La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, ici même, le 5 décembre, votre ministre du budget a menti à la représentation nationale, aux 65 millions de Français dont nous sommes tous ici les représentants légitimes.
Monsieur le Premier ministre, vous avez hier reconnu publiquement que vous aviez eu sur cette affaire, je cite vos propres mots, « des doutes et des interrogations. » En dépit de ces doutes, de ces interrogations, des allégations de fraude fiscale relayées par la presse durant quatre mois, le Président de la République et vous-même avez décidé de maintenir le ministre du budget à son poste, pourtant particulièrement sensible.
Devant le séisme politique auquel nous sommes tous confrontés, au-delà du mensonge d'un homme, la responsabilité constitutionnelle et je dirai même morale de l'exécutif est engagée.
Monsieur le Premier ministre, alors que la presse savait, que savait-on au sommet de l'État, et depuis quand ?
Pourquoi, avec le ministre des finances, n'avez-vous pas fait procéder sérieusement aux vérifications approfondies de ces informations avant de dédouaner M. Cahuzac ?
Monsieur le Premier ministre, l'intervention lapidaire et de diversion du Président de la République ne répond pas à la question centrale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, s'il vous plaît, pendant cette séance peut-être plus que durant n'importe quelle autre, il faut savoir garder son calme.
C'est un ancien président de l'Assemblée nationale qui a posé la question !
Ces manquements sont-ils une marque d'incompétence ou de complaisance de la part des plus hautes autorités de l'État ?
Monsieur le Premier ministre, quelles conclusions en tirez-vous pour la crédibilité de votre gouvernement, pour votre ministre des finances et pour vous-même ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. le Premier ministre. ( –et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président Bernard Accoyer, vous avez posé une question et vous attendez donc une réponse. Vous l'avez posée calmement, je vous répondrai calmement.
Lorsque nous avons constitué le Gouvernement, le Président de la République et moi-même, croyez-vous que, si nous avions eu le moindre soupçon, nous aurions proposé à Jérôme Cahuzac de devenir ministre du budget, c'est-à-dire d'être chargé du contrôle fiscal ? Croyez-vous que nous avions un doute ? Nous n'en avions pas !
Nous avons cru non seulement à la parole de cet homme mais à sa signature (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) car, comme tous les membres du Gouvernement, il a signé un engagement sur l'honneur, une charte de déontologie qui engageait sa parole et qu'il n'a pas respectée. Aujourd'hui, comme vous, je suis tout simplement indigné par ce qui s'est passé.
Vous me dites que j'ai eu un doute et que je me suis posé des questions. Qui ne s'est pas posé des questions lorsque le site Mediaparta publié des articles indiquant que M. Cahuzac disposait ou avait disposé d'un compte en Suisse puis à Singapour ?
Une question a été posée à l'Assemblée nationale et vous venez d'y faire allusion, monsieur le président Accoyer. Je vous rappelle la réponse : « Je n'ai pas et je n'ai jamais eu un compte à l'étranger. »
Cette question, posé par je ne sais plus quel membre de votre groupe, était parfaitement légitime. Vous étiez en droit de la poser à partir du moment où un ministre, qui plus est le ministre du budget, était mis en cause. Vous avez obtenu cette réponse solennelle, dans ce lieu solennel qui nous honore tous, chacune et chacun d'entre nous, puisqu'ici nous représentons les citoyens, le peuple français.
Ensuite, une fois que vous avez eu cette réponse, avez-vous posé d'autres questions au cours des séances suivantes ?
Vous n'en avez pas posé (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi n'en avez-vous pas posé ? (Mêmes mouvements.)
Parce que, comme nous, vous étiez attachés à la présomption d'innocence. Mais, au mois de janvier, comme les articles persévéraient et mettaient en cause Jérôme Cahuzac, le procureur de Paris a décidé d'ouvrir une enquête préliminaire. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette enquête préliminaire, ouverte le 8 janvier, a été menée à son terme. Et en aucun cas le Gouvernement, le pouvoir exécutif, n'est intervenu pour entraver en quoi que ce soit la marche de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Oui, j'avais un doute, comme d'autres, mais j'avais confiance dans la justice. Et je considère que le procureur qui a pris cette décision l'a prise sans entraves, sans pression. Il n'y a pas eu davantage de pression sur la presse. On a changé là avec certaines pratiques antérieures (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Cochet, votre groupe a d'autres questions à poser au cours de cette séance, et vous aurez la possibilité de reprendre la parole.
… vous avez, je crois, le sens de l'État. Vous avez été président de cette institution, l'Assemblée nationale.
Le procureur de la République a perquisitionné, entendu et expertisé l'enregistrement pour vérifier s'il y avait le moindre doute sur le fait qu'il s'agissait de la voix de Jérôme Cahuzac. Lorsqu'il a eu l'intime conviction qu'un problème grave se posait, il a décidé en toute indépendance l'ouverture d'une information judiciaire contre X.
Même si cette information n'était pas dirigée directement contre Jérôme Cahuzac, le Président de la République et moi-même avons demandé à ce ministre de démissionner dans l'instant. Ce qui a été fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, mesdames et messieurs les députés, la République exemplaire (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) est notre combat et il ne fait que commencer. Il va se poursuivre.
« Pourquoi n'êtes-vous pas intervenus ? » demandez-vous, monsieur Accoyer. Ce n'est pas notre conception d'avoir une police parallèle, des officines, des écoutes illicites (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.) Notre conception, c'est le respect de l'État de droit, de l'indépendance de la presse, de la justice. Maintenant, Jérôme Cahuzac est non seulement face à sa conscience, mais aussi face à la justice, qui décidera de son sort.
En tout cas, je vous demande, monsieur Accoyer, de soutenir le Gouvernement et la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour que s'installe dans le pays davantage de confiance, en votant pour la réforme constitutionnelle concernant le Conseil supérieur de la magistrature, visant à rendre la justice encore plus d'indépendante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous pourrez ainsi arrêter de critiquer les juges quand ils prennent des décisions qui ne vous plaisent pas.
La justice est indépendante ; elle doit le rester ; elle doit l'être davantage. C'est à cela que j'appelle la représentation nationale. (Mmes et MM. députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Quelle honte !
Affaire Cahuzac
Si vous voulez bien vous rasseoir, mes chers collègues.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen ; je vous prie de l'écouter en silence.
Monsieur le Premier ministre, la parole publique a été entachée par l'un des nôtres. Nous ne pouvons en minimiser ni le sens, ni la portée.
Nous savons que cet épisode peut encore éloigner nos concitoyens de la politique.
Jérôme Cahuzac a commis une faute grave, une faute inexcusable, il devra en répondre. La justice et la presse ont pu faire leur travail en toute liberté. Nous avons voulu, vous avez voulu cette vérité. Cette approche honore notre majorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un ministre peut et doit être un citoyen comme un autre. Rien n'autorise à ce qu'il soit protégé. Quel changement avec les pratiques d'avant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Renforcer l'indépendance de la justice, conforter l'indépendance de la presse, lutter contre les conflits d'intérêts, promouvoir l'exemplarité : les premières annonces du Président de la République sont à cet égard à la hauteur de l'enjeu. (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.) Nous devons aussi avertir ceux qui comptent prospérer sur la faute d'un homme qu'il n'y a rien à construire sur un discrédit qui menace de balayer ce qui fonde notre démocratie.
Monsieur le Premier ministre, la faute d'un homme ne peut devenir la faute de tous. Nous ne devons pas oublier notre responsabilité collective, cette responsabilité que nous exerçons au nom du peuple français. Cette responsabilité, c'est notre devoir de redresser le pays. Mais cette responsabilité, c'est aussi de faire vivre la République. C'est notre talisman. C'est ce vecteur qui va permettre à notre pays de redresser la tête et de s'élever à nouveau.
La République, monsieur le Premier ministre, c'est ce qui fonde le projet français. Le Président de la République a annoncé ce matin un certain nombre de projets de loi. Nous avons aujourd'hui comme vecteur la lutte contre le déclassement de notre pays, qui était trop souvent l'horizon des Français ces derniers mois. Je vous demande de confirmer ici l'ambition que vous avez pour notre pays et la façon dont vous entendez porter ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)
La parole est à M. le Premier ministre (Brouhaha persistant.) Mes chers collègues, nous avons tous intérêt à ce que la séance se déroule dans le calme.
Mesdames, messieurs les députés, en revoyant les images passant en boucle à la télévision – moi comme vous tous, les députés de la droite, du centre, de la gauche, les écologistes, les radicaux, les communistes, conscients de ce que nous représentons ici et de la confiance qui nous a été accordée,…
…en revoyant, donc, passer en boucle ces images d'un ministre…
…qui disait devant la représentation nationale le contraire de la vérité, maintenant que la vérité a éclaté, et que nous avons constaté que M. Cahuzac avait menti au Président de la République, au Premier ministre, aux membres du Gouvernement, à tous les parlementaires mais aussi au peuple français, notre indignation est totale ! Notre indignation, mais aussi notre colère ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pourquoi j'affirme ici que, quelles que soient les décisions de la justice, M. Cahuzac n'est pas digne, en toutes circonstances, d'exercer de nouvelles responsabilités politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)
La République exemplaire est en marche. Elle ne s'arrêtera pas, parce qu'elle est nécessaire à la confiance de nos concitoyens – et, je l'ai dit ici le 22 janvier, quoi qu'il en coûte. C'est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, vous allez être saisis de plusieurs projets de loi.
Le premier, c'est la réforme constitutionnelle. Je vous invite vraiment à le méditer. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je sais que le groupe UMP s'est opposé à cette réforme qui inscrirait l'indépendance de la justice dans la loi fondamentale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais, mesdames et messieurs les députés de la droite, je vous demande d'y réfléchir en conscience, après ce qui s'est passé, et de ne pas vous écarter de vos responsabilités. (Mêmes mouvements.)
Le deuxième projet est relatif aux relations entre le parquet et la chancellerie. Il inscrit dans la loi les principes que nous appliquons depuis l'entrée en fonctions du Gouvernement : pas d'instructions individuelles, laisser la justice faire son travail, laisser la presse agir en toute indépendance. Nous allons même renforcer la protection des sources.
Enfin, le troisième projet de loi est bien celui d'une République exemplaire. (« Ah oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) C'est celui que prépare le Gouvernement, comme je l'ai annoncé le 22 janvier, concernant la prévention et la répression des conflits d'intérêts (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), c'est-à-dire des conflits entre les intérêts privés et les intérêts publics, qui doivent faire l'objet des sanctions les plus sévères.
Le Président de la République a indiqué au Conseil des ministres, et c'est pourquoi je vous invite à vous préparer à voter ce texte, que toute personne qui serait condamnée pour fraude fiscale ou corruption, et en particulier les responsables publics, ne pourrait plus exercer de mandat public. C'est la base de la confiance. Et la protection de la presse sera renforcée.
Mesdames et messieurs les députés, la République exemplaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
…c'est l'exercice de sa propre responsabilité, de la responsabilité individuelle. Chacun est responsable de ses actes. La République exemplaire nécessite non seulement des lois, non seulement des droits et des devoirs, mais une vertu et une morale personnelles ; et ceux qui en ont manqué ont manqué à la République.
C'est cela que nous voulons changer. C'est un nouvel état d'esprit, une nouvelle République que nous voulons : la République moderne, la République de la confiance, la République du respect, la République de l'exemplarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Affaire Cahuzac
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le Premier ministre, vouloir d'autres questions. En voici, et j'espère que vous les honorerez d'une réponse et ne les esquiverez pas, comme c'est trop souvent le cas.
Si M. Cahuzac, dites-vous, est face à sa conscience, vous devez désormais faire face à la vérité. Ce scandale a créé un climat délétère dans notre pays. Et la responsabilité des parlementaires que nous sommes est de sortir de ce climat pour restaurer la confiance des Français dans la parole publique.
La confiance ne peut naître que de la transparence. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI demande la création d'une commission d'enquête parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP) à laquelle nous souhaitons que tous les groupes participent avec la même détermination que nous. Il est essentiel que nos concitoyens puissent savoir comment une telle affaire a pu se produire et se développer, qui en avait connaissance et depuis quand, et enfin quelles règles nouvelles doivent désormais s'imposer pour éviter d'aussi sombres événements.
Depuis hier, monsieur le Premier ministre, les questions se multiplient. Je vous en adresse quelques-unes, très précises.
Vous avez affirmé que votre ancien ministre du budget vous avait menti, ainsi qu'au chef de l'État, mais que vous aviez des doutes. Vous êtes-vous contenté de ses affirmations ? Et si non, à quelles vérifications avez-vous procédé et par quels moyens ?
Par ailleurs, votre ministre de l'économie a déclaré ce matin sur RTL avoir fait une demande d'assistance à la Suisse en vertu de notre convention d'entraide fiscale. Avez-vous eu connaissance de ces courriers, et êtes-vous prêt à rendre publiques dans leur intégralité la lettre de votre ministre et la réponse des autorités suisses ?
Enfin, l'ancien bâtonnier du Lot-et-Garonne a affirmé ce matin avoir contacté dès le 15 décembre dernier un proche collaborateur du Président de la République pour confirmer l'authenticité de l'enregistrement que Mediapart avait rendu public. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Le collaborateur du Président ou le Président lui-même ont-ils saisi le procureur de la République afin de lui livrer ces informations, comme l'article 40 du code de procédure pénal leur en fait l'obligation ?
Merci, monsieur le Premier ministre, de répondre vous-même et de ne pas esquiver cette question. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
La parole est à M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mes chers collègues, vous connaissez la règle, c'est le Gouvernement qui décide quel ministre répond.
Monsieur le député, vous avez posé plusieurs questions qui concernent directement l'action du ministre de l'économie et des finances que je suis,…
…auprès duquel Jérôme Cahuzac a travaillé pendant près de dix mois. Je lui avais accordé ma confiance, qui a été trahie. Cette confiance est un principe de fonctionnement dans une collectivité humaine, elle doit être respectée.
Vous m'avez demandé quelles diligences ont été faites. Je ne peux pas répondre sur tous les aspects, mais je vais vous le dire.
À partir du moment – c'était le 8 janvier – où a été ouverte une enquête préliminaire,…
…il était important que l'on puisse savoir quelle était la position de Jérôme Cahuzac au regard d'un compte qu'il était accusé de détenir à l'UBS en 2010.
Dès lors qu'il n'a pas pu lui-même – a-t-il posé les bonnes questions ? – avoir accès aux informations de l'UBS, il a été demandé par la direction générale des finances publiques, en vertu d'une convention d'entraide administrative, quelle était sa situation, ou celle d'autres ayants droit. Cette demande a été faite le 24 janvier. Le 31 janvier, la réponse est arrivée.
C'était une réponse négative, qui a été transmise au directeur général des finances publiques et, immédiatement – j'y insiste, immédiatement –, car nous voulions aider à la manifestation de la vérité, à la police judiciaire, comme avait été transmise l'intégralité du dossier fiscal de Jérôme Cahuzac.
Vous m'interrogez sur ces documents.
Ils sont évidemment à la disposition de toutes les autorités légitimes qui les demanderont. Ils sont déjà en possession de la justice, des autorités judiciaires. Si les présidents des commissions des finances ou les rapporteurs généraux de ces commissions m'en font la demande, ils auront évidemment accès à ces documents,…
…qui établiront de façon très claire que mon administration a été diligente, qu'elle a été efficace, qu'elle a été volontaire et qu'elle a travaillé au service de la vérité et de rien d'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, les Français sont en colère, et leur colère est légitime. L'affront dont l'ancien ministre du budget s'est rendu coupable envers la République est, certes, un comportement individuel. La presse a joué son rôle en toute indépendance, la justice aussi. Mais, au-delà d'une affaire personnelle, il y a un climat de soupçon, et cela ne date pas d'aujourd'hui. Ce climat est lourd et malsain.
Il n'y a pas de fatalité à cette suspicion. La République exemplaire reste à construire. C'est la responsabilité de notre majorité de le faire après des années de dérives ou de mansuétude. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour réussir ce sursaut républicain, des solutions existent. Ici même, il y a un an et demi, j'ai défendu, au nom des députés écologistes, une proposition de loi pour la transparence et la lutte contre les conflits d'intérêts. Ce texte reprenait les préconisations d'une commission présidée par le vice-président du Conseil d'État et le premier président de la Cour des comptes. Il a été voté par tous les groupes de gauche et rejeté par l'UMP, alors majoritaire. Sur ces obligations de transparence comme sur le cumul des mandats, qui multiplie les risques de conflits d'intérêts, il faut passer à l'action.
Il en va de même pour l'indépendance de la justice. Le Gouvernement a présenté un projet de réforme de la Constitution.
Au-delà de nos sensibilités politiques, c'est la responsabilité de tous les républicains de sortir des postures de blocage actuelles, et je m'adresse à vous, mesdames et messieurs de l'opposition.
Enfin, le Gouvernement doit réaffirmer sa détermination à lutter avec des moyens nouveaux contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale.
Il faut maintenant mettre en oeuvre les réformes nécessaires à la restauration de la confiance démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)
La parole est à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le député, les actes que vous dénoncez sont effectivement graves. Ils sont extrêmement difficiles à supporter pour tous les républicains de ce pays. Ils sont l'oeuvre et la responsabilité individuelle d'un ministre qui avait signé une charte de déontologie, exigence formulée par le Président de la République et le Premier ministre.
Ce matin, le Président de la République nous rappelait que l'exigence de probité est toujours plus élevée envers la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
…et que nous ne devons pas nous en plaindre. Au contraire, nous devons porter cette marque d'identité comme un étendard, et c'est bien ce que nous faisons. (Mêmes mouvements.) Cette affaire illustre tout de même le respect des engagements du Président de la République, à savoir pas d'instructions d'individuelles, c'est-à-dire pas d'ingérence, pas d'intrusion et pas de délocalisation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis dix mois, nous avons instauré la transparence en ce qui concerne toutes les nominations de magistrats. En effet, depuis le mois de juillet dernier, même les nominations des procureurs généraux et des inspecteurs généraux sont soumises à publication et observations. Un projet de loi a été présenté la semaine dernière en conseil des ministres, qui instaure des relations entre les attributions du garde des sceaux, chargé de la politique pénale sur l'ensemble du territoire, et les parquets généraux. Quant au projet de loi constitutionnelle qui réformera la justice et surtout consolidera son indépendance, il sera soumis au Parlement. Nous avons des institutions républicaines solides.
Il y a d'autres affaires qui gênent l'ensemble des républicains de ce pays (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), y compris des affaires qui concernent des membres de votre force politique.(Exclamations ininterrompues sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes attachés à la consolidation de nos institutions républicaines, et nous allons continuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, nous vous avons entendu, et nous avons entendu le Président de la République sur l'affaire Cahuzac. Vous cherchez l'un et l'autre à faire diversion. Vous n'êtes plus ni l'un ni l'autre en situation de faire la morale à qui que ce soit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) On ne peut pas se contenter d'un lapidaire « je ne savais pas ». Vous êtes aux responsabilités, vous ne pouvez pas vous dérober. Il y va du lien de confiance entre les Français et l'État.
Nous avons entendu ce matin Pierre Moscovici tenter de justifier son action. Il n'a pas été clair lorsqu'il évoquait le document reçu des autorités suisses. Je cite les propos qu'il a tenus sur une antenne de radio : « c'est un document qui se trouve dans un seul coffre, celui du directeur général des finances publiques, que je n'ai pas eu, dont j'ai la copie, que personne d'autre n'a eu ». Comprenne qui pourra !
Votre devoir, monsieur le Premier ministre, c'est de répondre à deux questions très simples.
Oui ou non, l'administration fiscale a-t-elle été instrumentalisée pour entraver la justice et pour étouffer cette affaire ?
Oui ou non, Pierre Moscovici, ministre de tutelle de Jérôme Cahuzac a-t-il voulu le blanchir en utilisant les prérogatives qui sont les siennes dans le cadre de ses fonctions ?
Merci de répondre avec précision à ces questions, monsieur le Premier ministre. Les Français vous écoutent.
La parole est à M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mes chers collègues, je vous en prie, ce ministre est bien placé pour vous répondre !
Plusieurs députés du groupe UMP. Conflit d'intérêts !
Monsieur le président Jacob, je vous remercie de votre question, qui me permettra, si vous le souhaitez, d'être plus précis. Je répondrai en trois temps.
Premièrement, aussitôt que des accusations sont parues dans Mediapart, nous avons établi ce qu'on appelle une « muraille de Chine »,…
…c'est-à-dire que Jérôme Cahuzac a été totalement mis à l'écart, « déporté », comme on dit, pour les questions qui pouvaient poser des problèmes de conflit d'intérêts. Cela a été l'objet d'une lettre de sa part au directeur général des finances publiques.
Deuxièmement, et je tiens à le dire, mon administration a été diligente. Toutes les diligences fiscales ont été faites pour s'assurer de la situation de Jérôme Cahuzac, comme, d'ailleurs, de celle de l'ensemble des membres du Gouvernement.
C'était absolument naturel. J'ajoute que tout le dossier fiscal a été transmis à la police judiciaire, non pas son dossier sur un an ou sur deux ans mais sur vingt ans. Encore une fois, nous sommes au service de la vérité.
Troisième chose, en ce qui concerne la convention d'entraide administrative signée en 2009, j'ai demandé, ou plutôt le directeur général des finances publiques a demandé à savoir si Jérôme Cahuzac ou un ayant droit avait bénéficié d'un compte à l'UBS, puisque c'était de cela qu'il s'agissait, entre 2009 et 2013. Il demandait que l'on remonte le plus loin possible, c'est-à-dire jusqu'en 2006, date de prescription – vous aussi, j'en suis sûr, vous êtes respectueux du droit.
La réponse m'est parvenue, ou plutôt elle est parvenue au directeur général des finances publiques, qui, seul, l'a eue en sa possession. Il m'a informé qu'elle était négative et l'a transmise le lendemain matin à la police judiciaire.
Alors, si vous cherchez à tout prix une mise en cause, vous frappez vraiment à la mauvaise porte, car nous n'avons pas cherché à blanchir, à couvrir, à excuser quoi que ce soit, à innocenter qui que ce soit. Au contraire, mon administration et moi-même avons constamment été au service de la vérité, de toute la vérité. C'est cela que nous avons fait, et j'en suis fier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !
Monsieur le ministre, vous avez présenté hier à l'Assemblée nationale le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi, dont nous avons commencé de débattre. L'emploi est la première préoccupation des Français. Le but de ce texte législatif est de permettre le maintien et la création d'emplois, de faire reculer la précarité, et d'ouvrir de nouveaux droits au bénéfice des salariés. La méthode que vous avez privilégiée est celle du dialogue social. Vous avez eu raison de le faire, dans la mesure où les négociations avec les partenaires sociaux ont conduit à l'adoption d'un accord national interprofessionnel, signé le 11 janvier dernier.
En France, le dialogue social avait besoin d'être rénové. La culture de la négociation doit remplacer celle de l'affrontement, sans toutefois ignorer que les intérêts des acteurs du monde de l'entreprise sont parfois divergents. Cela permettra d'assurer une meilleure sécurisation de l'emploi, et de faire face à une crise dont l'ampleur et les conséquences sont connues de tous et subies par le plus grand nombre.
Il appartient à présent aux parlementaires d'assurer la transcription de cet accord, et de l'améliorer en précisant certaines dispositions. Vous-même, monsieur le Premier ministre, avez déjà apporté des clarifications qui se sont avérées nécessaires, dans le souci constant de respecter l'accord signé par les partenaires sociaux. Contrairement à ce que disent certains, loin de s'opposer, la démocratie sociale et la démocratie politique se complètent. Nous le prouverons !
Au-delà des mesures de lutte contre le chômage qui ont déjà été prises, comme les emplois d'avenir, les contrats de génération, la Banque publique d'investissement et le crédit d'impôt compétitivité emploi, pouvez-vous nous dire ce que vous attendez concrètement de cette réforme du marché du travail ?
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !
Madame la députée, l'Assemblée nationale est au travail. Elle se consacre au seul sujet qui préoccupe profondément et durablement l'ensemble des Français : l'emploi !
L'emploi, c'est-à-dire la lutte contre le chômage qui ne cesse, mois après mois et depuis cinq ans, d'augmenter. Cinq ans d'augmentation du chômage ! Cela vaut la peine de travailler en profondeur à la mobilisation de tous pour trouver de nouvelles solutions. Nous devons lutter contre le réflexe si français qui consiste, dès qu'une difficulté apparaît, à ne recourir qu'à une seule solution : le licenciement de salariés ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour commencer, quel meilleur moyen, pour mobiliser l'ensemble des acteurs, que le dialogue social ?
Qu'est-ce que le dialogue social, mesdames et messieurs les députés ? C'est faire en sorte que ceux qui connaissent le mieux le fonctionnement d'une entreprise,…
Ce n'est pas vous qui connaissez le mieux le fonctionnement d'une entreprise, ça, c'est sûr !
…la défense des intérêts des salariés et la direction des entreprises, c'est-à-dire les organisations syndicales représentant les salariés et les dirigeants d'entreprises, se parlent, discutent, débattent, dialoguent et recherchent des solutions ensemble. C'est ce qui s'est passé le 11 janvier dernier. L'accord qui a été signé ce jour-là est un accord majoritaire, signé par des organisations syndicales majoritaires. Il nous engage donc, d'une certaine manière. Non pas qu'il nous contraigne : il donne au contraire une force, une valeur, une qualité supplémentaire à la loi dont vous discutez actuellement. Cette qualité permettra à la loi d'être stable dans le temps, d'être promptement appliquée, et d'être rapidement efficace.
Ainsi mobilisés, tous ensemble, nous pourrons enfin faire reculer le chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
En l'absence d'un ministre dédié à la formation professionnelle, ma question s'adresse à M. le Premier ministre : j'espère qu'il me répondra ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Notre maison brûle, et vous regardez ailleurs ! Le chômage augmente. Les jeunes sont les premiers touchés : un chômeur sur quatre a moins de vingt-cinq ans. Vous vous attaquez à ce fléau en mettant en place les emplois d'avenir et le contrat de génération. L'UMP vous répond qu'il faudrait favoriser l'orientation, l'apprentissage et l'alternance !
