COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Lundi 30 septembre 2013
La séance est ouverte à vingt et une heures.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission examine, sur le rapport de M. Michel Issindou, les articles du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (n° 1376).
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, nous fait le plaisir et l'honneur d'assister à nos travaux sur le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. Je la remercie de sa présence. Elle montre l'importance que le Gouvernement et elle-même accordent à ce débat parlementaire très attendu.
La Commission a déjà beaucoup travaillé sur ce projet de loi en auditionnant, d'une part, les partenaires sociaux le 11 septembre et, d'autre part, Mme la ministre le 18 septembre. Cette dernière réunion a constitué notre séance de discussion générale sur ce texte. Elle a permis un large débat : outre les rapporteurs et la présidente de la délégation aux droits des femmes, vingt-sept commissaires de toutes sensibilités politiques se sont exprimés. Nous entamons donc ce soir directement l'examen des articles du projet de loi.
Nous le poursuivrons demain à 11 heures après le renouvellement du bureau de la Commission, puis à 16 h 45 – à l'issue du vote solennel en séance publique sur la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel – et à 21 heures. Nous continuerons nos travaux mercredi 2 octobre à 9 heures, à 16 h 15 et à 21 heures.
Sur 484 amendements déposés, 99 ont été finalement retirés ou déclarés irrecevables – sous ma responsabilité – au titre de l'article 40 de la Constitution. Sur un texte de cette nature, nous devons naturellement prendre le temps nécessaire pour mener un débat approfondi. C'est pourquoi j'ai accepté la discussion de plusieurs amendements à l'article 6 dont l'irrecevabilité financière faisait peu de doute. Cela permettra à chacun d'entre vous de présenter son point de vue sur les conditions d'utilisation du compte personnel de prévention de la pénibilité. Toutefois, je vous fais confiance pour limiter vos interventions à ce qui est strictement nécessaire à la bonne information de la Commission.
La discussion de ce projet de loi en séance publique débutera lundi prochain, 7 octobre, à 16 heures. Notre Commission se réunira le même jour à 15 heures au titre de l'article 88 du règlement. Si les circonstances l'exigent, c'est-à-dire au cas où, comme c'est probable, des amendements n'auraient pas pu être examinés par la Commission au cours de cette réunion, nous nous réunirons à nouveau ultérieurement au titre de l'article 91 du règlement.
La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi.
Article 1er : Principes et objectifs de l'assurance vieillesse
La Commission est saisie de l'amendement AS 321 de M. Jean-Marc Germain, qui fait l'objet du sous-amendement AS 452 du rapporteur.
L'amendement AS 321, déposé par les commissaires du groupe socialiste, vise à récrire en partie l'article 1er, afin de clarifier les principes fondamentaux de notre système de retraites, dans l'esprit du texte présenté par le Gouvernement. Les deux premiers paragraphes introduits par l'amendement rappellent, d'une part, que notre système de retraites repose sur la répartition. Le troisième paragraphe assigne à ce même système, d'autre part, un objectif de solidarité. À ce titre, il doit notamment contribuer à l'égalité entre les femmes et les hommes, prendre en compte les périodes de privation involontaire d'emploi et garantir un niveau de vie satisfaisant à tous les retraités, en particulier à ceux qui touchent des pensions modestes. Enfin, le quatrième paragraphe énonce, dans l'esprit de la réforme proposée par le Gouvernement, que le financement du régime de retraites doit être assuré par des contributions équitablement réparties entre les actifs et les inactifs, entre les générations et, au sein de celles-ci, entre les différents niveaux de revenus, qu'ils soient tirés du travail ou du capital.
Je salue votre présence pendant l'examen des articles, madame la ministre, qui montre l'importance que vous attachez à ce texte.
Le contraire vous aurait étonné, monsieur le député.
Nous sommes surpris par l'amendement déposé par M. Germain et ses collègues du groupe socialiste : il pose des exigences auxquelles le projet de loi ne répond pas. En effet, les mesures proposées par le Gouvernement ne permettront pas de sauver le système par répartition, qui va droit dans le mur. L'amendement n'est donc pas compatible avec le reste du projet de loi.
Je vous rappelle, monsieur Robinet, que la discussion générale est close et que nous en sommes à l'examen des articles.
Je suis favorable à l'amendement déposé par M. Germain, mais souhaite néanmoins y apporter quelques modifications. Je propose de le sous-amender comme suit.
D'abord, dans le premier paragraphe introduit par l'amendement, mon sous-amendement propose de remplacer « pensions leur garantissant un niveau de vie en rapport avec celui de leur vie professionnelle » par « pensions en rapport avec les revenus tirés de leur activité ». Cela me paraît davantage correspondre à l'esprit du texte.
Ensuite, dans le deuxième paragraphe, il tend à supprimer « leur espérance de vie en bonne santé ». Je comprends tout l'intérêt de cette mention, mais est-elle pertinente à cet endroit du texte ?
Enfin, dans le troisième paragraphe, il suggère de substituer à l'expression « notamment par des mesures de compensation des inégalités entre les femmes et les hommes » la notion « d'égalité des pensions entre les hommes et les femmes ». Nous nous inscrivons ici en effet dans la durée et notre objectif doit être non pas de compenser les inégalités, mais de parvenir à une égalité parfaite entre les hommes et les femmes.
L'amendement AS 321 vise à reformuler les principes posés à l'article 1er. Vous n'avez pas le droit de dire, monsieur Robinet, qu'il ne rend pas compte du texte proposé par le Gouvernement. D'ailleurs, vous ne l'avez pas démontré.
Les propositions du rapporteur méritent discussion. Cependant, il serait compliqué de revenir sur un amendement dont tous les termes ont été soigneusement pesés.
Concernant le sous-amendement proposé par le rapporteur, je ne suis pas favorable à la suppression de la référence à « l'espérance de vie en bonne santé » : elle me paraît avoir sa place dès l'article 1er.
En revanche, nous pourrions trouver une formulation qui insiste davantage sur l'égalité entre les femmes et les hommes, comme le souhaite le rapporteur, par exemple en remplaçant « les mesures de compensation des inégalités entre les femmes et les hommes » par « la recherche de l'égalité entre les femmes et les hommes ».
La délégation aux droits des femmes a adopté, le 25 septembre, un rapport d'information sur le présent projet de loi, dans lequel elle formule dix recommandations. Celles-ci sont reprises dans les amendements que j'ai déposés.
Je demande notamment, à l'article 1er, de substituer l'expression « égalité entre les femmes et les hommes » au terme « équité », dont la portée est plus limitée. C'est d'ailleurs également le cas de la formulation – « recherche de l'égalité » – proposée par M. Paul. La présente réforme du système de retraites, bien davantage que celles de 1993, 2003 et 2010, fait de l'égalité entre les femmes et les hommes une priorité. J'en sais gré au Gouvernement et l'opinion l'a également remarqué. Il convient donc de mentionner l'égalité entre les femmes et les hommes dès l'article 1er. Le sous-amendement du rapporteur va dans le sens de ma proposition.
Il est important d'avoir des principes en matière de retraites. Si vos réformes ont échoué, chers collègues de l'opposition, c'est peut-être que vous en avez manqué.
En outre, le rapporteur travaille au nom de l'Assemblée et il est normal que les groupes politiques aient chacun leur position.
S'agissant de l'égalité entre les femmes et les hommes, je comprends le point de vue de Mme Coutelle. Cependant, méfions-nous des termes : l'égalité entre les femmes et les hommes peut signifier l'égalité en termes de contributions au système de retraites. C'est pourquoi il conviendrait plutôt selon moi de compenser, grâce au régime de retraites, les inégalités nées au cours de la carrière professionnelle. Néanmoins, si le terme « égalité » vous paraît préférable, nous pourrions modifier le troisième paragraphe comme suit : « notamment en assurant l'égalité entre les femmes et les hommes ».
D'autre part, je suis d'accord pour préciser que l'équité doit être assurée au sein de « chaque » génération, comme le propose le rapporteur.
En revanche, nous ne souhaitons pas revenir sur un élément fondamental de notre amendement : pour nous, il ne doit pas être question que le retraité perçoive sous forme de pension l'équivalent des cotisations qu'il a versées au cours de sa vie active, comme dans un système par points ; c'est le régime de retraites qui doit garantir au retraité un niveau de vie en rapport avec celui qui était le sien pendant sa vie active. En particulier, les périodes de privation involontaire d'emploi doivent être prises en compte, soit dans le mode de calcul du nombre de trimestres, soit dans celui du salaire moyen sur les vingt-cinq dernières années.
Enfin, le système doit permettre au retraité de vivre correctement de sa pension pendant un certain temps, en fonction de l'effort qu'il a fourni au cours de sa vie active. Nous avions même envisagé de poser le principe que cette période soit au moins égale à la moitié de la durée de cotisation. Nous avons finalement retenu une formulation plus mesurée avec le critère de « l'espérance de vie en bonne santé ».
Sur ces deux derniers aspects, monsieur le rapporteur, votre sous-amendement va à l'encontre des objectifs de notre amendement.
L'amendement déposé par M. Germain et ses collègues ne correspond en rien au texte présenté par le Gouvernement. Je propose néanmoins de le sous-amender en ajoutant, dans le troisième paragraphe, après « des périodes de privation involontaire d'emploi totale ou partielle », « ou des périodes sans emploi pour des raisons de formation ou pour effectuer des études prolongées ».
J'ai entendu les arguments de M. Germain, mais je maintiens le premier point de mon sous-amendement : « pensions en rapport avec les revenus tirés de leur activité » me paraît préférable à « pensions leur garantissant un niveau de vie en rapport avec celui de leur vie professionnelle ». Cette dernière formulation manque en effet de précision : le niveau de vie d'un individu actif dépend non seulement de ses revenus d'activité propres, mais également, le cas échéant, de ceux de son conjoint ou d'autres sources de revenu.
Je souhaite également conserver la rédaction que je propose concernant l'égalité entre les femmes et les hommes.
En revanche, je suis prêt à revenir sur le deuxième point de mon sous-amendement et à accepter la référence à « l'espérance de vie en bonne santé » proposée dans l'amendement AS 321.
Les Français qui nous regardent peut-être en ce moment ne doivent rien comprendre à nos débats ! Les propos du rapporteur et de M. Germain sont des plus flous ! M. Germain parle notamment de système de retraite par points, alors que cela n'a aucun lien avec l'article 1er. Sans doute êtes-vous conscients, chers collègues, de la pauvreté du projet de loi et essayez-vous d'alimenter les débats. À moins que vous ne cherchiez à fatiguer l'opposition ? Mais rassurez-vous : nous serons là jusqu'au bout ! Au lieu de débattre du fond, vous faites de la sémantique depuis une demi-heure !
Les questions de sémantique sont importantes. D'autre part, il est inutile de relancer la discussion générale : nous avons bien compris que vous ne voterez pas en faveur de ce projet de loi.
Vous prétendez, monsieur Germain, que la précédente réforme faisait fi des principes fondamentaux. Pourtant, à tout le moins, elle rétablissait l'équilibre financier du système de retraites, alors que le présent projet de loi est loin du compte en la matière : tous les experts estiment que des mesures supplémentaires seront nécessaires.
À l'instar de M. Robinet, je suis surpris de la tournure que prend ce premier débat. Je m'interroge sur la cohérence tant du sous-amendement du rapporteur que de l'amendement de M. Germain. Par exemple, aux termes dudit amendement, « le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions leur garantissant un niveau de vie en rapport avec celui de leur vie professionnelle ». Est-ce à dire qu'une personne qui a connu des accidents de parcours sérieux au cours de sa vie professionnelle est condamnée à percevoir une pension très faible ? Faites attention à ce que vous écrivez : les mots ont un sens ! Cette phrase sanctuarise des situations injustes, alors même que le projet de loi insiste, jusque dans son titre, sur l'idée de justice. Il semble nécessaire, madame la présidente, de recadrer le débat, afin d'aborder plus sereinement l'examen des amendements.
Au nom du groupe socialiste, je propose que nous conservions le point du sous-amendement qui fait l'objet d'un accord avec le rapporteur – celui relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes – et que nous en restions là, à ce stade, sur les autres points. Nous échangerons avec le rapporteur d'ici à la séance publique afin de trouver une rédaction définitive. Nous n'en sommes d'ailleurs pas très loin.
Vous semblez, chers collègues de l'opposition, balayer le présent débat d'un revers de main. Pourtant, l'article 1er est très important : il s'agit d'une charte des principes qui doivent guider notre système de retraites. L'effort de réécriture qu'a fait le groupe socialiste est donc tout à fait louable.
Nous avons pris l'habitude de passer beaucoup de temps sur les premiers articles des textes de loi. Or, dans le cas présent, nous risquons de passer trop rapidement sur des sujets importants en fin de débat. Je vous invite donc à nous concentrer sur l'essentiel.
Nous sommes nombreux à avoir cosigné l'amendement AS 321. Cependant, le rapporteur, qui a beaucoup travaillé sur la question des retraites, en a amélioré la rédaction sur plusieurs points. Le terme « activité », en particulier, tient mieux compte de la réalité, notamment des différentes périodes de la vie professionnelle où une personne en activité ne travaille pas à temps complet – formation, apprentissage, temps partiel ou chômage. Nous n'en sommes plus à l'époque où les salariés entraient à quatorze ans dans une usine pour la quitter à soixante ou soixante-cinq ans !
Je propose donc que nous passions au vote sur le sous-amendement du rapporteur et sur l'amendement AS 321. Si certains d'entre nous souhaitent revenir sur la rédaction, ils pourront le faire en séance publique. Ne perdons pas de temps et débattons des questions les plus importantes de ce projet de loi. Je pense en particulier aux aspects qui n'avaient pas été pris en compte dans la réforme dite « Fillon » : la pénibilité, la situation particulière des femmes, les périodes d'apprentissage.
L'amendement de Jean-Marc Germain introduit plusieurs notions qui donnent à l'article 1er un ton qui nous semble tout à fait positif. C'est pourquoi je suis préoccupée par les modifications proposées par le sous-amendement du rapporteur. D'une part, je tiens à ce que l'expression « leur espérance de vie en bonne santé » continue de figurer dans l'article. D'autre part, s'il était adopté, ce sous-amendement ferait disparaître la notion de période de privation involontaire d'emploi, totale ou partielle, à laquelle je tiens également. Autrement dit, gardons la rédaction de Jean-Marc Germain.
Rassurez-vous, messieurs de l'opposition, chacun avec nos mots, nous voulons tous dire la même chose. En l'espèce, ces mots sont importants puisque l'article 1er restera gravé et figurera en bonne place dans le code de la sécurité sociale.
Je persiste à penser que le I du sous-amendement relatif aux revenus tirés de l'activité correspond davantage à une réalité. Les pensions ne peuvent pas, à elles seules, garantir le maintien d'un niveau de vie en rapport avec celui de la vie professionnelle, dans lequel la situation du ménage intervient aussi. Par exemple, si l'on a été marié à un conjoint à hauts revenus et que l'on est divorcé à la retraite, les revenus diminuent en conséquence. La formulation que je propose me semble donc plus fidèle : on a les revenus liés à son activité.
En revanche, je conviens tout à fait que la mention « espérance de vie en bonne santé » est à conserver.
Pour ce qui est de l'égalité entre hommes et femmes, c'est bien l'objectif vers lequel on tend. Mieux vaut affirmer carrément cet objectif dans l'article 1er plutôt que de parler de mesures de compensation.
Quant au IV, je persiste à préférer les mots « de chaque » génération, même si ce détail de rédaction est plutôt anecdotique.
Si, dans le III du sous-amendement, je suis d'accord quant à l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes, comme Mme Fraysse, je trouve regrettable que la nouvelle rédaction proposée fasse disparaître la notion de prise en compte des périodes de privation involontaire d'emploi, alors que nombre de dispositions du projet de loi et d'amendements portent sur des mesures visant précisément à une meilleure prise en compte de ces périodes.
Madame la présidente, peut-être devriez-vous suspendre la séance pour que nos collègues de la majorité se mettent d'accord.
Cette façon d'examiner à la découpe, quatre lignes par quatre lignes, n'a vraiment pas de sens. Vous avez encore quelques jours, d'ici à l'examen en séance, pour vous entendre sur vos amendements. Évitons de passer des heures sur le seul article 1er !
Nous avons compris qu'il y aurait une réécriture pour l'examen en séance. Pour l'heure, nous allons voter sur le sous-amendement dont le rapporteur est d'accord pour supprimer le II.
La commission adopte le sous-amendement AS 452 tel qu'il vient d'être rectifié.
Je précise que le III conduit à supprimer la référence à la compensation des périodes de chômage. D'où le vote contre que certains ont pu exprimer.
Puis la commission adopte l'amendement AS 321 sous-amendé.
En conséquence, les amendements AS 220, AS 221, AS 273, AS 223, AS 328 (deuxième rectification), AS 173 et AS 99, les amendements identiques AS 79 et AS 353, les amendements AS 226, AS 229 et AS 274 tombent.
La commission est ensuite saisie de l'amendement AS 108 de Mme Catherine Coutelle.
Les femmes ont aujourd'hui une retraite de 30 % inférieure à celle des hommes, et le Conseil d'orientation des retraites (COR) a montré que cet écart ne se réduirait pas spontanément. La délégation aux droits des femmes souhaite donc qu'un décret fixe un objectif quantifié de réduction des inégalités.
L'article 1er pose le grand principe de l'égalité entre hommes et femmes. Les dispositifs permettant d'atteindre cet objectif doivent être déclinés dans les dispositions du code relatif à l'assurance vieillesse. Il ne me semble donc pas utile de rajouter un objectif quantifié, ce qui, du reste, apparaît difficile. Mieux vaut s'en tenir à l'affirmation du grand principe de la suppression des inégalités entre hommes et femmes. Avis défavorable.
Les choses se régleront à travers les carrières professionnelles, dès lors que sera supprimée l'insupportable ségrégation dont les femmes sont victimes et que seront modifiées les dispositions relatives aux périodes de maternité et d'éducation des enfants, de façon qu'il n'y ait pas de trous dans les carrières des femmes. Moyennant quoi, si les employeurs se comportent bien, il n'y aura plus de raison que les carrières, donc les retraites, des unes diffèrent de celles des autres. C'est l'objectif suprême affirmé dans l'article 1er, qui a plus de force que des objectifs quantifiés évoquant des tentatives de progression.
Chacun a des exemples en tête. Les écarts de salaire qui existent aujourd'hui sont parfois dus à des choix de carrière de la part des femmes, mais ils sont souvent imputables aux employeurs qui ne promeuvent pas les femmes de la même façon que les hommes dans les entreprises. C'est un fait fréquemment constaté dans les rapports. C'est une véritable ségrégation qu'il faut s'attacher à faire disparaître à l'avenir pour parvenir à des retraites satisfaisantes.
Nous souhaitons que les femmes aient plus de droits directs. C'est parce qu'elles auront des carrières égales qu'elles auront des retraites égales. Monsieur Accoyer, je peux vous dire qu'en dépit des lois sur l'égalité professionnelle votées depuis trente ans, on en est encore loin. Les salaires accusent toujours une différence de 27 %, mais en droits directs pour les retraites, le différentiel est de 40 %. Le fossé à franchir est vraiment très important, et c'est pourquoi nous demandions que cette résorption puisse être quantifiée. Les retraites des femmes sont améliorées par les droits indirects, et c'est une bonne chose. Mais il faudra bien arriver à l'égalité des retraites par l'acquisition de droits directs à égalité de carrières. Cela dit, j'entends votre argument, monsieur le rapporteur.
Les inégalités constatées au niveau de la retraite sont celles qui ont existé au cours de la vie professionnelle. Le but est d'aller vers des droits directs, en sachant tout de même que la condition féminine dans notre pays a évolué. Alors que, pour les gens de ma génération, les femmes avaient un rôle plutôt familial, aujourd'hui, le développement du partage des tâches et des modes de garde leur permet d'acquérir plus de droits directs. Pour avoir l'égalité des retraites, nous devons mener bataille pour l'égalité pendant la vie professionnelle, et pas contre une quelconque ségrégation ou contre les patrons – dans toute catégorie, il y a des bons et des moins bons.
La commission rejette l'amendement AS 108.
Elle examine ensuite l'amendement AS 206 de M. Philippe Vigier.
Nos différentes auditions ont mis en évidence un fort déficit de confiance de nos concitoyens et des partenaires sociaux, tant les salariés que le patronat, envers le système de retraites. Il nous a donc paru important d'établir des règles de confiance. Ces règles pourraient s'articuler autour de trois points majeurs : un taux de cotisation plafond qui aurait pour vertu à la fois de protéger le pouvoir d'achat des salariés et surtout d'éviter d'entamer la compétitivité de nos entreprises ; un taux de remplacement minimal ; une pension de retraite minimale. Comment peut-on parler de pouvoir d'achat si l'on n'est pas capable de mettre en place un système de retraite garantissant à nos compatriotes un montant de pension minimum ? Ce n'est certes pas ce soir que ces montants vont être fixés. Nous souhaitons qu'ils puissent être définis en liaison étroite avec les partenaires sociaux. Faisons en sorte que cette réforme nous permette d'atteindre ces trois objectifs, seuls à même de rétablir la confiance envers la classe politique et la nation.
Vous êtes en avance sur le débat. En effet, votre proposition n'a rien à faire à l'article 1er. Le sujet sera traité à l'article 3. Pour l'heure, je suis obligé d'émettre un avis défavorable.
L'article 1er définit les principes fondateurs de la réforme. L'un de nos amendements est malheureusement tombé à la suite de l'adoption de l'amendement de M. Germain. Or il traitait de la pénibilité, dont nous aurions aimé qu'elle figure parmi les grands principes. Ce texte, nous expliquez-vous, parle de justice, d'ambition, de solidarité, d'équilibre : nous essayons précisément de l'accompagner en mettant des principes derrière des mots. Vous renvoyez à plus loin dans le projet les notions que vous voulons introduire, monsieur le rapporteur. Non ! Il est primordial d'envoyer, dès l'article 1er, à nos compatriotes le signal que nous avançons sur le sujet de la pénibilité, et que nous accordons de l'importance à un taux minimum garanti et à un niveau de cotisation maximum.
L'article 1er fixe les grands objectifs d'un système de retraite par répartition. Or vous voudriez déjà traiter d'un taux de cotisation plafond, que vous vous dites d'ailleurs incapable de déterminer. Quel est l'intérêt de cela ? Du reste, par rapport à quoi seraient fixés ces taux de cotisation plafond et de remplacement plancher ?
Je répète que cet amendement n'a pas sa place à l'article 1er et confirme mon avis défavorable.
Je veux bien entendre l'argumentation du rapporteur, mais qu'il accepte la mienne. « Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité », me semble une formule bien générale. Son argumentation ne m'a pas convaincu, tant s'en faut.
La commission rejette l'amendement AS 206.
Puis elle adopte l'amendement de coordination AS 398 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 1er modifié.
Après l'article 1er
La commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels après l'article 1er.
Elle examine tout d'abord l'amendement AS 205 de M. Philippe Vigier.
À travers cet amendement, nous souhaitons traiter des régimes spéciaux, auxquels la majorité précédente avait eu le courage de s'attaquer. Sans user de la langue de bois, je lis ce qu'en dit la Cour des comptes : « L'importance des mesures compensatrices accordées amène ainsi à anticiper un bilan global négatif pour la présente décennie et sans doute légèrement positif pour les vingt ans qui viennent ». Cet acte courageux, il fallait donc le poser puisque les résultats seront ressentis sur la durée.
Selon la documentation du COR, les adhérents des professions libérales partent en moyenne à 63,7 ans quand les agents de la RATP partent plutôt à 54,4 ans. Le montant brut des pensions varie fortement entre les uns et les autres. Ces régimes spéciaux, ce ne sont pas moins de 6 milliards d'euros qu'il faut aller puiser dans le budget général pour en assurer l'équilibre – et Didier Migaud nous a expliqué mercredi dernier que ce montant avait tendance à augmenter fortement. J'ajoute que le rapport Moreau explicite très bien le coût global de ces régimes.
En appelant au principe d'égalité dans la République, nous souhaitons que soient mis en extinction progressive ces régimes spéciaux qui sont, à nos yeux, un facteur d'inégalité entre nos compatriotes. Bien sûr, il ne s'agit pas d'abattre le couperet du jour au lendemain. Cette extinction doit être discutée avec les partenaires sociaux dans la durée.
Le groupe UMP soutiendra avec force l'amendement de notre collègue Philippe Vigier qui participe à la poursuite de l'objectif, indiqué dans un amendement que vous avez précédemment adopté, visant à faire en sorte que les assurés bénéficient d'un traitement équitable. C'est du reste ce qu'attendent nos concitoyens. Dès 2008, et même dès 2003, la majorité précédente avait engagé une convergence entre l'ensemble des régimes de retraite, qu'il faut accentuer aujourd'hui pour des raisons de transparence mais également économiques et financières. La semaine dernière, la Cour des comptes a rappelé que 6 milliards d'euros sont ponctionnés dans le budget de l'État pour alimenter ces régimes spéciaux. Nous demandons également – n'ayons pas peur des mots – l'extinction de l'ensemble des régimes spéciaux pour une équité plus que parfaite entre nos concitoyens.
Comment le rapporteur, le Gouvernement et la majorité, pourraient-ils considérer que la réforme serait juste dès lors que l'espérance de vie d'un retraité ressortissant des régimes spéciaux est de 27,7 ans contre 17,7 ans pour un assujetti au régime général ? Peut-on parler de réforme juste quand on ne prend pas une seule mesure pour faire converger des régimes si différents ou abroger ces différences ? Certes, les régimes spéciaux ont eu leur justification au moment de leur création mais, aujourd'hui, chacun reconnaît que celle-ci n'existe plus. Nous avons amorcé le mouvement, mais il faut aller plus loin.
Si, comme vous l'avez prétendu, vous avez réalisé la réforme des régimes spéciaux en 2008, nul besoin de la faire aujourd'hui ! Durant les dix ans où vous étiez au pouvoir, vous aviez toute latitude pour supprimer les régimes spéciaux ; pourquoi ne pas l'avoir fait à l'occasion de vos trois réformes des retraites successives – 2003, 2008, 2010 –, mais vous en souvenir une fois dans l'opposition ? Je vous renvoie donc à vos propres turpitudes.
Vous avez fortement rapproché les régimes spéciaux du régime général – et je vous en félicite. Aujourd'hui, cette convergence se poursuit, y compris en matière de taux de cotisation. Vous avez allongé la durée de cotisation à 41 annuités ; quant à la possibilité de partir dès 52 – et non plus 50 – ans, les conditions dont elle est désormais assortie – comme la décote et le calcul du montant de la pension au prorata du nombre de trimestres travaillés – en réduisent fortement l'attrait. Peu de salariés souhaitant partir à 52 ans avec une retraite de 1 000 euros, l'âge de départ se décale vers le haut.
Dans un futur lointain, lorsque les régimes spéciaux auront été davantage uniformisés, ces questions pourront être soulevées. Mais aujourd'hui, alors que nous souhaitons remettre à flot le régime des retraites, une telle réforme n'aurait pas de sens, d'autant que le contexte économique actuel ne s'y prête pas.
Monsieur le rapporteur, vous venez d'expliquer que certains bénéficiaires des régimes spéciaux peuvent encore partir à 52 ans, mais avec des retraites réduites – notamment à cause de l'allongement de la durée de cotisation. Vous remettez donc en cause le texte que vous présentez ce soir, puisque c'est précisément l'effet que produira – notamment pour les jeunes générations – l'augmentation de la durée de cotisation sans modification de l'âge légal du départ à la retraite. Vous critiquez le principe même de votre réforme !
Monsieur Issindou, vous avez demandé pourquoi nous n'avions rien fait pendant les dix dernières années. J'avais pourtant bien précisé – citant même la Cour des comptes – que nous avions amorcé la réforme des régimes spéciaux. J'ai senti dans votre voix le regret de ne pas avoir accompagné les trois réformes des retraites que nous avions menées. Dans l'hémicycle, vous promettiez alors de revenir sur ces mesures ; qu'attendez-vous donc pour le faire ?
Ce projet de loi, madame la ministre, est censé être un texte de justice ; mais que représentent les dix ans d'écart d'espérance de vie entre un agent de la RATP et un salarié du secteur privé, sinon une injustice ? Celle-ci est tout aussi criante en matière de montant moyen de la pension – 1 750 euros pour les fonctionnaires des régimes spéciaux et seulement 1 166 euros pour les salariés du secteur privé.
La posture consistant à critiquer toutes les réformes antérieures ne tient pas puisque vous ne les démantelez pas ; vous ne revenez même pas sur celle de 2010, hormis le retour partiel, pour certains salariés, à un départ à 60 ans. Dire que dans un futur lointain, il faudra considérer la réforme des régimes spéciaux constitue d'ailleurs un aveu ; vous avez fait un pas ce soir, et je vous engage à aller plus loin dans l'hémicycle, car le système actuel est intenable. Nos concitoyens nous regardent ; le rapprochement entre le public et le privé, la convergence des différents régimes et l'extinction progressive des régimes spéciaux permettront de construire un système de confiance. Cet objectif ne suppose pas de tout gommer du jour au lendemain, mais de rapprocher les uns des autres.
Toute position peut être entendue, mais votre amendement apparaît trop globalisant puisqu'il met tous les régimes de retraite au même niveau, prévoyant de les aligner à l'horizon 2020. Souhaitez-vous, étant donné la difficulté de ce métier, que nos policiers travaillent sur la voie publique jusqu'à 65 ans ? Si n'importe quel régime de retraite peut – et doit – faire l'objet de discussions, votre amendement me semble dépourvu de sens.
À travers les régimes spéciaux, un amendement sur deux de l'opposition s'attaque aux fonctionnaires de ce pays. Or la force de cette réforme est d'affronter les vrais problèmes des régimes de retraite, et d'abord les inégalités entre les femmes et les hommes. Il est insupportable que les hommes bénéficient de retraites de 50 % supérieures à celles des femmes, et ce texte apporte des réponses à cette situation, notamment par le biais d'une modification des modalités de validation des trimestres de cotisation, et de mesures de compensation.
Ce projet de loi aborde également un autre problème majeur : celui de la pénibilité du travail, responsable d'un écart de 10 ans entre l'espérance de vie en bonne santé d'un ouvrier et d'un cadre de 50 ans. Ce sont ces inégalités qu'il s'agit de corriger en priorité.
Enfin, s'agissant des fonctionnaires, le rapport Moreau montre que leur situation est identique à celle des salariés du privé : si l'on tient compte des régimes de retraite complémentaire, les uns comme les autres bénéficient d'une pension moyenne de 1 700 euros. Pourquoi tout bouleverser dans la fonction publique si c'est pour arriver in fine au même résultat ? Concentrons-nous sur les vrais problèmes : la pénibilité du travail, les inégalités entre les hommes et les femmes et l'équilibre financier du régime.
Vous ne faites que conforter mes propos. Pourquoi ne pas avoir inscrit la pénibilité dans les principes fondateurs de l'article 1er ?
Mais si la pénibilité – sur laquelle vous ne faites que continuer ce qui avait déjà été amorcé – et la moindre rémunération des femmes constituent des problèmes dont personne ne conteste l'importance, la question des petites pensions, celle des modes de calcul et du rapprochement entre le public et le privé doivent également être abordées.
On a évoqué le cas des pompiers professionnels ou des gendarmes, mais la pénibilité est tout aussi importante dans les services d'urgence ; pourtant les médecins ne partent pas à la retraite à 52 ou à 55 ans.
N'essayez pas de nous focaliser uniquement sur les deux points qui présentent des avancées – que nous ne contestons pas, même si nous en discuterons les modalités. Parce qu'il ne prévoit ni équilibre global, ni rapprochement entre le public et le privé, ni mise en extinction progressive des régimes spéciaux, votre projet mettra à mal la solidarité nationale.
J'ai crû entendre le Gouvernement expliquer que cette pseudo-réforme devait éviter au déficit de la branche vieillesse – mise sous tension par la crise et le chômage – d'atteindre quelque 20 milliards d'euros d'ici à 2020. Il ne s'agit donc pas de l'inégalité entre les hommes et les femmes – que l'on ne peut au demeurant que déplorer. L'accumulation de la dette et la pression de l'Europe rendent la réforme des retraites nécessaire ; mais loin d'atteindre ces objectifs, ce projet de loi ne comblera qu'un tiers des déficits prévisibles, et ne le fera de surcroît qu'à travers la mise en place de prélèvements et de cotisations supplémentaires.
Il supprime par ailleurs des droits acquis ; ceux des familles sont en particulier mis à mal par la fiscalisation des suppléments accordés aux retraités ayant élevé au moins trois enfants et de certaines autres situations, ainsi que par l'augmentation des cotisations. En somme, la motivation du Gouvernement n'a par grand-chose à voir avec le souci de combler la différence entre les retraites des hommes et des femmes – d'autant que le rapporteur vient d'avouer que le texte ne le ferait pas, par manque de recettes. Soyons sérieux et abordons les problèmes tels qu'ils se présentent !
Les 8 milliards de déficit des régimes spéciaux – y compris ceux des mineurs et des exploitants agricoles – sont essentiellement dus à des causes démographiques. En effet, ces régimes comptent aujourd'hui 500 000 actifs pour 1 100 000 retraités. Par ailleurs, ils seront bien concernés par la réforme, tant en ce qui concerne les taux que l'allongement de la durée de cotisation. Ces régimes sont progressivement alignés sur le régime général : vous avez commencé ce mouvement et nous le continuons. Que peut-on faire de plus aujourd'hui ?
La proratisation et la décote découragent les bénéficiaires des régimes spéciaux de partir à la retraite de façon précoce ; ces salariés travaillent donc désormais plus longtemps. Vos amendements visent les fonctionnaires qui assurent pourtant des services publics de qualité. Les régimes spéciaux, fruit de l'histoire, subissent des alignements successifs ; vous en avez impulsé une partie, et nous poursuivons ce cheminement. Mais ce n'est pas le moment d'y revenir dans cette grande réforme, celle que vous avez manquée en 2010.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 204 de M. Philippe Vigier.
Au nom de l'égalité entre nos concitoyens, nous demandons que chaque année, le Gouvernement fasse le point sur la mise en extinction progressive des régimes spéciaux.
Par ailleurs, le report du 1er avril au 1er octobre de la revalorisation annuelle des retraites représente un beau signal pour le pouvoir d'achat dans le cadre de cette réforme censée incarner la justice.
La Commission rejette l'amendement.
TITRE IER
ASSURER LA PÉRENNITE DES REGIMES DE RETRAITE
Avant l'article 2
La Commission est saisie de six amendements portant articles additionnels avant l'article 2.
Elle examine tout d'abord l'amendement AS 231 de Mme Jacqueline Fraysse.
Notre groupe regrette l'absence, dans ce texte, de mesures ambitieuses nouvelles pour financer les retraites, en dehors des augmentations supportées par les retraités et les salariés. Nos cinq amendements formulent des propositions permettant à la fois d'augmenter les ressources des régimes de retraite et d'orienter l'activité économique vers un développement juste et efficace.
L'amendement AS 231 propose une modulation des cotisations patronales d'assurance vieillesse en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses produites. Les entreprises privilégiant le capital au détriment de l'emploi, des salaires et de la formation professionnelle seraient soumises à deux cotisations additionnelles. Il s'agit d'inciter les entreprises à revaloriser les salaires et à investir pour créer des emplois – deux leviers majeurs pour le financement de l'assurance vieillesse et de la protection sociale.
Sans même aborder la question du coût du travail, le choix de passer par l'impôt va à l'encontre du principe contributif reposant sur les cotisations, qui constitue l'essence même de notre système de retraites dont cette réforme s'efforce de respecter l'esprit. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission étudie l'amendement AS 230 de Mme Jacqueline Fraysse.
Cet amendement propose d'élargir l'assiette de cotisation, avec un triple objectif : apporter des recettes nouvelles, inciter les entreprises à investir plutôt qu'à spéculer et progresser dans la justice – aspiration que tout le monde dit partager. Nous proposons que les revenus financiers des sociétés financières ou non financières soient assujettis à une contribution d'assurance vieillesse, à un taux égal à la somme des taux de cotisation d'assurance vieillesse patronale et salariale du secteur privé. Il est légitime que l'ensemble des revenus participent à la solidarité nationale. Cette disposition permettrait de rapporter plus de 30 milliards d'euros – somme à la hauteur de l'ampleur des besoins.
Défavorable, pour les mêmes raisons. Vous proposez de bâtir les recettes sur un schéma qui s'écarte du principe choisi dès l'origine des retraites par répartition. Un jour peut-être la question des autres voies possibles de financement devra-t-elle se poser ; mais aujourd'hui, le système contributif repose à 80 % sur des prélèvements liés aux salaires, et non au capital, encore moins aux revenus financiers. Non seulement les mesures que vous proposez s'opposent-elles à l'esprit de notre système de retraites, mais de plus, en adossant le financement à un seul secteur, elles risqueraient de condamner un grand nombre d'emplois.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 233 de Mme Jacqueline Fraysse.
Cet amendement entend revenir sur les allégements généraux de cotisations sociales qui représentent plus des trois quarts des mesures d'exonération. Celles-ci étaient censées favoriser l'emploi ; or le chômage ne cesse d'augmenter, et l'on ne dispose d'aucune évaluation chiffrée sérieuse de l'efficacité de cette mesure en termes de création d'emplois. On en constate en revanche les effets négatifs sur le niveau des rémunérations, ces exonérations constituant une véritable trappe à bas salaires. L'intérêt général et la nécessité de financer les retraites exigent de revenir sur ces allégements de cotisations sociales qui coûtent cher à la société et qui n'ont pas apporté les résultats espérés.
Madame Fraysse, sous la précédente législature, nous avions critiqué ces allégements ensemble ; à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous ne manquions pas de rappeler nos doutes quant au lien entre le montant des exonérations et le nombre d'emplois préservés dont la fourchette très ample d'évaluation – entre 300 000 et un million – prouve la difficulté à cerner l'impact réel de la mesure. Mais dans cette période où le chômage est au coeur de nos préoccupations, on ne peut pas prendre le risque, en supprimant ces allégements, de supprimer en même temps les emplois à bas salaires qui en bénéficient. Le Gouvernement travaille à une réforme globale du financement de la protection sociale ; peut-être reprendra-t-il dans ce cadre les orientations que vous esquissez. Elles méritent d'être considérées, mais pas de manière aussi abrupte que dans cet amendement. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS 232 de Mme Jacqueline Fraysse.
Cet amendement – à nouveau d'ordre financier – cherche à influer sur des situations que nous voulons corriger ensemble. Il propose de majorer de 10 % les cotisations d'assurance sociale employeur des entreprises de plus de 20 salariés comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salariés à temps partiel, afin de décourager le recours à cette pratique, très pénalisante pour les salariés concernés – majoritairement des femmes.
Votre proposition s'écarte de la logique de cotisations sociales pour aller vers un système de pénalités fiscales en cas de manquement supposé par rapport à la qualité des emplois. Or c'est aux partenaires sociaux de déterminer la politique à adopter en matière de temps partiel. Nous souhaiterions évidemment le réduire autant que possible, mais je ne suis pas persuadé qu'il faille recourir pour cela à la mesure que vous proposez. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission étudie l'amendement AS 234 de Mme Jacqueline Fraysse.
Cet amendement a pour objet de porter de 4,5 à 12 % le taux du prélèvement social sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values, en particulier ceux réalisés sur les marchés financiers ; il modifie également en conséquence la répartition du produit des prélèvements. Il s'agit de réduire des inégalités criantes tout en apportant des moyens nouveaux à la caisse des retraites.
Défavorable. Les capitaux sont aujourd'hui largement taxés, et il faut éviter de mettre en place des mesures aussi abruptes – faisant passer le taux de 4,5 à 12 % –, voire s'abstenir, pour l'heure, de toute mesure nouvelle, sous peine de voir les prélèvements atteindre un niveau confiscatoire. Les capitaux relèvent des politiques fiscales ; quant aux retraites, elles doivent conserver un système contributif à base de cotisations. Si l'on veut que la retraite soit l'affaire de chacun, il ne faut pas ajouter en permanence des recettes qui n'ont plus rien à voir avec le travail.
Monsieur Issindou, vous allez trop loin. Une partie des revenus des entreprises est distribuée sous forme de salaires, une autre – trop réduite – est investie pour créer des emplois, le reste est utilisé pour la spéculation. Mais tous ces revenus constituent le fruit du travail des salariés et devraient être mieux répartis. Une part plus grande de la richesse produite devrait être consacrée à la solidarité nationale, selon des modalités dont nous sommes prêts à débattre. En tout état de cause, nos propositions restent bien dans le sujet.
Madame Fraysse, ces derniers mois, nous avons fortement rapproché l'imposition des revenus du travail et de ceux du capital. Même si nos efforts ne sauraient vous paraître suffisants, vous devriez reconnaître que le capital, désormais taxé au même niveau que le travail, n'a pas échappé à nos réformes.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement AS 329 de M. Dominique Tian.
L'article 16 de la loi du 9 novembre 2010 prévoyait la mise en oeuvre, au premier semestre 2013, d'une grande réflexion nationale sur une réforme en profondeur de notre système de retraites. Cette réflexion est aujourd'hui confisquée et, avec elle, la réforme systémique qu'elle laissait espérer. Notre amendement propose donc que, dès le premier semestre 2014, le comité de pilotage des régimes de retraite organise une grande réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Plusieurs thèmes pourraient être retenus :
– Les conditions d'une plus grande équité entre les dix-huit régimes spéciaux de retraite, sachant qu'il ne s'agit pas de viser les fonctionnaires mais de tendre vers l'égalité entre tous les Français ;
– La mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations ;
– Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
En s'appuyant sur un rapport préparé par le Conseil d'orientation des retraites, le comité de pilotage remettrait au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité et de solidarité intergénérationnelles.
Il est regrettable qu'en 2010, la majorité de l'époque n'ait pas voulu pousser plus loin cette réforme que vous portez aujourd'hui avec tant d'enthousiasme… Entre-temps, la conjoncture s'est fortement dégradée et nous oblige à une nouvelle réforme pour rétablir les comptes.
La réforme systémique que vous appelez de vos voeux ne nous rendra pas plus riches, et je rappelle qu'en Suède, elle a montré ses limites : l'État y est souvent obligé de mettre la main à la poche ou de diminuer les rentes versées aux retraités. Elle induirait par ailleurs une transition très complexe, malvenue dans une période où le régime est déjà très déséquilibré. Notre réforme entend donc, dans un premier temps, rétablir de manière sereine les grands équilibres. Avis défavorable.
Nous avons toujours dit que la réforme de 2010 n'était qu'une étape et qu'il convenait de poursuivre, à partir de 2013, la réflexion sur une réforme systémique, à laquelle étaient d'ailleurs favorables plusieurs de nos collègues de l'opposition d'alors.
Vous parlez sans cesse d'équité, mais ce projet de loi met à mal l'équité entre les jeunes générations et les retraités, comme entre les salariés du privé et ceux qui dépendent des régimes spéciaux. Vous prévoyez en outre de supprimer dans le projet de loi de finances le jour de carence que nous avions mis en place pour des raisons d'équité entre le public et le privé, ce qui ne fera qu'aggraver les inégalités entre les Français.
J'admets qu'à court terme, une réforme systémique n'améliorera pas le financement de notre système de retraites ; sur le long terme en revanche, elle permettrait de rationaliser les trente-six régimes existants. Or les études ont montré qu'un régime unique, par exemple par points, permettrait d'économiser entre 3 et 5 milliards d'euros.
Je m'étonne que le Gouvernement persiste à ne pas respecter l'article 16 de la loi de 2010. C'est d'autant plus préoccupant que cet article nous invite à réfléchir à l'avenir et à anticiper, ce qui n'a pas été fait en 1983, lorsqu'on a abaissé l'âge de la retraite de 65 à 60 ans, alors que tous les calculs actuariels indiquaient que cela porterait un coup terrible au système de retraites par répartition. Réfléchir à un système qui garantisse la solidarité, évaluer l'impact, notamment financier, des mesures prises, est notre devoir le plus élémentaire vis-à-vis de la jeunesse.
Un système de retraites doit être lisible et pérenne. La réforme de 2010 prévoyait un retour à l'équilibre en 2018 et, dans l'intervalle, une réflexion sur la mise en place d'une réforme systémique, sachant qu'il faut entre huit et quinze ans pour quitter le système par répartition, auquel nous sommes très attachés mais pour lequel le nombre d'actifs ne suffit plus à financer les prestations, compte tenu de l'allongement de la durée de vie.
Si l'on veut préserver le montant des pensions, il faut donc trouver un autre système et réfléchir pour cela à un régime par points ou en comptes notionnels, comme cela fonctionne en Allemagne.
C'est précisément parce que les temps changent, monsieur le rapporteur, qu'il nous faut mener une réflexion sur le long terme, sans se focaliser sur le présent, sachant – nous en sommes conscients – qu'une réforme systémique ne produirait aucune amélioration financière à court terme.
En quoi est-il gênant de demander au Conseil d'orientation des retraites (COR) un rapport qui permettrait d'éclairer la représentation nationale et les partenaires sociaux sur un sujet aussi complexe et aussi sensible à la conjoncture économique ? Il permettrait d'étayer, monsieur le rapporteur, la réflexion que vous entendez mener, dans un lointain futur, sur la réforme des régimes spéciaux. L'amendement prévoit que, parmi les thèmes de la réflexion, figurent les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au coeur du pacte social qui unit les générations. Où sont les gros mots ?
Un tel rapport a déjà été produit par le COR en 2010. Il en ressort, comme du récent rapport Moreau, que le mode de gestion a assez peu d'importance, et qu'un régime par points ou en comptes notionnels n'est pas nécessairement de meilleure qualité. Quant à la lisibilité, on peut l'améliorer sans changer de système.
La concertation avec les partenaires sociaux a montré par ailleurs qu'ils n'étaient pas particulièrement attachés à une réforme systémique. Ils privilégient davantage l'égalité entre les hommes et les femmes, ou la prise en compte de la pénibilité.
Quant aux acteurs du secteur privé – notamment certaines professions libérales – que nous avons rencontrés, ils ne sont pas non plus partisans d'un régime unique pour le public et le privé, et souhaitent plutôt qu'on améliore les dispositifs existants. Si la fusion des régimes ne pourra pas être éternellement éludée, notre objectif aujourd'hui est de rétablir les comptes dans le cadre du système existant. Lorsque notre système de retraites sera remis à flot, il sera temps alors d'envisager un autre mode de gestion.
Les travaux du COR sont là pour alimenter notre réflexion et non pour se substituer à nos débats. Par ailleurs, votre projet de loi ne permet de réaliser que 7 milliards d'économies sur les 20 milliards nécessaires. Nous serons donc loin de l'équilibre.
Avec cet amendement, nous ne demandons pas de réforme systémique immédiate, mais une réflexion sur cette réforme et un débat sur les conditions d'une plus grande équité de notre système. Nous souhaitons également faciliter le libre choix par les assurés du moment ou des conditions de leur cessation d'activité. Or, vous refusez cette réflexion par dogmatisme, ce qui n'est pas rendre service aux retraités ni à l'ensemble des Français.
Je vous renvoie une fois encore au rapport du COR sur les réformes systémiques. Je n'écarte pas l'idée de réfléchir, mais notre objectif est d'inscrire dans la loi des mesures concrètes s'appliquant à notre système de retraites par répartition, tel qu'il existe aujourd'hui, car il nous paraît un mode de gestion plutôt satisfaisant. C'est aussi l'avis du COR, selon qui le système remplit globalement les objectifs qui lui sont assignés.
Il faut certes combler les déficits et corriger les inégalités, mais le COR n'a jamais dit que le système par points devait constituer l'alpha et l'oméga de la réforme. Si j'admets qu'un tel système est plus lisible, il ne réglera pas la question des inégalités entre les hommes et les femmes, ni le problème de la pénibilité. Ayant écouté les partenaires sociaux, nous avons donc choisi de conserver notre actuel mode de gestion.
La Commission rejette l'amendement.
Article 2 : Détermination de la durée d'assurance tous régimes
La Commission examine les amendements identiques AS 49 de Mme Véronique Massonneau, AS 80 de M. Arnaud Robinet et AS 236 de Mme Jacqueline Fraysse, visant à supprimer l'article 2.
Alors que la crise accroît le chômage et pèse lourdement sur l'emploi des jeunes et des seniors, l'allongement de la durée de cotisation va à l'encontre du partage du temps de travail.
Allonger à 43 ans la durée de cotisation, alors que la durée moyenne d'assurance jusqu'à la liquidation est en moyenne de 35 ans pour les femmes et de 37 ans pour les hommes pourrait avoir pour conséquence d'augmenter le nombre de chômeurs chez les jeunes, les seniors, ainsi que le nombre de seniors inactifs éligibles aux minima sociaux.
D'après l'INSEE, seuls 59 % des salariés du secteur privé sont passés directement de l'emploi à la retraite, les autres ayant connu des périodes de chômage ou d'invalidité. L'UNEDIC, de son côté, a estimé que le premier relèvement de l'âge légal de quatre mois, au 1er juillet 2011, avait engendré chez les seniors neuf mille inscriptions supplémentaires à Pôle emploi en 2011 – trente mille en année pleine –, avec un surcoût évalué à 440 millions d'euros par an.
Cet amendement propose donc de supprimer une disposition financièrement inefficace et socialement injuste.
Si nous souhaitons, comme nos collègues écologistes, supprimer l'article 2, ce n'est évidemment pas au nom des mêmes arguments, car nous ne croyons pas à la théorie du partage du travail.
Dans le contexte de crise actuel, le choix d'allonger uniquement la durée de cotisation d'un trimestre toutes les trois générations à compter de 2020 est une mesure insuffisante, si elle n'est pas associée à un recul de l'âge de départ en retraite ; elle est également injuste, car elle va peser sur le pouvoir d'achat des retraités, et malhonnête à l'égard des jeunes générations.
Nous ne sommes pas contre l'allongement de la durée de cotisation et sommes heureux que vous validiez la réforme Fillon de 2003, mais allonger la durée de cotisation à 43 ans va appauvrir les retraités et les jeunes générations, puisque un salarié ayant commencé à travailler entre 23 et 25 ans devra attendre l'âge de 66 ans pour prétendre à une retraite complète, alors que l'âge légal de départ en retraite est de 62 ans. Les Français partant à la retraite dès l'âge légal subiront donc une décote et une baisse significative du niveau de leur pension.
Par ailleurs, le scénario privilégié par le Gouvernement n'est pas le plus efficace financièrement, puisqu'on évoque une économie de 2,7 milliards d'euros à l'horizon 2030, tandis qu'un recul d'un an de l'âge légal de départ à la retraite – à 63 ans pour la génération 62 – permettrait une économie de plus de 3 milliards d'euros pour le régime général et de 5,3 milliards d'euros, tous régimes confondus.
Nous demandons donc la suppression de l'article 2 pour des raisons d'équité.
Nous sommes farouchement opposés à l'article 2, qui vise à augmenter la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein.
Sachant que l'âge moyen de départ en retraite se situe déjà au-delà de l'âge légal en vigueur, cet objectif de 43 années de cotisations nous paraît inatteignable pour un nombre croissant de salariés, qui ne pourront donc pas bénéficier d'une retraite à taux plein à moins de travailler au-delà de l'âge légal. Cette mesure aura donc pour effet d'abaisser le niveau des pensions, ce qui est en contradiction avec le discours du Gouvernement.
Par ailleurs, c'est une mesure injuste, car cet allongement de la durée de cotisation pénalisera particulièrement les femmes et les jeunes, lesquels s'inquiètent beaucoup pour leurs retraites malgré les quelques mesures correctrices que propose le projet de loi.
Ce projet de loi comporte trois piliers. Le premier est constitué de mesures à court terme, qui visent à préserver le niveau des pensions, grâce à une augmentation progressive et modérée des cotisations permettant de réaliser 7 milliards d'euros d'économies d'ici à 2020.
Le Gouvernement a ensuite fait le choix d'augmenter de 41,5 à 43 ans le nombre d'annuités, ce qui représente un effort non négligeable mais permettra de préserver un niveau de pension correct. Pour compenser cet effort, le projet de loi comporte toute une série de mesures de justice, comme l'abaissement de deux cents à cent cinquante du nombre d'heures nécessaires à la validation d'un trimestre ou la validation des trimestres d'apprentissage. Cela permettra à de nombreux salariés de partir plus tôt en retraite.
La prise en compte de la pénibilité bénéficiera à 3 millions de personnes environ.
L'allongement progressif permettra de maintenir ce qui est pour nous un impératif, c'est-à-dire un niveau de retraite correct. C'est pour cela que l'on demande aux jeunes de travailler un peu plus longtemps.
Nous assumons totalement notre choix, qui s'oppose au vôtre, avec notamment le report de l'âge légal. Nous laissons la porte ouverte aux personnes de 62 ans, qui peuvent sortir du dispositif. Le taux plein n'est, après tout, qu'un critère parmi d'autres, et nous défendons, comme en 2010, la liberté de choix. Reporter l'âge légal à 65 ans signifierait, pour un jeune qui a commencé à travailler à 18 ans, cotiser 47 annuités. Ce n'est pas juste.
J'émets donc un avis défavorable aux trois amendements.
L'article 2 est un complet reniement des grandes déclarations de ceux qui étaient mobilisés contre le texte de 2010. Dire une chose quand on est dans l'opposition et son contraire quand on est dans la majorité, c'est gênant surtout que le rendez-vous de 2013 vous offrait l'occasion de remédier à l'impasse de financement liée à la crise et au chômage. Vous décidez une augmentation tout à fait insuffisante de la durée de cotisation sans, parallèlement, ajuster l'âge légal. Il faut avoir le courage de dire que vous avez fait le choix de la baisse des pensions. Les mesures que vous présentez comme plus favorables conduiront à faire partir avant 62 ans un retraité sur deux et c'est un choix irresponsable pour le niveau des pensions et la pérennité de notre système de retraite par répartition.
Pourquoi le Gouvernement renie-t-il ce que ceux qui le soutiennent promettaient de faire avant les élections ?
Ces amendements posent une question de fond. Quelles sont les possibilités de rééquilibrage à court terme ?
Ce report de l'âge légal transforme de jeunes retraités en vieux chômeurs. Dès lors, il ne reste que deux solutions : soit trouver des ressources complémentaires, soit diminuer les pensions. Il est inutile de biaiser, on ne peut pas être contre la hausse des cotisations sans accepter une baisse des pensions.
Pourquoi défendons-nous l'allongement de la durée de cotisation ?
La réforme que le parti socialiste proposait en 2010 est tout entière dans ce texte. On ne peut donc pas parler de reniement.
Ensuite, nous comprenons les arguments de Mme Fraysse contre l'allongement de la durée de cotisation. Pour le rendre acceptable, nous avons décidé, premièrement, de prendre en compte la pénibilité pour ajuster la durée de cotisation en fonction de l'espérance de vie en bonne santé ; deuxièmement, de différer cet allongement dans le temps, jusqu'en 2020, à cause de l'impact sur le chômage. Il s'agit là d'un constat, et je pense que vous le partagez.
Reste l'option politique : à terme, faut-il augmenter la durée de cotisation en épargnant ceux qui ont eu des métiers pénibles, ou bien l'âge légal ? Qui a payé la réforme Sarkozy-Fillon ? Les ouvriers et les employés (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Regardez les chiffres ! Vous avez bouché – un peu – les trous de l'assurance vieillesse, mais creusé ceux de l'assurance chômage. Vous n'avez donc rien réglé.
Nous avons une différence philosophique sur ce qu'il faut faire après 2020, et, avant. Vous n'avez d'autre choix que d'augmenter les cotisations ou baisser les pensions.
Cette réforme est hypocrite pour trois raisons.
Elle fait croire que l'on peut partir à 62 ans, mais ce système compliqué est un leurre.
Vous nous accusez de vouloir baisser les pensions, mais nombreux seront ceux qui ne pourront partir à 62 ans, à moins de subir une décote, ce qui veut dire que vous poussez à une forte baisse de pouvoir d'achat des retraités.
Vous déclarez régulièrement vous soucier des jeunes. Or ce sont eux qui seront touchés par les baisses de pension. Avec une durée de cotisation de 43 ans, les personnes nées en 1973, si elles veulent partir à 62 ans avec une retraite à taux plein, devront avoir commencé à travailler à 19 ans !
Voilà pourquoi il faut réécrire l'article 2.
Vous avez instrumentalisé la nouvelle génération en l'incitant à manifester dans la rue contre la réforme de 2010, mais les jeunes sont les dindons de la farce qu'est votre réforme.
Monsieur Germain, vous vous fourvoyez dans le dogmatisme le plus complet.
En 2010, vous n'aviez qu'un seul tabou, la retraite à 60 ans. Le nôtre, c'était le niveau des retraites. C'est la raison pour laquelle nous étions opposés à une augmentation de la CSG et des cotisations salariales.
De fait, vous êtes la majorité de la baisse du pouvoir d'achat. Les pensions vont diminuer puisque vous reculez l'indexation des retraites du 1er avril au 1er octobre. Vous avez touché au pouvoir d'achat dans la loi de financement de la sécurité sociale 2013 avec la cotisation de 0,3 % sur les pensions pour financer la dépendance. Nous n'avons pas de leçon à recevoir.
Vous faites le choix d'une double peine pour les Français : baisse des pensions à court terme et à long terme, en ne jouant que sur la durée de cotisation. Le seul paramètre à avoir un impact immédiat, tous les experts sont d'accord, c'est l'âge. Alors, oui, nous revendiquons un recul de l'âge légal de départ à la retraite.
Et arrêtez de mettre en avant cette théorie du partage du travail qui ne s'est jamais vérifiée. Vous l'avez bien vu avec les 35 heures.
Monsieur Issindou, oui, nous demandons le recul de l'âge de départ à 65 ans à l'horizon 2023-2026, pour que les jeunes d'aujourd'hui partent à la retraite à 65 ans avec une retraite à taux plein. Avec vous, ils devront attendre d'avoir 67 ans ! Où est la justice ? Où est la politique en faveur de la jeunesse, sinon dans l'opposition !
Qu'a fait l'UMP ces dernières années ? Et quelles sont ses propositions ? Son porte-parole Hervé Mariton préconise le report à 65 ans d'ici à 2022 et 44 annuités. Avec vous, c'est fromage et dessert !
Vous avez en plus lourdement frappé les retraités. Je citerai, entre autres, le gel du barème de l'IRPP qui a mis en situation de redevables 2 à 3 millions de personnes qui ne l'étaient pas ; et la suppression de la demi-part des veuves, qui a eu une très forte incidence. Nous proposerons vraisemblablement une décote pour les premiers et nous pourrions revenir sur un dispositif qui a pénalisé de nombreuses veuves. Voilà des mesures concrètes qui vont dans le sens du pouvoir d'achat des retraités là où les vôtres visaient à faire payer aux seuls actifs le prix de votre réforme. Et si nous discutons aujourd'hui, c'est parce qu'elle n'a pas abouti. Le rapport rendu par Yannick Moreau a mis en évidence que, depuis 2010, elle n'avait permis d'économiser que 3 milliards d'euros. Vous nous aviez promis le retour à l'équilibre en 2017 ; mais nous en serons très loin !
Si la réforme de 2010 était une erreur gravissime, alors pourquoi ne pas être revenus dessus depuis votre arrivée au pouvoir, surtout avec l'augmentation sans précédent du chômage cette année ?
Il est vrai, monsieur Germain, que vous avez conseillé une candidate aux primaires socialistes qui expliquait qu'il fallait revenir à la retraite à 60 ans, et que Mme Touraine déclarait le 14 octobre 2011 dans Libération que François Hollande s'y était engagé.
Ce soir, nous prenons acte du décès de la réforme annoncée.
Ensuite, monsieur Germain, le Conseil d'orientation des retraites constate que, sans la réforme de 2010, il manquerait 45 milliards dans les caisses. C'est vrai, nous ne sommes pas à l'équilibre, le trou est de 20 milliards, mais, avec la vôtre, vous récupérerez tout au plus 6 ou 7 milliards.
Pire, la compensation de l'allégement de 0,15 point des cotisations famille des entreprises, vous irez bien la prendre dans la poche des salariés. Des entreprises aussi, d'ailleurs, puisque, même si vous endormez la vigilance des entreprises en promettant une compensation, le patron du MEDEF a expliqué que le compte n'y était pas tout à fait. Ensuite, dans la loi de finances, vous avez chiffré à 1 milliard le gain pour le recul de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre. C'est donc vous qui appauvrissez les retraités.
Monsieur Terrasse, ce soir je prends date pour le rétablissement de la demi-part des veuves. J'étais de ceux qui la défendaient et je continuerai à le faire. Peut-être nous retrouverons-nous sur un amendement.
Enfin, comment osez-vous raconter qu'on cotisera plus longtemps mais que l'âge légal ne changera pas ? Pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour comprendre que la retraite sera plus faible !
Votre véhémence, monsieur Vigier, ne rend pas plus crédible la fable selon laquelle nous serions différents entre hier et aujourd'hui. Mais les divergences entre vous et nous, elles, sont intactes.
Les Français qui suivent les débats ont compris que l'âge légal de départ ne coïncidait pas toujours avec l'âge effectif. Et c'est bien pour les rapprocher que nous avons conçu des mesures de personnalisation, notamment la pénibilité.
Nous avons un tabou, en effet. Nous pensons qu'il faut préserver la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt. Le Gouvernement l'a d'ailleurs fait dès les premières semaines. Il n'y a pas de reniement.
Votre martingale, ce sont les bornes d'âge : il faudrait travailler le plus possible le plus longtemps possible. Cela ne correspond pas à l'aspiration collective des Français ; il suffit de voir leurs réactions à nos projets respectifs. Il faut donc trouver à l'horizon 2020 des solutions équilibrées entre les cotisations et la justice, au lieu de s'en tenir à votre projet, brutal et régressif.
Monsieur Terrasse, j'admire votre capacité à avaler des couleuvres.
Monsieur Paul la réforme de 2010 a permis de « récupérer » 30 milliards d'euros, et sans elle, le déficit serait de 50 milliards. Le président de la CNAV, M. Rivière, de Force Ouvrière, a montré qu'elle permettrait de retrouver un quasi-équilibre à l'horizon 2018-2020. L'effort était considérable, et il a précisé que les déficits ont été aggravés par la crise, mais aussi par votre fameux décret de 2012.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements AS 49, AS 80 et AS 236, visant à supprimer l'article 2.
Elle examine ensuite l'amendement AS 203 de M. Philippe Vigier.
Chacun a compris que la réforme de 2010 qui a relevé l'âge légal à 62 ans en 2018 et la durée de cotisation à 41,5 années en 2020 a permis de faire 25 ou 30 milliards d'économies. Vous avez fait un autre choix, qui s'est traduit par une baisse du pouvoir d'achat en 2012 de 0,9 % – du jamais vu depuis 1974. Or il y a déjà eu deux coups de canif dans les retraites en 2013 : les pensions AGIRC et ARRCO n'ont été revalorisées respectivement que de 0,5 % et 0,8 %. Et ne venez pas me dire que c'est une décision des partenaires sociaux, puisque le ministre du budget chiffre l'économie à 1 milliard d'euros. La hausse du prélèvement sur les retraites porté à 0,3 % en avril correspond lui aussi à une baisse de pouvoir d'achat.
Augmenter la durée de cotisation sans toucher à l'âge légal relève de l'hypocrisie absolue. La moitié du chemin avait été faite depuis 2010 mais, avec votre réforme qui n'en est pas une, il manquera encore entre 13 à 16 milliards, voire davantage, puisqu'on ne compte pas l'impact des nouveaux droits.
Pour reprendre votre expression, monsieur Germain, on a la chance de « vieillir plus longtemps », et, pour équilibrer enfin le régime des retraites, nous prônons d'accélérer la réforme de 2010, ce qui n'empêche pas de prendre en compte la pénibilité, d'agir en faveur des femmes, des polypensionnés, ni d'augmenter les petites retraites. C'est aussi une question de justice. Ces cinq dernières années, il aurait fallu, selon vous, jeter aux orties tout ce qui a été fait, y compris, sans doute, l'augmentation de 25 % des petites retraites. S'agissant de l'augmentation du minimum retraite, j'ai relevé les écarts entre les annonces de la ministre des affaires sociales – le 1er avril – et celles du Premier ministre – le 1er octobre. Je ne peux que me réjouir pour ceux qui n'ont qu'un peu plus de 760 euros de retraite par mois de la date finalement retenue.
Monsieur Vigier, il serait préférable de ne pas s'écarter de l'exposé des motifs des amendements.
Avis défavorable.
Je rejette la brutalité avec laquelle M. Vigier veut accélérer le rythme de l'augmentation des années de cotisation, une brutalité qui a marqué la réforme de 2010.
Nous avons souhaité que les plans de départ à la retraite à l'horizon de 2020 puissent être préservés.
Monsieur Vigier, il faut choisir entre jouer sur l'âge légal ou jouer sur les annuités. Si vous reportez l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans, les quarante-quatre annuités ne sont même plus nécessaires : chacun partira à la retraite à 65 ans.
Nous, nous préférons jouer sur les annuités car cela nous paraît la solution la plus juste. Pourquoi ne pas envisager d'effacer un jour, si cela s'avère possible, l'âge légal de départ à la retraite ? Celui qui aurait quarante-trois annuités pourrait partir à la retraite.
Il faut au moins vous reconnaître, monsieur Vigier, la franchise de vos propositions, à savoir imposer ex abrupto, entre quatre et neuf trimestres supplémentaires à des salariés qui ont aujourd'hui entre 55 et 58 ans et qui, déjà, envisagent leur départ à la retraite. Ne faites pas le tour des entreprises avec votre amendement ! Vous n'emporterez pas le succès que vous escomptez.
Déclamer et avoir raison sont deux choses différentes.
La réforme de 2010, strictement comptable, a été conduite, de plus, de manière brutale et n'a fait l'objet d'aucun dialogue. C'est pourquoi elle a mis des millions de Français dans la rue.
La nôtre, au contraire, repose sur le dialogue : elle a fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. En outre, contrairement à la vôtre, elle crée des droits nouveaux. C'est la principale différence entre les deux réformes.
La Commission rejette l'amendement.
Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 395 à AS 397 du rapporteur.
La Commission examine ensuite l'amendement AS 51 de Mme Eva Sas.
L'amendement AS 51 vise à conditionner l'allongement de la durée de cotisation à la démonstration de sa neutralité sur la situation du chômage en France.
Je comprends l'objet de cet amendement : l'amélioration de l'équilibre général des comptes sociaux passe par l'amélioration de l'emploi. Or il convient précisément de faire le pari collectif que celui-ci ne peut aller qu'en s'améliorant, surtout à partir de 2020.
C'est pourquoi il me paraît difficile de conditionner totalement l'allongement de la durée de cotisation à sa neutralité sur l'emploi. On ne saurait adapter la durée de cotisation au nombre des chômeurs : ce serait anxiogène pour les salariés, alors que le mérite de l'article 2 tient dans sa clarté. Une fois la loi adoptée, les générations nées à partir de 1973 sauront que leur durée de cotisation s'allongera progressivement jusqu'à quarante-trois annuités.
Vous avez toutefois raison : il est essentiel d'augmenter notamment le taux d'emploi des seniors.
Avis défavorable à l'amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle l'examine l'amendement AS 50 de Mme Eva Sas.
L'amendement AS 50 est un amendement de repli.
Il prévoit que l'allongement de la durée de cotisation n'entrera en vigueur qu'après la présentation d'un rapport évaluant l'impact de la mesure sur le taux de chômage.
L'Assemblée nationale pourra se saisir à tout moment de la situation de l'emploi et des régimes de retraite. Le comité de surveillance aura vocation à informer la représentation nationale sur le sujet.
Je ne vois donc pas l'intérêt de cet amendement, même si je comprends l'esprit dans lequel il a été rédigé.
Madame Massonneau, votre amendement n'a plus d'objet puisque nous avons repoussé l'amendement AS 203 de M. Philippe Vigier, qui visait à augmenter d'ici à 2020 de deux ans et demi la durée de cotisation. Or, compte tenu de la situation actuelle du marché du travail, 6 % d'actifs supplémentaires se traduiraient par 1,5 million de chômeurs supplémentaires, ce qui serait désastreux.
Mon amendement n'a rien à voir avec celui de M. Vigier : je ne veux pas qu'on les compare.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Après l'article 2.
La Commission est saisie d'une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 2.
Elle examine tout d'abord l'amendement AS 85 de M. Arnaud Robinet.
L'amendement AS 85 et ceux qui suivront visent à donner de la consistance au projet de loi en matière d'équité.
Il convient de mettre fin aux différences flagrantes de calcul des droits à pension entre le public et le privé.
Alors que la durée et les taux de cotisation sont en cours d'alignement grâce aux réformes engagées par la droite et le centre depuis 2003, il est aujourd'hui opportun de continuer d'harmoniser le système entre le public et le privé, s'agissant notamment des périodes de référence du calcul des pensions.
En effet la période de six mois, retenue pour les fonctionnaires, est devenue le marqueur d'une injustice majeure pour l'ensemble de nos concitoyens, les pensions du public restant globalement plus élevées que celles du privé – 1 757 euros en moyenne par mois dans le public contre 1 166 dans le privé.
Or cet écart risque de se creuser dans les années à venir au fur et à mesure que les salariés du privé, qui auront connu plusieurs crises économiques, aggravées par l'action du Gouvernement actuel, et des ruptures importantes dans leur parcours professionnel, arriveront à l'âge de la retraite.
Avis défavorable.
Cet amendement repose sur un raisonnement malhonnête : comparer les moyennes du secteur public à celles du secteur privé, alors que les structures des carrières ne sont pas les mêmes. Dans la fonction publique, notamment avec les cohortes d'enseignants – ils sont aujourd'hui quelque 850 000 à 900 000 –, les catégories A sont beaucoup plus nombreuses que ne sont nombreux les cadres dans le privé. C'est notamment cette différence qui explique celle du montant moyen des pensions. De plus, les chiffres que vous avez donnés ne comprennent pas les retraites complémentaires.
Je vous renvoie aux études comparatives du Conseil d'orientation des retraites : elles montrent que le taux de remplacement des catégories C et B du public est de 75,2 % contre 74,5 % pour les catégories équivalentes du privé. S'agissant des cadres, le taux de remplacement tombe à 55 %, en raison du système de plafonnement de la sécurité sociale. Il n'existe donc pas d'écart significatif entre le secteur public et le secteur privé, en dépit d'un mode de calcul différent – il faut l'expliquer clairement aux Français.
Il y a de petites et de bonnes retraites dans les deux secteurs.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 86 de M. Arnaud Robinet.
L'amendement AS 86 est de repli.
Afin de ne pas brutaliser votre électorat, monsieur Issindou, cet amendement prévoit une harmonisation progressive des périodes de référence par le biais d'une augmentation de celle des fonctionnaires de deux ans pendant 12,5 ans à compter du 1er janvier 2014.
Les fonctionnaires ne constituent pas l'électorat de la majorité : l'électorat ne s'appartient qu'à lui-même. Cette réforme, fondée sur des critères de justice, ne vise pas à satisfaire un électorat particulier.
Arrêtons de considérer qu'il y a d'un côté des fonctionnaires nantis et de l'autre des salariés du privé qui seraient seuls à peiner. Je respecte également les salariés des deux secteurs.
Cet amendement de repli va dans le sens de l'harmonisation.
Cette disposition aurait l'intérêt non seulement de rendre plus lisibles les périodes de référence des deux secteurs mais également de favoriser la mobilité entre le privé et le public, une mobilité que les pertes de référence rendent aujourd'hui difficile.
Je suis très surprise d'entendre comparer le montant, pour le privé, des seules retraites de base de la sécurité sociale avec le montant des retraites des fonctionnaires qui comprend à la fois la retraite de base et la retraite complémentaire. Il est malhonnête de comparer des choux et des carottes !
Monsieur Vigier, il y a beaucoup de petits salaires dans la fonction publique, s'agissant notamment des femmes, qui ont de petites retraites. La Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP) pensait trouver des sources d'économies considérables dans l'harmonisation des régimes public et privé : or ses études ont montré le contraire.
Si vous n'avez pas réussi à réformer le pays durant la précédente décennie, c'est parce que vous n'avez cessé de désigner des boucs émissaires : 200 amendements sur les 400 que vous avez déposés concernent les fonctionnaires.
Le rapport Moreau sur l'avenir des retraites précise, page 31 – ce sont les chiffres du COR –, que le taux de remplacement pour les salariés du privé est de 74,5 % et pour les salariés civils du secteur public de 75,2 %. Les retraites sont donc les mêmes dans le privé et dans le public. Les durées de cotisation sont les mêmes. Les taux de cotisation convergent.
Nous n'examinons pas une réforme de gauche ou de droite mais une réforme qui concerne les quarante à soixante années à venir. Cessons d'opposer les salariés du public à ceux du privé, les retraités aux actifs ou les entreprises aux salariés. La grande force de cette réforme est de mettre chacun également à contribution pour redresser le pays, les fonctionnaires comme les autres, ni plus ni moins, parce qu'ils ont les mêmes retraites que les salariés du privé.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 82 de M. Arnaud Robinet.
Monsieur Germain, étant moi-même fonctionnaire, je ne stigmatise pas mon propre corps.
Les chiffres sont têtus. Vous parlez de taux de remplacement : nous parlons, nous, du montant des pensions.
Madame Coutelle, tous les salariés du privé n'ont pas de complémentaire. De plus, les fonctionnaires bénéficient de la Prefon, du Corem ou de l'Ircantec.
Alors que le Gouvernement prévoit déjà de mettre à mal l'équité entre le public et le privé en remettant en cause la journée de carence instituée dans la fonction publique, le projet de loi crée une nouvelle rupture entre les salariés du privé et les agents publics puisque les hausses de cotisation de 0,3 point sur l'ensemble des salariés ne s'appliqueront pas aux agents publics au même rythme qu'aux salariés du privé, alors qu'un effort d'alignement est actuellement consenti par les fonctionnaires.
Il est certain que les choix du Gouvernement ne sont pas bons puisqu'ils tendent à grever le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Néanmoins, il est important de garder le cap des efforts déjà consentis.
Tel est l'objet de l'amendement AS 82.
L'étalement des hausses de cotisation pour les agents publics sera le suivant : 0,06 point en 2014 au lieu de 0,15 pour le privé, puis 0,08 les trois années suivantes. En effet les fonctionnaires sont déjà actuellement sur un rythme d'augmentation de 0,27, en application de la réforme de 2010. Compte tenu, en outre, du gel de leur point d'indice depuis plusieurs années déjà, il n'a pas semblé possible de leur imposer en 2014 le même effort qu'aux salariés du privé – 0,15 puis trois fois 0,5. Toutefois, au bout du compte, les salariés du privé et les agents publics auront consenti à la même date le même effort de 0,3 point.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis la Commission examine l'amendement AS 81 de M. Arnaud Robinet.
La crise a un impact très négatif sur l'équilibre financier de notre système de retraite. Ainsi, en dépit de la réforme de 2010 – pour mémoire le COR prévoyait avant la réforme de 2010 un besoin de financement de 50 milliards d'euros à l'horizon de 2020 –, de nouveaux efforts doivent être fournis. En effet, les années de croissance quasi-nulle que nous traversons creusent le déficit du système qui devrait atteindre près de 20 milliards d'euros en 2020, tous régimes confondus.
En attendant une reprise durable, que nous espérons tous, et une hausse structurelle de l'emploi, nous devons, pour sauver notre système de retraite par répartition consentir un effort supplémentaire qui soit lisible, efficace et juste. Le paramètre le meilleur est l'augmentation de l'âge de départ à la retraite.
Le projet de loi commet une triple injustice : il augmente le coût du travail, il appauvrit les retraités et les actifs et il table à terme sur la multiplication des départs avec décote et donc sur une baisse des pensions.
C'est pourquoi l'amendement AS 81 propose de porter l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans d'ici à 2026 et de retourner ainsi à la situation qui prévalait avant les réformes de 1983 menées par le président Mitterrand.
Je tiens à rappeler que, depuis 1981, les femmes ont gagné cinq ans d'espérance de vie et les hommes huit ans.
Notre défi n'est pas de baisser sans cesse l'âge de la retraite mais de garantir un niveau de vie convenable et décent aux retraités et de soulager les jeunes générations de la dette qui s'accumule sur les comptes sociaux.
Avis défavorable.
Deux conceptions différentes s'opposent. Nous ne choisissons pas la vôtre.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS 202 de M. Philippe Vigier.
Monsieur le rapporteur, le rapport Moreau propose que les pensions des fonctionnaires soient calculées sur le traitement des dix dernières années et non des six derniers mois : le rapprochement des modes de calcul n'est donc pas un fantasme de l'opposition.
L'amendement AS 202 vise à corriger les inégalités entre le public et le privé, touchant notamment les règles de calcul des pensions de réversion. Dans la fonction publique et la plupart des régimes spéciaux, le niveau de réversion atteint 50 % sans condition d'âge ni de ressource, alors que, dans le privé, le niveau de réversion est plus élevé – il atteint 54 %, voire 60 % –, mais il est assorti de conditions d'âge et de ressource.
L'amendement AS 202, en prévoyant un rapport sur le sujet, ne vise pas à stigmatiser mais à rapprocher le public et le privé.
Si le rapport Moreau propose effectivement une modification du mode de calcul, il précise toutefois que la prise en compte des primes des fonctionnaires pourrait aboutir à l'effet inverse à celui recherché. Il convient donc de rester prudent.
Je vous rejoins sur l'amendement, notre système de réversion ayant été bâti à l'époque où les couples étaient plus stables et où l'homme mourait avant la femme.
Je déposerai un amendement, qui va dans le même sens, après l'article 13.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement AS 83 de M. Arnaud Robinet.
Le rapport Moreau indique que le taux de remplacement médian est de 68 % dans le privé et de 75 % dans le public s'agissant des hommes ; pour les femmes, ils sont respectivement de 66 et 77 %.
Cet amendement tend à engager une réflexion sur les modalités d'application aux fonctionnaires recrutés à compter de 2015 des règles de constitution et de liquidation en vigueur dans le régime général. Il est indispensable de poursuivre le rapprochement des régimes afin de consolider le pacte social qui unit tous les Français : la multiplicité des régimes et la diversité des modes de calcul des droits contribuent au sentiment que tous ne sont pas égaux devant les modalités de constitution et de liquidation des retraites.
Défavorable : il n'est pas question de soumettre les fonctionnaires aux règles de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Je me demande bien ce qui vous déplaît tant dans le statut de la fonction publique pour que vous vous acharniez ainsi à le démolir : le service public serait-il si honteux qu'il ne doive pas ouvrir droit à une pension équivalente à celles du privé, comme c'est le cas aujourd'hui ?
Nous ne sommes pas les seuls à demander que les différents régimes de retraite convergent : c'est le souhait de tous les Français.
On comprend pourquoi quand on voit comment on manipule les chiffres pour leur faire croire à de prétendues inégalités.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 84 de M. Arnaud Robinet.
Il s'agit d'un amendement de repli. Actuellement, l'État subventionne annuellement les pensions de ses agents. La création d'une caisse de retraite spécifique pour la fonction publique d'État permettra une meilleure lisibilité et une meilleure anticipation des besoins de financement.
Le projet de loi se concentre sur les sept milliards d'euros qui manqueront dans les caisses de la CNAV à l'horizon 2020, mais il passe sous silence la dizaine de milliards d'euros manquant au versement des pensions des agents de l'État. Il n'est pas normal que les pensions des fonctionnaires d'État soient entourées d'une telle opacité budgétaire et ne puissent faire l'objet d'une véritable gouvernance. Pour mémoire, les autres fonctions publiques fonctionnent déjà avec un tel dispositif.
Comment pouvez-vous parler d'opacité alors que le rapport indique que ce régime est déficitaire de huit milliards d'euros ? Ce déficit est dû en grande partie à des causes démographiques et il est encore aggravé à chaque fois qu'on supprime des postes de fonctionnaire. En tout état de cause le Gouvernement veille à ce que les dépenses soient gelées en volume et ce régime de retraite est progressivement aligné sur le régime général en ce qui concerne la durée et les taux de cotisation. D'autres régimes sont déficitaires, tel celui des agriculteurs, sans que cela vous pose autant problème.
La Commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS 87.
L'alignement des taux de cotisation des régimes spéciaux sur ceux qui s'appliquent aux salariés du privé ne sera atteint qu'en 2026. Alors que les régimes spéciaux font l'objet d'une subvention d'équilibre toujours plus conséquente, il est normal que les assurés de ces régimes fassent un effort supplémentaire pour s'aligner sur les taux de cotisation du privé, au moins au même rythme que les fonctionnaires. Pour mémoire, pour chaque retraité de la SNCF et de la RATP, l'État donne au titre de la subvention d'équilibre 11 821 d'euros par an, contre 690 euros hors impôts et taxes affectés pour chaque retraité du régime général.
Je suis défavorable à cet amendement : l'alignement des taux de cotisation est en cours et sera effectif en 2017. En outre, l'augmentation du taux de cotisation prévue par ce projet de loi s'applique à ces régimes.
La Commission rejette cet amendement.
La séance est levée à zéro heure dix.