La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle les questions sur la politique budgétaire. Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
Nous commençons par des questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. La parole est à M. Philippe Vigier.
Monsieur le secrétaire d’État au budget, je voudrais vous interroger sur les nouveaux moyens nécessaires à notre sécurité intérieure ainsi qu’à nos armées, compte tenu des attentats qui ont eu lieu au début du mois de janvier et qui, naturellement, exigent que notre pays soit capable de faire face, de façon encore plus forte, à cette nouvelle menace. Je rappelle que le groupe UDI a salué, au moment du 11 janvier, l’attitude du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement.
Le Premier ministre a annoncé un arsenal de mesures impliquant plus de moyens humains, et notamment la création de 2 600 emplois consacrés à la lutte contre le terrorisme. Ce qui s’est passé hier à Marseille nous rappelle cruellement que nous devons disposer des moyens indispensables à notre sécurité collective. Le Premier ministre a également insisté sur le fait que 730 millions d’euros devraient être programmés au cours de trois prochaines années.
Monsieur le secrétaire d’État, si je vous interroge sur ces moyens complémentaires, qu’ils soient humains ou spécifiquement destinés à nos armées, c’est que sur les 31,4 milliards d’euros prévus par la loi de programmation militaire, seuls un peu plus de 29 milliards seront disponibles, ce qui amène d’ailleurs le Gouvernement à recourir, dans la loi Macron, aux sociétés de projet. Or, nous devons disposer d’un budget à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés.
Ma question est donc simple : comment allez-vous financer ces dépenses ? Je rappelle qu’il faudra financer 2 680 emplois supplémentaires, mais aussi que le Président de la République a annoncé que 7 500 postes de moins que prévu seraient supprimés à terme, ce qui implique de remobiliser les moyens correspondants. Je souhaite que vous nous éclairiez à la fois sur le coût de toutes ces mesures et naturellement sur la façon dont le Gouvernement va les financer.
Mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Philippe Vigier, vous m’avez posé beaucoup de questions et je ne suis pas sûr, dans le temps qui m’est imparti, de pouvoir y répondre de façon détaillée. Je crois que nous nous retrouverons demain matin en commission des finances, je sais que vous y êtes assidu, et je pourrai à cette occasion éventuellement compléter certaines de mes réponses.
Je vous remercie de votre soutien aux décisions et aux mesures qui ont été prises par le Gouvernement afin de respecter ses engagements dans le domaine de la lutte contre le djihadisme et contre le terrorisme. Vous en avez évoqué certaines. D’autres décisions ont d’ailleurs émaillé ce début d’année. Le Président de la République a par exemple annoncé que le service civique deviendrait universel, ce qui aura des conséquences financières. Lorsque nous compilons, si j’ose dire, l’ensemble des dispositions qui ont été annoncées, nous en arrivons d’ores et déjà, pour 2015, à un « petit » milliard d’euros.
Un « petit » milliard d’euros, cela reste beaucoup. Il doit être financé par des mesures d’économies réparties sur l’ensemble des ministères. Le contexte a changé, avec une inflation qui sera probablement très sensiblement inférieure à notre prévision en loi de finances et un prix du baril de pétrole qui est de 40 à 50 % inférieur à son niveau d’il y a quelques mois à peine. Nous devons tirer toutes les conséquences de cette nouvelle donne et, sans trahir de secrets, le Premier ministre a bien indiqué à ses ministres quelle était la nécessité qui s’imposait à nous. Ce « petit » milliard d’euros sera donc financé par des économies réalisées sur l’ensemble des ministères, compte tenu des nouvelles données macro-économiques que j’évoquais à l’instant.
Monsieur le député, je reviendrai peut-être ce soir, ou en tout cas demain matin sur la question du budget des armées.
Monsieur le secrétaire d’État au budget, je souhaite cette fois vous interroger sur les déclarations du Président de la République lors de sa conférence de presse du 5 février dernier. Il a notamment affirmé que sa politique économique portait ses fruits. Vous m’accorderez tout de même que tous les voyants sont au rouge, ou au moins à l’orange clignotant ! Pour autant, Pierre Moscovici, qui a siégé sur ces bancs avant de devenir ministre de l’économie, a prononcé maintenant qu’il est passé de l’autre côté de la barrière un réquisitoire assez sévère sur la situation économique du pays. Il souhaite que nous soyons capables de respecter la trajectoire des finances publiques.
Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez parfaitement les indicateurs économiques et vous êtes tout à fait conscient que notre déficit public en 2014 s’élevait encore à 4,4 % de notre produit intérieur brut. Pour 2015, il devrait être réduit de 0,3 point. La Commission européenne nous demande de faire un effort supplémentaire pour respecter notre trajectoire – ou plutôt essayer de la respecter : sinon, le déficit serait déjà à 3 % pour 2015.
Même si la croissance doit s’améliorer, avec 1 % en 2015 et 1,8 % en 2016, on voit bien que le compte n’y sera pas. Tant que nous n’aurons pas accompli des réformes structurelles et consenti des efforts budgétaires supplémentaires, nous ne respecterons pas la trajectoire telle qu’elle a été définie.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, vous venez de parler d’un « petit » milliard d’euros de dépenses nouvelles, dont j’ai bien entendu qu’il serait gagé par des économies réalisées sur les budgets des différents ministères. Mais comment allez-vous faire précisément, sachant que vous prévoyez une baisse de 0,3 point de la dépense publique mais que la Commission européenne attend une baisse de 0,5 point ? L’écart entre ces deux chiffres, cela représente tout simplement 4 milliards d’euros supplémentaires à trouver ! Avec le milliard de dépenses nouvelles consacrées au terrorisme, cela fait 5 milliards. Ma question est simple : monsieur le secrétaire d’État, où allez-vous trouver ces 5 milliards d ’économies supplémentaires en 2015 ?
Monsieur le député Philippe Vigier, nous n’avons pas la même lecture des déclarations de la Commission. D’abord, pour la première fois depuis longtemps, les prévisions de la Commission concernant les grands indicateurs budgétaires pour 2014 et pour 2015 sont conformes aux nôtres. Nous avions prévu 4,1 % de déficit nominal en 2015. La Commission confirme ce chiffre. Nous avions prévu 4,4 % de déficit nominal en 2014, et la Commission s’en tient à 4,3 % : mieux que nos prévisions ! Nous aurons les résultats définitifs mi-mars, compte tenu des chiffres de l’ensemble de la dépense publique, mais, monsieur Vigier, la Commission prévoit un solde nominal pour 2014 inférieur au nôtre ! C’est la première fois depuis longtemps.
Pour ce qui est de la croissance, vous parliez d’indicateurs rouges ou orange, clignotants ou non, mais la Commission confirme bien la prévision du Gouvernement !
Pourtant, ils étaient nombreux, à cette tribune, ceux qui poussaient de hauts cris en qualifiant cette prévision d’optimiste, comme le Haut conseil des finances publiques, voire irréaliste, pour ne pas employer de mots encore plus forts.
Subsiste un point de discussion, que je voudrais aborder maintenant. Vous dites que nous prévoyons un effort structurel de 0,3 %. Non, monsieur le député : notre loi de finances, selon nos calculs et notre analyse, prévoit 0,5 % d’effort structurel. C’est le budget que nous avons présenté. Mais nous avons une différence d’analyse avec la Commission. Compte tenu d’éléments très techniques que je n’ai pas le temps de développer, celle-ci augure d’un effort structurel de 0,32 % exactement pour la France. Il reste donc un gap, mais des discussions sont en cours à ce sujet. Michel Sapin est aujourd’hui à Istanbul et sera demain à Bruxelles avec nos partenaires. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Monsieur le secrétaire d’État au budget, mes chers collègues, j’associe à ma question mes collègues Maina Sage, Philippe Gomes et Sonia Lagarde. Dans le contexte de crise que nous connaissons, et en raison des enjeux économiques actuels, il est indispensable que les territoires ultramarins soient soutenus. Toutefois, force est de constater que les collectivités d’outre-mer subissent, vis-à-vis de la France métropolitaine, des inégalités de plusieurs ordres.
En premier lieu, le crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, mis en place depuis 2013 par le Gouvernement, ne s’y applique pas. En second lieu, les différents dispositifs de défiscalisation en faveur de l’outre-mer sont chaque année modifiés par le Gouvernement, qu’il s’agisse des taux applicables ou de leur plafonnement. Cette remise en cause demeure un véritable frein aux investissements dans ces collectivités d’outre-mer, déjà pénalisées par leur éloignement.
À l’occasion des débats sur la loi de finances pour 2015, le Gouvernement a indiqué qu’une évaluation des dispositifs de défiscalisation était en cours, en vue d’une profonde évolution avant 2017. Nous vous demandons de lever sans délai cette incertitude qui a déjà conduit au ralentissement de l’activité des entreprises impliquées dans des projets à l’échéance plus lointaine.
Enfin, la banque publique d’investissement, la BPI, créée en 2013, n’a toujours pas de déclinaison dans certaines collectivités d’outre-mer. Si l’Agence française de développement représente désormais la BPI dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, la BPI n’est pas plus présente en Polynésie française qu’en Nouvelle-Calédonie ou à Wallis-et-Futuna. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quand ces dernières collectivités pourront enfin bénéficier des services de la BPI ?
Monsieur le député Tuaiva, je ne partage pas l’ensemble de vos propos ni de vos analyses, même si je peux y souscrire sur un certain nombre de points. Vous évoquez le fait qu’il n’y aurait pas de traitement particulier ni de soutien aux territoires que vous avez évoqués, à savoir aux départements et aux collectivités d’outre-mer. Pourtant, s’agissant du CICE ou du crédit impôt recherche, vous savez que les dispositifs sont majorés pour les territoires d’outre-mer. Et les réductions de cotisations sociales y sont majorées également.
D’autres mesures existent, je pourrais les évoquer, et il faudra d’ailleurs peut-être que nous les examinions en détail. Ainsi, les fonctionnaires qui travaillent outre-mer bénéficient de dispositions salariales plutôt avantageuses, qui pèsent parfois d’ailleurs sur le budget des collectivités territoriales : c’est un vrai sujet, il faudra y revenir.
Pour ce qui est de la défiscalisation, dont vous avez longuement parlé, il faut bien dire qu’elle a connu des taux de fuite assez importants. Cela a été très souvent relevé dans différents rapports, émanant aussi bien du Parlement que de la Cour des comptes – je ne parle même pas des articles de presse, parfois outranciers je vous l’accorde. Une réforme figure dans la loi de finances pour 2014, qui a pour but de transformer des dispositifs fiscaux complexes, qui soulèvent beaucoup de discussions, en crédits d’impôt, avec une faculté d’option selon la taille des entreprises. Ce dispositif devra être évalué, je suis sur ce point tout à fait d’accord avec, et il avait d’ailleurs fait l’objet d’une franche et bonne discussion lors de la loi de finances initiale pour 2014, mais il semble donner plutôt satisfaction.
Je m’aperçois que je n’ai plus le temps de parler de la BPI, et je prie monsieur le député Tuaiva de m’en excuser.
Nous en venons à des questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. La parole est à M. Jacques Krabal.
Monsieur le secrétaire d’État au budget, l’événement majeur de la loi de finances pour 2015 reste la nouvelle réduction des concours financiers de l’État aux collectivités locales, qui s’élève à 3,42 milliards d’euros. Ce reflux des dotations devrait se poursuivre en 2016 et 2017. Ainsi, sur cette période, la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, représente au total 15,8 milliards d’euros.
Certes, il est nécessaire de désendetter notre pays, mais il faut aussi rappeler que les collectivités territoriales ne sont pas directement concernées par cette dette, comme il faut rappeler que nos communes rurales comme nos bourgs-centres n’ont pas pour habitude de dépenser sans compter et n’ont pas attendu ce contexte pour faire des économies.
Le rapport sénatorial sur les collectivités locales démontre les effets négatifs de cette baisse sur les bourgs-centres comme sur les petites villes. La majoration du taux du fonds de compensation de TVA et l’augmentation de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, qui sont, en tant que telles, de bonnes mesures, font néanmoins pâle figure au regard de la baisse de la DGF. Ainsi, de fait, l’investissement public, assuré à 70 % par les collectivités locales dans notre pays, va connaître un recul qui pèsera sur le secteur du bâtiment et des travaux publics. Moins d’activité, c’est moins de croissance et donc moins d’emploi.
Ma ville, Château-Thierry, comme d’autres collectivités, est éligible à la DSU cible et à la DSR, et nous avons même deux quartiers classés au titre de la politique de la ville. Nous devons faire face seuls aux charges de centralité, pour la piscine, le conservatoire, la médiathèque, sans oublier que nous avons 40 % des logements sociaux du territoire. La baisse de la DGF, c’est la double peine pour nos communes et nos bourgs-centres.
C’est pourquoi je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si oui ou non, comme je l’ai lu et entendu, les communes bénéficiant de la DSU cible et de la DSR verront ces dotations augmenter afin de réellement compenser la baisse de la DGF. Ce n’est vraiment pas le cas actuellement pour ce qui nous concerne. Par ailleurs, au-delà de la réflexion sur la DGF que vous avez engagée, y a-t-il eu une étude d’impact sur les conséquences des réductions des dotations sur les communes et les bourgs-centres ? Comme l’écrivait Jean de La Fontaine dans la fable Le Héron, « on hasarde de perdre en voulant trop gagner ».
Monsieur le député, vous soulevez une question importante, et légitime : celle du soutien que peut apporter l’État aux collectivités territoriales. Vous avez parlé d’une baisse de 3,42 milliards d’euros pour 2015. Initialement, elle était prévue à 3,67 milliards : il y a donc déjà eu une petite avancée, en plus de la une majoration du taux de remboursement du FCTVA et de l’abondement de la DETR à hauteur de 200 millions d’euros, proposition du Premier ministre à laquelle le Parlement a adhéré.
Il y a un travail essentiel que nous devons faire. Quand on discute avec les élus des diverses communes, et notamment des plus petites, on voit bien une incompréhension de la dotation globale de fonctionnement. Ainsi, vous avez parlé de son volume global, et on peut y réfléchir, mais il faut savoir qu’il y a par exemple entre les petites et les plus grosses une différence qui va du simple au double pour la part socle calculée au nombre d’habitants. Si l’on peut comprendre que des communes aient des charges de centralité, alors pourquoi un aussi grand écart, d’autant que parfois, cela bénéficie à des communes avec un potentiel financier ou fiscal très élevé ?
Le Gouvernement a chargé deux parlementaires, un sénateur et l’une de vos collègues, Christine Pires Beaune, de réfléchir à une réforme de la DGF pour la loi de finances initiale pour 2016. Il y a bien des sujets à traiter. Je vous proposerai probablement que nous nous concentrions sur la part communale et intercommunale en laissant en suspens ce qui concerne le département et la région, mais je ne veux pas anticiper sur le rapport qui est en cours d’élaboration.
Pour ce qui est de la baisse de l’investissement, elle est courante en période de renouvellement électoral, surtout à un moment où il y en a davantage. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces points et de travailler ensemble sur des mécanismes de péréquation.
Quant à la DSU, M. Pupponi avait proposé un amendement, qui a été adopté, majorant la part de DSU pour compenser la baisse des dotations pour les communes éligibles. Nous aurons probablement l’occasion d’y revenir dans d’autres débats.
Monsieur le secrétaire d’État, la situation des collectivités ayant contracté des emprunts indexés sur le cours du franc suisse s’aggrave depuis que la Banque nationale suisse a abandonné le cours plancher qu’elle avait établi en septembre 2011 pour lutter contre l’appréciation de sa devise. L’envol du franc suisse décuple les indemnités de remboursement anticipé, les IRA, dont les collectivités doivent s’acquitter pour renégocier leur contrat. Cette situation concerne plus de la moitié des emprunts dits toxique de nos collectivités.
Dans ce contexte, avec la loi de validation législative du 29 juillet 2014, le Gouvernement se retrouve face une à situation délicate avec un nombre limité d’options.
Première option : vous abondez de plusieurs centaines de millions d’euros le fonds de soutien par un relèvement du taux de la taxe de risque systémique des banques, créée à l’article 14 initial du dernier collectif et que le groupe RRDP a fait relever par amendement de 0,021 % à 0,026 %. Nous avions d’ailleurs aussi proposé un taux de 0,030 %.
Cette option permettrait aux collectivités de s’engager malgré tout dans des opérations de remboursement anticipé de leurs prêts, dans la limite de 45 %. Les fonds pourraient provenir des recettes d’impôt sur les sociétés issues de la non-déductibilité des dispositifs fiscaux sur les banques que vous avez instaurée dans le dernier collectif, ou encore d’une partie de la contribution de l’État au fonds de résolution européen.
Deuxième option : vous imposez aux collectivités d’assumer leurs pertes, au nom de la responsabilisation des élus, et contribuez à moyen terme, voire à court terme, à des faillites locales impliquant un monitoring par la chambre régionale des comptes et une mise sous tutelle préfectorale de la collectivité. Cela pourrait survenir à certaines qui ont pourtant été reconnues pour leur gestion vertueuse, comme la ville de Chartres.
Troisième option : vous imposez une baisse des pénalités facturées par les banques, en prenant le risque que des contreparties viennent déstabiliser les prêteurs institutionnels comme Dexia, la SFIL, BPCE ou Natixis.
En tout état de cause, la mécanique et le modèle de ce fonds doivent être révisés. La question sera remise au coeur de l’actualité par les décisions de justice à venir dans le courant de février. Monsieur le secrétaire d’État, quel est le scénario du Gouvernement ?
Monsieur le député, vous soulevez encore une question importante. Il n’a pas échappé au Gouvernement que le contexte avait changé et que l’envolée brutale du franc suisse par rapport à l’euro avait de fortes conséquences, et c’est un euphémisme. Devant une situation de cette nature, il est important de réagir, et non de surréagir, et d’abord de bien identifier et estimer les difficultés.
J’ai eu l’occasion de recevoir hier et aujourd’hui l’APCET, l’association des communes concernées, l’Association des régions de France et l’Assemblée des départements de France. Je reçois demain les représentants de l’Association des maires de France. J’ai aussi reçu tout à l’heure les représentants de la Fédération hospitalière de France, puisque des hôpitaux sont concernés, afin que nous puissions avec nos services quantifier les choses. Selon nos premières estimations, il en va de 1 à 3 milliards d’euros, le tout dépendant bien entendu du niveau où le franc suisse pourrait se stabiliser, s’il se stabilise d’ailleurs, ce qui n’est pas toujours le propre des monnaies. Bref, la première étape est donc en cours de finalisation.
Vous avez évoqué plusieurs hypothèses. Le gouvernement précédent, le président Carrez le sait parfaitement, a logé les emprunts toxiques dans une structure, la SFIL, qui est publique, et les capitaux apportés par la Caisse des dépôts et la Banque postale ont obtenu la garantie de l’État, ce qui signifie, et c’est une nuance importante par rapport aux propos que vous avez tenus, que faire payer la SFIL, c’est faire payer l’État. Il faut donc décider si on aime plus les contribuables locaux ou les contribuables nationaux…
Dans une dizaine de jours au plus, je l’espère, le Gouvernement fera connaître ses propositions, à l’issue des discussions que nous avons avec nos partenaires, y compris la SFIL. J’avais déjà reçu ses représentants la veille du sinistre, si j’ose dire, et je les reverrai très vite.
Depuis le début de la législature, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement et la majorité ont agi de manière volontaire contre la fraude fiscale. Comme nous le montre l’actualité, cette bataille est loin d’être gagnée. Néanmoins, nous engrangeons des victoires. Vous l’avez d’ailleurs rappelé cet après-midi, ce sont 35 000 personnes qui ont demandé à voir leur situation régularisée auprès de l’administration fiscale. Ces régularisations ont permis de faire entrer dans les caisses de l’État environ 2 milliards d’euros, qui permettront d’alléger d’autant l’impôt de 9 millions de ménages en 2015.
De manière plus globale, en 2013, la lutte contre la fraude fiscale des particuliers et des entreprises a rapporté 10 milliards d’euros à l’État français, soit un milliard de plus qu’en 2012. En 2014, la lutte s’est amplifiée et les recettes ont progressé. Le mouvement devrait se poursuivre.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le niveau des recettes nouvelles attendues pour les exercices 2015, 2016 et 2017 au titre de la lutte contre la fraude fiscale ainsi que sur l’utilisation qui en sera faite ? Si 30 milliards d’actifs sont revenus en France, avec une moyenne de 25 % d’imposition, pénalités diverses et indemnités de retard, peut-on compter sur 6, 7, 8 milliards sur deux ou trois ans ?
En 2014 et 2015, cette collecte nouvelle servira à réduire les impôts des ménages aux revenus modestes et à améliorer leur pouvoir d’achat. Dans une période où nos concitoyens ont dû faire de gros efforts, ce geste était essentiel. Dans les années à venir, comment envisagez-vous de répartir l’argent issu de la lutte contre la fraude entre le soutien aux ménages, l’assainissement des comptes publics et le soutien à l’activité économique ?
Enfin, un certain nombre de repentis devront certainement être redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune, pour les actifs restitués vers la France. Êtes-vous en mesure d’estimer la recette fiscale que cela représente et comment elle pourra être utilisée ?
Monsieur le député, il sera difficile en deux minutes de répondre à l’ensemble de vos questions. Je vous propose donc, si le président Carrez et Mme la rapporteure générale sont d’accord, de venir devant la commission des finances faire le point sur l’ensemble des dispositions que vous venez d’évoquer, à savoir, et ce sont deux choses totalement différentes, le traitement de la liste HSBC d’une part, et d’autre part les conditions de fonctionnement du STDR, le service de traitement des déclarations rectificatives. Je vais néanmoins tenter de répondre assez précisément à votre question sur l’estimation.
Le STDR a reçu à ce jour plus de 36 000 demandes de régularisation. Grâce à une disposition que vous avez adoptée en loi de finances sur la proposition du Gouvernement, pour être recevables, ces dossiers doivent être accompagnés d’un premier versement à échéance brève, calculé par le contribuable, pour accélérer le règlement de la situation. Ensuite, il faut traiter le dossier, obtenir des informations sur l’origine des fonds et calculer les pénalités. Pour le reste, le contribuable fait ce qu’il veut : il n’est pas interdit de posséder un compte bancaire à l’étranger. Il faut seulement cocher la case sur sa déclaration d’impôts, donner un numéro et de indiquer le montant des avoirs, de façon qu’ils rentrent dans l’assiette de l’impôt.
La moyenne aujourd’hui est de 800 000 ou 900 000 euros par dossier. C’est un montant important, et il convient d’être prudent. Le service, pour des raisons évidentes, a commencé par traiter les dossiers les plus lourds, vous le comprendrez. On peut estimer qu’environ 25 milliards d’euros sont sortis de l’ombre. Après régularisation, il y aura souvent lieu de percevoir l’impôt de solidarité sur la fortune, donc quelques centaines de millions d’euros de façon récurrente.
Pour 2014, les recettes du STDR sont estimées à 1,95 milliard d’euros, et pour 2015 à 2,2 milliards. Ce sont nos prévisions, et je peux dire aujourd’hui avec une quasi-certitude qu’elles seront tenues. Pour 2015, l’utilisation des fonds appartiendra au Parlement. Il ne s’agit pas d’une cagnotte : nous pourrons parler de cagnotte lorsque nous aurons résorbé le déficit !
Nous passons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. La parole est à M. Gaby Charroux.
Monsieur le secrétaire d’État, parler de la politique budgétaire dans notre pays, c’est parler de restrictions, de baisse de la dépense publique, de blocage des salaires pour les fonctionnaires. Bref, c’est parler un langage qui va de plus en plus à l’envers de l’histoire des peuples. C’est tout particulièrement aux communes et aux départements, qui sont les deux collectivités territoriales les plus proches des citoyens, que ces restrictions s’adressent fortement : suppression de la taxe professionnelle en 2010, ce qui, au passage, n’a pas permis de créer un seul emploi, baisse des dotations, et enfermement au profit de métropoles qui veulent s’empresser d’avaler les miettes qui sont laissées aux communes.
Dans ce paysage austère, M. Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre, était venu dans les Bouches-du-Rhône à l’automne 2013 pour annoncer une série de mesures financières visant à rattraper le retard de Marseille et à accompagner la métropole d’Aix-Marseille-Provence, que d’ailleurs les élus et les populations rejettent de toutes leurs forces.
Il annonçait par exemple 2,5 milliards d’euros de financement pour une gare souterraine traversante, dont au moins 800 millions financés directement par l’État. Il y avait en fait 1,23 milliard d’euros de crédits d’investissement d’État consacrés à la mobilité et aux transports métropolitains, et encore 37 millions en crédits d’intervention d’urgence, 50 millions par an de dotations complémentaires de la métropole à partir de 2016, 1,5 milliard de crédits pour l’innovation et la recherche des entreprises de la métropole, et je vous fais grâce des 3,5 millions annoncés pour l’amélioration de l’accès aux soins, des 1 000 places de crèche supplémentaires, du plan national de rénovation urbaine et des 5 millions par an pour améliorer les équipements publics et le cadre de vie…
Monsieur le ministre, dans le cadre de la politique budgétaire de la France et de la baisse des dotations, et alors que l’actuel Premier ministre, Manuel Valls, était à Marseille ces derniers jours, pouvez-vous me dire ce qu’il est advenu de ces annonces de financement qui n’ont à ce jour, me semble-t-il, pas été concrétisées ?
Monsieur Charroux, disons-le d’entrée, je ne suis peut-être pas en mesure de répondre à l’ensemble des questions que vous soulevez, s’agissant de points très précis sur des infrastructures relevant soit de la ville, soit de la métropole. Je ne suis pas un spécialiste de Marseille, mais je m’engage à ce que mon cabinet vous apporte des réponses écrites plus précises.
Mais le début de votre question m’interpelle. Selon vous, parler de budget, c’est forcément parler de restrictions, de gel de point d’indice ou de diminution des crédits… Monsieur Charroux, la situation est difficile et demande un effort à tous, mais il reste des priorités, que nous finançons. Nous finançons, et certains d’ailleurs le regrettent, des postes dans l’éducation nationale. Dix mille ! Par an ! Nous finançons aussi 1 000 postes supplémentaires par an dans la justice et la sécurité, plus ceux annoncés par le Premier ministre et le ministre de l’intérieur. Ce dernier a d’ailleurs évoqué des moyens supplémentaires qui seront mis à disposition de l’agglomération marseillaise lors de sa visite hier.
Tenir des budgets qui permettent de réduire les déséquilibres, cela représente un effort, je le sais bien, comme chacune et chacun de mes collègues ministres et des gestionnaires des collectivités territoriales, mais cela n’empêche pas d’afficher et de financer des priorités. J’en ai évoqué quelques-unes, il y en a d’autres en matière de sécurité, qui ont été développées tout à l’heure dans la question de M. Vigier. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans l’ensemble des textes budgétaires et financiers à venir.
Monsieur Charroux, vous avez de nouveau la parole, pour poser votre deuxième question.
Le 27 février, la Commission européenne rendra son avis sur le budget français. La semaine dernière, le commissaire européen aux affaires économiques, M. Moscovici, a averti le Gouvernement, l’enjoignant de mettre en oeuvre des mesures complémentaires pour réduire son déficit budgétaire prévu pour 2015 et d’approfondir les réformes structurelles au cours de cette année. En clair, il demande au pays d’utiliser les vieilles recettes libérales qui ont pourtant montré leur injustice et, pis encore, leur inefficacité économique partout où elles ont été exigées par l’exécutif européen.
Alors que la déflation semble partie pour durer, on continue de serrer les freins, d’autant plus inutilement, me semble-t-il, que l’activité est ralentie. Pourtant, ce dogme de la réduction des déficits semble avoir vécu. Les économistes les plus éminents s’accordent à le dire. Surtout, les peuples, désormais, l’exigent, comme on le voit en Grèce et en Espagne, deux pays exsangues économiquement et socialement.
Monsieur le ministre, la politique budgétaire européenne a besoin d’être réorientée. D’une part, la sacro-sainte dette qui pèse sur nos orientations budgétaires doit être auditée à l’échelon européen, afin que soient clairement définies celle qui est légitime et celle qui ne l’est pas. D’autre part, le cadre budgétaire européen qui enferme les États dans un carcan empêchant la relance par l’investissement public, par exemple dans les transports ou la transition énergétique, doit être redéfini. Enfin, les leviers budgétaires existants doivent être sérieusement activés, en créant notamment une véritable taxe européenne sur les transactions financières ou en poursuivant le renforcement des moyens de lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales.
Ma question est simple : quelles initiatives comptez-vous prendre au cours des prochaines semaines pour faire entendre à Bruxelles la voix d’une ambition budgétaire modifiée pour l’Europe et sortir les peuples du marasme économique qui les condamne ?
Non, votre question n’est pas simple, monsieur Charroux, et vous avez abordé bien des sujets ! Je vous propose d’enfermer les économistes les plus éminents pendant vingt-quatre heures, avec bière et sandwiches, pour déterminer quelle dette est légitime et quelle dette ne l’est pas. Cela pourrait donner lieu à une séance assez intéressante... Mais cela n’empêche bien sûr pas de soulever la question : il n’y a pas de mauvais débat.
Pour aller à l’essentiel, vous me demandez si la France souhaite une réorientation de la politique budgétaire et économique de l’Europe. Bien sûr ! Cela ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait plusieurs mois que le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des finances, Eurogroup après Eurogroup, ECOFIN, G5, G7 et G20 l’un après l’autre, disent que la politique budgétaire économique ne doit pas négliger la capacité d’investir et qu’il y a lieu d’harmoniser et de réorienter la politique économique en Europe, de manière à retrouver l’un des facteurs qui nous fait aujourd’hui défaut, en France comme en Europe : la croissance.
Sur ce point, nous n’avons pas de différences d’appréciation, monsieur Charroux. Nous avons plutôt probablement, sûrement même, des différences de méthode. Les élections récentes en Grèce, et prochainement en Espagne, ne font que conforter cet appel à une réorientation de la politique budgétaire. Cela veut-il dire que toute dette deviendrait légitime et pourrait échapper à toute maîtrise ? Je ne le crois pas. Il est évident qu’il faudra continuer les efforts, mais à un rythme adapté à la soutenabilité de la croissance, notamment dans notre pays.
Nous en revenons au groupe écologiste, avec une nouvelle question de M. Éric Alauzet.
Monsieur le secrétaire d’État, dans la loi de finances pour 2015, nous avons pris un certain nombre de mesures favorables à l’environnement : doublement du CIDD, qui est devenu le crédit d’impôt pour la transition énergétique, fléchage de 28 millions d’euros pour la conversion des vieux véhicules diesel en véhicules propres, augmentation de deux centimes par litre de la TICPE sur l’essence et le diesel – c’est la montée en puissance de la contribution climat énergie, contribution de 4 centimes par litre sur le gazole des poids lourds suite à l’abandon de la taxe poids lourds, ce qui devrait permettre de maintenir le budget de l’AFITF à hauteur de 2,3 milliards d’euros pour l’année 2015, ou encore progression de la CSPE, avec 1 milliard d’euros supplémentaires en 2015 pour financer les énergies renouvelables…
Dans le même temps, le budget de la mission « Écologie » subit une baisse de l’ordre de 400 millions d’euros. On peut notamment regretter la suppression des programmes d’investissement d’avenir concernant les villes et territoires durables et l’innovation pour la transition énergétique. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, il sera créé un chèque énergie, qui n’a pas trouvé de traduction dans le budget 2015, car les premiers seront émis seulement à la fin de cette année. Celui-ci remplacera les tarifs sociaux et il sera donc financé en partie par la CSPE et complété dans le cadre du budget 2016. Il permettra d’aider 4 millions de ménages.
Les actions en faveur de l’environnement sont multiples et ne prennent pas toutes place dans le cadre de la mission « Écologie », au point qu’il devient difficile de se mettre d’accord sur la réalité de la politique écologique du Gouvernement. À titre d’exemple, il est difficile de savoir si le budget de l’AFITF sera maintenu, entre la baisse de la contribution du budget de l’écologie et l’abondement de la taxe sur le litre de gazole pour les poids lourds. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner ce soir une vision globale mais précise des dépenses engagées par l’État et ses opérateurs en faveur de l’écologie, afin de rendre nos échanges plus clairs et plus utiles ?
Monsieur Alauzet, je reconnais bien là chez vous une forme de cartésianisme que j’aurais moi-même appelée de mes voeux afin que certains de nos débats soient plus raisonnables et évitent les caricatures. Vous aviez déjà rappelé que le budget consacré à l’environnement et à l’écologie ne se limite pas aux seuls crédits budgétaires de la mission. Beaucoup d’opérateurs gravitent autour de ces questions, et autour du ministère : l’ADEME, les agences de l’eau ou d’autres encore. Il est parfois un peu difficile d’y voir clair, je vous l’accorde. Concernant les budgets de l’AFITF, les choses sont claires. Je ne suis pas absolument sûr des chiffres, la grippe ayant eu un peu raison de ma mémoire, mais ils tournent autour de 1,9 milliard d’euros utilisables pour les infrastructures de transport, le budget total étant un peu supérieur puisqu’il prend en charge une part de ce qu’il faut payer à la société Écomouv’.
Concernant les autres opérateurs, nous aurons l’occasion d’y revenir. Vous avez en fait tout dit dans votre question : la liste de l’ensemble des décisions qui, depuis le début de cette législature, sont venues alimenter les politiques environnementales a occupé quasiment la moitié de votre temps de parole ! La contribution climat énergie qui a été mise en place après les échecs répétés des majorités précédentes est loin d’être neutre, et nous assumons collectivement sa montée en puissance. J’ajoute que Mme Royal et moi-même avons relancé hier le comité anciennement dit de Perthuis, avec un nouveau président, qui doit travailler sur des propositions fiscales mais aussi sur tous les leviers de financement des politiques.
Nous en venons à des questions du groupe socialiste, républicain et citoyen. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
À l’occasion de ce débat, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, revenir sur l’état du dialogue que vous avez engagé avec les instances bruxelloises sur notre budget pour 2015. Conformément à la règle dite du Two Pack, qui vise à renforcer la gouvernance économique européenne, les États transmettent à la Commission leur prévision de budget pour l’année suivante au mois d’octobre. En octobre dernier, la France avait reçu une lettre de la Commission européenne qui demandait de préciser un certain nombre de mesures. Le ministre des finances, Michel Sapin, avait alors annoncé un effort supplémentaire de 3,6 milliards d’euros, qui peut se décomposer en trois paquets : des mesures de constatation, à hauteur de 1,6 milliard d’euros, des mesures fiscales, pour environ 1 milliard d’euros, et enfin 1 milliard d’euros consistant essentiellement en mesures de lutte contre la fraude fiscale, avec aussi 200 millions d’euros de taxes relevant plus de l’application des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous repréciser le détail de ces 3,6 milliards d’euros ? Par ailleurs, la France doit transmettre, d’ici au mois d’avril, son programme budgétaire pluriannuel à la Commission européenne, avec pour objectif le pacte de stabilité. Vous serait-il possible de nous dire le calendrier que vous envisagez d’adopter, s’agissant notamment de l’examen du programme par notre assemblée avant sa transmission à la Commission ?
Madame la rapporteure générale, la prévision de déficit public pour 2015 a été améliorée au cours des débats parlementaires, puisqu’elle est passée de 4,3 à 4,1 points de PIB. L’article liminaire de la loi de finances initiale pour 2015 et la loi de programmation des finances publiques ont été ajustés en conséquence en nouvelle lecture par votre assemblée.
Vous avez rappelé que les ajustements s’élèvent à 3,6 milliards d’euros, sur lesquels le Gouvernement a encore quelques discussions avec la Commission européenne, notamment pour la partie 2015 puisque, comme je l’ai dit à votre collègue Philippe Vigier, il y a des différences d’appréciation entre nous. Ainsi, la Commission ne prend en compte que les mesures pérennes et non les mesures one shot. Elle a aussi changé de position quant aux 300 millions d’euros que nous avions affichés, très prudemment, de réduction du prélèvement au profit de l’Union, après quelques divergences de vue avec Eurostat… Voilà certains paramètres parmi d’autres qui m’empêchent à ce stade de vous répondre de façon très précise mais qui expliquent que nous estimions notre effort structurel à 0,5 % du PIB alors que la Commission ne nous gratifie que de 0,32 %. Les discussions se poursuivent.
Enfin, vous m’interrogez sur le calendrier du programme de stabilité. Je reconnais franchement que le Gouvernement doit améliorer ses relations, du point de vue du calendrier de travail, avec votre assemblée, et notamment sa commission des finances, afin que le programme de stabilité n’arrive pas tout ficelé devant une assemblée qui n’aurait d’autre choix que de l’approuver en l’état, et que nous puissions avoir des discussions plus en amont. Peut-être en est-ce l’amorce aujourd’hui.
Outre le redressement des comptes publics, le Gouvernement a parallèlement à coeur de rendre notre fiscalité plus juste et plus équitable. Ainsi, depuis 2012, il a aligné l’imposition des revenus du capital sur celle des revenus du travail,…
…plafonné les avantages liés aux niches fiscales, limité le quotient familial pour les plus aisés, revalorisé l’allocation de soutien et le complément familial, rétabli l’impôt sur la fortune, alourdi la taxation des stock-options, taxé les plus gros dividendes et créé une tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %. En sens inverse, mesure phare du projet de loi de finances pour 2015, la décote a été renforcée pour les foyers fiscaux faiblement imposés, tandis que la première tranche de l’impôt sur le revenu au taux de 5,5 % était supprimée, ce qui va faire baisser l’imposition pour neuf millions de foyers fiscaux.
Pour autant, dans le souci de justice et d’équité qu’a le Gouvernement, comme le montrent toutes ces réformes fiscales, il est une injustice que vous devriez prendre en considération, monsieur le secrétaire d’État : c’est l’inégalité des droits sociaux et fiscaux entre les allocataires du revenu social d’activité et ceux qui perçoivent l’allocation spécifique de solidarité. Les niveaux de ressources sont proches – 513 euros au titre du RSA, 490 euros au titre de l’ASS – et pourtant, outre que leur rythme d’évolution n’est pas le même, les droits afférents à ces minima sociaux diffèrent, notamment sur le plan fiscal – exonération de la taxe d’habitation ou de la redevance audiovisuelle – mais aussi s’agissant de la tarification des transports en commun. Pour les allocataires, c’est incompréhensible : comment peut-on avoir des niveaux de ressources quasiment équivalents, mais des droits différents ?
Le Gouvernement envisage-t-il d’homogénéiser les conséquences fiscales de la perception de minima sociaux, spécifiquement pour le RSA, l’ASS et l’AAH – l’allocation adulte handicapé – et de réviser à cette fin les articles 1414 et 1605 ter du code général des impôts ? C’est un point important. Plus généralement, monsieur le secrétaire d’État, comment se poursuit la démarche d’équité et de justice fiscales de la politique gouvernementale ?
Monsieur Baert, vous avez mis quarante-cinq secondes à égrener toutes les différentes dispositions prises depuis le début de cette législature.
Vous parlez vite, c’est vrai – plus que moi !
Sourires.
Ces différentes mesures concourent à plus de justice, en particulier, et je vous remercie de l’avoir évoquée, la prise en compte au barème de l’impôt sur le revenu d’un certain nombre de revenus du capital, ce qui met fin à une injustice que nous avions souvent dénoncée.
Votre question est très précise et très technique. Vous évoquez la différence entre les bénéficiaires du RSA et ceux de l’ASS dans la prise en compte de leurs ressources. Il me semble de surcroît, sous réserve de vérification, que l’ASS donne lieu à une comptabilisation des trimestres pour la retraite plus avantageuse que celle du RSA.
Le Gouvernement s’est engagé, vous le savez, à rapprocher le RSA activité et la prime pour l’emploi, deux dispositifs qui se cannibalisent en partie puisque celui qui bénéficie du premier perçoit moins au titre de la seconde, et qui ne sont pas versés de la même façon, l’un au fil de l’eau, l’autre de façon décalée. C’est pourquoi le Gouvernement vous proposera d’ici quelques mois un nouveau dispositif, dont j’ai évoqué les principes lors de la discussion de la loi de finances initiale. La réforme de l’ASS sera à mener en corrélation avec la mise en place de ce nouveau dispositif de RSA-prime pour l’emploi. Elle fait partie des travaux que le Gouvernement conduit actuellement et qui donneront lieu à des propositions. Votre question pertinente et très technique est donc parfaitement identifiée.
Nous en venons à des questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Monsieur le secrétaire d’État, dans sa communication, le Gouvernement met en avant les éléments les plus flatteurs de l’exécution du budget de l’État en 2014 : il évoque ainsi une diminution sans précédent des normes de dépense depuis leur création, une baisse de la dépense hors charge de la dette et pensions et une amélioration des recettes fiscales par rapport aux prévisions de loi de finances rectificative.
Pourtant, le déficit s’est très nettement dégradé, à hauteur de 10,7 milliards, par rapport à 2013, atteignant 85,6 milliards d’euros en exécution. La France et la Croatie sont les seuls pays de l’Union européenne à connaître une dégradation du déficit alors que celui-ci était déjà supérieur à 3 %. Et puis il y a la diminution des recettes, à hauteur de 9,3 milliards, les dépenses qui ont augmenté d’un milliard…
C’est un triste constat, monsieur le secrétaire d’État. La baisse des recettes en 2014, soit 10 milliards d’euros qui ne sont pas rentrés dans les caisses de l’État par rapport aux prévisions de la loi de finances, ne s’explique pas seulement par la montée en puissance du CICE, si c’est l’argument que vous comptiez évoquer, puisque celui-ci représente 6 milliards d’euros. Plus grave encore, les recettes sont en recul de 9,7 milliards en exécution par rapport à 2013.
Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, que l’impôt sur le revenu est devenu aujourd’hui vulnérable, alors que 10 % des contribuables en paient 70 % et qu’on attend toujours vos réponses face à l’exil fiscal ? Comment sortir réellement de la vulnérabilité de l’impôt sur le revenu en France ?
Madame la députée, le Gouvernement ne fait pas de la « communication ». Le Gouvernement fait à l’Assemblée un bilan de l’exercice 2014 et de son exécution. Je vous sens impatiente du débat de demain en commission des finances. Vous avez déjà livré quelques aperçus de votre point de vue, nous aurons l’occasion demain d’approfondir les choses.
Pendant des mois, du haut de cette tribune, vous-même et quelques autres, comme le président Carrez ici présent, nous avez dit que les économies prévues étaient de fausses économies, parce que nous nous basions sur une évolution tendancielle. Le président Carrez a dit plusieurs fois que ce qui comptait était la comparaison de l’exécution 2013 avec l’exécution 2014. Chiche, madame Dalloz !
Concernant le budget de l’État, hors dépenses exceptionnelles – le programme d’investissements d’avenir n’a jamais été intégré dans l’enveloppe budgétaire – les dépenses ont diminué, madame Dalloz, que vous le vouliez ou non, de 3,3 milliards d’euros. Je présenterai la loi de règlement d’ici quelques mois. C’est inédit, il faut le reconnaître. Vous estimez que c’est insuffisant. Nous, nous estimons que c’est le résultat d’un effort sans précédent.
Concernant les recettes, le CICE n’est la seule explication de leur diminution. Certes, il représente un décaissement budgétaire d’un peu plus de 6 milliards d’euros, mais n’oubliez pas que par une loi de finances rectificative que vous n’avez pas votée, nous avons aussi réduit l’impôt sur le revenu de neuf millions de contribuables, pour un montant supérieur à 2 milliards d’euros. Nous avons également baissé l’impôt sur le revenu de 2014 dans une autre loi de finances rectificative que vous n’avez pas non plus votée.
Bref, d’une exécution à l’autre, le constat est indiscutable.
Nous continuerons ce débat demain. Maîtrisons notre impatience, madame Dalloz !
Monsieur le secrétaire d’État, en 2015, l’inflation sera plus faible que prévu lors du débat sur le projet de loi de finances : probablement 0,5 % au lieu de 0,9 %. Cela veut dire à la fois que les dépenses seront plus faibles et que les recettes probablement le seront aussi. Pouvez-vous nous dire dès aujourd’hui quel sera l’impact de cette évolution sur l’équilibre budgétaire, et si d’aventure elle devait aggraver le déficit, les mesures de rééquilibrage qu’envisagerait le Gouvernement ?
Par ailleurs, dans le cadre du programme de stabilité, le Gouvernement s’est engagé à une baisse de la dépense en volume de 0,3 % en 2015. C’est un marqueur important, aussi bien pour nos délibérations qu’en tant qu’indicateur des efforts budgétaires de la France dans le contexte européen. Le Gouvernement s’engage-t-il, nonobstant l’évolution de l’inflation, à tenir cet objectif de moins 0,3 % en volume en 2015 ?
Monsieur Mariton, votre question est elle aussi, je dois le dire, extrêmement pertinente.
J’ai indiqué tout à l’heure que les prévisions de la Commission étaient conformes à celles du Gouvernement s’agissant de la croissance et du déficit pour 2014 et 2015. En revanche, il y a une différence, même si elle n’est pas encore bien nette, s’agissant du taux d’inflation.
Vous m’interrogez sur les effets de la baisse de l’inflation. Ils sont multiples, divers et parfois contradictoires. On peut penser que les recettes de la TVA vont mécaniquement baisser, l’assiette s’amenuisant, et qu’elles seront inférieures aux prévisions. Pour l’impôt sur le revenu, l’impact ne devrait pas être significatif, celui-ci étant calculé sur les revenus de 2014, par conséquent avant le ralentissement de l’inflation.
Une grande partie de nos emprunts étant indexés sur l’inflation, il faut aussi s’attendre à des économies sur la charge de la dette, mais sans pouvoir les chiffrer. Tout dépend du niveau auquel s’établira l’inflation : 0,5 %, ou encore moins ? En tout cas ce ne sera pas 0,9 %, c’est-à-dire la prévision initiale du Gouvernement, tout le monde s’accorde là-dessus.
S’agissant des dépenses, les effets sont complexes. Vous avez distingué les dépenses en volume et en valeur. Il est vrai que les plafonds de dépenses étant fixés en valeur, une plus faible inflation rend les efforts beaucoup plus soutenables – et la tentation de moins en faire plus grande.
J’ai indiqué à M. Vigier que le milliard de dépenses supplémentaires annoncé depuis le début de l’année par M. le Premier ministre et lié à la lutte contre le terrorisme serait financé par les gains de dépenses dus non seulement à l’inflation, que vous avez opportunément évoqués, mais aussi à la baisse du prix du pétrole et plus généralement de l’énergie.
Il y aura un surgel d’autres dépenses.
Monsieur le secrétaire d’État, l’armée est indispensable à notre sécurité intérieure et extérieure. Nous ne pouvons continuer à multiplier les théâtres d’opérations sans que les hommes et les moyens suivent, sauf à mettre notre armée en danger. Il est donc irresponsable de baisser les moyens et les effectifs de l’armée.
Or il manque cette année pas moins de 2,2 milliards au budget de la défense sur les 31,4 milliards prévus, soit 7 % de sous-financement. En outre, les recettes exceptionnelles provenant de la vente d’emprises immobilières et de fréquences ne seront pas au rendez-vous en 2015. À l’Assemblée nationale comme au Sénat, les parlementaires de l’opposition n’ont cessé de vous alerter sur les réalités financières d’un budget de la défense pour 2015 incompatible avec les ambitions affichées.
Aujourd’hui, le ministre de la défense prévoit, comme seule solution à l’impasse financière dans laquelle se trouve enlisée notre politique de défense nationale, la mise en place de « sociétés de projet ». Capitalisées grâce au produit de cessions de participations de l’État, une ou plusieurs sociétés publiques « de projet » achèteraient à l’armée du matériel en service ou allant être livré, pour aussitôt les lui louer.
Monsieur le secrétaire d’État, ce montage nous rend très inquiets. C’est un artifice budgétaire, source d’opacité et de surcoûts, dont tous les risques, opérationnels comme financiers, ne sont pas maîtrisés. Nous n’avons aucune garantie sur la faisabilité technique de ce montage dans des délais respectueux de la loi de programmation militaire, dès cette année. Il semble plus guidé par le souci de trouver une solution technique à une impasse financière que par un choix stratégique pour améliorer l’efficacité de nos armées.
L’annonce récente du Président de la République de revoir le processus de déflation des effectifs de nos armées est un soulagement, mais qui aurait dû s’imposer lors de l’élaboration de la loi de programmation militaire votée par votre majorité en 2013.
Alors que la France est présente sur de nombreux théâtres d’opérations, le budget 2015 est l’image même de l’inadéquation entre nos ambitions et nos moyens. Monsieur le secrétaire d’État, quelles solutions viables apporterez-vous pour sanctuariser le budget de notre armée ?
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée Louwagie, rions un peu. Savez-vous comment Bercy appelle les courbes budgétaires qui retracent les lois de programmation militaire telles qu’elles ont été votées et telles qu’elles ont été exécutées ? Des courbes « en Iroquois » ! À chaque fois qu’une loi de programmation militaire est votée, il y a un grand pic, et quand on en est à l’exécution, tout s’effondre…
Mais revenons à votre question sérieuse, et tout à fait légitime : l’engagement pris est de 31,4 milliards. Il sera tenu. Le Président de la République l’a répété dans sa conférence de presse et dans son discours aux armées. Il n’y aura pas de courbe en Iroquois.
Vous affirmez qu’il n’y aura pas de recettes exceptionnelles sur la vente des fréquences en 2015. Qu’en savez-vous ? Il n’est pas impossible, même s’il est permis d’en douter, que des recettes soient perçues à ce titre en 2015. Le Premier ministre a communiqué à ce sujet il y a quelques semaines, expliquant qu’un calendrier était fixé et qu’il n’excluait pas cette possibilité.
Sans entrer dans des détails couverts par une nécessaire discrétion, d’autres recettes sont possibles, provenant par exemple de la vente de matériels à des pays voisins.
Vous aurez l’occasion de débattre de la société de projet avec Emmanuel Macron. Elle ne présente pas que des avantages, mais pas que des inconvénients non plus. Il en va souvent ainsi dans la vie ! La position de Bercy est connue : ce n’est pas la solution qui avait notre préférence, car cela sera requalifié, ce n’est plus contesté, comme une dépense maastrichtienne. Quoi qu’il en soit, il a été décidé, à titre de précaution, de prévoir cette possibilité dans le projet de loi actuellement en discussion. En cas de besoin, elle pourra être mise en oeuvre. Le président Carrez m’a fait savoir que nous évoquerions cette question demain en commission des finances, dont vous êtes désormais membre.
Nous en revenons à la dernière question du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. La parole est à M. Philippe Gomes.
Monsieur le secrétaire d’État, je voulais vous interroger sur la construction des lycées du Mont-Dore et de Pouembout ainsi que d’un centre pénitentiaire dans la province Nord de Nouvelle-Calédonie, et vérifier que les crédits de l’État, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, étaient bien inscrits. Mais la réponse que vous avez faite à Jean-Paul Tuaiva me conduit à revenir sur sa question, pour trois motifs.
Vous avez indiqué que le CICE et les réductions de charges sociales sur les bas salaires étaient applicables dans les collectivités d’outre-mer. C’est totalement faux. Seuls les départements d’outre-mer sont admis au bénéfice de ces dispositifs, en aucune façon les collectivités d’outre-mer du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, qui sont depuis longtemps fiscalement autonomes. Il convenait d’apporter cette correction.
M. Tuaiva a aussi évoqué le dispositif de défiscalisation. Ainsi que vous l’avez rappelé, ce dispositif a été revu en ce qui concerne les départements d’outre-mer, selon des modalités particulières, notamment en termes de crédits d’impôt. Il n’en est rien pour les collectivités d’outre-mer, où le dispositif précédent continue de s’appliquer. Vous m’aviez toutefois répondu, lors des questions au Gouvernement, que ce dispositif de défiscalisation serait évalué en 2015 et que, le cas échéant, de nouvelles dispositions mieux adaptées aux collectivités d’outre-mer du Pacifique pourraient être proposées à l’Assemblée.
Il est en tout cas indispensable, et j’insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, de faire sauter le verrou de 2017. La Nouvelle-Calédonie est soumise au processus du référendum de 2018, avec une incertitude politique forte. Une épée de Damoclès est suspendue au-dessus du pays, ce qui n’est pas favorable à l’investissement. La Polynésie, quant à elle, sort d’une décennie difficile, où près de 10 % du PIB a été détruit. C’est dire à quel point ces deux collectivités ont besoin d’un horizon élargi, afin que les acteurs économiques reprennent confiance et que les investissements permettent à nos économies aujourd’hui chancelantes de repartir.
Enfin, la dernière partie de la question de M. Tuaiva concernait l’installation de la BPI. Monsieur le secrétaire d’État, une mission a eu lieu il y a plus d’un an maintenant. Des textes devaient être présentés de manière imminente. Nous attendons toujours. Quand la BPI sera-t-elle installée en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ?
Monsieur le député, concernant la question des infrastructures en Nouvelle-Calédonie, je confirme que le Gouvernement et la garde des sceaux y sont attentifs et que la construction d’un centre pénitentiaire de 150 places à Koné est bien financée dans le cadre du budget triennal. En 2015, 23 millions d’euros sont prévus pour des autorisations d’engagement.
Vous avez aussi évoqué les crédits d’impôt et l’applicabilité du dispositif de défiscalisation aux collectivités d’outre-mer, les COM. Effectivement, j’ai parlé tout à l’heure un peu facilement des territoires d’outre-mer, sans préciser s’il s’agissait des DOM ou des COM. Les COM ont une fiscalité propre. Les crédits d’impôt étant attachés à celui qui manie l’outil fiscal, le Gouvernement n’aura donc peut-être pas toute latitude.
Mais je vois quelques contradictions dans vos propos : vous dites, contrairement à M. Tuaiva, que le dispositif nouveau est moins favorable, mais vous réclamez son application pour votre collectivité ! Je n’ai pas eu le temps de le dire tout à l’heure, mais les taux pratiqués sur les crédits d’impôts conduisent à des aides plus favorables qu’auparavant avec les dispositifs de défiscalisation.
Enfin, le secrétaire d’État au budget n’a pas tutelle sur la BPI. Je crois savoir qu’en ce moment, vous avez l’occasion de rencontrer régulièrement le ministre de l’économie. Peut-être pourriez-vous lui poser la question ?
Nous en revenons au groupe socialiste, républicain et citoyen. La parole est à M. Jean Launay.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur le budget de la défense. Les engagements militaires de la France, communément appelés OPEX, en 2013 et en 2014 ont un impact budgétaire important. Le surcoût total des OPEX pour 2013, hors opération Sangaris en Centrafrique, aura été de 1,26 milliard d’euros.
L’année 2013 a donc illustré, comme en 2012, le fonctionnement de la clause de sauvegarde, désormais inscrite dans le corps même de la loi de programmation militaire. La totalité des surcoûts OPEX liés à des opérations exceptionnelles décidées par le Président de la République, chef des armées – Mali, République Centrafricaine – et dépassant la dotation inscrite en loi de finances a été couverte par la solidarité interministérielle.
C’est ainsi que 578 millions d’euros de crédits ont été ouverts par décret d’avance fin 2013 et ratifiés par la loi de finances rectificative. Au total, les surcoûts OPEX en 2013, soit 1,26 milliard d’euros, auront fait l’objet d’un financement à l’euro près selon le dispositif prévu, sans nécessiter aucun prélèvement sur les autres crédits du ministère. Ainsi, les crédits d’équipement de nos armées n’auront pas servi ces deux dernières années de variable d’ajustement au financement des OPEX.
Pour 2014, le coût total prévisionnel des OPEX avoisine 1,2 milliard d’euros, somme importante qui doit, conformément à la loi de programmation militaire, faire l’objet d’une compensation interministérielle.
Monsieur le secrétaire d’État, où en sommes-nous de ces arbitrages de fin de gestion ? Pouvez-vous préciser si la réserve de précaution, dont je rappelle qu’elle représente 1,4 milliard d’euros, a été levée, et si oui, dans quelle proportion ?
Par ailleurs, comment s’opérera la couverture interministérielle du surcoût lié aux OPEX pour 2014, au-delà des 450 millions d’euros provisionnés en loi de finances initiale pour 2014 ? Le surcoût prévisionnel total de ces OPEX pour l’ensemble des théâtres est estimé à 1,128 milliard d’euros à la fin de l’année.
Enfin, madame Louwagie, si vous aviez pu entendre le chef d’État-major Pierre de Villiers devant la commission des affaires étrangères cet après-midi, vous auriez compris que les sociétés de projet sont le plan A qui permet le respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire, soit 31,4 milliards pour cette année. Le général a ajouté qu’il n’y avait pas de plan B. Rendez-vous donc demain pour poursuivre ce débat en commission des finances !
Sur ce dernier point, monsieur Launay, sachez que des plans B ont bien été envisagés. Nous aurons l’occasion d’en reparler. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage…
Je l’ai dit tout à l’heure, monsieur Launay : le budget de 31,4 milliards pour 2015 sera respecté, comme s’y sont engagés le Président de la République et par conséquent votre serviteur. Aucun autre discours n’est possible au sein du Gouvernement.
Vous avez évoqué les gestions 2013 et 2014. En 2014, l’ensemble des crédits mis à la disposition du ministère de la défense s’élèvent à 31,8 milliards d’euros, soit plus que les 31,4 milliards inscrits dans la loi de programmation militaire. La solidarité interministérielle a permis de financer les OPEX, dont le coût a dépassé les prévisions d’environ 600 millions d’euros. Voilà pour 2014.
Revenons sur un point que je n’ai pas soulevé tout à l’heure. Il était prévu dans la loi de programmation militaire qu’elle serait revue courant 2015. Le Président de la République a clairement demandé que cette révision ait lieu avant l’été.
En effet, mais il a répété à l’occasion de sa dernière conférence de presse son attachement au chiffre de 31,4 milliards. L’actualisation concernera les OPEX, les effectifs, l’engagement ayant été pris de supprimer 7 500 emplois de moins que prévu d’ici à 2019, ainsi qu’un certain nombre de dépenses. Vous aurez l’occasion de poursuivre le débat, avec Jean-Yves Le Drian… et peut-être avec Christian Eckert !
Sourires.
Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais à nouveau aborder la situation des collectivités territoriales, en particulier du bloc communal à qui l’on demande l’essentiel de l’effort de redressement des comptes publics.
Mon premier point sera revendicatif, puisque je souhaite à nouveau attirer votre attention sur le fait que l’effort de chaque collectivité ne peut être calculé en pourcentage, mais au prorata des capacités contributives de chacune.
Vous le savez, les situations sont très diverses. Certaines pourront assumer l’effort demandé sans compromettre leurs investissements tandis que d’autres n’y parviendront pas malgré tous les efforts qu’elles ont entrepris depuis des années pour réduire leurs dépenses de fonctionnement.
J’avais beaucoup insisté sur la réforme de la DGF. Vous l’avez actée pour 2016, et je vous en remercie. Elle devra nécessairement faire jouer la péréquation en tenant compte, en particulier, des charges de centralité et des situations réelles. Ainsi, 15 % de la population de la ville que je préside est devenue éligible à la politique de la ville, ce qui crée des obligations envers ces populations. Je souhaite à nouveau recueillir votre avis sur la philosophie qui vous anime.
Je voudrais par ailleurs mettre en évidence les avancées réalisées, que je salue : augmentation importante de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale, mais surtout progression de la dotation d’équipement des territoires ruraux – plus de 30 % dans mon seul département. Cette dotation est un véritable levier pour l’aide à l’investissement des collectivités et donc pour le soutien aux entreprises locales dont la survie dépend directement de la commande publique.
Le fonds d’aide aux communes pour l’accompagnement des nouveaux rythmes scolaires est également indispensable.
Je souhaite donc, comme le demande l’Association des maires de France, que nous ayons un vrai dialogue tenant compte de la situation réelle des communes pour qu’elles agissent aux côtés de l’État comme un véritable levier pour un soutien à la croissance et à l’emploi.
Pourriez-vous faire à nouveau le point sur l’ensemble de ces dossiers et nous rappeler vos intentions ?
La réforme de la DGF est une question importante, comme d’ailleurs les montants concernés, qui sont de l’ordre de 46 milliards d’euros. Des discussions subsistent, en particulier sur son périmètre ainsi que sur son évolution, qui se fait non pas dans un esprit punitif mais pour garantir la réduction de l’ensemble de la dépense publique. Nous avons été conduits, faute d’ailleurs de propositions de la part des associations d’élus, à reconduire pour 2015 la répartition de 2014.
La péréquation est l’un des grands principes de la DGF. Je souhaite qu’elle soit au coeur du travail qu’entament vos deux collègues le sénateur Jean Germain et la députée Christine Pires Beaune, car la diversité des situations est insupportable. Vous êtes député de la Creuse, me semble-t-il : est-il normal que certaines villes riches de l’agglomération parisienne perçoivent une DGF par habitant très largement supérieure à des petits bourgs-centres de la Creuse ? C’est incompréhensible. Peut-être pourrons-nous, progressivement car les réformes brutales sont toujours difficiles à faire accepter, faire évoluer la situation.
S’agissant des charges de centralité, nous sommes quelques-uns à penser, mais là encore le travail doit progresser, qu’une dotation de fonctionnement intercommunale ne serait pas une mauvaise idée. Elle permettrait de prendre en compte les charges de centralité de façon mutualisée, proche du territoire, et non pas depuis Paris. On voit bien que certaines intercommunalités riches comprennent des communes pauvres, ou l’inverse, ce qui crée des disparités, notamment au regard des charges dites de centralité – celles qui pèsent sur la commune qui détient les équipements publics, les piscines, les crèches. Les territoires seraient les mieux placés pour organiser une répartition plus conforme aux charges et aux ressources des uns et des autres. Nous en discuterons. Je sais que les oppositions sont assez fortes au sein des associations d’élus, mais j’invite tout le monde à y réfléchir. Nous trouverons bien une solution.
Nous en venons aux dernières questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La parole est à M. Olivier Carré.
Au cours de cette soirée de questions budgétaires, nous avons évoqué la suppression de la prime pour l’emploi et sa fusion avec le RSA activité. Reste la question du RSA socle. Nous avons par ailleurs eu vent, par une fuite dans la presse, des conclusions des travaux commandés à l’inspection générale des finances, à l’inspection générale des affaires sociales et à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages sur l’aide personnalisée au logement – APL – également liée à ces sujets.
Une réforme de fond s’esquisse. Elle intéresse Bercy au plus haut point, car les sommes en jeu sont importantes : environ 70 milliards d’euros, pour des millions de ménages. De multiples groupes de travail se sont formés au sein de notre assemblée sur ces sujets, et différents rapports ont été commandés. Pourriez-vous nous éclairer sur l’état de la question afin que nous puissions nous forger une opinion et amorcer un débat avant que les solutions n’arrivent déjà toutes ficelées en loi de finances ?
En deux minutes, il faut passer en revue toute la politique du logement ! Autrement dit, 2 % de notre PIB !
Les APL sont bien l’une des composantes de la politique du logement.
Mais j’ai aussi parlé de la PPE, du RSA et des allocations familiales !
Et vous avez ironisé sur la fuite des conclusions du rapport de l’IGF sur le logement.
Ainsi, 2 % du PIB sont consacrés au logement, pour un résultat qui n’est pas à la hauteur puisque les aides à la pierre, les allocations logement et les dépenses fiscales ne se retrouvent pas forcément au bon endroit géographique ni dans la poche de celui qui en aurait le plus besoin. Nous devons conduire une réflexion sur la politique du logement, dont les APL sont une composante.
Ce n’est pas parce qu’un grand journal économique a titré sur les APL qu’il faut en tirer des conclusions hâtives : il n’a évoqué qu’une partie du rapport et est resté muet sur le reste. Il faut remettre les choses à leur place.
L’on voudrait tuer une réforme que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
Vous évoquez l’articulation entre les différentes allocations. J’ai déjà évoqué le travail qui sera mené sur le RSA et la PPE, ainsi que sur l’allocation de solidarité spécifique, qui va de pair. Nous sommes ouverts à toute réflexion sur l’APL à condition de ne pas trop charger la barque. En effet, il se trouvera à chaque fois des gagnants et des perdants et l’idée d’une fusion de ces prestations dans une seule et même allocation, qui pourrait émerger d’une réflexion de ce type, pourrait présenter quelques difficultés si son application s’avérait trop brutale. Cela étant, tous les travaux sont les bienvenus.
Monsieur le secrétaire d’État, suite à une promesse de campagne du candidat François Hollande, vous avez voulu mettre en place une taxe à 75 % sur les revenus supérieurs à un million d’euros. Cette première version avait été censurée par le Conseil constitutionnel, qui avait considéré, outre la charge excessive qui en résultait, que cette taxe était contraire au principe d’égalité devant les charges publiques puisque son mécanisme était assis sur les revenus de chaque personne physique alors que l’impôt sur le revenu est prélevé par foyer.
Un an après, piégé par cette promesse électorale, votre majorité élaborait une nouvelle mouture de cette taxe, un impôt sur les entreprises payé par ces dernières sur les salaires dépassant un million d’euros au titre des années 2013 et 2014. Cette taxe aura ainsi concerné un millier de contribuables et rapporté 420 millions d’euros, ce qui représente un faible intérêt au regard des 187 milliards d’euros générés par la TVA, des 75 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu ou des 55 milliards de l’impôt sur les sociétés.
Si les bénéfices pour les comptes publics n’auront été que très limités, les conséquences pour l’image de notre pays auront en revanche été désastreuses. En effet, de nombreuses entreprises ont délocalisé leurs services à l’étranger, à l’instar de beaucoup de dirigeants qui se sont aussi exilés, ce qui représente autant de recettes et de forces économiques perdues pour la France.
Cette taxe a de surcroît profondément affaibli la réputation de la France et sa compétitivité, sans compter les autres mesures « anti-entreprises » comme le compte pénibilité, le temps partiel à 24 heures minimum ou l’obligation d’information des salariés pour tout projet de cession. Bref, les investisseurs ont tout simplement perdu confiance.
Monsieur le secrétaire d’État, je pense que vous êtes, comme moi, comme tous les Français, inquiets pour notre économie et notre pays. Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour regagner la confiance des investisseurs et des dirigeants d’entreprise et tout simplement pour relancer la compétitivité en France ?
Ils peuvent revenir, monsieur le député ! Ils peuvent revenir, puisque la taxe dite à 75 % ne s’applique plus.
Rassurez-les, monsieur le député. Nous vivons dans un beau pays, qui produit les meilleurs fromages, les meilleures baguettes de pain et les meilleures viennoiseries du monde. Ceux qui auraient déserté le territoire pour des raisons purement mercantiles trouveront une immense satisfaction à revenir dans notre beau pays.
Vous avez quelque peu ironisé sur la décision du Conseil constitutionnel. Puisque nous sommes en fin de débat, un peu de vanité mal placée ne nuira sans doute pas : il y avait bien eu, à l’époque, un lanceur d’alerte ! J’ai bien connu un ancien rapporteur général
Sourires
qui soulignait alors la très grande fragilité constitutionnelle de cette disposition.
Hélas, il n’a pas été écouté et le texte a été modifié.
Là où je ne vous suis plus du tout, monsieur le député, c’est sur la fin de votre propos. Comment pouvez-vous parler de mesures anti-entreprises alors que notre régime d’imposition des plus-values des valeurs mobilières n’a jamais été aussi favorable ? Non, il n’a jamais été aussi favorable, et ce quel que soit le gouvernement : abattement de 50 % au bout de deux ans et de 85 % au bout de huit ans dans le régime le moins favorable, et encore le rythme est-il bien supérieur pour les PME et autres entreprises innovantes. Jamais le dispositif n’a été aussi favorable !
Il est vrai, parlons en toute franchise, que nous avons parfois dû convaincre une partie de notre propre majorité que le pacte de responsabilité était utile et nécessaire pour relancer l’économie. Mais nous avons réduit de 40 milliards les impôts et les contributions sociales des entreprises ! Jamais cela n’avait été fait !
Je pourrais poursuivre avec des dispositions plus récentes encore concernant les attributions d’actions gratuites, les business angels, les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, la réorientation de l’épargne active de l’assurance-vie grâce à une fiscalité adaptée…
Non, ses effets sont réels. Mais maintenant que ces produits existent, monsieur Carré, il faudra en faire l’évaluation, je vous rejoins sur ce point. J’ai rencontré l’autre jour la Fédération française des sociétés d’assurances, mais ils m’ont dit qu’il était encore trop tôt pour juger de l’impact du dispositif.
Quoi qu’il en soit, voilà donc ce que je souhaitais vous dire en quelques mots, monsieur Salen, pour vous rassurer : n’ayez pas peur, ils peuvent revenir !
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement préalables au Conseil européen relatif à la lutte antiterroriste ;
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ;
Questions sur l’amélioration des relations de travail entre le Gouvernement et le Parlement ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly