup d'énergie a été déployée dans les départements et à ce jour dans trente-trois d'entre eux, un plan d'action a été adopté afin de renforcer l'accompagnement des communes déficitaires ou carencées, lorsqu'elles sont volontaires. Pour les autres, le régime reste le même. Une soixantaine de collectivités ont d'ores et déjà signé des contrats avec l'État au mois d'avril, et 180 autres contrats sont en cours d'élaboration, sur un total de 1 100 communes déficitaires et 220 carencées. Une proportion importante des communes a donc accepté de travailler avec l'État. Mais il faudra attendre un peu pour constater des résultats concrets.
Je n'ose pas répondre à la question suivante, qui portait sur la modulation des aides fiscales dans le but d'accompagner le recentrage : elle est pleine de sens mais la réponse est difficile. Vous avez rappelé que les mesures fiscales sont nombreuses et variées, certaines d'un volume très important. La réflexion mérite d'être menée mais toucher à un dispositif, entraîne de nombreuses réactions en chaîne qu'il est difficile de prévoir.
En ce qui concerne la trésorerie des délégataires, je ne peux que partager le constat. Partant d'un état où la trésorerie des délégataires était encore importante en 2011, nous en sommes arrivés à une situation anormale dans laquelle les délégataires d'aides à la pierre font la trésorerie de l'État.
Il me semble que les délégataires d'aides à la pierre sont pour la plupart des départements ou des établissements publics de coopération intercommunale : il faudra faire attention à la révolte des manants de nos provinces !
Actuellement, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, la dette de l'État vis-à-vis des délégataires est de l'ordre de 29 millions d'euros. Nous devons la solder au cours de l'année 2016.
En ce qui concerne l'aide aux maires bâtisseurs, il faut reconnaître que même si la mise en place du dispositif est complexe, les aides ont bien été payées en janvier. Il convient de rappeler que ces aides sont liées aux efforts accomplis par les collectivités au premier semestre 2015. Il faut maintenant prendre en compte les résultats du second semestre 2015. Je rappelle également que cette aide est un encouragement aux communes qui investissent dans le logement au-delà d'un rythme moyen. Sont visées les communes situées dans les zones les plus tendues, à savoir A, A bis et B1 du dispositif d'investissement locatif, qui ne possèdent pas forcément un potentiel fiscal considérable, et qui dépassent dans l'effort de construction, 1 % du parc existant de logements.
Oui. Il peut y avoir des discussions sur les plafonds de potentiel fiscal, mais sur le niveau de production de logement que nous visons, le calibre n'est pas trop mauvais. En 2015, sur 1 132 communes qui respectaient une partie des critères, 472 ont, par leur niveau de production, bénéficié de l'aide dont elles ont reçu le solde en janvier 2016.
Sur les questions évoquées par le président Dumont, je peux répondre par l'affirmative à la question relative à la transparence du FNAP. C'est en effet le but même du dispositif : être parfaitement transparent sur le fonctionnement des aides, sur l'origine des crédits et sur le partage véritable de la gouvernance de ces aides à la pierre. Le FNAP est doté d'un véritable conseil d'administration. Cela ne fait pas disparaître les autres questions, comme l'apport de l'État en crédits frais ou la question des dépenses engagées par le FNAP qui doivent être honorées. Nous entendons bien ces sujets d'inquiétude.
Sur le crédit immobilier, je pense que la direction de l'urbanisme n'est pas compétente pour vous apporter des éclairages sur la façon dont l'État travaille avec les établissements. Sur l'hébergement d'urgence non plus, même si nous participons à l'effort, ce sujet étant plus du ressort de la direction générale de la cohésion sociale.
J'ai posé une question que je pose chaque année, et je souhaite avoir la réponse. Si l'argent des HLM sert à couvrir le déficit de l'État, il faut le dire, et leur rendre hommage. J'ai toujours indiqué que l'argent des cinq fédérations doit être à disposition pour améliorer la qualité du logement, la mise aux normes ou les opérations de renouvellement urbain. Si l'on ne peut pas répondre à cela, le Parlement devra un jour exiger plus de transparence.
Je voudrais compléter la réponse sur l'exécution des crédits du programme 109. En fin d'année 2015, en effet, 30 millions d'euros de crédits disponibles n'ont pas été consommés. Cela relève de la gestion infra-annuelle du programme, et l'explication réside dans une analyse plus large de la dette de l'État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale. En 2015, cette dette a fait l'objet d'un traitement global : le FNAL n'en était qu'un élément et l'État a apuré les dettes des exercices passées puisqu'à la fin de l'année 2015. Seule subsiste une dette frictionnelle de 50 millions d'euros. Ce montant est minime en comparaison des flux budgétaires totaux constatés entre l'État et les organismes de sécurité sociale, qui représentaient en 2015 plus de 33 milliards d'euros. Il y a donc eu un règlement global de la dette, ce qui explique que les crédits du FNAL ont été moins consommés en 2015.
Je rappelle que l'objectif du Gouvernement était de 500 000 logements par ans. Nous en sommes loin, il semble que la bataille a plus porté sur le logement social que sur le secteur privé. Précisément, au sujet du logement social, pouvez-vous confirmer que le nombre de logements agréés en 2015 était de 110 000 ? En 2016, pouvons- nous espérer une augmentation plus forte, eu égard à l'énergie déployée en ce sens ?
Ma deuxième question porte sur le dispositif « Pinel ». Pourriez-vous faire un état des lieux : nombre de constructions, territoires concernés, impact financier ? Constatez-vous des dommages collatéraux, comme la production de logements vides aux alentours ?
Ma dernière question porte sur la loi « ALUR ». Certains territoires sont frappés d'une interdiction de construire en dehors de l'enveloppe urbaine des centres-villes et des bourgs. Cela fragilise parfois l'équilibre de ces territoires. Des aménagements à ces dispositions restrictives sont-ils envisagés ?
Sur un montant de 100 000 euros consacrés à la « production » de logement social, si l'on consolide la totalité des aides (aide à la pierre, taux d'imposition plus faibles au bénéfice des bailleurs sociaux, TVA à taux réduit, etc.), pouvez-vous nous indiquer combien représentent les aides publiques ? Si vous disposiez d'un historique, je serais intéressée, car cela va faire trois ans que je pose cette question. Je ne désespère pas d'obtenir un jour une réponse – peut-être avant la fin de la législature... Nous parlons ici de milliards d'euros et je pense qu'il est important de disposer d'une visibilité sur les chiffres.
Ma deuxième question rejoint celle de Véronique Louwagie et porte sur le dispositif « Pinel ». Pour les zones géographiques qui peuvent en bénéficier, pouvez-vous nous donner le ratio entre logement privé non social et logement social ? Les bailleurs ont-ils été incités par ce dispositif à augmenter la « production » de logement social ? Aux termes de la loi, des zones qui ne sont pas éligibles au dispositif « Pinel » peuvent bénéficier de dérogations : cela a été le cas dans l'ex-région Languedoc-Roussillon. Peut-on constater des différences entre les zones bénéficiaires de la dérogation et les zones qui n'en bénéficient pas ? Dans les zones B2 qui ne bénéficient pas de dérogations, les bailleurs sociaux sont-ils moins incités à construire des logements sociaux, faute d'équilibre financier qui puisse s'appuyer sur le dispositif « Pinel » ?
Je vous prie par avance de bien vouloir m'excuser de ne pouvoir vous apporter que des réponses partielles.
Le nombre de logements sociaux locatifs au cours de l'exercice 2015 s'élevait à 108 921, hors effectifs des départements d'outre-mer et de l'ANRU. Le chiffre pour les départements d'outre-mer était de 4 889 et pour l'ANRU de 11 293. Le total s'élève donc à 125 103 logements locatifs sociaux financés en 2015.
En ce qui concerne le dispositif « Pinel », votre première question revenait à demander si on allait continuer à financer la construction de logements qui resteront vides. Le dispositif a été précisément conçu afin d'éviter cela, en limitant – c'est ce que Mme Rabault a évoqué ensuite – son application à des zones présentant un certain niveau de tension sur le marché de la construction. Il repose donc a priori sur un principe différent des précédents mécanismes de soutien fiscal à l'investissement dans le logement intermédiaire ou locatif. Il est plus resserré et doit éviter le financement de logements qui risqueraient de demeurer vides. Cela étant, il s'agit d'un dispositif fiscal qui n'est pas très ancien et nous ne disposons pas de données d'analyse géographique, y compris pour apporter des réponses aux questions que vous posez, Mme Rabault. Je ne saurais dire si dans les zones où l'on a favorisé l'application du dispositif « Pinel », les bailleurs sociaux n'ont pas été gênés pour le financement de leurs opérations. Mais cette question nous intéresse également.
Nous pouvons regarder les éléments d'analyse que nous pouvons vous apporter après l'audition avec les données dont nous disposons. Mais aujourd'hui, le suivi de ce dispositif fiscal et l'évaluation de son impact dans une zone est difficile. Il y a un an de décalage. Le dispositif fiscal est récent, il commence certainement à produire des effets. Établir un lien de causalité entre la mise en place du dispositif « Pinel » et la production de logements sociaux – c'était l'une de vos autres questions – n'est pas non plus possible avec le recul que nous avons, en tous cas pas de manière économétrique. Le Gouvernement pense que ce dispositif, avec un certain nombre d'autres, a favorisé la reprise de la construction d'une façon générale. Mais déterminer précisément le lien de causalité entre tel dispositif et telle situation réclame un travail supplémentaire que nous n'avons pas fait. Il ne faut pas raconter de mensonges sur ces sujets-là.
En ce qui concerne la part d'aides publiques dans les montants consacrés à la construction de logements sociaux, je m'inquiète que vous ayez pu poser cette question plusieurs fois sans obtenir de réponse. Ce que nous pouvons vous fournir après l'audition porte sur les données que nous maîtrisons, à savoir le coût des dépenses fiscales supportées par le budget de l'État et les aides publiques à propos desquelles il dispose de l'information – le cas échéant, car il existe plusieurs catégories de logements sociaux. Pour les aides des collectivités territoriales, nous disposons de moins d'informations. Mais nous sommes capables de vous fournir quelques éléments « en moyenne ».
En ce qui concerne le dispositif « ALUR », l'un des objectifs de la loi était d'éviter des constructions en discontinuité dans le milieu rural, c'est-à-dire le mitage. Il n'est pas envisagé de faire évoluer la loi à ce stade même s'il existe des discussions sur des éléments prêtant à interprétation pour certaines communes littorales. Par exemple en Bretagne, il existe une tradition assez forte d'habitat diffus et il arrive que dans des hameaux, on ait à se demander si, à bon droit, des maisons nouvelles peuvent être bâties. En réalité, le problème se pose surtout pour les détenteurs des sols qui pouvaient perdre de la valeur vénale du fait de l'application de la loi « ALUR ». Cela étant, le Gouvernement n'a pas l'intention de régler ce problème par une modification du cadre législatif. Il veut privilégier une application intelligente des textes, au cas par cas.
Il existe en réalité deux dispositifs pour ce qui est du logement intermédiaire. Il y a le dispositif « Pinel » destiné à l'investissement locatif privé, qui n'est pas conditionné par la construction de logements sociaux. En revanche, le bénéfice du second dispositif, qui s'adresse aux investisseurs institutionnels, est, quant à lui, conditionné à la construction de logement social. Avez-vous des informations sur ce dispositif, utilisé dans des opérations de la Société nationale immobilière (SNI) et qui a obtenu un certain nombre de soutiens de l'État ?
Monsieur le directeur général, l'essentiel de vos dépenses fiscales se rattache au programme 135. Elles représentent quand même 13,36 milliards d'euros... S'est-on interrogé sur leur utilité économique ? L'essentiel de ces dépenses fiscales consiste en l'application d'un taux réduit de TVA. Avez-vous déjà réalisé des analyses à propos de la répercussion sur le client de ce taux réduit ? Est-il vraiment bien utile, par exemple sur les travaux d'amélioration, d'appliquer un taux de 10 %, alors que le taux de droit commun s'élève à 20 % – cela coûte la bagatelle de 3,3 milliards d'euros... Est-il nécessaire de fixer à 5,5 % le taux de TVA pour les travaux d'opérations à 10 % – nous avons eu d'ailleurs de grands débats sur cette mesure, qui coûte 1,63 milliard d'euros ? Disposez-vous d'une évaluation ?
