Pouvez-vous nous faire part de votre analyse sur l'évolution des missions de CCI France, la structuration du réseau des chambres consulaires ainsi que sur les aspects budgétaires ?
En préambule à nos échanges, il convient d'avoir à l'esprit ce que sont les chambres consulaires. Ce sont des établissements publics sui generis. À ce titre, les analogies avec les établissements publics de droit commun sont souvent inopérantes. Les chambres se distinguent par plusieurs caractéristiques : elles sont dirigées par des élus professionnels, elles n'entretiennent pas de dialogue de gestion avec la tutelle – malgré l'avancée que représentent les conventions d'objectifs et de moyens –, elles n'ont ni commissaire du gouvernement, ni comptable public. Ce dernier élément a compté dans la préparation de la loi de finances pour 2015.
La tutelle exerce un contrôle de la légalité de certains de leurs actes qui s'apparente à celui que connaissent les collectivités territoriales. La nature de la tutelle diffère de celle qui prévaut pour les opérateurs, tels que le ministère du budget les définit. Les chambres consulaires ne font d'ailleurs pas partie de cette catégorie.
Alors que les relations avec la tutelle suscitent parfois des interrogations, je souhaitais rappeler ce contexte juridique, qui est aussi le fruit de l'histoire de ces établissements, et qui éclaire les négociations avec les réseaux consulaires.
Comment jugez-vous l'évolution des CCI depuis la réforme de 2010 ? Quels sont les motifs de satisfaction et les éventuels ratés de la réforme ? Quelles économies a-t-elle permis, tant du côté de CCI France que du côté des chambres de commerce et d'industrie territoriales (CCIT) et des chambres régionales (CCIR) ?
Nous n'avons pas établi de bilan à proprement parler de la réforme de 2010. Mais les audits du Contrôle général économique et financier (CGEFi) ou les rapports de l'Inspection générale des finances (IGF) nous permettent de dresser trois constats.
La loi de 2010 a inauguré un mouvement de régionalisation dont on peut regretter l'inachèvement. La réforme en préparation a vocation à approfondir la régionalisation. Pour les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), on a assisté à l'émergence des chambres régionales (CMAR). Pour les CCI, on a observé la fusion et la disparition de certaines chambres. De 2002 à 2011, le nombre de CCIT est passé de 174 à 120. La rationalisation du réseau est à l'oeuvre et a été accélérée par la réforme de 2010.
On constate également une amorce de mutualisation portant sur la fonction support de gestion des ressources humaines. La réforme prévoit de l'étendre à d'autres fonctions. Dans les CMA, la mutualisation plus prononcée couvre des domaines plus larges que les seules ressources humaines. Elle a d'ores et déjà permis d'économiser 80 ETPT.
On note une réduction assez nette des dépenses des CCI et une baisse de la masse salariale. Je ne dispose toutefois pas d'éléments pour attester que la réforme de 2010 en est à l'origine.
Enfin, on assiste à l'amorce d'un processus de contractualisation, en l'absence d'un dialogue de gestion de droit commun. Le contrat de confiance conclu avec les CCI en mai 2013, document de nature politique, a donné lieu au décret du 5 novembre 2014 sur les conventions d'objectifs et de moyens entre les CCI régionales et l'État, qui sont en cours de finalisation. Pour les CMA, depuis 2010, il existe des conventions régionales qui, à la différence des CCI, comportent un volet financement puisqu'elles conditionnent une partie du droit additionnel de la taxe affectée.
Nous préparons une réforme qui tire les conséquences de la réforme territoriale et de la création des « super régions ». Celle-ci a également vocation à prolonger la loi de 2010 en franchissant une étape supplémentaire dans la régionalisation et la mutualisation des fonctions support.
Ce projet fait l'objet d'une concertation étroite avec les réseaux des CCI et des CMA. Ses orientations, qui ont été travaillées avec la tête de réseau et les présidents de chambre, ont été adoptées lors de l'assemblée générale de CCI France le 24 février dernier.
S'agissant de la mutualisation, envisagez-vous de développer l'approche interconsulaire ? Aujourd'hui, rien n'est formalisé, la coopération s'opère au gré des projets, selon une logique de bassin d'emplois ou de bassin économique. On peut citer les rapprochements entre les écoles de commerces, de Bordeaux et de Marseille mais aussi de Reims et de Rouen. On peut aussi imaginer un rapprochement entre CMA et CCI.
Ces sujets ne sont pas à l'ordre du jour. La priorité est d'abord à la rationalisation du réseau via le renforcement du niveau régional et la mutualisation afin d'éviter les redondances. Les rapprochements interconsulaires ne sont pas encore d'actualité.
Qu'entendez-vous précisément par mutualisation ? Les responsables de CCI France nous ont indiqué avoir mis en place un logiciel commun de gestion des ressources humaines, en regrettant d'ailleurs le manque d'accompagnement de la tutelle.
L'existence d'un progiciel commun n'est pas l'exercice en commun de la compétence de gestion des ressources humaines. Nous voulons que cette compétence soit exercée par une seule entité au niveau régional. La mutualisation a vocation désormais à s'étendre à l'ensemble des fonctions support – budgétaire, financière, comptable, marchés publics, communication – qui représentent une charge considérable pour les CCI et constituent une source d'économies potentielles.
Exactement. Notre ambition est de parvenir à un schéma d'organisation prescriptif. Les schémas adoptés au niveau régional n'ont aujourd'hui qu'une vertu incitative ; ils sont un outil de coordination.
En dressant le bilan de la loi de 2010, M. Marcon a regretté que les schémas ne soient pas suffisamment prescriptifs et plaidé pour une modification législative en ce sens – qui semble correspondre à la réforme que vous préparez. Mais votre réforme est-elle plus ambitieuse ?
Nous souhaitons lever les verrous au renforcement de la régionalisation. Je pense notamment au plafond de 40 % de sièges que peut détenir une CCIT au sein d'une CCIR. CCI France a voté en faveur de la suppression de ce plafond lors de son assemblée générale.
Il me semble que ce sujet a déjà donné lieu à un amendement dans la loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. L'amendement visait à résoudre un problème de représentativité qui faisait obstacle à l'accès aux CCIR.
Cet amendement traitait d'un problème différent de celui sur lequel nous travaillons.
Ne serait-il pas légitime de réinterroger les missions aujourd'hui très diverses des chambres consulaires et exercées avec une intensité variable – de la formation aux prestations aux entreprises en passant par la gestion de zone d'activités ?
La péréquation est-elle effective et pertinente entre les chambres ?
Il n'est pas prévu de passer en revue les missions. Il est vrai que la question de la redondance avec d'autres intervenants locaux mérite d'être posée. Toutefois, cette voie est déjà largement explorée au travers des schémas régionaux – de développement économique ou d'aménagement du territoire – qui sont autant d'outils de coordination entre les différents opérateurs et auxquels les chambres sont associées.
En outre, conformément au principe d'autonomie, il convient de laisser une certaine liberté aux chambres, dans un cadre défini, pour adapter leur offre aux besoins de proximité.
Le décret du 5 novembre 2014 liste les domaines d'action mais laisse aux chambres une grande liberté pour définir ces actions. Il en va de même pour les indicateurs de performance. Un arrêté détermine un menu dans lequel les chambres peuvent puiser.
Il existe un mécanisme de péréquation infrarégionale puisque la taxe transite par la CCIR. En revanche, il n'existe pas de péréquation entre CCIR. Pour les CCIT, il n'y a ni seuil ni règles prévus par la loi de répartition des ressources fiscales au niveau infradépartemental – certaines petites CCI réclament d'ailleurs l'instauration d'un seuil minimal.
Nous nous sommes interrogés sur la possibilité de confier aux CCIR la répartition du prélèvement sur le fonds de roulement entre les CCI de leur région. Aucune chambre n'a souhaité le faire. Certaines chambres régionales ont toutefois modifié la répartition qui a donc été opérée par la loi, par le biais d'un transfert bilatéral. On a ainsi créé un nouveau mécanisme de péréquation spécifique à cet effort induit par le prélèvement sur le fonds de roulement.
Nous observons tous les cas de figure : certaines CCIT peuvent vivre en bonne intelligence avec la CCIR, d'autres peuvent aller jusqu'au contentieux car elles considèrent qu'elles ne reçoivent pas la ressource à laquelle elles estiment avoir droit.
Les deux mesures – prélèvement sur le fonds de roulement et baisse de la taxe affectée sur trois exercices – sont parallèles mais se rejoignent : l'argent versé par les entreprises pour financer l'activité économique sur un bassin d'emploi est clairement détourné pour combler le déficit de l'État. Avez-vous anticipé et mesuré les conséquences de ces décisions sur les chambres ? Ne risquent-elles pas de conduire ces dernières à abandonner certaines de leurs missions et à se concentrer sur les plus rémunératrices et les moins coûteuses ? Les conséquences paraissent lourdes pour certaines d'entre elles. Nous avons demandé un tableau précis de la situation à CCI France. Il semble que fin 2015, certaines chambres seront en cessation de paiement et que pour les autres, le nombre de projets d'investissement aura été divisé par deux. Avez-vous intégré ces paramètres dans votre réflexion ?
Dans les dernières années, la ressource fiscale excédait les dépenses des CCI, ce qui conduisait mécaniquement à une accumulation de fonds de roulement. Il nous est donc apparu qu'à missions et dépenses constantes, la ressource fiscale pouvait être abaissée.
Le rapport de de l'IGF, qui vous a été transmis, identifie trois éléments pouvant justifier une baisse de ressources : l'excédent du fonds de roulement à missions constantes ; la porosité regrettable entre sections budgétaires – l'IGF rappelant que cette porosité est incompatible avec les règles comptables qui interdisent aux chambres d'utiliser la ressource fiscale pour financer des activités soumises à la concurrence – ; des évolutions structurelles liées aux efforts de mutualisation ou de régionalisation.
Il a été proposé de calibrer l'effort de baisse de la taxe affectée pour traiter les deux premiers éléments et non pour peser sur l'évolution des missions ou leur réduction. Mais, depuis le vote de la loi de finances, on observe que ces mesures ont poussé le réseau à des réflexions sur la mutualisation ou la pertinence de certains actifs. Les deux vont évidemment de pair.
Le chiffrage de l'excédent a été fait par les corps d'inspection. On a pu constater que certaines CCI avaient construit des plans de financement en s'appuyant sur la perspective d'accumulation. Pour ces chambres, l'excédent de fonds de roulement ne servait pas à financer des charges standard mais à faire des investissements. Le prélèvement modifie donc les plans de financement d'un certain nombre d'investissements.
Nous avons retenu certains investissements prioritaires, l'apprentissage notamment, qui ont été retirés de la base taxable. Les investissements des concessions sont également épargnés. Pour les autres investissements, plusieurs situations sont envisageables : dans un certain nombre de cas, le plan de financement prévu par la CCI n'est plus possible. Se pose alors la question de la priorité de l'investissement au niveau régional. Dans ce cas, le pouvoir de péréquation des CCIR dans l'affectation de la ressource régionale, sous-tendu par la réforme 2010 et plus encore par celle à venir, doit être utilisé à plein pour juger de la pertinence et de la bonne utilisation de la ressource fiscale et ainsi éventuellement alimenter à nouveau la CCIT.
Nous sommes conscients que le prélèvement sur le fonds de roulement interfère dans les investissements. Un choix a été fait sur le quantum et les investissements prioritaires. En matière d'investissements, des discussions ont eu lieu lors du débat sur la loi de finances. Mais nous nous sommes heurtés au manque de visibilité sur les données et la réalité des plans d'investissements pour des raisons purement pratiques : malgré la contrainte réglementaire d'approbation de leurs comptes et de transmission à la tutelle, ces éléments ont été communiqués de manière marginale. Seules 40 % des CCI ont respecté les délais. Ce défaut de transmission a donné lieu à des relances par les services puis par le ministre. Parallèlement, nous sommes confrontés à la difficulté qu'il y a à prendre en compte un projet d'investissement lorsque celui-ci fait l'objet d'un simple contrôle de légalité sans analyse de la pertinence du plan d'investissement. Ces éléments qui président à l'analyse de l'impact du prélèvement sur l'investissement demeurent hypothétiques.
Tout n'est pas hypothétique. Afin de mesurer les conséquences concrètes de cette mesure, nous avons demandé à CCI France un tableau chambre par chambre faisant apparaître les projets qui ne seront pas réalisés.
Mes questions portent sur trois points. En premier lieu, comment envisagez-vous l'articulation entre les régions – collectivités sui generis que la loi NOTRe transforme quasiment en établissement public doté de la compétence économique –, d'une part, et les CCI, qui sont des établissements publics sui generis, d'autre part. Comment l'action du réseau des CCI s'articulera-t-elle avec le schéma régional ? On peut imaginer des situations dans lesquelles le conseil régional adoptera un schéma sur lequel les CCI n'auront plus de prise puisqu'elles seront consultées pour avis seulement.
En deuxième lieu, la réorganisation régionale entraînera-t-elle une fusion des CCIR pour les mettre en adéquation avec le périmètre des treize régions nouvelles ? Comment, par exemple, articuler l'action des trois CCIR de Champagne-Ardenne et l'action unifiée du conseil régional du Grand-Est ?
Enfin, vous indiquez que la part du fonds de roulement affecté aux concessions échappe au prélèvement. À quel montant correspond cette part ? D'après vous, certains services qui bénéficiaient des ressources fiscales malgré leur activité concurrentielle ont-ils été contraints de réduire ou d'arrêter leur activité ou d'augmenter la tarification ?
Nous tirons les conséquences de la loi NOTRe au niveau consulaire en fusionnant les établissements de niveau régional.
Ainsi, dans la nouvelle région Lorraine-Champagne-Ardenne-Alsace – les présidents des CCIR l'ont annoncé –, un seul établissement demeurera au niveau régional, complété par trois CCIT couvrant les trois régions actuelles.
Le principe est inscrit dans la loi : le conseil régional aura un seul interlocuteur consulaire.
Quant à la coordination entre le conseil régional et l'établissement consulaire, elle passe pour nous par les schémas auxquels les établissements sont associés, selon des modalités qui ont été modifiées par un amendement adopté par l'Assemblée nationale. Ce dernier devra peut-être être revu car il prévoit une association en aval là où elle intervenait en amont jusqu'à présent.
Le renforcement du caractère prescriptif du schéma se heurte à un obstacle juridique qui tient à la qualité d'établissements publics nationaux sui generis des CCI. Ces établissements, comme les établissements publics locaux, sont régis par un principe commun, l'autonomie qui rend difficile toute tentative de hiérarchisation entre eux.
Lors de la réforme de 2010 qui marquait la volonté de renforcer les pouvoirs de coordination de la tête de réseau, le Conseil d'État a été saisi de cette question complexe. La réforme témoigne d'une évolution puisque les têtes de réseaux peuvent adopter des normes d'intervention, adoptées toutefois par une assemblée générale regroupant l'ensemble des présidents de chambres, qui s'imposent à l'ensemble du réseau, des CCI comme des CMA. Mais ces normes restent ponctuelles – j'en ai noté une sur les centres de formalités des entreprises – et peu développées car, au-delà des obstacles juridiques, les CCI sont marquées par une culture d'autonomie qui explique la réticence du réseau à se voir imposer des décisions par la tête.
En droit, le schéma régional ne peut pas s'imposer à un établissement public national. La loi peut prescrire une coordination qui peut certes se dérouler dans de bonnes conditions mais elle doit d'abord permettre de trancher les conflits en cas de difficulté.
La seule solution pour surmonter la difficulté juridique consisterait à déclasser les chambres consulaires en établissements publics locaux, qui seraient alors sous l'autorité du conseil régional. Sauf à choisir cette voie, je ne saisis pas comment le schéma pourra s'appliquer à un établissement public national. Le préfet exerce un pouvoir de tutelle qui peut lui permettre de bloquer les actions des chambres. Mais celles-ci pourront alors lui opposer leur compétence. Le problème n'est pas réglé sur le plan juridique.
Pour preuve de ce que vous dites, la loi NOTRe ne comporte pas de dispositions relatives aux chambres consulaires, à l'exception d'amendements gouvernementaux sur le report des élections pour les CCI et les CMA. Les élections seront organisées dans le cadre de la nouvelle architecture découlant de la fusion des établissements de niveau régional consécutive à la réforme territoriale.
Nous n'avons pas envisagé la solution que vous préconisez, d'un déclassement.
Le problème n'est donc pas résolu. La juridiction saisie en cas de contentieux jugera que le schéma ne peut pas s'imposer aux établissements publics nationaux. Ce principe s'applique pour d'autres établissements comme l'ADEME – certains rêvent de mettre l'agence sous l'autorité des conseils régionaux. Le même problème se pose pour les chambres de métiers. Qu'en est-il pour les chambres d'agriculture qui appartiennent à la même catégorie juridique ?
Les chambres d'agriculture ne sont pas de la compétence de Bercy. La tutelle technique ne nous appartient pas. Mais il est vrai que le problème se pose également pour elles puisque toutes les chambres sont régies par la loi de 1952.
L'IGF évalue à 80 millions d'euros en 2012 la part du fonds de roulement affecté aux concessions.
Le prélèvement sur le fonds de roulement sera compensé par une hausse des tarifs des activités dans le secteur marchand. Il est normal de ne pas conserver un tarif « subventionné » pour ce type d'activités.
Cela obligera les services concurrentiels qui étaient financés par l'impôt à hauteur de 60 % à tripler leurs tarifs. Or, face à la concurrence, il existe une limite de prix. Avez-vous étudié les conséquences de la mesure sur ces services ?
Aucune étude précise n'a été menée. La mesure ne modifie en rien les règles d'affectation. Face à la baisse du plafond de la taxe, on peut imaginer que les CCI continuent ces subventions croisées et répercutent ailleurs la baisse. Il n'est pas écrit que la baisse de la taxe doit être supportée par le secteur concurrentiel. Mais pour ces activités, elle peut être compensée par une augmentation des prix. En tout état de cause, il n'y a pas eu d'étude sur les hausses de tarifs et leur impact pour chaque CCI.
Une entreprise ressortissante d'une CCI, qui s'est acquittée d'une taxe, est obligée de constater que les taxes ne sont plus fléchées vers l'économie mais vers la résorption du déficit public et que la hausse du prélèvement sur le fonds de roulement contraint à augmenter le prix des services auxquels elle faisait appel. L'activité économique subit la double peine : non seulement les taxes ne financent pas l'économie mais on ajoute une charge supplémentaire pour les entreprises : je ne suis pas sûre que cela nous aide à gagner des points de croissance…
J'entends votre argument sur le report de charges. Les taxes additionnelles sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et sur la cotisation foncière des entreprises sont destinées à financer le service général, elles n'ont pas légalement à financer des activités commerciales au bénéfice des entreprises. Toutefois ces transferts sont connus de longue date.
De quel outil de contrôle disposez-vous pour vérifier l'étanchéité entre services concurrentiels ou non ? Quelles sanctions pouvez-vous infliger pour interdire le financement par l'impôt de services concurrentiels ?
Nous y verrions plus clair si nous connaissions la répartition et l'affectation des ressources des chambres. Je suis presque certaine que les prestations sont payées en supplément par les entreprises.
Vous l'avez dit, la régionalisation et la baisse des ressources ont obligé les chambres à s'interroger, à développer la mutualisation et à rechercher des économies. Cela va dans le sens de la diminution de la dépense publique que nous souhaitons tous. Cet examen pourrait conduire certaines chambres à considérer que les ports ou les aéroports qu'elles gèrent ne justifient plus de ponctionner le budget général – certaines CCI portent de très petits aérodromes.
Les schémas régionaux existent déjà, me semble-t-il, dans de nombreuses régions. Les chambres que nous avons auditionnées ont réclamé plus d'État, plus d'encadrement par la loi et un repositionnement de la tutelle : celle-ci convoque mais n'intervient pas dans la définition des missions et n'assure pas un accompagnement suffisant.
Il est sans doute souhaitable que les schémas deviennent plus prescriptifs mais ces derniers me paraissent fonctionner plutôt bien. Quel est votre avis ? Les éléments que vous pourrez nous donner permettront peut-être de relativiser ce qui a été pointé à juste titre par M. de Courson.
Si un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement doit intervenir dans le projet de loi de finances pour 2016, ne faudrait-il pas mieux travailler les critères, notamment la pesée économique, qui, semble-t-il, n'a pas été réévaluée depuis 2010 ?
Vous soulevez la question de la disponibilité de l'information sur le financement des activités. Seule la comptabilité analytique peut apporter les réponses que souhaitez. CCI France dispose d'un outil très récent de remontée des informations analytiques du réseau, le « cube », qui lui donne un panorama sur un ou deux ans. Or, nous n'y avons pas accès, c'est là la limite de l'exercice de tutelle. Cet outil permettrait de faire la distinction entre les activités financées par les taxes ou non.
Cette distinction est toutefois délicate à opérer. En matière de développement économique, le rôle des CCI commence par l'accueil des entreprises dans les centres de formalités des entreprises qui relève du régalien. Mais on bascule très vite dans le conseil qui relève du secteur marchand. Or, ce sont souvent les mêmes personnes qui sont en charge de ces sujets. Au-delà des grands principes, le diable est dans les détails. Seule une comptabilité analytique fine permet de faire ce travail.
La demande de plus d'État n'est pas partagée par toutes les chambres. Mais il s'agit malgré tout d'une tendance de fond. La contractualisation avec les réseaux se met en place. Le décret de 2014 que j'ai déjà mentionné prévoit pour la première fois – cela peut paraître paradoxal – que les conventions d'objectifs et de moyens doivent tenir compte des orientations données par le ministre. On progresse donc dans le renforcement de l'inscription des chambres consulaires dans la dynamique des actions de politique publique de l'État.
Nous n'avons pas accès à la comptabilité analytique des CCI. Nous avons déjà des difficultés à récupérer les données dont la transmission est rendue obligatoire par le code de commerce, je l'ai dit.
Le Contrôle général économique et financier opère des contrôles ponctuels et l'IGF mène des missions de contrôle pour lesquelles elle est dotée de tous les pouvoirs, y compris un droit de suite et de sanction lorsqu'elle constate un écart par rapport au cadre fixé aux établissements. Des contrôles ont eu lieu récemment.
Madame Rabin, il n'est pas question à ce stade de parler d'un nouveau prélèvement. Nous ne sommes pas encore dans l'exercice budgétaire. Les ministres se sont engagés à mener des discussions avec les têtes de réseaux.
Nous pouvons porter un regard rétrospectif sur les règles de répartition du prélèvement sur le fonds de roulement. Cette question est très compliquée. Nous avons envisagé des dizaines de solutions. Malheureusement nous n'avons pas pu en discuter avec les CCI l'an dernier car elles étaient arc-boutées contre le principe du prélèvement et son montant global. Au vu de la fermeté du Gouvernement sur le montant global, elles ont refusé de travailler sur la répartition. Nous n'avons pas eu connaissance des positions des chambres sur les modalités que nous prévoyions, ni de leurs propositions. Le Gouvernement a donc travaillé avec la commission des finances, notamment la Rapporteure générale, ainsi qu'avec les parlementaires intéressés. Vous avez sans doute noté l'évolution substantielle entre le texte initial et le texte voté.
Le premier constat qui a guidé notre réflexion sur le fonds de roulement, ce sont les disparités d'accumulation entre les CCI. Le premier critère de contribution d'une CCI à l'effort de 500 millions devait être sa propre accumulation de fonds de roulement. On peut trouver de grosses CCI qui n'ont pas accumulé beaucoup de fonds de roulement et pour lesquelles le prélèvement sur le fonds de roulement n'est donc pas légitime. Inversement, il peut y avoir de petites CCI avec une accumulation de fonds de roulement ; il est alors logique de les mettre à contribution. Nous avons cherché le juste équilibre entre un critère de stock – le volume de fonds de roulement – et un critère de flux – prenant en compte la pesée économique, ce qui est une manière de prendre en compte la ressource fiscale. La règle de répartition combine l'héritage du passé et la capacité à reconstituer le fonds de roulement et à compenser le prélèvement par des ressources fiscales ultérieures. D'autres méthodes pour répartir la charge du prélèvement étaient possibles. Nous avons choisi une solution intermédiaire qui ne repose pas sur un critère unique dont la mise en oeuvre risquait d'aboutir à des situations absurdes.
M. Marcon nous a indiqué que le prélèvement opéré avait pour conséquence de faire passer le fonds de roulement de 200 jours – qui selon le seuil fixé par la loi de finances devait être abaissé à 120 jours – à 37 ou 38 jours fins 2015. Qu'en est-il ?
Un point de situation CCI par CCI, avant et après prélèvement, vous a été transmis ainsi que le nombre de jours résiduels.
Il n'est pas possible de faire une réponse générale car il n'y a que des cas particuliers. Les CCI qui ont décidé de maintenir les investissements qui devaient être financés par l'accumulation du fonds de roulement voient ce dernier tomber à un niveau très bas. Il existe également des CCI dont le fonds de roulement a baissé entre la date d'arrêt des comptes et la loi de finances.
Ce chiffre, qui est une moyenne, nous interpelle. Passer de 200 jours à 37-38, avouez que c'est une opération pour le moins radicale !
Que deviennent les CMA et les chambres d'agriculture dans les régions qui sont regroupées ? Sont-elles fusionnées comme les CCIR ?
Pour les CMA, à l'instar des CCI, la réforme prévoit à ce stade le maintien d'une seule chambre au niveau régional.
La question qui se pose est celle de la fusion de chambres de niveau régional dont les structures diffèrent. Pour les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, par exemple, dans la première, il existe une chambre régionale avec des sections départementales – CMAR – selon le schéma le plus intégré de régionalisation. Dans la seconde, on trouve le schéma classique de la chambre régionale avec des chambres départementales qui lui sont rattachées. Pour résoudre cette difficulté, le principe de la double majorité a été retenu. Le choix de la future structure juridique par les chambres concernées s'opère par un vote à la majorité des ressortissants et des chambres. Ainsi, la nouvelle chambre de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie sera-t-elle organisée selon un schéma intégré de type CMAR car une chambre de la région Picardie a choisi cette solution. Une majorité de chambres et de ressortissants ont préféré cette organisation.
Nous allons également renforcer la mutualisation et clarifier les textes qui s'y rapportent, même si celle-ci est déjà avancée.
Pour les chambres d'agriculture, pour les mêmes raisons que précédemment, je ne dispose pas d'éléments pour vous répondre.
La règle de répartition comporte deux composantes : l'excès des 120 jours mesuré aux derniers comptes validés et la pesée économique. Il n'est pas possible de passer de 200 jours à 37 – je ne sais pas d'où vient le chiffre – compte tenu de la règle fixée dans la loi de finances. En outre, les données pour fin 2015 ne seront connues que fin 2016.
Dans les cas particuliers dont nous avons eu connaissance, soit le fonds avait baissé dans l'intervalle avec la loi de finances, soit le prélèvement posait la question d'une modification du plan de financement prévu.
Êtes-vous capables d'identifier dans la nomenclature des missions de CCI France les activités qui relèvent du domaine concurrentiel ?
L'exercice est délicat du fait de la forte interpénétration entre les missions, notamment en matière de développement économique. Nous avons fait une tentative de distinction entre marchand et non-marchand lors de la préparation de la loi de 2010.
Votre position est contradictoire. Si vous n'êtes pas capables de distinguer la nature des activités, comment espérez-vous interdire que l'impôt finance les activités du secteur concurrentiel ? CCI France a fourni un tableau qui fait apparaître la part de la TFC pour chaque mission et sous-mission de sa nomenclature. Cela devrait vous aider.
Nous ne pouvons faire la distinction qu'à partir de la comptabilité analytique, la nomenclature n'est pas pertinente.
Le tableau auquel vous semblez vous référer est certainement établi grâce au logiciel de comptabilité analytique que j'ai évoqué. Ce logiciel sert précisément à affecter les ressources par missions de manière très fine. Mais nous n'y avons pas accès.
Les chiffres ont été obtenus par une extraction consolidée du « cube ».