Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 2 décembre 2015 à 9h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 2 décembre 2015

La séance est ouverte à neuf heures cinquante.

(Présidence de M. Michel Ménard, vice-président de la commission des affaires culturelles, puis de M. Patrick Bloche, président, et de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, puis de M. François Loncle, membre de la commission)

La commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'audition, conjointe avec la commission des affaires étrangères, de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société en 2014.

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Je remercie Marie-Christine Saragosse pour sa présence à cette réunion conjointe qui est l'occasion d'évoquer l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde, mais aussi l'avenir de l'audiovisuel extérieur. Année après année, nous constatons la disproportion entre les moyens qui sont alloués aux excellentes équipes de France Médias Monde et l'ampleur de la tâche pour France 24, RFI et, ne l'oublions pas, le formidable atout que représente Monte Carlo Doualiya, radio émettant en français, en anglais et en arabe.

Je m'en tiendrai à une seule question : comment analysez-vous la concurrence à laquelle doit faire face votre groupe ? De nombreux pays investissent dans ce domaine – le Qatar, les États-Unis, la Chine ou la Russie, avec la montée en puissance de Russia Today. Quelle peut être la place de France Médias Monde, alors que ses moyens sont sans commune mesure avec ceux d'Al-Jazeera et même de Deutsche Welle, dont le budget avoisine 300 millions d'euros ?

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J'accueille à mon tour avec plaisir la présidente Marie-Christine Saragosse. Je rappelle que le COM actuel couvre les années 2013 à 2015. Nous devrions donc prochainement être saisis du projet de contrat qui liera France Médias Monde à l'État pour les années à venir. Peut-être souhaiterez-vous l'évoquer, madame Saragosse, mais je vous soumets auparavant quelques sujets d'interrogation.

Le rapport d'exécution du COM montre que la part des charges de personnel dans les charges d'exploitation atteint 53 %, soit un niveau supérieur de deux points à l'objectif fixé dans le COM. Par ailleurs, les effectifs augmentent de 48 équivalents temps plein (ETP) alors que le COM prévoyait une stabilité des effectifs après les deux plans de départ réalisés sur la durée du contrat. En outre, le taux de précarité de l'emploi, qui s'établit à 28 %, reste supérieur de deux points à l'objectif du COM. Par ailleurs, les ressources propres ne s'élèvent qu'à 7,8 millions d'euros, un niveau inférieur de 20 % à l'objectif qui était de 9,5 millions d'euros, malgré le redressement des recettes publicitaires de France 24. Comment expliquez-vous ces difficultés à atteindre les objectifs de gestion fixés dans le COM ?

Quelles sont les chances d'aboutir à une harmonisation des accords d'entreprise avant la fin de l'année ?

France Médias Monde est-il associé aux discussions en cours sur la création d'une chaîne d'information en continu de service public ? Quelle pourrait être sa contribution ? Comment s'articule ce projet avec la diffusion de France 24 sur le territoire national, qui est déjà effective en Île-de-France ?

(M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, remplace M. Michel Ménard à la coprésidence.)

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

Avant d'en venir à l'exécution du COM, qui arrive à son terme cette année, et aux perspectives pour la période 2016-2020, je veux attirer l'attention de cette assemblée sur le changement radical, profond et durable du contexte dans lequel s'inscrit désormais l'action audiovisuelle extérieure de la France.

Il y a quelques jours, nous vivions le plus terrible attentat de l'histoire de notre pays. En janvier déjà, nous avions été sidérés par les attentats perpétrés à Charlie Hebdo et à l'Hyper Cacher de Vincennes. Notre projet de contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020, qui a été remis au gouvernement en mai dernier, tient bien sûr compte des événements de janvier. Mais il aurait sans doute été plus ambitieux encore si nous l'avions élaboré après le 13 novembre. L'audiovisuel extérieur français est désormais en première ligne, en particulier les médias de langue arabe, dans la bataille des idées qui s'est engagée. C'est vrai pour les médias classiques, en linéaire, mais cela l'est tout autant dans les environnements numériques, parfaitement maîtrisés pour être des outils de propagande, de radicalisation et de recrutement.

Le gouvernement britannique ne s'y est pas trompé. Alors même que la BBC met en oeuvre un vaste plan d'économies de plus de 200 millions d'euros pour ses services domestiques au Royaume-Uni – allant jusqu'à cesser la diffusion analogique de BBC3 –, le gouvernement a décidé de verser une dotation supplémentaire de 48 millions d'euros en 2016 et 2017, puis de 121 millions d'euros par an, au BBC World Service, la branche internationale du groupe. Cette dotation est la plus importante jamais attribuée par un gouvernement aux programmes à vocation internationale de la BBC. Son directeur général résume ainsi l'enjeu : « Les millions annoncés aujourd'hui aideront la BBC à honorer son engagement de défendre la démocratie à travers des informations précises, impartiales et indépendantes. »

Cette initiative n'est pas isolée. L'Allemagne vient de décider une hausse de 12 millions d'euros des crédits de Deutsche Welle à partir de 2016. La Russie développe sa chaîne internationale Russia Today qui est le vecteur clé de sa stratégie de communication internationale. La Chine fait de même, pour ne rien dire des États-Unis et du Broadcasting Board of Governors (BBG) dont le budget est en forte croissance.

En dépit des enjeux, l'audiovisuel extérieur français ne dispose pas de moyens comparables. Pourtant, la France occupe une place particulière sur la scène internationale. Le retentissement mondial des attentats de novembre et les réactions suscitées dans la plupart des pays du monde en témoignent. Nos médias ont joué leur rôle de caisse de résonance : cinq chaînes américaines et australiennes ont interrompu leurs programmes pour diffuser en direct France 24 ; nos journalistes sont intervenus une centaine de fois au service d'autres médias, français et internationaux ; nos sites ont vu leur fréquentation croître de façon exceptionnelle ; près de 60 millions de vidéos de France 24 ont été consommées en quelques jours, soit une multiplication par six par rapport à la moyenne habituelle. L'attente pour nos médias est donc bien là. Mais, alors que nous ne connaissons pas encore les arbitrages pour le COM 2016-2020, les moyens seront-ils à la hauteur des enjeux ?

L'enveloppe budgétaire pour 2016, première année du futur COM, est en augmentation de 0,8 %, soit 2 millions d'euros supplémentaires. Je suis parfaitement conscience des contraintes qui s'imposent à l'État et de l'effort consenti en faveur de France Médias Monde. Mais la trajectoire ainsi définie correspond à l'évolution la plus basse que nous avions proposée dans le projet de COM remis à l'État au printemps dernier. Cette évolution permet de maintenir à flot notre entreprise, mais aucunement de la développer. Notre option la plus haute, dont je considère que, dans le contexte actuel, elle est plus que modeste, prévoyait une croissance de 2,1 % par an des ressources publiques pour les cinq prochaines années, croissance qui nous aurait donné en 2020 un budget encore inférieur de 25 millions d'euros à celui de notre concurrent au budget le plus modeste, Deutsche Welle.

Ce budget pour 2016 nous permettra de faire face à nos obligations légales, au glissement inexorable aussi bien des loyers que de la masse salariale, ou à l'ajustement de nos amortissements consécutifs à nos investissements dans la haute définition. Nous pourrons ajuster a minima les moyens de nos rédactions et poursuivre nos actions en faveur du renforcement de la cohésion sociale. Bien sûr, nous serons à l'équilibre, comme chaque année depuis 2012. Mais nous n'aurons pas de moyens supplémentaires pour la communication et le marketing, nous n'en aurons pas pour développer une chaîne en espagnol ni pour renforcer nos programmes arabophones, notamment en améliorant leur programmation par rapport à la disponibilité de notre public cible.

Pourtant, notre groupe en a sous le pied, si je puis dire. Les chiffres clés que nous vous avons communiqués pour le mois de novembre attestent de nos performances. Ils sont le résultat de l'actuel COM qui nous a permis d'enrichir nos grilles et donc d'augmenter nos effectifs. Dans des chaînes d'information continue ou de radio, l'augmentation du coût des programmes se traduit inévitablement par le recrutement de journalistes : nous ne commandons pas nos journaux à des sociétés de production ; nous ne pouvons pas prévoir les breaking news qui vont nous faire interrompre nos antennes. Améliorer la qualité de nos programmes, c'est augmenter la masse salariale. Face aux événements que nous vivons, j'assume les 48 ETP supplémentaires de 2014. L'année en cours connaîtra de nouveaux recrutements, sans que notre équilibre budgétaire soit rompu, ce qui, pour une société nationale de programmes, mérite d'être salué.

Nous avons relancé les langues en proposant des programmes en mandingue – langue parlée dans la bande sahélienne qui connaît elle aussi le terrorisme – depuis le 19 octobre. Nous avons modernisé l'ensemble de nos sites et applications en mettant l'accent sur la mobilité et les réseaux sociaux. Nous avons lancé de nouveaux sites il y a quelques jours : RFI Afrique et RFI Savoirs. Enfin, nous sommes passés à la production en haute définition.

Nos trois médias ont totalisé 90 millions d'auditeurs et téléspectateurs en moyenne par semaine en 2014 – ces chiffres correspondent à des mesures, et non à des estimations ou des projections – et ils cumulent 30 millions de visites en moyenne chaque mois et rassemblent plus de 31 millions d'abonnés sur Facebook et Twitter.

France 24 a accru sa distribution de plus de 50 % en deux ans et continuera à le faire cette année. Nous avons franchi la barre des 300 millions de foyers recevant la chaîne.

L'audience mondiale de France 24 est en hausse de 11 % en 2014, avec près de 46 millions de téléspectateurs hebdomadaires. Elle est l'une des chaînes les plus suivies au Maghreb, notamment en Tunisie où elle est la première chaîne d'information. Elle est la première chaîne d'information internationale dans toutes les capitales d'Afrique francophone, et dans le top 3 des chaînes, toutes chaînes confondues, auprès des cadres et dirigeants. Elle a une place de plus en plus affirmée au Proche et Moyen-Orient, où un leader d'opinion sur cinq la regarde chaque semaine. En Jordanie, France 24 en arabe a d'ailleurs enregistré en 2014 un bond de 60 % de son audience hebdomadaire.

L'audience de RFI est en hausse de 8 % en 2014, avec 37,3 millions d'auditeurs hebdomadaires, mesurés dans moins d'un tiers des pays de diffusion.

RFI reste incontournable en Afrique. Elle est dans le top 3 des radios les plus écoutées dans la quasi-totalité des capitales, toutes radios confondues, et de très loin numéro un chez les cadres et dirigeants, avec des scores entre 80 et 100 % d'audience hebdomadaire sur cette cible. La dynamisation des langues étrangères porte ses fruits avec des bonds d'audience enregistrés, notamment en haoussa – langue parlée par Boko Haram – dont l'antenne rassemble chaque semaine plus de 5 millions d'auditeurs. RFI enregistre des records d'audience en khmer – elle a multiplié par neuf son audience au Cambodge –, et en roumain – RFI România est la première radio des cadres et dirigeants à Bucarest, elle vient d'obtenir deux fréquences supplémentaires et une décoration de la présidence de la République pour son rôle essentiel dans la construction de la démocratie roumaine.

L'audience de Monte Carlo Doualiya (MCD) est en augmentation de 5 % en 2014, avec 7,3 millions d'auditeurs. Elle est la première radio internationale en Syrie et au Liban ; son audience a été multipliée par quatre en Jordanie en 2014 ; elle est la quatrième radio la plus écoutée en Mauritanie.

Sur Facebook, France 24 est le premier média français, tous médias confondus, avec près de 12 millions d'abonnés, et RFI la première radio généraliste française, avec 8 millions d'abonnés. Quant à MCD, elle rassemble une communauté de 2,5 millions d'abonnés, construite en moins de deux ans.

Sur les sites et applications mobiles des trois médias, l'augmentation du trafic est spectaculaire. France 24 enregistre 16 millions de visites en moyenne chaque mois, soit une hausse de 47 % par rapport à 2012.

La fréquentation du site de RFI a augmenté de 60 % par rapport à 2012. MCD a vu son trafic multiplié par cinq entre 2013 et 2015.

France 24 compte plus de 30 millions de vidéos vues chaque mois sur internet, et, je l'ai dit, 60 millions à la suite des attentats du 13 novembre.

Ces résultats ont été réalisés avec un budget encore inférieur en 2015 de 4,3 % en euros courants à ce qu'il était en 2011 et en tenant l'équilibre : c'est dire les efforts de productivité qui ont été réalisés par notre société.

Il ne dépend plus seulement de nous d'achever le premier COM. Reste bien sûr l'accord d'entreprise pour lequel la négociation est en pleine effervescence. Nous nous étions fixé avec l'État l'objectif de signer avant la fin de l'année. Si nous ne signons pas avant cette échéance, les salariés perdront la prime à la signature que nous avions prévue. Il m'est difficile d'entrer davantage dans le détail de cette négociation puisqu'elle est en cours. Sachez que notre objectif est d'aboutir à un accord équitable et équilibré, et non à un accord par le haut, qui serait pourtant beaucoup plus confortable pour la direction.

S'agissant de notre présence en France, nous n'aurons pas atteint nos objectifs. En matière de radio, RFI et Monte Carlo Doualiya, qui avaient pourtant réalisé une expérience positive à Marseille, attendent toujours la possibilité d'y retourner dans le cadre d'un accord avec Radio France qui nous céderait l'une des deux fréquences qu'il possède pour Mouv'.

Nous avons également souhaité que MCD, radio laïque arabophone de service public française, soit présente en radio numérique terrestre (RNT) en Île-de-France, mais cela relève de préemptions gouvernementales, de même que pour les langues étrangères de RFI. Nous nous sommes également portés candidat à Toulouse, où se libérait une fréquence FM. Ces évolutions ne dépendent pas de nous, mais nous semblent plus nécessaires que jamais : nos médias savent tenir un langage et offrir des programmes nécessaires à la cohésion sociale, qui pourraient trouver un écho dans certaines zones en France.

Quant à France 24, elle est diffusée sur la TNT en Île-de-France alors qu'elle visait une couverture urbaine plus large. Dès lors que les pouvoirs publics ont choisi de doter la France d'une chaîne d'information continue nationale, nous travaillons en bonne intelligence avec France Télévisions, Radio France et l'INA. Nous sommes partie prenante du comité de pilotage de la future chaîne.

J'espère avoir l'occasion d'échanger à nouveau avec vous pour vous présenter le futur COM en cours d'arbitrage. Il me semblait aujourd'hui essentiel d'attirer votre attention sur le changement radical et durable du contexte dans lequel s'inscrit désormais notre action.

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Ce n'est pas la première fois que nous vous auditionnons, madame. La représentation nationale sait ce qu'elle vous doit, et ce qu'elle doit à toutes vos équipes, pour permettre à France Médias Monde de se développer dans un contexte budgétaire qui, vous l'avez rappelé, est particulièrement contraint. Comme de nombreux députés ici présents, je vous connais bien, et je crois avoir décelé dans votre voix une certaine tension, qui traduit sans doute un quotidien pas toujours évident.

Comme toujours pour les médias, les chiffres qui parlent le mieux sont ceux des audiences. Nous ne pouvons que nous féliciter de constater leur progression pour chacun des trois médias.

La question récurrente de la diffusion de France 24 sur le territoire national sera certainement abordée de nouveau par mes collègues.

Vous avez indiqué que les pouvoirs publics ont souhaité que soit développée une chaîne d'information. Je peux témoigner que ce projet résulte d'abord de la volonté de Delphine Ernotte. Les pouvoirs publics ont pris acte de son projet stratégique dans le cadre de la négociation du prochain COM de France Télévisions, qui, hasard du calendrier, s'étendra sur la même durée que le COM de France Médias Monde.

Vous avez pu légitimement prendre ombrage de ce que Delphine Ernotte privilégiait initialement un partenariat avec Radio France. Mais la réflexion a été opportunément élargie.

Nous souhaitons que toutes les ressources de l'audiovisuel public soient mobilisées pour que nous puissions enfin disposer, avec quinze ans de retard, d'une chaîne d'information continue publique. La France fait en effet figure d'anomalie puisqu'elle est un des seuls pays à ne pas compter de chaîne d'information publique, mais seulement trois chaînes privées – deux sur la TNT, une payante, pour l'instant. Je crois traduire là un sentiment général, quelles que soient nos appartenances politiques.

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Je tiens à vous remercier, vous et votre équipe, pour les progrès, considérables et incontestables, qui ont été accomplis depuis votre nomination. Il suffit, pour s'en convaincre, de se souvenir de ce qu'était France 24 il y a quatre ou cinq ans.

Dans les temps difficiles que nous vivons, l'image de la France à l'étranger passe – nous pouvons le vérifier à chacun de nos déplacements – par les instituts et les lycées français, et par l'audiovisuel extérieur.

Vous soulignez à juste titre les changements intervenus dans le monde et les conséquences qu'en tirent certains pays amis, qui sont aussi nos concurrents, en termes de moyens. Nous devons sans tarder nous pencher sur cette question. Alors que d'autres pays accordent la priorité à l'audiovisuel extérieur, nous devons être très attentifs à cette démarche. Ainsi, le projet de diffusion en espagnol apparaît très important, cette langue étant parlée dans une partie du monde où il nous faut développer notre influence.

Je souhaite cependant, non sans précaution, vous adresser une remarque. Ancien journaliste, je suis attaché à la liberté, comme vous l'êtes à celle de votre rédaction. Dans la période très troublée que nous traversons ont fleuri des émissions de débat en direct qui réunissent autour d'une table des journalistes de votre rédaction, que je ne mets nullement en cause, et une ribambelle d'invités en tous genres – experts ou pseudo-experts, intellectuels ou pseudo-intellectuels, voire intellectuels d'opérette, généraux ou colonels à la retraite qui feraient mieux de consacrer leur temps libre au golf ou au tennis plutôt qu'à l'analyse de la situation du monde. Je ne citerai pas de noms, pour ne pas être désobligeant, mais on se demande pourquoi tous ces gens sont invités. Certains ne le sont heureusement qu'une seule fois, car on s'aperçoit bien vite de la méprise, mais ne faudrait-il pas les sélectionner plus attentivement dès le départ ?

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Nous ne pouvons que vous féliciter, madame, pour les résultats que vous avez obtenus : vous avez réussi à pacifier le monde de l'audiovisuel extérieur, qui en avait bien besoin.

Je vous remercie également d'avoir commencé votre propos par ce que vous avez appelé la « bataille des idées ». Il ne nous est pas interdit, en effet, de parler des idées et de la ligne éditoriale de vos chaînes. Vous avez fait état des audiences enregistrées à l'occasion des attentats. Mais, au-delà de ces chiffres, quels messages véhiculent vos chaînes à propos d'événements aussi dramatiques ? Comment les autres médias du monde les ont-ils traités ?

En matière de gestion, je vous félicite pour la hausse des audiences et pour l'équilibre du résultat net, preuve que les efforts de gestion ont porté leurs fruits.

Vous présentez un projet de COM particulièrement ambitieux permettant de consolider votre position dans les zones d'influence traditionnelles – Afrique, Maghreb et Proche-Orient – et de développer la présence d'antennes dans de nouvelles zones – l'Asie et l'Amérique. Mais, la hausse de la dotation de 0,8 % prévue pour 2016 peut-elle suffire à atteindre ces objectifs ambitieux que nous approuvons ?

Dans le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », sur les 2 millions d'euros supplémentaires attribués en 2016 à France Médias Monde, 1 million semble destiné au renforcement de la sécurité à la suite de la cyberattaque dont a été victime TV5 Monde et face aux risques terroristes actuels. Ce calcul a été effectué bien avant le 13 novembre. De nouvelles évolutions sont-elles à prévoir ? Quelle est la menace pesant sur vos équipes ? Quelles actions complémentaires à la sécurisation de votre réseau informatique doivent être envisagées ?

Quel est l'état d'avancement de la négociation sur l'accord d'entreprise qui doit définir un statut social harmonisé pour l'ensemble des salariés ?

Un rapport sénatorial, que nous avons tous apprécié, préconise de regrouper à moyen terme en un seul grand pôle les chaînes de l'audiovisuel public nationales et extérieures. Est-il indécent de vous demander votre avis, sachant qu'il n'est pas exclu qu'un représentant de l'audiovisuel extérieur préside ce pôle ? Considérez-vous favorablement ce qui pourrait être une avancée au regard de l'évolution des autres médias européens ?

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Permettez-moi de vous interroger sur le COM à venir, puisque celui sur lequel nous vous auditionnons aujourd'hui prend fin en 2015. Cette audition est l'occasion de faire un point d'étape sur les discussions en cours et de présenter les principaux axes envisagés.

Il me semble utile de rappeler que notre ancien collègue Pierre Léautey avait remis, à la fin de 2013, un rapport sur le projet de COM 2013-2015 qu'il qualifiait d'ailleurs de « COM de transition » devant « permettre à l'entreprise de préparer l'avenir sur de nouvelles bases ». Il appelait à l'organisation de débats en vue du futur COM sur un certain nombre de points : opportunité d'une diffusion plus large de France Médias Monde sur le territoire national et en Europe ; place des Français de l'étranger dans la stratégie du groupe. Aujourd'hui, alors que les négociations sur le futur COM sont en cours, ces débats me semblent toujours aussi pertinents, pour ne pas dire urgents. Ce sont là des décisions stratégiques qui auront nécessairement des conséquences sur l'avenir de France Médias Monde, sur sa ligne éditoriale et sur les publics ciblés par le groupe, ainsi que, bien sûr, sur ses relations avec France Télévisions et Radio France.

Une réflexion sur les sources de financement du groupe me semble également opportune. Je pense notamment à la mobilisation de la contribution à l'audiovisuel public qui peut poser question puisque l'objectif du groupe demeure à ce jour le rayonnement de la France à l'étranger.

Autre sujet sur lequel je souhaite vous interroger : les relations et les coopérations entre France Médias Monde et les autres groupes de l'audiovisuel public.

Quel est votre avis sur la proposition de mes collègues sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux qui appellent à la création d'une entité unique, « France Médias », regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA ? Cette proposition traduit la volonté de mettre fin à l'émiettement actuel et de créer un groupe puissant, doté de marges de manoeuvre financières susceptibles de garantir son indépendance.

J'aimerais également que vous évoquiez le projet, défendu notamment par Delphine Ernotte, qui vise à mettre en place dès septembre 2016 une chaîne publique numérique d'information en partenariat avec tous les acteurs de l'audiovisuel public. Êtes-vous associée à ce projet ? Les personnels le sont-ils ? Qu'en pensez-vous ?

Comme vous, je souhaite que les négociations en cours relatives à l'accord d'entreprise soient aussi favorables que possible aux salariés. Nous savons que France Médias Monde est le fruit d'une réforme douloureuse et stressante pour les équipes de France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya. On peut se féliciter de votre action à cet égard.

Pouvez-vous faire un point sur le recours aux emplois précaires ?

Autre enjeu sur lequel j'attire votre attention : l'accessibilité des programmes. Pour les émissions télévisées en français, des traductions en langue des signes sont-elles prévues ? L'exemplarité de France 24 est attendue sur cette demande formulée par les personnes sourdes ou malentendantes.

S'agissant de France 24, je tiens à souligner l'intérêt que représentent les projets de journalisme participatif avec les observateurs, ainsi que la rubrique consacrée à la COP21.

Enfin, il me semble essentiel de saluer le travail mené par les rédactions du groupe à la suite des attentats de janvier 2015 pour parler de laïcité et de liberté d'expression, pour permettre le débat d'idées, pour expliquer les événements et éviter les simplifications. Dans le même état d'esprit, pouvez-vous nous présenter les principales décisions prises au lendemain des attentats du 13 novembre ?

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Parce que les chaînes de France Médias Monde contribuent au rayonnement culturel de notre pays, la bonne santé de ce groupe public est primordiale. Nous sommes donc très attachés au maintien des moyens attribués à France Médias Monde, comme c'est le cas dans le projet de loi de finances pour 2016.

L'exécution en 2014 du COM 2013-2015 est plutôt positive ; elle montre que, avec peu de moyens, si l'on compare son budget avec ses concurrents américain, britannique ou allemand, France Médias Monde a pu continuer son travail de qualité, tout en améliorant son offre et ses services.

Bien au-delà de leur diffusion dans les chambres d'hôtels internationaux, les chaînes de France Médias Monde s'adressent à la fois aux expatriés, aux francophones et aux francophiles du monde entier, ainsi qu'à des millions d'auditeurs et de téléspectateurs en langues étrangères. Enfin, par la qualité de ses rédactions, France Médias Monde représente l'excellence française et promeut les valeurs humanistes défendues par notre pays.

Je souhaite cependant vous faire part de quelques interrogations concernant l'exercice 2014, mais aussi vos projets pour la dernière année du COM 2013-2015. Certes, la situation s'est améliorée au cours de l'exercice 2014, mais le financement par les ressources propres n'a pas retrouvé son niveau d'il y a quelques années. Ainsi, leur montant s'élève seulement à 9,5 millions d'euros en 2014, contre 10,7 millions en 2012. Comment comptez-vous accroître ces ressources propres, essentielles au bon fonctionnement du groupe et au développement de ses activités ?

La Cour des comptes a formulé en 2013 un ensemble de préconisations pour France Médias Monde. Elles ne concernaient pas votre mandat, mais quelles conséquences en avez-vous tirées dans votre gestion de l'entreprise ? Le regroupement immobilier préconisé a-t-il été mené à son terme ? Le coût global de ce projet était évalué à 44 millions d'euros, financés par une subvention publique exceptionnelle de 27,7 millions, et par un autofinancement du groupe à hauteur de 16,3 millions. Cette enveloppe a-t-elle été respectée ?

S'agissant de la mise en place d'un statut uniforme des personnels rendu nécessaire par la fusion intervenue en 2012, que pouvez-vous dire de l'avancement de ce chantier délicat, lancé en 2014 et dont vous prévoyiez qu'il se termine à la fin 2015 ?

La ministre de la culture et la présidente de France Télévisions souhaitent l'installation d'une chaîne publique d'information continue autour de France Télévisions et Radio France. J'ai eu l'occasion de le rappeler à de multiples reprises, je suis en désaccord avec ce projet. Si, à première vue, l'objectif de coordonner et de mutualiser les moyens des rédactions des différents groupes de l'audiovisuel public paraît louable, il était déjà mis en avant pour France 24. Or beaucoup de chemin reste à faire. Quel serait le coût d'un tel projet ? Ne risque-t-il pas de fragiliser les chaînes privées qui connaissent déjà des difficultés ?

Enfin, permettez-moi d'évoquer la sécurité des journalistes et des collaborateurs des chaînes dans les pays d'émission. Alors que les groupes djihadistes qui ont fait de la France une cible prioritaire sévissent dans les zones couvertes en priorité par les chaînes du groupe, que ce soit en Afrique subsaharienne ou au Moyen-Orient, quelles sont les précautions prises pour assurer la sécurité des personnels présents dans ces zones ?

Je m'interroge aussi sur les suites de la cyberattaque dont a été victime TV5 Monde le 8 avril dernier. Cet événement a-t-il eu des conséquences financières pour le groupe, actionnaire de TV5 Monde à hauteur d'environ 12,5 % ?

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Je salue à mon tour la pacification bienvenue de l'audiovisuel extérieur à laquelle vous êtes parvenue.

Si la création d'une chaîne d'information répond à un objectif louable, les contours du projet sont peu clairs. En outre, je ne suis pas sûr que nous ayons les moyens de créer une chaîne ex nihilo. France Médias Monde sera-t-il associé à la création de cette chaîne ? Il serait absurde de ne pas mettre à profit les ressources et l'expertise de France 24, seule chaîne publique d'information en continu dont le succès d'audience ne se dément pas et qui apporte une valeur ajoutée par rapport à certaines chaînes privées.

Je me demande d'autre part s'il est bien opportun de diffuser France 24 en espagnol. Le ministre des affaires étrangères a fait de l'Amérique latine, qui portera demain une bonne partie de la croissance mondiale, l'une des priorités de notre diplomatie économique. Je crois savoir qu'il s'est personnellement impliqué pour que la chaîne en espagnol existe. Il manquerait cette année 1,5 million d'euros pour lancer le projet. Pensez-vous que le Gouvernement soit prêt à consentir cet effort ?

Enfin, vous avez exercé avec brio des fonctions à TV5 Monde qui a été l'objet d'une cyberattaque ayant failli lui coûter la vie et dont les conséquences financières, estimées à 4,8 millions d'euros pour la seule année 2015, s'avèrent considérables. Comment ce problème est-il abordé à France Médias Monde ? Une mutualisation des coûts avec les autres médias est-elle envisageable ?

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L'audiovisuel public est un élément important pour développer le sentiment d'appartenance à une communauté nationale, mais également à une communauté linguistique et culturelle. La francophonie compte aujourd'hui plus de 274 millions de locuteurs, soit quatre fois la population de la France. En sa qualité de diffuseur audiovisuel français, France Médias Monde est un vecteur de rayonnement culturel pour la France, mais aussi de diffusion de la francophonie partout dans le monde. Le nouveau COM prendra certainement ce double aspect en compte.

Quelle est la stratégie du groupe pour permettre au plus grand nombre de nos compatriotes résidant à l'étranger d'accéder aux chaînes du groupe, mais également pour assurer l'implantation la plus large possible du groupe sur les différents continents ? J'ai cru comprendre que le groupe avait lancé des programmes en langue bambara au Mali et tentait de s'établir en Amérique latine. Pouvez-vous nous en dire davantage sur vos projets d'expansion ? Pouvez-vous nous éclairer sur les moyens que vous mettrez en oeuvre pour l'accès à vos programmes en direct ou en rediffusion là où d'autres diffuseurs publics – France Télévisions, pour ne pas le citer – ne permettent qu'un accès limité à leurs programmes et à leur plateforme numérique ?

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Il y a un an, ici même, vous aviez affiché des ambitions dans quatre domaines : l'objectif des 300 millions de foyers raccordés est atteint, de même que l'augmentation du trafic sur les sites et applications mobiles des trois médias. Toutefois, qu'en est-il de la diffusion de France 24 en espagnol ? Quant aux partenariats avec France Télévisions, Mme Ernotte ne semble guère sur la même longueur d'onde que vous. Quelles conclusions en tirez-vous ?

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Il est difficile de ne pas lier vos propos avec les événements des dernières semaines – terrorisme, COP21. La France est en ce moment au coeur de cette tourmente. Les médias ont le devoir de rendre compte de l'état du monde, mais aussi de participer à son évolution et de lui donner un sens. L'appel d'urgence que vous lancez démontre, s'il en était besoin, votre conception de votre mission ; nous ne pouvons que vous soutenir. Si, en France et très largement en Occident, on peut entendre les voix de la démocratie, c'est loin d'être le cas partout. Le rôle de France Médias Monde est bien d'être un porte-voix, pour les interrogations et problématiques mondiales, et pour la bataille des idées.

Hier, dans les débats de la COP21, nous évoquions le rôle des femmes dans la lutte contre le dérèglement climatique, dans le développement économique et l'éducation. Comment France Médias Monde peut-il s'inscrire dans ce long travail en faveur de l'égalité entre hommes et femmes – au travers de documentaires, films ou informations – et de l'accès des femmes à l'autonomie ? En 2016, nous allons célébrer les trente ans de la mort de Simone de Beauvoir. L'auteur du Deuxième sexe a ouvert une voie dans laquelle nous devons persévérer sans relâche. Quel peut être le rôle de France Médias Monde pour aider les femmes, donc l'humanité, à lutter contre la barbarie du XXIe siècle ?

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Ce n'est pas à trois chaînes existantes que viendra s'ajouter la nouvelle chaîne d'information publique, monsieur le président, mais à cinq : BFMTV, LCI, I-Télé, France 24 et Euronews. On est donc en droit de s'interroger : à quoi bon une sixième chaîne ? En avons-nous les moyens ? Cette sixième chaîne s'impose-t-elle ?

En ce qui concerne les mesures d'audience, je suis toujours très sceptique. Vous dites que MCD est la première radio chez les leaders d'opinion en Syrie, mais comment pouvez-vous le mesurer dans le contexte actuel ? Je vous conseille de demander des explications à l'institut qui a réalisé ces mesures…

Député des Français de l'étranger, je vous livre les résultats d'un test grandeur nature : France 24 était diffusée à l'hôtel dans trois des dix-sept dernières villes que j'ai visitées – deux fois en anglais, une fois en français –, de même que TV5 Monde. Il me semble que la couverture en Asie et Pacifique est extrêmement faible – je crois savoir que France Médias Monde a disparu de Nouvelle-Zélande et que, en Australie, ce n'est pas brillant. Comment comptez-vous renforcer la distribution dans cette zone ?

Enfin, les Français de l'étranger considèrent que TV5 pourrait faire de gros progrès. À l'exception des programmes du matin, la chaîne est profondément ennuyeuse.

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La dernière appréciation de M. Mariani ne semble pas partagée sur tous les bancs.

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Dès votre nomination, madame, vous avez – et c'est heureux – abandonné le projet de fusion des rédactions qui suscitait des crispations chez certains journalistes. Vous avez alors annoncé une refondation. Pouvez-vous préciser quels en sont le sens, les moyens, les contours et les principes ainsi que les partenariats auxquels elle pourrait donner lieu ?

En Afrique centrale, s'exprime parfois un relatif sentiment anti-français qui pourrait compromettre la sécurité des équipes de RFI. Comment pouvez-vous lutter contre l'insécurité qui entrave le travail de vos journalistes ?

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Lors de la présentation en 2013 du projet de COM qui s'achève, le rapporteur d'alors, Pierre Léautey, avait émis des réserves sur le développement de France Médias Monde en France, considérant que le groupe devait être un outil d'influence à l'étranger. Or cette question n'a jamais véritablement été débattue. Depuis le 23 septembre, France 24 est visible sur la TNT en Île-de-France et vous espérez la reprise de la diffusion de MCD à Marseille. Je m'interroge sur cette orientation. Nous qui sommes des praticiens de l'action locale, déployons beaucoup d'efforts pour promouvoir l'intégration et la pratique du français auprès des populations issues de l'immigration. Or il me semble que la diffusion en langue arabe des chaînes de France Médias Monde sur notre territoire reviendrait à donner des gages à une forme de communautarisme dont nous voyons tous les jours les effets négatifs sur la cohésion nationale.

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Une partie du rapport d'exécution du COM est consacrée à la coopération avec les sociétés de l'audiovisuel public. Vous qui avez été à la tête de TV5 Monde connaissez bien ces sociétés parmi lesquelles Radio France, l'AFP ou l'INA. Que pensez-vous de la proposition du rapport sénatorial précité de créer d'ici à 2020 une structure unique pour l'audiovisuel public, baptisée « France Médias », afin de favoriser les mutualisations, la polyvalence des personnels, le développement d'une marque commune et les investissements dans le numérique ?

Le rapport d'exécution fait état d'une baisse des subventions européennes de 0,7 million d'euros en 2014 par rapport à 2013, alors même que le groupe apparaît en pleine expansion et que l'émission Le tour de l'Europe était consacrée aux élections européennes. Comment l'expliquez-vous ?

Alors que le rapport rappelle les régimes disparates et les différences de culture au sein de France Médias Monde, quel est l'état de la négociation sur le futur accord d'entreprise qui doit harmoniser les statuts des différentes catégories de personnel, dans le cadre d'une enveloppe budgétaire très contrainte ?

Vous avez signé une convention-cadre avec Cartooning for peace, réseau de dessinateurs de presse engagés en faveur de la liberté d'expression, présidé par Plantu. Ce sont eux qui avaient parlé en 2006 de désapprendre l'intolérance, message qui avait résonné avec force à la suite des événements tragiques de janvier. Quelles formes a prises la collaboration avec ce réseau formidablement intéressant ?

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France Médias Monde rayonne sur les ondes et les écrans aux quatre coins du monde. Elle participe de la diffusion de l'information, de la langue et de la culture françaises sur les cinq continents. Elle est une fenêtre sur la France pour les habitants du monde qui aiment notre pays, mais aussi la voix de la France et un point de repère pour les millions de nos compatriotes expatriés. Vos résultats sont en hausse constante, tant pour les audiences que pour la fréquentation des supports numériques. Nous ne pouvons que vous en féliciter, ainsi que vos équipes.

Le COM n'est pas respecté, s'agissant en particulier des charges de personnel, mais comment faire autrement ?

RFI et France 24 proposent des programmes de qualité qu'il conviendrait de développer, d'autant plus que TV5 Monde n'est pas à la hauteur des espérances. Certains évoquent sa médiocrité. Pour en être un téléspectateur régulier en Asie, j'avoue éprouver une certaine tristesse devant ses programmes.

Faut-il envisager de réunir les différentes composantes de l'audiovisuel français en une seule entité, ainsi que le propose le rapport du Sénat ?

Je suis opposé au projet défendu par Mme Ernotte de nouvelle chaîne d'information, qui serait la sixième, car le paysage audiovisuel français, public et privé, est suffisamment fourni. Pourquoi gaspiller de l'argent public pour créer quelque chose qui existe déjà et qui fonctionne bien ? Quelle est votre position, en tant que dirigeante d'une entreprise publique audiovisuelle, sur ce projet ? Risque-t-il, si vous y adhérez, de demander de votre part une contribution financière ?

Enfin, comment envisagez-vous la création d'une version en espagnol de France 24, qui est un objectif très important ?

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Une fois n'est pas coutume, je ne parlerai pas de francophonie ; je me contenterai d'une remarque, d'une suggestion, et d'une proposition.

Les deux principales chaînes d'information continue transmettent essentiellement de l'anxiété, de mauvaises nouvelles et une vision triste du monde. Elles suscitent une angoisse perpétuelle ponctuée d'allers et retours assez fréquents vers des pages de publicité. Tout cela ressemble plus à une sorte de « pornographie médiatique » qu'à de l'information véritable. Sans doute, le secteur public adopterait-il une approche plus éthique et plus informative, mais, en tout état de cause, celle qui nous est proposée aujourd'hui m'inquiète beaucoup – je pense, par exemple, comme François Loncle, au choix arbitraire des invités. Il faudrait travailler sur l'impact réel que peuvent avoir ces chaînes sur l'opinion.

Je suggère que France Médias Monde ait plus souvent recours aux 2,5 millions de nos compatriotes qui vivent à l'étranger. Ce ne sont certes pas des journalistes professionnels, mais leur expérience de la vie réelle des pays où ils résident pourrait être mise à profit.

Je propose enfin que les membres de nos deux commissions engagent ensemble une démarche auprès des autorités afin de demander que RFI émette sur tout le territoire national, la station n'étant aujourd'hui accessible que dans la région parisienne. Je réitère cette requête année après année sans jamais obtenir de réponse : dans le meilleur des cas, on esquive poliment. RFI est un outil d'éducation populaire qui délivre une compréhension du monde permettant de sortir de l'isolement d'un imaginaire national de plus en plus affirmé, qui mène à d'inquiétants replis. Peut-être l'anxiété que l'on nous inocule en permanence refluerait-elle si, dans tout l'Hexagone, nos compatriotes avaient la possibilité d'écouter RFI.

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Je me demande si la création d'une chaîne publique d'information continue ne trahirait pas des velléités de ressusciter l'ORTF ! Ne s'agit-il pas, après tout, de rééquilibrer le contenu des informations dont M. Amirshahi vient de faire une description sévère ? À moins de vouloir employer le surplus d'agents publics de France Télévisions, je ne vois pas, aujourd'hui, l'utilité d'une telle démarche.

Madame Saragosse, où en sont les relations avec TV5 ? Je m'étonne en particulier qu'un bandeau « spécial dernière » n'apparaisse toujours pas sur cette antenne pour reprendre les informations provenant de France 24.

Comme Thierry Mariani, j'ai de sérieux doutes concernant les mesures d'audience que vous avez évoquées. Je crains que les Jordaniens aient, par exemple, autre chose à faire aujourd'hui que de regarder France 24 : ils essaient surtout de survivre !

Qu'en est-il de la diffusion de la chaîne dans les hôtels à l'étranger ? Un problème de réciprocité se pose là : il est anormal que des chaînes de quasi-propagande, appartenant à des États comme la Chine, soient accessibles dans les hôtels français, alors que nous ne sommes pas en mesure de diffuser France 24 dans ces pays. La réciprocité est à la base des relations internationales. Je m'étonne que nous ayons pris un retard aussi considérable sur ce terrain. Certes, l'Espagne compte ; mais la Chine ne compte-t-elle pas davantage encore ?

Vous évoquiez BBC World Service : la publicité est omniprésente sur les deux chaînes internationales de télévision de la BBC qui ne sont absolument pas objectives. Quelle est votre position concernant les ressources supplémentaires que pourrait apporter la publicité ?

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Malgré une progression limitée de l'ensemble de ses ressources en 2014, France Médias Monde a consolidé ses acquis, développé ses audiences et préservé l'essentiel de ses projets de développement, grâce à la poursuite de ses efforts en termes d'économies et de productivité. Je vous en félicite, madame la présidente-directrice générale.

Cependant, à la lecture du compte de résultat analytique, j'ai pu observer que les ressources propres du groupe étaient passées de 8,09 millions d'euros en 2013, à 7,84 millions d'euros en 2014. Il semble que les recettes publicitaires s'améliorent, mais les ressources propres seraient globalement affectées par la diminution des projets internes financés par les bailleurs internationaux. Nous sommes en tout cas bien loin de l'objectif de ressources propres prévu en 2008, lors de la création de l'Audiovisuel extérieur de la France – il était prévu qu'elles atteignent 39 millions d'euros en 2013. De nombreux facteurs peuvent justifier les difficultés actuelles, comme la conjoncture ou la concurrence. France Médias Monde n'en conserve pas moins l'obligation de développer significativement ses ressources propres, notamment pour faire face aux restrictions budgétaires de l'État. Que pensez-vous qu'il conviendrait de mettre en oeuvre pour y parvenir ?

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Madame Saragosse, je salue à mon tour le travail que vous avez effectué pour pacifier les relations au sein de France Médias Monde et définir un projet d'entreprise ambitieux avec des équipes qui vous ont suivie.

Nos commissions s'interrogent sur la création d'une chaîne publique d'information continue. Pour ma part, j'y suis très favorable. Comment imaginer ne pas répondre à la demande de plus en plus forte du public métropolitain en la matière, alors que nous dépensons 3,6 milliards d'euros pour l'audiovisuel public qui emploie au total 4 500 journalistes ? Bien évidemment, nous devons nous appuyer sur ce qui existe déjà : il ne s'agit pas de provoquer des dépenses supplémentaires ou de créer une chaîne ex nihilo. Votre réussite et votre expérience doivent vous permettre de jouer un rôle central dans ce projet.

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Réagissant à la volonté de France Télévisions de créer une chaîne d'information en continu, vous avez été plusieurs à constater qu'il en existait déjà de nombreuses. Le problème n'est cependant pas quantitatif, mais plutôt qualitatif : à gauche comme à droite, nous sommes plusieurs à espérer qu'il existe bien un service public de l'information à même d'assurer un traitement différent de l'information, notamment dans des circonstances aussi difficiles que celles que traverse notre pays depuis le mois dernier. Madame Saragosse, en écho aux propos de François Loncle, que pensez-vous des faux experts qui utilisent la position médiatique qui leur est donnée pour imposer leurs analyses ?

Plusieurs intervenants ont évoqué l'enjeu que représente la diffusion de RFI et de France 24 sur tout le territoire national, mais les problèmes sont différents. RFI ne pourra pas être diffusée nationalement avant que la radio numérique terrestre (RNT) n'ait pris son essor – à moins que cette radio soit attributaire préférentiel de fréquences qui se seraient libérées. Le média radio reste essentiel. Ceux qui vous ont précédée ont commis une erreur stratégique en croyant que la télévision allait tout écraser et que France 24 devait avoir la priorité au sein de France Médias Monde. Nous vous remercions, madame la présidente-directrice générale, d'avoir affirmé que radio et télévision avaient des fonctions différentes, et que RFI et France 24 étaient aussi importantes l'une que l'autre. Vous et vos équipes n'avez pas établi de priorité entre ces deux médias ; nous vous en sommes reconnaissants.

Chaque année, au moment de la discussion budgétaire, nous débattons de la diffusion nationale de France 24 – la nature du problème est moins politique que budgétaire. Cette discussion n'aura tout son intérêt que lors de la négociation du COM de France Médias Monde pour 2016-2020 : la diffusion nationale de France 24 pourrait constituer l'un des objectifs à atteindre, qui serait nécessairement accompagné des moyens budgétaires correspondants. Mais il ne faudrait pas qu'une telle évolution se produise dans un cadre budgétaire contraint qui amènerait une société qui travaille déjà en flux tendu à faire des économies sur d'autres postes.

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

La refondation de France Médias Monde a permis de construire un modèle original, fondé à la fois sur la fusion de certaines directions du groupe, notamment pour les fonctions support, la distribution, la veille technologique sur les nouveaux médias, ou la communication, et sur l'affirmation de la singularité de chaque média et de chaque format. Radio et télévision ne trouvent pas leurs publics au même moment. Quant aux formats, on peut parler de chaîne d'information continue pour France 24, de chaîne d'actualité pour RFI – je suis touchée pour les équipes de RFI que M. Amirshahi ait évoqué le concept d'éducation populaire au sujet de cette station –, et de chaîne généraliste pour MCD. Je rappelle que nous émettons en quinze langues, que nous employons des personnels de soixante-six nationalités, avec des différences selon les médias. France 24 diffuse en français, en anglais et en arabe, MCD en arabe, et RFI en français, en anglais, et dans douze autres langues, certaines rédactions étant délocalisées sur place.

Cette diversité permet au téléspectateur de France 24 d'être aussi auditeur de RFI : un média complète l'autre à des moments différents de la journée. Écouter MCD donne envie de voir les images diffusées sur France 24. Pendant le coup d'État au Burkina Faso, Le Petit Journal de Canal+ a constaté que la population locale écoutait massivement RFI dans l'après-midi pour disposer d'une information fiable, et qu'elle regardait France 24 une fois rentrée chez elle pour les mêmes raisons. Les chaînes du groupe ne se phagocytent pas. Nous peaufinons aujourd'hui le modèle que nous avons inventé : puisque nous ne fusionnons pas, nous travaillons mieux ensemble.

J'en viens à l'idée du regroupement de l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public au sein d'un pôle unique, défendue dans le rapport d'information des sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux. Je comprends parfaitement que, sur le papier, l'idée d'une rationalisation puisse séduire. Parce que j'ai récupéré une entreprise à terre, blessée, en perte d'identité, je sais de quoi je parle. Parce que je négocie actuellement un accord collectif extrêmement complexe entre une radio, issue de l'univers des conventions collectives de l'audiovisuel public, et une chaîne de télévision qui relevait depuis neuf ans de la convention des chaînes thématiques, je sais la difficulté d'y parvenir sans opter pour une harmonisation systématique par le haut. France Télévisions a entamé ce chemin depuis 2010 sans aboutir à ce jour. De loin, on ne mesure peut-être pas l'énergie stérilisée des dirigeants et des salariés qui n'est alors pas investie dans la mission première des entreprises.

Par ailleurs, je serais ravie que nous nous inspirions d'autres modèles, mais il faudrait, dans ce cas, nous inspirer aussi de leur financement. Alors que l'audiovisuel public français dispose de 3,4 milliards d'euros, les Allemands financent le leur grâce aux 9 milliards que rapporte leur redevance rénovée et dynamique – personne n'a évoqué ce sujet autour de la table, mais je me permets de mettre les pieds dans le plat. Quant à la BBC, ses ressources dépassent largement les 6 milliards, parmi lesquels elle perçoit un milliard de recettes de commercialisation de programmes – la publicité n'est autorisée que sur BBC World et elle ne rapporte que 10 millions d'euros, à comparer à nos 8,6 millions d'euros de recettes propres pour 2015.

Notre audiovisuel public qui subit de multiples critiques, notre audiovisuel public que l'on dit si « éclaté », si « incohérent », réussit pourtant à offrir des programmes de très grande qualité pour un coût très compétitif si nous nous comparons aux pays qui nous ressemblent, comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne. Qu'attendrions-nous d'une fusion ? Une fusion permettrait-elle de faire des économies ? Nous sommes déjà très efficients sur ce plan. Permettrait-elle de mener plus efficacement nos missions ? L'efficacité dépend de la clarté des objectifs et de la réactivité des acteurs. Dès lors que ces conditions sont remplies, et que les financements correspondent bien aux missions assignées, nous pouvons travailler ensemble. En définitive, je ne sais pas ce que nous attendons d'une fusion, et j'aurais tendance, comme les Britanniques, à dire : « Small is beauty. »

Des doutes ont été émis sur les chiffres d'audience de France Médias Monde que je vous ai présentés. Ces données permettent en tout état de cause à l'ensemble des médias internationaux, comme la BBC, Voice of America ou CNN, de se comparer les uns aux autres. Ces mesures n'ont peut-être qu'une portée limitée, mais elles indiquent bien l'importance relative de chacun des médias concernés. Nous avons défendu contre vents et marées l'émission de MCD en ondes moyennes : cela nous permet aujourd'hui d'exister fortement en Libye et en Syrie. Dans les zones de crises, les médias français bénéficient d'une extraordinaire réputation et sont considérés comme impartiaux. Même s'ils sont faux, les sondages effectués par téléphone sont faux pour l'ensemble des stations, et, en valeur relative, MCD, qui émet depuis Paris, se situe bel et bien au premier rang pour les zones concernées.

Yves Bigot m'a succédé à la direction de TV5 Monde, et je suis aujourd'hui membre du conseil d'administration d'une chaîne au sujet de laquelle vos jugements sévères sont sans doute le fait d'amoureux insatisfaits. Vous attendez beaucoup, mais un travail considérable a déjà été accompli : les audiences continuent de progresser, la diffusion est régionalisée…

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Il faut dire que, à l'étranger, les téléspectateurs français n'ont pas le choix !

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

Les Français peuvent au moins choisir entre France 24 et TV5 Monde, alors que les Anglais n'ont pas d'autre choix que la BBC. Cela n'est déjà pas si mal !

Le format généraliste de TV5 Monde permet le sous-titrage, et sa régionalisation assure d'obtenir la meilleure qualité possible des programmes dans une zone en fonction des contraintes budgétaires. L'apport des partenaires de la chaîne allège l'effort budgétaire. Monsieur Myard, votre idée d'une reprise par un bandeau sur TV5 Monde des informations urgentes diffusées sur France 24 est intéressante. N'oublions pas toutefois que TV5 n'est pas une chaîne franco-française et que cette démarche ne pourrait aboutir qu'après l'obtention d'un complexe consensus multilatéral.

Sans attendre la mise en oeuvre de la loi de 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, nous avons oeuvré dans le sens de la parité. Il s'agit désormais d'une réalité au sein du comité exécutif du groupe, et elle est quasiment atteinte pour ce qui concerne l'encadrement, avec de légères différences entre les médias. Si l'on considère l'ensemble du personnel, les femmes sont légèrement plus nombreuses, et un écart de 8 % persiste pour les salaires, même si les négociations annuelles obligatoires ont donné lieu à des augmentations plus fréquentes pour les femmes que pour les hommes. Parce qu'il est difficile de parvenir à un ajustement en faveur des femmes sans désespérer les hommes – la moitié des personnels a alors le sentiment que cette évolution se produit à son détriment –, nous avons inscrit dans notre projet de COM une enveloppe de 1,5 million d'euros afin de mettre en place des mesures de rétablissement de l'égalité salariale.

Par ailleurs, plusieurs émissions spécifiques sont diffusées sur les antennes comme 7 milliards de voisins ou Priorité santé, sur RFI, Les Impertinentes ou La blogueuse du monde arabe, sur MCD, ou ActuElles, sur France 24. Conformément à la délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 4 février dernier, nous avons mis en place un système de comptage des expertes qui interviennent en plateau afin que la parole des femmes sur nos antennes ne soit pas seulement celle des victimes ou des témoins. L'évolution en la matière ne sera pas facile ; elle demande un réel volontarisme.

Puisque nous en sommes aux experts, je précise que France 24 invite, dans ses trois langues, soixante-dix personnes par jour. Les experts sont un peu moins nombreux sur RFI qui, je le rappelle, émet à Paris en dix autres langues que le français. La recherche des intervenants représente un travail titanesque qui occupe des équipes entières. Tous les experts ne peuvent évidemment pas être de même niveau, mais il est rare qu'un seul d'entre eux détienne le monopole de la parole. Nous avons surtout le culte, très français, du débat d'idées, ce qui permet de présenter des points de vue contradictoires. Nous faisons confiance aux téléspectateurs et aux auditeurs, que nous considérons comme des citoyens et non comme des consommateurs : il leur appartient de forger leur propre opinion. Notre travail serait évidemment facilité si nous disposions de davantage de choix parmi les experts, si nos annuaires étaient plus fournis et si les femmes y figuraient en plus grand nombre.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur la bataille des idées menée après les événements de janvier dernier en France. Je crois que notre premier devoir est de respecter l'exactitude des faits. Nous ne devons jamais ni nous emballer à partir d'une rumeur, ni faire circuler de fausses informations, ni perturber le travail des forces de l'ordre par le traitement d'un événement dramatique, ni montrer d'images sensationnalistes. Ces principes déontologiques s'appliquent en toute situation. Au-delà, nous veillons aussi à éviter tous les amalgames. Nous avons la chance de compter dans notre groupe 155 journalistes arabophones. Certains d'entre eux, originaires de différents pays arabes, ont choisi la France et portent ses valeurs chevillées au corps, parfois encore plus profondément que nous-mêmes. Ils ont choisi de travailler pour nos médias, et sont pour cela menacés et insultés sur les réseaux sociaux où ils sont traités d'apostats.

En arrivant à mon poste, je me suis interrogée sur la laïcité. Je me demandais comment ce simple mot était traduit en quatorze langues : nous nous sommes aperçus que certains employaient pour ce faire le mot « athéisme », notamment en arabe, ce qui était extrêmement grave. Au sein de notre groupe, le débat sur les mots est réel et permanent. Les journalistes ne sont pas des soldats, ils ne sont pas en guerre, mais, ensemble, nous portons des valeurs, comme la liberté d'expression et la liberté d'information, qui sont des piliers de la démocratie.

La chaîne en espagnol ne pourra malheureusement pas être financée en 2016. Nous sommes le seul grand groupe audiovisuel international à ne pas disposer d'un média dans cette langue – même les Iraniens ont commencé par l'espagnol ! L'Amérique du Sud compte un demi-milliard d'habitants ; la France y jouit d'un extraordinaire capital de sympathie, et Paris est encore considéré comme l'une des grandes villes d'Amérique latine. L'Année France-Colombie, en 2017, constitue un élément d'un projet adossé à RFI qui dispose d'une formidable rédaction hispanophone et connaît une notoriété extraordinaire en Amérique latine. Nous pouvons capitaliser sur le savoir-faire du groupe pour développer une télévision qui diffuserait six heures par jour pour 7 millions d'euros – 1,5 million serait nécessaire dès cette année, et 3,5 millions l'année prochaine. À ma connaissance les arbitrages n'ont pas encore été rendus en la matière.

Un accord-cadre a été passé afin que Cartooning for peace puisse présenter tous les vendredis, sur France 24, des dessins provenant du monde entier sur les thématiques les plus diverses.

Nous nous développons comme nous pouvons en fonction de nos contraintes budgétaires. Parce que je ne dispose pas des moyens de payer les 65 000 euros par chaîne qui me sont demandés pour une diffusion au Portugal, j'y renonce. Si les Américains me demandaient plusieurs millions pour une diffusion à Los Angeles, alors qu'elle est aujourd'hui gratuite, j'y renoncerais. Notre budget de distribution est en diminution par rapport à celui de 2012, alors que nous touchons 300 millions de foyers supplémentaires ! Pour y parvenir, il a fallu que nos équipes développent des trésors d'ingéniosité, de persévérance et d'endurance que vous n'imaginez pas.

Vous aurez plus de poids que moi-même si vous vous plaignez directement dans les hôtels de ne pas avoir eu accès à France 24 et à TV5 Monde. Ces deux chaînes sont aujourd'hui diffusées pour 1,3 milliard de nuitées hôtelières. Les accords passés sont toujours plus nombreux, mais nous ne pouvons pas imposer à un hôtel de nous diffuser, et la question est aussi largement celle des moyens : certains ensembliers hôteliers demandent 400 000 euros pour vendre nos chaînes aux hôtels qu'ils équipent, et il faut faire face à la concurrence d'autres médias, comme Russia Today, qui disposent de fonds considérables et n'hésitent pas à payer.

La sécurité de nos collaborateurs constitue pour nous une préoccupation essentielle. Nous avons mis en place l'année dernière un stage sur mesure d'une semaine qui permet de traiter une grande diversité de sujets : zones de crise, prises d'otage, cyberattaques, gestes de secours… Tous ceux qui ont suivi ce stage reçoivent des notions de secourisme qui ont permis à deux assistants de production du groupe, qui se trouvaient sur place, de porter secours à plusieurs victimes des attentats du 13 novembre dernier, en posant des garrots. Nous avons proposé de mutualiser ce stage pour l'ensemble des personnels de l'audiovisuel. Un colonel à la retraite est chargé pour le groupe du PC sécurité d'évaluer les risques et de gérer les équipements, la sécurité des missions, les fixeurs… Les procédures de sécurité ont été renforcées dans nos locaux et nos équipements ont été revus depuis l'attentat de Charlie au mois de janvier. Nous avons également rehaussé notre niveau de résistance aux cyberattaques à la suite du piratage subi en avril dernier par TV5 Monde. Nous travaillons main dans la main avec cette chaîne sur ce sujet ainsi qu'avec Radio France, France Télévisions, l'AFP et nos amis canadiens, belges et suisses. Je pense que nous parviendrons à mutualiser la surveillance indispensable vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Certains investissements logiciels et humains nous reviennent cependant : ils sont prévus en 2016. Nous faisons l'objet d'attaques continuelles, mais nous résistons.

La baisse de nos ressources propres s'explique en particulier par la perte des subventions liées à Euranet dont bénéficiait RFI. À la suite d'un appel d'offres européen, elles ont été attribuées à Radio France. Par ailleurs, nous ne bénéficions plus désormais d'un minimum garanti par la régie de France Télévisions en termes de ressources publicitaires. Après une réelle contre-performance, ces recettes ont néanmoins progressé en 2014. Compte tenu de cet élément, après neutralisation des subventions européennes et refacturation des prestations de services, nos recettes ont augmenté de 0,6 million d'euros, entre 2013 et 2014, pour atteindre 8,6 millions. Alors que notre budget représente 150 millions d'euros, je rappelle que la BBC bénéficiait, avant augmentation, pour sa seule radio, de 400 millions –, BBC World s'astreint à l'application de règles déontologiques strictes en matière de publicité et ne perçoit que 10 millions à ce titre.

Pourquoi nos propres recettes publicitaires sont-elles faibles ? La loi nous interdit tout d'abord de parrainer des programmes d'information – vous avez forcément peu de chance de trouver beaucoup d'autres types d'émissions sur une chaîne d'information continue. Des questions déontologiques se posent ensuite : pouvons-nous accepter des publireportages ? Puis-je accepter de faire la publicité d'un gouvernement africain sur les antennes de France 24, chaîne de la République française ? Pouvons-nous laisser un distributeur parrainer une émission consacrée au développement durable, ou associer le nom d'un grand laboratoire et une émission médicale ? À quel moment, nous qui sommes la vitrine de la France dans le monde, devons-nous renoncer aux règles déontologiques ? Si ce renoncement nous est demandé fermement et clairement par nos tutelles, en accord avec la représentation nationale, je m'exécuterai à contrecoeur, tout en respectant la législation. Mais pourquoi croyez-vous que seules des chaînes publiques sont présentes sur le marché international ? Les chaînes privées se battraient pour y entrer s'il était rentable – CNN se finance sur son immense marché national ; quant à Al-Jazeera, vous savez très bien ce qu'il en est… Même si nous faisons des efforts de rationalisation, nous ne nous financerons jamais sur recettes propres.

Je reconnais que nous avons commis des erreurs concernant les objectifs quantifiés des indicateurs du COM. J'avoue que je ne me suis pas assez penchée sur ces données, et que j'ai privilégié la stratégie. J'aurais dû ferrailler sur ces indicateurs inappropriés tant en termes d'effectifs que de recettes propres. Je fais mon mea culpa pour une erreur qui porte non sur nos réalisations, mais sur les indicateurs que nous avons accepté de nous imposer à nous-mêmes dans le COM en cours. Comment avons-nous pu accepter de maintenir les effectifs au niveau de ceux de 2012 alors que nous faisions tout pour augmenter le contenu de nos programmes et que, dans notre groupe, tout programme équivaut immanquablement à des salaires équivalents temps plein ?

En termes de personnels, nous sommes déjà dans une situation qui nous place très en dessous du modèle classique. La masse salariale représente 53 % de nos dépenses alors qu'elle entre pour 60 % dans les charges de Radio France, qui dispose d'une radio d'information continue. France 24 en français emploie un effectif de 155 ETP si l'on inclut les dépassements de 48 ETP qui ont été signalés. BFM, dont on peut penser qu'il ne s'agit pas d'une chaîne qui jette l'argent par les fenêtres, emploie 212 journalistes ; I-Télé en emploie 230. Sachant que ces deux chaînes ne diffusent que dix-neuf heures par jour et ne couvrent que la France, je ne connais pas de chaîne plus performante au regard de ses effectifs que France 24. J'affirme en tout cas que nous ne pourrons pas faire mieux avec le même nombre de personnes.

L'accord d'entreprise est particulièrement complexe à mettre en oeuvre, car nous partons de situations radicalement différentes. Il faut l'inventer de toutes pièces. L'harmonisation par le haut aurait permis de signer rapidement, mais nous avons voulu rédiger un texte équilibré qui allège la charge de ceux qui travaillaient trop à France 24, tout en maintenant leurs salaires, et qui accroisse celle de ceux qui travaillaient moins, mais en augmentant les salariés concernés – par chance, il s'agissait de ceux de RFI dont les salaires étaient plus faibles qu'à France 24. En télévision, comme en radio, toutes les catégories de personnels sont désormais appelées à travailler 204 jours par an. Nous avons établi une cartographie des emplois ; nous avons simplifié le système des rémunérations ; nous avons proposé une limitation des automatismes à la prime d'ancienneté pour privilégier les mesures individuelles présentées par la direction à partir de critères professionnels objectifs. Nous avons mis en place des dispositifs balais afin que personne ne soit oublié au bord du chemin par ces mesures dont, pour les cas les plus délicats, nous discutons depuis déjà trois ans avec les organisations syndicales.

Nous espérons signer, mais nous ne le ferons pas si cela devait se traduire, à terme, par une mise en danger des salariés. À long terme, l'intérêt de l'entreprise ne peut pas être différent de celui de ses salariés. Nous prêchons pour un accord raisonnable, parce que nous savons que, tôt ou tard, si la masse salariale et les ETP explosaient, cela se retournerait contre les salariés.

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François Loncle va me remplacer, car je dois malheureusement vous quitter. Je tiens à vous remercier ainsi que tous les journalistes qui effectuent en première ligne un travail considérable. Vous êtes parvenues à redynamiser notre audiovisuel extérieur ; nous ne pouvons que vous en féliciter.

Je sais que vous avez à coeur de faire intervenir des personnes de grande qualité sur vos antennes et qu'il vous importe de proposer des débats contradictoires. Nous recevons tous des protestations de responsables de pays étrangers, qui s'étonnent d'entendre tel ou tel s'exprimer, ou de ne pas assez entendre un autre…

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

Nous prenons ces réactions comme autant d'hommages qui nous honorent !

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Nous continuerons à soutenir votre action comme nous l'avons fait depuis deux ans.

(M. François Loncle remplace Mme Élisabeth Guigou à la coprésidence.)

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Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde

L'accessibilité est inscrite à la fois dans l'actuel COM et dans le document futur. Depuis juin dernier, quatre éditions accessibles aux sourds et malentendants sont proposées sur France 24. Nous menons évidemment une politique d'accueil des handicapés, y compris parmi nos stagiaires, et des liens sont noués avec les écoles spécialisées. L'accessibilité à l'antenne dépend une nouvelle fois des arbitrages budgétaires, sachant que deux journaux quotidiens accessibles coûtent 200 000 euros.

J'en viens au projet de chaîne d'information continue. S'agissant de la radio, notre actuel COM prévoyait de poursuivre l'expérience marseillaise et d'assurer la diffusion de MCD par tous moyens, RNT comprise. L'État est désormais en mesure de mettre cela en oeuvre sans coût supplémentaire. Madame Genevard, aujourd'hui, en France, des radios parlent arabe aux populations arabophones : faudrait-il interdire la seule chaîne arabophone publique et laïque qui défende l'égalité entre les hommes et les femmes, la démocratie, la liberté, l'égalité et la fraternité, la seule chaîne arabophone qui ne soit fondée sur aucun prisme religieux ? D'excellentes radios françaises adhérentes au syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI) font un travail remarquable ; MCD, chaîne d'ouverture sur le monde, peut aussi avoir sa place. Quant à RFI, tournée vers l'autre et l'extérieur, elle joue un rôle essentiel en termes éducatifs et pédagogiques. Pour des coûts limités, il est plus urgent que jamais de diffuser ces stations sur tout le territoire.

S'agissant de la télévision, il est étonnant que l'instrument qui permet de défendre la France à l'international soit inconnu des Français. Il est parfois un peu douloureux pour France 24 de savoir que sa notoriété comme son audience sont bien plus grandes en Italie, où elle est diffusée sur la TNT, qu'en France. Comme RFI, qui dispose d'une fréquence FM en Île-de-France, il nous semble que France 24 devrait bénéficier d'un canal dans la région – je rappelle que la chaîne a remporté la mise en concurrence d'Aéroports de Paris. En 2012, lors de l'élaboration du COM, nous pensions qu'il était important de rendre France 24 accessible dans un certain nombre de lieux en France, car nos antennes savent s'adresser à l'autre.

Une première chaîne de service public d'information continue existe déjà bel et bien – par respect pour les équipes de France 24, je vous demande de ne plus dire qu'il n'en existe pas. Certes, France 24 est une chaîne à vocation internationale, et un projet est aujourd'hui sur la table pour créer une deuxième chaîne d'information continue de service public, qui serait, cette fois, à vocation nationale. Je n'ai pas à me prononcer sur les questions d'opportunités que vous avez posées les uns et les autres. Cette proposition a été émise dans le rapport du groupe de travail sur l'avenir de France Télévisions, coordonné par Marc Schwartz, remis en mars dernier, puis elle a été retenue dans le projet de Delphine Ernotte, actuelle présidente de France Télévisions. Nous participons aujourd'hui au comité de pilotage avec France Télévisions, Radio France, et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Nous nous sommes réunis le 16 novembre dernier, et trois ou quatre réunions des équipes en groupes opérationnels ont déjà eu lieu. France 24 a proposé de mettre son signal à disposition lorsque cela sera nécessaire, par exemple de minuit à six heures du matin – cette pratique permet à BBC World de faire de grosses économies –, ainsi que ses breaking news internationales, ses magazines courts, formatés pour les chaînes d'information, et ses produits numériques « délinéarisés », comme les vidéos mobiles ou le graphisme animé.

Toutefois, dans un contexte budgétaire terriblement contraint pour nous, tout ce qui entraînerait des coûts nouveaux pose un problème bien différent : nous devons regarder comment nous pourrions y apporter une réponse astucieuse, par exemple pour financer des duplex spécifiques ou le nouveau montage de nos propres magazines. De la même façon, notre chaîne vient de terminer la refonte de ses studios par redéploiement : si la charte graphique de la nouvelle chaîne était radicalement différente, cela poserait évidemment un problème pour la reprise des programmes. Nous travaillons sur tous ces sujets en bonne intelligence avec nos partenaires, et nous avons encore les mains dans le cambouis.

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Merci, madame la présidente-directrice générale, d'avoir répondu à toutes nos questions.

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Nous vous remercions tous vivement pour la très grande qualité de vos propos.

La séance est levée à onze heures cinquante.