De façon séquentielle, nous regardons en effet l'efficacité de ces dépenses fiscales. La critique suivant laquelle les aides publiques peuvent produire des effets inflationnistes n'est pas nécessairement infondée.
Nous avons examiné les taux réduits de TVA et nous avons constaté qu'ils n'avaient pas provoqué une augmentation du coût des prestations. On peut considérer qu'ils présentent une certaine efficacité.
Nous sommes en train d'analyser précisément – c'était d'ailleurs une recommandation de la Cour des comptes –, avec les méthodes de l'économétrie, l'effet du prêt à taux zéro (PTZ), qui représente un poste de dépenses assez substantiel puisque l'on atteint le milliard d'euros. Il existe de fait des interrogations sur l'effet inflationniste du dispositif et sur capacité à atteindre les objectifs visés. Nous venons donc de lancer une étude.
L'exonération des organismes d'HLM – qui tient à coeur au président Dumont – de l'impôt sur les sociétés coûte un peu moins d'un milliard d'euros. Connaît-on l'efficacité de cette mesure ?
Nous ne l'avons pas évaluée de manière séparée
Les seules exonérations qui, chaque année, peuvent être remises en cause dans une loi de finances sont les exonérations portant sur la taxe sur le foncier bâti dans les quartiers sensibles. Je rappelle que cette exonération s'accompagne de propositions et de réévaluation dans les quartiers. Il y a pu avoir ici ou là des effets d'aubaine, je l'ai dit dans l'hémicycle, mais depuis les opérations de renouvellement urbain, il y a un vrai accompagnement dans les quartiers avec des actions parfaitement ciblées, contrôlées, sinon contrôlables.
Pour répondre à la question de notre collègue Charles de Courson, de brillants économistes se penchent sur les effets du dispositif. Pour l'instant, nous restons sur notre modèle économique, certes unique mais reconnu par les instances européennes. Quand on parle d'« aides à la pierre », on sait que cela recouvre du logement locatif social sous plafond de ressources qui ne relève plus de l'aide à la pierre. Les aides à la pierre sont ciblées sur des prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI). Nous souhaiterions d'ailleurs les augmenter sur ces logements très sociaux, voire accompagnés, de telle sorte que l'on puisse en maîtriser le loyer – la quittance quand ce n'est pas compris dans le loyer – et être efficace sur le plan social et économique.
La question est de savoir à quel type d'organismes d'HLM bénéficie cette exonération. Elle bénéficie surtout aux organismes d'HLM qui sont très profitables, c'est-à-dire souvent ceux qui ne construisent plus beaucoup. Ce milliard de dépense fiscale bénéficie-t-il à la construction ? C'est cela qui compte !
Les organismes qui ne construisent plus rénovent, réhabilitent, ont des quartiers sensibles. Ils se trouvent donc dans l'obligation d'investir, de mettre aux normes thermiques et d'accessibilité. Le mouvement HLM lui-même a décidé de mutualiser ses fonds afin de créer un flux qui aille vers les organismes les plus constructeurs dans les zones tendues et, dans les zones où les tensions sont moindres, apporte une aide à la mise aux normes. Je rappelle qu'il y a quatre millions et demi de logements et certains sont – en termes économiques – peut-être à démolir. Il faut les remplacer quand la population est encore là. Quand il n'y a plus de population, il n'y a plus de locataires. Donc cela ne rapporte rien.
Dans le sens de la question posée par la rapporteure générale, ne pourrait-on pas concevoir un indice de coût de l'allégement du coût de la construction que représentent l'ensemble des dispositifs de soutien au logement ? On pourrait, moyennant des travaux économétriques assez traditionnels, se faire une idée de l'impact sur le logement. On doit – j'imagine – disposer d'une évaluation de grands dispositifs spécifiques depuis un certain temps. Il serait bon d'en informer notre Assemblée.
Il faut faire attention à ne pas multiplier les indicateurs qui compliquent plus qu'ils ne simplifient notre vision des réalités. C'est le problème de la politique du logement !
Un laboratoire rattaché à l'École d'économie de Paris a réalisé il y a peu un travail qui conclut assez nettement au caractère inflationniste du PTZ.
Sur le prix. Les aides ont accompagné la hausse de l'immobilier, notamment dans les zones tendues ainsi que sur les petites surfaces. Le PTZ a par exemple été recentré sur la zone C, c'est-à-dire sur les zones qui ne sont pas tendues. On peut donc penser qu'il ne produira pas forcément un effet très inflationniste, puisque ce sont ici des marchés qui ne sont pas tendus. Sur les marchés tendus, il est certain qu'une partie de l'aide au logement bénéficie aux opérateurs ou aux propriétaires.
Je voudrais réagir par rapport à la réponse que vous m'avez faite sur la loi « ALUR » et sur la nécessité de faire preuve de discernement dans les régions du littoral. Ce même discernement ne pourrait-il être manifesté dans d'autres territoires ? Je prends l'exemple de ma région, où les activités liées au cheval ont une grande importance et, où pourtant, des personnes qui cherchent un abri pour leur cheval ne peuvent voir aboutir leur demande, au motif que cet abri ne constitue pas une annexe de leur exploitation.
Nous examinons les questions cas par cas, mais cherchons avant tout à éviter le mitage.
Lorsqu'il n'y a pas assez d'aides à la pierre normées, on abandonne l'aide à la pierre, pour dire simplement « c'est un euro symbolique ». Dans les régions les plus actives en matière de construction, il est fréquent que les préfets autorisent la mise en chantier à l'euro symbolique de logements très sociaux. Chez les ultramarins, l'on propose parfois de diviser l'aide en deux. Il y a ainsi un vrai souci de la réalité de l'aide et de son efficacité, puisqu'on construit beaucoup, mais pas obligatoirement avec des aides. Je crois nécessaire de mener une analyse technique de la situation actuelle, pour en tirer des enseignements. Il faut surtout retenir que le système actuel repose sur des fonds d'épargne très bien gérés et que c'est de cette manière qu'il s'est développé. S'agissant des décotes de certaines communes, telles que Paris, quand on pastille un terrain ou un immeuble, il perd immédiatement de la valeur marchande ; si en plus, on applique la loi « ALUR » avec des décotes de 77 % ou 80 %, et que ce ne sont pas des organismes d'HLM qui en bénéficient, je pense que nous aurons des retours à meilleure fortune d'ici à quelques années.
Les résidences hôtelières auxquelles la Caisse des dépôts et consignations s'intéresse posent des problèmes qui touchent surtout l'Île-de-France. Ces résidences bénéficient d'avantages fiscaux au titre du tourisme, mais peuvent accueillir dans les faits jusqu'à 800 personnes, qui pourraient ainsi remplir à elles seules une école. Ces hôtels sociaux, qui sont en réalité des hôtels de tourisme détournés, ne bénéficient pas d'un accompagnement social, tout en supportant des charges importantes ; ils ne font pas l'objet de contrôles et des enfants ont pu y perdre la vie. Tout ceci se fait sur la base d'une rémunération scandaleuse. Paris se décharge dans les faits d'un certain public sur les villes de banlieue qui n'ont pas les moyens de s'opposer à cette politique. Mais j'ai appris que cette question, sur laquelle je me suis beaucoup battu, serait en voie de règlement.
Vous avez fait allusion à un dispositif fiscal qui s'éteint cette année, le « Censi-Bouvard ». Par ailleurs, il faut mentionner les actions d'hébergement d'urgence du programme 177. On loge en Île-de-France jusqu'à 30 000 unités par jour dans les hôtels au titre de l'hébergement d'urgence et non du tourisme. Il y a d'ailleurs un vrai business avec l'achat de ces hôtels, ce qui permet de répondre à la demande de l'État en termes de nuitées. Un plan de résorption de 10 000 nuitées est actuellement prévu ; nous procéderons à son évaluation dans le cadre de la prochaine loi de finances.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 15 juin 2016 à 10 heures 45
Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Laurent Baumel, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Pascal Cherki, M. Alain Chrétien, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Patrick Hetzel, M. Jérôme Lambert, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Pierre-Alain Muet, M. Michel Pajon, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, Mme Claudine Schmid, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier, M. François-Xavier Villain
Excusés. - M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Alain Claeys, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Pierre Gorges, M. David Habib, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez