La commission examine un rapport d'information sur l'application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances (Mme Valérie Rabault, rapporteure générale).
Nous tenons aujourd'hui notre dernière réunion de la présente session extraordinaire. C'est notre quatre-vingt-dix-huitième réunion depuis le début de la session ordinaire. Depuis le 1er octobre dernier, nous avons siégé près de 191 heures. Nous avons examiné sept projets ou propositions de loi, dont quatre au fond et trois pour avis, trois décrets d'avance et 1 454 amendements. Nous avons également procédé à trente-cinq auditions.
Notre rapporteure générale va nous présenter le traditionnel rapport d'information sur l'application des mesures fiscales. L'an dernier, elle nous avait proposé d'étendre son travail à l'examen de la pratique consistant à adopter des dispositions fiscales hors des lois de finances. Cette pratique est regrettable, et elle s'est malheureusement développée, notamment dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dite « loi Macron ». Notre souci est de maîtriser la dépense fiscale qui, hors crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), n'a pas diminué depuis 2012. Certes, elle n'a pas non plus augmenté.
L'objet premier de ce rapport est de savoir dans quels délais les dispositifs fiscaux que nous votons dans les lois de finances initiales et rectificatives sont mis en oeuvre, lorsque des textes d'application sont nécessaires. Comme l'a rappelé le président, nous avons étendu le champ de ce rapport à l'ensemble des lois qui ont été adoptées par notre assemblée, car certaines prévoient des dispositifs fiscaux dont les impacts ne sont pas neutres pour les finances publiques. Nous avons donc effectué un balayage exhaustif des lois et ordonnances promulguées en 2015 pour recenser toutes les mesures fiscales qu'elles comportent.
Depuis 2012, 419 dispositions fiscales ont été adoptées en loi de finances initiale ou en loi de finances rectificative. Au 30 juin 2016, 45 étaient en attente d'un texte d'application, soit 10,7 % du total. Ce ratio était de 17 % à la même époque l'an dernier : la mise en oeuvre des dispositifs que nous avons votés s'accélère donc.
En termes de flux, six mois après l'adoption des lois de finances initiale pour 2016 ou rectificative pour 2015, 67,8 % des dispositifs fiscaux bénéficient des textes nécessaires pour être applicables. Ce chiffre était de 68,2 % l'an dernier à la même date, ce qui signifie que, en moins de six mois, plus de deux tiers des dispositifs fiscaux s'accompagnent des textes nécessaires pour entrer en vigueur.
Si l'on se penche sur l'ensemble des mesures fiscales de chaque loi de finances votée sous cette législature, 100 % des dispositifs votés avant la loi de finances initiale pour 2015 ont été mis en oeuvre – seule la loi de finances rectificative pour 2013 fait exception.
En 2015, 23 dispositifs fiscaux ont été votés hors loi de finances, dont 10 dans le cadre de la « loi Macron » et 6 dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Les deux tiers de ces dispositifs fiscaux hors textes financiers figurent donc dans ces deux textes.
L'impact financier de ces différents dispositifs est compris entre 500 et 700 millions d'euros. Ces montants ne sont pas négligeables. Il s'agit généralement de niches fiscales, qui occasionnent des pertes de recettes fiscales. Ainsi, la division par deux de la fiscalité sur les actions gratuites représentera un coût budgétaire de 190 millions d'euros pour l'année 2016 et de 125 millions d'euros pour 2017. L'amortissement supplémentaire temporaire accordé au titre de certains types d'investissement représentera quant à lui 500 millions d'euros par an sur cinq ans. Des dispositifs dont les enjeux fiscaux sont assez importants ont donc été votés en dehors des lois de finances. La quasi-totalité des textes d'application nécessaires à la mise en oeuvre de ces 23 dispositifs ont été publiés.
Nous sommes très friands de demandes de rapports dans nos amendements – je fais d'ailleurs partie de celles et ceux qui en ont demandé. Depuis 2012, 55 rapports ont été demandés en loi de finances initiale ou rectificative, 19 n'ont pas été remis, ou remis avec plus de trois mois de retard, tandis que, dans 16 cas, la date limite de remise du rapport n'est pas encore atteinte.
Le deuxième point de mon rapport sort légèrement du champ d'application de la loi fiscale, mais il reste connexe. Nous votons des mesures fiscales, mais aussi un certain nombre de possibilités de dégrèvements qui affectent la fiscalité locale et que l'État est censé rembourser aux collectivités locales, mais qu'il ne rembourse jamais en totalité. J'ai donc souhaité vous présenter un point sur le lien entre la fiscalité locale et les dispositifs des lois de finances.
Vous connaissez les critères qui permettent de bénéficier des exonérations de taxe d'habitation et de taxe foncière. De nouveaux critères ont été mis en oeuvre en 2014 afin d'annuler l'impact de la hausse du revenu fiscal de référence (RFR), sur proposition de notre collègue Christine Pires Beaune. Aujourd'hui, 3,8 millions de personnes entrent dans les différentes catégories qui permettent de bénéficier d'exonérations sur la taxe d'habitation notamment : les personnes de plus de soixante ans, sous condition de ressources ; les veufs, sous condition de ressources ; les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Un tableau retrace l'évolution au fil du temps du nombre de personnes qui bénéficient des exonérations. Le chiffre de 3 millions pour 2015 ne tient pas compte de la correction du revenu fiscal de référence qui a été opérée. Vous trouverez ces informations concernant la taxe foncière dans un autre tableau, donnant la répartition du nombre de bénéficiaires des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties selon différentes catégories d'éligibles.
Mais l'économie est aussi une affaire de territoire. Nous vous proposons donc des cartes pour vous montrer où se situent le plus grand nombre de ménages qui bénéficient d'exonérations de taxe d'habitation. La première montre la part des habitations exonérées de taxe d'habitation dans les différents départements, sachant que la moyenne nationale est de 12,3 % en 2014. Une deuxième carte détaille le montant moyen de cette exonération par bénéficiaire selon les différents départements, la moyenne nationale étant de 232 euros.
Qu'est-ce qui est inclus dans les exonérations ? Le plafonnement par rapport au revenu fiscal de référence est-il inclus ?
Non, la mesure que nous avons votée sur le revenu fiscal de référence n'est pas incluse. La carte présente la situation avant l'application de la mesure votée en 2015. Nous parlons bien de l'exonération, et pas du dégrèvement plafonnant la taxe à 3,44 % du RFR. L'exonération est un montant total.
Les différences entre cette carte et la précédente tiennent à ce que beaucoup de personnes peuvent bénéficier de l'exonération, mais pour des montants peu élevés. Les taux locaux vont aussi jouer un rôle : pour ceux qui sont exonérés totalement, plus le taux est élevé, plus le montant d'exonération sera important.
Une troisième carte porte sur la taxe foncière : 4,7 % des locaux non professionnels en étaient exonérés au niveau national, et le montant moyen de l'exonération en 2014 est de 448 euros. Une quatrième et dernière carte vous permet de situer les départements dans lesquels le montant moyen d'exonération de taxe foncière est le plus important.
J'appelle votre attention sur le fait qu'il n'y a là qu'une petite moitié des dégrèvements de taxe d'habitation. Il y a en effet deux types de dégrèvements : le dégrèvement total, qui est de l'exonération, et le plafonnement par rapport à 3,44 % du revenu fiscal de référence, qui représente un montant annuel considérable, de l'ordre de 4 milliards. Et la distribution géographique est différente : nous voyons que les exonérations sont concentrées sur le centre de la France, où vivent beaucoup de personnes âgées avec de petits revenus, ce qui est plus rare en Île-de-France. Mais si les plafonnements en fonction du revenu fiscal de référence sont réintégrés, des régions comme l'Île-de-France ou la Côte-d'Azur seront plus marquées. Il serait intéressant de disposer de la répartition géographique des bénéficiaires du plafonnement à 3,44 % du revenu fiscal de référence.
Vous avez raison, mais nous n'avons pas eu le montant du dégrèvement par département, qui concerne néanmoins 9 millions de personnes. Si nous arrivons à obtenir les données d'ici à ce soir, nous les intégrerons, mais, pour l'instant, nous n'en disposons pas. C'est le dégrèvement et l'exonération ensemble qui donnent la réalité économique.
Il existe deux montants pour ces dégrèvements et exonérations : le « montant à compenser » et le « montant compensé ». Au sein de cette commission, nous nous battons depuis des mois pour obtenir de la part du Gouvernement le montant à compenser, mais je suis au regret de vous dire que je n'en dispose toujours pas à ce jour.
Le montant à compenser est donc inconnu. Le décalage avec le montant à compenser est d'autant plus important que ce dernier est calculé sur la base des taux de 1991. Le montant compensé est de 12,3 milliards d'euros en 2015, au titre des taxations locales sur les entreprises (zones franches, exonérations de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et sur les ménages (taxe d'habitation et taxe foncière).
Nous avons également souhaité vous présenter un premier bilan de la prime d'activité. Cette prime concerne aussi bien la commission des finances, car elle remplace la prime pour l'emploi (PPE), que la commission des affaires sociales, car elle se substitue aussi au revenu de solidarité active (RSA) dans son volet « activité ». Aujourd'hui, 4 millions de ménages sont éligibles à la prime d'activité, 2 millions l'ont d'ores et déjà demandée. La montée en charge du dispositif est donc plus rapide que prévu, car le taux de recours avait été calculé en se fondant sur celui constaté pour le RSA « activité », qui n'était demandé que par un tiers des ménages en droit d'en bénéficier. Le taux de recours avait donc été évalué à 50 %, soit 2 millions de ménages. Mais ce chiffre de 2 millions a déjà été atteint au 31 mars dernier. Nous allons donc dépasser le taux de 50 % qui servait de base au calcul et nous rapprocher de la cible totale. Nous verrons quel sera ce taux à la fin de l'année.
Les bénéficiaires de la prime d'activité ne sont pas totalement identiques à ceux de la PPE et du RSA. Aujourd'hui, la prime d'activité est versée jusqu'à des niveaux de revenu de 1,3 SMIC pour un célibataire. Le RSA était versé jusqu'à 1,1 SMIC et la PPE jusqu'aux environs de 1,25 SMIC.
Sait-on combien de personnes qui touchaient la PPE ne bénéficient pas de la prime d'activité ?
Nous avons fait un bilan total, en combinant la suppression de la PPE aux deux baisses d'impôt sur le revenu, qui bénéficient largement aux contribuables éligibles à la PPE.
Il en ressort que 2,25 millions de ménages vont avoir les mêmes avantages financiers que ceux dont ils bénéficiaient avec le RSA « activité » et la PPE, 1,5 million de ménages auront plus et 700 000 ménages auront un peu moins.
Voilà le chiffrage global que nous avons réalisé. Ceux qui perdent à la réforme ne sont bien sûr pas comptés parmi les personnes éligibles à la prime d'activité. Le total donne un peu plus de 4 millions de ménages : il s'agit d'une estimation des ménages concernés par la réforme, soit qu'ils y gagnent, soit qu'ils y perdent, soit que cela soit neutre pour eux. Cela ne correspond pas aux 2 millions de ménages ayant effectivement demandé à bénéficier de la prime pour l'activité.
Je conçois que ce soit un peu compliqué, car les trois dispositifs se chevauchent, avec des intersections non nulles.
Il s'agit essentiellement des couples et des familles, du fait de la « familialisation » de la PPE.
Les personnes handicapées sont également pénalisées. Je n'ai pas encore bien compris pourquoi. Je pense qu'un complément d'allocation ne devait pas être pris en compte pour l'attribution de la PPE, mais qu'il est pris en compte pour l'éligibilité à la prime d'activité. Des personnes handicapées qui ont un revenu mensuel autour de 1 000 ou 1 200 euros sont aujourd'hui perdantes.
Pour les 700 000 ménages perdants, avons-nous le lien avec les baisses d'impôt sur le revenu ? Car ils peuvent être perdants avec ce dispositif, mais gagner avec la « conjugalisation » de l'impôt sur le revenu.
Les 700 000 ménages perdants sont recensés après prise en compte des deux baisses d'impôt sur le revenu Cette année, nous avons beaucoup abordé la question des rescrits, notamment avec le projet de la Commission européenne. Nous vous proposons donc un petit point sur les rescrits fiscaux.
En 2015, 19 330 rescrits ont été traités en France, dont 18 827 par les directions départementales des finances publiques, et 503 au niveau du ministère.
Le nombre total de rescrits a diminué de 7,4 % entre 2015 et 2014. Un graphique montre l'évolution du nombre de ces rescrits : nous avons connu un pic à 30 000 rescrits en 2008, sans doute lié à la crise et à l'impact de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).
Il est bien ici question des rescrits traités, et non de ceux qui sont demandés. Mais l'écart entre le nombre de rescrits demandés et celui des rescrits traités n'est guère élevé.
On observe que la nature des rescrits a évolué au fil du temps. Le nombre de rescrits liés au mécénat a quasiment doublé depuis 2007, puisqu'un certain nombre de niches ou d'exonérations votées dans ce champ suscitent des questions. Les rescrits sur le mécénat représentent donc 30 % du nombre de rescrits traités.
La moitié des rescrits traités – 9 336 précisément – portent sur les entreprises. Le nombre de rescrits sur les amortissements exceptionnels et les entreprises nouvelles a baissé. J'appelle votre attention sur le fait que le crédit d'impôt recherche, auquel nous consacrons beaucoup de temps en commission, représente à peine 1 % des rescrits, ce qui est très peu.
Selon un rapport du Conseil d'État, les entreprises ont aussi parfois peur de subir un contrôle fiscal sur le crédit d'impôt recherche, et demandent donc peu de rescrits.
Les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes. Le nombre de 237 rescrits sur le crédit d'impôt recherche peut sembler faible, mais 9 336 dossiers pour l'ensemble des impôts directs et indirects des entreprises, c'est très peu rapporté à la base, qui est très large. La comparaison n'est donc pas tout à fait adéquate.
Je suis d'accord avec vous, d'autant qu'il faudrait faire la comparaison des montants en jeu, pour savoir quelle est l'assiette concernée par chaque rescrit. Mais nous n'avons pas ces données et elles ne sont jamais publiées.
Les rescrits sur le mécénat concernent le mécénat des entreprises prévues par la loi du 1er août 2003 relative au mécénat.
En cas de différences d'interprétation du texte, on demande des précisions pour être sûr avant de s'engager.
Le mécénat pose beaucoup de problèmes. J'en parlais déjà dans un rapport sur l'application des mesures fiscales il y a sept ou huit ans. Par exemple, si le patron d'une entreprise achète un beau tableau et le met exclusivement dans son bureau, est-ce du mécénat d'entreprise ? Des règles ont ensuite été édictées, et il faut que les oeuvres soient dans des lieux accessibles au personnel ou au public. Imaginons par ailleurs qu'une entreprise ait une filiale au Portugal, et fasse du mécénat au Portugal : ce mécénat peut s'imputer sur les comptes en France. J'en avais conclu que cette loi sur le mécénat coûtait très cher, et qu'il faudrait probablement restreindre son champ d'application. Mais le ministère de la culture s'y est farouchement opposé.
Si nous venions à restreindre le mécénat, vous connaissez les conséquences que cela aurait pour les bâtiments ou le patrimoine français. Il vaut mieux le préserver.
J'ai eu l'occasion de travailler sur ce sujet au niveau départemental. Aujourd'hui, le mécénat concerne surtout des partenariats entre le public et le privé, parce que les collectivités territoriales n'arrivent plus à financer certaines oeuvres. Il y a quelques années ont été retrouvés de magnifiques calotypes de la reculée de Baume-les-Messieurs : le département du Jura, qui n'avait pas les moyens d'acheter seul ces anciennes planches photographiques, a été accompagné par des entreprises. Mais, à l'époque, l'opération avait déjà été d'une complexité extraordinaire.
C'est dans ces cas que le rescrit est intéressant : avant de s'engager, il faut demander l'avis de l'administration.
Le mécénat est indispensable pour réaliser un certain nombre d'opérations hors de la région parisienne. Les partenariats entre le public et le privé permettent effectivement de proposer à nos concitoyens des créations ou des prestations qui ne seraient pas accessibles sans ce dispositif. Le mécénat joue un rôle extrêmement important.
La fiscalité écologique sera l'objet du dernier point de mon exposé. Je rappelle notre objectif de convergence entre la fiscalité sur le gazole et la fiscalité sur l'essence ; nous progressons sur cette voie depuis 2014, alors que les tarifs des taxes sur les carburants n'avaient pas évolué depuis 2006. Deux changements dans cette taxation ont été introduits, en loi de finances initiale pour 2014 et en loi de finances rectificative pour 2015. Un graphique vous permettra d'apprécier l'évolution des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
Je rappelle que nous avons décidé en loi de finances rectificative pour 2015 de stabiliser la taxation de l'électricité à partir de 2017. Cette taxation est aussi l'objet d'un graphique, sur lequel vous remarquez aussi la substitution de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) à la contribution au service public de l'électricité (CSPE) à partir de 2016.
Un dernier tableau montre le nombre d'entreprises bénéficiant, à la suite, notamment, de l'adoption d'un amendement en loi de finances rectificative pour 2015, d'une taxation réduite de l'électricité.
Un dernier graphique montre que les ménages contribuent aux trois quarts du rendement de la fiscalité écologique.
Madame la rapporteure générale, une question de méthode : nous avons évoqué des dispositions fiscales qui figurent dans d'autres lois que les lois de finances, mais aucune disposition de loi de financement de la sécurité sociale. Or celles relatives à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), aux droits sur le tabac, sur l'alcool, sur les boissons sucrées – la taxation des boissons sucrées est l'objet d'un travail de nos collègues Véronique Louwagie et Razzy Hammadi – sont d'une importance majeure : il s'agit de vrais impôts. Nous avons là une sorte de trou noir, qui commence à poser problème : une fraction de la fiscalité – je parle vraiment d'impôts, non de cotisations sociales – nous échappe de plus en plus.
Nous aurions pu intégrer les dispositifs inscrits dans les lois de financement de la sécurité sociale, mais la commission des affaires sociales publie chaque année un rapport analogue à celui que nous examinons : celui de 2016 a été examiné la semaine dernière. Nous pourrons toujours en intégrer les éléments dans le prochain rapport sur l'application des mesures fiscales pour proposer une vision globale et plus précise de la fiscalité.
Remercions cependant le Gouvernement : la suppression de la C3S, qui relèverait de la commission des affaires sociales, a vocation à être remplacée par une hausse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, laquelle sera examinée par notre commission.
Monsieur le président, la commission des finances du Sénat a rendu, ce matin, un rapport sur le CICE, selon lequel l'efficacité de ce dispositif poserait problème. Comptez-vous vous pencher sur cette question ?
Un comité de suivi du CICE, présidé par M. Pisani-Ferry, a été créé il y a trois ans. Il rend un rapport annuel.
Je veux d'abord féliciter la rapporteure générale pour son travail. Nous avons là une matière qui nous a longtemps manqué, notamment lorsque nous déposions des amendements au projet de loi de finances. Nous aurons ainsi des indications sur les entreprises électro-intensives.
Madame la rapporteure générale, vous déploriez que les rapports demandés par le Parlement au Gouvernement ne soient pas toujours au rendez-vous. En l'occurrence, avec le rapport que vous nous présentez, vous avez plutôt anticipé, car nous aurions pu en demander un sur le rescrit, un autre sur la mise en oeuvre de la prime d'activité et un dernier sur l'impact des mesures prises en matière de fiscalité locale en loi de finances pour 2016.
L'année dernière, le Gouvernement avait décidé de revenir sur des mesures prises antérieurement et de ne pas soumettre les personnes de condition modeste dont les revenus n'ont pas évolué à la taxe foncière et la taxe d'habitation. Les dispositions nécessaires ont été adoptées et il nous fut certifié, notamment lors d'échanges écrits, qu'une compensation interviendrait, sur la base des taux de 1991. La réalité, aujourd'hui, c'est que le département du Jura est taxé à hauteur de 495 000 euros. Avec ce que nous perdons en dotation globale de fonctionnement, ce n'est pas neutre ! Les compensations ne fonctionnent pas, et les collectivités sont appelées à contribuer alors que c'est l'État qui devrait compenser. Ce n'est pas totalement anodin. Plus généralement, notre système fiscal n'est pas si archaïque, cessons de vouloir le changer, mais je trouve aberrant, pour ne pas dire inadmissible, que les services de Bercy prennent pour référence, pour le calcul des compensations de l'État, les taux de 1991 !
Je terminerai sur la prime d'activité. Avec 4 millions de ménages éligibles, les crédits prévus seront largement insuffisants : nous avons prévu son financement pour un nombre de bénéficiaires moindre de moitié. L'écart est du simple au double ! J'avais déjà dénoncé cette situation au début de l'année.
Dominique Lefebvre avait estimé à 300 millions d'euros le dépassement, par rapport à l'objectif de 4 milliards d'euros.
Pour cette année 2016, nous avions envisagé un montant égal aux montants cumulés des crédits pour le RSA « activité » et la prime pour l'emploi servis l'année précédente. Ce qui serait un problème politique, ce serait que nous versions moins en 2016 qu'auparavant. La question est que les prestations ne bénéficient pas exactement aux mêmes, et des personnes qui, auparavant, ne demandaient pas le RSA « activité » ou qui ne pouvaient pas en bénéficier peuvent percevoir la prime d'activité. J'ai interrogé mes interlocuteurs de Bercy et du ministère des affaires sociales au vu de cette montée en charge extrêmement rapide. Ils envisageaient que l'enveloppe puisse être respectée – je vous rappelle que nous avions prévu une montée en charge jusqu'à 50 % des ménages éligibles, représentant les deux tiers du coût budgétaire –, mais c'était au mois de juin 2015. Peut-être la simplicité du dispositif a-t-elle poussé certains à demander à en bénéficier alors que nous aurions pensé, vu les faibles montants auxquels ils avaient droit, qu'ils s'en abstiendraient, ce qui explique un montant moyen versé plus faible. Il est cependant beaucoup trop tôt pour annoncer un dérapage budgétaire. Assurons-nous déjà que le dispositif monte en charge.
Je rappelle notre objectif d'un recentrage – non sans m'étonner que l'opposition s'en étonne, elle qui ne cesse, en matière de protection sociale, de demander des recentrages. Si le recentrage se fait effectivement sur les personnes moins aisées et que le taux de recours est par ailleurs plus important, y compris pour les foyers aux primes d'activité plus modestes, nous aurons atteint l'objectif. Il est toutefois un peu tôt pour dresser un bilan.
Lors de son audition par notre commission, le 18 mai dernier, le secrétaire d'État chargé du budget a annoncé que le dépassement de l'enveloppe prévue de 4 milliards d'euros, qui correspondait aux montants dépensés pour le service du RSA « activité » et de la prime pour l'emploi en 2015, était estimé à 200 millions.
Quant à l'objectif de limiter le saupoudrage de la PPE, nous le visons depuis sept ou huit ans. La PPE était en effet versée jusqu'à 8 ou 9 millions de ménages pour des montants parfois dérisoires. C'est un objectif que nous avons donc toujours partagé.
En ce qui concerne les compensations versées par l'État aux collectivités territoriales, je m'honore, avec notre président actuel, d'être à l'origine des amendements qui ont gelé les taux. Il n'est pas normal que des hausses décidées par les collectivités locales soient compensées par le contribuable national. Sinon, nous incitons à une irresponsabilité illimitée – ce qui n'est pas tout à fait notre philosophie. L'intérêt de tout le monde est de rester sur cette position.
C'était en 1993 ou 1994, à propos de la taxe professionnelle, et nous avons dû forcer un peu la main au Gouvernement. Le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée était littéralement en train de s'envoler.
La référence aux taux de 1991 a été introduite dès cette époque. Surtout, elle a été confirmée, lorsqu'a été mis en place par la majorité de l'époque – je crois que c'était en 2000 – le plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu fiscal de référence. Il y a toujours eu un consensus : il ne fallait pas encourager les hausses de taux de fiscalité locale aux dépens du contribuable national.
Du point de vue de la mise en oeuvre des dispositions fiscales, la loi de finances rectificative pour 2013 est une anomalie. Comment se fait-il que cinq de ses articles ou dispositions soient encore en attente d'un texte d'application ? Et quelles sont ces cinq mesures ?
La première est l'amortissement exceptionnel des investissements des entreprises dans les PME innovantes, prévu à l'article 15. Un avis de la Commission européenne est attendu, au regard des règles applicables en matière d'aide d'État. Viennent ensuite les aménagements apportés au dispositif d'exit tax, à l'article 42. L'instruction est actuellement soumise à consultation, et elle devrait être publiée d'ici à la fin de l'année.
Je pense que c'est pour cette raison que la consultation dure... Enfin, il y a des mesures relatives aux sociétés civiles de placement immobilier, à l'article 20.
Les instructions fiscales relatives à deux autres mesures ont été publiées le 6 juillet dernier – un rapport d'application de la loi fiscale peut inciter à l'action… Il s'agit de la réforme du régime de l'assurance vie, à l'article 9, qui concerne particulièrement les actifs relevant de l'économie sociale et solidaire, et le dégrèvement de taxe foncière en faveur des propriétaires des logements sociaux à raison des travaux d'économie d'énergie, à l'article 45.
Merci pour cette présentation. L'évaluation est un point fondamental, et elle doit être développée : la force de nos débats, les empoignades auxquelles nous pouvons nous livrer, doivent ensuite laisser place à un bilan dépassionné – car il doit y avoir un droit à l'erreur, et il faut savoir revenir sur ce qui ne fonctionne pas.
Je retiens pour ma part, notamment en vue d'éventuelles nouvelles mesures fiscales à prendre en 2017, le chiffre de 700 000 perdants au titre de la suppression de la PPE.
S'agissant des vingt-trois dispositions fiscales adoptées hors des lois de finances, pouvez-vous nous rappeler quelle est la règle ? Pourquoi certains textes comportent-ils des mesures de nature fiscale ?
Quant aux cinquante-cinq rapports demandés au Gouvernement, dont certains ne verront jamais le jour, je m'étonne que nous continuions d'en demander – même si je comprends bien qu'il ne s'agit souvent que de contourner l'article 40 de la Constitution ou d'appeler l'attention du Gouvernement sur un point précis. Pourquoi ne pas réaliser ces rapports au Parlement même, dont l'évaluation et le contrôle sont l'un des rôles essentiels ?
En ce qui concerne enfin la fiscalité locale, où en est le chantier de révision des valeurs locatives ?
S'agissant de la prime d'activité, disposez-vous d'éléments supplémentaires ?
Madame Dalloz, s'agissant des exonérations de fiscalité locale et des compensations aux collectivités territoriales, l'amendement adopté a été remplacé par une mesure beaucoup plus large prise par le Gouvernement. Les personnes qui n'avaient pas payé d'imposition locale en 2014, toutes choses égales par ailleurs, se trouvent maintenant exonérées, je crois, ad vitam aeternam… On a créé une nouvelle catégorie.
Mais si les compensations versées aux collectivités sont beaucoup moins élevées, c'est surtout parce que 300 millions d'euros de péréquation sont financés à 50 % par ce que l'on appelle les variables d'ajustement, c'est-à-dire précisément ces diminutions de compensation.
Vous trouverez de nombreux détails dans le rapport.
Je saisis cette occasion pour remercier les administrateurs qui ont travaillé à ce rapport, Sophie Teulade, Marie Vigouroux, Cédric Jurgensen, Jean-Luc Grzegorczyk et Ludovic Pinto.
Il me reste à remercier à mon tour la rapporteure générale pour ce rapport utile et intéressant. Je partage entièrement le point de vue d'Éric Alauzet sur la nécessité de prendre du recul pour évaluer les mesures adoptées.
En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information relatif à l'application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances.
Informations relatives à la commission
La commission a reçu en application de l'article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 1 134 617 euros en autorisations d'engagement (AE) et 5 679 617 euros en crédits de paiement (CP), du programme 181 Prévention des risques de la mission Écologie, développement et mobilité durables à destination du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.
Ce transfert a pour but de financer des prestations au titre du fonctionnement courant de l'Autorité de sûreté nucléaire (immobilier, logistique, prestations d'actions sociales, frais de déplacement et de représentation, formation, traduction) dont la gestion est prise en charge sur le programme 218.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 19 juillet 2016 à 14 heures 15
Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Alain Fauré, M. Marc Goua, M. Patrick Hetzel, M. Régis Juanico, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Michel Vergnier
Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, Mme Karine Berger, M. Olivier Carré, M. Romain Colas, M. Olivier Dassault, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. David Habib, M. Victorin Lurel, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez