La séance est ouverte à 9 heures 30.
Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.
Mes chers collègues, lorsque nous aurons terminé l'examen des propositions de loi de M. Didier Quentin et de M. Guillaume Larrivé, le ministre de l'Intérieur, M. Manuel Valls, nous rejoindra, vers onze heures trente, pour nous présenter le projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour. Nous avions prévu son audition sur ce texte il y a quinze jours, mais son déplacement à Ajaccio nous a contraint de la différer. Sur le projet de loi, trente-neuf amendements ont été déposés et, si nous ne terminons pas nos travaux vers treize heures, une suite éventuelle est prévue à quatorze heures.
Selon l'usage hérité du président Jean-Luc Warsmann, j'ai transmis au président de la commission des Finances les dispositions des deux propositions de loi qui me semblaient irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution. Un tel renvoi n'est postérieur à la réunion de la Commission que lorsque l'ensemble de la proposition de loi risque d'être irrecevable, afin que l'on puisse au moins en discuter en commission.
Le président Carrez m'a fait part de sa décision, dont les deux rapporteurs ont été informés.
Sur la proposition de loi visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en oeuvre de la procédure d'évacuation forcée, l'article 2 a été déclaré irrecevable.
Sur la proposition de loi précisant les conditions de l'usage légal de la force armée par les représentants de l'ordre dans l'exercice de leurs missions et renforçant la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes, les articles 2, 3, 4 et 7 ont été déclarés irrecevables.
Ces articles ne seront donc pas formellement examinés, mais les rapporteurs peuvent naturellement en faire état et les membres de la Commission en débattre lors de la discussion générale.
La Commission examine la proposition de loi de MM. Didier Quentin, Charles de La Verpillière et Jacques Lamblin et plusieurs de leurs collègues, visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en oeuvre de la procédure d'évacuation forcée (n° 330) (M. Didier Quentin, rapporteur).
Une part importante de la crise du logement que connaît notre pays a été attribuée à une évolution des modes de vie et des pratiques en matière d'habitat, qui se sont transformés de façon accélérée au cours des dernières années. Ces évolutions ont aussi bien affecté les sédentaires que les personnes qu'il est convenu d'appeler « gens du voyage ». Cette appellation, d'origine administrative, a été retenue par le législateur pour désigner une catégorie de la population caractérisée non pas par une appartenance ethnique, mais par un mode de vie spécifique : l'habitat traditionnel en résidence mobile. Parfois qualifiés, à tort, de « Tsiganes », les gens du voyage sont, dans leur très grande majorité, de nationalité française. Ils se distinguent ainsi des Roms, migrants de nationalité étrangère, principalement venus d'Europe centrale et orientale, mais sédentaires dans leurs pays d'origine.
La France est l'une des rares nations à avoir adopté une législation consacrée à l'accueil des gens du voyage. La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, dite « loi Besson », a cherché à établir un équilibre entre les droits et les devoirs réciproques des gens du voyage et des collectivités territoriales afin de favoriser une cohabitation harmonieuse de différentes populations sur le territoire national. Cette loi impose aux collectivités territoriales une obligation d'organisation de l'accueil des gens du voyage, tout en leur permettant, en contrepartie, de recourir à des mesures renforcées de lutte contre les stationnements illicites des gens du voyage.
Cependant, la mission d'information chargée, sous la précédente législature, d'évaluer ce dispositif, que votre rapporteur a eu l'honneur de conduire en compagnie de nos collègues MM. Charles de La Verpillière et Dominique Raimbourg, a constaté que la loi du 5 juillet 2000 n'était plus vraiment adaptée aux réalités évolutives des modes de vie de la population concernée. Comme l'avait rappelé devant la mission M. Louis Besson lui-même, secrétaire d'État au logement dans le gouvernement de M. Lionel Jospin, deux questions ne se posaient pas avec la même acuité en 2000 : celle des terrains familiaux et celle des « grands passages ».
Il faut y voir les conséquences d'une importante évolution des pratiques de déplacement : une part croissante des gens du voyage tend à se sédentariser, partiellement ou complètement, et à ne plus se déplacer qu'à l'occasion de rassemblements traditionnels ou cultuels massifs, généralement au cours de la saison estivale, vers lesquels des convois de plusieurs dizaines de caravanes convergent. Parallèlement la sédentarisation s'opère dans des conditions précaires et sur des terrains qui, pour la plupart, n'ont pas été aménagés à cette fin.
À partir du constat établi par la mission d'information sur l'accueil et l'habitat des gens du voyage et par les autorités publiques qui ont évalué la politique d'accueil des gens du voyage – M. le sénateur Pierre Hérisson, président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, a remis au Premier ministre, en 2008 et 2011, deux rapports successifs ; le Conseil général de l'environnement et du développement durable, en octobre 2010, et la Cour des comptes, en octobre 2012, ont fait de même – votre rapporteur, MM. Charles de La Verpillière, Jacques Lamblin et une cinquantaine de nos collègues estiment qu'il faut adapter la loi du 5 juillet 2000 aux réalités de 2012.
Le présent texte formalise ainsi plusieurs propositions du rapport de la mission d'information, adopté à l'unanimité de notre Commission en 2011, sans modifier pour autant l'ensemble de la législation applicable. Si la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012 a notamment déterminé les bases constitutionnelles nécessaires à une remise à plat des titres de circulation et des conditions d'exercice de leurs droits civiques par les personnes ne disposant pas de domicile fixe, cette question justifierait qu'un texte spécifique lui soit consacré. Je sais que M. Dominique Raimbourg a travaillé sur une proposition de loi à cet effet.
Les grands passages traduisent une évolution des modes de déplacement des gens du voyage, que la loi doit aujourd'hui encadrer, tandis que la sédentarisation croissante de ces personnes implique de mieux organiser leur habitat.
Tout d'abord, il convient que les grands passages soient clairement encadrés par la loi. La loi du 5 juillet 2000 a prévu une obligation, pour toutes les communes de plus de 5 000 habitants, de créer des aires permanentes d'accueil selon des implantations planifiées dans le cadre d'un schéma départemental. Cependant, elle n'a pris en compte que de façon partielle et progressive la problématique des grands passages. Or, si les deux phénomènes sont liés, celui des grands passages est distinct de celui des grands rassemblements.
Les grands rassemblements de gens du voyage regroupent plusieurs dizaines de milliers de personnes, soit plusieurs milliers de caravanes pour des manifestations essentiellement cultuelles, la plus connue se déroulant aux Saintes-Maries-de-la-Mer. En application de la loi du 5 juillet 2000, l'État a la responsabilité des grands rassemblements, organisés en coordination avec les responsables des associations concernées. Ces grands rassemblements ne soulèvent généralement pas de difficultés.
Les grands passages sont d'une nature différente, même s'ils entretiennent souvent un lien avec les grands rassemblements, servant notamment de préparation et de convergence vers les rassemblements de l'été. En 2009, ils représentaient 80 à 85 groupes d'environ 200 caravanes, qui ont traversé, de juin à septembre, entre 800 et 1 000 villes. Mais ces déplacements sont aussi liés à des motivations commerciales, telles que les ventes sur les marchés, voire climatiques. Pour des populations en voie de semi-sédentarisation, la période des grands passages est celle où elles ont l'impression de voyager selon leurs critères traditionnels, en ne stationnant plus dans des aires bien délimitées.
Or, cette charge est devenue difficile à supporter pour les collectivités territoriales. Ce n'est qu'en 2006 que les grands passages ont reçu une définition législative et que la loi a prévu l'existence d'aires spécifiques, affectées par les schémas départementaux. Cette solution s'est, à la longue, révélée inéquitable, impraticable et inefficace : inéquitable, car elle fait supporter à certaines communes ou intercommunalités une charge disproportionnée ; impraticable, car elle nécessiterait d'investir dans des aires énormes comportant des équipements coûteux pour une utilisation limitée à quelques semaines par an ; inefficace enfin car, à peine 35 % des aires de grand passage ont été financées aujourd'hui, contre 68 % des places prévues en aires d'accueil.
C'est pourquoi la présente proposition de loi consacre une distinction claire, plus ou moins déjà introduite dans la pratique : aux collectivités territoriales, il convient de proposer des solutions d'accueil aux gens du voyage pratiquant un nomadisme individuel, ou par petits groupes, les conduisant à se déplacer régulièrement ; à l'État il revient de superviser les grands rassemblements traditionnels ou religieux, ainsi que les grands passages regroupant plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de caravanes en route, sur des terrains que lui seul peut choisir et aménager, dont certains pourraient être des terrains domaniaux désaffectés.
Cette solution favoriserait une rotation annuelle des emplacements, permettant de ne plus faire supporter les contraintes par un seul territoire et facilitant l'acceptation des grands passages par les populations résidentes. De même, il est souhaitable d'utiliser davantage les terrains situés en zone naturelle. Les restrictions liées à la sécurité des personnes, à la salubrité publique et à la protection de l'environnement, pour légitimes qu'elles soient, ne doivent pas être absolues.
En pratique, les préfectures sont aujourd'hui largement mobilisées pour l'organisation des grands passages. Le choix de confier la supervision d'un événement privé à l'État ne constitue donc pas une innovation. Lorsqu'un événement dépasse le cadre et les moyens d'une commune, il est naturel que l'État se charge de le gérer. C'est traditionnellement le cas des grands rassemblements, en application de l'article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales selon lequel « l'État a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d'hommes ». C'est aussi désormais la solution retenue pour les « rassemblements festifs à caractère musical », dits rave parties, dont la supervision et le contrôle relèvent des préfets.
Mais l'État ne pourra s'impliquer dans la gestion des grands passages que grâce à un régime de déclaration préalable obligatoire des organisateurs, compte tenu notamment de l'impact sur l'ordre public de l'arrivée de plusieurs centaines de véhicules et de caravanes. Dans les faits, un certain nombre de grands passages font déjà l'objet de déclaration et d'organisation en amont, conditionnant largement le bon déroulement des choses.
Par ailleurs, l'existence d'un référent permettra de développer les pratiques locales de médiation. Souvent, les collectivités et les préfectures privilégient les solutions amiables avec les gens du voyage lorsqu'aucune nuisance n'est constatée sur le terrain ou lorsque la mise en oeuvre de la procédure d'évacuation forcée est particulièrement délicate.
Une fois la question des grands passages dissociée de celle des aires permanentes d'accueil, la mise en oeuvre de la procédure d'évacuation n'aurait plus à être soumise au respect par la commune d'obligations d'accueil d'un nombre disproportionné de plusieurs dizaines de caravanes.
En second lieu, il nous faut prendre en compte la tendance à la sédentarisation des gens du voyage, en dépit de l'apparente contradiction des termes. Depuis plusieurs années, les gens du voyage se déplacent moins et s'ancrent territorialement pour des périodes de plus en plus longues. Ainsi, entre la moitié et les trois quarts d'entre eux ne se déplaceraient plus, ou peu. Mais leur sédentarisation se produit souvent dans deux types de lieux inadaptés : des terrains qu'ils ont achetés ou loués, et dont l'utilisation n'est pas toujours conforme aux règles de l'urbanisme ; les aires d'accueil, où les durées de séjour s'allongent, alors qu'elles n'ont pas été conçues comme un habitat permanent – ces nouveaux sédentaires bloquant la rotation au détriment des gens du voyage encore nomades, provoquant un effet de thrombose et engendrant même parfois la création de bidonvilles.
Face à ce phénomène, l'offre d'habitat adapté reste insuffisante, les collectivités ne mettant que rarement en place un tel habitat dont l'existence doit pourtant être prévue par les documents d'urbanisme. Aussi le présent texte vise-t-il à obliger l'État à proposer une solution de relogement adaptée aux personnes sédentarisées sur des terrains inadaptés, qu'il s'agisse d'aires d'accueil ou de terrains non destinés à l'habitat, depuis une durée supérieure à dix-huit mois. Ces dispositions peuvent se rapprocher de celles de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
Enfin, il importe de restaurer les conditions spécifiques de mise en oeuvre de la procédure d'évacuation forcée des terrains publics. En contrepartie de l'obligation de création d'aires d'accueil, la loi du 5 juillet 2000 a posé comme principe que seules les collectivités locales ayant satisfait à leurs obligations légales d'aménagement d'aires d'accueil bénéficient de moyens renforcés de lutte contre les stationnements illicites. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2007 relative à la prévention de la délinquance, le préfet peut mettre en demeure les gens du voyage de cesser leur occupation illicite d'un terrain, à la demande du maire ou du propriétaire du terrain, sans recours préalable au juge judiciaire. Le délai d'exécution de la mise en demeure ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion d'estimer que, grâce à ce dispositif, « le législateur a adopté des mesures assurant une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l'ordre public et les autres droits et libertés ».L'efficacité du dispositif juridique mis en place pour lutter contre les stationnements illicites est toutefois relative et les chiffres dont nous disposons restent trop parcellaires.
En outre, un autre problème est récemment apparu. La rédaction initiale de la loi du 5 juillet 2000 avait prévu que, pour demander l'évacuation d'un terrain appartenant à la commune, la condition d'atteinte à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques n'était requise que lorsque le maire saisissait la justice pour une occupation d'un terrain appartenant à un autre propriétaire, c'est-à-dire le plus souvent, un propriétaire privé. Cependant, une réécriture malheureuse du texte a supprimé ce régime spécifique, conduisant dans certains cas le juge administratif à refuser l'expulsion forcée d'un terrain public, au motif que le trouble à l'ordre public n'était pas établi. L'article 6 de la présente proposition de loi vise donc à revenir sur cette rédaction malheureuse, en ne maintenant la condition d'atteinte à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques que dans les cas où la demande d'évacuation forcée concerne l'occupation irrégulière d'une propriété privée. Cette condition ne sera plus exigée lorsque la demande concernera une propriété appartenant à la commune, à l'État ou à une autre personne publique.
La présente proposition de loi a donc pour objet non pas de durcir ou de remettre à plat la loi Besson du 5 juillet 2000, mais bien d'adapter celle-ci à l'évolution des modes de vie. Elle contient ainsi des solutions adaptées qui ont fait l'objet d'un consensus de la mission d'information constituée sous la législature précédente et vise principalement à impliquer davantage l'État dans l'organisation des grands passages.
En tant que maire d'une commune située sur le trajet de certains grands passages, j'ai parfaitement reconnu les problèmes décrits par le rapporteur. Du fait de leur importance numérique, les populations qui se déplacent ainsi ont souvent une inclination à se sentir au-dessus des lois. Et dans le même temps les élus locaux ont souvent l'impression que l'État les oublie. La sédentarisation se développe fréquemment au mépris de la règlementation et il est souvent difficile de faire respecter celle-ci faute de sanctions effectivement prononcées. D'où un sentiment d'inégalité devant la loi ressenti par les autres parties de la population. Je me félicite donc de cette proposition de loi, que je soutiens vivement.
Visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en oeuvre de la procédure d'évacuation forcée, cette proposition de loi s'inspire certes d'un rapport d'information de la commission des Lois adopté à l'unanimité, mais de façon restrictive dans la mesure où elle ne retient qu'une petite partie de la quinzaine de suggestions de ce rapport. Les mesures qu'elle contient sont en outre plutôt coercitives.
La loi Besson établissait un équilibre entre les obligations des collectivités locales et la communauté des gens du voyage.
La proposition de loi occulte plusieurs points essentiels, relatifs à l'insertion économique et sociale des populations concernées, à la scolarisation de leurs enfants, à leurs droits civiques. C'est un texte incomplet et déséquilibré, notamment en matière d'évacuation forcée, dont on déconnecterait la procédure de toute référence à une exigence d'ordre public. Une bonne partie du travail reste donc à faire.
S'il est un sujet qui prouve que des élus locaux expérimentés, parce qu'ils ont exercé des responsabilités exécutives, peuvent contribuer à un examen intelligent des textes législatifs, c'est bien celui-là. Les élus locaux ici présents vivent concrètement les situations dont nous parlons, et ils savent bien que l'on ne décrète pas les solutions sur la base de réflexions théoriques, mais qu'on les construit à partir d'une expérience pratique.
Je regrette que la majorité joue « petit bras ». Cette proposition de loi, qui est très pragmatique, mérite beaucoup mieux qu'un vote négatif de notre Commission. Je me sens en droit de le dire parce que j'ai une longue expérience des questions liées à l'accueil des gens du voyage et que, dans l'agglomération dont je suis l'élu, un travail conjoint des communes et de l'État a permis d'aller exactement dans le sens que préconise cette proposition de loi et ce, avec succès.
Dans le cadre de la solidarité intercommunale, nous avons accepté de doubler le volume de places en aire d'accueil ordinaire des gens du voyage et l'État, avec l'accord des communes et sous l'égide de l'intercommunalité, a accepté de prendre à sa charge la réalisation d'un terrain de grand passage dont il assure, avec un partenaire associatif, la gestion et la maîtrise. Cela nous permet de prendre des mesures face à toutes les tentatives d'installations intempestives de caravanes sur des terrains publics ou privés, en dehors des zones déjà délimitées. Si nous pouvons le faire, c'est parce que nous avons appliqué la loi Besson et que l'État, qui sait que les collectivités travaillent en partenariat avec lui, assume ses responsabilités.
Dans le même esprit, cette proposition de loi tend à ce que l'on fasse un pas supplémentaire pour protéger les collectivités, qui assument leur responsabilité légale, d'arrivées intempestives qui perturbent considérablement le climat entre les habitants sédentaires et les personnes non sédentaires – qui sont des citoyens français, comme ils ne manquent jamais de nous le rappeler – qui se déplacent sur nos territoires.
Il faut donc adopter cette proposition, quand bien même il serait nécessaire de la compléter par d'autres textes. Ne pas la voter constituerait un signal bien négatif pour tous les élus locaux qui s'interrogent et qui aspirent à être accompagnés, notamment par l'État, lorsqu'ils rencontrent des difficultés.
Je terminerai sur deux questions. La première est relative au droit à la scolarisation des enfants du voyage dans le cadre des grands déplacements. Quand le maire d'une commune de 300 habitants voit arriver 300 caravanes et que les associations qui accompagnent cette installation sauvage revendiquent un tel droit, il est impossible de l'appliquer. Je n'ai pas de solution à vous proposer, mais je pense que nous devrions renforcer notre dispositif sur ce point précis.
La seconde question est relative au lien qu'il convient d'établir entre le respect de la loi Besson par les collectivités et les nuisances que celles-ci subissent lorsque des grands rassemblements ont lieu de manière anarchique sur leur territoire. Il faut pouvoir écrire qu'à partir du moment où une collectivité a respecté la loi et a installé une aire d'accueil ordinaire sur son territoire, elle doit, à ce titre, être protégée de tout autre type d'implantation non réglementaire – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. À défaut, vous vous heurterez à un problème d'acceptabilité de la part des populations. Dans ma commune et dans mon agglomération, tout le monde a accepté les efforts que nous avons faits, parce qu'ils ont permis aux populations sédentaires et aux gens du voyage de vivre en bonne intelligence.
Mes chers collègues de la majorité, le pas que nous vous proposons de faire est peut-être insuffisant, mais il est utile. Franchissons-le ensemble, et le jour où vous nous proposerez des améliorations, nous serons à vos côtés. La pire des choses serait de montrer que la représentation nationale n'est pas solidaire dans un domaine qui touche au bien vivre et à la sécurité de nos concitoyens.
Monsieur le rapporteur, nous avions travaillé ensemble dans le cadre de la mission d'information avec beaucoup de plaisir. J'avais particulièrement apprécié votre courtoisie, ainsi que celle de M. de la Verpillière. Nous avions débouché sur un accord qui tournait autour de trois thèmes : l'égalité devant la loi, le respect de la loi et l'adaptation de notre législation aux modifications des modes de vie des gens du voyage. Or, comme Mme Pochon l'a rappelé, cette proposition laisse de côté des éléments qui avaient été pris en compte dans votre rapport – qui est aussi notre rapport commun.
Premièrement, malgré la décision du Conseil Constitutionnel de septembre dernier, nous n'avons pas réglé la question de l'égalité devant la loi, s'agissant de l'exigence de titres d'identité.
Deuxièmement, je suis d'accord avec MM. Bompard et Geoffroy sur le fait que la loi doit être respectée. Mais je considère que cette obligation s'applique aussi bien aux communes qu'aux gens du voyage. Or certaines communes ne respectent pas la loi : seulement 25 000 places en aire d'accueil, au lieu des 45 000 prévues, ont été aménagées pour accueillir la population des gens du voyage, qui est estimée à 500 000 personnes. Ce non-respect de la loi, qui est certes moins voyant qu'un passage en force, est tout aussi désagréable. Lorsque nous les rencontrons, dans des circonstances parfois assez tendues, les gens du voyage savent nous le rappeler. Nous avions essayé de réfléchir aux moyens de faire respecter la loi des deux côtés. Or l'équilibre n'a pas été trouvé.
Troisièmement, nous avions essayé de prendre en considération la modification des styles de vie des gens du voyage, et notamment leur sédentarisation, par exemple en inscrivant des places dans les plans locaux d'urbanisme. Or cette préoccupation n'est pas non plus prise en considération par la proposition de loi.
Aujourd'hui, le compte n'y est donc pas. C'est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter ce texte.
J'ajoute que j'ai préparé de mon côté une proposition de loi qui n'est pas non plus satisfaisante, dans la mesure où elle ne respecte pas l'équilibre que nous recherchons : je m'étais penché, dans l'urgence, sur la question des titres d'identité, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel. Il faudra réexaminer tous ces points. Par ailleurs, le président de la Commission consultative des gens du voyage et sénateur UMP de Haute-Savoie, M. Pierre Hérisson, a déposé lui aussi une proposition de loi reprenant l'ensemble des préconisations de son rapport, qui sont très proches des nôtres.
J'entends M. Geoffroy qui appelle de ses voeux un « art de vivre en bonne intelligence ». Nous aurons l'occasion d'en rediscuter, mais sur un tel sujet, il est important de travailler ensemble et d'envoyer un signal, non seulement à nos concitoyens et à nos élus, mais aussi à la communauté du voyage : les premiers doivent respecter la loi et faire l'effort d'accueillir une population un peu différente ; les seconds doivent savoir que nous faisons les efforts nécessaires pour leur permettre de vivre en bonne intelligence avec les autres citoyens français.
Monsieur le rapporteur, je suis donc favorable à ce que nous cherchions les moyens de travailler ensemble. Mais j'ai le regret de vous dire qu'adopter ce texte en l'état serait prématuré.
Il n'est pas nécessaire d'être maire, ou même d'avoir été un jour élu local, pour se sentir concerné. En tant que député n'exerçant pas de mandat local, je suis au fait de ces problématiques dont me saisissent, notamment, les maires UMP. Dans ma circonscription de l'Hérault, des grands passages ont en effet lieu chaque année entre le 15 juillet et le 12 août. Quoi qu'il en soit, je ne voudrais pas que la défense du cumul des mandats ressurgisse à l'occasion de l'examen de n'importe quel texte !
M. Geoffroy considère que le groupe SRC, dont la position a été exposée par Isabelle Pochon, joue « petit bras ». Je dirais plutôt que cette proposition de loi joue les « gros bras » mais n'embrasse pas l'ensemble du sujet. Celle du sénateur Hérisson est sans doute plus ambitieuse.
Dans un esprit de rassemblement républicain, nous devons mettre au point un texte de référence unique sur le droit applicable à ces questions. Cela suppose que l'on se donne un petit peu de temps.
Le pas que nous ferions en votant ce texte, monsieur Geoffroy, serait en effet insuffisant. Il conviendra d'avancer de façon plus significative. Reste – et je parle à titre personnel – qu'il serait bon que cette réflexion globale aboutisse avant l'été 2013.
Le groupe UDI soutiendra cette proposition de loi.
S'agissant du cumul des mandats, il est intéressant de vivre directement ce qui se passe sur le terrain – et pas seulement d'écouter ce que disent les élus locaux. Depuis dix-sept ans, je discute souvent, de façon parfois un peu vive, voire violente, avec les gens du voyage, et cela m'a permis d'être conscient de l'évolution de leur mode de vie. Par exemple, il y a encore douze ou quinze ans, il était possible de rencontrer un responsable dans un groupe de gens du voyage, mais aujourd'hui ce n'est plus que très rarement le cas. Nous devons donc être très vigilants pour que nous soyons soutenus en cas de difficultés lorsque les collectivités respectent la loi et lorsque le schéma départemental est mis en oeuvre.
Alors que nous mettons des WC chimiques à la disposition de ces groupes sur le terrain où ils sont accueillis et que les caravanes sont aussi dotées de WC, lorsqu'on vous répond que certains, en raison de leur culture, vont déféquer devant la porte des riverains ce n'est pas agréable ! Demandez à nos concitoyens ce qu'ils en pensent !
Je ne dis pas qu'il faut montrer du doigt et condamner ces groupes pour autant, mais chacun doit respecter l'autre. À partir du moment où les collectivités respectent la loi, à travers les schémas départementaux, les gens du voyage se doivent d'adopter une attitude citoyenne.
Certaines questions méritent en effet d'être traitées. Nous parlions tout à l'heure de la scolarisation. Mais il faut savoir que, dans beaucoup de nos agglomérations, les grands passages se produisent essentiellement dans les périodes d'été, entre le 15 mai et le 15 septembre, période où la scolarisation n'est plus possible. Il faut donc faire évoluer les textes. Je ne crois pas qu'il soit trop tôt pour s'y mettre.
La majorité nous répond que nous devons encore travailler, et nous engager dans une réflexion législative globale. Cette nuit, nous avons discuté d'un texte important sur le terrorisme. Quelques-uns d'entre nous ont observé qu'il était possible de faire évoluer la loi de 1881 en faisant passer certaines de ses mesures dans le code pénal. On nous a répondu que l'on verrait plus tard, pour faire une réforme plus globale. Ainsi, dans certains cas, il faudrait aller vite et adopter un texte avant même de se lancer dans une réforme globale et, dans d'autres cas, il faudrait rejeter une proposition de loi au motif que la réflexion ne serait pas suffisamment globale. Ce n'est pas logique.
Ce texte intéressant permettrait de faire évoluer les choses et de donner à l'État une responsabilité pleine et entière pour gérer les grands passages.
Tout à l'heure, je visais uniquement les mairies qui ont respecté la loi : celles qui ne la respectent pas ne peuvent pas réclamer son application. Je regrette que l'avancée qu'aurait permis cette proposition de loi soit refusée par la majorité. Sur le terrain, les maires de gauche ont les mêmes problèmes que ceux de droite !
Pourquoi stigmatiser ces populations, comme l'a fait mon collègue de l'UDI ? Celui-ci a dénoncé des faits que je n'ai jamais observés, alors même que je gère chaque année ce genre de situations. Les gens du voyage ont le droit d'avoir un mode de vie différent de celui de la plupart d'entre nous, qui sommes sédentaires. Je suis consciente des difficultés que cela peut poser sur le terrain, mais l'on ne trouvera de vraies solutions que lorsque toutes les communes, voire les départements – s'agissant des aires de grand passage, dans les communes de plus de 5 000 habitants – auront respecté la loi.
Il faut aussi prendre en compte globalement la situation de ces personnes : scolarité des enfants, intégration, déplacements. Il s'agit de leur mode de vie, et il faut l'accepter.
Enfin, l'État doit faire respecter la loi. Or ce n'est pas toujours le cas. Nous devons donc être particulièrement vigilants. Lorsque les personnes du voyage s'installent, à l'occasion des grands passages, sur des espaces qui ne sont pas faits pour les accueillir, les communes ont du mal à gérer la situation, notamment avec les riverains.
Il faut donc retravailler au plus vite la question dans son ensemble.
Je ne peux pas laisser dire que je stigmatise qui que ce soit. L'agglomération que je préside est la première à s'être conformée au schéma départemental et à la loi en aménageant trois terrains – un pour les sédentaires, un pour le passage, et un pour les grands passages.
Je rappelle que le schéma départemental d'accueil des gens du voyage ne dépend pas que du département : il doit être accepté par les agglomérations, les communautés d'agglomérations ou communautés urbaines, qui mettent à disposition des terrains et qui organisent l'arrivée des groupes de grand passage.
La loi doit assurer l'équilibre des droits et des devoirs, de chaque côté. Les gens du voyage n'ont pas que des droits et les collectivités que des devoirs. Les gens du voyage ont aussi des devoirs et, notamment, celui de respecter des autres. Je tolère évidemment totalement la façon de vivre des gens du voyage, mais j'entends aussi qu'ils respectent la vie quotidienne des habitants de nos communes. Je constate avec agacement que la majorité nous accuse systématiquement de stigmatisation dès lors que nous ne sommes pas d'accord avec elle.
Au motif que nous ne sommes pas d'accord sur la façon d'aborder la question, on nous accuse de stigmatisation ! Dire la réalité des choses n'est pas stigmatiser ceux dont on parle.
Soyons concrets ! Lorsque 250 caravanes tentent de s'installer dans un endroit où elles n'ont pas à le faire, les habitants s'en émeuvent. Et ils s'étonnent que leurs propriétaires, qui ont de bien belles caravanes et de bien beaux véhicules, respectent aussi peu l'environnement du lieu où ils s'installent. Dire cela n'est pas stigmatiser : c'est faire état d'une difficulté que nous affrontons et que nous essayons de régler du mieux possible. Il n'est pas question d'essayer de dresser les uns contre les autres. Bien au contraire, nous passons notre temps à dire à nos concitoyens que l'art de vivre des gens du voyage est différent du nôtre, et qu'il faut essayer de le respecter. Mais le message passe difficilement lorsque les gens du voyage ne respectent pas celui des sédentaires.
Je n'avais pas prévu d'intervenir mais les propos de mes collègues m'y conduisent. Je remarque que lorsque la droite se trouve dans la majorité, elle est dans une logique de désengagement de l'État, mais que lorsqu'elle se trouve dans la minorité, elle est dans une logique de responsabilisation de l'État.
Selon notre collègue Geoffroy, il serait nécessaire, pour bien légiférer, de faire prévaloir son expérience d'élu local. Moi qui suis, à l'instar de notre président, élu avec un mandat unique, j'ai à peu près la même expérience que lui, même si ce n'est pas en tant qu'élu local. En effet, en tant que représentant de l'État, j'ai souvent eu à gérer ces grands rassemblements. Et j'en ai tiré la conclusion que rien ne pouvait être réglé exclusivement par les collectivités territoriales ou exclusivement par l'État. À chacun ses responsabilités !
Rien n'empêche un élu local de la qualité de M. Geoffroy d'endosser successivement des responsabilités, dans le cadre d'un mandat local et d'un mandat de législateur. Nous ne voulons stigmatiser ni les élus nationaux ni les élus locaux, mais la succession des responsabilités permet d'accumuler de l'expérience. Par exemple, le législateur peut faire preuve de pragmatisme parce qu'il a eu des responsabilités locales. C'est notre vision du non-cumul des mandats.
Affirmer qu'il est de coutume pour les gens du voyage d'aller déféquer devant les portes des riverains relève bien, selon moi, de la stigmatisation. S'agissant d'un sujet aussi important et aussi grave, il n'est guère constructif de mettre en avant de tels exemples.
J'ai pu constater avec regret, en écoutant M. Raimbourg, que ma tentative de captatio benevolentiae n'avait pas produit les effets escomptés.
L'objectif de cette proposition de loi, madame Pochon, n'est pas de revisiter la loi Besson de 2000 ni de construire un nouvel édifice réglementaire : nous n'étions pas si ambitieux. Il s'agit simplement de faire quelques petits pas dans la bonne direction et de répondre à une urgence. Dans la mesure où ces problèmes surviennent plus particulièrement pendant l'été, nous souhaitions éviter de nouveaux conflits donnant lieu, le cas échéant, aux débordements, stigmatisations ou « mauvaises pensées » que nous pouvons observer dans nos communes, quelles que soient nos origines géographiques.
Je regrette que nous ne puissions pas accomplir cette avancée. Le temps viendra, toutefois, où nous nous retrouverons pour traiter l'ensemble des problèmes identifiés par la mission d'intervention – scolarisation, meilleure insertion –, y compris les moins agréables, comme ceux relatifs à la fiscalité.
Monsieur Lesterlin, je n'ai pas attendu d'être dans l'opposition pour aborder ce problème : je me souviens d'avoir écrit à MM. Brice Hortefeux, Claude Guéant ainsi qu'à d'autres ministres de l'Intérieur – sans obtenir de réponse, d'ailleurs. En tout état de cause, le juste partage des responsabilités entre l'État et les collectivités locales me semble la voie à suivre. En effet, malgré toute leur bonne volonté, les collectivités territoriales ne peuvent faire face aux arrivées massives et intempestives.
« J'avais fait un rêve », mais il ne s'est pas réalisé ! Je ne doute pas, cependant, que nous nous retrouverons dans quelques semaines ou dans quelques mois pour bâtir une nouvelle loi et traiter ces questions dont l'évolution est rapide.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er (art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Implication de l'État dans l'organisation de l'accueil des gens du voyage
La Commission rejette l'article 1er.
Après l'article 1er
La Commission est saisie de l'amendement CL 5 du rapporteur.
Cet amendement de repli se contente de préciser que le schéma départemental doit inscrire de façon séparée les trois types d'emplacements – aire permanente d'accueil, aire de grand passage et terrain destiné aux grands rassemblements – tout en rappelant que dans ces deux derniers cas, le schéma doit préciser les conditions dans lesquelles l'État intervient pour assurer le bon déroulement de ces manifestations. L'État ne peut en effet se désintéresser de la gestion des aires nécessaires et du déroulement des grands passages.
Le dépôt de cet amendement de repli s'explique par le fait que l'article 2 de la proposition de loi a été déclaré irrecevable par le président de la commission des Finances en application de l'article 40 de la Constitution.
La Commission rejette l'amendement.
Article 2 (art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Choix et équipement par l'État des aires de grand passage
Cet article a été déclaré irrecevable en application de l'article 89, alinéa 4, du Règlement.
Article 3 (art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Information préalable de l'organisation des grands passages
La Commission rejette l'article 3.
Article 4 (art. 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Distinction des aires d'accueil et des aires de grand passage
La Commission rejette l'article 4.
Article 5 : (art. 4 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Suppression des dispositions organisant la participation financière à la réalisation d'aires de grand passage par les communes
La Commission rejette l'article 5.
Avant l'article 6
La Commission examine l'amendement CL 2 du rapporteur.
En application de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, seules les communes qui ont réalisé l'ensemble de leurs obligations relatives à cette loi peuvent faire appel à l'évacuation administrative des installations illicites. En conséquence, les préfets refusent souvent d'accéder à une demande de mise en demeure faite par un maire dont la commune respecte ses obligations en matière de création d'une aire permanente d'accueil mais qui n'a pas encore réalisé un terrain de grand passage.
De même, en cas de transfert de compétence des communes au profit d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), aucune commune membre ne peut prendre un arrêté d'interdiction de stationner en dehors des aires d'accueil sur son territoire si l'EPCI n'a pas satisfait à l'ensemble de ses obligations. Une telle situation suscite l'incompréhension de la part des communes membres de l'EPCI sur le territoire desquelles une aire d'accueil a été implantée. Suivant une recommandation de la Cour des comptes, le présent amendement vise à leur permettre de bénéficier également de la procédure d'évacuation forcée.
La Commission rejette l'amendement.
Article 6 : (art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Suppression de la condition d'atteinte à la sécurité, à la tranquillité et à la salubrité publiques pour la mise en oeuvre de la procédure d'évacuation forcée d'un terrain public situé dans une commune répondant à ses obligations d'équipement en aires d'accueil
La Commission rejette l'amendement rédactionnel CL 3 du rapporteur.
Elle rejette ensuite l'article 6.
Article 7 : Rapport sur la mise en place des aires de grand passage par l'État
La Commission rejette l'article 7.
Article 8 : (art. 10 bis [nouveau] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Relogement des occupants à titre permanent de terrains inadaptés
La Commission rejette l'amendement rédactionnel CL 4 du rapporteur.
Elle rejette ensuite l'article 8.
Article 9 : Gage
La Commission rejette l'article 9.
En conséquence du rejet de tous ses articles, l'ensemble de la proposition de loi est rejeté.
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL2 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur :
Avant l'article 6
Insérer un article ainsi rédigé :
« Au I de l'article 9 de la même loi, les mots : « mais dotées d' » sont remplacés par les mots : « ou qui sont membres d'un établissement public de coopération intercommunale qui ne remplit pas les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, mais où est implantée ».
Amendement CL3 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur :
Article 6
Au second alinéa de l'article 6, insérer le mot : « à » deux fois après les mots : « l'État » et « ou ».
Amendement CL4 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur :
Article 8
Aux premier et second alinéas, remplacer les mots : « 10 bis » par les mots : « 10-1 ».
Amendement CL5 rect présenté par M. Didier Quentin, rapporteur :
Après l'article 1er
Insérer l'article suivant :
« Au troisième alinéa du II de l'article 1er de la même loi, les mots : « les emplacements » sont remplacés par les mots : « les aires de grand passage et les terrains »
La Commission en vient à l'examen, sur le rapport de M. Guillaume Larrivé, de la proposition de loi précisant les conditions de l'usage légal de la force armée par les représentants de l'ordre dans l'exercice de leurs missions et renforçant la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes (n° 191).
Avec nos collègues Éric Ciotti et Philippe Goujon, ainsi qu'avec 51 autres députés cosignataires, nous avons souhaité soumettre à l'examen de l'Assemblée nationale cette proposition de loi visant à renforcer la protection des policiers et des gendarmes. Celle-ci part d'un constat préoccupant : les policiers et les gendarmes s'acquittent avec détermination et loyauté de leurs difficiles missions, dans le plus grand respect de la loi, mais ils sont confrontés à des délinquants déterminés qui n'hésitent pas à attenter à leur vie.
Or, lorsqu'il s'agit de faire usage de leurs armes à feu, les policiers et les gendarmes ne sont pas soumis aux mêmes règles. La réponse susceptible d'être apportée à cette différence de régime fait l'objet de l'article 1er de notre proposition de loi.
Quant aux articles suivants, ils visent à renforcer la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes, c'est-à-dire la protection juridique accordée par l'administration à ses agents ayant eu à connaître un événement perturbant durant l'exercice de leurs missions.
Les conditions d'emploi des armes à feu varient selon le statut du représentant des forces de l'ordre – un état du droit dont les fonctionnaires de police ne se satisfont pas, comme l'ont confirmé les auditions de leurs organisations représentatives que j'ai pu mener. Dans la police nationale, les conditions d'emploi sont régies par le droit commun de la légitime défense, inscrit dans le code pénal. Le policier est donc soumis aux mêmes règles que n'importe quelle personne. Quant à la gendarmerie, si les dispositions du code pénal lui sont également applicables, ses agents bénéficient également d'un autre régime juridique, défini par un décret de 1903 récemment inséré dans la partie législative du code de la défense par le législateur.
Or si, dans l'ensemble, l'usage que les gendarmes ont fait de leurs armes a diminué de 22 % au cours de l'année 2011, dans un tiers des cas – soit une proportion non négligeable –, ils en ont fait usage en appliquant les dispositions du code de la défense, ce qui montre bien la pertinence de ces dispositions.
Contrairement aux gendarmes, les policiers ne sont autorisés à faire usage de leur arme que dans le cadre strict de la légitime défense, c'est-à-dire en réponse à une agression de même nature. Or, cela les conduit parfois, en cas d'agression violente, à hésiter à riposter – fût-ce au péril de leur vie – par crainte de poursuites administratives ou judiciaires très sévères. Les auditions que nous avons menées – en présence de Mathias Fekl, membre du groupe socialiste – ont été à cet égard éclairantes.
Je ne prendrai qu'un exemple des conséquences que cette différence juridique entre policiers et gendarmes est susceptible d'entraîner, c'est la qualification d'homicide volontaire retenue, en avril dernier, par le parquet de Bobigny à l'encontre d'un policier, après le décès, lors d'une intervention à Noisy-le-Sec, d'un homme recherché pour des vols à main armée. Il n'appartient pas au législateur de porter une appréciation sur ce cas d'espèce ni sur la décision du parquet, mais je veux rappeler que cette qualification a suscité une très forte et très légitime émotion dans les rangs de la police nationale. Les policiers avaient été très profondément heurtés que l'un des leurs soit poursuivi pour un tel chef d'accusation.
Trois options s'offrent à nous. La première serait de modifier le code pénal afin de créer une présomption de légitime défense à raison du statut de représentant des forces de l'ordre. Nous avons écarté cette option, qui ne fait d'ailleurs plus l'objet d'une attente de la part des représentants des policiers.
La deuxième, celle du statu quo, ne nous semble pas acceptable, car elle reviendrait, pour l'administration centrale, dont la position est nettement plus confortable que celle des policiers présents sur le terrain, à laisser ces derniers se débrouiller avec les instruments juridiques dont ils disposent, c'est-à-dire à s'accommoder d'une situation d'insécurité juridique dont les forces de l'ordre paieraient le prix.
La troisième option, celle vers laquelle je vous invite à vous diriger, consiste à opérer un rapprochement entre les deux régimes juridiques, de la même façon qu'ont été rapprochées, depuis la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale – dont le ministre de l'Intérieur nous a dit qu'elle ne serait pas remise en cause, même si elle n'avait pas été votée par l'opposition de l'époque –, les deux forces de sécurité intérieure. Ce processus est d'ailleurs toujours en marche, puisqu'en ce moment même, la direction générale de la police nationale – DGPN – et la direction générale de la gendarmerie nationale – DGGN – travaillent à l'élaboration d'un code de déontologie commun. Nous proposons, quant à nous, l'adoption d'une doctrine commune d'emploi des armes dans les deux forces. C'est pourquoi l'article 1er de cette proposition de loi vise à appliquer aux policiers les dispositions en vigueur pour l'usage de la force armée par les militaires de la gendarmerie nationale, en transposant dans le code de la sécurité intérieure les dispositions de l'article L. 2338-3 du code de la défense.
Bien entendu, ces règles ne sont pas appliquées « en l'air » par les gendarmes ; elles le sont au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de cassation. Toutefois, et afin que les choses soient bien claires, je proposerai un amendement tendant à introduire dans l'article 1er la notion d'« absolue nécessité », condition que la Cour de cassation pose à l'usage de la force armée.
Si cet article était adopté, il serait bien entendu essentiel d'améliorer la formation des policiers et de préciser la doctrine en matière de tir. C'est une attente vivement exprimée par les organisations syndicales qui soulignent l'encadrement insuffisant des pratiques actuelles.
J'en viens à la seconde partie de la proposition de loi. Les articles 2 à 8, qui ont trait à la protection fonctionnelle, contiennent des dispositions attendues aussi bien par les policiers que par les gendarmes, comme nous l'ont confirmé l'ensemble des organisations syndicales des policiers ainsi que la DGPN, la DGGN et la direction des libertés publiques du ministère de l'Intérieur. Ces dispositions sont consensuelles parce qu'issues d'un travail de réflexion engagé à l'initiative de Manuel Valls par un conseiller d'État, Mattias Guyomar. Les articles 2 à 8 sont d'ailleurs la traduction législative directe du rapport rendu par ce dernier.
Dans son extrême rigueur, le président de la commission des Finances a considéré que les articles 2, 3, 4 et 7 devaient être déclarés irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution. J'invite donc le Gouvernement à reprendre par amendement les dispositions qu'ils portent, en raison de leur caractère consensuel.
L'article 2 tendait à étendre la protection fonctionnelle aux ayants droit des policiers et des gendarmes. Concrètement, il s'agissait de couvrir un concubin ou un partenaire de PACS – et non plus seulement un conjoint marié – agressé du fait de ses liens avec un membre des forces.
L'article 3 visait à permettre l'octroi de la protection fonctionnelle aux policiers et aux gendarmes victimes d'atteintes involontaires aggravées à la vie ou à l'intégrité physique donnant lieu à des poursuites pénales. Je pense en particulier aux cas de courses poursuites au cours desquelles des policiers ou des gendarmes sont atteints dans leur chair de manière indirecte.
L'article 4 permettait l'octroi de la protection fonctionnelle à l'agent placé en garde à vue, entendu en qualité de témoin assisté ou faisant l'objet d'une procédure de composition pénale – c'est-à-dire en amont des poursuites pénales. Il était très attendu par les policiers et les gendarmes.
L'article 5, lui, n'a pas été déclaré irrecevable : vous pourrez donc l'adopter avec enthousiasme. Il crée une obligation de reclassement provisoire de l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle au titre d'une mise en cause devant le juge pénal. En effet, si la suspension administrative est présentée comme une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service, dans les faits, elle est bien évidemment perçue comme une sanction par l'agent concerné. Non seulement ce dernier est écarté du service, mais il est privé, au bout de quelques mois, de la moitié de son traitement et de ses primes. Une obligation de reclassement dans un autre poste ne méconnaîtrait pas l'intérêt du service, mais permettrait à l'agent de poursuivre, sans dommage dirimant, sa carrière professionnelle. Il s'agit, là encore, d'une revendication très forte et légitime des organisations représentatives des agents de la police nationale.
L'article 6 prévoit l'information, par l'autorité hiérarchique, du magistrat chargé de l'instruction sur la situation administrative d'un agent public afin d'adapter au mieux le contrôle judiciaire à la nature du reclassement. Il s'agit de faciliter le dialogue entre les autorités judiciaire et administrative.
L'article 7 visait à permettre à l'administration ayant accordé la protection fonctionnelle à son agent de faire citer l'agent judiciaire de l'État. Aujourd'hui, en effet, seul le ministère public ou la partie civile ont cette compétence.
Enfin, l'article 8, à la suite du rapport Guyomar, a pour objet de réparer l'oubli commis par le législateur et d'établir un délai de prescription d'un an pour les réclamations présentées devant la mission « déontologie de la sécurité » du Défenseur des droits, afin que les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie ne soient pas susceptibles d'être poursuivis ad vitam aeternam devant cette institution. Il s'agit, là encore, d'une disposition très attendue.
Au fond, les enjeux de cette proposition de loi se résument en deux phrases. En ce qui concerne l'usage des armes, il convient de limiter l'insécurité juridique qui paralyse trop souvent les policiers et les expose à des atteintes extrêmement graves, voire à la mort. Et s'agissant de la protection fonctionnelle, nous devons accompagner la démarche consensuelle du rapport Guyomar vers un renforcement de la protection accordée par l'État aux policiers et aux gendarmes. C'est notre devoir de législateur.
Je m'associe aux propos de notre rapporteur, en tant que cosignataire, avec Philippe Goujon, de cette proposition de loi. Celle-ci vise à mieux assurer la protection des policiers et des gendarmes dans l'exercice de leurs missions.
Les policiers et les gendarmes exercent des missions extrêmement difficiles. Or, depuis quelques années, ils sont de plus en plus souvent confrontés à des délinquants n'hésitant pas à utiliser des méthodes de guerre, et en particulier des armes de gros calibre. Ces dix derniers mois, plus de 11 000 policiers et gendarmes ont été blessés pour la défense des libertés publiques et de la sécurité, soit 38 par jour en moyenne.
Force est de constater que lorsqu'il s'agit de faire usage de leurs armes à feu, les policiers et les gendarmes ne sont pas soumis aux mêmes règles. Contrairement aux gendarmes et aux douaniers qui sont libres d'y recourir dans des conditions limitatives et après des sommations verbales, les policiers ne sont autorisés à faire usage de leur arme qu'en réponse à une agression de même nature, c'est-à-dire dans le cas strict de la légitime défense. Ils se voient donc appliquer le droit commun.
Tout le monde se souvient de l'incompréhensible qualification d'homicide volontaire retenue à l'encontre d'un policier par le parquet de Bobigny après le décès, lors d'une intervention à Noisy-le-Sec, le 21 avril 2012, d'un homme recherché pour des vols à main armée. Ce malfaiteur, délinquant multiréitérant, très violent, connu pour avoir été le plus jeune incarcéré de France, avait, lors de sa fuite, jeté au sol une réplique à l'identique de grenade quadrillée. Il avait ensuite pointé son revolver sur le policier, qui avait réagi en faisant usage de son arme de service. Le gardien de la paix auteur du tir fut placé en garde à vue, présenté au parquet et mis en examen du chef d'homicide volontaire. Cette décision judiciaire avait suscité une profonde émotion parmi les policiers et les syndicats de police, qui avaient organisé de nombreuses manifestations d'un bout à l'autre du pays.
Ma conviction est que la représentation nationale doit offrir aux fonctionnaires de police le cadre juridique le plus protecteur pour leurs interventions opérationnelles. Il en va du lien de confiance entre nos forces de sécurité et la population.
Tel est l'esprit de cette proposition de loi. Si elle tire tous les enseignements utiles du rapport Guyomar pour améliorer la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes, elle comble aussi une de ses lacunes manifestes en revenant sur le cadre légal de l'usage d'une arme à feu par les policiers. Nous ne pouvons pas, par facilité, faire comme si le problème n'existait pas ; notre législation doit être adaptée. Il s'agit de donner aux policiers l'autorisation de faire usage de leur arme lorsqu'ils se sentent menacés ou pour sommer, dans certaines conditions limitatives, des suspects armés de s'arrêter.
L'objectif de cette harmonisation des conditions de déploiement de la force armée par les fonctionnaires des services actifs de la police sur celles en vigueur pour les gendarmes est d'améliorer l'efficacité de l'action des policiers et de faciliter la conduite d'opérations communes entre la police nationale et la gendarmerie nationale, dans l'esprit de la loi d'août 2009.
Le but n'est évidemment pas de réclamer l'impunité pour les forces de sécurité ; il est de renforcer la protection pénale de celles-ci. Le dispositif proposé offre toutes les garanties procédurales pour que l'autorité judiciaire puisse enquêter sur les circonstances dans lesquelles l'usage de l'arme de service n'aurait pas été strictement proportionné à la menace.
Comme pour le débat parlementaire sur la lutte contre le terrorisme, cette question de la doctrine d'emploi de la force armée par la police devrait être traitée sans esprit partisan et sans climat de suspicion à l'égard des forces de l'ordre. Les fonctionnaires de police attendent de nous une réponse efficace et rapide, car la situation actuelle fragilise leur action.
Tels sont les motifs qui nous conduisent, mes chers collègues, à vous demander d'adopter cette proposition de loi.
Les agressions à l'encontre des policiers et des gendarmes ont crû de 5 % au cours des dix premiers mois de l'année. Nous avons donc une obligation morale et politique de prendre des mesures qui assurent davantage la protection opérationnelle et fonctionnelle des forces de l'ordre.
M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, a installé une mission de réflexion, menée par M. Mattias Guyomar, laquelle a formulé vingt-sept propositions visant à améliorer la protection juridique dont bénéficient les agents des forces de sécurité mis en cause par des tiers. En revanche, à notre désarroi, cette étude a écarté l'idée de créer une présomption de légitime défense ainsi que celle d'harmoniser les conditions d'usage des armes entre les policiers et les gendarmes. Cette proposition de loi a pour objet de rompre le statu quo ; elle vise donc à aligner les règles d'emploi de la force armée dans la police sur celles de la gendarmerie.
Le droit commun de la légitime défense qui s'applique aux policiers n'est, en effet, plus adapté à un contexte où l'ouverture du feu sur les policiers – avec des armes de plus en plus lourdes – s'est banalisée. Un fonctionnaire de police ne peut pas être traité comme le sont les délinquants et les criminels. Il ne s'agit pas d'accorder aux policiers un blanc-seing législatif leur permettant d'utiliser leurs armes en toute liberté. Mais puisque les policiers et les gendarmes sont confrontés aux mêmes situations, l'alignement des règles de déploiement de la force armée s'impose.
La proposition de loi vise également à adopter des mesures – préconisées par la mission ministérielle – qui pourraient faire consensus entre nous : extension de la notion d'ayant droit aux concubins et partenaires d'un PACS, protection fonctionnelle en cas d'atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité physique des membres des forces de l'ordre et obligation de reclassement provisoire de l'agent mis en cause devant le juge pénal.
L'adoption de cette proposition de loi serait un signal fort de confiance envoyé aux forces de sécurité. Si ces dernières doivent être irréprochables, l'État doit en retour assurer la protection de ses agents. Le Gouvernement et l'ensemble des forces politiques de l'Assemblée nationale s'honoreraient de mieux garantir la sécurité des policiers et des gendarmes.
Plus de 10 000 membres des forces de l'ordre sont blessés chaque année dans l'exercice de leurs fonctions. Depuis le début de l'année, ces agressions ont augmenté de 5 %. La différence de régime d'emploi de la force armée entre les policiers et les gendarmes apparaît incompréhensible et accrédite la perception d'une protection plus faible des fonctionnaires de police. Certes, les gendarmes sont des militaires et leur statut relève pour l'essentiel du code de la défense, mais les deux corps des forces de sécurité relèvent du ministère de l'Intérieur et assurent, dans une grande coopération, des missions de plus en plus semblables. Le statu quo n'est pas souhaitable, car il maintient une différence substantielle, là où la convergence est nécessaire.
La théorie de la légitime défense a été développée pour la première fois par Cicéron dans son texte Pro Milone. Cette notion a, depuis, connu de nombreuses extensions qui lui assurent une présence presque permanente dans l'actualité.
J'évoquerai des affaires que je connais. Une policière fut tuée d'un coup de sabre par un individu entré dans la préfecture du Cher en octobre 2011. L'agent de police avait donné l'impression à de nombreux témoins de passer en revue tout son cours sur la légitime défense pour savoir si elle pouvait, ou non, réagir. L'emploi de la force armée doit être actuel, nécessaire et proportionné pour fonder la légitime défense. Si les forces de l'ordre doivent évaluer ces trois critères avant de réagir, elles ont le temps de mourir ! L'alignement du régime de déploiement de la force armée des policiers sur celui des gendarmes est nécessaire. Une seule sommation devrait d'ailleurs suffire à légitimer l'utilisation de leurs armes.
Dans la plupart des cas, les policiers et les gendarmes n'osent pas arriver l'arme au poing sur les lieux où ils ont été appelés, car en cas d'usage de l'arme, ils seraient supposés avoir anticipé l'analyse d'une situation conflictuelle. Et la jurisprudence de la Cour de cassation accrédite cette crainte. Pourtant, le policier devrait pouvoir utiliser son arme comme un bouclier et c'est à lui, et non à l'autorité judiciaire, que devrait incomber l'analyse du risque justifiant l'emploi de cette arme. Nous pourrions ainsi éviter de nombreux drames.
Il est anormal que les policiers soient traités de la même façon que les justiciables ordinaires. Ils devraient bénéficier d'un statut particulier dans le cadre de l'incrimination pénale. La mise en examen et le procès sont un prix très élevé pour l'accomplissement d'une mission régalienne.
La meilleure réforme serait la reconnaissance d'une présomption de légitime défense pour le fonctionnaire de police. Un débat devrait être engagé sur cette question que la présente proposition de loi évacue. Les policiers ne sont pas des délinquants et ne font usage de leur arme qu'en cas de nécessité. Faisons-leur confiance.
Il faut identifier les causes de la recrudescence des agressions envers les forces de l'ordre. L'une d'entre elles est liée à la sévérité avec laquelle la loi sanctionne les policiers et les gendarmes qui font l'usage de leurs armes, alors que l'emploi par le truand de son outil de travail est considéré avec beaucoup de mansuétude.
Si la collectivité reconnaît à un fonctionnaire le droit de porter une arme, celui-ci doit pouvoir s'en servir. Or, le fait que les policiers et les gendarmes subissent de plus en plus d'attaques met en lumière le défaut du cadre régissant l'action de la police et de la justice.
L'agent qui assure la défense de la société devrait bénéficier d'un traitement privilégié. Cette conception est partagée par de nombreux pays mais, en France, elle est la marque d'une impolitesse. Tenter de régler des problèmes de société aigus exige parfois d'être impoli.
Je voudrai rappeler que l'arme est dangereuse et notamment pour ceux qui, comme les policiers, s'en servent. Plus largement, la banalisation de la détention d'arme constitue un vrai sujet d'inquiétude. Nous assistons à une dérive dont le danger est attesté par la situation qui prévaut aux États-Unis. La loi du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, votée dans un climat consensuel, a permis, quoique insuffisamment, de restreindre la possibilité de posséder une arme.
Les fonctionnaires de police devraient recevoir une formation leur permettant d'utiliser au mieux leurs armes. En effet, des interventions rapides et mal maîtrisées peuvent entraîner des drames – parfois entre policiers eux-mêmes. Or, les entraînements au tir ont été réduits ces dernières années sous l'effet de la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui a rationné les munitions.
Monsieur Larrivé, l'alignement des règles régissant l'emploi de la force armée par la police sur celles applicables à la gendarmerie ne me semble pas la bonne méthode pour sécuriser les policiers et gendarmes dans l'exercice de leur mission. Et je me demande même s'il ne faudrait pas plutôt s'écarter du régime des gendarmes !
La différence de régime se justifie par la divergence des situations auxquelles sont confrontés les policiers et les gendarmes. Ces derniers, en zone rurale, doivent faire face à des fusils de chasse et à des armes de longue portée. En milieu urbain, les policiers doivent, dans des conditions souvent dangereuses, répondre à des attaques ou intervenir lors de bagarres dans lesquelles des armes de nature diverse sont employées.
Il est légitime de se préoccuper de l'insécurité juridique et fonctionnelle des policiers. Le rapport de la commission présidée par M. Guyomar est, à ce titre, utile. La modification des missions de l'Inspection générale des services (IGS) et la perspective de sa suppression constituent une première étape pour la sécurité des policiers. En effet, ce corps a souvent accablé les agents qu'il était censé défendre. Par ailleurs, le ministre de l'Intérieur a annoncé la réforme prochaine de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui doit être un outil de protection du citoyen, comme du policier.
La mise en examen d'un agent de police ne devrait pouvoir intervenir qu'après un délai permettant de réunir certains éléments d'enquête. Je ne suis donc pas hostile à une évolution, mais pas dans le sens préconisé par cette proposition de loi car ce serait prendre un risque. Il est bon de réfléchir au renforcement de la protection du policier, y compris dans le cadre des réformes voulues par le ministre de l'Intérieur, mais ces questions doivent être maniées avec précaution.
La présente proposition de loi traite d'un sujet sérieux et grave. Les policiers accomplissent des missions régaliennes essentielles dans des contextes souvent très difficiles.
Ce texte comporte deux aspects. L'article 1er concerne la doctrine de tir et l'emploi des armes. Des nombreuses auditions organisées par le rapporteur je retire le sentiment que l'alignement des règles applicables aux policiers sur celles des gendarmes ne fait pas l'unanimité – c'est le moins que l'on puisse dire !– y compris parmi les syndicats de policiers. C'est en effet une disposition extrêmement contestée qui fait l'objet de positions très hétérogènes au sein même des organisations syndicales. Nous sommes donc extrêmement réservés sur cet article 1er et certaines interventions auxquelles nous avons assisté ici même montrent à quel point il faut être prudent sur ce terrain !
Les articles suivants – frappés d'irrecevabilité financière pour la plupart – traitent de la protection fonctionnelle. Ils sont, dans leur grande majorité, intéressants, précis et porteurs d'avancées incontestables. Ces dispositions sont d'ailleurs largement issues du rapport de Mattias Guyomar, commandé par le ministre de l'Intérieur. L'amélioration des régimes de suspension, l'extension de celui d'ayant droit et du champ de la protection fonctionnelle – s'agissant des liens avec l'autorité judiciaire, de l'assignation de l'agent judiciaire de l'État et de la prescription – peuvent donner lieu à un consensus. Cependant, une réflexion interministérielle a été ouverte à la suite du rapport Guyomar et, surtout, à la prise de conscience de la nécessité de moderniser le cadre de la protection fonctionnelle. Elle se concentre sur la mise à jour de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et sur la modernisation de la protection fonctionnelle des policiers et de l'ensemble des agents publics. Par souci de cohérence, les dispositions contenues dans la proposition de loi que nous examinons – dont certaines relèvent du domaine du règlement, voire de celui des bonnes pratiques ou des instructions internes – devraient nourrir ce travail qui doit aboutir rapidement.
Ces dispositions, qui peuvent difficilement être acceptées en l'état, relèvent plutôt d'un projet que d'une proposition de loi. Il revient en effet à l'autorité qui gère les armes de la police et de la gendarmerie d'expliquer les raisons qui pourraient conduire à modifier le régime juridique de leur utilisation. Le régime applicable à la gendarmerie, qui date de 1903, définit l'usage des armes en milieu rural ; or, comme l'a rappelé Daniel Vaillant, l'usage en milieu urbain est très différent, au regard notamment des risques pour la population comme pour les forces de l'ordre elles-mêmes. Toute modification du droit d'usage des armes, pour autant qu'elle soit nécessaire, devrait donc tenir compte du fait que la gendarmerie est appelée à intervenir de plus en plus souvent dans les villes.
Les dispositions visant à renforcer la protection des policiers sont bienvenues, mais elles relèvent plutôt, elles aussi, d'une initiative gouvernementale dans la mesure où elles impliquent des dépenses supplémentaires.
Je prends acte de l'absence de consensus sur l'article 1er, même si je le regrette.
Les articles 2 et suivants, en revanche, semblent nous réunir puisque M. Fekl a souligné qu'ils représentaient des avancées incontestables. De fait, ils répondent à une attente forte et unanime des policiers comme des gendarmes ; c'est pourquoi je vous invite à les voter. En quoi, monsieur Raimbourg, faudrait-il craindre le véhicule de la proposition de loi ? Devons-nous attendre une hypothétique initiative gouvernementale, sachant que les discussions interministérielles sont en général très longues ? Nos propositions s'inspirent directement du rapport Guyomar, dont on salue la qualité : pourquoi ne pas les voter dès à présent ? Cela permettrait un vrai débat dans l'hémicycle, quitte à améliorer la rédaction au cours de la navette.
Bien qu'étant un jeune député, je connais la chanson, si vous me passez l'expression : lorsqu'une proposition de loi émane de l'opposition, on salue la qualité de la réflexion tout en remettant le débat à plus tard, dans le cadre d'un texte plus global. Cette attitude partisane est d'autant plus regrettable que les mesures concernées pourraient faire consensus, comme celles relatives à la lutte contre le terrorisme, ouvertement approuvées hier soir par l'opposition.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de rappeler que jeudi dernier, une proposition de loi du groupe UDI a été adoptée en séance : c'est bien la preuve que la majorité est ouverte au consensus. J'ajoute qu'à une époque pas si lointaine, les propos que vous dénoncez étaient tenus par une autre majorité…
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er (art. L. 315-3 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Déploiement de la force armée par la police nationale
La Commission est saisie de l'amendement CL 1 du rapporteur.
Il s'agit de préciser que les dispositions du présent article ne s'appliquent qu'aux fonctionnaires de la police nationale. L'amendement vise aussi à intégrer dans la loi l'apport de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui précise que l'usage des armes est conditionné par une « absolue nécessité ».
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 1er.
Article 2 (art. L. 113-1 du code de la sécurité intérieure et L. 4123-10 du code de la défense) : Extension de la protection fonctionnelle aux proches des membres des forces de l'ordre
Cet article a été déclaré irrecevable en application de l'article 89, alinéa 4, du Règlement.
Article 3 (art. L. 113-2 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Protection fonctionnelle en cas d'atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité physique des membres des forces de l'ordre
Cet article a été déclaré irrecevable en application de l'article 89, alinéa 4, du Règlement.
Article 4 (art. 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et L. 4123-10 du code de la défense) : Protection fonctionnelle pour les membres des forces de l'ordre qui ne font pas l'objet de poursuites pénales
Cet article a été déclaré irrecevable en application de l'article 89, alinéa 4, du Règlement.
Article 5 : (art. 30-1 [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) : Reclassement des agents suspendus bénéficiant de la protection fonctionnelle
La Commission rejette successivement les amendements de précision CL 2 et CL 3 du rapporteur.
Puis elle rejette l'article 5.
Article 6 : (art. 30-2 [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) : Information du juge d'instruction sur la situation administrative de l'agent faisant l'objet d'un contrôle judiciaire
La Commission rejette l'article 6.
Article 7 : (art. 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et L. 4123-10 du code de la défense) : Citation de l'agent judiciaire de l'État
Cet article a été déclaré irrecevable en application de l'article 89, alinéa 4, du Règlement.
Article 8 : (art. 24 [nouveau] de la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011) : Délai de prescription applicable aux réclamations adressées au Défenseur des droits
La Commission rejette l'article 8.
Article 9 : Gage
La Commission rejette l'article 9.
En conséquence du rejet de tous ses articles, l'ensemble de la proposition de loi est rejeté.
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
– Mme Marietta Karamanli, rapporteure sur la proposition de résolution européenne de Mme Marietta Karamanli et de M. Charles de La Verpillière sur le régime d'asile européen commun (n° 431) ;
– M. Dominique Raimbourg, rapporteur sur la proposition de résolution de MM. Noël Mamère, Christophe Cavard et l'ensemble des membres du groupe écologiste tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés (n° 340 rectifiée) ;
– Mme Nathalie Nieson, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération (n° 420).
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL1 présenté par M. Guillaume Larrivé, rapporteur :
Article premier
Rédiger ainsi l'alinéa 4 :
« Art. L. 315-3. – Les fonctionnaires des services actifs de la police nationale ne peuvent, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée, en cas d'absolue nécessité, que dans les cas suivants : »
Amendement CL2 présenté par M. Guillaume Larrivé, rapporteur :
Article 5
À l'alinéa 2, supprimer les mots : « , dans la mesure du possible, »
Amendement CL3 présenté par M. Guillaume Larrivé, rapporteur :
Article 5
À l'alinéa 3, substituer aux mots : « peut procéder », les mots : « procède, sauf faute personnelle avérée »
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, M. Gilles Bourdouleix, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Marc Dolez, M. Philippe Doucet, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Yann Galut, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Bernard Lesterlin, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Corinne Narassiguin, Mme Nathalie Nieson, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. François-Xavier Villain, Mme Marie-Jo Zimmermann
Excusés. - M. Marcel Bonnot, M. Sergio Coronado, M. Carlos Da Silva, M. Édouard Fritch, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Roger-Gérard Schwartzenberg
Assistaient également à la réunion. - M. Mathieu Hanotin, M. Lionel Tardy