Les emplois d'avenir peinent à rencontrer leur public : 15 000 seulement ont été signés en trois mois. Vous en êtes réduits à supplier les élus locaux d'en signer, au moment même où vous les étranglez financièrement ! Quant aux contrats de génération, les premiers viennent d'être signés. Nous ne vous ferons pas de procès d'intention sur ce point, mais nous resterons extrêmement vigilants.
Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Quand écouterez-vous ceux qui vous exhortent à faire le pari de l'apprentissage et de l'alternance ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Y croyez-vous seulement, quand vous laissez votre ministre de l'éducation nationale porter atteinte au dispositif d'initiation aux métiers en alternance, le DIMA, destiné aux élèves de quatrième ? (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC.)
Y croyez-vous, quand vous consacrez tant de moyens à la communication sur les emplois d'avenir et les contrats de génération, au lieu de promouvoir les taux de réussite de ceux qui font le choix de l'apprentissage et de l'alternance ? Si le chômage des jeunes vous préoccupe un tant soit peu, agissez dès maintenant, car les jeunes ne croient déjà plus en vos promesses de réenchantement. Ils se demandent pourquoi en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark ou en Autriche, le taux de chômage de leurs pairs ne dépasse pas 10 %.
Il n'y a pas de fatalité, mais ce combat doit être mené ! Or force est de constater que la jeunesse est sortie des écrans radars du Président de la République, François Hollande. Tout juste était-elle bonne à le faire roi !
Mes questions sont donc simples, monsieur le Premier ministre. Quand vous donnerez-vous des objectifs ambitieux en matière d'apprentissage et d'alternance ?
Quand transmettrez-vous un message d'espoir à la jeune génération ? Et surtout, comment ferez-vous pour qu'ils vous croient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée, il ne vous a pas échappé que, depuis le premier jour que je fais partie du Gouvernement, je porte le titre de ministre de la formation professionnelle. Je vous remercie donc de m'avoir posé cette question ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un député du groupe UMP. Quelle modestie !
Je sais bien que vous n'êtes pas députée depuis très longtemps. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous êtes une élue locale pertinente et attentive au développement de l'emploi et de l'économie au niveau local. Vous le savez aussi bien que les autres députés présents sur ces bancs : cela fait cinq ans que le chômage – en particulier le chômage des jeunes – augmente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le record du nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans au chômage, c'est vous qui l'avez établi il y a de cela des mois ! Cela n'est pas le résultat de la politique actuelle du Gouvernement, mais celui de la politique menée hier par la précédente majorité ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il ne suffit pas de dire votre responsabilité. Notre responsabilité, aujourd'hui, est d'agir contre cet état de fait. Nous devons prendre des décisions et mettre en oeuvre, avec l'appui d'une grande partie du Parlement et de cette assemblée, les emplois d'avenir. Oui, les emplois d'avenir ! Chaque fois que l'un d'entre eux est signé, une solution est trouvée pour un jeune que vous aviez laissé sans emploi et sans formation. Oui, les contrats de génération ! Chaque fois qu'un de ces contrats est signé dans une entreprise, un jeune trouve un emploi, et un salarié plus âgé lui transmet son expérience. Cela n'est ni incompatible ni contradictoire avec le développement de l'apprentissage.
Vous aviez fixé un objectif de 500 000 apprentis. Où sont-ils ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous reprenons cet objectif, nous nous en donnons les moyens, et – encore une fois – nous réussirons là où vous avez échoué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, dans un véritable coup de colère, un membre du bureau national du Parti socialiste s'exclamait, hier : « Ici, chez nous, on a donné 20 milliards aux patrons sans contrepartie, et maintenant, on leur donne une loi transcrite de l'ANI, dit accord MEDEF. Depuis quatre-vingts ans, quand on regarde ce qu'a fait la gauche en 1936, en 1945, en 1981, en 1997, cette loi est la première et la pire loi réactionnaire contre le droit du travail… »
L'accord national interprofessionnel est tout sauf un filet de sécurité contre les licenciements. C'est un vrai cheval de Troie contre les acquis sociaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) De l'aveu même de l'UMP, si la primauté de l'accord sur la loi avait prévalu à l'époque, nous n'aurions eu ni les 35 heures ni la retraite à soixante ans.
Alors que la crise économique et sociale fait rage, qu'elle se double, aujourd'hui, d'une crise morale et politique dévastatrice, le Gouvernement doit retrouver sa gauche, il doit redonner confiance au peuple face à un système financier qui corrompt et qui pourrit tout, jusqu'aux valeurs de la République ! Comme le soulignait Zola : « L'argent, l'argent roi, l'argent Dieu,… »
« …au-dessus du sang, au-dessus des larmes, adoré plus haut que les vains scrupules humains, dans l'infini de sa puissance ! » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, rappelez-vous que le Président et la majorité portés au pouvoir l'an dernier, l'ont été aussi pour mettre fin à la toute-puissance des marchés financiers et de la caste qui les sert !
Les députés du Front de gauche vous demandent de ne pas mettre vos pas dans ceux de la droite et du MEDEF qui ont toujours rêvé de vider le code du travail de son contenu protecteur ! Ils vous appellent à vous ressaisir pour lutter contre les licenciements boursiers, contre l'évasion et la fraude fiscale, contre une austérité qui enfonce les territoires et les habitants les plus fragiles ! L'heure est grave. Ne décevez pas davantage ceux qui vous ont élus !
Monsieur le Premier ministre, la République doit, enfin, affronter la finance pour retrouver la confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, il y a deux aspects dans votre question. Mais il me semble que le principal et en tout cas celui qui est au premier plan de l'actualité parlementaire est le débat sur ce grand et beau texte qui ne correspond pas à la caricature que vous en faites.
Au cours de ce débat, nous respecterons nos opinions, je respecterai les vôtres et je sais que vous respecterez les miennes, car je vous connais suffisamment et je sais que nous nous respectons mutuellement.
Un député du groupe UMP. Heureusement !
Vous verrez que la caricature qui est portée n'est pas à la mesure du débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Que vous nous disiez que ce texte ne va pas assez loin sur certains aspects, je veux bien l'entendre, mais ne nous dites pas que c'est un recul. La mise en place de la complémentaire santé pour tous les salariés est-elle un recul ou une avancée ? (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)
C'est une avancée ! Lorsque l'on met en place, comme nous le proposons, une taxation des contrats à durée déterminée très courts pour favoriser, par ailleurs, le contrat à durée indéterminée, cette mesure en faveur des jeunes est-elle un recul ou une avancée ? C'est une avancée ! Peut-être l'auriez-vous souhaitée plus ample ? Nous le faisons ! Vous voulez aller plus loin ? Pourquoi pas ? Mais nous avançons : essayons d'avancer ensemble !
Lorsque nous faisons confiance aux partenaires sociaux, à qui, monsieur le député, faisons-nous confiance ? Je vous le dis à vous dont je sais la connaissance du monde ouvrier et du monde syndical : nous faisons confiance aux organisations syndicales. Car nous savons, comme vous, monsieur le député, qu'un salarié seul dans l'entreprise est en situation de faiblesse face à la direction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Mais des salariés défendus collectivement par des organisations syndicales sont des salariés beaucoup plus forts (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui peuvent peser dans l'entreprise pour négocier et pour avancer ! C'est le coeur du projet dont nous avons à discuter. Ces salariés sont forts parce que bien représentés par des organisations syndicales représentatives et légitimes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais que vous cessiez de répondre à mes collègues députés avec mépris et condescendance !
Monsieur le Premier ministre, les retraités et les salariés sont inquiets, les enseignants sont dupés, les familles dépitées, les agriculteurs floués et les entrepreneurs exaspérés… Le plus grand point commun entre tous les Français en ce moment est la déception à l'encontre de votre action et du flou artistique de votre politique !
Le président Hollande est élu depuis près d'un an et que constatons-nous ? Vous avez fait baisser le pouvoir d'achat des Français en supprimant les heures supplémentaires défiscalisées que nous avions mises en oeuvre. Vous fragilisez les entreprises et aggravez le chômage qui atteint des chiffres tristement impressionnants. Vous menacez la politique familiale ambitieuse qui est, pourtant, une réussite depuis des décennies.
Monsieur le Premier ministre, la France déprime, la situation s'enlise, le moral des Français et la consommation s'effondrent. Et que fait le Président de la République ?
Plusieurs députés du groupe UMP. Rien !
Il vient presque guilleret, un jeudi soir à la télévision, nous expliquer qu'il a, enfin, pris conscience de la gravité de la situation et qu'il va faire des propositions…(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, les Français ne sont pas dupes et vous ne les endormirez plus avec des « moi, Président ». Même ceux qui ont voté pour vous déchantent désormais !
Vos ministres sont plus préoccupés par les bruits de remaniement que par les attentes des Français, et ce n'est pas moi qui le dis, mais vos amis élus ! Notre collègue Alain Rousset, par ailleurs président de la région Aquitaine, disait récemment : « Il faut que les ministres pensent à leur job, pas à leur avenir ». Quand à François Rebsamen, il estime, avec raison, que le Gouvernement manque « d'unité » et « d'expérience » !
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République va-t-il, enfin, regarder la réalité en face et prendre conscience des difficultés considérables qui pèsent sur nos concitoyens ? Quand prendrez-vous les mesures urgentes qui s'imposent pour notre pays ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne réagirai pas aux divers jugements politiques que vous avez pu porter, mais je vous répondrai sur le fond.
Nous n'avons sûrement pas regardé la même émission, jeudi dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, ce que la majorité et les Français ont vu, c'est un Président calme, c'est un Président déterminé, c'est un Président mobilisé (Exclamations sur les mêmes bancs), c'est un Président mobilisateur qui a fixé un cap : la croissance, et qui a exprimé une volonté : tout faire pour inverser la courbe du chômage d'ici à la fin de cette année 2013 ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour cela, nous ne sommes pas spectateurs, monsieur le député, nous agissons !
Quand nous créons la Banque publique d'investissement, laquelle est la banque des TPE, des PME, donc des entreprises de taille intermédiaire, c'est bien pour favoriser la croissance et l'investissement ! Quand la réforme bancaire a été votée ici même, c'était bien pour remettre la finance au service de l'économie ! Quand nous réduisons les déficits publics et quand nous luttons contre l'endettement public, c'est pour rendre aux services publics les moyens de leur expansion ! Lorsque nous menons une politique fiscale de justice, c'est pour soutenir la consommation ! Quand nous conduisons une politique de réforme du marché de l'emploi, évoquée voici une seconde par Michel Sapin, quand nous créons les contrats de génération et quand nous mettons en place les contrats d'avenir, quand nous veillons à ce que les collectivités locales bénéficient d'une ligne de crédits de 20 milliards d'euros à long terme sur fonds d'épargne, quand nous menons une politique de filières, quand nous travaillons au redressement productif, c'est, en effet, pour réparer les dégâts que dix ans de votre gestion ont faits en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pour rendre une perspective, c'est pour rendre un espoir ! C'est cette politique économique et sociale, certes patiente et de long terme, que nous menons ! Elle portera ses fruits ! Je crois que les Français le savent.
C'est ce qu'ils ont retenu de l'intervention de François Hollande et ils lui feront confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe RRDP.)
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'emploi, je veux à mon tour revenir sur la loi de sécurisation de l'emploi qu'examine en ce moment notre Assemblée.
La meilleure preuve du caractère protecteur de cette loi pour le salarié est le coup d'arrêt porté au développement des contrats courts. En effet, alors que les contrats courts, et singulièrement les contrats à durée déterminée, sont de plus en plus utilisés dans notre pays, la fiscalité pesant sur ce type de contrat ne prend pas en compte son impact sur la vie des travailleurs et sur l'équilibre de nos comptes sociaux.
Nous en sommes convaincus, la lutte contre la précarité est indispensable pour redonner de la force à notre modèle social.
Dans leur sagesse, les partenaires sociaux ont souhaité que le recours aux CDD donne lieu à une surcotisation à l'assurance chômage. Les contrats courts coûteront donc plus cher à l'employeur. En contrepartie, la loi de sécurisation de l'emploi prévoit une baisse des cotisations sur les embauches des jeunes de moins de vingt-six ans en CDI.
Monsieur le ministre, la majorité de gauche sait que le redressement productif passe aussi par une meilleure qualité des contrats de travail. La stabilité dans l'emploi est un moteur pour améliorer la motivation et la productivité dans l'entreprise. Comme les 500 000 contrats de génération qui seront signés au cours des cinq prochaines années, cette nouvelle mesure permet de réhabiliter le contrat à durée indéterminée. Ce ne sont pas seulement des mots, c'est dans les actes que nous portons cette priorité à la jeunesse et à l'emploi.
La loi de sécurisation de l'emploi est bien un accord gagnant-gagnant, qui apporte plus de souplesse au marché du travail tout en garantissant plus de droits aux salariés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Dans le texte que nous discutons en ce moment, il y a une double volonté, qui était celle des partenaires sociaux mais, au départ, celle du Gouvernement : faire en sorte que les entreprises puissent mieux s'adapter pour mieux préserver les emplois, mais aussi lutter contre toutes les formes de précarité frappant les salariés.
Aujourd'hui, 20 % des salariés français portent tout le poids d'une flexibilité sauvage, avec une plus forte proportion de jeunes et de femmes que dans l'ensemble du monde du travail. Ce sont en particulier les femmes qui portent le poids de cette flexibilité sauvage.
Nous luttons, vous allez lutter en adoptant ce projet de loi contre toutes les formes de précarité, la première étant représentée par ces contrats extrêmement courts et peu durables, dont le nombre a explosé au cours des dix dernières années, augmentant de plus de 150 %.
L'augmentation de la cotisation chômage sur les contrats très courts de moins d'un mois et les contrats allant d'un à trois mois dissuadera les directions d'entreprise de conclure par facilité de tels contrats et, inversement, les cotisations des contrats à durée indéterminée seront diminuées les trois ou quatre premiers mois.
Ce que beaucoup d'entre nous proposaient depuis plus de vingt ans, la modulation des cotisations chômage en fonction de la durée des contrats, aujourd'hui nous le faisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre des transports, le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport sera binetôt à l'ordre du jour de notre assemblée ; j'aborderai donc la question fondamentale du développement et de la modernisation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT.
C'est un axe ferroviaire d'une importance majeure pour le développement local : il dessert trente-deux départements et plus de 5 millions d'habitants.
Or, comme les parlementaires de cette ligne vous l'ont exprimé lors du colloque du 21 mars dernier à l'Assemblée nationale, nous sommes particulièrement inquiets car, depuis le 25 janvier, le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer a proposé de réduire le trafic de onze allers-retours quotidiens à quatre, dans le seul but d'accroître la rentabilité du projet de LGV Poitiers-Limoges. Comment une telle décision a-t-elle pu être prise sans aucune concertation préalable avec l'ensemble des collectivités desservies ?
Si votre directeur de cabinet a su nous rassurer en rappelant que votre volonté n'avait jamais été de déshabiller POLT pour habiller une LGV qui s'autosuffit, nos concitoyens veulent aujourd'hui des garanties.
Alors que nous savons que l'enquête publique sera effectivement menée autour de trois scénarios, prévoyant onze, sept ou quatre allers-retours, je sollicite votre soutien et une intervention urgente de l'État.
L'idée n'est pas d'opposer les deux projets. Ils n'ont pas la même fonctionnalité, ne s'adressent pas au même public, ne répondent pas aux mêmes besoins. Le POLT est une ligne d'irrigation fine des territoires, structurante pour le réseau ferroviaire national. Réduire le nombre d'allers-retours serait totalement incompréhensible au regard des réalités locales, alors que M. le Premier ministre nous a réaffirmé ce matin même sa volonté d'avoir un État garant de l'égalité entre citoyens et entre territoires.
C'est pourquoi, au-delà de la nécessité de sauvegarder les arrêts, nous souhaitons que cet axe POLT soit modernisé, rénové, structuré. La mise en place par l'État d'un schéma directeur national global de la ligne, concernant l'infrastructure, les matériels et les dessertes, est indispensable. Que comptez-vous faire pour préserver et développer cette ligne historique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Je vous prie, madame la députée, de bien vouloir excuser l'absence de Frédéric Cuvillier, en déplacement au Maroc avec le Président de la République.
Vous le savez, le Gouvernement a érigé en priorité l'amélioration des conditions de transport du quotidien et la réduction de la fracture territoriale. À ce titre, il a mis en place plusieurs mesures pour moderniser le réseau existant, plus particulièrement en faveur de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT.
Premièrement, Frédéric Cuvillier a demandé au président de Réseau ferré de France de lui remettre un projet de plan de modernisation du réseau ferroviaire afin d'améliorer la performance du réseau en concentrant les moyens sur le coeur du réseau classique. Ce rapport sera rendu à la fin de ce trimestre.
Deuxièmement, il a mis en place la commission « mobilité 21 », chargée de définir les principes pour une politique des transports soutenable face aux 245 milliards d'euros de projets d'infrastructures de transport annoncés par le précédent gouvernement. Cette commission doit définir les besoins les plus urgents et proposer des alternatives en termes de desserte et de rénovation du matériel roulant, en tenant compte des perspectives de nos finances publiques. Ses conclusions interviendront en juin prochain.
Sur la base de ces deux démarches, Frédéric Cuvillier sera en mesure de demander à RFF et à la SNCF d'adopter un schéma directeur sur les axes les plus structurants pour l'équilibre du territoire, dont la ligne POLT. Sans attendre, il a déjà demandé à RFF d'engager 70 millions en 2013 pour renouveler et moderniser les installations de cette ligne, soit près du double de ce qui avait été engagé en moyenne les dernières années.
Enfin, il a annoncé au début de l'année une première tranche de 400 millions pour le renouvellement du matériel roulant sur les lignes d'équilibre du territoire.
Notre priorité est claire : les transports du quotidien. La ligne POLT a une fonction majeure dans la desserte des départements tout au long de l'axe et dans le désenclavement des territoires du Massif central. Le Gouvernement est donc mobilisé en sa faveur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à M. Éric Straumann, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, ce dimanche 7 avril, les Alsaciens vont être appelés à se prononcer en faveur de la fusion des conseils généraux des Haut-Rhin et Bas-Rhin avec le conseil régional d'Alsace, pour créer un conseil unique d'Alsace. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)
Notre collègue Xavier Bertrand a récemment proposé d'étendre cette démarche à tout le pays, en précisant que cela profiterait à l'ensemble des Français. En effet, cette fusion, approuvée par plus de trois quarts des conseillers généraux et régionaux, permettra des économies, plus d'efficacité, avec moins d'élus. Les grandes forces politiques, que ce soit l'UMP, l'UDI, le parti socialiste ou les écologistes, se sont prononcés favorablement.
Il est évidemment plus facile de faire peur que d'expliquer les enjeux de cette réforme, et les partis extrémistes, tant de droite que de gauche, souvent sur instruction de leur direction parisienne, font campagne sur le thème d'une supposée sécession d'avec la France et de la fin de la présence de l'État dans nos territoires. Les Alsaciens ont montré, depuis la Révolution, parfois au prix du sang, leur attachement indéfectible à la France et à la République. Ces contrevérités des extrémistes sont parfois reprises par des élus locaux davantage préoccupés par les futures échéances électorales que par l'intérêt général. Ils jouent sans scrupule de la confusion entre le département-collectivité locale et le département-circonscription territoriale de l'État.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que l'annonce de la fermeture de la préfecture du Haut-Rhin, située à Colmar, est un mensonge ? Pouvez-vous également nous expliquer clairement les enjeux de ce référendum ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le député, je souhaite tout d'abord vous assurer de la totale neutralité de l'État dans ce référendum local, rendez-vous très important pour l'Alsace et les Alsaciens. C'est à la demande des collectivités territoriales que l'État assure l'organisation matérielle de la consultation, et je suis évidemment soucieux du bon déroulement des opérations électorales ; c'est une condition essentielle à la réussite de cette étape importante de la vie démocratique locale, tout aussi importante pour notre pays.
Cette neutralité vaut pour les résultats du référendum local. Il va de soi que l'État respectera le choix des Alsaciens, quel qu'il soit, le 7 avril.
Quant au problème plus spécifique que vous soulevez, votre question était nette, ma réponse le sera également : l'existence de la préfecture de Colmar n'est pas remise en cause par le résultat de la consultation. Le département est une collectivité territoriale, mais il est aussi un échelon administratif essentiel de notre maillage territorial. La création d'une collectivité unique n'entraînera pas, si elle a lieu, la disparition de cet échelon. Les services de l'État resteront donc présents dans le Haut-Rhin, à travers leur préfecture et leur préfet, comme ils le sont sur l'ensemble de la République, et ce quel que soit le choix des Alsaciens le 7 avril.
L'Alsace est au coeur de la République. Son identité est forte. Vous siégez ici au nom de cette histoire ; c'est le fruit de la reconquête de l'Alsace il y a moins d'un siècle. L'Alsace doit être respectée et la République y être présente partout, notamment à travers ses préfectures. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et UMP.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, l'Assemblée a commencé hier l'examen du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi. Parmi les dispositions de ce texte, figure l'article 5 qui prévoit l'entrée des représentants des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance des grandes entreprises.
Cette entrée n'est pas une nouveauté. La loi de privatisation de juillet 1993, et avant elle, celle d'août 1986, en assurent déjà, depuis longtemps, la présence. Ajoutons que, là où le personnel détient plus de 3 % du capital, l'assemblée générale doit élire un ou deux administrateurs parmi les salariés actionnaires. Ajoutons aussi que les statuts même des sociétés peuvent en assurer volontairement la présence.
Pour autant, cette présence reste trop marginale. Dans le cadre de la mission sur la gouvernance des grandes entreprises, nous avons entendu des représentants des salariés et des grands dirigeants exprimer, dans la continuité du rapport Gallois, cette volonté d'associer les salariés aux organes de gouvernance. Par ailleurs, de nombreux pays européens, douze au moins, ont inscrit dans leur législation ce qui n'est qu'une expression moderne de la démocratie sociale.
Avec le texte en débat, ce sont seulement deux cents entreprises qui seront concernées : trop peu à nos yeux, compte tenu des enjeux. Monsieur le ministre, un nouveau pacte social est indispensable pour assurer la compétitivité des entreprises françaises. La prise en compte de l'intérêt national doit déterminer fondamentalement la définition de leurs stratégies. Nos modes de gouvernance, en France, assurent trop la primauté de l'actionnaire, à l'image des modes de gouvernance d'inspiration anglo-saxonne.
L'arrivée des salariés au conseil d'administration et au conseil de surveillance constitue une première étape, que la loi en débat va poser. Pour autant, il me semble qu'il faut aller plus loin et plus vite.
Ma question sera donc double. Le Gouvernement est-il favorable à ce que les partenaires sociaux mettent en débat la poursuite du processus de participation aux organes de gouvernance, après que le principe en a été arrêté par la loi que nous allons voter ? Plus largement, quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de gouvernance et de stabilisation durable de l'actionnariat au capital des entreprises ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, la volonté du Gouvernement est d'associer les salariés à la gouvernance des entreprises. C'est une volonté politique forte de notre part. Il s'agit d'une exigence extrêmement puissante du dialogue social, mais aussi d'une conception nouvelle, que vous portez, de la gouvernance des entreprises, qui ne doit pas être sujette à des variations boursières.
Le Gouvernement a été très clair. En contrepartie de la création du crédit d'impôt compétitivité emploi, nous avons souhaité que les salariés puissent être plus impliqués dans les instances de décision des entreprises. À cet égard, le projet de loi porté par Michel Sapin est une première étape fondamentale, puisqu'elle se traduira dans la plupart des cas par la participation de deux représentants des salariés au conseil d'administration de nos grandes entreprises. Je crois que M. Sapin a déclaré que ce chiffre de deux était, pour lui, un minimum.
C'est le type même de réforme structurelle qu'il nous faut conduire pour changer l'état des choses et la vision, la gouvernance même de l'entreprise. Mais nous voulons aller plus loin.
Il sera dit, dans le projet de loi, que les représentants des salariés au conseil d'administration auront bien un statut d'administrateur à part entière ; c'est une précision fondamentale. Par ailleurs, dans le cadre d'un projet de loi que je présenterai au début de l'été, nous irons plus loin, puisqu'il sera prévu d'étendre dans les entreprises l'association des salariés au contrôle de la rémunération des actionnaires. De même, il faudra également prévoir des mesures contre les OPA hostiles et les prises de contrôle importantes.
Vous voyez que nous souhaitons aller dans votre sens, pour que, grâce à ces modifications de la gouvernance, les entreprises soient un véritable projet collectif et non la propriété seulement de quelques-uns. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Alcatel Lucent, Air France, Texas instruments, Lafarge, Goodyear, Sanofi, Arcelor-Mittal, Technicolor, Arkéma, Pétroplus, Thales, Continental, Fralib, Doux… Chaque jour, monsieur le Premier ministre, des entreprises ferment ou délocalisent. Chaque jour, notre pays compte mille demandeurs d'emploi supplémentaires. La casse de l'industrie française, c'est maintenant !
Aujourd'hui, l'industrie cimentière est touchée à son tour. La consommation de ciment en France a reculé de 6,7 % en 2012 ; 2013 s'annonce catastrophique. Les ventes de ciment ont chuté de 19 % et la baisse atteint 43 % pour les liants géotechniques.
Les cimentiers français subissent de plein fouet l'effondrement des mises en chantier. À cela s'ajoute une perte dramatique de compétitivité due aux excès de réglementations que vous leur imposez. Tout cela pèse très lourd, à tel point que nous sommes 10 à 20 % plus chers que nos concurrents. Toute exportation est totalement inenvisageable et pis, nous importons de plus en plus.
Le résultat de cette politique désastreuse est que nos cimenteries ferment. Aussi le groupe Holcim, présent dans ma circonscription, va-t-il devoir réduire sa production de 600 000 tonnes sur deux ans. Une usine produisant 300 000 tonnes environ, deux fermetures sont donc programmées : la première à Dannes dans le Pas de Calais ; la seconde n'est pas encore connue, mais les inquiétudes sont grandes, y compris chez les salariés du site de Rochefort-Dole. Personnellement, je ne saurais m'en accommoder.
Monsieur le Premier ministre, il ne suffit plus de claironner « choc de simplification ». Comme le disait le Général de Gaulle, « cela n'aboutit à rien, et cela ne signifie rien ». Dès lors, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures très concrètes que vous comptez prendre pour sauver l'industrie française et notamment nos cimenteries ?
La parole est à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.
Monsieur le député, vous avez raison de noter que la France connaît un processus de désindustrialisation qui a commencé il y a longtemps. En dix ans, nous avons perdu 750 000 emplois industriels et les trois dernières années ont vu fermer, selon l'INSEE, 1 087 sites industriels. La nation fait face à une réelle perte de compétitivité.
Or pour la relancer, mieux vaut agir qu'en parler ; c'est pourquoi nous avons proposé, après le rapport de Louis Gallois, le CICE. C'est la première fois qu'un effort aussi considérable (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP) est mené à destination des entreprises, qui peuvent bénéficier d'une baisse d'impôts à hauteur de 6 %, pour un total de 20 milliards d'euros.
S'agissant de l'industrie cimentière, nous devons faire face en outre, comme vous le disiez, monsieur Sermier, à une concurrence déloyale grandissante, d'autant que le prix de l'énergie augmente en Europe, alors qu'il baisse partout dans le monde. Or cette industrie, de même que l'industrie pétrochimique, est une grosse consommatrice d'énergie et peut ainsi être qualifiée d'« energy-intensive ».
Notre travail consiste donc, dans le cadre du débat sur la transition énergétique, à trouver des solutions compétitives, pour que nous ne perdions pas toutes nos industries consommatrices d'énergie : l'aluminium, par exemple, ou le ciment et le béton. Savez-vous que nos importations de matières premières pour le ciment émettent dans l'atmosphère 75 % de CO2 supplémentaires, par rapport à une production nationale ? Pourtant, nous taxons nos industries et nous épargnons, avec les lois européennes, celles des autres. Voilà une erreur à laquelle nous cherchons à remédier sur les plans européen et national. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, l'assurance maladie a été durement attaquée et dérégulée ces dix dernières années. Dans ce contexte, l'accès à une complémentaire santé est un facteur majeur d'inégalité et l'une des causes de renoncement aux soins. C'est pourquoi le président de la République s'est engagé à généraliser l'accès à la complémentaire santé pour l'ensemble de la population, à l'horizon de 2017.
Les partenaires sociaux ont pris la décision de généraliser pour les salariés la couverture santé par le biais des contrats collectifs, financés à 50 % au moins par leurs employeurs. Cette disposition, contenue dans le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi, représente pour ces salariés la concrétisation d'un droit nouveau de portée majeure.
Mais faire de l'entreprise la porte d'accès à une complémentaire santé entraîne une modification de l'organisation de notre système de protection sociale qui doit attirer notre attention sur deux éléments. Le premier concerne la qualité des garanties qui seront offertes dans le cadre des contrats. La complémentaire santé d'entreprise doit assurer aux salariés une protection sociale de qualité. Il me semble à cet égard essentiel que les garanties retenues soient nécessairement conformes aux contrats dits solidaires et responsables, gage de qualité des prestations et de respect d'un certain nombre de principes. Par ailleurs, ces contrats doivent être renforcés. Pouvez-vous nous dire quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement en ce sens ?
Le deuxième élément concerne la question de l'universalité de notre protection sociale. Au-delà de cette première étape pour les salariés, présente dans le projet de loi, nous devons nous assurer des moyens afin de permettre l'accès de tous à une complémentaire santé, notamment des jeunes, des chômeurs et des retraités. La généralisation de la complémentaire santé dans l'entreprise aura un coût. Quelles sont les orientations prévues par le Gouvernement pour permettre la généralisation de cette complémentaire santé et organiser son financement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)
Madame la députée, l'accès aux soins de tous est une priorité de l'action du Gouvernement. Pour nous, l'accès aux soins de tous passe d'abord par le renforcement du socle que constitue l'assurance maladie obligatoire.
Néanmoins, pour faire face aux dépenses de santé, optiques ou dentaires notamment, le recours à une assurance complémentaire de bonne qualité est nécessaire. Or 5 % des Français en sont privés et la qualité des contrats actuels varie beaucoup. C'est pourquoi le président de la République a fait de l'accès de tous les Français à une couverture complémentaire de qualité l'un des objectifs de santé pour 2017.
L'accord dont nous examinons actuellement la transposition dans la loi permet de marquer une étape très significative sur ce chemin, puisque tous les salariés pourront désormais accéder à une couverture de qualité à un meilleur coût. Pour autant, cela est encore insuffisant : aussi souhaitons-nous rediscuter afin de poser les principes qualitatifs d'un contrat responsable et solidaire, car nous constatons qu'aujourd'hui les limites sont floues.
Je souhaite par ailleurs que s'engage une discussion sur les avantages fiscaux et sociaux correspondant à l'ensemble de ces contrats ; enfin que soit définie la manière dont chacun, dans notre pays, pourra y accéder. J'ai saisi le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie qui doit remettre ses propositions à l'été prochain : nous verrons alors, madame la députée, comment avancer ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Généralisation de la complémentaire santé
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente.)
Hier soir, l'Assemblée a fini d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail et cher collègue (Sourires), madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi quelques mots pour introduire le débat, sans doute long et fructueux, qui va s'ouvrir sur l'article 1er du projet de loi.
Les complémentaires santé, j'insiste sur ce point, sont un élément fondamental de l'accès aux soins. Néanmoins, pour le Gouvernement – j'ai eu l'occasion de le dire il y a quelques instants en réponse à une question d'actualité de Mme Fanélie Carrey-Conte –, la priorité va évidemment au renforcement du pilier que constitue l'assurance maladie obligatoire, pilier, dis-je, mais en aucun cas plancher pour notre système de santé. Pour autant, en particulier pour les soins dentaires et les soins optiques, l'accès à une couverture complémentaire est un élément décisif. Or malgré la CMU et la CMU complémentaire, qui ont représenté d'immenses avancées pour l'accès aux soins, deux millions et demi de personnes sont toujours exclues du système des complémentaires « santé » tandis que les Français ne sont pas égaux face à son accès : les cadres des grandes entreprises en bénéficient plus facilement que les salariés des petites.
Devant un tel constat, le Président de la République a indiqué le 20 octobre dernier, lors de son intervention au congrès de la Mutualité française, son objectif, à savoir qu'à l'horizon 2017 soit généralisé l'accès à une couverture complémentaire de qualité pour l'ensemble de nos concitoyens.
C'est un objectif ambitieux, qui suppose que nous fixions certains principes.
Une première étape a déjà été franchie dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. En effet, le seuil de ressources qui ouvre droit au bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire et à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire « santé » sera relevé.
Cela signifie que, dans les années qui viennent, 500 000 personnes de plus vont pouvoir bénéficier de la CMUC.
Une deuxième étape a été franchie lors de la signature de l'accord national interprofessionnel, qui est venu concrétiser la volonté des partenaires sociaux de contribuer à l'objectif de généralisation de la couverture santé complémentaire. Grâce à l'article 1er du projet de loi, dont la discussion va commencer dans quelques instants, les salariés des branches qui ne bénéficient pas, aujourd'hui, d'une couverture complémentaire collective, vont pouvoir bénéficier d'une complémentaire cofinancée par l'employeur. Chacun mesure l'importance de cette avancée pour les salariés des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises : aujourd'hui, les salariés de la majorité d'entre elles n'ont pas accès à une telle couverture. Un quart des salariés déclare ne pas avoir accès à une couverture collective proposée au niveau de leur branche ou de leur entreprise. Pour n'évoquer que la couverture collective, 34 des 145 plus grandes branches ont défini un régime santé pour tout ou partie de leurs salariés : seuls 3 millions de salariés sur 10 bénéficient ainsi d'une couverture complémentaire « santé ».
L'accord dont vous examinez la transposition permet donc d'améliorer de façon extrêmement significative la couverture santé d'une partie de nos concitoyens. Si cet accord répond aux objectifs poursuivis par le Gouvernement, nous ne pouvons toutefois en rester là – en tant que ministre des affaires sociales et de la santé, je tiens à le souligner. Nous ne pouvons pas considérer qu'une meilleure couverture santé, une meilleure politique de solidarité envers les salariés suffira à atteindre l'objectif, appelé de ses voeux par le Président de la République, d'extension d'une couverture complémentaire de qualité à l'ensemble des Français. Si cet accord participe directement à cet objectif de solidarité, nous devons également nous assigner un objectif de régulation globale du système de santé.
Sans cette régulation globale, les valeurs de solidarité resteront lettre morte. À nos yeux, plusieurs principes devront prévaloir dans la mise en oeuvre des complémentaires santé, y compris celles à destination des salariés.
Notre première priorité, c'est que le patient bénéficie du meilleur prix pour sa couverture complémentaire, et que le « reste à charge » qu'il lui appartiendra de régler soit le plus bas possible. Dans cette perspective, il est important de maintenir la possibilité de prévoir des clauses de désignation, lesquelles, je le sais, donnent lieu à un grand débat qui va sans aucun doute se poursuivre dans cet hémicycle.
Aujourd'hui, 80 % des branches ayant déjà signé un accord de frais de santé ont recours à une telle clause. Mais la généralisation de la couverture santé suppose que l'on puisse proposer une couverture sans sélection du risque. Du point de vue de la régulation du système de santé, l'objectif n'est pas simplement de proposer un contrat à tout le monde, mais de faire en sorte que le contrat proposé à l'ensemble des salariés ne fasse pas de distinction entre les risques auxquels sont exposés les uns ou les autres, les jeunes et les moins jeunes, les hommes et les femmes, ceux qui ont été malades au cours de leur vie et ceux qui ne l'ont pas été. Or pour permettre une telle absence de sélection des risques, pour aboutir à une mutualisation la plus large possible, la clause de désignation constitue un atout tout à fait appréciable : elle permet que la population assurée soit plus large que si l'on en reste au niveau d'une seule entreprise. Or plus la population assurée est large, moins la sélection des risques risque de se produire.
Les clauses de désignation offrent aussi une meilleure capacité de négociation des contrats. Elles sont donc un atout majeur, notamment pour les petites entreprises : on estime que la généralisation de ces clauses permettrait une diminution comprise entre 10 % et 15 % du coût des contrats pour l'ensemble des salariés.
Toutefois, pour produire leurs effets, les clauses de désignation nécessitent un cadre plus régulé s'agissant de la nature de leur régulation. À cet égard, l'Autorité de la concurrence a émis voilà quelques jours un avis d'autant plus scruté qu'il fut particulièrement sollicité : s'il ne conclut pas à l'illicéité des clauses de désignation – pas plus que ne le font les jurisprudences interne et communautaire qui ont validé le principe même de ces clauses –, il souligne en revanche que les exigences de la mise en concurrence doivent être renforcées. C'est tout le sens du texte qui vous est proposé : renforcer les exigences de la mise en concurrence, mais sans renoncer – c'est la position de la ministre des affaires sociales et de la santé – aux exigences de la régulation car c'est elle qui permettra de garantir à la fois l'extension de la couverture complémentaire et l'extension d'une couverture complémentaire de qualité, à un coût acceptable et accessible pour l'ensemble des Français.
Le projet de loi prévoit donc de renforcer les obligations de transparence qui s'appliqueront en cas de clause de désignation. En tant que ministre, je suis donc très favorable aux amendements déposés par le rapporteur, Jean-Marc Germain, et par le groupe socialiste, notamment par Fanélie Carrey-Conte, qui visent à améliorer ce texte en renforçant encore ces obligations.
Cet accord ne doit en aucun cas occulter notre objectif ultime : la généralisation de l'accès à une couverture complémentaire de qualité pour l'ensemble de nos concitoyens.
Le travail pour y parvenir a déjà été lancé. Toutes les étapes de ce processus doivent évidemment être mises en cohérence. La généralisation de la complémentaire « santé » suppose que nous nous posions un certain nombre de questions : quels leviers utiliser pour permettre aux personnes qui, aujourd'hui, n'ont pas de complémentaire santé, d'accéder à cette couverture ? Quelle place donner aux organismes complémentaires dans le fonctionnement du système de santé pour améliorer l'accès aux soins ? Comment favoriser l'accès à des contrats de qualité pour les personnes à faibles ressources ? Comment préserver et développer les mécanismes de solidarité au sein de la couverture complémentaire ? Sur quels types de couvertures est-il en conséquence pertinent de concentrer les aides publiques – qui, par définition, ne sont pas extensibles à l'infini ? Telles sont quelques-unes des questions qu'il nous faudra aborder dans le cadre de ce chantier, questions, je tiens à le préciser que j'ai d'ores et déjà posé au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui rendra ses propositions d'ici l'été 2013. Une nouvelle étape de l'objectif de généralisation annoncé par le Président de la République s'ouvrira alors.
Comme celui-ci l'a souligné, le risque serait de souscrire sans limites et sans régulation aux dérives du marché. La santé, il faut le rappeler, n'est pas un bien comme les autres : dans ce champ, l'intervention de l'État est absolument indispensable. Le laisser-faire n'a pas sa place car il implique la sélection des risques entre les malades et les bien-portants, la différenciation des niveaux de couverture apportés à nos concitoyens en fonction de leurs revenus, de leur patrimoine génétique ou de leur histoire personnelle.
Toutes les propositions et les réflexions qui nous permettront d'avancer rapidement dans la voie de la généralisation seront utiles, en faisant en sorte que l'étape que nous allons franchir aujourd'hui, je l'espère, soit une étape positive, dynamique, qui nous permette d'apporter de nouveaux droits à l'ensemble de nos concitoyens et pas simplement aux salariés de petites ou de grandes entreprises, mais aussi aux retraités, aux jeunes ou aux chômeurs de longue durée. Si nous sommes à même d'aller au-delà, de nous servir de cette étape comme d'un tremplin vers la généralisation de la couverture santé, alors nous pourrons dire que, d'ici à quelques années, notre système de santé aura connu une étape nouvelle, décisive, dans la réduction des inégalités, encore trop fortes, qui subsistent dans notre pays en matière d'accès aux soins.
Je souhaite donc que la discussion qui s'engage nous permette, tout en précisant les conditions dans lesquelles vont s'appliquer les dispositions proposées aux entreprises, de réfléchir aux mécanismes de régulation qui faciliteront l'étape suivante, c'est-à-dire celle de la généralisation d'une couverture complémentaire « santé » à l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement.
Hier soir a eu lieu la discussion générale du projet de loi. Alors qu'il nous avait initialement été précisé que la séance se terminerait à une heure du matin, la présidente a souhaité, usant du pouvoir dont elle dispose et que je ne lui conteste pas, que tous les orateurs s'expriment avant la fin de cette séance – qui a finalement été levée à deux heures vingt,…
…ce qui est exceptionnel un mardi soir.
La présidente, avait, je le répète, tout pouvoir pour décider de procéder de la sorte, encore que je ne m'appesantirai pas sur les problèmes qu'une telle pratique peut poser sachant que certains d'entre nous devaient se lever extrêmement tôt. En tout état de cause, aux termes d'un échange que j'avais eu avec elle, il avait été convenu que la réponse aux différentes interventions aurait lieu aujourd'hui, ce qui est une pratique courante quand la discussion générale se termine dans la nuit, surtout à une heure aussi tardive, surtout si des réunions de commissions sont prévues le lendemain matin – ce qui était le cas. Nous nous attendions donc à ce que, conformément à ce qui s'est toujours fait dans cette assemblée, le ministre et le rapporteur répondent en début de la séance suivante aux différents intervenants : pour nous, c'était l'évidence même de procéder de la sorte.
Or voilà que nous découvrons que le ministre et le rapporteur ont pris la décision de ne pas répondre !
Franchement, je ne suis pas sûr qu'une telle chose se soit déjà vue, a fortiori sur un texte qu'on nous présente comme historique, sur lequel les uns et les autres, sur les différents bancs de notre assemblée, ont posé quantité de questions. Je vois, dans le fait que le ministre et le rapporteur n'aient pas la correction de répondre aux orateurs, un acte de mépris. Par conséquent, je demande une suspension de séance, afin de permettre un échange au sujet de cette question entre les différents présidents de groupe.
Le rapporteur a demandé la parole, monsieur Chassaigne. Souhaitez-vous l'entendre avant que je ne fasse droit à votre demande de suspension de séance ?
Non, monsieur le président : je souhaite que la séance soit suspendue, afin que nous puissions nous mettre d'accord sur la suite de la discussion.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.
Si ce débat mérite une réflexion approfondie, qui sera menée lors de l'examen de chaque article, je perçois d'emblée un problème de méthode : monsieur Chassaigne, vous indiquez vous être concerté, lors de la séance d'hier soir, avec Mme la présidente. J'en prends acte mais ni le ministre ni moi-même n'en avons été informés. Sachez en tout cas que la nuit dernière, à 2 heures 20, le ministre souhaitait vous répondre. Par correction, il s'en est abstenu, puisque aucun membre de votre groupe n'était présent.
D'un commun accord, nous sommes alors convenus qu'il serait plus correct de répondre sur chacun des articles aux arguments que vous avez avancés lors de la discussion générale.
Avant de vous répondre, je veux vous dire, monsieur Chassaigne, qu'on peut toujours faire des effets de scène ; vous avez commencé à le faire hier et recommencerez peut-être aujourd'hui.
Je n'admets pas ce propos ! Vous n'avez pas à parler d'effets de scène !
Souhaitez-vous, oui ou non, une réponse ?
Dans le débat général d'hier, deux types de commentaires ont été tenus. En effet, si on a pu entendre tout au long de la soirée que ce texte allait, sous certaines réserves, dans le bon sens – je parle de certains bancs à ma droite –,…
….ce sont en fait, au-delà des mots prononcés, deux visions très différentes qui se sont opposées, non pas entre socialistes et communistes, mais bien entre la gauche et la droite.
Cette dernière a avancé deux types d'arguments, et d'abord que le code du travail comportait trop de pages.
Vous avez ainsi rappelé, chers collègues, que le code du travail comportait mille pages au début du siècle, contre trois mille aujourd'hui, ce que vous considérez comme une catastrophe. Nous, nous estimons que chaque page du code du travail est une protection pour les salariés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) et que protéger les salariés, c'est contribuer aussi à la performance des entreprises.
Un second débat de fond s'est posé à propos de l'article 1er. Au-delà des modalités techniques, il nous oppose profondément car il reflète deux visions de la société. Nous souhaitons que la sécurité sociale soit collective, nationale, tandis que vous appelez de vos voeux une avancée de sa privatisation.
C'est pourquoi nous défendons la possibilité de clauses de désignation dans les branches. Nous pensons en effet que les salariés seront mieux couverts si les organismes de branche font l'objet de négociations au niveau le plus élevé possible. Ce débat, qui a sa noblesse, nous oppose profondément, et cela va au-delà de la manière dont on met en concurrence les différents organismes.
Nous pensons que, grâce aux organismes de branche, toutes les entreprises bénéficieront de tarifs équivalents, tandis qu'un salarié renvoyé à sa propre assurance paiera d'autant plus que le risque qu'il encourt est élevé. Ce dispositif permettra d'organiser une portabilité des droits, d'atténuer les surcoûts frappant les salariés prenant leur retraite et d'instituer des mesures de prévention au niveau de la branche.
Je crois vraiment que ce débat rassemble autant la gauche qu'il nous oppose à la droite.
J'en viens, monsieur Chassaigne, à votre intervention et à celles de vos collègues dans la discussion générale. Au-delà des mots que vous avez utilisés et qui parfois blessaient – les Français ne comprennent d'ailleurs pas que l'on puisse employer des mots aussi forts avant de venir nous retrouver sur des listes communes en vue des élections municipales …
…vous avez soulevé des questions très importantes auxquelles nous allons répondre.
Vous avez d'abord évoqué des arguments de droit, relatifs au respect des textes internationaux et de notre Constitution. Comme le ministre vous l'a dit en réponse aux motions de procédure, ces questions ont été étudiées par lui-même avec le Conseil d'État et ses services ; nous-mêmes, lors des auditions que nous avons tenues, avons examiné ces questions de manière très précise, afin que nos textes soient conformes aux conventions de l'OIT – que la France a été le premier pays à signer – et, bien évidemment, à notre Constitution.
Le ministre a d'abord accompli un geste significatif par rapport à sa volonté de respecter les accords signés en modifiant une disposition figurant à l'article 10 du projet de loi, prévoyant qu'en cas de refus d'un accord de mobilité, le licenciement était prononcé en raison d'un motif personnel. Sur la base de la convention 158 de l'OIT, que nous avons regardée à la loupe, il a ainsi considéré – nous partageons son point de vue – qu'il convenait de modifier ce qui avait été convenu par les partenaires sociaux et de substituer au motif personnel un motif économique.
Ce faisant, nous avons mis en place les protections les plus fortes possible pour les salariés, en cas de refus de mobilité. Une réserve, toutefois : le projet de loi dispose qu'il s'agit alors d'un licenciement économique « individuel », terme qui signifie que l'on n'impose pas, dans ce cadre, une nouvelle procédure d'information et de consultation, dans la mesure où le texte prévoit déjà une procédure similaire par la négociation avec les organisations syndicales.
On peut débattre, j'imagine que nous le ferons lors de l'examen de l'article 10, sur le point de savoir si la procédure d'information et de consultation est plus protectrice pour les salariés qu'une négociation collective aboutissant à un accord. C'est un débat parfaitement justifié, qui revêt une certaine noblesse, et qui est dans une certaine mesure spécifique à notre pays, où les représentants du personnel sont répartis au sein de deux institutions : les instances représentatives du personnel, les IRP, et les organisations syndicales.
Au-delà de ce qui nous sépare sur cet article, nous souhaitons tous que l'on puisse accorder des protections collectives à des salariés qui sont aujourd'hui individuellement soumis à des clauses de mobilité dans leur contrat de travail. Nous voulons éviter de laisser les salariés seuls face au risque de ne pas être embauché compte tenu des clauses qui pourraient leur être imposées.
François Hollande a par ailleurs pris des engagements très clairs et très forts, et ce texte en constitue la traduction concrète. Je prendrai trois exemples.
L'engagement 35, consistant à lutter contre les licenciements boursiers, donne lieu à une divergence entre vous et nous : nous pensons qu'on lutte efficacement contre les licenciements boursiers, non en les interdisant, mais en les renchérissant au point de les rendre dissuasifs. Si cela nous oppose, mais nous partageons toutefois la volonté de lutter contre les licenciements boursiers. Cela a été dit clairement pendant la campagne présidentielle.
Un deuxième engagement très fort de François Hollande concerne la présence des salariés dans les conseils d'administration des entreprises installées en France. Permettez-moi d'être précis, car il s'agit d'une question politiquement très importante : l'engagement 55 prévoit que des salariés soient présents au sein du conseil d'administration de chaque grande entreprise. En effet, notre pays, plus que jamais, a besoin de défendre les emplois sur son territoire.
Dans les auditions que j'ai menées en votre nom à tous, les grands capitaines d'industrie – au-delà des organisations syndicales qui souhaitent toutes que ce nouveau pouvoir soit conféré aux salariés, à l'exception de Force ouvrière, et de la position identique exprimée par l'ensemble des partis politiques représentés sur ces bancs – ont été unanimes pour dire que cette question était fondamentale pour préserver l'emploi en France. De la même façon que les Allemands sont capables de le faire, avec la participation des salariés à la détermination de la stratégie des entreprises, il faut que les employeurs et les salariés se mettent d'accord pour affirmer que la priorité absolue, au sein des entreprises industrielles, est de maintenir l'emploi en France.
Le projet de loi va d'ailleurs beaucoup plus loin car il prévoit la participation des salariés aux stratégies de leur entreprise, pour celles d'entre elles qui sont dépourvues de conseil d'administration, et institue ce faisant une nouvelle procédure d'information et de consultation, des droits à l'expertise permettant d'analyser la stratégie de l'entreprise et de faire des contre-propositions précises, ainsi que l'obligation pour les entreprises d'y répondre.
Troisième et dernier point : l'engagement 25 de François Hollande a pour objet de lutter contre la précarité par la taxation des emplois précaires. Monsieur Chassaigne, je sais que vous partagez cette position : le programme de votre formation politique, que j'ai relu cette nuit, préconise les principes de la modulation et du bonus-malus sur les cotisations sociales, afin de favoriser l'augmentation de la masse salariale et de lutter contre les emplois précaires.
Nous irons plus loin puisqu'un amendement que je proposerai avec mes camarades du groupe socialiste aura pour objet de mettre en place des négociations collectives permettant, au-delà du bâton de la taxation des emplois précaires, l'examen, atelier par atelier, service par service, de la façon dont on peut remplacer chaque CDD par un CDI.
La lutte contre la précarité consiste aussi à armer les salariés de formations solides afin qu'ils puissent progresser et rebondir en cas de difficultés professionnelles : c'est l'objet de la création du compte personnel de formation, fruit d'un combat de vingt ans du parti socialiste, qui trouvera sa traduction dans ce texte. Il conviendra bien sûr d'abonder ces comptes, afin de rendre possible, en particulier, le droit à la formation initiale différée, belle idée consistant à permettre à une personne ayant tôt arrêté l'école de la reprendre ultérieurement pour s'armer d'un bagage de formation.
Il s'agit enfin – cela ne figurait pas dans notre programme, mais il y a tout lieu de s'en réjouir – de permettre à chacun de bénéficier d'une complémentaire « santé », en construisant une sorte d'« Obama » complémentaire à la française, de nature collective. J'ai déjà mentionné le débat qui nous opposait à la droite sur cette question.
Telles sont les deux questions que vous avez soulevées, monsieur le député, avec vos collègues : la conformité du texte à nos engagements internationaux – j'ai commencé de vous répondre sur cette question juridique mais nous en approfondirons évidemment l'examen – et le respect de nos engagements politiques. À cet égard, je suis profondément convaincu que grâce au travail effectué par Michel Sapin dans ce projet de loi et à celui que nous allons, je l'espère, fournir ensemble dans le prolongement de ce premier texte, nous serons fidèles à l'engagement que nous avons pris devant les Français et qui nous a conduits à assumer les responsabilités dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, c'est bien entendu avec humilité et respect pour chacun des trente-sept orateurs qui ont pris la parole dans la soirée d'hier que je répondrai, puisque je n'ai pu le faire hier dans la continuité de la discussion générale. Intervenir à présent, après la réponse déjà extrêmement complète du rapporteur, me semble parfaitement normal et en tous les cas respectueux des orateurs qui se sont exprimés sur tous les bancs de cet hémicycle. Je le répète, ils étaient trente-sept, ce qui n'est pas un petit nombre.
La qualité du texte qui vous est présenté – elle peut être discutée par les uns et les autres – est de couvrir beaucoup de champs à la fois. Je disais hier dans mon intervention que c'est une très grande différence avec la manière dont nos amis allemands ont agi voilà quelques années sur le marché du travail.
Ils n'avaient alors considéré qu'un seul aspect : la capacité des entreprises à s'adapter. Ils avaient laissé le champ libre au développement de la précarité. D'ailleurs, comme le montre le débat électoral qui a lieu en Allemagne, les uns et les autres – et plus d'un côté de l'échiquier politique que de l'autre – essaient de faire des propositions pour lutter contre cette précarité.
C'est ce que nous avons voulu éviter ; c'est pourquoi, avec les partenaires sociaux, nous avons choisi de permettre aux entreprises de s'adapter en respectant les droits des salariés et, dans le même temps, de lutter contre toutes les formes de précarité. Cela différencie notre texte de certaines propositions, que j'ai qualifiées hier de big bang social et libéral. Certains se sont reconnus dans ce terme, mais il est vrai que tous ne se réclament pas de cette stratégie ou de ce concept.
J'en entends toutefois beaucoup dans cet hémicycle ou à l'extérieur de celui-ci défendre l'idée selon laquelle moins il y aurait de règles et de contraintes pour les entreprises, mieux ce serait. C'est faux, car la réponse à donner tient dans la capacité d'adaptation des entreprises, qui doit en même temps permettre de lutter contre toutes les précarités.
Quand on présente un texte qui couvre ainsi un nombre de dispositions considérable, c'est d'ailleurs ce qui fait son caractère…
Je ne débattrai pas pour savoir s'il est historique ou non. Monsieur le député, à l'instar de certains de vos collègues, ma première formation est celle d'historien ; je connais donc l'humilité que l'on doit avoir vis-à-vis de l'histoire.
Il n'est cependant pas inconvenant de dire que c'est la première fois depuis des dizaines d'années que vous est présenté un texte contenant autant de dispositions relatives à une telle variété de champs. D'autres textes ont été élaborés sur le sujet – vous avez parlé de treize ou quatorze textes – mais ils procédaient point par point. Le présent texte embrasse l'ensemble de ces points ; c'est là ce qui le caractérise, c'est d'ailleurs ce qui fait son équilibre.
C'est sa qualité, mais c'est aussi ce qui implique qu'il est difficile de répondre à la discussion générale. Trente-sept interventions, ce sont en effet potentiellement trente-sept sujets différents dont nous aurons à débattre, article par article, amendement par amendement. Si M. le rapporteur a déjà apporté quelques éléments d'appréciation et de réponse, c'est bien le débat d'articles qui, sur de nombreux points, nous permettra aux uns comme aux autres d'apporter les précisions nécessaires.
Certaines dispositions du texte sont extrêmement techniques : les dispositions de caractère juridique, celles qui concernent le fonctionnement des entreprises ou celles qui sont inscrites par exemple à l'article 1er et concernent l'ensemble des dispositifs de protection de la santé. En effet, s'interroger sur une complémentaire « santé » implique nécessairement d'examiner plus largement le dispositif général, un complément étant par définition – les mots ont leur signification – adossé à un dispositif principal. Par conséquent, je ne peux répondre dans l'immédiat à toutes les questions – toujours pertinentes – qui m'ont été posées. Je ne suis d'ailleurs pas nécessairement en accord avec leurs auteurs.
Je soulignerai seulement deux ou trois points généraux parmi ceux qui ont été abordés.
Tout d'abord, comme pour tout texte, des questions de constitutionnalité ou de conventionalité se posent. La demande a été portée par Mme Fraysse par l'intermédiaire de ce qu'on appelait naguère l'exception d'irrecevabilité : la question préalable. Et c'est parfaitement légitime, d'autant plus que je me suis moi-même posé ces questions. On n'écrit pas une loi sans se poser la question fondamentale de savoir si elle est conforme à la Constitution.
La réponse a été plus ou moins juste, mais je me suis évidemment posé ces questions.
Cela vous est arrivé de vous tromper ! Oui, vous aussi, monsieur Morin, et le sourire que vous arborez et qui vous va très bien le démontre – je peux d'autant faire ce compliment que cela n'ira pas plus loin ! (Sourires.)
Nous nous sommes donc interrogés sur la constitutionnalité du présent projet de loi et le Conseil d'État a exprimé un avis clair et précis sur le sujet. Ainsi que je l'affirmais hier, la question de la conventionalité de la future loi et du respect des engagements internationaux de la France nous tient profondément à coeur, en particulier parce qu'il s'agit du droit du travail. Ce souci a été au coeur du combat qu'a mené la France dès la création du Bureau international du travail et de l'Organisation internationale du travail : faire en sorte que des règles émanant de notre propre droit social deviennent universelles et qu'elles soient respectées à l'échelle internationale, dans tous les pays. C'est ce minimum qui doit être respecté. C'est le sens du travail que j'ai effectué et sur lequel nous aurons à nous pencher, chacun avec ses arguments. Je pense avoir répondu aux préoccupations qui ont été exprimées dans ce domaine-là point par point, en m'appuyant sur l'avis du Conseil d'État.
Ensuite, une question nous a été posée au sujet du rôle du Parlement dans l'élaboration d'un texte qui, je le répéterai sans relâche, est issu d'un accord entre partenaires sociaux. Mais cela ne signifie pas que l'accord a été simplement photocopié ou recopié par un greffier ! Par définition, l'écriture de la loi n'est pas l'écriture de l'accord. Je vous propose d'ailleurs de bien regarder ce dernier : vous vous apercevrez évidemment qu'il n'est pas écrit en langage juridique.
Il a des conséquences juridiques, pour nous comme pour les partenaires sociaux, mais son style n'est pas celui du langage juridique. Cette traduction, c'est le travail que nous avons à faire ensemble : puisqu'il s'agit d'un projet de loi, c'est d'abord au Gouvernement qu'il appartient de l'écrire, le mieux possible, puis au Parlement, bien entendu, de contribuer – souverainement, car c'est pleinement son rôle – à sa qualité, éventuellement en le modifiant.
Cette question a néanmoins été posée, parfois avec force, pour ne pas dire avec violence, en tous les cas avec vitupération : le Parlement a-t-il un rôle à jouer ? Évidemment ! D'ailleurs, parmi ceux qui se sont exprimés, beaucoup n'ont pas donné à l'avance la nature de leur vote – il y en a de ce côté-ci comme de ce côté-là – et m'ont dit qu'ils attendaient le débat, ce qui prouve que celui-ci a une certaine importance. Mesdames, messieurs les députés, puisque plusieurs d'entre vous souhaitent attendre de voir quels seront les amendements déposés légitimement et adoptés de ce côté-ci ou de ce côté-là pour se prononcer en conscience, le Parlement joue bien son rôle.
Je souhaite également revenir sur un point que j'ai abordé hier, et le faire face à ceux qui nous parlent d'une inversion des normes. Certains nous le demandent parfois ; un amendement sera d'ailleurs peut-être déposé en vue de rendre le contrat supérieur à la loi ou de permettre que celui-ci déroge à celle-là.
Pour être, monsieur Chassaigne, attentif à l'histoire sociale, je l'ai entendu il y a une vingtaine d'années de la part parfois des organisations syndicales elles-mêmes. J'en ai parlé avec elles, ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, il y a une unanimité. Pour ma part, je n'ai jamais changé d'avis sur ce point. J'ai été législateur suffisamment longtemps. Je sais que la France s'est construite autour du droit et que le droit émane de la loi.
C'est ainsi fait.
D'autres cultures existent – je ne souhaite pas être trop long dans ma réponse,…
…mais la discussion générale d'hier ayant été riche, elle m'autorise à répondre de manière précise. Je parlais il y a quelques semaines avec mon homologue de Hollande (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) – on peut avoir des noms de pays comme on peut avoir des noms d'arbre, ou même d'animal aquatique, cela n'empêche pas d'exister ! (Sourires.) Cet homologue néerlandais est issu de la gauche ; c'est même un ancien responsable syndical. Il me mettait en garde contre la fixation de normes dans ce domaine-là, en l'occurrence à l'échelle européenne, car aux Pays-Bas l'autonomie des partenaires sociaux est absolue : certaines règles ne peuvent être fixées que par les partenaires sociaux.
Je respecte ce fonctionnement. Les Néerlandais se sont construits ainsi, à l'instar d'ailleurs des Allemands, dont les principes s'appliquent toutefois moins brutalement que je ne viens de l'exprimer. Mais ce n'est pas comme cela en France : nous avons construit la République et érigé le code du travail différemment. En tant que ministre du travail, je suis le garant du code du travail, tout comme le ministre de la santé est garant du code de la santé. C'est mon code et j'y tiens ! Je considère que c'est un élément absolument décisif de protection, bien sûr, mais aussi d'organisation des rapports au sein du monde du travail et en particulier dans les entreprises.
La loi est donc bien la norme suprême et il n'est pas question d'inverser la hiérarchie des normes. Si nous constitutionnalisons la procédure – puisqu'il s'agit d'une procédure – qui consiste à ce que les partenaires sociaux négocient et, éventuellement, aboutissent à un accord, préalablement à la discussion d'un texte de loi, cela ne constituera pas une négation de la loi mais une préparation de celle-ci. Certaines interprétations qui ont pu être données ici ne vont pas dans ce sens, mais je vous assure – je le dis avec conviction mais en m'appuyant aussi sur le droit – que c'est ainsi que nous travaillons et que nous légiférons aujourd'hui.
Enfin, je terminerai sur un point que nous avons peut-être abordé extrêmement rapidement au cours des réponses données à certaines des questions posées cette après-midi pendant la séance de questions au Gouvernement. Je partage l'idée selon laquelle le droit, en particulier le code du travail, est là pour protéger le plus faible par rapport au plus fort.
C'est le principe même du droit. Car, en effet, la liberté peut parfois opprimer.
Nos amis communistes ne pensent pas cela ! Le marxisme ne pense pas cela !
L'édifice du droit du travail s'est construit pendant tout le XIXe siècle – nos prédécesseurs ici ont participé à cette oeuvre – autour du principe que la loi doit pouvoir protéger le plus faible. C'est ce que nous faisons. Et lorsque nous mettons en oeuvre des règles dans le droit du travail, c'est parce que nous savons que le salarié seul face au patron seul est en situation de faiblesse.
Mesdames, messieurs les députés, que visent de nombreuses dispositions de ce projet de loi ? elles visent à faire en sorte que le salarié ne soit pas seul et que ses représentants, les organisations syndicales, aient des droits, des pouvoirs, des devoirs et la capacité de peser fortement. Le salarié n'est pas isolé, il agit avec d'autres salariés. C'est pour cette raison que le présent texte – j'espère que tous dans cet hémicycle vous serez de cet avis – rend hommage à l'action syndicale. Et il le fait parce qu'il tire effectivement tous les enseignements des lois Auroux, à l'élaboration desquelles certains ou certaines d'entre nous ont participé.
Ce texte n'est donc pas un effet de manche, il n'est pas une manière de tordre la réalité : il est effectivement le fils ou le petit-fils des lois Auroux. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Sans les lois Auroux, il n'y aurait pas eu ce texte, parce que sans les lois Auroux, il n'y aurait pas de représentants des organisations syndicales dans l'entreprise, il n'y aurait pas la capacité de discuter et de négocier dans l'entreprise. Aujourd'hui, cette capacité existe, et elle sera utilisée. Nous donnons de la force, du pouvoir pour peser sur les décisions. C'est pour cela que les salariés seront défendus : ils seront défendus par eux-mêmes et parce qu'ils seront rassemblés dans des organisations syndicales.
De surcroît, celles-ci respectent des procédures que vous avez souhaité mettre en place, hommage vous soit rendu. Nous nous sommes abstenus, l'abstention pouvant être – vous le savez, et peut-être le prouverez-vous – une forme de soutien.
Nous avons souhaité, nous aussi, que la représentativité des organisations syndicales soit fondée sur un vote de l'ensemble des salariés, dans l'ensemble des entreprises. Tous ont pu voter, y compris les salariés isolés dans les très petites entreprises. Les résultats sont désormais connus ; nous savons quelles sont les forces en présence et quelle est leur représentativité. Il n'y a plus de discussion possible. La légitimité n'est pas tombée du haut ; elle provient du bas, grâce au suffrage de l'ensemble des salariés.
C'est à ces organisations syndicales que nous faisons confiance. Ce texte est un acte de confiance et c'est en cela qu'il est un grand texte, un texte de progrès.
Les organisations syndicales sont libres, elles peuvent choisir, elles peuvent peser, elles peuvent conclure des accords. Par la négociation, par la discussion, elles permettront de faire en sorte que les entreprises fonctionnent mieux – c'est là aussi l'intérêt des salariés – tout en protégeant ces derniers collectivement afin d'éviter qu'individuellement ils se trouvent en situation de faiblesse.
C'est le coeur des choses. Nous pouvons être en désaccord, avoir une appréciation légèrement différente. Mais ne me dites pas que vous ne croyez pas au fait syndical et à la force syndicale ! Ne me dites pas que ces nombreux combats, auxquels nous avons tous participé, pour que le fait syndical devienne réalité, étaient vains ! Tel est le sujet qui nous anime aujourd'hui, il est au coeur de ce texte, au coeur de notre confiance dans la démocratie sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi.
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, portant article additionnel avant l'article premier.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 4990 .
La multiplication des licenciements spéculatifs, abusifs, boursiers, ainsi que les pratiques de certains dirigeants, qui ne conçoivent leurs entreprises que comme des structures destinées à accroître leur richesse personnelle ou celle de leurs actionnaires, imposent que les législateurs que nous sommes apportent une précision sur l'utilité sociale et collective des entreprises.
Il s'agit par cet amendement de rééquilibrer dans la loi l'application des principes fondamentaux que sont la liberté d'entreprendre et le droit pour chacun d'obtenir un emploi, en précisant les finalités de l'activité économique.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel vise à l'équilibre entre deux principes antagonistes ayant la même valeur juridique, la liberté d'entreprendre et le droit à l'emploi. En l'occurrence, ces deux principes ont valeur constitutionnelle et toutes les normes inférieures doivent s'y conformer.
Le rôle du Conseil est de veiller au respect de la hiérarchie des normes en contrôlant la conformité des lois à la Constitution. Or les normes de référence de ce contrôle sont nombreuses, hétérogènes et surtout élastiques. On assiste en effet, depuis la célèbre décision « Liberté d'association » du 16 juillet 1971, à une extension du domaine de la Constitution, au point que l'on parle désormais de « bloc de constitutionnalité ». S'ajoutent désormais aux 89 articles du texte de la Constitution de 1958 les dix-sept articles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen votée par l'Assemblée constituante le 26 août 1789, et le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Celui-ci expose les principes politiques, économiques et sociaux considérés comme particulièrement nécessaires à notre temps et réaffirme les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », sans toutefois les énoncer.
Je saisis cette occasion pour répondre au ministre sur la hiérarchie des normes. Le droit du travail s'est construit historiquement comme un droit protecteur pour le salarié, afin de compenser l'inégalité qui résulte du lien de subordination de celui-ci vis-à-vis de son employeur.
1936 et le Front populaire ont consacré le principe de faveur, qui veut que, pour le salarié, l'accord collectif soit plus favorable que la loi, l'accord de branche plus favorable que l'accord collectif, et l'accord d'entreprise plus favorable que l'accord de branche. Ce principe a commencé d'être écorné dans les années 1980.
Ce que nous reprochons à ce texte, monsieur le ministre, c'est d'inscrire dans la loi la possibilité qu'un accord d'entreprise, notamment au travers des accords de maintien de l'emploi, prévoie des mesures qui soient plus défavorables que les normes supérieures. La précarisation du contrat de travail en découlerait, puisque les modalités conclues lors de la signature pourraient être modifiées, au détriment du salarié, à la suite d'un accord collectif conclu au niveau de l'entreprise. Cela est extrêmement grave.
L'amendement, monsieur le président, est défendu.
Sur cette série d'amendements identiques, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 4995 .
Force est de constater, au regard de la jurisprudence constitutionnelle, que le Conseil donne la primauté à la liberté d'entreprendre en préférant toujours un dispositif libéral plutôt que social.
Ainsi, dans sa décision du 12 janvier 2002, il censure la nouvelle définition du licenciement économique, considérant qu'elle porte une atteinte manifestement excessive à la liberté d'entreprendre.
A contrario, il ne censure pas pour atteintes excessives au « droit de chacun d'obtenir un emploi », consacré par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946, la liberté donnée à l'employeur de licencier, à tout moment pendant deux ans et sans motif, un jeune de moins de vingt-cinq ans recruté par un contrat première embauche – un CPE.
De même, si le Conseil a fait découler du droit à l'emploi le droit au reclassement des salariés licenciés dans sa décision du 13 janvier 2005, il laisse à l'employeur la possibilité de compléter la liste des hypothèses où cette réintégration est possible.
Enfin, dans sa décision du 6 août 2009, le Conseil refuse de reconnaître la valeur constitutionnelle du principe de repos dominical, en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. Mais il reconnaît dans cette même décision la valeur constitutionnelle du principe de repos hebdomadaire, sur le fondement de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 qui « garantit à tous […] le repos et les loisirs. »
Le législateur doit apporter une précision sur l'utilité sociale et collective des entreprises.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel pose la question de la compatibilité entre le caractère social et le caractère libéral de notre République.
Or paradoxalement, si une seule clause du bloc de constitutionnalité consacre indirectement la liberté d'entreprendre, plusieurs dispositions protègent et constitutionnalisent nos droits sociaux, au point que l'on peut évoquer un véritable droit constitutionnel social.
L'article 1er de la Constitution de 1958 affirme, je le rappelle, le caractère social de la République. Si la Déclaration de 1789 est muette pour ce qui est de la reconnaissance des droits sociaux, l'article 21 de la Déclaration qui précède la Constitution montagnarde du 24 juin 1793 – la première République –, précise que « les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler. » La deuxième République renouera avec sa devancière à l'article 8 du préambule de la Constitution de 1848 : « La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l'instruction indispensable à tous les hommes : elle doit par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler. ». Avec l'article 3 du préambule de la Constitution de 1848, le travail est l'une des bases de la République française avec la famille, la propriété et l'ordre public.
Je poursuis cet exposé historique, qui vise à souligner tout l'intérêt qu'il y a d'inscrire dans le code du travail cette disposition sur l'utilité sociale des entreprises.
La Constitution du 19 avril 1946 renouera avec la tradition républicaine de la proclamation constitutionnelle des principes économiques et sociaux. Ce texte consacre à ces droits un titre particulier et 18 articles. À la suite de l'échec du référendum constituant du 5 mai 1946, ces principes firent l'objet d'une synthèse et furent intégrés au préambule de la nouvelle Constitution qui instaure la Quatrième République.
C'est ce dernier texte qui constitutionnalise aujourd'hui certains principes essentiels de notre droit social. Les obligations sociales du préambule de 1946 imposent en particulier l'existence de conditions particulières en matière de licenciement.
L'exigence du respect d'un minimum social constitutionnel doit être une limite apportée au principe d'autonomie de la volonté – en l'occurrence, la liberté d'entreprendre. L'une des limites à ce principe réside dans les règles particulières, reconnues conformes à la Constitution, qui régissent les licenciements des salariés.
Dans le même sens, le Conseil constitutionnel considère dans sa décision du 28 mai 1983 que le premier droit d'un travailleur est celui d'obtenir un emploi : « Il appartient au législateur de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi en vue de permettre l'exercice de ce droit au plus grand nombre possible d'intéressés. »
Néanmoins, la prudence de la formulation révèle que ce droit n'est pas un droit au plein-emploi permanent.
Pour finir, une jurisprudence particulièrement intéressante en dépit de la décision susvisée du 12 janvier 2002 : dans sa décision du 10 juin 1998, le Conseil admet en effet que « dans le contexte actuel du marché du travail », la réduction de la durée du travail décidée par le législateur n'est pas manifestement inappropriée à l'objectif de sauvegarde du droit à l'emploi, d'autant, précise le juge constitutionnel, que le sacrifice ainsi imposé à la liberté d'entreprendre est compensé par l'attribution aux entreprises de nombreuses aides financières.
Cette solution sera d'ailleurs confirmée par la décision du 13 janvier 2000, dans laquelle le Conseil constitutionnel juge qu'« en portant à 35 heures la durée légale du travail effectif, le législateur a entendu s'inscrire dans le cadre des cinquième et onzième alinéas du préambule de 1946. »
En conséquence, le Conseil considère que le législateur était fondé à limiter la liberté d'entreprendre, en particulier le pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur, en subordonnant l'octroi de l'allègement de cotisations sociales à la signature d'un accord collectif sur la réduction du temps de travail.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 4999 .
Nous avons décliné la défense de nos amendements identiques afin de pouvoir aller au fond des choses.
Compte tenu de ce qui vient d'être explicité par mes collègues, si le contexte du marché du travail justifiait en 1998, puis en 2000, une limitation de la liberté d'entreprendre, la crise économique sans précédent que nous connaissons aujourd'hui autorise a fortiori le législateur à encadrer les licenciements, afin de préserver le caractère social de la République inscrit à l'article 1er de notre Constitution.
Au surplus, l'argument avancé par les juges constitutionnels en 1998 – selon lequel le sacrifice ainsi imposé à la liberté d'entreprendre est compensé par l'attribution aux entreprises de nombreuses aides financières – est d'autant plus justifié aujourd'hui avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, qui réduit la contribution fiscale des entreprises de 20 milliards sur trois ans.
Enfin, il serait opportun et même légitime, dans un contexte de violence et de souffrance sociales liées à la propagation de l'idéologie managériale dans le monde du travail, de faire référence au principe de « dignité humaine », que le Conseil constitutionnel a érigé au rang de principe constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994.
Dès lors, il ne serait pas incongru de prévoir à l'article 1er du code du travail que l'activité économique des entreprises de production de biens ou de services, qu'elles soient privées ou publiques, à but lucratif ou non, a pour finalités le bien-être des producteurs, la sécurité de l'emploi et de la formation, la satisfaction des besoins des citoyens, la préservation de l'environnement, et que les choix de gestion des entreprises sont guidés par ces buts, qui priment sur toute autre considération.
Tel est le sens du présent amendement, que nous vous invitons à adopter.
Ces amendements soulèvent un débat important, celui de l'équilibre, dans la Constitution, entre la liberté d'entreprendre et le droit à l'emploi – la même question se pose d'ailleurs pour le droit au logement.
Je considère pour ma part que cet équilibre n'est pas parfait. Nous nous en sommes rendus compte à l'occasion de l'élaboration de la loi de modernisation sociale en 2001, dans laquelle nous avions tenté de redéfinir la notion de licenciement pour motif économique, provoquant la censure du Conseil constitutionnel, au nom de la liberté d'entreprendre.
En travaillant sur ce texte, nous nous sommes ainsi demandé si l'administration devait refuser un licenciement sans motif économique. En adoptant la disposition proposée, je crains cependant que nous ne nous heurtions à la liberté d'entreprendre.
Même si nous partageons intellectuellement la définition que vous proposez de l'entreprise et de ses buts ultimes, cela implique une modification de la Constitution, et inscrire un tel principe dans l'article L. 1A du code du travail n'aurait aucune portée pratique, de même qu'il était superfétatoire – et je m'en excuse auprès de ceux qui la vénèrent – d'avoir inscrit la loi Larcher dans l'article L. 1A, puisque ce qu'une loi fait, une autre loi le défait. Tant que nous n'inscrirons pas dans notre Constitution le principe selon lequel la négociation sociale précède et inspire la loi sociale, cette proposition n'aura aucune portée juridique.
C'est la raison pour laquelle, même si je suis en accord avec les propos tenus pour défendre ces amendements, j'émets un avis défavorable.
Le rapporteur a fort bien montré l'importance de ce débat. Ce faisant, il a répondu au fond ; je m'en tiendrai pour ma part au plan juridique.
Il s'agit bien d'un débat constitutionnel – ce qui n'est certes pas sans vertu – et les références abondantes, précises et fort éclairantes que les auteurs des amendements ont fait à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en sont d'ailleurs la preuve. Il ne s'agit donc pas d'un débat législatif et, comme vient de le dire le rapporteur, adopterions-nous cette disposition qu'elle n'aurait aucun effet. Or vous n'êtes pas, vous-même, monsieur Chassaigne, et vos collègues, dans la posture ou l'affichage ; vous êtes là pour que les choses changent en profondeur. Mais il faudrait pour cela modifier la Constitution : alors que vous vous y êtes référé pour défendre vos amendements, ceux-ci risquent d'être contraires aux dispositions constitutionnelles !
Le jour venu, nous aurons peut-être ce débat constitutionnel, mais, malgré le respect que j'ai pour vos arguments, il ne me paraît pas pour l'heure opportun d'adopter ces amendements.
Depuis le début de cette séance, nous assistons à un tête-à-tête singulier et sympathique entre le Gouvernement et le rapporteur, d'une part, qui font preuve d'une indulgence extraordinaire, et les communistes, d'autre part, qui ont créé un incident de séance…
…et viennent d'entamer le travail d'obstruction, auquel nous devrions avoir droit pendant plusieurs jours.
Je note d'ailleurs, chers collègues communistes, que vous n'êtes que six sur dix, alors que nous n'en sommes qu'au premier amendement. Attention à pouvoir soutenir le rythme !
En tout cas, j'ignore si vous avez soulevé un vrai débat, mais ce qui est sûr, c'est que l'amendement que vous avez été six à défendre est très mal rédigé.
La finalité de l'activité économique des entreprises, c'est la satisfaction des besoins des citoyens, et tout ce que vous appelez « le bien-être des producteurs » – ce qui correspond, j'imagine, à la rémunération des capitalistes –, ainsi que « la sécurité de l'emploi et de la formation », le tout devant se faire dans « la préservation de l'environnement », n'est que la conséquence. Faire de tous ces éléments la finalité de l'activité économique est donc un peu sommaire.
M. Dord m'apprend donc que le fait de demander une réponse du ministre et du rapporteur à l'issue de la discussion générale constitue un incident de séance ! Cela témoigne bien de la manière dont vous considérez notre rôle, cher collègue, et je prends acte du fait que vous estimez que le ministre et le rapporteur ne doivent pas répondre après une discussion générale.
Notre stratégie ne consiste nullement à faire de l'obstruction.
Si la totalité des députés du front de gauche sont inscrits dans la discussion, c'est pour que chacun puisse prendre part au débat, selon qu'il est présent ou non dans l'hémicycle, pour approfondir la discussion en la nourrissant d'éléments que les deux minutes octroyées à chacun ne suffisent pas pour développer. Nous accuser d'obstruction est donc nous faire un procès que je n'accepte pas, car il revient à nier la qualité du travail parlementaire.
Pour en revenir à notre amendement, combien de fois, chers collègues de droite, nous avez-vous vanté les capitaines d'industrie qui animaient l'économie de nos territoires, leur attachement aux populations locales, à des productions de qualité et au patrimoine du lieu où ils vivaient ? Or aujourd'hui – et vous le reconnaissez vous-même –, nous sommes pris au piège de l'économie financiarisée ! Notre amendement a tout simplement pour objectif de rappeler que la vocation économique d'une entreprise, ce n'est pas la financiarisation mais ce que je résumerai par deux idées : l'humain et le respect de nos territoires et de la nature.
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 396 .
Nous proposons par cet amendement d'ajouter avant l'article 1er du texte l'alinéa suivant : « La Nation garantit à toutes et à tous, conformément aux principes dégagés dans le programme du Conseil national de la Résistance, l'accès aux soins. »
Si nous tenons à cette précision, c'est que nous ne partageons pas l'appréciation du Gouvernement, qui présente l'article 1er comme une avancée pour les salariés. Nous considérons au contraire qu'il s'inscrit dans la continuité des politiques de déstabilisation et de fragilisation de la sécurité sociale menées depuis des années.
En effet, l'article 1er qui, selon l'exposé des motifs, organise « la généralisation de la couverture complémentaire collective » est en réalité un leurre puisque ce qui est à l'ordre du jour, compte tenu des inégalités d'accès devant la santé, ce n'est pas le renforcement du système complémentaire – qui est de toute façon profondément inégalitaire et qui ne concernera d'ailleurs que les salariés, excluant les salariés privés d'emploi depuis longtemps, les étudiants et les retraités.
Pour instaurer une véritable égalité dans l'accès aux soins, il convient selon nous de porter à 100 % des dépenses de santé la prise en charge par la sécurité sociale de base, car la santé, c'est essentiel.
Nous enverrions un signal fort en adoptant aujourd'hui un amendement qui réaffirme très clairement les valeurs de la sécurité sociale, telles qu'elles ont été exprimées par le Conseil national de la Résistance dans son programme.
Outre le fait que ces valeurs ont démontré, au fil du temps, leur efficacité, elles n'ont jamais été aussi essentielles, compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent, hélas, beaucoup de nos concitoyens. Faut-il rappeler en effet que, selon une enquête d'opinion qui remonte à l'année dernière, ou à dix-huit mois tout au plus, 30 % de nos concitoyens avouaient avoir renoncé à se soigner faute de moyens ?
Il est donc très important de rappeler ici les principes qui doivent nous guider. La solidarité d'abord : chacun contribue selon ses moyens pour recevoir selon ses besoins ; l'universalité ensuite : personne ne peut être exclu du bénéfice des droits ouverts à la sécurité sociale, dans la mesure où son financement est assuré par la mutualisation d'une partie des richesses produites par la nation ; l'égalité enfin : la nation assure à chacun le droit à la santé, ce qui implique qu'il n'y ait pas de différence de prise en charge entre assurés sociaux, et oeuvre à atteindre l'objectif d'une prise en charge à 100 % des dépenses de santé.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 401 .
L'introduction de cet amendement en préambule du projet de loi socialement régressif dont nous commençons à débattre ne relève ni d'un caprice ni d'une lubie.
Les grands principes de solidarité, d'universalité et d'égalité qui viennent d'être rappelés sont, dans notre système de protection sociale, intimement liés à la notion de sécurisation comme à celle d'emploi, en ceci que le travail est la garantie de la pérennité de la sécurité sociale autant que cette dernière prémunit nos concitoyens contre la mauvaise fortune.
Il n'est donc pas incongru de réaffirmer la responsabilité de l'État comme garant de l'accès aux soins, contre le projet d'extension de la complémentaire « santé » de l'article 1er, dont nous demandons la suppression.
Contrairement à l'enrobage que vous en faites, nous ne sommes pas en face d'un progrès social, qui serait d'ailleurs d'une ampleur toute relative, mais bien confrontés à une régression, portée, qui plus est, par un gouvernement socialiste !
Cela ne nous étonne qu'à moitié : nous avons récemment dénoncé les dangers que comportait la proposition de loi de notre collègue Bruno Le Roux qui visait à permettre aux mutuelles de constituer des réseaux de soins. Ce projet, en son article 1er, en est complémentaire, si je puis ainsi m'exprimer.
Il est donc indispensable pour les députés du front de gauche, comme cela devrait l'être pour tout député dit de gauche, de poser ce principe plutôt que d'acter dans cette loi un recul sans précédent, et de porter avec elle un coup qui, à moyen terme, sera fatal à la sécurité sociale.
Sans revenir sur ce qui vient d'être développé – nous aurons l'occasion d'en reparler à propos de l'article 1er –, il me semble important de souligner à nouveau, s'il en est besoin et afin de vous convaincre définitivement de l'adopter, que cet amendement n'est que la réaffirmation un peu plus précise d'un principe constitutionnel.
Nous comprenons que l'opposition soit vent debout contre ce principe. Cette attitude est normale car les forces réactionnaires ont toujours été très virulentes contre la logique même de la sécurité sociale. Nous ne comprendrions pas en revanche que l'unanimité ne se fasse pas sur les bancs de la majorité. Être de gauche, ce n'est pas porter l'estocade à la sécurité sociale.
Être de gauche, c'est au contraire travailler à renforcer son caractère universel. Il n'y a là ni posture politique, ni affichage,…
Je voudrais revenir sur la réponse que m'a apportée M. le ministre lors de la séance des questions au Gouvernement : il a oublié un point essentiel de ma question, celui de la prégnance de la finance dans notre monde. Cet amendement en serait justement l'outil. La sécurité sociale est mangée par les appétits financiers des assurances,…
…et les mutuelles qui se regroupent deviennent parfois de grosses machines qui ne sont pas forcément les mieux à même d'assurer la complémentaire santé.
Nous voulons sincèrement faire progresser le régime général. Nous sommes aujourd'hui dans le schéma inverse puisque année après année les mutuelles prennent de plus en plus de place dans le régime de couverture alors que le régime général de la sécurité sociale recule, ce qui est inacceptable. C'est cette tendance que nous voulons inverser grâce à notre amendement.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 405 .
Rappelons à mes collègues un moment de l'histoire. Alors que la France est sortie de la deuxième guerre mondiale ruinée économiquement, cassée socialement,…
…ravagée moralement, cette France a su mettre en oeuvre le très beau programme du Conseil national de la résistance. Ce programme s'est construit dans les lieux de résistance, dans les maquis,…
…avec des républicains dont certains avaient en effet choisi de suivre le général de Gaulle à Londres, mais dont d'autres étaient restés sur notre sol. Quelles que soient leurs sensibilités politiques, ils ont su se retrouver pour notre pays, la France, et pour ce beau programme du Conseil national de la résistance. Or ce programme contenait un élément déterminant : l'accès de tous aux soins.
Aujourd'hui, à l'heure où nous regrettons tous la montée du populisme, où nos concitoyens ne croient plus en la parole politique,…
…où ils sont en proie au découragement, où ils sont confrontés à des situations difficiles sur des territoires ruraux qui perdent leurs hôpitaux, il serait de notre dignité de reprendre haut et fort les principes déterminants et fondamentaux du conseil national de la résistance, dont celui de l'accès aux soins. Ce serait ainsi un signal fort, un signal républicain que de l'inscrire dans ce texte de loi.
Nous voici ramenés au débat précédent. Nous ne pouvons qu'être d'accord sur le fond mais vous faites là allusion, chers collègues, à un principe à valeur constitutionnelle puisque l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Nous pourrions inscrire le principe de la garantie de l'accès aux soins dans la loi, mais il me semble préférable de lui conserver sa valeur constitutionnelle, qui est plus forte. Avis défavorable.
Nous sommes évidemment tous attachés aux principes qui fondent notre sécurité sociale, en particulier l'assurance maladie. Ces principes sont ceux qui font vivre notre système de protection solidaire depuis des décennies, mais soulignons tout de même que des avancées ont été réalisées depuis 1945. La protection aujourd'hui apportée à nos concitoyens est de meilleure qualité qu'en 1945 ne serait-ce que par l'extension progressive des droits et la conquête importante apportée par la couverture maladie universelle et la couverture maladie universelle complémentaire.
Pour autant, à aucun moment de notre histoire depuis 1945, l'assurance maladie obligatoire n'a permis à elle seule de prendre en charge la totalité des frais de santé de nos concitoyens. Des organismes complémentaires se sont par conséquent développés, notamment pour gérer des situations que l'assurance maladie prend malheureusement mal en charge, comme les soins optiques ou les soins dentaires. Je vous le réaffirme : le Gouvernement a la volonté non seulement de consolider l'assurance maladie obligatoire mais également l'ensemble des mécanismes de solidarité qui permettent à tous nos concitoyens d'être mieux pris en charge. Précisément parce qu'il n'est pas acceptable qu'un nombre important d'entre eux renoncent à des soins pour des raisons financières, des décisions ont d'ores et déjà été prises, en particulier la régulation des dépassements d'honoraires dont l'objectif principal est de recentrer sur une prise en charge par l'assurance maladie obligatoire les frais de santé. Il s'agit d'encadrer les dépassements qui, eux, ne sont pas systématiquement pris en charge par l'assurance complémentaire.
L'enjeu aujourd'hui est de savoir si nous régulons aussi le champ des organismes complémentaires ou si nous laissons la concurrence jouer librement entre eux, tirant dans un sens ou dans l'autre et laissant les Français vulnérables face à ce qui est tout simplement une concurrence de marché. Les Français ont aujourd'hui besoin d'une couverture complémentaire pour faire face à certains risques. Or, la qualité de ces couvertures diffère de l'une à l'autre d'une manière extraordinaire, la sélection du risque étant par nature au coeur de ce marché.
Comment introduire de la régulation sur un marché où la concurrence est libre ? C'est là tout l'enjeu de cet article 1er, dont l'objet n'est pas d'abandonner l'assurance maladie obligatoire. Celle-ci doit au contraire continuer d'exister, et même être renforcée pour reconquérir des parts jusque-là abandonnées.
Ce n'est pas en renonçant à donner une meilleure couverture complémentaire aux salariés que nous renforcerons l'assurance maladie obligatoire. L'enjeu sera ensuite d'étendre le dispositif à l'ensemble des Français. Je ne vois en tout cas pas comment, en fragilisant la situation des salariés demain, vous pourriez améliorer celle de tous les Français. Avis défavorable.
Cet amendement de nos collègues communistes est tout de même très étonnant. Tout d'abord, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas soulevé la question de l'article 40 ? L'on vous dit froidement que la totalité des dépenses de santé doit être couverte par la sécurité sociale. Alors qu'aujourd'hui, la protection sociale ne couvre que 75 % des dépenses de santé, vous voulez passer à 100 %.
Relisez l'avant-dernière ligne du dernier paragraphe de l'exposé sommaire de cet amendement qui, je le rappelle, vaut tout de même 50 milliards. C'est un détail mais on aimerait que le groupe communiste nous explique où trouver une telle somme !
Comment cet amendement a-t-il donc pu échapper au président Gilles Carrez ?
Cet amendement est par ailleurs antisocial en ce qu'il vise à détruire toute la couverture complémentaire. Devra-t-on fermer toutes les institutions de prévoyance, toutes les mutuelles complémentaires ! Mesurez donc la portée de votre amendement !
Enfin, il est faux de prétendre, comme vous l'écrivez dans votre exposé sommaire, que le taux des dépenses de santé prises en charge par la sécurité sociale, d'environ 75 % aujourd'hui, n'a cessé de baisser depuis dix ans.
Non, il est quasiment stable. Sur les 25 % différentiels, 15 % sont pris en charge par la couverture complémentaire, dont près des deux tiers par les institutions de prévoyance. Il ne reste en moyenne que 10 %.
Quant à l'accès aux soins, il est garanti, y compris pour les personnes étrangères sans aucun droit en France, grâce à la couverture médicale universelle et l'aide médicale d'État pour les personnes étrangères sans aucun droit.
Franchement, cet amendement est inutile. M. Chassaigne fait référence au Conseil national de la résistance, mais avez-vous lu, mes chers collègues, la plateforme du CNR ?
Madame la ministre, vous venez d'affirmer qu'il fallait reconquérir et renforcer l'assurance maladie obligatoire. Nous sommes bien évidemment d'accord avec vous, mais pour le moment, malgré nos demandes réitérées notamment lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le remboursement des soins par l'assurance maladie obligatoire n'a pas été renforcé. En revanche, nous avons vu fleurir des dispositions qui, finalement, fragilisent ce remboursement par l'assurance maladie obligatoire alors qu'il permettrait d'assurer une égalité de traitement entre tous nos concitoyens.
Qu'on le veuille ou non, la complémentaire, devenue aujourd'hui indispensable, est inégalitaire parce qu'elle dépend des moyens dont chacun dispose. Certains pourront payer une complémentaire qui couvre largement les frais de santé tandis que d'autres ne pourront disposer que d'une complémentaire très limitée qui ne couvrira que quelques dépenses.
Pourquoi la commission des finances n'a-t-elle pas été saisie de cet amendement ?
Nous attendons impatiemment, surtout après les déclarations de Mme la ministre, des dispositions concrètes qui renforceront l'assurance maladie obligatoire.
Charles de Courson a parfaitement exprimé mes sentiments : le bon système de protection sociale français doit être sauvegardé, sans aucun doute. Il permet de couvrir les dépenses de santé à hauteur de 75 % pour les personnes qui ont besoin de soins et de 95 % pour celles qui sont atteintes d'une longue maladie. Il représente plus de 11 % de notre PIB et coûte plus de 200 milliards par an. Sachons raison garder !
Nous avons une chance inouïe : que se soit développée, parallèlement à l'assurance obligatoire, une assurance complémentaire. Il faut aussi conserver ce duo. Le développement du mutualisme en France est un progrès fantastique car il a permis d'améliorer l'accès aux soins.
Vous prétendez, monsieur Chassaigne, que le champ de la prise en charge ne cesse de reculer. C'est archifaux ! Notre pays figure au contraire parmi les premiers au monde en la matière et nous devons nous estimer heureux de pouvoir sauvegarder notre système.
Le problème du Gouvernement est plutôt de savoir comment financer, à l'avenir, notre système de protection sociale. Le Gouvernement a mis en place un Haut conseil du financement de la protection sociale, dont le travail est en cours. Nous devons en attendre les résultats.
Nous ne voterons pas cet amendement.
Pourquoi le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale n'a-t-il pas été saisi de cet amendement et pourquoi n'a-t-il pas appliqué l'article 40 ?
Au moment où l'un de mes amendements portant sur le contrat de travail unique et instaurant une taxe pour favoriser la formation et la requalification des salariés tombe sous le coup de l'article 40, j'apprends qu'un amendement du Front de gauche à 40 milliards d'euros échappe à ce même couperet.
J'aimerais avoir des explications concrètes sur le fonctionnement de cette maison où, à l'évidence, le règlement de l'Assemblée nationale s'applique de deux façons différentes.
Plusieurs députés du groupe UDI. Il a raison !
Monsieur le député, le président de la commission des finances a été saisi. Il a donné son accord.
Je lui transmettrai cependant les éléments de votre intervention.
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 396 à 405 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 9
contre 93
(Les amendements identiques n°s 396 à 405 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 953 .
Tout à l'heure, M. le ministre s'est essayé à un petit cours de droit social sur l'histoire de la construction de notre système de protection sociale et à un cours de droit du travail.
Mes chers collègues, la question est de savoir, quand on s'intéresse à la philosophie du droit, si cette idée hégélienne selon laquelle les salariés ne peuvent être protégés que par la loi, et subsidiairement par des accords collectifs, est encore fondée aujourd'hui.
Nous, les centristes, nous avons toujours pensé que, ces quinze ou vingt dernières années, la loi avait envahi le champ de la négociation entre partenaires sociaux. Pour ce qui relève de la loi et de la Constitution – nous reprendrons ce débat lors du petit texte que nous offre le Gouvernement sur la démocratie sociale – permettez-moi de faire quelques rappels.
Notre amendement permet – ce qui devrait plaire à nos collègues communistes – de revenir à l'esprit initial de la démocratie sociale tel qu'il a été prévu dès l'immédiate après-guerre à l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ce dernier, qui appartient toujours au bloc de constitutionnalité française, énonce : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
Quant à l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, il précise également que « la loi détermine les principes fondamentaux […] du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ». Ainsi, les modalités d'application de ces principes fondamentaux doivent relever de conventions et d'accords collectifs entre les partenaires sociaux.
Monsieur le président, je n'ai pas eu le temps de défendre mon amendement !
Monsieur de Courson, si nous ne respectons pas le temps de parole de deux minutes octroyé à chacun, nous n'arriverons jamais à la fin du texte compte tenu du nombre d'amendements !
La parole est à M. le rapporteur.
Pour répondre d'abord à M. Morin, les amendements ont fait l'objet de l'examen habituel. Certains ont été renvoyés à la commission des finances, d'autres non. Certains de mes amendements n'ont ainsi pas non plus passé la rampe. J'ai d'ailleurs saisi le président de la commission des finances concernant à l'article 2 le droit à la formation initiale différée au sujet duquel le Président de la République lui-même s'est exprimé, sachant en outre que le ministre a confirmé en commission que le Gouvernement avait l'intention d'abonder cette politique. Il semble donc que l'article 40 ait été utilisé de façon abusive, et si vous êtes dans la même situation, monsieur Morin, je suis prêt à vous soutenir afin que votre amendement puisse être appelé en séance.
Pour ce qui est de votre amendement, monsieur de Courson, ma conception de la démocratie sociale est profondément divergente de la vôtre. Vous souhaitez qu'il y ait un champ propre réservé à la négociation sociale.
Nous souhaitons que la négociation sociale précède et inspire la loi sociale. Ce sont d'ailleurs des travaux pratiques un peu avant l'heure avec le projet de loi puisque, sur le fondement d'une feuille de route du Gouvernement, la négociation sociale a eu lieu.
Pour ma part, je revendique le fait que nous puissions jouer pleinement notre rôle qui consiste à amender un texte. Nous devons respecter le travail des partenaires sociaux, mais ceux-ci doivent respecter pleinement notre rôle. Nous sommes en effet porteurs de l'intérêt général et ce projet de loi contient nombre de dispositions qui vont au-delà du fonctionnement des entreprises : je pense à la couverture complémentaire « santé » qui va couvrir des salariés, tous leurs ayants droit ainsi que des chômeurs de longue durée, sans oublier la question du passage à la retraite. De même, je pourrais parler du rôle du juge et de l'administration.
Est-ce donc vraiment aux seuls partenaires sociaux de décider sans que nous puissions y apporter notre touche ? Certainement pas !
Par ailleurs, nous portons aussi chacun des engagements politiques que nous avons pris devant les électeurs. Il s'agit, pour ce qui nous concerne, de la baisse du chômage, de la réduction de la précarité, du redressement économique de la France et la relance de l'Europe vers la croissance plutôt que l'austérité.
C'est la raison pour laquelle, monsieur de Courson, je suis défavorable à votre amendement et favorable au projet de loi constitutionnelle qu'a adoptée le Conseil des ministres du 13 mars.
Même avis que celui de la commission.
Cet amendement est extrêmement important. Il répond à une conception radicalement différente de l'action politique.
Il correspond à l'idée que tout ne procède pas d'en haut. Il doit exister des champs d'autonomie et de responsabilité pour l'ensemble des structures de base de la société française parmi lesquelles figurent la famille mais aussi les corps intermédiaires. Nous estimons, pour notre part, que notre démocratie politique se portera d'autant mieux qu'elle acceptera un champ d'autonomie et d'indépendance en matière de démocratie sociale.
Tout à l'heure, le ministre du travail évoquait la conception de son collègue hollandais. On pourrait aussi évoquer son collègue allemand, qui dirait exactement la même chose. J'ai en effet le souvenir, lorsque j'étais le porte-parole de l'UDF contre les 35 heures – cette erreur historique ! – en 1998, d'avoir rencontré à l'époque les syndicalistes d'IG Metall. Lorsqu'on leur avait expliqué qu'on allait mettre en oeuvre un dispositif qui s'appliquerait par la loi de façon générale et absolue, je me souviens encore de leur président nous prenant pour des fous, la vie économique devant selon lui bien évidemment s'analyser par branche et par entreprise, faute de facteurs de production semblables d'une entreprise ou d'une branche à l'autre.
Avec Charles de Courson, nous considérons que cet accord national interprofessionnel, cet ANI dont vous faites vos choux gras aujourd'hui, a un atout : il fait légèrement bouger le champ du dialogue social et du droit du travail. C'est parce que c'est le début d'un mouvement que nous saluons cet accord, même s'il n'est pas, de loin, la révolution copernicienne qu'on nous annonçait il y a quelques semaines !
Nous le disons au ministre du travail et à la majorité : la France serait bien inspirée de considérer que les corps intermédiaires sont facteurs de transformation, de mouvement, de modernisation et que, pour cela, ils ont besoin d'une autonomie et d'une indépendance affirmées et protégées par la loi.
C'est le sens de cet amendement qui est, bien entendu, dans la ligne politique de la famille centriste.
Hier, j'ai eu l'occasion d'expliquer que j'étais favorable à l'application du principe de subsidiarité dans le monde du droit du travail, sur le fondement des principes édictés par Saint Thomas d'Aquin, repris ensuite dans la doctrine sociale de l'Église par Léon XIII au moment de la Révolution industrielle ! (Murmures sur divers bancs.)
Le principe que proposent nos collègues centristes est un peu moins ambitieux puisqu'il stipule qu'une convention « peut déroger aux dispositions du code du travail ». C'est d'ailleurs pourquoi je ne comprends pas votre argumentation, monsieur le rapporteur, car c'est exactement ce que vous nous proposez de voter, à savoir un texte de loi fondé sur un accord des partenaires sociaux qui, en réalité, déroge au code du travail.
Vous ne pouvez pas, d'un côté, dire à nos collègues, notamment communistes, de voter cet accord qui déroge pourtant au droit du travail et, de l'autre, vous opposer à un accord qui dérogerait au droit du travail.
Mes chers collègues communistes, je vous le redis, ne vous laissez pas berner ! (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Vous devriez, par cohérence avec le texte proposé par le Gouvernement, voter cet amendement.
Je me demande s'il ne manque pas à cet amendement un alinéa, qui serait le suivant : « Le contrat de travail peut déroger aux accords collectifs ».
La messe serait alors dite et nous serions revenus à un système parfaitement libéral.
Voilà ce qu'il y a derrière cet amendement ! Ce n'est pas exactement ce qui est écrit, mais c'est l'esprit. Vous vous engagez clairement dans un processus de démolition de la pyramide des normes qui fonde le droit du travail depuis 1945. Le masque est jeté ! (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 953 n'est pas adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
L'article 1er du projet de loi retient le principe de la généralisation des complémentaires santé en entreprise. Si le principe est louable, la mise en oeuvre peut paraître discutable. J'évoquerai quatre points.
Premièrement, le Président de la République, en octobre dernier, a fait part de sa volonté de généraliser la complémentaire santé à tous les Français. Or l'article 1er va s'appliquer à seulement 400 000 salariés. Nous pouvons nous inquiéter légitimement de ce dispositif pris isolément sans se soucier de l'intégrer à une véritable politique nationale. N'aurait-il pas été plutôt souhaitable de retenir une grande loi nationale de généralisation de la complémentaire « santé » ?
Deuxièmement, je voudrais souligner l'impact financier au niveau des entreprises – je pense aux PME et aux TPE –, avec un accroissement du coût du travail qui s'ajoute à l'augmentation de la cotisation vieillesse de novembre 2012 et à la fin de l'exonération des cotisations sur les heures supplémentaires.
Troisièmement, la mise en place d'accords de branche pour une complémentaire « santé » n'est pas nécessairement une forme de mutualisation efficace. Un accord de branche implique d'aligner le plus souvent les prestations sur les prix les plus élevés. C'est pourquoi une recommandation permet d'optimiser l'organisation économique et sociale, tout en laissant le choix. Les syndicats dans l'ANI du 11 janvier ont retenu cette alternative.
Quatrièmement, en transposant l'ANI dans un projet de loi, le Gouvernement a instauré des clauses de désignation. C'est ni plus ni moins une violation de l'accord en ce qu'il édictait le principe de la liberté de choix aux entreprises. Ainsi, le recours aux clauses de désignation était-il écarté. Or le Gouvernement, à l'inverse de ses engagements, a décidé de réintroduire la possibilité de recourir à cette pratique. Cette contradiction n'est pas neutre, car elle dénature substantiellement l'ANI.
Pour ma part, le vote de l'article 1er est conditionné à la suppression des clauses de désignation.
Monsieur le président, mes chers collègues, comme vous, je suis un élu de terrain, un député présent dans sa circonscription, à l'écoute de ses concitoyens.
Comme vous, en campagne électorale ou maintenant dans les permanences parlementaires que je tiens dans les communes, lors des comptes rendus de mandat que j'effectue en réunion publique, j'entends les citoyens, salariés et ouvriers, qui souhaitent savoir quels nouveaux droits vont pouvoir leur être accordés à travers ce texte. Non pas qu'ils attendent des privilèges ! Ils espèrent seulement une reconnaissance du travail qu'ils fournissent, une reconnaissance des difficultés qu'ils éprouvent au quotidien, un partage de la richesse qu'ils contribuent à produire, un juste retour des contributions citoyennes qu'ils honorent et que certains appellent charges !
Ce qu'attendent ces citoyens, c'est de retrouver cette République qui, lorsqu'elle réforme, ne le fait pas dans un sens négatif, ne tend pas vers moins de droits, mais au contraire sécurise les parcours de chacun en apportant de nouvelles conquêtes, rassure et conforte ceux qui, en marge de notre système économique, craignent pour leur santé lorsqu'ils craignent pour leur emploi.
J'estime que, dans cet article 1er, nous traitons exactement de cette question : créer de nouveaux droits pour les salariés.
Comment la généralisation d'une couverture complémentaire des frais de santé pourrait-elle être interprétée si ce n'est dans le sens du progrès social et de la justice ?
Certes, il y aura encore besoin de négociations pour aller vers une concrétisation définitive. Pour autant, doit-on recaler le pas en avant que représente l'article 1er ? Doit-on le rejeter en bloc ? Pourrait-on refuser encore aux 400 000 salariés qui n'en bénéficient pas un meilleur accès aux soins ? Pourrait-on refuser que l'employeur contribue à la protection des 4 millions de salariés qui devaient payer leur complémentaire eux-mêmes ? Je ne le pense pas.
Cet article, nous l'attendions depuis longtemps, les ouvriers et les salariés aussi. Il répond à une nécessité de progrès social, de protection des salariés les plus précaires et d'accès aux droits de tous les salariés, y compris et surtout ceux qui travaillent dans les plus petites de nos entreprises. Il améliorera la situation des personnes les plus fragiles et les plus sensibles à la crise, qui alternent périodes d'emploi et de chômage et voient la protection de leur santé fragilisée au moment même où elles en ont le plus besoin.
C'est au nom de ces principes et de ces salariés que nous voterons l'article 1er et que je vous appelle, mes chers collègues, à faire de même !
L'article 1er permettra aux salariés qui ne bénéficiaient pas jusqu'à présent d'une couverture complémentaire d'y accéder à partir du 1er janvier 2016. À l'évidence, cela va dans le bon sens, à condition que les garanties données aux salariés soient maintenues et que le texte de l'accord entre les partenaires sociaux ne soit pas dévoyé. Ceux-ci avaient privilégié la liberté de choix de l'entreprise assurantielle. Or le principe d'une désignation a été introduit, qui aurait pour effet d'imposer un opérateur aux entreprises d'une même branche – je partage l'opinion de ma collègue sur ce point. Nous attendons la suppression de la clause de désignation. Notre vote en dépendra.
L'article 1er soulève trois questions de principe et un problème, sur lequel nous avons tenu à appeler l'attention de l'Assemblée par le biais d'un amendement.
Tout d'abord, la formulation retenue dans le projet de loi semble plus restrictive, en termes de couverture santé, que celle de l'accord national interprofessionnel : celui-ci mentionnait expressément une couverture santé alors que le texte du projet de loi s'en tient à la maladie. Vous m'accorderez que cette formulation pose question.
Deuxièmement, la clause de désignation apparaît dans le projet de loi alors qu'elle n'apparaissait pas dans l'accord national interprofessionnel. Pour notre part, nous militons pour la liberté des entreprises et de leur choix. Nous y reviendrons sans doute au cours du débat.
Troisièmement, et ce n'est pas anodin, l'ANI prévoyait un partage strictement égal des frais supplémentaires entre employeurs et salariés. Vous réintroduisez dans le projet de loi une possibilité d'accroître le financement des entreprises. Il y a bien là une différence – ou sinon, vous auriez utilisé une autre rédaction, monsieur le rapporteur.
Le débat sur l'article 1er permettra de nous éclairer sur ces trois questions.
Je précise enfin que le problème des caisses de prévoyance autonomes se pose dans certaines branches. Je l'ai dit pendant la discussion générale et je le maintiens : la mécanique prévue par l'article 1er aura pour conséquence de les fragiliser. Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
L'article 1er prévoit en effet la généralisation de la complémentaire santé pour l'ensemble des salariés à l'horizon 2016. C'est une avancée sociale indiscutable. Cependant, cette disposition n'est pas neutre financièrement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous expliquer comment vous financerez ce dispositif ? Par des économies ? De nouveaux prélèvements sociaux ou fiscaux ? À la charge de qui ?
Pour les entreprises, qui supporteront la moitié du coût de la généralisation de la complémentaire santé, cela représentera un effort supplémentaire d'environ 1 milliard d'euros. Après le matraquage fiscal, l'augmentation du taux des prélèvements obligatoires et la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, les entreprises sont une nouvelle fois mises à contribution ; je pense plus particulièrement aux PME et TPE du secteur du décolletage de la vallée de l'Arve, qui ont un besoin vital d'investir dans l'innovation technologique pour garantir leur compétitivité et qui doivent aujourd'hui faire face à un coût du travail de plus en plus élevé.
Certes, l'accord introduira une flexibilité accrue, mesure tant attendue par les entreprises soumises aux variations des commandes, en particulier dans le secteur de la sous-traitance industrielle ! Encore faut-il que les mesures de l'accord en faveur des salariés n'aboutissent pas à un renchérissement du coût du travail ! Encore faut-il, monsieur le ministre, que la volonté des partenaires sociaux soit respectée !
Or, dès l'article 1er, votre gouvernement fragilise l'équilibre de l'accord par le maintien de la clause de désignation : la disposition que vous nous proposez méconnaît les termes de l'accord qui indiquent très clairement que les entreprises auront la liberté de retenir les organismes assureurs de leur choix. Elle menace également de nombreux emplois de proximité dans le secteur de l'assurance, peut-être 30 000. Quel signal envoyez-vous aux Français alors que votre majorité entend faire de la lutte contre le chômage sa priorité ?
L'article 1er met la charrue avant les boeufs. En effet, y parle-t-on vraiment de sécurisation de l'emploi ?
« En matière de protection sociale dans son ensemble, nous avons la volonté de pérenniser nos régimes sociaux, mais reconnaissons aussi qu'ils ont été imaginés dans un tout autre contexte que celui d'aujourd'hui, sur la base de besoins bien différents en matière de santé, de retraite ou même de politique familiale ». C'est le Président de la République lui-même qui a tenu ces propos à l'occasion de l'ouverture de la grande conférence sociale du mois de juillet dernier !
Je ne vois donc vraiment pas le rapport avec la sécurisation de l'emploi. On vend aux salariés un rêve de protection qui représentera un surcoût pour l'entreprise et se retournera à terme contre les salariés : les TPE et PME ne pourront pas toujours suivre et on les jette de fait en pâture aux institutions de prévoyance en mettant en péril les 120 000 salariés des 28 000 courtiers de France chez lesquels, dès cette année, 30 000 emplois pourraient être supprimés. Pourquoi ? Parce que les institutions de prévoyance, qui étaient quatre-vingt en 2001 et sont quarante-sept aujourd'hui, ne seront plus que cinq ou dix dans cinq ans. Les entreprises auront-elles donc vraiment le choix ? Disposent-elles aujourd'hui, avec cinq grandes banques, d'un meilleur financement ? Non ! Parviennent-elles, avec quelques grandes compagnies d'assurance, à mieux négocier leurs contrats d'assurance ? Non ! Il est clair qu'elles ne négocieront pas mieux leur complémentaire santé.
Je le répète : non seulement on met la charrue avant les boeufs, mais on ne sécurise pas le financement. Peut-on parler de sécurisation de l'emploi, quand 10 000 entreprises qui disparaissent chaque mois ? Je n'en suis pas sûr.
Je poursuis mon intervention d'hier soir au sujet de l'article 1er. Je voudrais revenir sur le problème de la clause de désignation de l'organisme assurantiel et dire à Mme Touraine que ce n'est pas, selon moi, un atout. C'est tout le contraire. Qu'a dit l'autorité de concurrence le 29 mars ? Qu'il faut maintenir la concurrence sur le marché de l'assurance complémentaire et même faire primer la liberté de l'employeur. Ce projet de loi ne respecte plus l'esprit de l'accord.
Celui que je connais, si !
Ce que je dis fait sourire M. le ministre, mais c'est vrai ! Vous avez ajouté à l'accord du 11 janvier la possibilité de désigner l'organisme assurantiel. Ce n'est pas s'en tenir à l'accord. Nous sommes favorables à la généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés quels qu'ils soient, y compris les salariés précaires, mais il faut laisser de la souplesse aux entreprises. D'ailleurs, deux des trois syndicats signataires sont revenus sur cette clause, considérant qu'il faut laisser jouer la libre entreprise. Maintenir la clause de désignation revient à assurer le monopole d'une compagnie au détriment des autres.
Cela risque, monsieur le rapporteur, d'aboutir à la destruction de beaucoup d'emplois dans les petites mutuelles et dans les assurances. Voilà ce que je pense de la clause de désignation. Nous défendrons tout à l'heure un amendement visant à rectifier l'alinéa 4.
J'appelle également votre attention, monsieur le ministre, sur un autre amendement de l'opposition visant à mettre en place éventuellement un chèque santé des employeurs au profit de leurs salariés dans les très petites entreprises de moins de dix salariés. Cela serait une solution facile et souple pour donner une complémentaire santé à tous les salariés.
Je me félicite tout d'abord, à l'occasion de l'examen de l'article 1er, de la concrétisation de cet accord et rends hommage aux organisations syndicales qui y ont oeuvré. Je me félicite également que nous puissions retranscrire cet accord dans la loi. C'est une belle avancée qui s'inscrit, rappelons-le, dans la lignée des travaux engagés il y a quelques années par Gérard Larcher puis Jean-Louis Borloo, en particulier la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences en 2002 et 2005. Nous sommes dans le droit fil d'actions antérieures et c'est une bonne chose.
Je voudrais rappeler aussi, même si cela fait sourire le rapporteur, la vigilance du groupe UDI sur trois secteurs d'activité : les services à la personne, les salariés du monde agricole et les intermittents du spectacle. Nous sommes en particulier attachés aux vingt-quatre heures de travail minimum prévues par l'accord pour régler à terme les problèmes de précarité.
Enfin et comme mon collègue Door, je préfère à la clause de désignation une clause de recommandation. Mon collègue Francis Vercamer développera ce point tout à l'heure. La clause de désignation présente le risque de livrer le champ de la protection à la suprématie de grandes mutuelles au détriment des mutuelles de proximité. Mieux vaut donc une clause de recommandation.
Je voudrais revenir sur la réalité de l'article 1er, qui prévoit la généralisation d'une assurance complémentaire santé d'entreprise à tous les salariés, présentée comme une grande avancée sociale.
Il s'agit selon nous au mieux d'une carotte pour faire accepter un accord consacrant une régression inouïe du droit du travail, au pire d'un soutien aux assureurs privés et d'une attaque en règle contre la sécurité sociale, ce que je préférerais ne pas croire.
Quelle est la réalité ? On estime qu'aujourd'hui 4 % à 5 % de la population ne sont pas couverts par une assurance complémentaire. Remarquons d'ailleurs que la situation des salariés est moins catastrophique que d'autres, puisque moins de 2 % d'entre eux ne sont pas couverts par une assurance complémentaire, soit moins de 500 000 personnes. Il faut donc constater que cette « grande avancée » ne profitera qu'à 2 % des salariés, soit 0,75 % de la population française, et surtout qu'elle laissera de côté ceux qui justement en auraient le plus besoin, c'est-à-dire les personnes précaires, les jeunes et les retraités.
Et si l'on peut se réjouir que les chômeurs gardent le bénéfice de cette assurance complémentaire pendant un an, c'est-à-dire trois cent soixante-cinq jours, je vous ferai remarquer que la durée moyenne du chômage est aujourd'hui de quatre cent quatre-vingts jours ! Nous sommes donc loin du compte, y compris sur ce point, pour parler d'une avancée sociale majeure. Elle rate l'essentiel de sa cible, sans parler de la fracture et de l'inégalité sociales qu'elle instaure.
Je souscris à l'argumentaire développé par Mme Fraysse : en matière de prise en charge de la santé des salariés : ce projet de loi n'est pas l'avancée historique dont on nous parle. Nous sommes favorables à l'amélioration de la prise en charge de la santé des salariés, en particulier par le régime général. Comme l'a dit ma collègue, de nombreuses branches professionnelles organisent d'ores et déjà une telle couverture et ne seront donc pas concernées par l'accord. Selon l'enquête « protection sociale complémentaire d'entreprise » réalisée en 2009 par l'institut de recherche et de documentation en économie de la santé, 44 % des entreprises déclarent offrir une complémentaire santé à leurs salariés et 72 % d'entre elles le font au moyen d'un accord conclu à l'échelle de l'entreprise ou de l'établissement.
Le taux moyen de participation des employeurs au financement de ces contrats s'élève à 56 %, soit plus que ce que prévoit l'article 1er qui prévoit que l'employeur assure au minimum la moitié du financement de la couverture : certaines entreprises pourraient être tentées de revenir sur les accords existants et d'en négocier de nouveaux en abaissant leur participation au détriment des salariés.
Quelque 74 % des salariés déclarent avoir accès à une complémentaire santé par le biais de leur entreprise, et 92 % de ceux qui déclarent ne pas pouvoir en bénéficier jouissent d'une complémentaire par un autre biais : un contrat individuel, un contrat collectif du conjoint ou la CMUC. Les salariés non cadres, les salariés en CDD, jeunes ou travaillant à temps partiel se voient d'ailleurs moins souvent proposer une complémentaire santé.
Se pose également la question du délai. La mesure fera l'objet de nouvelles discussions à compter du 1er avril 2013, qui pourront durer jusqu'au 1er juillet 2014, nous dit-on. Si l'accord intervient dans ce délai, les entreprises disposeront de dix-huit mois pour la mettre en place. Si aucun accord n'intervient au niveau de la branche, des négociations devront s'engager entreprise par entreprise, à compter du 1er juillet 2014.
Finalement, cette complémentaire santé est annoncée pour le 1er janvier 2016. J'ai peur que cela ne soit la carotte qui fasse passer les reculs sociaux.
Nous examinons une prétendue avancée de l'accord national interprofessionnel. En fait, pour toute avancée, il s'agit d'une attaque insidieuse contre la Sécurité sociale et la prise en charge universelle des frais de santé.
Cet article revient à admettre que le remboursement à 100 % par la Sécurité sociale ne sera jamais atteint, qu'on ne le verra jamais. Nous ne pouvons l'accepter.
L'éclatement de la couverture santé par la généralisation de la complémentaire serait lourd de danger. Ce serait instaurer une différence dans les niveaux de prises en charge, en fonction des branches d'activités voire des entreprises. Ce serait admettre que plus personne ne sera pris en charge selon ses besoins, indépendamment de ses moyens, et que chacun sera couvert obligatoirement selon les moyens de son entreprise, de sa branche ou de son secteur d'activité.
De même, le Gouvernement l'a moins souligné, à défaut d'accord, l'adhésion obligatoire à la complémentaire pourra être décidée par décision unilatérale de l'employeur. La démocratie sociale a ses limites !
Au fond, les vrais gagnants seront les sociétés d'assurances, les institutions de prévoyance et les grandes mutuelles. Elles seront financées obligatoirement par les salariés, ce que j'appelle le capitalisme autoritaire. Le pactole escompté a été calculé par le MEDEF à 4,3 milliards d'euros. On l'aura compris : les capitalistes salivent, se frottent les mains.
Nous proposons, bien entendu, la suppression de cet article et, de manière corollaire, le remboursement à 100 % des soins par l'assurance maladie, y compris optiques et dentaires. Il faut aller vers une Sécurité sociale démocratisée, avec notamment l'élection des administrateurs, et créer une cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers des entreprises. Rien que pour la branche maladie, on pourrait ainsi dégager 41 milliards d'euros.
Les idées sur la Sécurité sociale d'Ambroise Croizat – la solidarité, l'universalité et l'égalité – sont des idées neuves et modernes : il faut un retour aux sources !
Alors que cet article 1er est présenté de manière très positive comme l'une des mesures phares de ce projet de loi, nous considérons au contraire que ses dispositions masquent en réalité une charge contre notre système de sécurité sociale solidaire, en jouant contre le principe même d'une couverture universelle socialisée des dépenses de santé.
Elle impose en effet par loi le principe d'une couverture sociale professionnelle obligatoire des risques de santé, parallèle à la Sécurité sociale. Construite au niveau des branches ou des entreprises, cette formule institutionnalise la différenciation des niveaux de prise en charge des malades en fonction des branches d'activité ou des entreprises, et s'oppose de fait à une couverture universelle des assurés sociaux, quelles que soient leurs pathologies et leurs contributions, à 100 % par la Sécurité sociale.
Pourtant – et ce disant, je réponds à ce que disait Mme la ministre de la santé tout à l'heure sur notre référence au Conseil national de la Résistance –, le caractère obligatoire de la complémentaire santé pouvait être l'occasion de commencer à rétablir la Sécurité sociale dans ses fondements issus du Conseil national de la Résistance et mis à mal par de multiples assauts : les ordonnances de 1967, les lois Juppé en 1995, la loi Fillon en 2004. Ses fondements, je le rappelle, conformes à ce qu'énonce notre Constitution sur le droit à la santé, sont que chacun cotise selon ses revenus et est soigné selon ses besoins.
Comme nous le dit fort bien M. Jean-Paul Benoit, le président de la Fédération des mutuelles de France, « l'extension des contrats groupe de complémentaire santé à tous les salariés du privé, en solvabilisant les dépassements des tarifs médicaux, en rendant imperceptible ce qui relève de la Sécurité sociale et ce qui relève de la couverture complémentaire, en amoindrissant les recettes de la Sécurité sociale, affaiblit notre protection sociale assise sur un haut niveau des régimes obligatoires. »
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, chers collègues, dès la lecture de cet article 1er du projet de loi, nous mesurons à quel point la différence est grande entre l'ambition annoncée – l'amélioration de l'accès à une complémentaire santé pour tous – et la réalité du contenu de l'article qui rétrécit encore plus ces conditions que ce que ne le faisait l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 lui-même.
Car il ne s'agit de rien d'autre que de découper encore plus notre protection sociale, en faisant un pas de plus pour s'écarter de la couverture maladie universelle qu'ont souhaitée nos aînés au lendemain de la guerre.
Avec cet article, dans le droit fil des directives assurantielles européennes qui frappent de plein fouet le champ mutualiste depuis trois décennies, les exigences des grands groupes d'assurances, que le MEDEF a relayé pendant les négociations, sont satisfaites.
Ce qui nous est présenté comme la généralisation de l'accès à une couverture santé va en fait contribuer à écarter les familles et surtout démanteler encore plus notre Sécurité sociale, en servant sur un plateau un gâteau de 4 milliards d'euros aux grands groupes d'assurances.
Avec la logique d'accord de branche, l'inter-professionnalité et la réalité des bassins de vie sont niés, ce qui créera des effets d'aubaine dont nul ne sortira gagnant sauf les assurances.
Le mode de désignation des organismes va favoriser la création de véritables monopoles – les dirigeants de Malakoff Médéric se frottent déjà les mains – avec la bénédiction du MEDEF. Ce projet de sécurisation de l'emploi aura pour premier effet de mettre en danger plus de 50 000 emplois dans le champ mutualiste dont, à très court terme, 15 000 dans les petites mutuelles.
Qui plus est, en remettant à 2016 l'obligation de conclusion de ces accords, vous donnez le sentiment que l'ambition initiale est déjà abandonnée.
Avec le système des mutuelles labellisées qui fonctionne bien dans la fonction publique territoriale, le principe du chèque complémentaire santé, nous avons fait des propositions pour servir cette ambition.
Madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, entendez-les et inscrivons ce projet de loi dans une logique de progrès social pour les salariés et leurs familles, et renonçons à cet article.
Chers collègues, je voudrais poursuivre le développement des députés du Front de gauche sur cette « grande avancée sociale » dont nous avons déjà vu qu'elle ne profitera qu'à 0,75 % de la population française…
D'où tenez-vous ces chiffres !
…laissant de côté ceux qui en ont le plus besoin.
Si la flexibilité voulue par le MEDEF et prévue dans le reste du texte sera immédiate ou presque, la « grande avancée sociale », autrement dit la généralisation des complémentaires d'entreprise, ne sera pas effective avant 2016 – voire 2018 pour les patrons qui voudront jouer la montre.
Certes, cette complémentaire santé sera financée en partie par l'employeur.
Mais celui-ci bénéficiera toujours à ce titre, je vous rassure, d'exonérations fiscales et sociales, pour un montant évalué aujourd'hui à 3 milliards d'euros. Ce à quoi il convient d'ajouter les 4,3 milliards d'euros que l'État consacre déjà aux contrats collectifs d'entreprise, si j'en crois la Cour des comptes.
Quant à la participation des employeurs, à hauteur de 50 %, elle sera inférieure à ce qui se fait déjà, puisque le taux moyen de cette participation des entreprises aux complémentaires santé est actuellement de 56 %.
50 %, c'est un minimum !
Sur quoi portera-t-elle ? En fait, sur un panier de soins très réduit qui ne compensera pas les déremboursements de la Sécurité sociale. Prenons deux exemples : pour les lunettes, c'est 100 euros de remboursement par an contre 173 euros par la CMUC ; pour la prothèse dentaire, remboursée à 125 %, c'est environ 125 euros l'année contre 157 euros par la CMUC.
Présenter comme une grande avancée sociale ce qui ouvre moins de droit que le plancher de la CMU complémentaire est l'expression de ce que j'appellerais un certain manque d'humilité.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi, tant sur la forme que sur le fond, illustre un tournant majeur dans les relations sociales de notre pays : celui du dialogue social renoué où la concertation n'est pas un leurre, mais une méthode qui permet d'obtenir des résultats et d'emporter l'adhésion.
Indéniablement, ce texte érige la négociation sociale en réalité, conformément aux engagements pris par le Président de la République devant les Français.
Dans la confiance, dans le dialogue et avec responsabilité, les mois qui se sont écoulés depuis l'ouverture de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, ont permis aux partenaires sociaux de prendre toute leur place, toute leur part pour agir en faveur de l'emploi dans le difficile contexte économique et social que nous connaissons.
Sur le fond, en parvenant le 11 janvier dernier à la signature de l'accord national interprofessionnel, les partenaires sociaux ont clairement et majoritairement répondu favorablement à la feuille de route sociale définie initialement par le Gouvernement. Ils ont posé les conditions de la réussite collective et donné naissance à un cadre d'action donnant-donnant dont la retranscription dans sa forme législative est aujourd'hui soumise à l'examen de notre assemblée.
Ainsi, le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi constitue l'amorce d'une véritable sécurité sociale professionnelle qui offre de nouveaux droits aux salariés : généralisation de la couverture complémentaire santé, dissuasion des contrats courts, instauration des droits rechargeables à l'assurance chômage, encadrement du temps partiel subi, création d'un compte personnel de formation, amélioration des droits individuels et collectifs.
Ce texte donne également aux entreprises les moyens de mieux anticiper les mutations économiques et de s'adapter à la conjoncture pour gagner en compétitivité. Il leur permet de concilier les dimensions économiques et sociales de leur activité et d'exercer leur responsabilité sociétale pleine et entière. Il constitue à l'évidence un formidable levier d'action dans la bataille que nous avons collectivement à mener pour l'emploi. Les partenaires sociaux signataires de l'ANI l'ont bien compris.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que les députés du groupe socialiste l'ont aussi pleinement mesuré. Un équilibre a été trouvé pour parvenir à cet accord. Il ne s'agit donc pas pour nous de dénaturer le texte, mais malgré tout, je fais référence aux modalités d'accès à une couverture santé complémentaire…
… pour les 4 millions de salariés qui n'en bénéficient pas à ce jour et qui peuvent, de ce fait, renoncer à se soigner.
Dans son avis rendu le 29 mars dernier, l'Autorité de la concurrence recommande que chaque entreprise conserve toute sa liberté…
Bien évidemment, le groupe UDI ne s'opposera pas à cet article 1er qui représente une avancée sociale pour les salariés.
Cela étant, nous regrettons que l'article 1er ne rende pas la clause universelle et oublie certaines populations – étudiants, retraités, chômeurs de longue durée, non-salariés – qui sont parfois celles qui en auraient le plus besoin, comme le disait M. Chassaigne. Nous aurions pu penser que le Gouvernement commencerait par ceux qui ont le plus besoin d'une complémentaire santé plutôt que par les salariés.
Deuxième point que je voulais évoquer : la clause de désignation précisée dans l'article 1er. Outre le fait qu'elle encadre l'entreprise dans un carcan, cette clause de désignation n'est pas conforme à l'accord national interprofessionnel dont je vous rappelle les termes : « les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix. » Tels sont les termes choisis. « Toutefois, ils pourront, s'ils le souhaitent, recommander aux entreprises de s'adresser à un ou plusieurs organismes assureurs », précise le texte.
Il faut tout lire !
La clause de désignation est contraire à cette disposition de l'accord. Nous vous demandons donc de revenir à une clause de recommandation qui permettrait aux entreprises de faire jouer la concurrence pour choisir un organisme de complémentaire santé, d'autant plus que le code des assurances interdit certaines dispositions aux assurances et aux mutuelles, qu'elle n'interdit pas aux organismes de prévoyance. La concurrence est donc faussée. Nous présenterons des amendements visant à rétablir l'équilibre souhaité par l'Autorité de la concurrence.
Se pose enfin le problème de certaines entreprises de l'économie sociale et solidaire. Organismes mutualistes pour la plupart, celles-ci s'inquiètent de cette clause de désignation qui risque de les pénaliser à terme.
Pour avoir été le rapporteur de l'économie sociale et solidaire durant mon mandat précédent, je connais bien ces entreprises et je sais combien elles sont nécessaires dans le paysage français. Cette clause risque de les mettre à mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Le groupe UDI considère la généralisation de la complémentaire santé comme un droit nouveau essentiel à chaque salarié. Nous nous félicitons que cet engagement ait été partagé par l'ensemble des acteurs de la vie économique et syndicale. Mais le débat, on le voit dans les différentes interventions, mérite des éclaircissements.
Pour commencer, madame et monsieur les ministres, vous n'avez pas retranscrit l'accord national interprofessionnel de manière fidèle. Vous me direz, je le sais, que les signataires ne pouvaient pas aller aussi loin et que vous avez pris sur vous à la demande d'un certain nombre d'entre eux.
Un de nos motifs d'inquiétude est que vous n'ayez pas commencé par les Français les plus en difficulté – retraités, précaires, étudiants, qui ne sont pas concernés pas cette mesure.
Autre point d'inquiétude : le financement de la mesure. La présidente de la commission nous avait fait part en commission d'un courrier de Bercy sur ce point, mais qu'en est-il vraiment ? Le rapporteur socialiste de l'équilibre des comptes lui-même a cru comprendre que les conditions fiscales et sociales des contrats collectifs ne changeraient pas et que les charges supplémentaires, de 1,5 à 2 milliards dans les deux ou trois prochaines années, seraient en quelque sorte compensées par d'autres mesures dont on ne sait pas si elles seront des prélèvements ou des recettes.
Il reste également un certain nombre de questions extrêmement concrètes sur les contrats en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l'entreprise, nous aurons l'occasion d'en parler avec le rapporteur. Enfin, pour ce qui est de la clause de désignation, vous ne respectez pas l'accord des partenaires sociaux. Cela présente un risque quant à la concurrence et quant aux conséquences d'une idée qui devrait être une réelle avancée sociale.
J'ai eu l'occasion de m'exprimer hier dans la discussion générale sur ce qui me semble être le point central de cet article : la question de savoir comment l'on passe de la généralisation de la complémentaire santé par le biais de l'entreprise à la généralisation de la complémentaire santé pour l'ensemble de nos concitoyens. Je voudrais aujourd'hui revenir spécifiquement sur les clauses de désignation, qui font indéniablement débat.
Je suis véritablement convaincue qu'il n'y a pas de solution idéale en matière de désignation des organismes complémentaires pour les contrats collectifs. Un certain nombre de craintes sur les clauses de désignation ont été exprimées ici. Certaines sont légitimes, d'autres inspirées par les théories de ceux qui défendent le dogme le plus pur de la sacro-sainte concurrence.
Pas seulement les théories !
Mais ces clauses ont aussi des avantages, qui ont été rappelés tout à l'heure ou lors des auditions, comme l'égalité des salariés au niveau d'une branche par exemple, ou le fait de renforcer les positions de négociation des petites entreprises : certains représentants patronaux y sont très attachés.
L'avis de l'Autorité de la concurrence rendu en fin de semaine dernière ne dit pas autre chose, puisqu'il souligne l'intérêt d'encadrer les clauses de désignation sur certains aspects, mais souligne également leurs avantages en matière de mutualisation notamment, comme l'a rappelé tout à l'heure Mme la ministre.
C'est pourquoi la rédaction actuelle du texte, qui reprend la position du Gouvernement, me semble équilibrée : ni systématisation, ni interdiction des clauses de désignation, maintien de l'existant – les branches pourront choisir ce qu'elles voudront faire en la matière. Elle contient néanmoins des éléments d'amélioration, sur lesquels nous reviendrons dans la discussion des amendements. Un des plus importants est la condition d'organisation d'appels d'offres et la nécessité de renforcer les mesures de transparence et de prévention des conflits d'intérêt. Un autre est la question de l'égalité de traitement entre les différents opérateurs de complémentaire santé. Égalité ne veut pas dire uniformité : il y a trois types d'organismes complémentaires, chacun a sa spécificité.
Voilà quelqu'un qui connaît son sujet !
Avec cet article 1er et le débat sur l'accès aux soins, nous retrouvons le chemin vertueux et nécessaire de la généralisation de l'accès aux soins là où, hier, de franchise médicale en ticket modérateur, on en était plutôt à une pseudo-responsabilisation et à une vraie stigmatisation des assurés sociaux. Dès lors, je ne peux que me réjouir de l'objectif affiché par cet article, qui est dans la droite ligne de ce que le Président de la République avait souhaité durant la campagne électorale.
Pour autant, les perspectives ouvertes par le changement de paradigme qui fait de l'entreprise la porte d'entrée vers la complémentaire santé soulèvent une série de questions. Je remercie Mme la ministre d'avoir ouvert les perspectives de ce débat pour éviter la mise en place d'un système dual opposant d'un côté les salariés du privé, qui bénéficieront du dispositif, et notamment tous ceux qui auront une aide en pouvoir d'achat – en ce moment, c'est important – et de l'autre tous ceux qui ne sont pas des insiders : jeunes, chômeurs, situations de rupture familiale, retraités. Nous attendons donc beaucoup du débat à venir.
Je souhaite également attirer l'attention, même si je n'ai pas voulu en faire un amendement d'appel, sur un point qui mérite d'être clarifié : la portabilité en cas de cessation du contrat de travail. Le projet de loi la porte de neuf à douze mois, et c'est une évolution positive, mais il faut bien être conscient que le maintien des garanties est applicable à compter de la date de la cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage. Cela signifie concrètement qu'un chômeur qui, suite à la cessation d'un contrat court, basculerait du régime d'assurance chômage vers celui du RSA perdrait du même coup sa protection complémentaire. Il y a là un interstice que nous pourrions combler.
Dernier point que je livre à votre réflexion : la possibilité que l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé des travailleurs pauvres soit utilisée pour acquitter la part qui leur revient, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui. Je souhaite que la réflexion de l'automne permette d'aborder cette situation.
L'accord national interprofessionnel signe de nouvelles méthodes de travail entre les salariés et le patronat. C'est une innovation majeure : la négociation avant la loi, la loi qui entérine une négociation acceptable. Cet accord confirme le courage du Gouvernement, déterminé à changer les pratiques et les habitudes, tout en posant le dialogue comme un un préalable à la loi.
Mais la loi demeure, car 3,5 millions de chômeurs, c'est trop. Je ne veux pas vivre dans une société bloquée. Je considère que les partenaires sociaux sont pleinement aptes à faire évoluer règles et pratiques. En démocratie, dans nos sociétés développées, on avance pas à pas car il y a une demande et un besoin constant de concertation, de débat, d'explication et ce à toutes les échelles, notamment pour tout ce qui relève de l'action publique.
Ce dialogue plus attentif, dans et pour l'action publique, est efficace et productif. Il était temps de l'impulser dans le monde de l'entreprise et ce au bénéfice de tous, et donc des salariés.
Vous avez souligné, monsieur le ministre, que l'accord du 11 janvier 2013 fonde un équilibre neuf dans lequel ce que les uns gagnent n'est pas ce que les autres perdent. Cet accord ouvre un champ politique nouveau où adaptation et sécurité ne sont pas – ne sont plus – des contraires.
Non, cet accord ne consacre pas un renard libre dans un poulailler libre. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Il crée les conditions du respect de règles et de principes partagés, car une entreprise est comme un bateau qui doit avancer par grand vent sur une mer dure, celle de la compétitivité mondiale et locale, et qu'il lui faut des forces communes et des bénéfices partagés par tous, à proportion, pour que chacun en tire avantage.
Car des avantages, il y en a pour les salariés dans cet accord : mutuelle de santé pour tous, résorption de l'incroyable précarité des micro-emplois inférieurs à un ou à trois mois. C'est cela l'ANI.
Oui, des inquiétudes et des craintes s'expriment, monsieur le ministre, car la méthode que vous avez retenue est bien inhabituelle, bien peu classique dans notre France qui trop souvent s'affronte elle-même. Mais peut-on encore se résigner à 3,5 millions de chômeurs en refaisant le passé ?
L'ANI est un compromis de belle facture. Le mot est d'importance : un compromis n'est pas une compromission – on les confond trop souvent en France. C'est un compromis pertinent, une solution adéquate et adaptée à notre temps de l'histoire.
Dès l'article 1er de ce projet de loi, nous avons l'opportunité d'instaurer un nouveau droit pour les salariés. Il s'agit de généraliser la couverture complémentaire santé collective.
Cette généralisation doit intervenir au 1er janvier 2016. À cette date, l'ensemble des salariés devront être couverts de manière collective. C'est une garantie supplémentaire dans l'accès à la complémentaire santé pour tous, dont ne bénéficient pas de nombreux salariés. La direction de la Sécurité sociale évalue le nombre de salariés non couverts par une complémentaire santé à 414 000 personnes. Il faut y ajouter les 4 millions de salariés n'ayant pas accès à une complémentaire collective. Cette mesure permettra donc de faire progresser le niveau de couverture de la population française.
La généralisation ne doit pas se focaliser sur un objectif quantitatif. Elle doit privilégier une garantie de qualité.
En effet, cette mesure concerne directement les salariés les plus précaires, ou définis comme travailleurs pauvres. Je pense en particulier à celles et ceux qui alternent des périodes de CDD et des périodes de chômage.
Conformément aux souhaits des partenaires sociaux, l'article propose d'étendre de neuf à douze mois le mécanisme de portabilité des droits aux couvertures santé et prévoyance des salariés licenciés.
La notion de santé publique doit s'imposer. Il est primordial que les futures négociations prennent en compte la situation des salariés précaires, dont la part dans la population active a tendance à s'accroître.
Le rapport sur la pauvreté en France a rappelé l'importance de développer les complémentaires santé. En 2008, 15 % de la population métropolitaine déclare avoir renoncé à certains soins pour des raisons financières.
L'accès à une complémentaire est un déterminant essentiel de l'accès aux soins. La généralisation de la couverture complémentaire doit se fixer prioritairement comme objectif de lutter contre le renoncement aux soins.
La perte de compétitivité et la crise économique, dont on connaît désormais la profondeur et la gravité, doivent nous alarmer et nous imposent une réaction urgente.
L'augmentation du chômage, les fermetures de sites industriels, la perte de pouvoir d'achat généralisée… Tout cela appelle non pas des effets d'annonce, mais une action politique résolue et cohérente.
Avec l'examen du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, nous y sommes. Ce texte montre tout ce que l'engagement et la volonté politique peuvent avoir de vertus pour le pays, pour l'intérêt général et pour chacun de nos concitoyens.
Dans quatre ans, c'est avant tout sur cette question économique qui est aussi une question sociale que nous serons jugés.
Le présent projet de loi répond de manière multiple et intelligente aux différents défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Il agit sur plusieurs leviers, et c'est bien nécessaire tant le poids de la crise est lourd. Il propose des mesures fortes, qui porteront leurs effets sur le court, moyen et long terme : ainsi en est-il des mesures de protection et d'accompagnement des salariés, pour lutter sans attendre contre la précarité croissante dont souffrent de plus en plus d'entre eux. Ce texte donne en effet de nouveaux droits à tous les salariés ; ce qui, en période de crise, n'aurait pas été une priorité pour certains.
Je pense également aux mesures qui permettront le développement des capacités d'adaptation et d'anticipation de nos entreprises, face aux mutations qui s'accélèrent dans un contexte de mondialisation économique.
Je me félicite enfin de la méthode, nouvelle, que ce texte promeut : l'affirmation du dialogue social et la valorisation du rôle des salariés et de leurs représentants. Il était temps de sortir de la logique de la confrontation qui nous empêche souvent de dégager des solutions durables. Il était temps de proposer une logique de dialogue, en faisant des organisations syndicales des véritables co-acteurs des décisions économiques et sociales. C'est justement cette co-décision qui permet l'avancée majeure concernant la couverture médicale de tous les salariés dont il est question dans cet article 1er.
Je salue donc ici l'essence de cette loi, intimement liée à la méthode qui a présidé à son élaboration.
C'est une première qui doit permettre de nous mener sur le chemin de la sortie de crise, armés d'un nouveau pacte économique et social pour la France.
Rappelons tout de même que cette généralisation de la complémentaire santé va coûter 17 euros par mois à chaque salarié et autant, par salarié, à chaque entreprise. C'est peut-être une avancée sociale incroyable et historique, mais qui a un coût pour les employés et pour les employeurs.
Ensuite, pour ce qui est de la clause de désignation, nous n'avons pas la même lecture de la recommandation de l'Autorité de la concurrence. Selon elle, chaque entreprise doit pouvoir choisir librement son organisme en matière d'assurance complémentaire de santé, y compris s'il existe des clauses de recommandation ou de désignation. Ce n'est pas exactement votre version.
Force est de reconnaître ensuite que l'on s'éloigne de plus en plus de l'ANI qui ne recommandait évidemment pas qu'une complémentaire soit retenue de manière autoritaire. C'est tout de même très différent. À cet égard, on éprouve quelque difficulté à suivre la position du MEDEF, qui visiblement a évolué. Existe-t-il donc encore un accord sur ce type de recommandation ?
Enfin, monsieur le président, les conditions dans lesquelles nous travaillons en commission et dans l'hémicycle, je l'ai déjà dit tout à l'heure, sont inacceptables : 5 000 amendements ont été déposés à 14 heures, dont soixante-trois de votre fait, monsieur le rapporteur. Autrement dit, nous discutons d'un article 1er dont on ne sait finalement absolument rien, compte tenu de ces 5 000 amendements dont certains – les vôtres – sont susceptibles d'être adoptés. Du reste, vous ne répondez quasiment à aucune question, et la présidente de la commission des affaires sociales n'est toujours pas présente. Elle déserte les débats, on le note assez régulièrement ; elle ne pourra donc peut-être pas nous donner toutes les réponses. À l'heure où je vous parle, nous n'avons aucune idée du contenu du texte qui sera soumis à notre examen.
Cinq mille amendements, dont soixante-trois de vous, c'est vraiment du travail d'amateur. Il paraît que c'est parce que vous continuez à négocier avec les organisations syndicales… Ce serait bien que vous nous disiez un peu où vous en êtes, car, vraiment, nous n'avons pas le temps d'examiner ces amendements comme il le faudrait.
L'article 1er du projet de loi porte généralisation des complémentaires santé en entreprise.
Je ferai trois observations.
Première observation, le Président de la République a pris l'engagement de permettre à tous les Français d'accéder à une couverture complémentaire santé. Or il ne s'agit ici que d'une partie réduite de la frange de la population – 6 % – qui ne bénéficie pas d'une complémentaire santé. Cela peut être vu comme une étape, mais Mme la ministre des affaires sociales a insisté tout à l'heure sur la nécessaire cohérence de ce dispositif de complémentaire avec le régime obligatoire de protection sociale. Ainsi, vous manquez l'occasion d'une véritable politique nationale de la complémentaire santé.
Deuxième observation, la clause de désignation ne garantit pas une concurrence claire et transparente. Et comment éviter ces conflits d'intérêts dont nous parlons tant ?
Troisième observation, a-t-on mesuré tous les effets induits ? Pour commencer, les transferts des contrats individuels de conjoints vers les couvertures collectives d'entreprises pourraient déstabiliser les organismes de prévoyance. On peut également craindre que la généralisation des complémentaires santé ne s'accompagne d'une réduction du niveau de couverture, d'où le risque de voir arriver des surcomplémentaires améliorant le niveau de couverture. Enfin, quel sera le coût de la complémentaire santé pour les salariés partant à la retraite ?
Tout d'abord, je le dis – très gentiment – à M. Tian : je ne partage pas son avis sur le travail de la commission, qui m'est apparu sérieux. Effectivement, l'accélération sur le fondement de l'article 88, que je ne connaissais pas auparavant, est assez surprenante, mais elle apparaît légitime eu égard à la masse considérable d'amendements que nous devons étudier en très peu de temps. Au moins a-t-elle le mérite de permettre la discussion, et nous y sommes.
Force est de reconnaître que notre assemblée compte beaucoup d'adorateurs de la lettre de l'accord national interprofessionnel. Tout le monde veut absolument relire l'ANI, et à la lettre.
J'ai l'impression qu'en réalité la clause de désignation est l'objet des cauchemars de beaucoup, sinon leur ennemi public. Beaucoup de nos citoyens ne savent même pas ce que cela signifie ; reste que ce terme recouvre une réalité. Deux points de vue doivent toutefois être distingués, et j'aimerais que vous me disiez lequel vous préférez. Est-ce celui de la Mutualité française, qui considère que ce texte représente une avancée mais que le modèle universel qu'il promeut peut être mis en difficulté ? Ou bien est-ce celui des compagnies d'assurance, à qui des parts de marché pourraient manifestement échapper ? C'est un vrai débat.
La réalité, c'est que, si j'en crois le rapport, 414 000 salariés, et quelques ayants droit, bénéficieront d'une couverture qui, aujourd'hui, leur fait défaut. Cela a un coût, certes, mais de là à prétendre que ce n'est pas une avancée sociale, cela me paraît assez extraordinaire.
J'en viens à une interrogation, formulée par des courtiers d'assurance, que nous avons rencontrés, et qui nous ont dit leur inquiétude pour leur emploi. En les faisant parler, nous avons compris que certaines compagnies avaient coupé les précomptes qu'elles donnaient en début d'année aux courtiers sur les contrats à venir, et que les fonds de roulement étaient aujourd'hui exsangues. Oui, nous en sommes là, et ce n'est pas la faute de l'article 1er, c'est la réalité des compagnies d'assurance.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je suis de ceux qui ont été interpellés par la façon dont vous avez transcrit dans la loi la première mesure de l'ANI, et je vous en ai fait part. Pour commencer, cette irruption dans le champ social de la généralisation des contrats collectifs pour les salariés du privé me semblait bousculer la stratégie exposée par le Président de la République au congrès de la mutualité au mois d'octobre dernier, qui vise à faciliter l'accès au soin du plus grand nombre. Vous-même, madame la ministre, en compagnie de M. le Premier ministre, avez présenté la stratégie nationale de santé à Grenoble.
Vous m'avez rassuré en énumérant les étapes prévues en vue d'atteindre cet objectif et en présentant les déclinaisons de l'action à mener pour résoudre les difficultés financières d'accès aux soins de trop nombreux compatriotes. Vous avez notamment évoqué le travail confié au comité pour l'avenir de l'assurance maladie.
Reste un second problème, une seconde inquiétude, qui se fonde sur un constat. Il existe une véritable situation de conflit d'intérêts lorsque des organismes gestionnaires d'une branche confient à d'autres organismes, où l'on retrouve les mêmes gestionnaires, parce que les instituts de prévoyance sont ainsi faits, un champ de la protection complémentaire au titre des contrats collectifs privés.
Voilà pourquoi je comprends les inquiétudes exprimées, notamment, par le monde mutualiste.
Monsieur le ministre, vous nous aviez indiqué que vous pourriez, dans un second temps, répondre à ces inquiétudes par voie de décret. Je vous suggère de prendre en considération la troisième préconisation formulée par l'Autorité de la concurrence : lorsqu'il y a une clause de désignation-migration, c'est-à-dire une clause de désignation obligatoire dans une branche, ou du moins dans l'une des plus importantes branches, jusqu'à présent systématiquement dirigées vers les instituts de prévoyance,…
…on pourrait arrêter une procédure qui permettrait, à la suite d'appels d'offres, de réserver à trois organismes…
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, j'entends un certain nombre de critiques, un certain nombre de doutes, mais lorsque je consulte le trombinoscope de notre assemblée, je m'aperçois que nous sommes très peu nombreux parmi les 577 élus à venir de la toute petite entreprise, de moins de dix ou de moins de vingt salariés. Il se trouve que j'y ai passé trente-deux ans de ma vie, et que j'ai été déléguée syndicale en TPE. De ce fait, je crois à la négociation sociale, je crois au dialogue social, je crois que l'on obtient parfois beaucoup plus de choses par la négociation que par la loi. Je me félicite donc vraiment de ce projet de loi, particulièrement de cet article 1er.
Je pense notamment à ces 400 000 salariés, livreurs, manutentionnaires, vendeuses, à ceux qui n'ont pas de couverture sociale, de couverture santé aujourd'hui, à ceux qui ne peuvent soigner leurs problèmes dentaires ou quelque chose d'autre. J'entends dire qu'ils vont payer. Oui, ils vont payer un peu, l'entreprise va payer un peu. Cependant, si l'on considère ce que leur coûterait, sans cela, l'accès aux soins, force est d'admettre que le dispositif prévu entraînera quand même, pour eux, un gain de pouvoir d'achat, et un gain de santé. Cela vaut quand même le coup de payer un peu ! C'était ma première remarque.
À ceux-ci viennent s'ajouter quatre millions de personnes qui paient elles-mêmes leur couverture santé. Pour cela aussi, ce sera tout de même bien que l'entreprise prenne la moitié de ce coût à sa charge.
Je ne comprends donc pas ces critiques. Bien sûr, on peut rêver, chers amis. On peut rêver que la sécurité sociale rembourse tout à 100 %, y compris une prothèse dentaire à 10 000 euros, ou des verres progressifs qui en valent 750 euros et qui sont actuellement remboursés à hauteur de 17,42 euros. Oui, on peut rêver, mais, en attendant, je le pense profondément : le dialogue social est important et cet article 1er sera avantageux pour un grand nombre de salariés. Je m'en réjouis.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi sur la sécurisation de l'emploi est tout à fait emblématique du compromis historique souhaité par notre Président de la République. En effet, l'accord conclu le 11 janvier 2013 avec les partenaires sociaux nous permet aujourd'hui de présenter un texte innovant, qui va dans la bonne direction.
Précisons que ce projet de loi est l'aboutissement d'un travail de négociation et de dialogue de plus de quatre mois. Nous pouvons en être fiers. Il nous démontre que la France peut se réformer par la concertation, l'échange et des compromis.
Les objectifs sont clairement définis et méritent toute notre attention. Cet accord gagnant-gagnant donne aux entreprises la souplesse dont elles ont besoin pour accompagner leur développement, tout en garantissant aux salariés la sécurisation et la protection auxquelles ils ont droit.
Ce projet de loi fait du dialogue social un garant de l'emploi salarié. Il entérine formellement les droits nouveaux, notamment pour les plus précaires, en leur donnant une traduction juridique dans le code du travail.
En effet, l'article 1er prévoit la généralisation de la couverture complémentaire collective santé pour les salariés et l'amélioration de la portabilité des couvertures santé et prévoyance des demandeurs d'emploi. À partir du 1er janvier 2016, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, devront permettre à leurs salariés de bénéficier d'une couverture santé collective, de qualité au moins égale au socle minimal qui sera fixé par décret.
Député d'une circonscription rurale, je souhaiterais que les statuts particuliers régis par d'autres codes, notamment le code rural, bénéficient de la complémentaire santé : pour moi, il s'agit de lutter contre les inégalités et de favoriser les droits individuels de tous les salariés sans exception.
C'est contrit comme l'était tout à l'heure Hervé Morin, frustré comme l'était probablement M. le rapporteur et assurément contraint par l'utilisation abusive, certainement, aléatoire, sûrement, dangereuse, assurément, de l'article 40 de la Constitution que j'interviens dans ce débat.
J'avais déposé un amendement à l'article 1er qui pouvait recueillir l'assentiment général. Il s'agissait effectivement de contrôler l'énorme manne financière qui sera déversée dans les caisses de ces instituts de prévoyance. Manifestement, elle ne sera contrôlée par personne – Gérard Bapt en parlait en commission dernièrement –, alors que l'Autorité de contrôle prudentiel eût assez facilement pu s'en occuper, et l'article 40 de la Constitution m'a été opposé. J'appelle donc votre attention : est-ce à dire que, désormais, aucun amendement dont l'objet serait de prévoir l'exercice, par un organisme existant, d'un contrôle ne pourra être déposé ? Semblable usage de l'article 40 est tout de même extrêmement pénalisant pour nos travaux parlementaires.
J'aurai malgré tout défendu cet amendement, que je redéposerai d'ailleurs, et j'espère un peu plus de réflexion de la part du président de la commission des finances.
Nous sommes devant l'exemple type d'une bonne mesure issue de la négociation entre les partenaires sociaux que vous êtes en train de rendre mauvaise.
J'avais compris qu'il y avait deux solutions : soit on gardait la lettre de l'accord entre les partenaires sociaux, soit on s'en tenait à l'esprit, en améliorant ce qui était prévu. En l'occurrence, nous n'avons ni la lettre ni l'esprit, puisque nous nous retrouvons avec quelque chose qui, de mon point de vue, est plus mauvais que le texte initial, qui stipulait : « Les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix ».
Il faut tout lire !
Il faut lire la suite, aussi !
Oui, mais la question qui est posée, vous le savez, monsieur le ministre – vous avez lu comme nous l'avis de l'Autorité de la concurrence, même si vous avez pu l'interpréter différemment –, est celle d'un problème de concurrence. Les instituts de prévoyance, vous le savez, détiennent 41 % du marché des contrats collectifs.
Vous savez aussi que la plupart des accords de branche sont obtenus par ces instituts de prévoyance. L'Autorité de la concurrence le reconnaît elle-même dans son avis, puisqu'elle précise que la mise en oeuvre des clauses de désignation doit être encadrée pour maintenir la concurrence sur le marché de l'assurance. Qu'est-ce que cela signifie ? Que ces clauses de désignation doivent être l'exception, et non la règle, qu'elles doivent être justifiées, et qu'elles doivent toujours proposer plusieurs organismes assureurs.
On voit donc bien que certaines dispositions de ce projet de loi sont contraires aux principes de transparence et de concurrence. C'est bien regrettable, car l'idée initiale d'assurer une couverture complémentaire santé à tous les salariés était bonne. Malheureusement, les modalités d'application de cette idée par l'article 1er de ce projet de loi la dénaturent un peu.
Je veux d'abord vous remercier, madame la ministre des affaires sociales, de nous avoir présenté cette partie du projet de loi. L'assurance maladie obligatoire nous est chère : vous le savez, pour avoir siégé avec nous en commission des affaires sociales. Notre groupe y est très attaché.
L'article 1er est composé de deux parties. Il comprend d'abord les dispositions relatives à la généralisation de la couverture complémentaire santé. Cette généralisation n'est pas complète : on se rend bien compte qu'un certain nombre de personnes resteront à l'écart. C'est néanmoins un premier pas important et qui mérite notre soutien.
Il comprend ensuite les dispositions relatives au choix de l'organisme d'assurance complémentaire. À cet égard, je souhaite moi aussi que l'on revienne au texte de l'accord national interprofessionnel. Celui-ci a été rappelé plusieurs fois. La capacité de choisir l'organisme assureur me paraît importante. Comme vient de le dire notre collègue Damien Abad, l'avis de l'Autorité de la concurrence ne peut que conforter cette position.
Ce matin, le Président de la République a parlé des risques liés aux conflits d'intérêts. Le risque de conflit d'intérêt existe vis-à-vis d'un certain nombre d'organismes qui, du fait même de leur caractère paritaire, peuvent se retrouver en situation d'être juge et partie. Avec son autorisation, je me permettrai d'achever la phrase de M. Bapt : il est très certainement possible de trouver une voie moyenne. C'est cette voie que nous attendons, monsieur le ministre !
Je suis d'accord avec M. Cherpion : les propos de M. Bapt étaient frappés au coin du bon sens.
La rédaction du texte souffre d'une ambiguïté, qu'il faut essayer de lever : c'est pourquoi nous avons besoin de votre éclairage. J'imagine, monsieur le ministre que vous allez nous le donner. Aux termes de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier, les partenaires sociaux sont favorables à la liberté de choix.
Si je comprends bien – vous me direz si c'est le cas –, au fond, le texte de loi permet aux branches de choisir entre plusieurs conduites : soit laisser la liberté de choix aux entreprises qui relèvent d'elles, soit recommander tel ou tel organisme, soit désigner tel ou tel organisme après l'avoir sélectionné par un appel d'offre remplissant un certain nombre de conditions.
Voilà quelqu'un qui sait lire !
Si tel est le cas, on peut en discuter, car il s'agit bien au fond d'une clause de liberté. Le texte de loi précise simplement en quoi consiste le choix.
Vous feriez un excellent ministre du travail !
Je le sais bien : on me l'a déjà dit ! J'essaierai de vous remplacer, un jour, mais j'aurai du mal à y arriver, je le sais !
M. Woerth explique très bien : écoutez-le !
Enfin, j'aimerais savoir combien cela coûtera. Selon l'estimation réalisée par Gilles Carrez, le président de la commission des finances, ce coût sera compris entre 1,5 et 2,1 milliards d'euros. Ce coût s'explique par la baisse de la base fiscale taxable des entreprises due à la déduction du coût des mutuelles, et à la baisse de l'impôt sur le revenu due à la défiscalisation du coût de l'adhésion à la complémentaire santé. Est-ce bien cela ? Cette évaluation est-elle correcte ? Si c'est le cas, comment cela sera-t-il financé dans le budget de l'État ?
Mes chers collègues, j'ai demandé que la commission des finances soit saisie pour avis de l'article 1er de ce projet de loi. Cela n'a, hélas, pas été possible.
Peut-être faudrait-il suspendre la séance pour que la commission des finances se réunisse ?
Le groupe UDI se réjouit que les partenaires soient arrivés à un accord pour généraliser la couverture complémentaire santé, en définissant une couverture minimale. Mais il y a un problème, que M. Woerth vient d'aborder. Nous sommes quelques-uns ici, semble-t-il, à lire les études d'impact qui accompagnent les projets de loi. Lorsque j'ai lu, à la page 70 de l'étude d'impact jointe au projet de loi de sécurisation de l'emploi, que « globalement, pour l'ensemble des finances publiques, le coût pourrait être estimé entre 1,5 et 2,1 milliards d'euros, selon le champ d'extension retenu », je me suis posé la même question que lui : alors que les comptes de l'État et de la protection sociale enregistrent de graves déficits, comment financerons-nous cela ? Aucune réponse en commission, aucune réponse du Gouvernement !
La situation actuelle est intenable. L'assurance individuelle ne donne lieu à aucune déduction, ni en termes de cotisations sociales, ni au titre de l'impôt sur les sociétés, ni au titre de l'impôt sur le revenu. En revanche, les accords collectifs responsables donnent lieu à déductibilité au titre de l'impôt sur les sociétés, à déductibilité au titre de l'impôt sur le revenu pour les cotisations des salariés, et à réduction de l'assiette des cotisations sociales ! Voilà ce qui explique pourquoi le coût est considérable : faire basculer un tiers des salariés du secteur privé vers un système d'assurance complémentaire maladie déductible alors que ceux qui étaient assurés à titre privé ne bénéficiaient d'aucune déductibilité, cela coûte cher en moins-values au titre de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu, ou des cotisations sociales !
L'attitude du Gouvernement, qui ne répond pas à la question du financement de ce coût, n'est pas très responsable. J'ai donc déposé un amendement pour rétablir l'égalité entre tous les salariés. Cet amendement propose de ne rendre déductible de l'assiette des cotisations sociales, de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu, que les cotisations correspondant à la couverture minimale, de façon à rétablir l'égalité entre tous les salariés. Voilà mon idée. D'après mes calculs, cela devrait couvrir un peu plus de la moitié du coût pour les finances publiques, voire, peut-être, 60 % de ce coût. Il serait intéressant que le Gouvernement s'exprime sur cette affaire.
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement. Notre collègue Charles de Courson vient d'indiquer qu'il aurait été intéressant de connaître l'avis de la commission des finances. Plusieurs de nos collègues se sont par ailleurs étonné que leurs amendements soient tombés sous le coup de l'article 40 de la constitution. C'est le cas d'un certain nombre d'amendements déposés par notre groupe. Nous ne comprenons pas bien les raisons de ces irrecevabilités.
Je disais à l'instant qu'il aurait été intéressant de suspendre la séance pour que la commission des finances puisse se réunir. Ce n'est pourtant pas l'objet de ma demande. Il est dix-neuf heures vingt-cinq ; la séance sera suspendue d'ici un peu plus d'une demi-heure : je suggère que l'on demande à M. le président de la commission des finances de nous rejoindre à la séance de vingt et une heures trente, pour qu'il nous apporte tous les éclaircissements possibles.
J'indique à mes amis du groupe GDR, ainsi qu'à Dominique Tian, qu'il y a une grande cohérence à lier les questions de santé et d'emploi. La force de travail aussi, cela s'entretient : ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, ni à M. Tian. Pour que les salariés soient efficaces au travail, il faut aussi qu'ils soient en bonne santé. C'est dire si cet article 1er est cohérent. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et le programme du Conseil national de la Résistance, les choses ont évolué, au point qu'aujourd'hui, 55 % seulement des frais de médecine de ville sont pris en charge par la Sécurité sociale. On ne peut se satisfaire de voir que près de la moitié de ces frais ne sont plus pris en charge, ce qui crée une médecine à deux vitesses. C'est dire l'utilité de cet article 1er.
Cela nous paraît d'autant plus important que nous sommes battus ces dernières semaines pour que la réflexion se poursuive sur l'avenir du régime minier en vigueur en Alsace-Moselle. Philippe Bies, député du Bas-Rhin, peut en témoigner. Le secteur des mines et de la sidérurgie a en effet une importance particulière dans cette région. La totalité des dépenses de santé de ces salariés particulièrement atteints était jusqu'alors prise en charge. Je remercie Mme la ministre de la santé d'avoir abrogé l'article 80 du décret du 30 août 2011, qui intégrait automatiquement ce régime dans le régime général, et de mettre en place une instance de coordination où l'ensemble des partenaires seront présents, notamment les syndicats. Il faut que la pratique de l'ANI se retrouve aussi au niveau du ministère de la santé. Je m'en félicite.
Lors du débat qui se poursuivra ce soir, nous présenterons des amendements pour faire perdurer notre régime local complémentaire d'assurance maladie – que l'on ne saurait confondre avec une complémentaire maladie –, ce qui suppose d'introduire des mesures de coordination dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Madame la ministre, monsieur le ministre, le sujet que vient d'évoquer mon collègue mosellan, à propos de notre droit local, est important. L'Alsace-Moselle jouit d'un statut particulier que ce texte n'évoque pas. Tous les résidents d'Alsace-Moselle – ayants droit, les retraités, les chômeurs – bénéficient d'une couverture à 90 % par la Sécurité sociale, financée exclusivement par les salariés.
Comment garantir à tous les salariés d'Alsace-Moselle le bénéfice de ce projet de loi sans pour autant remettre en cause le droit local ? J'attends vos propositions à ce sujet. Nous souhaitons préserver les spécificités de notre droit local.
Marisol Touraine et moi-même vous apporterons une réponse à deux voix. Nous répondrons chacun aux questions ayant trait à nos attributions ministérielles respectives, bien que nos compétences personnelles soient très larges. (Sourires.)
Si je vous donne maintenant quelques éléments, ce n'est pas pour les répéter plus tard.
Plusieurs députés du groupe UMP. Si !
Je ne voudrais pas vous faire perdre du temps. Je refuse de croire que puissiez, à cet instant, n'être pas attentifs. Je vous donnerai donc quelques éléments d'explication sur des sujets qui ont été souvent évoqués, parfois même de manière identique, au point que j'en viens à supposer que certains d'entre eux ont pu être aidés à les formuler…
…ou, plus exactement, éclairés dans leur pensée par telle ou telle organisation.
Votre sourire, monsieur de Courson, me laisse à penser que vous êtes au fond d'accord avec moi ! Notez que je n'y vois rien de contraire à la nature : je comprends que certains, tout en défendant l'intérêt général, veillent à prendre en considération certaines conséquences très particulières.
Premièrement, quatre millions de salariés payent entièrement leur complémentaire santé, car ils ont choisi de le faire. Demain, cette complémentaire santé sera prise en charge au moins à moitié par l'entreprise. Des négociations pourront permettre de porter le taux de prise en charge à 56 %, 60 %, ou au-delà. C'est une avancée considérable : si quelqu'un ici pense le contraire, il suffira de lui faire rencontrer quelques-uns de ces salariés pour le faire changer d'avis. Il ne sera pas nécessaire de lui faire rencontrer les quatre millions de personnes concernés, seuls quelques entretiens suffiront.
J'irai même plus loin : 400 000 salariés…
…n'ont même pas les moyens de se payer une complémentaire santé. Que l'entreprise prenne obligatoirement en charge au moins la moitié de cette complémentaire santé, n'est-ce pas un progrès considérable pour ces salariés-là ? C'est une avancée indéniable. Que certains d'entre vous s'emploient à minorer ce progrès, cela fait partie du jeu ; mais franchement, sur ce point, n'importe qui à l'extérieur de cette assemblée serait d'accord pour convenir que c'est une avancée.
On peut toujours dire que c'est insuffisant. On peut également souligner le fait que les salariés ne sont pas les seuls à ne pas toujours disposer d'une complémentaire santé. Cette question est parfaitement légitime. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé vous apportera sans doute des éléments sur ce point.
Cela dit, la remarque de M. Bapt et de nombre d'entre vous est exacte : il ne faut y voir qu'une première avancée que les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats et les représentants des entreprises, soucieux des intérêts de ceux qu'ils représentent, c'est bien normal, ont demandé de mettre en place. Cette première avancée ne constitue en aucun cas un obstacle pour aller plus loin, pour aborder ce problème plus largement, et mettre en place des complémentaires santé universelles.
Deuxièmement, j'entends ressasser certains arguments… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je me tourne tout particulièrement vers ceux qui les répètent. Heureusement, M. Woerth n'est pas de ceux-là, car il est habitué à lire les accords signés par les partenaires sociaux, qui ne sont pas des plus faciles à déchiffrer !
Ainsi que je l'ai expliqué lors de mon intervention, l'article 1er de cet accord appartient à cette catégorie de dispositions sciemment écrites de manière contradictoire afin que tous ceux qui voulaient pouvoir signer l'accord puissent le faire.
Cela arrive ! Tous m'ont dit que, s'il était vrai que la première phrase posait le principe d'une liberté absolue pour chaque entreprise, la dernière phrase prévoyait la possibilité de mettre en place des clauses de désignation.
Eh oui, telle est la réalité : la première phrase dit blanc, celle du milieu dit gris et la dernière dit noir.
Non, ce n'est pas centriste… Les centristes sont plus clairs que cela : leurs choix sont, chacun le sait, toujours d'une grande clarté !
Ceux qui ont suivi avec un peu d'attention les débats, savent que cela a été écrit ainsi. Je ne vous rappellerai pas la petite histoire de l'accord, si ce n'est pour vous dire qu'il y a eu, en effet, d'énormes contradictions, non pas entre les organisations syndicales, toutes favorables à la possibilité d'une clause de désignation, mais entre les organisations patronales et, en particulier, entre le MEDEF, ou une partie majoritaire du MEDEF, et l'UPA qui avait une vision exactement contraire. Dès lors, on ne pouvait aboutir qu'à un accord contradictoire, impossible à transcrire tel quel dans la loi, parce que, dans la loi, il faut dire soit blanc, soit gris, soit noir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, telle est l'histoire de cet accord. Je la connais ! Demandez à ceux qui ont participé à cette négociation : aucun ne me contredira.
En réalité, aujourd'hui, parmi les six signataires de l'accord, cinq ont une interprétation conforme à ce qui est écrit et un en a une interprétation différente.
Le MEDEF ! Il n'y a pas de secret, puisqu'il l'a dit lui-même clairement ! J'entends plutôt ici un seul son de cloche ; pour ma part, j'écoute l'ensemble des partenaires, et à partir de là, j'essaie de savoir comment parvenir à quelque chose de solide. Mais cessez de me dire que c'est contraire à l'accord ! Non : c'est contraire à une seule interprétation de l'accord, mais c'est conforme aux cinq autres interprétations. Tel est la réalité des faits, et voilà pour ce qui est de cette affaire de respect ou non de l'accord. Je vous ai tout dit sur ce point.
Essayons maintenant de comprendre ce qui figure dans le texte. Je fais comme M. Woerth, qui y a travaillé de la bonne manière.
Ce n'est pas parce que c'est lui, ni parce que je vois sa photo entre celles de ses prédécesseurs et celles de ceux qui lui ont succédé lorsque je rentre dans mon ministère : je pourrais en dire autant d'autres ministres… Peut-être a-t-il tout simplement l'habitude de travailler les textes et de les lire attentivement.
Que dit le projet de loi ? C'est un texte de liberté : les partenaires choisiront librement, comme aujourd'hui, le dispositif qui leur paraît le meilleur. S'ils veulent, comme à l'heure actuelle, que chaque entreprise opte pour celui qui sera porteur de cette assurance, ils peuvent en décider ainsi.
Parmi les partenaires, il y a les patrons. Si le MEDEF veut choisir une autre solution, il peut le faire. Il existe toute une palette de solutions que M. Woerth a parfaitement bien décrites. On peut ainsi choisir une recommandation ou considérer, après un appel d'offres, qu'un, deux, trois ou quatre dispositifs présentent toutes les qualités et toutes les garanties nécessaires et en retenir un. Enfin, s'ils en décident eux-mêmes, et librement, les partenaires peuvent opter pour le mécanisme de la clause de désignation, comme cela se fait aujourd'hui. Ce n'est pas une nouveauté prévue par l'accord ou par le projet. Le texte est donc un texte de liberté.
Un texte de liberté !
Dernier point : beaucoup ont demandé que la transparence et la concurrence dans le choix des organismes soient totales. J'y suis favorable, d'abord parce que cela permettra de retenir celui qui apportera les meilleures garanties au moindre coût non seulement pour l'entreprise, mais également pour le salarié. Cette transparence et cette concurrence permettront à nombre d'organismes d'accéder évidemment à ce marché. Il n'est pas question de laisser telle ou telle catégorie devenir en quelque sorte propriétaire de ce marché.
Il est prévu dans le texte que cela se fera par décret : j'agirai donc en toute transparence, en lien évidemment avec l'ensemble des partenaires et je veillerai à mettre en place une procédure d'appel d'offres parfaitement transparente et favorisant la concurrence. Le texte pose le principe du respect intégral de l'avis du Conseil de la concurrence – de ce qu'il a vraiment dit, s'entend, et non des déformations que je viens d'entendre. Permettez à l'auteur de la loi Sapin d'il y a quelques années, et qui a imposé le principe de la concurrence et de la transparence dans des secteurs où il n'y en avait pas du tout, de se porter garant d'une bonne concurrence et d'une bonne transparence dans ce domaine ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je pense que vous disposez maintenant des explications techniques et politiques de ce dispositif. Je vous remercierai, par conséquent, mesdames, messieurs les députés, de ne pas revenir trop souvent sur ces explications, alors que je crois m'être exprimé clairement et nettement.
Reste la question dite du coût que nous pourrons peut-être aborder lors de la discussion de votre amendement, monsieur de Courson ; peut-être, Mme la ministre l'évoquera-t-elle. L'évaluation de 1,5 à 2 milliards est tirée du rapport tout à fait transparent du Gouvernement. Il ne s'agit pas de la recherche de je ne sais trop quel député ou président perspicace : c'est simplement, comme le soulignait M. de Courson, une bonne lecture d'un rapport dont l'objectif est d'éclairer en tous points les parlementaires. Je me limiterai à préciser ici que chacun sait que le coût est extrêmement progressif dans le temps.
Ce coût n'est en aucun cas immédiat. Comme le ministère de l'économie et des finances l'a confirmé, ce coût est, aujourd'hui, intégré dans les perspectives pluriannuelles des finances publiques.
C'est ainsi que cela a été conçu.
Tels sont, mesdames, messieurs les députés, les éclairages que je pensais nécessaires de vous apporter.
Ils devraient nous permettre d'être plus brefs dans les explications que nous apporterons sur les amendements. Je vous remercie de votre attention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je me contenterai d'apporter quelques observations complémentaires, puisque beaucoup a été dit.
J'ai entendu, sur l'ensemble des bancs de cette assemblée, s'exprimer une inquiétude : pourquoi commencer par généraliser la complémentaire santé pour les salariés, donc les mieux protégés, et non par ceux qui se trouvent dans des situations de plus grande fragilité, que leur précarité tienne à la crise économique ou à une mise à la retraite ? Il est indéniable que le passage à la retraite se traduit par une hausse très significative du coût de la complémentaire santé, que l'on peut estimer à une fois et demie à trois fois le coût auparavant payé par le salarié. Cela dépend évidemment de l'entreprise dans laquelle les retraités travaillaient, de la prise en charge dont ils bénéficiaient et de l'existence d'une couverture collective comme c'est déjà le cas, aujourd'hui, dans un certain nombre de branches, ou d'une couverture strictement individuelle. Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il commencer par la généralisation de la complémentaire santé des salariés ? Cette question peut légitimement être posée. L'accord transposé, aujourd'hui, dans la loi ne concerne pas notre système de santé. Les choses doivent être claires sur ce point. Il n'y a pas, dans l'article 1er du projet qui vous est proposé, une construction, une reconstruction ou un aménagement global de notre système de santé qu'il s'agisse des relations entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires ou de la conception de l'organisation des dispositifs complémentaires. C'est bien pour cette raison que ce texte représente une brique dans la construction de l'édifice plus général que doit être l'accès généralisé de nos concitoyens à une complémentaire santé de qualité.
En quoi cet accord représente-t-il une avancée ? Comme l'a indiqué le ministre du travail, davantage de personnes auront droit à une couverture complémentaire alors qu'elles n'en bénéficiaient pas ou qu'elles avaient une couverture individuelle. De plus, la mutualisation des risques, et j'insiste sur ce point, permettra d'apporter des garanties de meilleure qualité. Certains ont souhaité que la couverture de nos concitoyens soit prise en charge par l'assurance maladie obligatoire. À la grande différence des assurances complémentaires, l'assurance maladie obligatoire n'établit aucune discrimination selon les risques. Elle n'introduit aucune concurrence. Le fait que l'on soit jeune ou moins jeune, que l'on ait été malade ou pas n'entre pas en ligne de compte pour la couverture apportée à un moment donné à un Français. On apprécie tout au long de sa vie la mutualisation des risques. À l'inverse, les couvertures complémentaires sont, elles, dans une logique de marché, donc d'individualisation des risques. Plus on élargit la base sur laquelle s'applique la couverture complémentaire, mieux on est à même de proposer une couverture de qualité. Ainsi, plus on généralise la couverture complémentaire, plus on se rapproche d'un dispositif de mutualisation positif.
La généralisation de la couverture complémentaire dans le secteur de l'entreprise ne compliquera-t-elle pas la généralisation ultérieure à l'ensemble de nos concitoyens ? Plusieurs intervenants ont posé la question. Je leur répondrai que cela constituera incontestablement un cadre nouveau dont nous devrons tenir compte. Nous ne pourrons pas faire comme si cette généralisation dans le milieu du travail n'avait pas eu lieu. Pour autant, cela interdira-t-il ou rendra-t-il plus difficile de proposer une meilleure complémentaire aux étudiants, aux retraités et aux chômeurs de longue durée ? Je ne le crois pas. Cela supposera toutefois que de nouvelles règles de mutualisation puissent être discutées, que soient précisées les règles de l'octroi des avantages fiscaux et sociaux pour les différents contrats existants et que soit de nouveau défini le contenu des contrats responsables. Comme je l'ai précédemment souligné, c'est le sens de la mission que j'ai confiée au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie qui doit apporter des réponses à ces questions.
Des questions précises ont été posées sur le régime d'Alsace-Moselle. Bien évidemment, le régime particulier sera maintenu et des adaptations nécessaires seront apportées, qui lui permettront de continuer à fonctionner conformément à ses principes fondateurs. Un très bon amendement de M. Liebgott, auquel le Gouvernement donne, par avance, un avis favorable, vise à le conforter.
Enfin, M. Chassaigne s'est interrogé sur le niveau de la couverture complémentaire minimale qui sera défini par le texte par rapport à celui de la CMUC. La CMUC, contrairement à ce qu'imaginent certains, n'est pas une couverture complémentaire au rabais. C'est une excellente couverture complémentaire, notamment parce que les professionnels de santé ne peuvent pas appliquer de dépassements d'honoraires à ses bénéficiaires. Dans l'accord ayant résulté de la conférence de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, le seuil du plafond pour en bénéficier a été relevé, et ce sont 700 000 personnes supplémentaires qui peuvent désormais compter soit sur la CMUC soit sur l'aide à la complémentaire santé. C'est donc une avancée très significative qui a déjà été franchie.
Je serai évidemment très attentive à ce que, dans la poursuite du dialogue avec les partenaires sociaux et les différents représentants du monde des complémentaires santé, nous puissions construire un système garantissant à chacun une complémentaire santé de qualité à un coût accessible, ce qui, encore une fois, passera par la redéfinition des contrats responsables et des avantages sociaux et fiscaux qui y sont attachés. Ce travail, déjà engagé, pourra aboutir dans des délais proches. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Tian, vous vous plaignez à nouveau, mais c'est une habitude, des conditions de travail en commission. D'abord, je n'accepte pas que vous vous en preniez à notre présidente qui fait preuve d'une grande disponibilité et d'une grande compétence, qui anime notre commission avec talent. Elle s'est absentée trois minutes et vous en avez profité pour faire remarquer son absence. Vous avez une qualité, c'est que vous êtes souriant ; mais vous avez un grand défaut, celui d'être souvent discourtois. Je crois même qu'au fond, vous êtes macho (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et que vous ne supportez pas que notre commission soit présidée par une femme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai souri, monsieur Benoit, lorsque vous avez évoqué la négociation sociale dans notre pays en essayant de la faire commencer avec Jean-Louis Borloo. Il y a une forme de concurrence entre l'UDI et l'UMP, certains en attribuant le bénéfice à M. Larcher et d'autres à M. Borloo. Il y avait de la négociation sociale avant vous, il y en a eu effectivement plutôt sous M. Borloo que dans le dernier quinquennat, il y en aura après, à tel point d'ailleurs qu'elle sera gravée dans le marbre de notre Constitution.
Sur le financement, monsieur de Courson, comme vous pouvez le lire dans mon rapport, page 62, le Gouvernement dit très clairement que la perte de recettes est intégrée dans le programme notifié à Bruxelles. Il programmera cette année les sommes correspondantes.
Sur la question des clauses de désignation, le ministre vous a raconté la façon dont se sont passées les auditions, vous a fait l'exégèse du texte. J'ai moi-même pu faire auditionner les partenaires sociaux pour leur demander leur interprétation du texte. Je vous confirme qu'il y a un désaccord profond sur ce qui a été signé,…
…certains voulant des clauses de désignation, d'autres souhaitant les interdire. Le texte ouvre toutes les possibilités.
L'ANI n'a pas tranché cette question puisqu'une première phrase pose le principe qu'il n'y a pas de clause de désignation, une deuxième, commençant par le mot « toutefois », prévoyant une exception, et une dernière phrase les autorisant.
Au fond, le débat que nous avons ici, je l'ai évoqué tout à l'heure, porte sur notre conception de la façon dont la sécurité sociale doit être financée. Vous souhaitez que les assurances privées prennent davantage de place dans la sécurité sociale, vos propositions en matière de dépendance, par exemple, le montrent d'ailleurs. Nous, nous souhaitons que, chaque fois que ce sera possible, il y ait des organismes de branche parce que la mutualisation passe par là, parce qu'une vraie protection, une égalité d'accès des soins, des actions de prévoyance et de portabilité passent par là.
Assumez donc ce débat de fond, ne vous cachez pas derrière l'ANI, qui ne dit rien en l'occurrence sur la question, et les débats seront plus clairs pour les Français.
Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron