La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle les questions à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
Nous commençons par les questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
La parole est à Mme Bérengère Poletti.
Je souhaite interroger Mme la ministre de la santé sur la situation des sages-femmes. Après un an et demi de mobilisation, leur combat pour la reconnaissance de leurs compétences médicales, pour leur statut, pour leur rémunération, pour l’« universitarisation » de la formation continue.
Leurs revendications sont légitimes. Une série de décrets, publiés le 26 décembre 2014, a officialisé la création d’un corps des sages-femmes des hôpitaux. Toutefois, ces textes ne règlent pas tout et plusieurs questions se posent encore.
Nous pouvons en effet nous féliciter du fait que les sages-femmes relèvent désormais de la direction chargée du personnel médical pour la gestion de leur affectation et de leur carrière, et non plus du paramédical. Mais que devient leur indépendance professionnelle dans le cadre d’une organisation pyramidale hospitalière avec un lien de subordination résultant du statut de fonctionnaire ?
Il faut remarquer une autre évolution notable : désormais les sages-femmes travaillant à l’organisation des soins obstétricaux qui sont responsables d’unités physiologiques ou dirigent des structures de formation en maïeutique auront le statut de coordonnateur en maïeutique. Toutefois, le nombre d’unités physiologiques créées sous la responsabilité des sages-femmes n’est pas précisé par le statut.
Ce statut ne règle pas, par ailleurs, la question de « l’universitarisation » des sages-femmes, sujet sur lequel j’avais déposé une proposition de loi au début de la législature. De plus, la revalorisation salariale obtenue est jugée encore trop modeste par le milieu.
Enfin, en ce qui concerne les maisons de naissance, nous en sommes toujours au même point depuis la loi du 6 décembre 2013. Un décret était nécessaire pour la mise en oeuvre de cette loi, or celui-ci n’est toujours pas paru : il est prévu pour la fin du premier semestre 2015. Les organisations s’inquiètent car, en principe, les dossiers devaient être déposés dans un délai de deux ans suivant la promulgation de la loi.
Par ailleurs, je rappelle les difficultés que connaît la France en matière de démographie médicale. Dans certains départements, comme celui des Ardennes, il faut un an pour obtenir un rendez-vous chez un gynécologue !
Même la Sécurité sociale et la Cour des comptes, dont les préoccupations budgétaires sont bien connues, recommandent un recours plus fréquent aux sages-femmes.
Pour toutes ces questions, madame la ministre, je souhaiterais obtenir des réponses et connaître les intentions du Gouvernement pour répondre aux attentes légitimes des sages-femmes. Je rappelle qu’elles ont à nouveau manifesté le 16 octobre dernier car elles n’avaient toujours pas le sentiment d’être entendues.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Madame la députée Bérengère Poletti, vous l’avez vous-même indiqué, les décrets organisant le corps médical de sages-femmes des hôpitaux, qui vient d’être créé au sein de la fonction publique hospitalière, sont parus. Ainsi que je l’avais indiqué, le choix a été fait de maintenir les sages-femmes au sein de cette fonction publique hospitalière afin de garantir la cohésion et la cohérence de l’ensemble de la communauté hospitalière.
Ce nouveau statut comporte des avancées fondamentales, vous en avez cité certaines. Ainsi, la responsabilité d’unités physiologiques est désormais clairement identifiée dans les attributions des sages-femmes des hôpitaux.
La carrière des sages-femmes des hôpitaux comportera désormais deux grades pour tenir compte des réalités de la profession : un grade correspondant au démarrage de la carrière, qui renvoie aux fonctions de sage-femme clinicienne, et un grade associé à l’orientation de la carrière, qui renvoie à l’expertise clinique, à la coordination ou à la formation en maïeutique.
Les sages-femmes des hôpitaux qui souhaitent faire évoluer leur carrière n’auront plus à quitter les activités cliniques qui constituent le coeur de leur métier. Elles pourront dans le même temps connaître une progression.
La revalorisation associée à cette évolution tient compte des responsabilités médicales des sages-femmes et leur ouvre des perspectives de carrière significativement améliorées ; chacun en conviendra.
Par ailleurs, un statut d’emploi de coordonnateur en maïeutique vient reconnaître les responsabilités particulières exercées par les sages-femmes collaboratrices du chef de pôle dans les plus grosses maternités, les responsables d’unités physiologiques et les directrices d’écoles de sages-femmes hospitalières.
Enfin, madame la députée, vous m’interrogez sur les maisons de naissance. Je veux vous dire que l’année 2014 a été consacrée à un travail fait par la Haute autorité de santé : un décret sera pris au premier trimestre de l’année 2015 et le choix des maisons de naissance sera effectué au cours du trimestre suivant.
Madame la ministre, je vous présente tout d’abord tous mes bons voeux pour l’année 2015.
Ayant été un acteur des débats ayant eu lieu en province, en particulier dans votre région, sur la stratégie nationale de santé, j’ai pu constater que celle-ci laissait entrevoir des propositions tout à fait intéressantes pour l’évolution de notre système de santé. Mais le projet de loi santé qui en découle aujourd’hui aurait pu être plus ambitieux, plus cohérent et même plus consensuel, s’agissant particulièrement de l’intérêt marqué pour la prévention, pour l’innovation, pour l’efficacité – l’efficience – de notre système ou même pour les mesures de simplification.
Mais votre projet de loi a sans doute fait illusion car, plus le temps passe, plus une certaine crispation se fait jour, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur ambulatoire. Des points difficiles sont à l’origine d’un malaise qui se généralise – dans les hôpitaux, dans les cliniques privées, parmi les urgentistes, dans la médecine générale ou chez les internes – et qui semble vous obliger à revoir votre copie.
En réponse à la tension qui s’est exprimée, vous rencontrez actuellement tous les organismes et tous les partenaires professionnels, ce qui est bon signe ; même le Président de la République a envoyé un message d’apaisement.
Sans aucune polémique de ma part, la question est donc simple, madame la ministre : quelle réécriture du texte envisagez-vous, si celui-ci doit être réécrit ou modifié ? Quels éléments seraient modifiés, sur lesquels nous devrions travailler dans les semaines ou les mois qui viennent ? Quel serait alors le calendrier du débat parlementaire au sein de notre hémicycle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député Jean-Pierre Door, je vous remercie tout d’abord de vos voeux et vous adresse, à mon tour, les miens. Je suis certaine que, forts de ces bonnes intentions, nous parviendrons à travailler de façon positive.
Vous l’avez vous-même indiqué, monsieur le député, la loi de santé vise à lutter contre les inégalités en matière de santé, à renforcer la prévention ainsi que la qualité de l’accès aux soins et à garantir à chacun de nos concitoyens une meilleure prise en charge grâce à une meilleure coopération entre les professionnels de santé.
La loi de santé, ce sont des mesures très concrètes et identifiées : la mise en place du médecin traitant pour les enfants, qui n’existe pas aujourd’hui ; la mise en place d’un numéro de téléphone unique pour pouvoir accéder au médecin de garde en dehors des heures d’ouverture du cabinet ; des mesures de prévention, par exemple pour lutter contre le tabagisme ou l’alcoolisation des jeunes ; des mesures pour lutter contre les addictions.
Au cours des débats qui ont eu lieu, des inquiétudes se sont exprimées, parfois des contestations – en particulier sur le tiers payant. Ainsi que je l’ai indiqué à mes interlocuteurs, des ajustements sont possibles et certains points peuvent être réécrits ; et puisque vous m’interrogez sur le calendrier, sachez que le projet de loi sera examiné dans l’hémicycle au début du mois d’avril prochain, ce qui nous laisse le temps de travailler et de nous concerter.
Sur quels points ? D’abord, monsieur le député, sur la question du service territorial de santé puisque les professionnels avaient le sentiment que les agences régionales de santé allaient opérer une mainmise, alors qu’il s’agit au contraire d’organiser et de favoriser des initiatives qui partent des professionnels libéraux.
Il y a ensuite le sujet du tiers payant, qui est en réalité celui qui concentre beaucoup d’oppositions. Le tiers payant, je veux le rappeler, est une avancée sociale, y compris pour les classes moyennes ; mais c’est aussi une manière de mieux reconnaître le travail des professionnels libéraux, certains patients se rendant à l’hôpital plutôt que chez un médecin libéral parce que l’hôpital pratique le tiers payant. C’est pour cette raison que le principe même de la généralisation du tiers payant constitue un socle de cette loi.
Mais nous devons travailler, comme l’a souhaité le Président de la République, à ce que le dispositif mis en place soit le plus simple possible, et je souhaite, monsieur le député, que les discussions soient constructives ; en tout cas, c’est l’intention qui est la mienne.
Madame la ministre, chaque année, le Parlement vote des crédits aux établissements de santé. Pour 2014, ces crédits s’élevaient à environ 75 milliards d’euros. Or, en juillet dernier, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, 160 millions d’euros ont été retirés de la ligne des dotations de l’assurance maladie au Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés. Je m’en étais étonnée et inquiétée, tant on sait les difficultés financières de nombreux hôpitaux dans notre pays.
Quand on additionne en effet les déficits des seuls hôpitaux publics, la Cour des comptes nous révèle que la facture s’élèverait à 30 milliards d’euros. Parmi ces hôpitaux, de nombreux présentent une taille structurellement déficitaire au regard du cadre réglementaire dans lequel ils évoluent. C’est le cas dans mon département, en Ille-et-Vilaine.
Malgré des efforts reconnus de gestion optimisée des moyens et des hommes, malgré les démarches de coopération engagées avec les centres hospitaliers régionaux, les déficits persistants fragilisent ces hôpitaux, au risque de créer des tensions chez les personnels et les professions médicales qui souhaitent maintenir un service de qualité.
En décembre dernier, vous avez annoncé le dégel de 141 millions d’euros de crédits qui avaient été réservés en début de campagne au titre du gel prudentiel. L’an dernier, ces crédits avaient été répartis proportionnellement au budget des établissements. Or cette année, il semblerait que les agences régionales de santé, les ARS, disposent de marges de manoeuvre.
J’ai donc deux questions, madame la ministre : pouvez-vous nous informer des critères de répartition des crédits dégelés, et avez-vous l’intention de faire évoluer les règles actuelles qui à l’évidence pénalisent les hôpitaux de taille moyenne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la députée Le Callennec, vous avez en réalité abordé plusieurs questions.
Vous avez souligné le besoin d’investissement qui existe dans les établissements de santé : c’est une réalité, qui constitue d’ailleurs une priorité pour ce gouvernement. Mais nous devons faire attention à ce que les investissements réalisés soient soutenables pour les établissements si nous ne voulons pas les plonger dans des situations financières difficiles.
Vous avez évoqué le dégel de ce que l’on appelle la réserve prudentielle. Au début de chaque année, des crédits sont réservés pour faire face à d’éventuels dérapages qui pourraient survenir au cours de l’année. Avant l’année 2012, la réserve touchait les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation – les MIGAC –, qui précisément rémunèrent le coeur, la spécificité de l’activité de l’hôpital public. J’ai indiqué que je ne souhaitais pas que ce soit le cas : c’est donc sur les tarifs attribués aux hôpitaux qu’est réalisée désormais cette réserve prudentielle. Mais dès lors que les crédits et les dépenses sont respectés, les crédits initialement réservés font l’objet d’un dégel.
J’ai ainsi dégelé des crédits en 2013, puis de nouveau en 2014, crédits qui sont affectés aux établissements de santé de manière strictement proportionnelle à leurs budgets et à leurs projets : il n’y a pas de marge d’appréciation particulière de la part des agences régionales de santé. Ainsi, 110 millions ont été attribués à des établissements du secteur public, 31 millions à des établissements du secteur privé.
Je vous indique par ailleurs que je viens de mettre en oeuvre une mesure votée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 qui permet de financer, et donc de maintenir partout dans nos territoires, une offre de proximité en permettant d’attribuer des ressources complémentaires à des établissements se trouvant dans une situation géographique d’isolement particulier. C’est ainsi que près de 20 millions d’euros ont été accordés à 54 établissements en France, dont, dans votre territoire, l’hôpital de Redon, qui a reçu 391 500 euros pour son activité isolée d’obstétrique.
Sourires.
Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est très attentif aux besoins d’investissements dans les établissements de santé.
Nous en venons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Thierry Benoit.
Madame la ministre, je vais vous poser une question simple, qui ne devrait a priori pas exiger que vous recouriez à vos notes. Je souhaite connaître l’intention du Gouvernement concernant l’offre de soins et la présence de médecins dans les territoires qui en sont dépourvus.
En cette époque de mesures incitatives visant à encourager les médecins à s’installer dans les territoires dépourvus et peu denses, ruraux ou urbains, je souhaite savoir si le Gouvernement compte poser des exigences, voire faire preuve d’autorité, dans deux cadres.
Tout d’abord, la formation des internes. Je souhaite savoir si le Gouvernement compte inciter les étudiants en médecine, qui sont des jeunes plutôt sympas, à faire connaissance, dans le cadre de leur formation, avec les zones peu denses et dépourvues de médecins en y effectuant des stages obligatoires.
Ensuite, dans le cadre du conventionnement des médecins, l’État doit veiller à l’installation de manière équitable et juste sur le territoire national. Ne devrait-il pas dès lors conditionner ce conventionnement à un passage obligatoire d’exercice de la médecine dans des territoires dépourvus de médecins ? Ne pourrait-on pas expliquer à un jeune médecin qu’il s’agit d’un donnant-donnant – les études de nos internes sont financées par la puissance publique, et c’est d’ailleurs naturel : nous tenons à soutenir nos médecins –, et faire preuve d’autorité en exigeant qu’il exerce pendant deux ou trois ans la médecine dans des territoires qui ont besoin de médecins ?
Les médecins sont tentés d’aller exercer dans les grandes villes – Nice, Cannes, Paris… – ; mais en Lozère, dans l’Aveyron, dans le centre de la Bretagne – ou même dans la région des Marches de Bretagne, que ce soit à Fougères ou à Vitré, chère collègue Isabelle Le Callennec –, des territoires sont dépourvus de médecins, nous en connaissons tous. Je suis certain que si de jeunes médecins étaient placés au contact de tels territoires, ils en concevraient un amour de ces territoires et de leurs populations. Ainsi, en posant certaines exigences et en faisant preuve d’un peu d’autorité, après les mesures incitatives en vigueur actuellement, nous pourrions peut-être encourager l’exercice de la médecine dans les territoires dépourvus.
Monsieur le député Benoit, j’entends votre préoccupation, que beaucoup d’élus partagent : celle de la présence médicale dans des territoires où l’offre de soins a, ou avait, tendance à diminuer.
Mais j’entends parfois certains dire que ma loi tendrait à contraindre les médecins, alors que précisément l’idée de contrainte n’y figure pas. J’appelle donc à un peu de cohérence dans les prises de position…
Je vais vous répondre. Ma loi, je l’ai dit, ne porte pas sur liberté d’installation, un principe qui ne sera pas remis en question.
Les médecins, que je rencontre beaucoup en ce moment, me demandent si je garantis à l’ensemble des professionnels la liberté d’installation sur l’ensemble du territoire. À vous de leur dire que c’est ce que vous voulez remettre en question, mais ne me faites pas porter, à moi, la responsabilité de porter atteinte à ce principe auquel ils sont attentifs.
En revanche, le Gouvernement a pris des mesures fortes, qui commencent à porter leurs fruits, de manière extrêmement intéressante. Oui, monsieur le député, vous avez raison : pour que les internes, les futurs médecins, aient l’amour de nos territoires, comme vous dites, il faut qu’ils y effectuent des stages et y exercent.
C’est la raison pour laquelle j’ai pris l’engagement que tous les étudiants en médecine puissent faire des stages dans les cabinets libéraux : l’objectif est de 100 %, nous sommes aujourd’hui aux deux tiers. La possibilité de faire des stages dans les maisons de santé pluriprofessionnelles sera un atout.
Deuxième point : le nombre de ces maisons a quadruplé en deux ans. Cela répond aux attentes des jeunes médecins qui sont prêts à franchir le pas.
Troisième mesure : la création du statut de praticien territorial de médecine générale permet à des médecins généralistes, demain à des médecins spécialistes, d’aller s’installer dans des territoires désertifiés. Il y en a plus de trois cent cinquante aujourd’hui : ce sont trois cent cinquante nouveaux médecins dans des territoires où il n’y en avait plus ou bien où il allait ne plus y en avoir du fait des départs en retraite.
Enfin, il y a les contrats d’engagement de service public, dont le nombre a été augmenté de 70 % en un an. Huit cent quatre-vingts ont maintenant été de signés. Cela signifie dire que, dans un, deux ou trois ans, ces jeunes médecins iront s’installer dans ces territoires.
C’est en ce sens qu’il faut poursuivre. Cette incitation vise à améliorer les conditions d’exercice des médecins et je pense qu’ensemble, nous pouvons travailler à faire en sorte que dans tous nos territoires, il y ait des médecins et bien sûr d’autres professionnels de santé : des dentistes, des kinés, des pharmaciens. C’est cela, l’avenir de nos territoires.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste.
La parole est à Mme Michèle Bonneton.
Ma question va peut-être se recouper avec la question précédente, mais vu l’importance du sujet, je tiens à la poser.
La présence médicale assurée par les médecins, les infirmiers et plus largement par l’ensemble des professionnels de santé en milieu rural, mais aussi dans certains quartiers de banlieue, est souvent très insuffisante – et ce malgré la prise de conscience du Gouvernement et les efforts consentis, pour les maisons de santé par exemple.
Les difficultés sont aussi très préoccupantes s’agissant du traitement des urgences. En effet, l’objectif fixé qu’aucune personne ne se trouve à plus de trente minutes d’un service hospitalier d’urgence n’est pas tenu. Plusieurs facteurs expliquent ces insuffisances. Souvent, les services de pompiers, dont il faut saluer l’engagement, n’ont ni médecin, ni infirmier, ce qui limite leurs possibilités d’action. Or, les services d’urgence médicale de type SAMU peuvent souvent mettre plus d’une demi-heure à arriver sur le lieu de leur intervention, ou ne pas être disponibles.
Madame la ministre, je souhaite savoir quels moyens supplémentaires, mais aussi quels dispositifs vous pensez mettre en oeuvre rapidement pour améliorer cette situation.
La première mesure à prendre ne serait-elle pas de former plus de médecins et plus d’urgentistes, en relevant de nouveau le numerus clausus ? Ne serait-il pas possible, par exemple, de prendre des mesures pour que les services de sapeurs-pompiers disposent de davantage de médecins et d’infirmiers dans leurs effectifs ?
Ne pourrait-on pas aussi prévoir une présence médicale, vingt-quatre heures sur vingt-quatre ou sept jours sur sept, dans les maisons de santé, avec une présence allégée bien entendu ?
Enfin, ne pourrait-on pas envisager des lieux d’accueil de première urgence, largement répartis sur le territoire ?
La question que vous posez sur le numerus clausus est tout à fait légitime. Je veux néanmoins vous indiquer que celui-ci a considérablement augmenté au cours des années écoulées, puisqu’il est passé de 3 700 en 1999 à 8 000 en 2014, ce qui veut dire qu’il a plus que doublé en quinze ans. Il continue d’augmenter légèrement, avec une priorité : permettre à des personnes qui, sans avoir fait la première année de médecine, ont déjà une licence en santé, d’intégrer la profession médicale par des passerelles.
La France n’a jamais eu autant de médecins qu’aujourd’hui : le problème est donc moins leur nombre que leur répartition sur le territoire. Nous devons faire en sorte d’attirer les professionnels dans des territoires où ils ne vont pas spontanément.
S’agissant des urgences, nous avons fait le choix de déployer toute une série de mesures permettant de réduire le nombre de nos compatriotes se trouvant à plus de trente minutes d’un service d’urgences. C’est un engagement fort. Nous y parvenons en déployant des médecins correspondants du SAMU : quatre cents à la fin de l’année 2014 et deux cents de plus en 2015. Dans la région Rhône-Alpes, que vous connaissez bien, 141 contrats ont été signés, dont 23 dans votre département de l’Isère.
Nous travaillons à rechercher des synergies entre les différents professionnels et je voudrais saisir l’opportunité que m’offre votre question, madame la députée, pour saluer la très remarquable coopération entre les médecins sapeurs-pompiers et les médecins des SAMU dans les services d’urgence, à l’occasion des événements tragiques que notre pays vient de connaître.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Madame la ministre, comment se fait-il que nous nous occupions si mal de nos aînés en France ? Les chiffres sont accablants : les plus de 65 ans représentaient 20 % de la population en 2012, mais 28 % des suicides.
Je veux profiter de ce débat pour vous dire à quel point les auditions que j’ai menées, dans le cadre de ma proposition de loi visant à assurer aux patients le choix de leur fin de vie, m’ont marquée.
Quelle que soit leur opinion sur le droit à choisir sa fin de vie, tous les acteurs auditionnés se retrouvent sur un constat : les conditions de la fin de vie en France sont loin d’être dignes.
Et je ne parle pas seulement du manque de places en soins palliatifs pour les malades en fin de vie : le constat vaut aussi pour les personnes qui meurent de ce qu’on a coutume d’appeler leur « belle mort ».
Le professeur Régis Aubry me confiait le témoignage d’une dame âgée, hébergée en EHPAD, qui expliquait : « Je suis là où je n’ai jamais voulu être, et je paie pour ça. » Terrible paradoxe auquel la loi d’adaptation de la société au vieillissement a voulu remédier. Je salue l’existence de ce texte, mais il risque d’être insuffisant. Peut-être faut-il sensibiliser les Français dès le plus jeune âge – pourquoi pas à l’école, pourquoi pas au travers d’une forme de service civique ? – à l’isolement, et parfois même l’abandon, des personnes âgées ?
Nous ne pouvons tout attendre de l’État, encore moins demander qu’il s’occupe de nos aînés à notre place.
Toujours selon le professeur Aubry, 70 % des Français souhaitent mourir chez eux, alors que 70 % meurent à l’hôpital. Jean-Claude Ameisen me disait que 85 % des EHPAD n’ont pas d’infirmier formé à l’accompagnement à la fin de vie ou à la prise en charge de la douleur. Les inégalités perdurent donc, même en fin de vie.
Les hôtes des EHPAD sont ainsi, trop souvent, dirigés vers les urgences, pour y mourir au moindre accident. Comme si le médical devait intervenir toujours, comme si nous n’acceptions pas la mort comme l’étape ultime de la vie. Pour ces raisons, on n’accompagne pas ces personnes : on les confie aux personnels médicaux, on soulage sa conscience en imaginant que ce n’est plus son rôle d’être auprès d’elles.
Madame la ministre, devant le terrible tableau que je viens de dresser, comment envisagez-vous de restaurer la solidarité intergénérationnelle entre les Français et de développer une approche différente de la fin de vie par les personnels soignants et accompagnants ?
Vous posez une question très difficile, très douloureuse, qui montre bien que la prise en compte des personnes âgées dans notre société ne doit pas se limiter pas à un nombre de places dans les établissements.
L’année dernière, le professeur Aubry, que vous avez cité, avait rédigé au sein de l’Observatoire national de la fin de vie un rapport concernant plus précisément les personnes âgées en fin de vie, et formulé des préconisations.
C’est vrai, il nous faut réfléchir à ce que vous indiquiez : la volonté très majoritaire des personnes de finir leur vie chez elles, alors que très majoritairement elles finissent leur vie à l’hôpital, dans une structure médicalisée. Or, ce n’est pas de médicalisation dont on a besoin.
Le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, qui a été présenté par Laurence Rossignol et qui sera adopté cette année, apporte un certain nombre de réponses. Il n’est pas exactement centré sur cette préoccupation de la fin de vie, mais il permet d’améliorer la situation des aidants et, ce faisant, d’améliorer la prise en charge à domicile.
Au-delà des différences de position que nous pouvons avoir sur la fin de vie, il est nécessaire de favoriser le développement des soins palliatifs et d’y former l’ensemble des professionnels de santé. Le développement de ces soins me semble devoir être recherché tout particulièrement dans deux directions : les soins palliatifs à domicile, les soins palliatifs dans les maisons de retraite, car c’est là, souvent, qu’on est le moins bien accompagné.
Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Jacques Krabal.
Madame la ministre, je sais l’attention que vous portez au service public hospitalier, dont l’hôpital de Château-Thierry. Le onzième engagement du Pacte territoire-santé est relatif au positionnement des hôpitaux de proximité. Est-ce là le second acte de la transformation programmée des établissements de médecine, chirurgie et obstétrique, comme le nôtre ?
Comme vous le savez, notre établissement est situé à quarante-cinq minutes de l’hôpital infra-régional, celui de Soissons, à quarante-cinq minutes du CHU de Reims et à deux heures et demie de son centre régional, le CHU d’Amiens.
Les 90 000 habitants de notre territoire devront-ils renoncer à la chirurgie de la cataracte, aux prothèses de hanches, à l’urologie, à la chirurgie digestive ? Devrons-nous nous préparer au transfert des quelque 700 mères qui y accouchent chaque année et des 70 à 100 nouveau-nés qui ont besoin de soins de néonatologie ? Vous comprendrez que nous ne pouvons accepter de devenir un hôpital local.
Quelle place, madame la ministre, pour notre établissement, qualifié d’intermédiaire par l’Agence régionale de santé ? Quelles mesures pour répondre aux besoins de soins de nos habitants ? Qu’en est-il de l’adaptation des règles de la tarification à l’activité, que vous avez proposée ? L’hôpital de Chateau-Thierry n’a pas bénéficié de l’aide créée pour les établissements isolés, alors que l’hôpital retenu ne satisfaisait pas aux critères prévus.
Après leur visite, les représentants de la Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale avaient conclu que la modulation de la tarification à l’activité était faite pour des hôpitaux comme le nôtre.
Madame la ministre, nous espérons que notre hôpital pourra bénéficier du financement prévu par la circulaire de fin d’année, avec notamment la part nationale réservée aux hôpitaux isolés. Comment cette aide sera-t-elle accordée ? Je vous remercie d’avance de vos réponses.
Monsieur le député Krabal, les hôpitaux de proximité doivent être confortés. J’ai eu l’occasion de répéter ce soir encore que dans le cadre du Pacte territoire-santé, ces derniers ont un rôle fondamental à jouer pour attirer et garder des professionnels de santé libéraux dans nos territoires – en effet, ils ont le sentiment que les territoires dans lesquels ils sont appelés à s’installer ne répondent pas à leurs attentes si les hôpitaux manquent de dynamisme.
L’hôpital de Château-Thierry s’inscrit dans une perspective qui se situe très au-delà de celle des hôpitaux de proximité puisque son projet médical repose sur de nombreuses activités, y compris spécialisées, qu’il s’agisse de chirurgie ou d’obstétrique. On ne peut donc réduire le rôle de cet hôpital à celui d’un hôpital de proximité.
Je tiens à vous rassurer sur ce point : votre établissement a vocation à poursuivre l’exercice de l’ensemble de ses missions.
Vous avez ensuite évoqué la question de son financement en tant qu’établissement isolé. Or, il ne remplit pas les critères qui ont été définis en la matière.
Ces établissements ont en effet le plus souvent un niveau d’activité insuffisant pour équilibrer leur budget de fonctionnement en raison de leur isolement. Or, je le répète, l’hôpital de Château-Thierry ne répond pas à ces critères.
S’il n’est pas isolé, il se trouve en revanche dans une situation géographique spécifique en raison de son enclavement entre la Picardie, l’Île-de-France et la Champagne-Ardenne. Le premier objectif, pour ses responsables, est de réfléchir au développement de coopérations dans un tel cadre. Je peux vous assurer, monsieur le député, que je suis, quant à moi, très attentive à sa situation.
Madame la ministre, je souhaiterais évoquer un sujet récurrent et essentiel en matière d’accès aux soins pour nos concitoyens, sujet qui, en outre, les inquiète particulièrement : la santé visuelle.
Le délai d’attente pour un rendez-vous chez un ophtalmologue est aujourd’hui de l’ordre de 111 jours. Or, l’allongement des délais d’attente serait la première cause de renoncement aux soins. C’est dire l’impérieuse nécessité de prendre les mesures qui s’imposent.
Plusieurs pistes ont été évoquées et nous saluons votre volonté de mettre en oeuvre un vaste plan Santé visuelle, pour répondre aux enjeux de notre système de soins.
D’ici à 2020, en effet, on estime de sept à huit millions le nombre d’actes nécessaires qui ne pourraient être réalisés. Le syndicat national des ophtalmologistes estime que quatre millions d’actes pourraient être absorbés par ce que l’on nomme le « travail aidé ».
Bien évidemment, la participation d’optométristes, comme cela fut évoqué un temps, aurait été inadaptée dans le dépistage des affections oculaires car cela les aurait placés en position de prescripteur vendeur, ce qui n’était pas souhaitable.
L’indispensable réforme devrait passer notamment par la coopération renforcée avec les orthoptistes – formés dans les services d’ophtalmologie – et, donc, par la généralisation sur le plan national de la délégation de tâches entre ophtalmologistes et orthoptistes, comme cela est actuellement expérimenté dans les Pays de Loire.
Je sais que vous souhaitez aller en ce sens, madame la ministre, et je salue cette volonté, mais nous attendons l’arrêté qui permettra de généraliser cette expérimentation.
Nous pouvons aller plus loin et tenter d’anticiper les enjeux de demain avec tous les acteurs qui sont disposés à agir pour mieux répondre aux besoins des patients et réduire les délais d’attente.
Je pense, notamment, au développement d’une formation de secrétaire assistante à qui certaines tâches pourraient être déléguées, à l’attribution de moyens supplémentaires pour les écoles d’orthoptie et, également, à la mise en oeuvre du statut de société d’exercice libéral pour les orthoptistes qui souhaitent exercer en libéral.
Madame la ministre pouvez-vous nous faire connaître vos intentions sur ce sujet d’importance ?
Il est vrai, madame la députée Dominique Orliac, que le sujet de la santé visuelle est l’un de ceux qui reviennent le plus souvent dans les débats tant, dans certaines régions, les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste sont longs.
Je tiens d’abord à souligner le fait que, derrière les moyennes, les réalités sont très diverses d’un département ou d’une région à l’autre. Dans certains territoires, les délais d’attente sont tout à fait limités, dans d’autres, ils sont à l’évidence…
… insupportables.
Face à une telle situation, la première mesure que nous avons prise est d’augmenter le nombre de postes d’internes en ophtalmologie, passé de 106 en 2011 à 150 en 2015, ce qui représente une augmentation de plus de 40 %.
Il s’agit là, évidemment, d’une mesure de moyen ou long terme. À court terme, nous devons travailler sur l’organisation de la filière.
La voie d’une reconnaissance du métier d’optométriste n’a pas été retenue. Je ne pense pas, en effet, que la création d’une quatrième profession soit de nature à simplifier ni accélérer le parcours des patients.
Pour ma part, j’ai souhaité travailler à de nouvelles formes d’organisation dès 2012, notamment, à travers la mise en place d’une expérimentation dans la région des Pays de la Loire : désormais, le renouvellement de la prescription de verres correcteurs peut intervenir dans un délai de quinze jours après réalisation d’un bilan visuel par un orthoptiste et un diagnostic, posé de façon différée et à distance, par un ophtalmologiste.
Nous devons maintenant généraliser ce type d’expérimentations en le déployant dans tout le pays afin de réduire significativement les délais d’attente.
Au moment où un certain nombre de commentateurs me reprochent de vouloir administrer le système de santé, je veux mettre en lumière un tel modèle, madame la députée, qui est issu d’une initiative de professionnels mais qui doit aujourd’hui compter sur l’appui des services de l’État afin de bénéficier à l’ensemble de nos concitoyens.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Madame la ministre, le 13 juillet 2014, par décision du Conseil d’État consécutive à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, le plasma SD est devenu un médicament alors qu’il était jusqu’alors considéré comme un produit sanguin labile.
Cette décision implique qu’à compter du 31 janvier prochain, l’Établissement français du sang devra cesser la production de ce plasma au profit d’entreprises pharmaceutiques privées et, en particulier, d’Octapharma, qui a introduit et gagné le recours devant le Conseil d’État.
L’avenir du don éthique et de la sécurité sanitaire dans le cadre de cette ouverture au marché des produits sanguins, inédite dans notre pays, a été au coeur des débats parlementaires sur l’article 51 du PLFSS pour 2015.
Au cours de ces échanges, vous avez déclaré comprendre ces préoccupations et, selon vos propres mots, je cite, « approuver à 300 % » la démarche de la sénatrice Annie David alertant sur les risques éthiques, sécuritaires mais aussi ceux relatifs à l’autosuffisance.
L’article 48 du projet de loi présenté par M. Macron vise à supprimer la propriété d’État sur le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le LFB, pour l’ouvrir aux capitaux privés. Or, cette disposition conforte dangereusement le mouvement de commercialisation du sang déjà engagé.
Plus généralement, elle élargit la brèche désormais ouverte dans la commercialisation des produits du corps humain que vous sembliez pourtant réprouver.
M. Macron assure que tous les ministres concernés approuvent son texte. D’où ma question : dans quelle mesure et sur quels fondements soutenez-vous aujourd’hui l’article 48 du projet de loi pour la croissance et l’activité ?
Madame la députée Jacqueline Fraysse, je réaffirme ici de la manière la plus solennelle que je veux garantir, tout comme l’ensemble du Gouvernement, les principes éthiques sur lesquels repose l’organisation de la transfusion sanguine dans notre pays : le don bénévole, anonyme, non rémunéré, et l’autosuffisance en produits sanguins.
Ces principes et cette volonté-là ont été clairement affirmés dans l’article 71 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.
Nous avions obligation de mettre en conformité notre droit avec des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État : vous l’avez dit, ces décisions juridictionnelles ont requalifié en médicament le plasma solvant-détergent, dit plasma SD, qui était jusqu’alors considéré comme un produit sanguin labile.
Nous avions six mois, jusqu’au 31 janvier 2015, pour nous mettre en conformité et c’était tout l’enjeu de la loi de financement de la Sécurité sociale de permettre que, dans ce nouveau contexte, les principes du don éthique soient préservés.
Vous évoquez le projet de loi pour la croissance et l’activité, dit Macron. Je tiens à souligner qu’il ne modifie pas ce qui a été voté à l’automne dernier dans la loi de financement de la Sécurité sociale, laquelle prévoit uniquement l’ouverture du capital du LFB à la Banque publique d’investissement, la BPI, ce qui ne ramènera pas la part de l’État en-dessous du seuil de 51 %.
Il s’agit donc d’une question de participation au capital et en aucun cas d’une remise en cause des principes du don éthique auxquels nous sommes collectivement attachés.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Gérard Sebaoun.
Madame la ministre, ma question porte sur l’instauration du tiers payant généralisé en médecine de ville à l’horizon 2017 que vous avez prévue dans le cadre de votre future loi de santé.
Si j’en crois les sondages, 95 % des médecins libéraux y seraient hostiles. Cependant, lorsque l’on examine leurs revendications dans le détail, elles sont assez disparates : les uns appellent au retrait du texte, d’autres sont rétifs à tout changement, d’autres enfin réclament des augmentations tarifaires.
Cette crispation sur le principe même du tiers payant généralisé est surprenante au regard de l’expérience acquise par la plupart des acteurs de santé : pharmaciens, laboratoires, radiologues, infirmiers, kinésithérapeutes, les médecins eux-mêmes, dans la cadre de la CMU ou pour les accidentés de travail, d’autres encore.
Faut-il rappeler, toujours selon un sondage, que deux tiers des Français sont favorables, eux, à la généralisation du tiers payant, ce qui devrait nous convaincre d’éviter tout débat idéologique et les faux procès sur l’étatisation rampante de la médecine, la fin de la médecine libérale, la déresponsabilisation des patients ou, encore, le fantasme de la surconsommation automatique de soins ?
La généralisation nous permettrait de rejoindre les 25 pays membres de l’Union européenne qui pratiquent déjà le tiers payant, de réduire les inégalités sociales de santé, notamment, pour les très nombreux Français qui renoncent aux soins en arbitrant entre leur santé et d’autres dépenses incompressibles.
Reste, me semble-t-il une revendication parfaitement fondée : la mise en place d’un outil simple et rapide qui garantirait aux praticiens le paiement de leurs honoraires dans des délais très brefs.
À ce stade, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quel pourrait être l’organisme payeur ? Sera-t-il unique pour les médecins ? La CNAM elle-même aurait accueilli avec intérêt semble-t-il l’annonce récente du président de la Mutualité française visant à mettre en place une plate-forme regroupant mutuelles, assureurs et instituts de prévoyance.
Monsieur le député Gérard Sebaoun, je ne reviens pas sur la façon dont vous avez présenté la généralisation du tiers payant, laquelle me semble répondre aux attentes de nos concitoyens et à la réalité du projet que je porte avec le Gouvernement. Il s’agissait d’ailleurs d’un engagement du Président de la République.
La mise en place du tiers payant généralisé répond à plusieurs ambitions et objectifs.
D’abord, évidemment, il s’agit de garantir l’accès aux soins de tous alors que, nous le savons fort bien, un tiers des Français sans doute, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins, assurent renoncer à des soins pour des raisons financières.
Il s’agit, ensuite, de lutter contre les dérapages des dépenses de santé puisque certains de nos concitoyens se rendent aux urgences, à l’hôpital, où ils sont pas à avancer les frais. Or, nous savons qu’un passage aux urgences est beaucoup plus coûteux qu’une consultation dans un cabinet de ville.
Le troisième objectif, qui est extrêmement important, est précisément de valoriser la place du médecin traitant et de proximité. Si les médecins libéraux veulent que les Français se rendent plus spontanément et plus directement chez eux, la mise en place du tiers payant les y aidera.
Pour autant, il importe évidemment que le système soit simple – personne n’a intérêt à ce qu’il soit complexe. J’ai déjà indiqué que je travaille avec les acteurs concernés, et je vais très prochainement réunir les organismes payeurs pour déterminer avec eux le mécanisme le plus simple possible, afin d’assurer fiabilité, simplicité et garanties aux professionnels de santé, lorsque leurs patients bénéficieront du tiers payant dans leur cabinet de ville.
Madame la ministre, la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a été promulguée le 20 janvier 2014. Elle contient plusieurs mesures de progrès sociaux et de nouveaux droits, votés pour les Français.
Ainsi, pour la première fois, une réforme des retraites prend en compte les conditions de travail effectives, avec la création du compte de prévention de la pénibilité. Pour les salariés ayant travaillé à temps partiel ou exerçant un emploi précaire, la réforme permet la validation d’un trimestre de cotisation dès cent cinquante heures de travail rémunérées au SMIC, au lieu de deux cents heures auparavant. Pour les femmes, la loi prévoit la prise en compte de tous les trimestres de maternité, sans exception. Elle améliore également la retraite des agricultrices et des femmes d’agriculteurs.
Je souhaiterais évoquer ce soir la question spécifique des jeunes, qui me préoccupe plus particulièrement. C’est une question importante, étant donné que l’entrée dans la vie active est aujourd’hui plus difficile qu’autrefois, et se fait plus tardivement. Je me réjouis donc que le décret relatif à la prise en compte des trimestres d’apprentissage ait été publié au Journal officiel. Désormais, la totalité de la période passée en apprentissage permettra de valider des trimestres.
Pour ma part, madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur la mise en oeuvre du droit à validation de deux trimestres pour les stagiaires recevant une gratification. La mise en oeuvre de ce droit exige la publication d’un décret. Pouvez-vous nous indiquer si cette publication sera effectuée rapidement, et nous informer des modalités d’application de ce droit nouveau pour les jeunes stagiaires ?
Madame la députée, je vous remercie d’avoir rappelé que la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a introduit des avancées sociales tout à fait importantes. Cette loi a rempli la double exigence de responsabilité financière, avec des mesures courageuses d’allongement de la durée de cotisation, et de progrès social, avec les mesures que vous avez évoquées, et sur lesquelles je ne reviens pas.
Vous avez insisté plus particulièrement sur la réalité vécue par les jeunes, qui sont confrontés à une insertion professionnelle parfois difficile, à des études plus longues, parfois chaotiques, et à de nombreux « jobs » d’étudiants. C’est pour cela que plusieurs mesures fortes ont été adoptées. Depuis le 1erjanvier 2014, tout d’abord, un jeune peut valider un trimestre pour sa retraite en travaillant à tiers-temps au SMIC. Cette disposition vise les jobs d’étudiants, exercés à temps partiel ou en intérim, qui sont ainsi mieux reconnus. Depuis le 1erjanvier 2014 également, un apprenti valide quatre trimestres par an, alors qu’il n’en validait qu’un seul auparavant. Troisièmement, les étudiants qui souhaitent racheter une année d’études pour leur retraite bénéficient désormais d’une aide de 1 000 euros par trimestre.
Vous m’avez interrogée, enfin, sur le projet de décret qui permettra aux stagiaires de valider des trimestres en contrepartie d’une cotisation modique. Ce décret est actuellement en consultation à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et il sera publié à la fin du mois. Sa publication a effectivement pris un peu de retard, parce qu’il s’agissait de mieux le coordonner avec les décrets d’application de votre propre proposition de loi sur les stages.
Grâce à cette réforme, les jeunes pourront donc commencer à cotiser pour leur retraite avant même leur entrée dans la vie active. J’indique par ailleurs que les stagiaires bénéficieront d’une aide au rachat, à condition que le stage soit gratifié.
Madame la ministre, à ce jour, nombre de nos concitoyens se heurtent encore à des obstacles dans l’accès aux soins. En 2010, 16,2 % de la population âgée de 18 à 64 ans déclaraient avoir renoncé à des soins pour des raisons financières. Parmi les personnes non couvertes par une couverture complémentaire, ce taux passe à 33 %, ce qui se comprend aisément. Même parmi les bénéficiaires de la CMU, ce taux atteint 20 %. Ces chiffres s’expliquent aussi en partie – il ne faut jamais l’oublier – par le refus de soins de la part de certains professionnels de santé, problème auquel vous allez, me semble-t-il, vous atteler.
On estime à 40 % le nombre de grands précaires qui renoncent à des soins. Ces personnes sont confrontées à l’exclusion sociale et à un ensemble de démarches administratives complexes pour eux, qui retarde d’autant leur inclusion dans un parcours de soins coordonnés. Ils font également face à la stigmatisation, comme en témoigne un courriel émanant d’un SOS médecins régional, que je ne nommerai pas tant il me fait honte. Évoquant le parcours de soins d’une patiente, il indique qu’il s’agit d’une « jeune femme cortiquée, avec une CMU » et précise, entre parenthèses : « L’un n’empêche pas l’autre. »
Voilà ce qu’un médecin pense d’une bénéficiaire de la CMU ! Que pense-t-il donc des autres bénéficiaires de la CMU ?
Le manque de visibilité, de transversalité et de coordination des administrations rend l’accès aux droits difficile, voire impossible. Or chacun sait que sans ouverture de droits, rien ne peut être fait, sauf à bénéficier de l’appui de structures associatives ou d’organisations non gouvernementales, qui effectuent un travail d’ampleur sur le terrain. Ces dernières prônent notamment la mise en place d’un système de médiation sanitaire et d’interprétariat.
Nous avons voté l’aide à l’acquisition d’une complémentaire, avec l’exonération des franchises et des forfaits, dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale, ce dont nous pouvons nous féliciter. Madame la ministre, comment comptez-vous communiquer pour que les précaires connaissent un peu mieux leurs droits et la manière d’y accéder ?
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, vous insistez sur la nécessité d’améliorer l’accès aux soins des plus précaires : c’est là une préoccupation du Gouvernement. Il s’agit d’un enjeu de santé publique, mais aussi de dignité, comme vous l’avez indiqué, et de citoyenneté. Tous les malades, tous les patients, dans notre pays, doivent pouvoir être pris en charge et soignés dans les mêmes conditions. C’est l’un des enjeux de la future loi de santé.
Plusieurs mesures ont été prises : l’accès à la CMU complémentaire, la CMU-C, ainsi que l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, ont été facilités. Le plafond de ressources pour percevoir ces prestations a été revalorisé de manière exceptionnelle de 8,3 % le 1erjuillet 2013. Je veux par ailleurs insister sur le fait que, depuis 2014, l’accès à la CMU-C et à l’ACS est simplifié pour les étudiants isolés en situation de précarité.
Le panier de soins a été amélioré pour l’optique, le dentaire et l’audioprothèse, et le montant de l’aide à la complémentaire santé a été revalorisé de 10 % pour les personnes de plus de 60 ans. À compter du 1erjuillet prochain, l’aide à la complémentaire santé donnera droit au tiers payant intégral et, désormais, les bénéficiaires de cette aide ne payent plus de franchises.
Vous avez raison, madame la présidente de la commission des affaires sociales : nous devons faire en sorte que ces droits et ces aides soient connus. C’est la raison pour laquelle la suppression de la franchise pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé, qui est déjà effective, et l’application du tiers payant pour ces bénéficiaires à compter du 1erjuillet, doivent être l’occasion de lancer une grande campagne de communication. Ce sera le cas prochainement : il faut faire connaître ces droits, et que tous ceux de nos concitoyens qui peuvent y prétendre sachent qu’ils peuvent être aidés dans leur parcours de soins et dans leur accès au système de santé.
Nous en revenons au groupe GDR.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour poser une seconde question.
Madame la ministre, ma question concerne le droit des étrangers malades présents sur le sol français. Si nous nous réjouissons que vous résistiez aux assauts répétés de la droite contre l’aide médicale d’État, nous sommes en revanche inquiets de l’évolution des procédures administratives concernant le droit au séjour des étrangers pour raison médicale.
En effet, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales daté de 2013 souligne des disparités importantes, voire des irrégularités, dans le traitement des dossiers « Étrangers malades », qui sont « génératrices d’inégalités de traitement injustifiables selon le lieu de dépôt de la demande. » Celles-ci sont notamment dues au « manque d’instructions précises aux préfets ».
Cette question relevant conjointement du ministère de l’intérieur et du vôtre, pouvez-vous nous dire quelles dispositions ont été prises pour que la loi soit appliquée de façon identique sur tout le territoire ?
Par ailleurs, il nous paraît essentiel de revenir sur la loi Besson de juin 2011, qui a modifié les conditions permettant d’obtenir un titre de séjour pour raison médicale. Alors qu’auparavant il fallait qu’il ne soit pas possible, pour le malade, de bénéficier effectivement, dans son pays d’origine, d’un traitement adapté, il faut désormais que le traitement y soit totalement indisponible. Cela signifie que si ce traitement existe quelque part dans le pays d’origine, même si son prix est inaccessible, même si c’est à des centaines de kilomètres du domicile du malade, le titre de séjour ne sera pas accordé.
Vu que notre seule boussole est de répondre aux exigences médicales dans l’intérêt de ces personnes, nous vous demandons de revoir, et peut-être d’abroger, ces dispositions de la loi de 2011 et de revenir aux dispositions précédentes, qui étaient beaucoup plus humaines. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ? Y êtes-vous disposée ? Partagez-vous ces constats et ces préoccupations ?
Madame la députée, le droit des étrangers malades est un symbole fort pour notre pays et pour notre République, pour notre capacité à soigner chaque malade sur notre territoire.
Les critères d’accès à un titre de séjour pour soins, selon la procédure dite « Étrangers malades », ont effectivement été durcis par le gouvernement précédent. C’est pour cela que, dès 2012, j’ai demandé, avec le ministre de l’intérieur de l’époque, l’ouverture d’une mission d’inspection sur cette procédure. Plusieurs recommandations ont été formulées et nous avons, pour les mettre en oeuvre, adressé conjointement en mars dernier, avec le ministre de l’intérieur, une circulaire aux agences régionales de santé et aux préfectures, pour rappeler à chacune leur rôle, notamment l’exigence absolue de respect du secret médical en toutes circonstances.
Un projet de loi relatif au droit des étrangers en France sera examiné prochainement au Parlement. Il fait évoluer la procédure applicable, d’abord en assouplissant les critères d’accès à ce droit, ensuite en instaurant un titre pluriannuel pour soins, ce qui représentera une nouveauté tout à fait importante. Par ailleurs, dans la gestion et l’évaluation des cas, le ministère chargé de la santé aura une place centrale, puisque l’indépendance des professionnels rendant un avis médical vis-à-vis du service qui examine les demandes sera garantie. Le ministère de la santé fixera par ailleurs les orientations pour l’organisation des avis médicaux, et la transparence de la procédure sera garantie, y compris en octroyant une place aux associations de défense des étranges malades.
Vous le voyez, madame la députée, nous sommes mobilisés pour faire évoluer ce droit en garantissant les droits de chacun.
Nous en revenons aux questions du groupe de l’UMP.
La parole est à Mme Marianne Dubois.
Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur la situation des régimes de retraites complémentaires des cadres – AGIRC – et des non-cadres – ARRCO – qui suscite un réel émoi chez les salariés du privé.
Déjà préoccupés par la situation du marché du travail, que chacun connaît, ces derniers sont très légitimement inquiets quant au montant de leur future retraite. Des interrogations se font jour sur la pérennité de ces régimes et la Cour des comptes, dans un récent rapport, préconise d’augmenter à soixante-quatre ans l’âge de départ à la retraite dans le privé pour bénéficier pleinement de sa pension complémentaire.
L’objectif est clair : il faut redresser coûte que coûte et en urgence les comptes déficitaires de l’AGIRC et de l’ARCCO car si rien n’est fait, il est à craindre que les caisses de l’AGIRC ne soient à sec entre 2018 et 2019, et celles de l’ARCCO entre 2025 et 2037.
Outre l’arrivée des générations du papy-boom à l’âge de la retraite, l’allongement de l’espérance de vie, ou le ralentissement économique, d’autres causes sont évoquées, notamment des coûts de gestion trop élevés.
La Cour des comptes a également souligné des erreurs dans le calcul des pensions qui concernent près de 15 % des retraites ARCCO liquidées en 2013. Le montant moyen de ces erreurs est de soixante-huit euros par an, selon la Cour, surtout au détriment des retraités. En tout, 265 millions d’euros n’auraient pas été versés correctement en 2013.
Madame la ministre, j’appelle votre attention sur le caractère anxiogène de ces informations et je souhaiterais obtenir des précisions sur les mesures que vous comptez prendre.
Madame la députée Marianne Dubois, les régimes complémentaires ARCCO et AGIRC sont en déficit – depuis 2008 s’agissant de l’AGIRC, 2010 s’agissant de l’ARRCO. Ils consomment leurs réserves à un rythme qui n’est pas soutenable. Ces réserves pourraient être épuisées en 2017 pour l’AGIRC, et vers 2025 pour l’ARRCO.
Cela constitue une trajectoire inquiétante, qui est liée pour partie à la conjoncture économique et pour partie, de manière plus structurelle, à ce que l’on appelle le papy-boom, ou vieillissement de la population.
Une réforme est donc nécessaire, et les partenaires sociaux ont commencé à y travailler car, comme vous le savez, cela relève de leur responsabilité. Je voudrais précisément saluer l’esprit de responsabilité dont ils ont fait et continuent de faire preuve dans la gestion de ces régimes.
Un large éventail de mesures possibles est sur la table de négociation, portant notamment sur la réversion, les mobilités d’incitation à la prolongation de l’activité, les économies de gestion ou l’assiette des cotisations.
Ces réflexions ne contredisent pas la réforme des retraites du Gouvernement, elles la complètent. La réforme de 2014 a rétabli les équilibres des régimes de base, qui relèvent de la loi. Cette loi a également anticipé un nécessaire ajustement des régimes complémentaires. Je veux indiquer, madame la députée, que tous régimes confondus, de base et complémentaire, notre régime de retraite sera à l’équilibre à moyen terme et le restera, comme l’indique le Conseil d’orientation des retraites, jusqu’en 2060. Un effort de court terme reste à faire pour les régimes complémentaires, comme cela a été fait pour les régimes de base. Les partenaires sociaux en sont bien conscients et les discussions sont engagées.
Madame le ministre, je souhaiterais ce soir vous interroger sur deux points.
Ma première question concerne les transports sanitaires héliportés. Je vous ai d’ailleurs écrit à ce propos le 17 octobre 2014, courrier qui a fait l’objet d’un accusé réception le 4 novembre. Je reviens sur la problématique. Il semblerait, en effet, que de nombreux dysfonctionnements aient été observés depuis près d’un an sur les marchés publics des transports sanitaires héliportés, les égarements observés ayant comme conséquence de faire supporter à la collectivité des surcoûts importants et injustifiés.
Ainsi, les procédures de mise en concurrence étant entachées de nombreuses irrégularités, tous les marchés nouvellement attribués font l’objet de recours devant les tribunaux administratifs. Ces recours font peser sur l’administration hospitalière de nombreuses demandes en indemnisation de la part de candidats lésés.
Je souhaiterais par conséquent connaître la position de votre ministère sur ce dossier qui mérite d’être rapidement éclairci et serait source d’économies, car l’attente des condamnations grève le budget de la santé.
Ma seconde question concerne l’accueil des personnes âgées dépendantes en Haute-Savoie. Le 25 février 2014, par le biais d’une question orale sans débat, j’avais relayé les inquiétudes du président du conseil général et de l’ensemble des parlementaires de la Haute-Savoie sur la pénurie de places d’EHPAD et de personnel soignant adapté, en particulier dans le nord du département. Nous avions même été tous reçus par votre collègue secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie, Laurence Rossignol, le 14 octobre dernier. Je rappelle que le taux d’équipement en Haute-Savoie est inférieur à la moyenne régionale, et que nous avions justement proposé un redéploiement au niveau de la région.
Depuis cette rencontre, je ne crois pas que le dossier ait évolué. Que prévoyez-vous de faire pour améliorer l’offre de service en faveur des personnes âgées dépendantes de Haute-Savoie ?
Madame la députée Virginie Duby-Muller, vous posez deux questions totalement indépendantes.
S’agissant de ce que l’on appelle les héli-SMUR, la situation est, comme vous l’avez dit, complexe puisque si le médecin et l’infirmier qui montent à bord sont des professionnels hospitaliers de la médecine d’urgence, les appareils utilisés et leurs pilotes sont mis à disposition des établissements publics de santé par voie de marchés publics passés avec des sociétés privées.
Cinq sociétés privées se partagent aujourd’hui le marché, et ces marchés sont soumis aux règles de droit commun qui régissent les marchés publics – ce qui est normal – et exigent à ce titre que soient respectées les règles de procédure garantissant le meilleur rapport entre la qualité du service rendu et le coût pour les établissements de santé et l’assurance maladie qui les finance.
Ces derniers mois, plusieurs marchés publics nouvellement attribués ont effectivement fait l’objet de recours contentieux devant les tribunaux administratifs de la part des sociétés non retenues à l’issue des consultations. Dès lors qu’une procédure juridictionnelle est engagée, il appartiendra au juge d’apprécier et de trancher ce contentieux. Je veillerai bien évidemment à l’application des décisions prises par le juge administratif.
Pour ce qui est de la création de places d’EHPAD dans votre département de Haute-Savoie, je veux vous rappeler, madame la députée, que nous soutenons le développement de services et de structures en Haute-Savoie depuis plusieurs années. Chaque zone de ce département est dorénavant couverte par un service infirmier de soins à domicile. Près de 30 millions ont été attribués pour renforcer la médicalisation des établissements existants, et 1 500 places supplémentaires ont été créées.
L’agence régionale de santé classe votre département comme prioritaire dans sa politique de réduction des inégalités territoriales, et c’est ce que vous a indiqué Laurence Rossignol lorsqu’elle vous a reçu avec une délégation d’élus. C’est dans ce sens que nous demandons à l’agence régionale de santé de travailler, d’identifier les projets qui permettent de répondre aux besoins, et je veux indiquer que ces projets peuvent s’appuyer sur les opportunités offertes par la loi d’adaptation de la société au vieillissement qui permettra de desserrer la pression sur les établissements et les EHPAD.
Madame la ministre, ma question porte sur le soutien de l’État aux collectivités locales pour la construction de maisons de santé pluridisciplinaires. Vous avez évoqué ce sujet avec notre collègue Thierry Benoit, rappelant que nous n’avons jamais eu autant de médecins en France. C’est vrai, nous sommes dans la moyenne européenne, mais vous savez aussi qu’il existe des disparités territoriales, vous l’avez d’ailleurs dit.
De plus, les modes d’exercice de la médecine ont profondément évolué. Beaucoup d’étudiants en médecine, au terme de leurs études, ne souhaitent pas s’installer dans le secteur libéral, ou s’ils le font, ils souhaitent le faire dans le cadre de maisons de santé pluridisciplinaires, avec un secrétariat commun et une logistique commune.
En juin 2013, la ministre de l’égalité des territoires et du logement avait décidé de renforcer le plan Maisons de santé en le dotant de 5 millions d’euros supplémentaires qui devaient assurer le lancement de cinquante nouveaux projets. Au 31 janvier 2013, deux cent quatre-vingt-quatre maisons de santé étaient ouvertes et deux cent quatre-vingt-huit projets devaient aboutir entre 2013 et 2014.
Tout cela va dans le bon sens, mais je souhaite tout de même appeler votre attention, surtout dans la période actuelle, sur les difficultés financières que rencontrent les collectivités locales pour créer ces maisons pluridisciplinaires de santé, et aussi sur la lourdeur de la procédure, puisque les agences régionales de santé exigent un projet de santé rédigé par les professionnels eux-mêmes. Cela semble normal, mais c’est parfois une procédure longue et lourde devant laquelle les collectivités locales se trouvent un peu démunies.
Dans le département de la Manche, et je pense notamment à la baie du Mont-Saint-Michel, il y a trois projets de maisons de santé, pris en charge par la communauté de communes d’Avranches Mont-Saint-Michel qui exerce cette compétence : l’une à Ducey, l’autre à Sartilly et la troisième à Pontorson. Mais nous rencontrons des difficultés – pas beaucoup, mais quelques-unes – en termes financiers et de procédure. Je voudrais donc que vous rappeliez la position de l’État et les conditions de son intervention en ce domaine, difficile mais bien nécessaire.
Monsieur le député Guénhaël Huet, vous avez raison, les exigences ou les attentes des jeunes médecins – et parfois même des moins jeunes – en matière d’exercice professionnel ont évolué. De ce point de vue-là, les maisons pluriprofessionnelles de santé répondent à leurs attentes et permettent d’implanter des structures de soins dans des territoires qui, sinon, seraient probablement désertés : 80 % des maisons de santé sont implantées et s’implantent dans les zones rurales.
Le nombre de maisons pluriprofessionnelles de santé a été multiplié par quatre en deux ans et demi – on en comptait six cents en 2014, il y en aura deux cents de plus en 2015 –, ce qui permettra de toujours mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.
Vous nous dites qu’il y a une contrainte parce que le projet doit être porté par les professionnels eux-mêmes. Là encore, je voudrais souligner une contradiction que j’entends parfois dans les propos qui sont tenus en ce moment. Certains dénoncent une vision étatisée de la médecine, dans laquelle les agences régionales de santé auraient trop de pouvoir, tandis que vous regrettez à l’instant que ce soient les professionnels de santé eux-mêmes qui portent ces projets – qui sont des projets de santé.
Pour réussir, une maison de santé doit s’appuyer sur la volonté des professionnels de santé.
Il appartient aux agences régionales de santé de les épauler, de les appuyer, de les accompagner, mais elles ne peuvent pas se substituer à eux.
Dans votre région de Basse-Normandie, l’ARS et les professionnels de santé se sont dotés d’une charte partenariale régionale qui associe l’ARS, les collectivités territoriales et les professionnels en vue de lutter contre les déserts médicaux. L’ARS participe au financement de la mise en place des projets, alors que l’accompagnement des investissements est assuré par des crédits européens, d’État ou régionaux.
La région Basse-Normandie travaille aujourd’hui sur trente structures de type maison de santé pluriprofessionnelles. Treize sont ouvertes, dont trois dans la Manche, qui compte par ailleurs actuellement onze structures en construction. Vous le voyez, il y a de ce point de vue un engagement extrêmement fort de l’ensemble des partenaires, et je crois que nous pourrons ainsi répondre aux attentes tant des professionnels que de nos concitoyens.
Nous en revenons au groupe de l’UDI.
La parole est à M. Philippe Vigier pour poser la seconde question du groupe.
Madame la ministre, je souhaitais vous interroger dans le droit fil de vos propos concernant l’accès aux soins, et notamment sur l’évolution du tiers payant généralisé.
Vous nous dites souvent – et vous l’aviez d’ailleurs déclaré avec force le 15 octobre – qu’avec le tiers payant généralisé qui sera obligatoire en 2017, l’accès aux soins est parfaitement sécurisé, et que nous allons enfin apporter une vraie réponse.
Vous le savez, madame la ministre, cela vous a été dit à de nombreuses reprises, beaucoup de syndicats de médecins y sont opposés. Non pas par principe, j’insiste sur ce point, mais parce qu’à l’inverse des pharmacies, des laboratoires ou d’autres structures médicales beaucoup plus étoffées, ce n’est pas simple pour eux à mettre en place au quotidien.
Or la désertification médicale avance, même si des maisons de santé sont créées – et je reconnais avec vous qu’elles doivent être portées par des professionnels – et les généralistes ne veulent pas se noyer dans des tâches administratives, encore difficiles à assumer pour eux pour le moment.
Je souhaiterais que vous nous indiquiez où en est votre réflexion, puisque nous examinerons bientôt la loi santé, et si des assouplissements sont prévus. Avez-vous entendu le message émanant de nombreux syndicats de médecins généralistes sur la mise en place du tiers payant généralisé ?
En matière d’accès aux soins, vous avez partiellement supprimé les franchises médicales, mais il fallait aller vers la suppression totale de ces franchises. De même, comment se fait-il que le taux de remboursement de certains médicaments ait été abaissé, ce qui quelque part, entrave bien l’accès aux soins ?
En matière de désertification médicale – vous savez le sujet cher à mon coeur – force est de constater que malheureusement, les déserts s’amplifient. Dans le sud de l’Eure-et-Loir, département que je connais bien, c’est la quatrième maison médicale que nous créons. Pour autant, nous ne faisons que gérer la pénurie, dans des conditions extrêmement difficiles : nous avons attiré deux nouveaux praticiens, qui d’ailleurs n’ont pas été formés en France, mais viennent de Roumanie. D’ailleurs, il y a eu tellement de départs de médecins roumains vers la France que ce sont les médecins ukrainiens qui maintenant viennent en Roumanie !
Je souhaiterais que vous nous éclairiez sur les modalités de ce tiers payant généralisé afin que nous puissions voir si l’assouplissement est au rendez-vous, car cela est directement lié aux problèmes de l’accès aux soins. Par ailleurs, quelles nouvelles actions permettront d’enrayer durablement la désertification médicale ?
Pour remédier aux déserts médicaux, nous devons mettre en place les mesures qui ont déjà été prises et sans doute les accentuer et les prolonger mais je suis convaincue aussi que nous devons permettre la constitution de pôles pluriprofessionnels de santé dans des territoires dans lesquels, sinon, il n’y aurait plus de professionnels car les jeunes, vous le savez très bien, ne souhaitent plus travailler dans des cabinets isolés, mais pouvoir échanger, dialoguer. Indépendamment de la future loi de santé, le Pacte territoire-anté , qui s’amplifie et s’enrichit mois après mois, doit permettre de donner des impulsions toujours plus fortes à la mise en place de telles structures.
Quant au tiers payant généralisé, environ le tiers des actes réalisés dans notre pays le sont par tiers payant, chez certains médecins, dans des cliniques, dans les pharmacies, dans les laboratoires de biologie médicale, et cela marche, dans l’intérêt de tous et à la satisfaction de tous. C’est un engagement du Président de la République, c’est une volonté forte du Gouvernement, qui est inscrite dans la loi.
Vous expliquez, et j’espère que c’est le cas, que les médecins n’y sont pas opposés par principe mais souhaitent un système simple et bien organisé. J’ai annoncé que des discussions s’engageaient avec les organismes payeurs et les professionnels pour qu’il y ait des garanties sur la rapidité de paiement et la simplicité du dispositif. Je souhaite par ailleurs que les équipes pluriprofessionnelles bénéficient de rémunérations d’équipe. Il faudra voir comment cela sera possible en dépit de l’échec de la négociation conventionnelle. Ce sera un élément favorable au déploiement du tiers payant.
Nous en revenons aux questions du groupe SRC.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret.
Madame la ministre, le statut des sages-femmes a connu des avancées notables depuis votre arrivée au ministère.
D’une part, la création récente du corps médical de sage-femme des hôpitaux au sein de la fonction publique hospitalière permet désormais aux sages-femmes de voir leur place clairement établie dans l’organisation et le fonctionnement de l’hôpital public. Leurs compétences médicales en matière de prévention, de soins et de recherche sont désormais reconnues, et leur rémunération sera revalorisée grâce à l’établissement de nouvelles grilles salariales.
D’autre part, le 6 décembre 2013, le Parlement adoptait une loi autorisant la création à titre expérimental de maisons de naissance pendant deux ans à compter de son entrée en vigueur, soit jusqu’au 31 décembre 2015. Parmi les conditions fixées par la loi à cette expérimentation figuraient l’élaboration d’un cahier des charges national par la Haute autorité de santé et la prise d’un décret en Conseil d’État concernant la définition des conditions concrètes de l’expérimentation.
Si les recommandations de la HAS ont bien été publiées le 24 septembre dernier, il semblerait que le décret ne le soit qu’à la fin du premier semestre 2015, ce qui laisserait un très court délai aux structures pour déposer leur projet et suscite certaines inquiétudes parmi les porteurs de projets. Pouvez-vous nous donner des d’informations susceptibles de les rassurer ?
Vous avez rappelé, madame la députée Gisèle Biémouret, que les sages-femmes à l’hôpital disposaient désormais d’un nouveau statut leur permettant d’être mieux reconnues, leur rôle dans la prévention, les soins et la recherche étant à la fois identifié, valorisé et mieux rémunéré. Ce statut prévoit deux catégories et permet l’avancement des professionnels tout au long de leur carrière.
Cette reconnaissance des sages-femmes va de pair avec leur reconnaissance dans des établissements comme les maisons de naissance, structures différentes des structures médicalisées que nous connaissons dans les établissements puisqu’un certain nombre de femmes souhaitent accoucher dans un contexte moins médicalisé que celui des maternités.
Nous avons des exemples étrangers de maisons de naissance, en Allemagne, en Belgique, en Suisse, au Québec, et c’est dans cet esprit qu’a été adoptée la loi du 6 décembre 2013, issue d’une proposition de loi sénatoriale, qui autorise l’expérimentation des maisons de naissance. Vous avez beaucoup oeuvré en ce sens et je comprends donc que vous vous préoccupiez de l’avenir de ces travaux.
En 2014, la Haute autorité de santé a défini dans un cahier des charges le cadre expérimental à respecter, qui a été adopté. Ce cadre doit évidemment permettre de garantir la qualité et la sécurité des soins pour la mère et l’enfant.
Un décret en Conseil d’État est en cours d’examen et sera publié au cours du printemps pour préciser les conditions matérielles de ces expérimentations, par exemple les modalités financières de fonctionnement des maisons de naissance. Il y aura ensuite une phase de sélection des sites, qui permettra le lancement opérationnel de l’expérimentation pour une durée de cinq ans.
Madame la députée, je suis très attentive au déroulement de cette procédure. Les structures qui souhaitent déposer des projets disposeront du temps nécessaire.
Madame la ministre, ma question porte sur la coopération transfrontalière en matière de soins de santé.
Le 10 décembre dernier, à l’Assemblée nationale, le groupe d’études sur les zones et travailleurs frontaliers a organisé un colloque sur les soins de santé transfrontaliers. Tous, élus, patients, professionnels, ont exprimé la volonté d’aller plus loin et plus vite en matière de coopération sanitaire.
La frontière franco-belgo-luxembourgeoise est la frontière la plus intégrée en matière de coopération sanitaire, notamment hospitalière. Son dispositif emblématique et pionnier, ce sont les zones organisées d’accès aux soins transfrontaliers, les ZOAST, qui, depuis 2005, permettent aux patients des deux côtés de la frontière de recevoir des soins dans les établissements hospitaliers frontaliers, sans autorisation préalable ni avance des frais.
La très grande partie de la frontière franco-belge est concernée, que ce soit dans le Nord entre Mouscron-Ypres, Courtrai et Roubaix, Tourcoing, Wattrelos, Lille, entre Tournai et Valenciennes, entre Mons et Maubeuge, en Thiérache entre Chimay, Fourmies et Hirson, dans les Ardennes entre Dinant et Charleville-Mézières ou entre Arlon et Longwy avec une extension au Luxembourg.
Ma question porte sur l’extension de ce dispositif à la zone Dunkerque-Furnes afin d’achever le maillage de l’espace transfrontalier en matière de coopération sanitaire pour permettre à tous les résidents de la frontière franco-belge de bénéficier des mêmes avantages en matière de prise en charge des soins.
De plus, je souhaiterais connaître l’état d’avancement de la convention soins intensifs réanimation de la zone transfrontalière littorale Dunkerque-Furnes. Sa mise en oeuvre permettrait d’accueillir sur l’hôpital de Dunkerque des patients belges pour des prestations particulières, notamment en matière d’imagerie, mais aussi d’assurer une prise en charge de proximité des patients dont le pronostic vital est engagé lorsque le service de réanimation de l’hôpital est saturé.
La mise en oeuvre de tels accords s’inscrit dans l’ambitieux chantier de la simplification annoncé par le Président de la République. Ils répondent à de vrais besoins exprimés par les millions de citoyens qui vivent dans ces zones frontalières et permettront de créer une Europe de la santé au service quotidien des citoyens.
C’est effectivement avec la Belgique, monsieur le député, qu’a été entreprise la coopération sanitaire transfrontalière la plus ancienne. En raison de la proximité géographique, linguistique et culturelle entre nos deux pays, les relations franco-belges dans le domaine de la santé sont historiquement denses.
Il existe actuellement un accord-cadre de coopération sanitaire transfrontalière et un accord-cadre franco-wallon sur l’accueil des personnes handicapées. Un accord de coopération et d’entraide administrative en matière de Sécurité sociale destiné à lutter contre la fraude est en cours de ratification par la Belgique.
Plusieurs conventions de coopération sont en cours et nous avons plusieurs projets.
D’abord, une réflexion est engagée sur la possibilité de rationaliser l’organisation des cinq zones organisées d’accès aux soins transfrontaliers qui existent actuellement ur la frontière belge, vous les avez citées.
Ensuite, nous avons un projet de convention sanitaire transfrontalière entre les communes de Dunkerque et de Furnes. Ce projet de convention, dit réanimation et soins intensifs, vise à faire venir à l’hôpital de Dunkerque des patients belges pour des prestations particulières, comme un examen par TEP scan. Nous travaillons actuellement à la finalisation de cet accord et espérons pouvoir revenir rapidement vers vous sur ce point avec des nouvelles positives.
S’agissant des autres accords, celui avec l’Allemagne, qui est entré en vigueur depuis 2007, offre également un cadre de coopération dynamique et permet d’organiser une plus grande complémentarité de l’offre de soins en fonction des déficits et des besoins recensés dans des domaines comme la prise en charge des grands brûlés ou l’urgence médicale, avec la région de Sarre.
Enfin, je souhaiterais évoquer l’exemple de la coopération avec l’Espagne. Le premier hôpital européen transfrontalier a ouvert ses portes en septembre dernier à Puigcerdà pour le bénéfice de la population française et espagnole. C’est le premier hôpital de ce type en Europe.
Nous en revenons au groupe de l’UMP, pour lequel M. Guillaume Chevrollier posera la dernière question.
Madame la ministre, je viens vous alerter sur le manque de médecins spécialistes libéraux dans nos territoires ruraux. Dans mon département de la Mayenne, par exemple, il manque des médecins dans toutes les spécialités, particulièrement des ophtalmologues, des gynécologues et des radiologues. Nous avons pour la médecine de second recours libérale trente-quatre médecins pour 100 000 habitants, contre soixante-trois à l’échelle des Pays de la Loire et quatre-vingt-sept en France métropolitaine.
Nos départements ruraux n’attirent pas assez les spécialistes, et les raisons sont les mêmes pour tous les départements, à savoir le souhait des médecins de s’implanter dans des grandes villes et de bénéficier de la proximité des grands hôpitaux.
Ces problèmes de démographie médicale ne sont pas sans conséquences. Il faut attendre plusieurs mois avant d’obtenir un rendez-vous et la prise en charge est donc trop tardive. Cela crée une réelle inégalité de l’offre de soins au détriment des habitants des territoires ruraux.
Cette inégalité est probante aussi quand on compare les délais d’attente pour une IRM, le temps d’attente moyen en Mayenne étant de plus de trente-sept jours, bien supérieur au temps d’attente régional ou national.
À l’heure où on évoque tant le décloisonnement entre médecine publique et médecine privée, ne serait-il pas possible de développer les stages des internes en spécialités non seulement dans les hôpitaux de proximité mais aussi dans les cliniques et pôles santé qui se développent et de favoriser des stages mixtes dans le secteur libéral et le secteur public ?
Cette solution aurait l’avantage, non seulement de répondre au besoin urgent de décloisonnement, mais aussi de permettre aux internes de prendre la mesure de la qualité de vie qu’offrent nos petites villes et d’être ainsi plus à même de s’y installer ultérieurement.
La Mayenne, qui est le plus petit département de la région, est éloignée de la métropole régionale, donc du centre de décision en matière d’organisation sanitaire. Cet éloignement entraîne indéniablement un manque de considération et un réel sentiment d’abandon, voire d’injustice.
Il est nécessaire, madame la ministre, de garantir les droits des départements ruraux en matière d’offre de soins et des droits adaptés aux réalités spécifiques du terrain rural.
Monsieur le député, vous évoquez la question des déserts médicaux sous l’angle plus particulier de la présence des médecins ou des professionnels spécialistes.
L’une des manières de développer l’offre de soins spécialisés, c’est effectivement de favoriser les stages, et c’est ce que souhaite le Gouvernement. Les étudiants en médecine, y compris dans des spécialités autres que la médecine générale, qui, je le rappelle, est une spécialité à part entière, peuvent déjà effectuer des stages dans des établissements privés ou des structures libérales.
L’une des façons de favoriser la présence d’une offre de soins spécialisés, c’est de développer ce que l’on appelle les consultations avancées de médecins spécialistes dans les structures ambulatoires, par exemple les maisons de santé.
Cela se fait de plus en plus. Des médecins spécialistes, libéraux ou hospitaliers, viennent de façon ponctuelle mais régulière dans ces maisons de santé pour exercer leur spécialité. Par exemple, en Mayenne, ce type de consultation existe en santé mentale et en cardiologie, avec une coopération entre la maison de santé pluri-professionnelle de Craon-Renazé et le centre hospitalier de Château-Gontier. De la même manière, c’est dans la région des Pays de la Loire que l’accès aux soins visuels fait l’objet de la première expérimentation avec le renforcement de la coopération entre les ophtalmologues et les orthoptistes, en particulier dans le département de la Sarthe. Le déploiement national se fera à partir de 2015.
L’accès à des spécialistes passe également par le développement de la télémédecine, puisque neuf régions vont connaître des expérimentations, dans les EPHAD, par exemple, pour la gériatrie. Dans les Pays de la Loire, la téléexpertise en dermatologie et la télésurveillance des patients insuffisants cardiaques seront expérimentées. Toutes ces expérimentations sont financées. Enfin, je vous rappelle, monsieur le député Chevrollier, que depuis la dernière loi de financement de la Sécurité sociale, des contrats de praticiens territoriaux de médecine ambulatoire, c’est-à-dire de médecins spécialistes, sont désormais ouverts dans les territoires désertifiés, comme c’est le cas depuis deux ans, avec un très grand succès, pour les médecins généralistes.
La séance des questions à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est terminée.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Débat d’orientation pour la stratégie numérique de la France.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly