COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 11 décembre 2013
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission des affaires sociales examine d'abord, en deuxième lecture, sur le rapport de Mme Fanélie Carrey-Conte, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé (n° 1325).
Nous examinons ce matin la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé, que notre Assemblée avait adoptée en première lecture le 28 novembre 2012. En fixant les principes que devront à l'avenir respecter toutes les conventions – quelle que soit la nature de l'organisme complémentaire concerné –, ce texte vise notamment à faire diminuer les restes à charge des patients.
Cette proposition de loi, qui devait être débattue en séance publique le lundi 19 décembre, vient d'être retirée de l'ordre du jour ; son examen étant reporté, la réunion au titre de l'article 88 prévue pour lundi est annulée. Je regrette ces conditions de travail et prends acte de l'engagement de M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, de faire cesser ces pratiques.
Nous retrouvons aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi visant à sécuriser le fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et à préciser les modalités des conventions entre les organismes d'assurance maladie complémentaire d'une part, et les professionnels, services et établissements de santé d'autre part. Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale il y a un peu plus d'un an, le texte a été voté par le Sénat le 24 juillet 2013.
À l'origine, la proposition de loi comportait un article unique, qui ouvrait aux mutuelles le droit de constituer des réseaux de soins. Il s'agissait de rétablir une égalité de traitement entre les mutuelles et les autres organismes complémentaires, et de mettre fin à l'insécurité juridique qui touche aujourd'hui les réseaux mutualistes déjà constitués. En effet, c'est sur la requête d'un adhérent contestant le niveau de remboursement qui lui était octroyé, que la Cour de cassation avait, dans un arrêt rendu en 2010, interdit à une mutuelle de pratiquer des modulations dans le niveau de prestations, selon que l'adhérent consulte ou non un praticien conventionné. Plusieurs mutuelles encourent encore aujourd'hui des condamnations pouvant intervenir à brève échéance. L'article 1er proposait donc de modifier le code de la mutualité afin de sécuriser juridiquement les réseaux de soins constitués par les mutuelles – sujet déjà abordé par une proposition de loi portée par Jean-Pierre Door et notre ancien collègue Yves Bur, ainsi que par la loi dite « Fourcade ».
Nos travaux en commission et en séance ont conduit à la création de deux articles supplémentaires. L'article 2 a fixé les principes que doit respecter tout conventionnement entre un organisme complémentaire de santé et un professionnel, un établissement ou un service de santé. En effet, les travaux préparatoires au passage en commission avaient révélé qu'il était utile de préciser le cadre juridique et les modalités de fonctionnement des réseaux de soins organisés par les trois types d'organismes complémentaires. À l'initiative de notre présidente de commission, nous avons notamment mieux défini le périmètre de ces réseaux, en décidant que les conventions avec les médecins ne pourraient porter de stipulations tarifaires sur les actes et prestations mentionnés dans les nomenclatures de l'assurance maladie ou dans les conventions nationales. L'article 3 a proposé d'établir une évaluation régulière de la pratique de ces réseaux, afin de pouvoir, si nécessaire, en réajuster le fonctionnement.
Le travail remarquable accompli ensuite par le Sénat, sur le rapport d'Yves Daudigny, a introduit plusieurs modifications. Si l'article 1er a été voté conforme, l'article 2 a au contraire fait l'objet d'une nouvelle rédaction globale. Tout en maintenant les principes posés par l'Assemblée – notamment la liberté de choix du patient et l'existence de critères objectifs, transparents et non discriminatoires de sélection des professionnels –, et sans dénaturer les objectifs initiaux du texte, elle permet de préciser plusieurs points importants.
Ainsi, les conventions conclues ne peuvent plus, désormais, porter atteinte aux principes d'égalité et de proximité dans l'accès aux soins. Par ailleurs, l'article précise que pour les professionnels de santé pour lesquels la dépense de l'assurance maladie est majoritaire, les conventions avec les organismes d'assurance maladie complémentaire ne pourront pas comporter de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l'assurance maladie. Aux termes de cette disposition, les conventions comportant des clauses tarifaires ne concerneront donc que les chirurgiens-dentistes, les opticiens-lunetiers et les audioprothésistes. L'article précise également que pour les médecins, le niveau de remboursement par les organismes d'assurance maladie complémentaire ne pourra être modulé selon que le patient consulte au sein ou en dehors d'un réseau. Enfin, il limite la possibilité de mettre en oeuvre des réseaux fermés au seul secteur de l'optique, au vu des problématiques spécifiques – notamment du point de vue démographique – de cette profession.
La rédaction de l'article 3 a été simplifiée et modifiée afin de s'adapter à notre calendrier : le dépôt du rapport annuel doit désormais intervenir avant le 30 septembre et non plus avant le 30 juin. Le Sénat a par ailleurs élargi le champ du rapport en prévoyant une évaluation des conséquences des conventions conclues sur l'accès aux soins des patients.
Les sénateurs ont enfin modifié le titre du texte, maintenant nommé « proposition de loi relative aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé ». Ce nouveau titre rend compte de la globalité du travail législatif accompli jusqu'ici par les deux assemblées.
Les groupes Socialiste et apparentés, Écologiste, Union des démocrates et indépendants et une partie du groupe du Rassemblement démocratique et social européen ont voté pour l'adoption de ce texte au Sénat. Le groupe UMP a voté contre et le groupe Communiste, républicain et citoyen s'est abstenu.
Deux éléments me paraissent essentiels. D'abord, ce texte poursuit un objectif politique : celui de faciliter l'accès aux soins. En effet, le reste à charge des ménages – qui a connu une augmentation ininterrompue depuis dix ans, au fur et à mesure que se réduisait la part de la sécurité sociale dans la prise en charge des patients – demeure un obstacle majeur à l'accès aux soins pour un trop grand nombre de nos concitoyens contraints de renoncer à certains d'entre eux. Il faut impérativement inverser cette tendance, d'abord en renforçant l'assurance maladie obligatoire, à rebours des politiques menées ces dix dernières années, mais aussi en utilisant des outils tels que les réseaux de soins, objet de ce texte. En permettant une meilleure prise en charge et une meilleure information des patients, ces réseaux jouent un rôle régulateur et contribuent ainsi à faire diminuer le reste à charge, et donc à améliorer l'accès aux soins.
Ensuite, ce texte ne prétend pas, à lui seul, définir les contours d'une politique de santé dans sa globalité, ni apporter une réponse exhaustive aux inégalités d'accès aux soins, les réseaux de soins ne constituant qu'un outil parmi d'autres au service de cet objectif. Toutefois, il faut souligner que l'élaboration de ce nouveau cadre et les débats qu'il a pu susciter ont eu le mérite de faire émerger des questions essentielles, relatives aux objectifs de notre système de santé et à son organisation, notamment en matière de lien entre assurance maladie obligatoire et complémentaire. Une partie de ces questions, soulevées il y a un an, ont commencé à être traitées, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.
Alors que les organismes complémentaires pâtissaient d'une inégalité de traitement et que les réseaux de soins ne faisaient l'objet d'aucune régulation, les travaux législatifs de l'Assemblée et du Sénat ont permis d'aboutir à un texte qui met fin à l'insécurité des mutuelles tout en définissant un cadre juridique satisfaisant et équilibré pour le fonctionnement de l'ensemble des réseaux de soins, ainsi que pour leur évaluation. Au vu de ce bilan, je vous propose aujourd'hui d'adopter sans modification le texte transmis par le Sénat. Sans dénaturer l'objectif initial de la proposition de loi, ce dernier y a apporté des précisions importantes qui permettraient de voir les nouvelles dispositions appliquées dans les meilleurs délais et de favoriser substantiellement l'accès aux soins de nos concitoyens.
Je me félicite de la qualité de ce texte, qui devrait améliorer l'accès aux soins. Parce qu'il inclut d'emblée un dispositif d'évaluation, il combine objectifs à atteindre et procédé pour en contrôler la réalisation.
Le groupe SRC votera cette proposition de loi – parfaitement présentée par notre rapporteure –, que nous souhaiterions voir adoptée conforme tant elle nous apparaît équilibrée. En effet, si je m'étais, à titre personnel, d'abord interrogé sur la définition des réseaux de soins, les travaux de nos deux assemblées ont démontré la pertinence de ce dispositif, qui permet d'améliorer l'accès aux soins, d'assurer leur qualité et de réduire le reste à charge.
Ainsi, lorsque le remboursement de l'assurance maladie obligatoire est trop faible par rapport au coût réel des prestations, la tentation est grande pour certains professionnels d'aligner les tarifs sur le montant des garanties offertes par l'organisme complémentaire. C'est notamment le cas dans les secteurs à prix libres – ceux des prothèses dentaires, des lunettes et des audioprothèses – avec lesquels les organismes d'assurance maladie complémentaire ont développé des partenariats, gérés par des sociétés tierces dont ils sont le plus souvent actionnaires. Ces partenariats – matérialisés par des conventions entre professionnels et complémentaires – forment des plateformes que l'on qualifie de réseaux de soins. Les engagements conventionnels concernent la qualité des prestations, une certaine modération tarifaire, la garantie du tiers-payant et l'orientation des adhérents vers les professionnels du réseau.
Selon le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), ces réseaux couvrent environ la moitié des Français, les plus importants d'entre eux réunissant plus de 6 millions d'adhérents. Celui de la MGEN – associée à d'autres mutuelles de la fonction publique – compte plus de 2 000 opticiens, plus de 2 000 audioprothésistes et 25 000 chirurgiens-dentistes, soit 64 % de cette profession. D'autres réseaux regroupent également des milliers de professionnels opticiens, audioprothésistes ou dentistes et ont pour actionnaires, outre les mutuelles, de grandes compagnies d'assurances comme AXA ou des instituts de prévoyance tels que Malakoff Médéric.
La plupart des réseaux sont dits « ouverts » et accueillent les professionnels sans restriction si ceux-ci remplissent les conditions de la convention ; certains – pratiquant un numerus clausus qui limite l'accès des professionnels sur une zone géographique – sont dits « fermés ». Ce cas, que l'on rencontre essentiellement dans l'optique, pose la question du libre choix du praticien – en l'occurrence de l'opticien – par le patient ; cette régulation apparaît néanmoins justifiée par la multiplication incontrôlée des points de vente d'optique, dont le nombre a crû de 41 % en 10 ans. Selon l'Autorité de la concurrence, le niveau des prix dans le cadre des réseaux d'opticiens agréés est de 15 à 40 % inférieur à celui du marché ; cette même Autorité et la Cour des comptes avaient toutes deux considéré que les réseaux avaient également un effet bénéfique sur la qualité et les prix dans la dentisterie.
Cette proposition de loi, qui vient conforter juridiquement les réseaux de soins, ajoute une nouvelle pierre à l'édifice de la couverture maladie de nos concitoyens, faisant suite à l'avenant 8 de la convention médicale qui limite les dépassements d'honoraires, à la couverture complémentaire santé pour tous les salariés qui figure dans la loi sur la sécurisation de l'emploi, et au renforcement des contrats responsables dans le PLFSS 2014. Comme toutes ces mesures, elle se place dans le droit fil de l'objectif fixé par le Président de la République d'une généralisation de la complémentaire santé à l'horizon 2017.
Madame la présidente, l'examen de la proposition de loi étant reporté aux calendes grecques, pourquoi en débattre aujourd'hui ? Avec l'arrivée des fêtes, l'accumulation des projets de loi à étudier en janvier et la suspension des travaux parlementaires en raison des élections municipales puis européennes, nous ne reverrons certainement ce texte qu'en automne prochain. Cette démarche manque de sérieux : ce thème traîne depuis 2011, mais l'examen des textes est sans cesse reporté ou annulé. Ce tohu-bohu transforme notre travail en un cirque !
Le groupe UMP avait proposé d'établir un cadre pour les conventions, qui respecterait le libre choix du professionnel et de l'établissement par le patient, fixerait des critères objectifs, transparents et non discriminatoires pour l'adhésion des professionnels et des établissements, et interdirait les clauses d'exclusivité. Nous sommes particulièrement opposés aux réseaux fermés dans le secteur de l'optique ; M. Sébaoun détiendrait-il des actions dans ce domaine ?
Mme la rapporteure a eu le mérite de rappeler les précédents de ce texte ; la proposition de loi que j'avais portée avec Yves Bur cherchait ainsi à remédier à l'insécurité juridique et à mettre tous les organismes d'assurance maladie complémentaire sur un pied d'égalité. La loi « Fourcade » avait pour sa part confirmé la nécessité d'une expérimentation sur trois ans et rappelé l'importance de la liberté de choix.
Monsieur Door, l'examen du texte interviendra avant le 15 janvier, probablement jeudi prochain.
Par ailleurs, il est inacceptable de remettre en cause l'indépendance d'un collègue en suggérant qu'il détiendrait des actions dans la filière de l'optique !
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Véronique Massonneau qui avait suivi ce dossier en première lecture.
Le groupe écologiste est préoccupé par le déficit de l'assurance maladie, le désengagement du régime obligatoire de certaines pathologies, les inégalités d'accès aux soins, les dépassements d'honoraires et les restes à charge difficiles à supporter pour les familles. Le texte n'apporte que des réponses très partielles à ces problèmes. Ainsi, la question des restes à charge y est abordée, mais coupée des grands enjeux de santé qui mériteraient des réformes plus profondes. Le problème des tarifs non régulés et des soins peu remboursés par la sécurité sociale, qui concerne nombre de nos concitoyens, exige une intervention publique et un travail législatif forts.
Conformément à notre vote en première lecture et à notre position au Sénat, nous voterons en faveur de ce texte, mais non sans inquiétudes. Ainsi, comme nous l'avons indiqué lors du débat sur la clause de désignation – devenue la clause de recommandation – du prestataire, la gestion des réseaux de soins peut favoriser la concentration des mutuelles. Il faudra veiller à préserver la proximité et la diversité du mouvement mutualiste en contrôlant l'évolution de la situation aux termes des différentes lois adoptées sur cette question.
Il est souhaitable de mettre les mutuelles sur un pied d'égalité avec les autres organismes complémentaires, tels que le système assurantiel et les sociétés de prévoyance. En effet, les mutuelles indiquent qu'elles souhaitent bénéficier des mêmes possibilités d'organiser des réseaux de soins pour obtenir une diminution du reste à charge pour leurs adhérents sans baisse de la qualité des produits ou des soins. Nous approuvons cette possibilité qui leur est accordée, mais sous plusieurs conditions strictes seulement : maintien du libre choix des patients et des professionnels, transparence attestée par l'existence de critères objectifs et non discriminatoires, large publicité des critères d'entrée dans les réseaux et des conventionnements, information publique étendue des adhérents sur le contenu des négociations et des conventions, absence de clauses d'exclusivité.
Les réseaux fermés – désormais possibles uniquement dans le secteur de l'optique – risquent de générer des effets pervers. J'ai été personnellement saisi d'un cas, dans une zone périurbaine de Montpellier, où un opticien qui remplissait toutes les conditions d'entrée dans un réseau se l'est vu refuser pour des raisons de numerus clausus, sous prétexte qu'il y avait d'autres professionnels au centre-ville. Dans les villages périurbains, la mesure peut donc se solder par une perte importante de chiffre d'affaires pour les opticiens, potentiellement néfaste pour l'aménagement du territoire dans ces zones. Il faudra donc bien surveiller la situation.
Enfin, nous saluons l'amendement – adopté par l'Assemblée nationale et renforcé par la Commission des affaires sociales du Sénat – qui prévoit un bilan annuel sur la base d'un rapport du Gouvernement. Ce dispositif doit permettre d'évaluer si les soins prodigués et les produits fournis sont de qualité, si les mutuelles ont bien obtenu une baisse des restes à charge pour leurs adhérents et si les opticiens, chirurgiens-dentistes et audioprothésistes engagés dans les réseaux de soins ont eux aussi consenti à un effort de baisse des prix.
Sous réserve du respect de ces conditions, notre groupe votera pour le texte.
Le groupe UDI partage le constat à l'origine de cette proposition de loi : les remboursements de la sécurité sociale sont particulièrement faibles pour les soins dentaires, l'optique et les audioprothèses. L'idée de faire jouer les mutuelles peut donc apparaître raisonnable. Pourtant, comme le montre un arrêt de la Cour de cassation qui condamne une mutuelle au motif que le plaignant ne disposait pas du libre choix entre un orthodontiste non conventionné situé à proximité et un praticien conventionné à 45 km, la mise en place des réseaux ne règle pas nécessairement – voire pourrait aggraver – le problème des déserts médicaux.
Par ailleurs, la modulation de la prise en charge de ces prestations selon le choix du patient de recourir ou non à un professionnel membre d'un réseau nous semble défier les principes de notre système de santé, fondé notamment sur l'équité et le libre choix du patient, sans pour autant résoudre le problème du reste à charge. Certes, en fixant les modalités de fonctionnement des réseaux de soins – qui n'étaient encadrés par aucune disposition législative ou réglementaire –, les amendements apportés au texte tant à l'Assemblée qu'au Sénat ont permis de limiter le risque de discrimination induit par l'article 2. Le bilan annuel sur la base d'un rapport du Gouvernement, prévu à l'article 3, constitue également un point positif. Mais l'économie générale du texte n'a pas fondamentalement changé, le véritable écueil du dispositif proposé – qui n'amène aucune amélioration de la qualité des prestations, et risque même de la dégrader – résidant dans la mise en cause de la liberté de choix. Les amendements que nous avons déposés visent ainsi à préserver la liberté, pour le patient, de choisir le professionnel ou l'établissement de soins, et pour le professionnel, de s'intégrer ou non à un réseau.
Pour autant, fallait-il ouvrir à ce point le champ des réseaux de soins ? Au départ, le texte visait le secteur dentaire, l'optique et l'audioprothèse, mais la rédaction actuelle de l'article 2 fait référence aux professionnels, aux établissements et aux services de santé. Le texte semble ainsi introduire un système parallèle de sécurité sociale et de soins, qui contredit les fondements et les objectifs de notre édifice de protection sociale obligatoire. Il confirme donc, voire dépasse nos craintes. En effet, il met en place un paradis artificiel ; au prétexte d'améliorer la prise en charge des dépenses d'optique, vous avez perdu de vue la vocation républicaine de notre système de protection sociale que vous mettez entre les mains des organismes mutualistes. Dans ces conditions, à défaut d'une inversion radicale de la logique du texte, le groupe UDI sera conduit à voter contre la proposition de loi.
Contrairement à M. Door, nous savons très bien pourquoi nous sommes là. Ce texte – qui, conformément à l'engagement du ministre chargé des relations avec le Parlement, sera voté avant le 15 janvier – amène une réforme structurelle qui, loin de réduire les droits des Français, est porteuse de progrès. Il s'agit, en effet, de maîtriser et de faire baisser les prix et les tarifs dans des domaines où, depuis des années, les organismes complémentaires – et notamment les assurances – les ont fait exploser. Ce matin, le responsable d'un réseau d'optique déclarait sur une chaîne de radio de grande écoute que seuls les Français qui paient une assurance complémentaire à 2 000 euros peuvent se permettre des lunettes chères. Le système apparaît donc actuellement dérégulé, et les réseaux devraient offrir aux organismes d'assurance maladie complémentaire un début d'encadrement. Cela ne signifie ni le désengagement de l'assurance maladie obligatoire – qui devra reconquérir ces domaines où aujourd'hui elle intervient si peu – ni le transfert de tous les pouvoirs aux organismes complémentaires. Au contraire, le texte qui nous revient du Sénat apparaît parfaitement équilibré, notamment du point de vue des garanties, dont la moindre n'est pas de prévoir une évaluation régulière du dispositif qui nous permettra de rester attentifs à l'application de ce texte afin, si nécessaire, de l'améliorer.
Je suis surpris de voir les représentants de l'opposition mettre aujourd'hui les mutuelles à l'encan, alors qu'ils n'avaient de cesse de les défendre – au détriment des instituts de prévoyance – lorsque l'on discutait de la façon de répondre aux appels d'offre concernant les contrats collectifs pour les salariés des entreprises. Il leur faudra assumer cette contradiction.
Je suis également étonné de vous entendre dire qu'avec ce texte, on démantèlerait le système républicain de protection sociale en le mettant entre les mains des mutuelles. C'est pourtant vous qui avez instauré, au travers des exonérations sociales et fiscales, des aides publiques aux contrats collectifs qui s'élèvent à 226 euros par contrat, soit près de 3 milliards d'euros au total ; la majorité de ces contrats sont pourtant gérés par des instituts de prévoyance ou des assurances, beaucoup moins par des mutuelles. Le contrat Madelin par exemple représente 260 euros d'aides publiques par contrat, soit 215 millions d'euros au total. En revanche, les contrats individuels ne font l'objet d'aucune aide publique, alors que les mutuelles subissent bien les taxes que vous avez instituées et progressivement augmentées. Entre les classes A et E des différents contrats individuels, la prise en charge des produits d'optique peut varier de 140 à 1 400 euros. L'article au titre révélateur – « Les Français sacrifient leur vue » – paru dans Le Parisien du 14 septembre 2013 montre que cette dégradation tient non seulement à la difficulté d'obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, mais surtout au coût élevé des lunettes. Il est urgent que les réseaux permettent aux adhérents des mutuelles d'accéder à ces prestations ; c'est pourquoi nous voterons en faveur de ce texte.
N'oubliez pas que les réseaux de soins en question existent depuis plusieurs dizaines d'années déjà. Nous ne créons rien ; nous mettons simplement fin à une inégalité de traitement entre organismes complémentaires. Depuis un an, plusieurs rapports – notamment celui de la Cour des comptes et celui du HCAAM – sont venus souligner l'intérêt des réseaux en matière de régulation et de diminution des restes à charge pour les patients.
Je remercie MM. Sebaoun, Paul et Bapt d'avoir rappelé les enjeux de la proposition de loi et son évolution au fil du travail législatif qui l'a considérablement enrichi. Le texte me semble aujourd'hui équilibré et satisfaisant.
Monsieur Door, grâce aux amendements adoptés par la Commission, donc au travail parlementaire, les points qui vous préoccupaient au moment du débat sur la loi Fourcade – non-discrimination du choix du professionnel de santé, absence de clause d'exclusivité, liberté de choix du patient – sont satisfaits par la proposition de loi. En posant la question de l'encadrement et des principes de fonctionnement des réseaux de soins, ce texte va bien plus loin que les initiatives législatives précédentes.
Monsieur Roumegas, les réseaux de soins ne constituent qu'un instrument et non la globalité de la politique de santé, et des réformes beaucoup plus profondes restent évidemment nécessaires. Depuis un an, le Gouvernement et notre majorité en ont déjà mené plusieurs : régulation des dépassements d'honoraires à travers l'avenant 8 de la convention médicale ; plafonnement des dépenses dans le cadre de la rénovation des contrats solidaires et responsables dans le PLFSS. Les questions globales sont donc traitées par ailleurs, au sein d'autres textes passés et à venir.
La concentration du secteur mutualiste représente une vraie question ; liée aux évolutions économiques du secteur et aux normes européennes, elle dépasse cependant l'enjeu des réseaux de soins et l'objet de ce texte. Quant aux déserts médicaux et aux zones sous-dotées, ils préexistent à cette proposition de loi ; si celle-ci prévoit plusieurs garanties pour que la situation ne s'aggrave pas, elle ne saurait combler les inégalités de répartition géographique qui exigent d'être combattues par d'autres instruments législatifs.
Monsieur Richard, avez-vous bien suivi les évolutions de la proposition de loi ? Partis d'une situation où le fonctionnement des réseaux de soins ne faisait l'objet d'aucune régulation, nous arrivons aujourd'hui à un texte qui précise que les conventions comportant des stipulations tarifaires ne concernent que les professions dans lesquelles la part de remboursement de l'assurance maladie obligatoire est minoritaire, à savoir les opticiens, les chirurgiens-dentistes et les audioprothésistes.
Enfin, qui trahit la vocation républicaine de notre système de santé : nous qui oeuvrons aujourd'hui en faveur de l'amélioration de l'accès aux soins ou vous qui avez pendant les dix dernières années mené des politiques de déremboursement de l'assurance maladie, de dérégulation du système et de creusement des inégalités ? Il me semble qu'en cette matière, nous n'avons pas de leçons à recevoir.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Article 2 : Conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels, services et établissements de santé
La Commission est saisie de l'amendement AS2 de M. Dominique Tian.
La proposition de loi Le Roux est retirée de l'agenda de l'hémicycle ; son éventuelle réinscription constituerait une mauvaise nouvelle pour les professionnels de santé. En effet, le groupe UMP estime qu'elle remet en cause le libre choix des professionnels et des établissements de soins, et entend la combattre avec énergie. Si ce texte réapparaît à l'ordre du jour, c'est Marie-Christine Dalloz qui sera le porte-parole de notre groupe.
Les débats au Sénat ne nous ont pas rassurés ; M. Daudigny a ainsi indiqué qu'il souhaitait limiter les réseaux fermés au secteur de l'optique, considérant que contrairement à la situation des chirurgiens-dentistes et des audioprothésistes, la démographie et le nombre de magasins de cette filière justifiaient le recours à cet outil de régulation. Tout cela dénote une absence de réflexion. Portée par le président du groupe SRC, cette proposition de loi apparaît éminemment politique ; les professionnels et les établissements rejettent cet instrument qui signe la fin de la médecine libérale en France, voire celle du libre choix et de la sécurité sociale elle-même.
L'alinéa 4 de l'article 2 éclaire le but poursuivi par les réseaux de soins des organismes d'assurance maladie complémentaire : l'instauration d'un conventionnement individuel des médecins libéraux, des établissements de santé et des services de soins à des fins tarifaires. Nous souhaitons atténuer les effets extrêmement néfastes de cette disposition.
Monsieur Tian, les propositions de loi du groupe SRC ont toujours pour premier signataire le président du groupe.
Avis défavorable. La rédaction de l'amendement et l'exposé des motifs ne tiennent pas compte des évolutions apportées au texte par le Sénat. Les conventions comportant des clauses tarifaires ne concerneront que trois professions : les chirurgiens-dentistes, les opticiens-lunetiers et les audioprothésistes. Même pour ces trois professions, vous proposez de condamner la logique des réseaux de soins qui représentent pourtant un outil susceptible de peser sur les prix et de faire diminuer le reste à charge pour les patients. Notre philosophie et notre objectif politique s'opposent en tout point à votre amendement.
Si le texte ne concerne que trois professions, il ne sert à rien. On est loin d'une réforme majeure ! Pourquoi ne pas restreindre encore le champ de la proposition de loi pour en exclure l'ensemble des professions ?
Votre position est incohérente. Vous exigez d'abord l'encadrement des réseaux de soins, mais une fois qu'ils sont encadrés, vous vous y opposez. Si vous tenez pour négligeable le fait que nos concitoyens puissent avoir des lunettes ou des audioprothèses moins chères, nous y voyons au contraire un enjeu important.
Monsieur Tian, votre exposé des motifs montre que vous n'avez pas lu le texte. D'une part, vous évoquez le conventionnement individuel des médecins libéraux, pourtant exclus du dispositif à l'article suivant ; d'autre part, vous négligez le constat de santé publique : la qualité moyenne de la vue des Français ne cesse de baisser en raison du prix des lunettes. Votre amendement, qui répond à des considérations idéologiques, apparaît totalement inacceptable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS3 de M. Dominique Tian.
C'est vous qui, au nom d'une vision idéologique, exigez l'accès à des lunettes bon marché, quitte à mettre à mal la profession des opticiens et l'industrie de fabrication de la lunette en France. Comment louer le « made in France », voire le « made in Jura », défendre la relocalisation et prétendre valoriser la production française si l'on n'hésite pas, en même temps, à démanteler une filière économique ? Vous ne voyez les choses qu'au prisme du prix, laissant de côté la qualité du produit et ses performances dans le traitement des pathologies de la vue. Nous dénonçons cette promotion des accords commerciaux entre certains réseaux et les assureurs ou mutuelles.
Avis défavorable. L'amendement est satisfait par la nouvelle rédaction du texte qui exclut les médecins des clauses tarifaires. L'alinéa 9 proscrit également la modulation de la prise en charge par les organismes complémentaires en fonction du choix de l'assuré de recourir ou non à un médecin ayant intégré un réseau.
Les médecins n'étant pas concernés par la question des tarifs, vous n'avez manifestement pas lu le texte. En revanche, vous aviez vous-même voté des dispositions allant dans le même sens : la loi de 2004 instaure ainsi le parcours de soins, les personnes qui ne le respectent pas étant désormais moins remboursées que celles qui le respectent. Votre argumentation apparaît donc totalement incohérente par rapport à vos propres initiatives législatives.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement AS4 de M. Dominique Tian.
Cet amendement porte toujours sur le problème des mutuelles, unions et fédérations relevant du code de la mutualité, qui pourraient imposer à leurs adhérents une prise en charge différenciée. Même si les professionnels de santé sont exclus du système, l'alinéa 4 précise qu'il s'agit de « conventions comportant des engagements relatifs, pour l'organisme assureur, au niveau ou à la nature des garanties ou, pour le professionnel, l'établissement ou le service, aux services rendus ou aux prestations ainsi qu'aux tarifs ou aux prix ». De quels tarifs et prix s'agit-il ici ? Normalement, les conventions ne pourront pas comporter de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l'assurance maladie. En soulignant qu'il faut continuer à respecter le libre choix des patients, y compris dans le cadre des conventions avec des assureurs multiples et complémentaires, notre amendement va donc dans le bon sens. Il doit permettre de s'assurer que l'on interprète l'alinéa 4 de la même façon.
Les talents de l'opposition s'usent à défendre des amendements qui ne se rapportent pas au texte débattu. L'enjeu de la proposition de loi est de limiter le reste à charge pour les patients et de définir le contenu des conventions en matière de prise en charge complémentaire par les mutuelles. Le Sénat ayant modifié le champ d'application du texte initialement prévu, l'amendement apparaît hors sujet.
Je voudrais également contester l'idée extravagante selon laquelle une diminution du reste à charge des patients ferait également baisser la qualité de l'équipement. Fixer des garanties mutualistes ou assurantielles dans le cadre d'accords avec les fournisseurs n'entrave en rien le libre choix. Quand on sait que sur le moindre équipement de lunettes, la marge brute oscille entre 65 et 72 %, on a toute latitude pour améliorer la situation ; il suffit pour cela de privilégier l'accès aux soins de nos concitoyens et non la garantie de bénéfices exorbitants des centres d'optique. Nous faisons le choix de permettre à tous de s'offrir des lunettes. En outre, l'augmentation du volume des ventes qu'entraînera l'amélioration de la prise en charge viendra ensuite compenser les pertes causées par la baisse des marges. La proposition de loi possède ainsi une cohérence à la fois économique et sociale.
Avis défavorable. Au terme de son passage au Sénat, le texte précise que les trois types d'organismes complémentaires peuvent passer des conventions avec les professionnels, services ou établissements de santé. En revanche, seules les trois professions pour lesquelles la part du remboursement de l'assurance maladie obligatoire est minoritaire sont concernées par les conventions comportant des clauses tarifaires. En l'occurrence, les conventions portent sur les tarifs libres et non sur ceux fixés par l'assurance maladie.
L'alinéa 9 précise également que pour les médecins, il ne pourra pas y avoir de remboursement différencié selon que le patient consulte un praticien faisant ou non partie d'un réseau. Le texte offre ainsi toutes les garanties nécessaires.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS5 de M. Dominique Tian.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent que les médecins contractent individuellement avec des organismes très puissants – 1,8 milliard d'euros de chiffre d'affaires pour la Matmut, 2 milliards d'euros pour la MGEN. Ces conventions individuelles risquent d'être d'autant plus déséquilibrées que la proposition de loi est silencieuse sur les garanties accordées au co-contractant en situation d'infériorité. La Fédération nationale des opticiens de France résume très bien cette situation en renvoyant aux pratiques catastrophiques des assureurs avec leur réseau agréé en matière de réparation automobile. Dans sa rédaction actuelle, c'est à cela que le texte aboutira !
Il serait tout à fait inhabituel que les professionnels de santé signent des conventions individuelles et non des contrats types, pour pouvoir exercer leur métier. Le présent amendement prévoit donc qu'une convention type soit préalablement fixée par un décret en Conseil d'État. Si l'on ne s'assure pas que la négociation prendra en compte les impératifs de santé publique, on s'expose à une dérive majeure.
Le texte dont nous débattons ce matin ressemble trait pour trait à la proposition de loi de MM. Fourcade, Door, Bur, Leonetti et quelques autres. Par la magie de l'alternance, cette réforme structurelle tout à fait bienvenue est devenue une proposition diabolique, tout comme deviennent diaboliques les dizaines de millions de Français qui ont choisi de se regrouper dans le mouvement mutualiste, lequel, à vous entendre, serait une perversion extraordinaire de l'histoire sociale !
Je rappelle que la mutualité permet depuis plus d'un siècle à ses adhérents de défendre leurs intérêts en matière de santé et de mutualiser, par leurs cotisations, les conditions d'accès à l'offre de soins, notamment dans les domaines abordés dans ce texte. La violence de vos attaques est sidérante ! Ce sera d'ailleurs un des enseignements de ce débat : vous considérez que le mouvement mutualiste n'a plus sa place dans la protection sociale.
Sans compter les accusations portées contre les spécialistes de la réparation automobile !
Je suis surpris, madame Dalloz, par ce soudain engouement pour une économie administrée limitant la liberté de contracter. Si cette liberté était si choquante, pourquoi n'envisagez-vous pas de la retirer aux instituts de prévoyance et aux assurances, qui sont déjà libres de contracter avec leur réseau de soins ?
Le texte, je le rappelle, a pour seul objet d'ouvrir les mêmes droits à tous les acteurs de la complémentaire santé. Pourquoi prévoir un décret en conseil d'État uniquement lorsqu'il s'agit de la branche mutualiste ?
J'invite M. Paul à garder son calme !
Dans la loi « Fourcade », notre proposition visait en effet à remédier à l'insécurité juridique des mutuelles, qui n'étaient pas sur un pied d'égalité avec les autres assureurs. Mais la question est celle du libre choix du praticien et du respect des tarifs et des prix.
Il m'est arrivé, en tant que professionnel de santé, de recevoir des patients dans le cadre de réseaux de soins de sociétés d'assurances, mais sans qu'il y ait jamais de modulation de prix par rapport aux conventions médicales majoritaires. Il était seulement souhaité que le praticien ne soit pas en secteur 2.
La proposition de loi du parti socialiste allait beaucoup plus loin : elle exigeait des réductions de tarifs. Une amélioration a été apportée sur ce point, mais le problème des opticiens reste entier. Prenons garde à une dérive vers le low cost. Le risque est que les professionnels se tournent vers l'étranger pour faire fabriquer les lunettes et les prothèses. En République tchèque, par exemple, les lunettes coûtent trois fois moins cher qu'en France. Les prothèses dentaires, elles, viendront de Chine ou d'Inde.
La loi « Fourcade » de 2011 prévoyait que les conventionnements se fassent dans le cadre de réseaux ouverts, auxquels chaque professionnel qui en faisait la demande et qui répondait aux conditions fixées par le gestionnaire du réseau devait pouvoir adhérer. Un décret devait fixer les règles de tout conventionnement souscrit entre les professionnels de santé et les mutuelles. Mon amendement est donc parfaitement cohérent. Enfin, l'Autorité de la concurrence devait remettre tous les trois ans aux commissions permanentes chargées des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les réseaux de soins.
S'agissant des supposés charmes de l'économie administrée, monsieur Ferrand, n'inversons par les rôles. C'est vous qui êtes en train de découvrir les charmes de l'économie libérale à travers le seul prisme de la mutualité française. Votre texte prévoit des accords exclusivement commerciaux, au détriment de la santé publique !
L'intention de permettre à tous l'accès à des produits de qualité et de limiter le reste à charge pour le patient est bonne. Vous le savez cependant, notre pays vient de vivre un immense scandale, celui des prothèses PIP. Si vous contraignez les prix, les professionnels de santé trouveront sans nul doute des solutions pour fournir le produit demandé au prix demandé. Mais vous négligez totalement la question de la qualité. Or, en matière de lunettes, de prothèses et de dentisterie, le risque est réel de voir arriver des produits fabriqués on ne sait où, on ne sait comment et avec on ne sait quels composants. Au lieu de tirer les conséquences des scandales sanitaires, vous semez le germe de ceux qui pourront survenir demain !
Concernant la qualité, monsieur Barbier, les données qui figurent dans mon rapport – mais aussi dans ceux du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et de la Cour des comptes – démentent vos propos. Dans le réseau Santéclair, par exemple, les verres d'entrée de gamme représentent un quart des remboursements, contre trois quarts pour les verres haut de gamme.
S'agissant de l'encadrement et du fonctionnement des réseaux, la proposition de loi pose déjà des principes. Nous maintenons notre avis négatif sur un décret pris en Conseil d'État. Définir une convention type au niveau national est une solution trop rigide, inadaptée à la spécificité des professionnels de santé, des conventions conclues par les organismes complémentaires et des territoires. Si certaines conventions sont négociées dans le cadre de discussions nationales avec les organisations représentatives de professionnels – une convention lie par exemple la Mutualité fonction publique et la Confédération nationale des syndicats dentaires –, dans d'autres secteurs comme celui de l'optique, la représentation professionnelle est trop éclatée pour que l'on puisse mener une discussion nationale. Non seulement une convention type ne serait pas applicable à tous les réseaux, mais elle remettrait en cause les réseaux existants.
Comme en première lecture, avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS25 de M. Arnaud Richard.
Les quatre amendements que nous avons déposés ont tous pour objectif de défendre le principe de liberté dans les conventionnements et d'empêcher que l'on revienne à un système de désignation-recommandation. Tout professionnel de santé qui se verrait refuser le conventionnement doit réitérer sa demande. Nous demandons à cet effet qu'il soit informé des raisons de ce refus. Ce serait un gage de transparence du processus de sélection, qui doit reposer, comme l'a dit la rapporteure, sur une concurrence par les mérites.
Cette préoccupation est satisfaite par les précisions que nous avons apportées en première lecture quant aux critères objectifs et transparents qui doivent présider à la sélection des professionnels. En outre, l'ajout proposé relève davantage du niveau réglementaire. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS17 de Mme Bérengère Poletti.
Tout professionnel de santé doit pouvoir, s'il le souhaite, adhérer à un réseau de soins sans discrimination dès lors qu'il respecte les termes du conventionnement. À défaut, une motivation expresse doit lui permettre de tenter de répondre aux conditions pour y accéder à nouveau.
J'ai déjà répondu au sujet du décret.
S'agissant de l'ouverture des réseaux, une modification apportée lors de la lecture au Sénat précise bien que les réseaux fermés, quand ils existent, ne pourront concerner que les professionnels de l'optique. Il ne s'agit pas d'une systématisation des réseaux fermés dans ce secteur mais du maintien d'une possibilité. Je rappelle que 90 % des réseaux fermés existants concernent l'optique.
En outre, l'Autorité de la concurrence a estimé que ce type de réseau ne provoquait pas de distorsion de concurrence ou d'entrave à l'accès aux soins.
Pour que la mise en oeuvre de réseaux de soins ait un intérêt, il faut que les professionnels de l'optique aient la garantie qu'ils auront un nombre suffisant de patients lorsqu'ils y seront entrés. Étant donné le surnombre d'une profession qui, pour reprendre la formule du rapporteur du Sénat, M. Yves Daudigny, se met en danger elle-même faute de réguler sa démographie, nous considérons que les réseaux fermés ont ici un intérêt et une légitimité. Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, le nombre des opticiens a augmenté de 136 % entre 2000 et 2011.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie des amendements identiques AS16 de Mme Bérengère Poletti et AS21 de M. Arnaud Richard.
Il est essentiel que les conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les opticiens-lunetiers soient ouvertes – comme c'est le cas pour les autres professions de santé –, afin que soient garantis les principes fondateurs du système de santé français : libre choix par l'assuré de son praticien, libre choix par l'assuré de son équipement, libre reste à charge. L'instauration d'un nombre limité d'adhésions pour les opticiens-lunetiers créerait une rupture du principe constitutionnel d'égalité pour ces professionnels, qui ne serait pas justifiée par une différence de situation face aux autres professionnels de santé.
Les opticiens doivent pouvoir conclure des conventions avec les complémentaires santé sans être inquiétés par une logique de quotas qui porterait atteinte au principe d'égalité entre les membres d'une même profession.
La proposition de loi ne porte nullement atteinte au libre choix par l'assuré de son praticien et de son équipement. Quant au reste à charge, il est aujourd'hui trop élevé et il est de notre devoir de permettre qu'il diminue afin que tous accèdent à la santé. Vous défendez une liberté inaccessible à ceux qui ne peuvent se la payer !
De même, la limitation des adhésions ne porte nullement atteinte à la liberté d'entreprendre. Quiconque veut entreprendre, en quelque domaine que ce soit, peut le faire et pourra continuer à le faire, même s'il lui faudra s'insérer dans un processus conventionnel avec les principaux payeurs. Le conventionnement ne fait que garantir la solvabilisation du besoin social. La satisfaction des besoins sociaux et la santé ne se limitent pas à un commerce !
L'exposé sommaire de l'amendement AS16 laisse entendre que la démographie des opticiens et celle des dentistes seraient équivalentes. Pourtant, entre 2012 et 2013, la population des premiers a augmenté de 2 330, celle des seconds de 234, soit un écart d'un à dix ! Entre 2000 et 2012, le nombre de points de vente de lunetterie-optique est passé de 10 000 à 25 000. Dans cette même période ont été constitués et développés des réseaux fermés dont l'existence, on le voit, n'a pas eu d'impact sur le nombre d'opticiens.
Je rappelle aussi que les conventionnements ne comportent pas de clause d'exclusivité. Un professionnel de santé peut adhérer, s'il le veut, à plusieurs réseaux. Par ailleurs, le recours à un réseau de soins par une complémentaire n'emporte aucun effet automatique. S'agissant des professionnels de santé, les patients suivent les recommandations de leur assurance complémentaire pour 50 à 60 % des prescriptions.
Avis défavorable.
La Commission rejette les amendements identiques.
Elle examine, en discussion commune, les amendements AS6 de M. Dominique Tian et AS22 de M. Arnaud Richard.
La proposition de loi est silencieuse quant au caractère ouvert ou fermé des réseaux de soins. L'article 56 du PLFSS pour 2014 prévoit déjà un plafonnement par catégories de prestations qui vise de façon non explicite mais évidente le matériel optique. Il faudrait à tout le moins apporter des éclaircissements. À défaut, nous proposons par l'amendement AS6 de préciser que les réseaux de soins constitués par un organisme d'assurance maladie complémentaire, en application des conventions conclues sous l'égide de l'article L. 863-8 du code de la sécurité sociale, sont ouverts aux professionnels de santé, établissements de santé et services de soins qui en font la demande, dès lors qu'ils respectent les conditions fixées par le gestionnaire du réseau.
Il faut en effet faire le lien entre les différents textes soumis à notre examen. Notre présidente a d'ailleurs eu le courage de dire hier dans l'hémicycle ce qu'elle pensait des dispositions du projet de loi relatif à la consommation concernant la vente des produits pour lentilles de contact dans les grandes surfaces.
L'amendement AS22 vise à permettre à tous les professionnels de santé qui le demandent de rejoindre un réseau de soins, afin de garantir le libre choix par l'assuré de son praticien.
J'ai déjà répondu longuement au sujet du maintien des réseaux fermés pour l'optique. Avis défavorable aux deux amendements.
La Commission rejette successivement les amendements AS6 et AS22.
Elle en vient à l'amendement AS24 de M. Arnaud Richard.
Amendement rédactionnel : l'organisme assureur propose des garanties de remboursement et non des droits.
Le terme de « garanties » est moins précis que celui de « droits ». Il n'inclut pas le tiers payant, par exemple. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AS7 de M. Dominique Tian.
Parmi les informations que l'organisme assureur doit fournir à ses assurés ou adhérents, nous souhaiterions que figure le niveau de ses frais de gestion au regard de son chiffre d'affaires santé. Cela permettrait une vraie transparence et une vraie concurrence. Alors que ces frais sont de 4 % pour l'assurance maladie obligatoire, ils atteignent en moyenne 22 % des primes pour les mutuelles santé, et même 32,5 % pour les contrats individuels contre 19,3 % pour les contrats collectifs. Ce n'est pas supportable !
Vous n'êtes pas sans savoir que l'arrêté du 26 septembre 2012 fait obligation aux mutuelles de communiquer leurs frais de gestions aux adhérents à partir du 1er janvier 2014. Du reste, la proposition de loi porte sur les réseaux de soins et non sur les frais de gestion des mutuelles.
Je constate une nouvelle fois, à la lecture de l'exposé sommaire, que vous ne visez ni les assurances ni les instituts de prévoyance, mais spécifiquement les mutuelles dont vous vous faisiez pourtant, lors de la discussion du PLFSS, les ardents défenseurs !
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS8 de M. Dominique Tian.
L'amendement prévoit qu'un décret en Conseil d'État apporte des garanties concrètes en fixant précisément les règles de tout conventionnement par l'ensemble des organismes complémentaires. Il s'agit là aussi de rendre clair et lisible un texte qui ne l'est aucunement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Évaluation des réseaux de soins
La Commission est saisie de l'amendement AS11 de M. Dominique Tian.
L'article 3 ne prévoit la remise d'un rapport annuel au Parlement que pour une période de trois ans. Le texte pouvant avoir des conséquences non négligeables en matière de santé publique, nous souhaitons supprimer cette limitation.
Avis défavorable. Une clause de revoyure est évidemment prévue au terme de ces trois ans. Nous déciderons de la suite au vu des trois rapports dont nous disposerons alors.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS12 de M. Dominique Tian.
Nous ignorons toujours si cette proposition de loi a fait l'objet d'une étude d'impact et d'une concertation préalable. Parmi les professionnels de la santé optique que j'ai rencontrés, aucun n'a été consulté.
Le texte étant porteur d'effets pervers potentiels très lourds sur notre système de soins, nous proposons qu'un rapport annuel sur le fonctionnement des réseaux de soins soit publié par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. La qualité des travaux de cette instance pluraliste, associant les partenaires sociaux et les syndicats représentatifs des professionnels de santé, est unanimement reconnue.
À ma connaissance, il n'est pas prévu d'étude d'impact en ce qui concerne les propositions de lois.
En tout état de cause, l'amendement est satisfait. Il reviendra au Gouvernement de décider de l'organisme qui sera chargé de préparer le rapport prévu à l'article 3. Avis défavorable.
Selon les dispositions consécutives à la réforme constitutionnelle de 2008, les projets de loi doivent faire l'objet d'une étude d'impact mais ce n'est pas le cas des propositions de loi.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS13 de M. Dominique Tian.
Je ne crois pas que l'amendement AS12 soit satisfait. Le texte présente une réelle carence en matière de concertation préalable et de droit de regard ultérieur. Sur ce sujet fondamental de santé publique, il conviendrait de mettre l'ensemble des professionnels et des syndicats autour de la table et d'examiner les solutions médicales en les mettant en regard de données financières. Je trouve navrant que vous vouliez occulter ce point.
On peut exprimer son désaccord sans dire des choses erronées. De manière tout à fait ouverte et conforme à la procédure, avant la première lecture de cet texte, j'ai mené quelque quinze auditions avec l'ensemble des représentants des professions concernées. Vous en trouverez la liste à la fin de mon rapport.
Avis défavorable à l'amendement AS13, que vous n'avez pas défendu.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS10 de M. Dominique Tian.
Nous proposons que l'Autorité de contrôle prudentiel remette au Parlement, à compter d'un an après la promulgation de la loi, un rapport annuel détaillant les coûts de gestion pour chaque organisme de protection complémentaire. Les coûts s'envolent, ces organismes ont une vision exclusivement financière, mais vous ne voulez pas l'admettre !
L'amendement est sans lien avec le dispositif de l'article 3. J'ai répondu par ailleurs sur les coûts de gestion des mutuelles. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS9 de M. Dominique Tian.
La majorité gouvernementale accorde par ce texte de très fortes prérogatives aux organismes de protection complémentaire mais refuse, au détriment des assurés sociaux, de mettre un terme à l'opacité qui entoure leurs frais de gestion.
La date d'application qui figure dans l'amendement est, comme en première lecture, le 1er janvier 2013 ! Pour le reste, je vous confirme que les mutuelles auront obligation d'indiquer aux assurés le montant de leurs frais de gestion à compter du 1er janvier 2014. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 sans modification.
Titre
La Commission est saisie de l'amendement AS1 de M. Dominique Tian, tendant à modifier le titre de la proposition de loi.
Aucun de nos amendements n'ayant été retenu, nous proposons ce nouvel intitulé : « Proposition de loi visant à permettre aux mutuelles d'instaurer des remboursements différenciés selon que les assurés ont recours ou non à un professionnel, un établissement ou un service de santé membre de l'un de leurs réseaux de soins ». Ce serait plus clair quant à vos intentions et quant aux effets que ce texte produira inévitablement.
En première lecture, M. Tian trouvait par trop hermétique le titre de la proposition de loi, que le Sénat a depuis clarifié et simplifié. En passant sous silence les réseaux développés par les sociétés d'assurance et les instituts de prévoyance, celui que vous proposez ici trahit une nouvelle fois votre obsession de la dénonciation des réseaux mutualistes. Il ne rend absolument pas compte du travail législatif qui modifie et encadre le fonctionnement de l'ensemble des réseaux de soins. Avis défavorable.
Cette façon de revenir sans cesse sur les mutuelles a de quoi étonner, en effet. Il ne s'agit pourtant que d'aligner leur situation juridique sur celle des sociétés d'assurance, qui ont déjà le loisir de s'organiser en réseau.
Je précise aussi que les frais de gestion des assurances en matière de prévoyance santé sont plus élevés que ceux des mutuelles.
Bref, cet amendement ne traduit rien d'autre qu'une incompréhensible volonté de stigmatisation. Je vous invite, madame Dalloz, à observer la façon dont les autorités d'autres pays européens, y compris lorsqu'elles sont proches de votre famille politique, essaient de rendre leur système de santé plus efficace !
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
La Commission procède ensuite à l'examen en première lecture, sur le rapport de M. Olivier Véran, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la santé (n° 1336).
Ce texte très technique vise à assurer la transposition de directives et la mise en conformité avec le droit communautaire dans le domaine de la santé. Déposé en août dernier, il est inscrit à l'ordre du jour de notre Assemblée le 19 décembre.
Ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de santé vise à remplir l'obligation constitutionnelle d'application du droit communautaire qui découle de l'article 88-1 de la Constitution.
L'adaptation au droit européen implique une retranscription fidèle et précise de dispositions que le législateur national ne peut pas modifier sur le fond. Mais les textes européens confèrent également des marges de manoeuvre, comme nous le verrons au cours de cet examen.
Il nous revient de traduire dans le droit national les objectifs fixés par plusieurs directives européennes, ce qui n'est nécessaire que dans la mesure où les dispositions nationales n'y satisfont pas déjà. De manière plus contraignante, il nous revient également d'adapter le droit national à un règlement européen. Contrairement à la directive, le règlement est directement applicable, mais ses dispositions peuvent être reprises à des fins d'accès au droit ; elles peuvent également être complétées, dans la mesure où le règlement l'autorise.
Enfin, lorsque la Commission européenne, gardienne des traités, constate que le droit national contrevient au droit européen ou qu'il existe un retard dans la transposition des directives, elle peut engager une procédure d'infraction pour inviter l'État membre à mettre sa législation en conformité. L'État s'expose alors à de lourdes sanctions financières. Aussi, dans tous les cas de figure, une adaptation aussi rapide et complète que possible est nécessaire.
Les mesures d'adaptation visent tout d'abord à parachever la réalisation de la libre circulation des patients en Europe. Les articles 1er, 2 et 7 complètent la transposition des dispositions de la directive du 9 mars 2011 relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
Ce droit est d'ores et déjà largement effectif en France. L'attractivité de notre système de soin nous conduit d'ailleurs à dégager chaque année des excédents : les montants remboursés aux régimes français au titre des soins reçus en France par des personnes affiliées dans d'autres États membres – 615 millions d'euros en 2012 – sont systématiquement supérieurs aux montants des dépenses de santé remboursées par la France au titre de soins reçus dans les autres États membres par des assurés français – 481 millions d'euros en 2012.
La directive conduit à compléter deux aspects du droit existant.
Elle prévoit tout d'abord que les États membres reconnaissent la validité des prescriptions médicales établies dans d'autres États membres pour les médicaments autorisés sur leur territoire. En conséquence, l'article 7 harmonise le contenu des prescriptions transfrontalières de médicaments biologiques au sens du droit européen, c'est-à-dire les médicaments biologiques au sens du code de la santé publique ainsi que les médicaments biologiques similaires, les médicaments immunologiques, les médicaments dérivés du sang et les médicaments de thérapie innovante. La prescription doit comporter la dénomination commune internationale (DCI) des principes actifs d'une part, le nom de marque de la spécialité pharmaceutique d'autre part.
Cependant, la reconnaissance des prescriptions dans les soins transfrontaliers ne sera pleinement effective qu'à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, qui a prévu l'obligation de prescription en dénomination commune internationale pour l'ensemble des spécialités. Au préalable, la Haute Autorité de santé (HAS) doit certifier les logiciels de prescription en DCI. Les décrets d'application devraient paraître prochainement et, conformément à la loi, au plus tard le 1er janvier 2015.
La directive prévoit en outre que les prestations de santé délivrées dans les États membres doivent être couvertes par une assurance en responsabilité ou par une garantie équivalente. L'obligation d'assurance en responsabilité civile professionnelle est pleinement effective en France pour toutes les professions de santé. Cependant, elle ne s'étend pas aux actes effectués par des ostéopathes et chiropracteurs, qui ne sont pas reconnus comme professionnels de santé mais qui entrent dans le champ de la directive, puisqu'ils exercent dans le domaine des soins et que leur activité est réglementée.
L'article 1er instaure cette obligation d'assurance. Les patients bénéficieront ainsi des mêmes garanties que pour les soins prodigués par des professionnels de santé, soit jusqu'à 8 millions d'euros par sinistre et 15 millions d'euros par année. En pratique, ces plafonds sont proches de ceux des contrats de groupe qui couvrent aujourd'hui la plupart des ostéopathes et chiropracteurs ; les primes sont peu élevées car les sinistres sont rares. Mais prévoir cette garantie dans la loi est indispensable : il existe en effet plus de 19 000 ostéopathes non médecins en France et ce nombre va doubler dans les prochaines années en raison de la trop grande facilité avec laquelle, entre 2007 et 2012, des organismes privés de formation ont bénéficié d'un agrément. Les nouveaux arrivants disposent en conséquence de formations et de pratiques cliniques hétérogènes, ce qui pourrait entraîner à l'avenir une hausse des sinistres. À cet égard, je me félicite que la ministre des affaires sociales et de la santé ait engagé la réforme du secteur de l'ostéopathie, qui relève du règlement, en concertation avec les professionnels concernés. Il s'agit de mieux définir une formation de qualité et de durcir les critères d'agrément des instituts de formation. De nouveaux décrets sont attendus pour le printemps prochain.
L'article 2 prévoit les sanctions applicables en cas de manquement à l'obligation d'assurance.
En deuxième lieu, le projet de loi adapte les dispositions du code de la santé publique au règlement européen du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. C'est l'objet de l'article 3.
Le règlement européen se substitue à une directive du 27 juillet 1976 plusieurs fois remaniée et qui était transposée de manière variable dans les différents États membres.
L'unification des règles applicable dans l'Union représente une simplification administrative importante et remarquée, à laquelle nos entreprises du secteur de la beauté ont intérêt. La France est le leader mondial dans ce domaine. Les deux tiers de notre production sont exportés. Le secteur, troisième contributeur de notre balance commerciale avec un excédent de 7 à 8 milliards d'euros, représente 45 000 emplois directs. La baisse des coûts administratifs de mise sur le marché dans les autres États membres n'est pas seulement favorable pour les grands groupes : elle est cruciale pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui représentent 82 % des producteurs et distributeurs de produits cosmétiques.
Le règlement clarifie les responsabilités des intervenants du secteur en définissant les obligations de la « personne responsable » du produit cosmétique, interlocuteur unique des autorités nationales sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne et garant de la conformité du produit. Désormais, la notification des informations concernant le produit, préalable à sa mise sur le marché, est centralisée auprès de la Commission européenne, qui transmet les informations aux autorités des États membres. Cette notification doit précéder de six mois la mise sur le marché si les produits contiennent des nanomatériaux. Au vu de l'extrême précision du règlement, la plupart des dispositions de l'article sont de pure retranscription ou de renvoi aux dispositions spécifiques dudit texte.
Les États conservent néanmoins des marges de manoeuvre. Le présent article maintient par exemple l'obligation de déclaration préalable à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de l'ouverture d'un établissement de fabrication ou de conditionnement de produits cosmétiques.
Le règlement prévoit que la personne responsable du produit doit notifier sans délai à l'autorité nationale compétente tous les effets indésirables graves du produit cosmétique dont elle a connaissance ; en retour, l'autorité nationale compétente doit informer ses homologues européennes de tous les effets indésirables graves qui lui sont notifiés. Le présent article complète ce dispositif européen de cosmétovigilance en maintenant l'obligation faite aux professionnels de santé de notifier les effets indésirables graves. S'agissant des autres effets indésirables, la loi prévoit une simple faculté de déclaration pour les producteurs, les professionnels de santé, les utilisateurs professionnels et les consommateurs. Ces signaux multiples contribueront à mieux repérer les effets des substances entrant dans la composition des produits cosmétiques.
Par ailleurs, la réglementation des produits de tatouage est actuellement définie en France par renvoi aux règles applicables aux produits cosmétiques ; or les modifications apportées par le règlement européen ne sauraient être étendues, en tant que telles, aux produits de tatouage. L'article 3 rétablit donc dans le code de la santé publique les règles actuellement applicables aux produits de tatouage. Il n'est pas nécessaire de les modifier entièrement : les intervenants du secteur y sont habitués et les coûts occasionnés par des modifications importantes ne seraient pas compensés par des gains tirés de l'harmonisation au plan européen, qui n'existe pas encore.
En matière de médicaments, les articles 5 et 6 achèvent la transposition des objectifs fixés par deux directives qui ont modifié la directive du 6 novembre 2011 instituant le code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
L'article 5 transpose également la directive du 8 juin 2011, relative à la prévention de l'introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d'approvisionnement, en ratifiant l'ordonnance du 19 décembre 2012 prise sur le fondement de l'article 38 de la loi du 29 décembre 2011.
Aux termes de cette ordonnance, un médicament falsifié est un médicament qui comporte une fausse présentation des éléments entrant dans sa composition, ou de son fabricant, ou de l'historique de sa chaîne de distribution. La lutte contre la falsification des matières premières des médicaments est renforcée tant pour les substances actives que pour les excipients : une autorisation de l'ANSM est nécessaire pour toute activité de fabrication ou d'importation. En effet, 80 % de ces matières premières proviennent de pays tiers à l'Union européenne, en particulier d'Inde et de Chine. Les fabricants de médicaments devront vérifier l'authenticité des matières premières et se conformer à des obligations d'audit.
L'activité de courtage en médicament est également réglementée : il s'agit d'une activité exclusivement financière, sans manipulation de lots de médicaments, mais le contrôle des mouvements financiers par l'ANSM renforce la traçabilité des produits et permet de repérer les montages frauduleux liés aux activités des faussaires.
Enfin, la directive a fait le choix d'étendre à l'ensemble des États membres une offre légale de médicaments sur Internet. Au motif de la lutte contre la fraude, dont l'Internet est le principal vecteur, la directive intervient donc dans le domaine de la vente au détail, auparavant réservé aux seuls États membres. Les législateurs nationaux pourraient y voir une atteinte au principe de subsidiarité et envisager de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, mais ce serait en vain : la directive se fonde précisément sur l'arrêt dit « DocMorris » du 11 décembre 2003, par lequel la Cour juge que les libertés garanties par les traités ne permettent pas aux États membres d'exclure de la vente en ligne d'autres médicaments que ceux qui sont soumis à prescription.
Je tiens à souligner que ni la Cour ni la directive ne remettent en cause le droit, pour l'État membre, de prévoir le monopole de la délivrance des médicaments par des pharmaciens d'officine.
L'ordonnance a donc autorisé et encadré l'activité de vente en ligne de médicaments. Celle-ci n'est possible qu'à partir du site Internet d'une officine et le site doit être autorisé par le directeur général de l'Agence régionale de santé.
En outre, l'arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique encadre strictement les modalités de vente afin que le site Internet soit bel et bien le prolongement virtuel d'une officine de pharmacie : la préparation des commandes ne peut se faire qu'au sein de l'officine, dans un espace prévu à cet effet ; la sous-traitance à un tiers est interdite, tout comme les liens hypertexte vers les sites des entreprises pharmaceutiques.
L'ordonnance prévoyait de restreindre la vente en ligne aux seuls médicaments pouvant être présentés en accès direct au public en officine, soit environ 450 médicaments dits « de prescription officinale », qui sont les plus adaptés à l'automédication. Mais cette disposition a été abrogée le 17 juillet 2013 par une décision du Conseil d'État, au motif que le droit européen ne distingue, en vue de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), que deux catégories de médicaments : les médicaments soumis à prescription médicale et ceux qui n'y sont pas soumis.
En conséquence, l'article 5 modifie également l'ordonnance afin de prévoir expressément que la totalité des médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire pourront être vendus en ligne. Cette catégorie recouvre près de 4 500 spécialités, soit dix fois plus que celle des médicaments en libre accès. Or, sur les onze spécialités à prescription médicale facultative les plus vendues en officine, plusieurs le sont déjà « devant le comptoir ». La disposition n'élargira pas énormément le champ des médicaments disponibles.
D'après les données récentes provenant d'un échantillon de pharmacies bénéficiant de l'autorisation de vente en ligne, après sept mois d'activité, un site Internet a généré environ 235 commandes pour un chiffre d'affaires de 8 128 euros, ce qui est inférieur à 1 % du chiffre d'affaires global de ces officines et à 2,5 % des ventes d'automédication et de parapharmacie.
Rapportée à l'ensemble des officines, la vente en ligne représente 0,01 % du chiffre d'affaires et concerne à 80 % des produits d'hygiène et cosmétologie, des produits de diététique, des compléments alimentaires et des produits pour bébés. L'activité liée aux médicaments est quasi inexistante. La vente en ligne représente donc un avantage particulièrement minime pour le public au regard de la densité et de la qualité du réseau français des pharmacies d'officine, et nous nous en félicitons.
D'ailleurs, ce faible avantage compense mal la part irréductible de risque occasionnée par l'ouverture de la vente en ligne aux médicaments, même non soumis à prescription médicale obligatoire. Les faussaires, on le sait, n'hésitent pas à ouvrir des sites illégaux pour y vendre des médicaments soumis à prescription médicale falsifiés.
Il reste qu'au vu des exigences du droit européen, l'encadrement rigoureux de la vente en ligne proposé par l'ordonnance et par l'arrêté constitue la meilleure solution. Pour les autres États membres qui s'apprêtent à autoriser la vente en ligne, elle est un exemple à suivre. En tout état de cause, il sera sans doute nécessaire, dans quelques années, de modifier les textes européens.
L'article 6 transpose la directive du 25 octobre 2012 relative à la pharmacovigilance, qui définit les nouvelles obligations des titulaires d'autorisation de mise sur le marché. Actuellement, l'obligation d'information de l'ANSM est restreinte aux cas d'arrêt de la commercialisation d'un médicament dans un autre État que la France. Désormais, le titulaire doit informer l'ANSM de toute action qu'il a engagée pour suspendre la mise sur le marché, retirer le médicament du marché, solliciter le retrait de l'AMM ou ne pas en demander le renouvellement. Surtout, il doit informer l'agence des raisons de son action au regard des motifs figurant à l'article L. 5121-9 du code de la santé publique, c'est-à-dire lorsque le médicament concerné est nocif, lorsque l'effet thérapeutique fait défaut, lorsque le rapport bénéfices-risques n'est pas favorable ou lorsque le médicament n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée.
Cette nouvelle obligation de motivation imposée aux titulaires d'AMM permettra d'améliorer l'évaluation bénéfices-risques des médicaments.
Enfin, l'article 4 vise à mettre un terme à une procédure d'infraction à l'encontre de la France pour « entraves à la commercialisation des lentilles de contact » : la Commission a en effet relevé que si la vente en ligne de lentilles correctrices n'est pas interdite en France, les imprécisions des dispositions du code de la santé publique peuvent constituer un obstacle à la libre prestation de services. Après une mise en garde le 27 juin 2007, un avis motivé a été adressé à la France le 18 septembre 2008.
Le risque juridique s'est précisé en 2010 lorsque la Cour de justice a jugé qu'un règlement hongrois qui n'autorise la commercialisation de lentilles de contact que dans des magasins spécialisés est contraire à la libre circulation des marchandises et des services reconnue à l'article 34 du traité ainsi qu'à la liberté d'accès au commerce électronique consacrée par la directive du 8 juin 2000.
Le motif de santé publique avancé pour justifier l'interdiction, sur le fondement de l'article 36 du traité, ne paraissait pas proportionné à l'objectif recherché puisque des mesures moins contraignantes peuvent offrir les mêmes garanties de sécurité : si un État membre peut exiger que les lentilles de contact soient délivrées par une personne qualifiée qui attire l'attention du client sur les risques et l'invite, le cas échéant, à consulter un médecin ophtalmologiste, ces mesures peuvent être prises à distance, par des moyens interactifs, dans le cadre de la vente en ligne.
Aussi, l'article 4 du projet de loi prévoit expressément le cas de vente en ligne de lentilles oculaires correctrices. Cette vente est encadrée : les prestataires concernés doivent permettre au patient d'obtenir informations et conseils auprès d'un professionnel de santé qualifié, donc un opticien-lunetier, un orthoptiste ou un médecin ophtalmologiste.
Ces dispositions ont parallèlement été introduites par amendement à l'article 17 quater du projet de loi sur la consommation, qui les étend en outre à la vente de verres correcteurs. Le contenu des deux textes sera équivalent, sous réserve d'adopter certains amendements à l'article 17 quater, lors de son examen lundi prochain en séance publique, afin de supprimer certaines dispositions qui n'ont rien à y faire – à l'exemple du prolongement de trois à cinq ans de la durée pendant laquelle l'opticien-lunetier peut adapter la prescription du patient.
Le projet de loi sur la consommation est en deuxième lecture et ses dispositions devraient être promulguées avant celles du texte qui nous est soumis ; afin d'écarter au plus vite tout risque de condamnation de la France, il semble préférable de privilégier cet autre vecteur législatif, tout en adoptant, dans un premier temps, l'article 4 tel qu'il nous est présenté. Celui-ci pourrait ainsi être supprimé mercredi prochain en séance publique après le vote, lundi, de l'article 17 quater.
Ce texte est important, même s'il l'est moins que le PLFSS ou celui sur les retraites. Par rapport au Parlement européen, nous exerçons un rôle mineur dans ce processus d'application du droit français. Reste que le vote par la représentation nationale est le seul mode de légitimation démocratique des règles décidées au niveau européen. À cet égard, le groupe UDI estime que le Gouvernement doit honorer ses engagements internationaux.
Le projet de loi a un degré de technicité nous incitant à faire confiance à la ministre compétente pour répondre à cette exigence.
Nous avons néanmoins des interrogations sur la volonté du Gouvernement, notamment du ministère de la santé, de jouer le jeu européen. S'il faut saluer son souhait de réduire les délais de transposition des directives et des textes européens, des efforts supplémentaires doivent être faits pour que celle-ci soit de qualité, respecte les délais exigés par l'Union européenne et ne nous oblige pas à agir dans l'urgence.
Si l'on adopte l'amendement du rapporteur qui reporte au 1er janvier 2015 l'obligation de transcription de l'assurance responsabilité civile professionnelle pour les ostéopathes et les chiropracteurs, c'est un peu plus d'un an de retard que la France accuserait par rapport au délai fixé par la directive.
Par ailleurs, nous demeurons pleinement satisfaits sur le fond de ce projet de loi ainsi que sur les amendements de bon sens présentés par le rapporteur, comme celui proposant l'application la plus fidèle possible du droit au principe de libre prestation du service d'évaluation de la sécurité en matière de produits cosmétiques. Plus généralement, toute proposition contribuant à éviter un conflit d'interprétation entre les normes européennes et nationales nous paraît de bon aloi. Nous resterons cependant vigilants pour que les textes européens bénéficient d'une transposition sereine et de qualité en droit français. J'observe à cet égard que les directives européennes sont de plus en plus précises et pointilleuses.
Dans ces conditions, nous voterons en faveur de ce texte pour ne pas perturber la bonne coordination des institutions européennes et nationales.
Merci au rapporteur pour la précision de son exposé.
La difficulté de ce type de texte est de conserver une visibilité sur la cohérence de l'ensemble de la réglementation, puisqu'il couvre des questions très différentes. Il ne rend pas compte de la complexité des sujets abordés, des avancées, des consensus qui ont dû être trouvés au niveau européen pour aboutir à ces résultats, ni des difficultés de la transposition. Si on peut le regretter, le groupe SRC votera en faveur du projet de loi, en souhaitant que la prochaine mission d'information sur la simplification législative permette de faire en sorte que ce type de texte suscite davantage d'intérêt.
L'article 1er remet en avant la question du statut des professions de chiropracteur et d'ostéopathe : on peut se réjouir des avancées dans ce domaine compte tenu des enjeux qu'elles recouvrent.
S'agissant de l'article 3, nous n'avons pas de remarque particulière à faire, si ce n'est de souligner que la simplification n'exclut pas le renforcement de la sécurité, comme le montrent les propositions qui nous sont faites.
Sur l'article 4, nous nous rangeons à votre proposition de réexaminer la question à la lumière du débat qui se tiendra lundi prochain sur le projet de loi sur la consommation, sachant que nous sommes nombreux à partager le point de vue exprimé par la présidente de notre commission hier en séance publique sur ce texte.
Concernant l'article 5, nous sommes très attentifs sur les propositions relatives au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments. Nous soulignons en outre les difficultés rappelées par un certain nombre de professionnels ainsi que le poids limité que cet aspect représente dans le chiffre d'affaires des entreprises concernées.
Quant à l'article 6, l'obligation de motivation et d'information pour tout ce qui concerne les suspensions ou arrêts de commercialisation de médicaments nous semble un point positif. Il en est de même de l'harmonisation des normes prévue à l'article 7.
Le Gouvernement est en effet très en retard pour transposer ces directives. La disposition sur les ostéopathes et chiropracteurs aurait dû être transposée avant le 17 octobre, celle sur les cosmétiques avant le 11 juillet, celle concernant l'article 6 avant le 28 octobre dernier.
Par ailleurs, l'article 4 tend à mettre notre réglementation en conformité avec les règles européennes à la suite de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 2 décembre 2010. Or, si l'article additionnel inséré dans le projet de loi sur la consommation a le même objet, il a été rédigé différemment : les relations interministérielles auraient-elles du mal à être opérationnelles au sein du Gouvernement ? Ce ne sont de fait pas les mêmes articles du code de la santé publique qui sont visés.
Dans le projet de loi sur la consommation, le vendeur doit mettre à la disposition du patient un opticien-lunetier, alors que dans le présent texte, on évoque un professionnel de santé qualifié. En ce qui concerne les sanctions, dans le premier, la méconnaissance des règles entraîne une amende de 10 000 euros, alors qu'ici on renvoie à un article du code de la santé publique prévoyant une amende de 3 750 euros. Il va donc falloir faire un choix.
L'encadrement de la vente en ligne des médicaments ne nous pose pas de problème : elle doit rester très restrictive pour protéger les patients. Nous sommes également d'accord avec la nouvelle obligation faite aux ostéopathes de contracter une assurance professionnelle ; en cas de litige pour une faute, elle permettra une meilleure indemnisation des patients.
L'article 6 renforce en effet les obligations existantes pour les titulaires d'autorisation de mise sur le marché des médicaments en introduisant une obligation de motivation de leur décision de suspension ou d'arrêt de leur commercialisation. Pour mémoire, la loi relative aux médicaments de 2011 avait déjà prévu l'obligation pour les entreprises de déclarer à l'Agence du médicament les prescriptions hors AMM de leurs spécialités, ainsi que tout arrêt de commercialisation de leurs produits dans les autres pays – y compris les pays tiers – et toute restriction ou interdiction prise par une autre autorité compétente. L'ensemble de ces dispositions devrait ainsi permettre, après exploitation de ces données, une meilleure police sanitaire des produits.
Le groupe UMP votera donc ce projet de loi, sous réserve de notre interrogation au sujet de l'article 4.
Merci, monsieur le rapporteur, au nom du groupe RRDP, pour la qualité de votre exposé.
J'aimerais revenir sur un point contenu dans l'article 4. En l'état actuel de la législation, la vente à distance de lentilles de contact correctrices n'est pas explicitement interdite sans être non plus clairement autorisée. Or la jurisprudence européenne a indiqué que l'interdiction de cette vente à distance était contraire au droit communautaire.
L'article 4 prévoit donc à la fois d'affirmer la légalité de celle-ci et d'encadrer cette pratique pour assurer la protection des patients. Toutefois, force est de constater que les conditions de première délivrance ne sont pas précisées par le projet et que leur définition est renvoyée à un décret en Conseil d'État.
Je regrette que l'étude d'impact soit le seul document où l'on puisse trouver une référence au contenu envisagé pour ce décret en Conseil d'État. Si cette étude évoque ce contenu au point nommé « Textes d'application » en parlant bien d'une obligation de prescription médicale en cours de validité pour les patients de moins de seize ans, elle ne précise pas ce qu'il doit en être pour les patients plus âgés. Ceux-ci pourraient donc se faire délivrer des lentilles avec une ordonnance datant par exemple de dix ans.
La difficulté est que cette disposition ne peut être précisée par amendement, mais uniquement dans le projet de décret en Conseil d'État.
Le projet de loi sur la consommation prévoit déjà d'étendre les ordonnances de trois à cinq ans, ce qui posera un problème de santé publique, en particulier pour la prévention des maladies ophtalmologiques. À cet égard, il est surprenant que des dispositions ayant des répercussions non négligeables sur la santé des Français soient introduites dans ce texte et soient examinées par la seule Commission des affaires économiques. Je salue à ce sujet les propos tenus hier par la présidente de notre commission.
Pour le dépistage des principales maladies chroniques ophtalmologiques, souvent asymptomatiques au début, la fréquence de trois ans choisie par le législateur en 2007 est clairement appropriée. On sait que plus d'un tiers des patients se voient diagnostiquer une autre pathologie que celle pour laquelle ils sont venus ou un problème de réfraction.
Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé récemment à soutenir les délégations des ophtalmologues envers les orthoptistes. Les expérimentations en cours dans ce domaine sont à mon avis très prometteuses et règleront certainement une grande part des problèmes, en permettant une meilleure fluidité des rendez-vous. Dans le cadre de ces délégations, il est prévu des renouvellements pour des patients vus depuis moins de cinq ans, mais avec des conditions très strictes à respecter, énoncées par la Haute autorité de santé.
Dans le même esprit, le fait qu'aucune mention ne soit explicitée dans l'article 4 de ce projet de loi risque de créer des problèmes majeurs : la vente de lentilles de contact n'est pas un produit de consommation banal, mais un produit médical qui, s'il est mal utilisé, peut entraîner des risques dangereux pour l'oeil, tels que des infections – dont certaines peuvent conduire à la cécité. Il y aurait aujourd'hui environ 600 patients hospitalisés par an pour des problèmes d'abcès de cornée, dus à des lentilles mal adaptées.
Il faut donc s'assurer que les patients ne puissent se faire délivrer des lentilles de contact avec des ordonnances de plus de trois ans, trouver un moyen pour que ce délai soit pris en compte dans le décret en Conseil d'État, mais aussi que la prescription initiale soit respectée et qu'il n'y ait pas de modification des paramètres des lentilles de contact lors de ventes promotionnelles par exemple.
Merci à tous ceux qui m'ont soutenu pour mon intervention d'hier soir : le champ de compétence de notre commission doit être respecté.
Monsieur le rapporteur, vous avez réussi à enrichir ce texte par la clarté de vos explications.
L'article 17 quater du projet de loi sur la consommation prévoit de supprimer la condition de diplôme d'opticien-lunetier pour le directeur ou le gérant d'un établissement d'optique lunetterie. Or on sait qu'un grand nombre de patients demandent à leur médecin généraliste des ordonnances pour faire réaliser des lunettes, sans avoir fait de vérification préalable. Il me semble que ces conditions de diplôme existent en France pour le moment dans chaque magasin d'optique, notamment dans les grands groupes : est-ce bien le cas ? Quels contrôles existent sur la présence de personnes diplômées dans ces magasins d'optique, à l'exemple de ce qui prévaut pour les pharmacies ? Ces contrôles sont-ils les mêmes dans les autres pays d'Europe ?
L'Europe modifie effectivement les procédures de délivrance pour un certain nombre de produits, considérés chez nous comme des produits de santé, inscrits au code de la santé publique. Ce texte va dans le bon sens pour les lentilles correctrices et le médicament, et je remercie le rapporteur pour ces explications. Je vous remercie également, madame la présidente, pour les propos que vous avez tenus hier soir.
Cela étant, je suis inquiet au sujet de ce que j'ai entendu à cette occasion dans l'hémicycle : quand on considère uniquement le prix et la rapidité de la délivrance, je crains qu'on se laisse influencer par les demandes du lobbying des grandes surfaces. Le prix ne peut tout justifier. Si l'on décide ainsi que les tests de grossesse peuvent être vendus en grande surface au motif qu'ils sont déjà sur Internet, on risque de banaliser les produits de santé. Je redoute que ce que nous avons acté aujourd'hui au sein de notre commission soit à nouveau balayé demain par le projet de loi sur la consommation. Nous devons être très vigilants à cet égard.
J'ai voté hier soir en faveur de l'amendement de suppression de l'article 17 quater A. On voit bien dans les études cliniques que la plupart des abcès rétiniens se produisent sous lentilles et qu'il existe une utilisation inappropriée de celles-ci en raison d'un manque d'information des patients sur les risques d'infection. S'il n'est pas possible de revenir sur la disposition de vente sur Internet des lentilles de contact, la vente des produits de nettoyage devrait être réservée à des professionnels tels que les pharmaciens ou les opticiens. Ceux-ci pourraient expliquer qu'avant de changer de lentilles, il convient de se laver les mains, ou qu'il ne faut pas les mettre pour aller dans une piscine.
Je m'associe également aux éloges qui vous ont été adressés, madame la présidente, pour votre intervention d'hier. Il est hors de question d'aborder les problématiques de santé dans un cadre strictement économique.
Monsieur Robinet, le règlement communautaire n'a pas attendu ce projet de loi pour être appliqué : il l'est déjà de façon directe depuis juillet dernier. Nous ne sommes donc pas en infraction à cet égard.
S'agissant de l'article 4, un amendement à l'article 17 quater du projet de loi sur la consommation ira dans le sens du présent projet de loi, notamment s'agissant du professionnel de santé qualifié. La seule différence est que la vente en ligne concernera aussi les verres correcteurs. Je rappelle que la vente en ligne de lentilles existe depuis 2005, en dépit de l'absence de réglementation l'autorisant.
Madame Orliac, l'obligation d'ordonnance pour les lentilles de contact n'existe aujourd'hui que pour les mineurs de moins de seize ans : s'il n'y aura pas de modification des conditions de prescription dans le décret, le remboursement n'est possible que sur présentation d'une ordonnance, ce qui peut inciter à en obtenir une. Par ailleurs, ces produits constituent un dispositif médical de classe II a, correspondant à un risque moyen.
Monsieur Hutin, s'agissant des magasins d'optique, conformément à la réglementation européenne, nous allons passer d'un monopole de gestion à un monopole de délivrance : la loi précisera que seul un professionnel pourra délivrer des lentilles de contact.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Article 1er : Responsabilité civile professionnelle des chiropracteurs et des ostéopathes
La Commission adopte l'amendement AS12 rédactionnel du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS1 du rapporteur.
Cet amendement propose de reporter au 1er janvier 2015 la date d'entrée en vigueur de l'obligation d'assurance des ostéopathes et chiropracteurs – au lieu de la prévoir le 1er janvier 2014, date à laquelle la loi ne sera pas encore applicable.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : Sanction du manquement à l'obligation d'assurance de responsabilité civile professionnelle des chiropracteurs et des ostéopathes
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 : Produits cosmétiques et de tatouage
La Commission examine d'abord l'amendement AS9 du rapporteur.
L'article 10 du règlement européen prévoit que l'évaluation de la sécurité est effectuée par une personne titulaire soit d'un diplôme ou d'un autre titre sanctionnant une formation universitaire d'enseignement théorique et pratique en pharmacie, toxicologie, médecine ou dans une discipline analogue, soit d'une formation reconnue équivalente par un État membre.
L'article 3 précise qu'un arrêté définit les formations reconnues équivalentes en France, mais celui-ci ne saurait faire obstacle à la reconnaissance automatique des formations définies comme équivalentes dans d'autres États membres. Il convient donc que la loi soit plus précise à cet égard.
Reste qu'un État membre qui reconnaîtrait comme équivalente aux diplômes mentionnés par le règlement européen des formations manifestement insuffisantes se trouverait en infraction au regard du droit communautaire.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS5 du rapporteur.
L'article 3 prévoit qu'en complément des obligations découlant du règlement européen, la personne responsable du produit cosmétique et son distributeur peuvent déclarer les « effets indésirables qui, bien que n'ayant pas le caractère d'effets indésirables graves au sens du règlement, leur paraissent revêtir un caractère de gravité justifiant une telle déclaration ».
Je vous propose de supprimer cette notion, car le règlement européen n'établit pas de distinction entre les effets indésirables graves et les autres effets indésirables.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS6, AS7 et AS 8 du rapporteur.
Le règlement européen définit l'effet indésirable comme « une réaction nocive pour la santé humaine imputable à l'utilisation normale ou raisonnablement prévisible d'un produit cosmétique ».
Les cas de mésusage sont donc distincts des effets indésirables, qui sont les seuls à relever des prescriptions du règlement.
Je vous propose donc d'introduire la notion de déclaration d'effets susceptibles de résulter d'un mésusage.
La Commission adopte les amendements AS6, AS7 et AS 8.
Elle adopte ensuite les amendements AS13, AS27, AS31, AS14 et AS15 rédactionnels du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement AS3 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser le délai dans lequel les fabricants et distributeurs de produits cosmétiques doivent déclarer les effets indésirables graves à l'ANSM.
L'article 3 prévoit actuellement que la déclaration a lieu « dès qu'ils en ont connaissance ». Il est proposé d'indiquer que la déclaration est effectuée « sans délai », soit 20 jours civils à partir de la date à laquelle le premier acteur prend connaissance de l'événement indésirable. Cela permet d'éviter un allongement de délai.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte les amendements AS16, AS17, AS18, AS19, AS20, AS21, AS22 et AS30 rédactionnels du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS4 du rapporteur.
Les professionnels de santé déclarent aujourd'hui les effets indésirables des tatouages qu'ils constatent, sans précisions sur les conditions de réalisation de ces tatouages.
J'ai auditionné les représentants du syndicat des tatoueurs, qui m'ont fait part d'un problème qui les mobilise depuis plusieurs jours : un projet d'arrêté par l'ANSM – dont l'application est prévue pour le 1er janvier prochain – tendant à interdire l'utilisation d'un certain nombre de pigments par technique d'effraction cutanée, correspondant à celle du tatouage. Ces pigments permettent de produire des colorants que l'on trouve dans des produits cosmétiques d'application cutanée mais qui sont utilisés régulièrement en Europe par les fabricants de produits de tatouage. Or une alerte a été lancée en 2008 par des dermatologues au niveau européen, qui a été reprise par le Conseil de l'Europe – ce qui a conduit un certain nombre de pays à modifier les autorisations en vue de fabriquer des colorants de produits de tatouage. Les tatoueurs s'alarment du fait que l'arrêté diminuera le nombre de coloris disponibles et souhaitent attendre une décision de l'agence européenne de sécurité sanitaire, prévue dans quelques mois. J'ai interpellé la direction générale de la santé et l'ANSM à cet égard.
Par ailleurs, j'ai proposé aux tatoueurs que, en cas de déclaration d'effet indésirable grave survenu après un tatouage, il y ait une enquête systématique portant sur la nature du produit utilisé – pour vérifier qu'il ne soit pas contrefait – ainsi que sur les compétences du tatoueur et les conditions dans lesquelles le tatouage a été réalisé – pour vérifier que celui-ci a été effectué par un tatoueur agréé. Tel est le sens du présent amendement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite les amendements AS23, AS28, AS24, et AS25 rédactionnels du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 3 modifié.
Article 4 : Vente sur Internet de lentilles correctrices
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 5 : Lutte contre la falsification des médicaments et encadrement de la vente en ligne par des pharmaciens d'officine
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 6 : Information sur les motifs des décisions des exploitants de médicaments qui en suspendent ou arrêtent la commercialisation
La Commission adopte l'amendement AS26 rédactionnel du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Article 7 : Harmonisation du contenu des prescriptions transfrontières
La Commission adopte l'amendement AS29 rédactionnel du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS 10 du rapporteur.
Cet amendement prévoit l'attribution d'un label « éthique » symbolisé par un pictogramme distinctif apposé sur les médicaments dérivés du sang produits dans des conditions éthiques au sens de la législation française, c'est-à-dire à partir de dons bénévoles, gratuits et anonymes. Je rappelle que 1,7 million de donneurs se mobilisent en la matière ainsi que des milliers de salariés de la filière du sang. Il en résulte que la France est autosuffisante pour tous les produits dérivés du sang.
Une barrière avait été instaurée par la législation pour éviter que soient importés des médicaments non produits dans ces conditions, au travers d'une AMM délivrée par l'ANSM. Mais depuis l'AMM centralisée européenne, elle a volé en éclat et 40 % des médicaments dérivés du sang vendus dans les hôpitaux français ne répondent pas à ces règles éthiques.
J'espère que ce label conduira à une prise de conscience de la chance que nous avons en France d'avoir une filière reposant sur de telles règles et qu'il pourra donner lieu demain à un label européen. D'ailleurs, cette mesure est conforme au droit européen : plusieurs décisions de la Commission européenne vont dans ce sens. Quant au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), il prévoit que les États membres peuvent modifier la circulation des produits en tenant compte de la qualité et de la sécurité lorsqu'il s'agit de médicaments dérivés du sang.
Je m'associe aux propos du rapporteur. Mais quand il s'agira pour les hôpitaux d'acheter des produits dérivés du sang, ils procéderont par appel d'offre, et comme le critère du prix est essentiel, ils risquent de les acquérir à l'étranger, en dehors de la filière éthique du sang. Quel impact aura sur les patients le fait de recevoir des produits ne disposant pas du label ? Ne risque-t-on pas de susciter chez eux une inquiétude ?
Il y a en effet une guerre des prix dans ce domaine : des centrales d'achat achètent en grande quantité des produits dérivés du sang et coupleront dans les prochains appels d'offre les achats d'immunoglobulines et d'albumine de manière à réduire les écarts de prix. En outre, une disposition du PLFSS, votée à l'unanimité, prévoit, par une fiscalité différenciée, de baisser le coût de production des médicaments produits dans des conditions éthiques – ce qui permettra également de réduire ces écarts.
Je rappelle que, depuis un certain nombre d'années, lorsque nous ne sommes pas capables de fournir aux malades français des médicaments dérivés du sang produits dans des conditions éthiques, une AMM dérogatoire de deux ans délivrée par l'ANSM permet de commercialiser en France des médicaments produits aux États-Unis dans d'autres conditions – je pense notamment aux immunoglobulines anti-D perfusées aux femmes enceintes et comportant une allo-immunisation materno-foetale, qui ne sont fabriquées que dans ce pays. Il serait d'ailleurs souhaitable d'éviter ce type de monopole car le jour où le laboratoire aura un problème avec son usine, on pourra avoir une catastrophe sanitaire.
Si l'on accepte une telle commercialisation, c'est qu'il n'y pas de risque excessif sur les produits sanguins labiles, c'est-à-dire les perfusions de globules rouges ou blancs. Il est reconnu partout dans le monde que la gratuité du don participe de la sécurité. C'est la raison pour laquelle la Food and Drug Administration (FDA) – l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux – labellise elle-même ses propres produits sanguins en fonction de leur origine éthique.
Les médicaments dérivés du sang seront être maintenus en quarantaine 60 jours avant d'être traités et commercialisés, et ils feront l'objet de prélèvements sérologiques. Si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) considère que la gratuité participe toujours de la sécurité, le phénomène sera marginal. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir pour la sécurité des patients.
Par contre, nous devons revendiquer, au travers de ce label, l'héritage légué des suites de la Seconde Guerre mondiale du système de dons éthiques, qui fonctionne dans un marché mondialisé.
Je suis en faveur de cet amendement. Mais certains patients ne risquent-ils pas de demander impérativement à bénéficier de produits éthiques ?
J'ai les mêmes réticences s'agissant du marquage de fabrication française sur les médicaments.
Quand j'ai auditionné les associations d'usagers qui reçoivent des immunoglobulines en perfusion, certains disent qu'ils sont très favorables à un système éthique, d'autres que ce qui compte pour eux est d'avoir le médicament le plus innovant, offrant la meilleure tolérance possible.
C'est la raison pour laquelle, dans le rapport sur la filière du sang, je propose, à côté des trois principes fondateurs de celle-ci que sont la sécurité, l'autosuffisance et l'éthique, d'en introduire un quatrième, qui est celui de la pluralité. Cela signifie que soient systématiquement garantis, dans tous les établissements français, la continuité de traitement aux patients et le choix des médicaments, de façon à ce que les malades puissent bénéficier du traitement le plus efficace et pour lequel ils auront la meilleure tolérance – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Enfin, si les patients exigent demain d'avoir un produit éthique, cela contrebalancera le critère du prix.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS2 du rapporteur.
Il s'agit d'autoriser le Gouvernement à déterminer par décret la liste des caractéristiques à préciser lors de la prescription d'un dispositif médical. En effet, la directive d'exécution de la Commission européenne du 20 décembre 2012 prévoit une prescription transfrontalière des dispositifs médicaux et il n'y a pas de texte à cet effet dans le droit français.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 7 modifié.
Puis elle adopte à l'unanimité l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance est levée à douze heures vingt-cinq.