La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt-deux heures.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’outre mer (no 4125, annexe 33 ; no 4127, tome XII ; no 4132, tomes X et XI).
La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis de vous présenter le budget 2017 de la mission « Outre-mer » et de répondre à vos questions. Nous sommes, je le crois, à un moment important, un moment où l’ambition que ce Gouvernement porte pour les outre-mer se concrétise. Nos compatriotes des outre-mer ont été au coeur de notre action durant le quinquennat. Cette volonté s’est traduite symboliquement par le respect de l’engagement du Président de la République de visiter la totalité des territoires ultramarins. Il est le premier chef de l’État à avoir tenu cette promesse.
Cette attention portée aux outre-mer se traduit également dans le budget que nous examinons aujourd’hui. Je crois qu’il prouve bien l’ambition que nous nourrissons pour ces territoires. Contrairement à la majorité précédente, nous ne nous sommes pas désengagés, nous avons renforcé notre action au service des outre-mer. J’avoue voir un bien surprenant paradoxe dans les appels à un engagement soutenu en faveur des outre-mer lancés par les mêmes candidats aux primaires de la droite qui proposent des mesures d’économie de 100 milliards d’euros sur cinq ans. Si l’on s’en rapporte au poids des outre-mer dans le budget de la Nation, cela impliquerait une baisse de près de 100 millions d’euros par an de nos dépenses au titre de la mission « Outre-mer » !
À ceux qui prétendent que l’État se serait désengagé sous notre majorité, je réponds que nous avons augmenté de 16,5 millions d’euros nos engagements budgétaires en 2017, hors dépense fiscale. Ce chiffre confirme, plus que tout discours, notre volonté résolue ! Je leur réponds aussi que ce Gouvernement a toujours présenté, pour la mission « Outre-mer », un budget au-dessus des 2 milliards d’euros. Ce sont environ 150 millions d’euros de plus par an que la moyenne constatée sous la précédente législature. Alors que nous héritions en 2007 d’un budget de 1,8 milliard d’euros pour les outre-mer, nous souhaitons le porter à plus de 2 milliards en 2017. Je leur réponds que, tout en assumant une politique de sérieux budgétaire et de gestion vertueuse des deniers publics, nous avons renforcé l’égalité sociale et l’attractivité de nos territoires.
Nous avons ainsi sanctuarisé la ligne budgétaire unique, un an après le lancement du plan Logement outre-mer. Conjugués à la suppression de l’agrément fiscal pour le crédit d’impôt en faveur des opérations de construction de nouveaux logements, annoncée en juin dernier, les 247 millions d’euros que nous injectons dans les économies ultramarines devraient dynamiser le secteur et créer de l’emploi non délocalisable. Nous avons aussi préservé un niveau de dépenses pour le service militaire adapté, SMA, compatible avec l’atteinte de l’objectif « SMA 6 000 » pour garantir des perspectives à la jeunesse. Nous avons également maintenu les crédits consacrés à la continuité territoriale pour faciliter la mobilité de nos compatriotes ultramarins, en plus des nombreuses dispositions sur lesquelles nous avons travaillé ensemble dans le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer. Nous avons oeuvré en faveur de tous les territoires, sans oublier la Polynésie : nous avons notamment rétabli, à hauteur de 150 millions d’euros, la dotation de l’État en faveur de la Polynésie française.
Ces efforts budgétaires et politiques s’inscrivent dans la lignée de ces cinq années de mandat qui nous ont permis d’obtenir des résultats significatifs. J’en veux pour preuve l’évolution des chiffres de l’emploi et du chômage. Entre 2014 et le premier semestre 2016, l’emploi salarié du secteur privé a ainsi augmenté de 3,6 % dans les quatre DOM historiques – une hausse presque cinq fois supérieure à celle constatée en France hexagonale. Le taux de chômage des jeunes a, pour sa part, diminué de 15,3 % entre l’été 2013 et l’été 2016, soit six fois plus vite que dans l’Hexagone. Voilà des résultats concrets, des effets tangibles ; c’est ce que nous obtenons avec ce budget, dont je suis particulièrement fière, tout comme j’ai été fière, en tant que députée de La Réunion, des lois de finances précédentes. Les outre-mer sont maintenant mieux entendus, connus et reconnus par les pouvoirs publics, et au plus haut niveau. Ils bénéficient de la nouvelle dynamique que nous portons.
Mesdames et messieurs les députés, vous le savez, la prochaine avancée, c’est l’égalité réelle. Dès ma nomination au Gouvernement, au secrétariat d’État chargé de l’égalité réelle, puis au ministère des outre-mer, j’ai souhaité, avec le soutien du Président de la République et du Premier ministre, changer de méthode et de vision. Le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer répond à cette volonté. Il pose, d’une part, les conditions favorables pour parachever le combat engagé pour l’égalité sociale, et initie, d’autre part, une nouvelle logique de développement économique, social et culturel pour les vingt prochaines années, sur la base des plans de convergence. Adopté très largement en première lecture à l’Assemblée nationale, il constitue une nouvelle étape de la marche des outre-mer vers l’égalité réelle. Ce projet de loi permettra de construire, avec les acteurs locaux, des politiques publiques différenciées et adaptées à chaque territoire. Le développement est l’affaire de tous et requiert la mobilisation de chacun. Il s’agit là d’une condition indispensable pour transformer nos territoires dans la réalité de leur environnement régional.
L’élaboration de ce projet de loi témoigne de ma méthode : celle de la co-construction avec la société civile et l’ensemble des parlementaires. Ce travail suppose de ne pas restreindre la créativité des parlementaires dans la suite du processus législatif. Vous pouvez en être convaincus, le Gouvernement sera à sa place et tiendra ses engagements. Les mesures intégrées au projet de loi seront financées. Celles qui concernent la mission « Outre-mer » – notamment la continuité territoriale – sont prévues dans le budget. Celles qui renvoient à l’égalité sociale, arbitrées sous l’égide du Président de la République et du Premier ministre, seront inscrites dans les budgets des ministères concernés, ainsi que dans ceux des organismes sociaux. Celles qui correspondent à des dépenses fiscales ont conduit à des modifications du code général des impôts, qui n’ont pas besoin d’être systématiquement reprises en projet de loi de finances. De plus, certaines mesures ne requièrent pas de nouveaux moyens budgétaires, mais participeront à l’attractivité des outre-mer. Je pense par exemple à l’adaptation des contrats de professionnalisation, à la réforme de l’aide au fret et à l’extension du tutorat. Vous le voyez, cette inquiétude pour le financement du projet de loi, dont j’ai eu des échos à plusieurs reprises, ne peut avoir de fondement. Ce budget constitue donc une avancée pour les outre-mer et pour l’égalité réelle.
Notre politique s’inscrit dans le temps : non seulement assure-t-elle une continuité des dispositifs en place, mais encore permet-elle de préparer l’avenir. À ce titre, j’ai souhaité que ce budget soutienne des investissements stratégiques pour les outre-mer. Préparer l’avenir, c’est soutenir l’activité économique, notamment dans le secteur privé, en renforçant l’attractivité de nos territoires. Cette ambition s’est traduite par le gel de la dégressivité des abattements dont bénéficient les entreprises ultramarines au titre des zones franches d’activité à leur niveau de 2016. Voilà un arbitrage que j’ai obtenu du Premier ministre quelques jours après mon arrivée et qui permettra de maintenir la compétitivité des entreprises avant une refonte plus ambitieuse maintenant l’engagement de l’État dans la durée. Cette ambition s’est également concrétisée par la prorogation, l’année dernière, du dispositif de défiscalisation jusqu’en 2020 dans les DOM et 2025 dans les collectivités d’outre-mer, COM, et en Nouvelle-Calédonie. Je me félicite d’ailleurs que ces dispositions aient été votées à l’unanimité sur ces bancs. Elles permettent de financer des projets structurants ; je me réjouis ainsi de l’obtention toute récente de l’agrément fiscal pour l’acquisition d’un avion de transport régional, ATR, par Air Calédonie.
Pour ce qui est des connectivités aériennes dans les outre-mer, comme je m’y étais engagée, nous échangeons avec le secrétaire d’État aux transports, la direction générale de l’aviation civile, DGAC, et les compagnies aériennes pour arriver à une stratégie commune. Les discussions entre les ministères avancent de façon satisfaisante et je m’en entretiendrai prochainement avec vous pour vous tenir informés des possibilités d’évolution de ce dossier sensible.
Autre promesse tenue : celle de mettre en place la garantie du préfinancement du crédit d’impôt. Cet engagement avait été pris, vous vous en souvenez, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Je vous annonce que l’outil de garantie géré par Bpifrance et connu sous le nom de renforcement de trésorerie est ouvert à compter du 1er novembre au préfinancement du crédit d’impôt de l’article 244 quater W. De plus, en complément de cette garantie, Bpifrance proposera, dès 2017, un préfinancement bonifié du crédit d’impôt.
Préparer l’avenir, c’est donner aux collectivités les moyens de réaliser les investissements à même de susciter la croissance de demain. Cette dernière passe notamment par un soutien à la commande publique, que nous assurons en maintenant le montant du fonds exceptionnel d’investissement, FEI, et des crédits affectés à la politique contractuelle de l’État outre-mer. Le Gouvernement a aussi décidé d’accroître significativement les crédits alloués à la bonification des prêts accordés par l’Agence française de développement, AFD, pour les programmes d’investissement des collectivités. Les plans de convergence feront une large place à l’innovation en s’adaptant aux atouts de chaque territoire. Le partenariat entre les universités et les entreprises innovantes sera encouragé par des outils tels que le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation. Enfin, je poursuis un dialogue très constructif avec le Commissariat général à l’investissement pour que les outre-mer soient pleinement bénéficiaires du futur troisième volet du programme d’investissements d’avenir, PIA3, de 10 milliards d’euros.
Préparer l’avenir, c’est enfin penser un nouveau modèle de développement. La préservation de l’environnement, la valorisation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique sont au coeur de cette politique qui prévoit, vous le savez, la création d’un équivalent du Fonds vert pour le climat. Ce changement de modèle implique également un soutien appuyé à l’économie sociale et solidaire, que j’ai souhaité renforcer : un nouvel appel à projets sera lancé tout prochainement, pour un montant de 2,5 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 2 millions d’euros dans le cadre de la convention avec la Caisse des dépôts et consignations. Ce changement de modèle de développement passe aussi par une meilleure intégration régionale.
Le nouveau dispositif de l’aide au fret est construit dans la logique volontariste d’inscrire les échanges économiques dans nos zones régionales. La refonte des modalités d’intervention du Fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif, le FEBECS, créera les conditions d’une plus grande mobilité régionale de nos jeunes.
Vous le voyez, notre action en faveur des outre-mer se déploie sur le long terme. C’est en maintenant l’attractivité de nos territoires, en entamant une nouvelle étape dans l’égalité sociale et en amorçant un nouveau modèle de développement que les outre-mer atteindront la prospérité.
Mesdames et messieurs les députés, le budget que nous examinons traduit un vrai choix politique : quelle que soit leur distance vis-à-vis de l’Hexagone, nous portons une attention à tous les territoires. Comme les précédentes lois de finances, ce budget affirme notre belle et grande ambition pour les outre-mer.
Par ce budget, par le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, nous créons les conditions de la croissance durable, intelligente et partagée, de l’emploi et du progrès social. Nous permettons ainsi aux outre-mer de révéler tout leur potentiel, forts de leurs atouts et de leurs spécificités. C’est pourquoi nous appelons l’ensemble des groupes à voter ce budget.
Applaudissements sur tous les bancs.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, si j’avais une phrase pour tenter de définir et de décrire l’ambiance actuelle, je citerais volontiers celle de Martin du Gard que voici : « Plus l’heure est grave, plus on joue à cache-cache avec soi-même ».
En effet, les esprits sont ailleurs, tous branchés sur les présidentielles qui auront lieu en avril 2017 et les législatives qui suivront dans la foulée.
On parle d’ébranlement, voire de chambardement possible. L’incertitude règne. Dans ce contexte délétère, tout est permis. Et les promesses suivent allègrement la courbe des enchères.
Prenons çà et là quelques exemples concrets.
On prône l’égalité réelle, mais elle reste inachevée tant en matière de représentativité syndicale, hélas, que dans le domaine sportif.
On reconnaît l’importance des besoins en logements au regard des enjeux démographiques.
On précise que les sociétés d’économie mixte peuvent utiliser le crédit d’impôt pour financer des opérations dans le logement intermédiaire. Savez-vous que ces SEM sont toutes en faillite, et même en phase de liquidation ?
On vante les prouesses de LADOM, mais cette Agence de l’outre-mer pour la mobilité fonctionne comme un BUMIDOM – Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer – bis, puisque par ce biais, le dépeuplement de la Martinique continue de plus belle. En cette matière, la solution à préconiser est l’embauche prioritaire sur place, à diplôme équivalent.
Tout compte fait, on a stoppé l’élan, on a rétrogradé de plusieurs crans, on a diminué les moyens de façon drastique, puisqu’en réalité, contrairement à ce qui est proclamé, les crédits baissent de 2,2 % en autorisations d’engagement et de 3, 9 % en crédits de paiement. Plus grave encore, on a bloqué là où il existe quelques perspectives porteuses d’avenir.
Globalement, la situation est plus détériorée et critique qu’avant. Si en période de crise, on peut concevoir et admettre une dose de restrictions et d’austérité conséquente, pour autant il est inconcevable et irresponsable de l’aggraver de façon délibérée.
Dans ces conditions, s’il manque une voix à l’appel à l’unisson, souffrez que cette voix soit la mienne.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des finances, chers collègues, nous examinons ce soir le dernier projet de loi de finances de la XlVème législature. C’est l’occasion pour chacun d’établir le bilan budgétaire des cinq années écoulées. Parmi tant d’autres, je crois pouvoir dire que celui de la mission « Outre-mer » est très positif. Après l’adoption du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, le projet de loi de finances pour 2017 se devait de concrétiser les engagements financiers de ce texte. Plus qu’une obligation de moyens, l’égalité réelle entre la métropole et les territoires d’outre-mer doit être une obligation de résultat, tant les défis en termes d’emploi, de développement économique et social et d’accès aux services publics sont importants. Dans le sillon de la loi, ce budget des outre-mer prépare l’avenir des territoires ultramarins.
Préparer l’avenir, c’est d’abord offrir des opportunités pour les acteurs économiques locaux de se développer. L’effort budgétaire d’exonération de cotisations patronales sera porté sur les TPE, qui représentent 96 % du tissu économique. L’aide au fret soutiendra également les entreprises en limitant le coût de leurs exportations. Les exonérations applicables aux travailleurs indépendants seront ajustées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour les rendre plus efficaces et efficientes.
Il faut également mettre en avant l’effort consenti pour le logement. Les crédits pour la résorption de l’habitat insalubre et d’incitation fiscale à l’investissement dans le logement social locatif sont maintenus. L’État participera à hauteur de 147 millions d’euros au financement des logements sociaux en outre-mer. L’enveloppe consacrée à la réhabilitation des logements sociaux augmente elle aussi. Or agir pour le logement, c’est aussi agir pour l’économie et l’emploi.
Préparer l’avenir, c’est également offrir de nouvelles perspectives à la jeunesse. La jeunesse des outre-mer est aussi la priorité de ce quinquennat. C’est pourquoi le service militaire adapté, dont l’efficacité a été maintes fois démontrée, accueillera 1 000 jeunes de plus que cette année en 2017. Quand on sait que le taux de chômage en outre-mer peut être de quinze points supérieur à celui de la métropole, je crois qu’il était de notre responsabilité de renforcer ce dispositif.
Enfin, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité voit ses moyens confortés pour que les jeunes ultramarins puissent accéder à la formation professionnelle et à la mobilité vers l’Hexagone s’ils le souhaitent.
Préparer l’avenir, c’est enfin réfléchir à l’aménagement du territoire. Un territoire ne peut pas se développer sans infrastructures adaptées. C’est pourquoi l’enveloppe destinée aux différents fonds de développement augmentera de 77 % grâce à ce budget. Un prêt à taux zéro sera mis en place pour les projets qui favorisent la production et l’usage d’énergies renouvelables.
Je tiens également à saluer l’engagement du Gouvernement en faveur de la compétitivité des entreprises ultramarines. Le CICE bénéficie aux territoires d’outre-mer comme en métropole. C’est cela, l’égalité réelle.
D’autres mesures d’allégement des charges sociales permettront de s’adapter aux spécificités des territoires d’outre-mer. Le mécanisme d’exonération est d’ailleurs plus efficace pour toucher les très petites entreprises, car il exige moins de démarches administratives.
Les territoires d’outre-mer sont une richesse et une chance pour la France. Une richesse grâce à leurs ressources naturelles, leur biodiversité, leurs cultures. Une chance grâce à leurs eaux territoriales, pour l’économie bleue, et leurs positions géographiques stratégiques. La Cité des Outre-mer à Paris, dont les travaux commenceront l’année prochaine, en sera le témoin.
Avant de conclure, j’aimerais remercier une dernière fois Mme la ministre pour son engagement. Elle a su traduire les ambitions de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer par des crédits de la mission « Outre-mer » à la hauteur des attentes.
Le projet qui nous est présenté ce soir est un bon budget, qui répond aux espérances et à la hauteur des enjeux. C’est pourquoi les membres du groupe socialiste, écologiste et républicain le voteront. J’invite l’ensemble de mes collègues à faire de même.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des finances, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de le déclarer il y a quinze jours en commission élargie, j’accueille ce soir, madame la ministre, votre budget 2017 pour les outre-mer avec un soulagement relatif.
Soulagement d’abord, car sur le papier, effectivement, le budget de la mission apparaît préservé : pour 2017, le Gouvernement propose que les crédits de la mission « Outre-mer » s’élèvent au total à 2,14 milliards d’euros en autorisation d’engagement et 2,08 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des augmentations respectives de 2,8 % et de 0,8 %.
Mais soulagement relatif néanmoins, parce qu’après analyse de l’évolution des crédits entre la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017 et la prise en compte, par exemple, des transferts en provenance des missions « Travail et emploi » et « Enseignement scolaire », nous observons que les crédits de cette mission « Outre-mer » accusent en fait des baisses de 2,2 % et 3,9 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016.
Il reste qu’en cette période budgétaire extrêmement contrainte, votre budget, madame la ministre, présente plusieurs motifs de réelle satisfaction.
Ainsi, le Gouvernement souhaite maintenir l’effort budgétaire en faveur de l’action 2, « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle ». La politique de l’État en matière de formation et l’insertion professionnelles sont primordiales pour nos territoires ultramarins et en particulier pour leur jeunesse, qui accuse de lourds retards dans un contexte de chômage structurel des jeunes.
Je salue également le maintien des crédits alloués au service militaire adapté à 57 millions d’euros. L’objectif de 6 000 volontaires devrait être atteint en 2017, ce dont on ne peut que se féliciter au regard, notamment, des très bons taux de réussite et d’insertion des stagiaires poursuivant ces formations, puisqu’en 2016, rappelons-le, quelque 77 % de nos jeunes sont insérés à la suite de leur parcours de formation.
Un bon point également pour le maintien à 40 millions des crédits du Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, lequel apparaît comme un gage de stabilité même si, remarquons-le, le montant engagé reste malheureusement bien en deçà de la promesse présidentielle de 500 millions d’euros sur cinq ans !
Malgré son examen en commission élargie, toutes les inquiétudes n’ont pas été levées sur ce budget et des interrogations demeurent. Votre budget, madame la ministre, nous le répétons, ne s’attaque pas suffisamment, par exemple, à la problématique du manque de logements sociaux en outre-mer et de la forte proportion de logements insalubres. Nous continuons en outre à nous alarmer de la baisse programmée, dans le programme 138, « Emploi outre-mer », des crédits ouverts au titre de la compensation aux organismes sociaux des exonérations de charges spécifiques à l’outre-mer.
Vos réponses, madame la ministre, quant au financement des mesures votées dans le cadre de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer – à savoir sur du « budget complémentaire issu d’autres ministères » – ne nous ont pas convaincus et nous n’en comprenons pas toujours les articulations.
Nous manquons également d’éléments relatifs à l’aide au fret, versée pour permettre à nos territoires de compenser les surcoûts engendrés par les handicaps structurels que constituent le caractère ultrapériphérique et insulaire des outre-mer et la faible taille du marché local, et dont l’objectif est de faire baisser, in fine, les prix à la consommation.
Pour conclure, madame la ministre, nous aurions souhaité voir un véritable budget de combat pour nos outre-mer : c’est un budget de la continuité que nous propose le Gouvernement, quand les défis ultramarins demeurent aussi grands qu’urgents. C’est pour cette raison, et parce qu’il subsiste trop d’interrogations sur ces crédits, que le groupe Les Républicains s’abstiendra.
La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des finances, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, l’examen de ce dernier budget de la législature intervient après l’adoption en première lecture du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. Ce texte recèle nombre de dispositions porteuses d’espoir pour nos territoires. J’espère qu’elles se concrétiseront avant la fin du quinquennat, dans le cadre de la navette parlementaire qui a été engagée.
Depuis 2012, les crédits alloués à la mission « Outre-mer » sont restés stables, ce qui est déjà un exploit par les temps qui courent et mérite d’être signalé. On assiste même à une légère augmentation de 0,8 %. Au nom du groupe UDI, je salue l’effort consenti tout au long de ces années, et cette année encore, pour éviter que les outre-mer ne soient une variable d’ajustement du budget de l’État comme cela a été trop souvent le cas par le passé.
Bien sûr, le satisfecit ne saurait être total – ce serait trop beau, nous autres humains n’avons pas accès à ce monde idéal ! Nous déplorons donc la baisse de certains crédits, notamment ceux qui sont affectés à l’emploi. Certes, la diminution est faible, mais je remarque chaque année que les petits ajustements à réaliser se font au détriment des crédits de l’emploi. C’est d’autant plus regrettable que s’il y a des territoires sinistrés par le chômage, l’inactivité, l’insuffisance des emplois, ce sont bien les territoires ultramarins !
J’en viens à la défiscalisation. C’est à nos yeux un outil majeur, que chacun d’entre nous a défendu et qui a été maintenu en dépit de quelques tentatives obscures pour l’annihiler. Cependant, deux inquiétudes se font jour.
La première a trait à l’application du dispositif en faveur des investissements productifs. Les professionnels craignent notamment les effets de l’« année blanche » liée au prélèvement à la source. D’une manière ou d’une autre, il faut lever cette inquiétude.
La seconde concerne le logement intermédiaire. Comme l’a souligné un des rapporteurs, le dispositif Duflot-Pinel auquel nous avons oeuvré, avec un plafond revalorisé, ne produit pas les fruits que nous en escomptions. Nous devons donc réfléchir aux leviers que nous pourrions actionner pour que le logement intermédiaire devienne l’outil dont nous avons besoin pour offrir à nos populations l’accès à la première des dignités, celle d’avoir un toit.
Le groupe UDI relève également que le plan « SMA 6 000 » est porté à son terme. L’objectif de 6 000 places de service militaire adapté sera respecté en 2017. Je tiens à vous remercier plus particulièrement, madame la ministre, de l’annonce que vous avez faite cet après-midi en réponse à la question que je vous ai posée sur les places dont la Nouvelle-Calédonie pourrait bénéficier au titre de l’année 2017. Les 45 places supplémentaires annoncées nous permettront d’accueillir 575 stagiaires dans le cadre du RSMA – régiment du service militaire adapté de Nouvelle-Calédonie. Quand on connaît l’efficacité de cette formation pour les jeunes de notre pays, on ne peut que se féliciter de cette annonce – au même titre que celle que vous avez faite au sujet du soutien à la création d’un établissement public d’insertion de la défense dans notre pays.
Je veux également signaler les efforts réalisés en faveur de la Polynésie française. Je pense en particulier à la dotation pour laquelle Maina Sage et moi-même nous étions battus l’année dernière avec l’impression de crier dans le désert. Il y a eu malgré tout un écho dans ce désert, puisque les crédits de cette dotation globale d’autonomie de la Polynésie française ont été rétablis cette année. Y toucher avait été de très mauvais goût au regard des raisons pour lesquelles on l’avait instaurée. Je vous félicite, madame la ministre, d’avoir eu le bon goût de la rétablir au niveau qu’elle n’aurait jamais dû quitter.
En revanche, les crédits de paiement inscrits pour le contrat de projets avec la Polynésie française sont en diminution par rapport à ceux de l’année, ce qui inquiète les autorités polynésiennes. Comme vous le savez, celles-ci doivent faire face à une conjoncture économique qui n’est pas des plus florissantes et se battent pour maintenir l’activité dans leur pays.
Au total, ce budget pour 2017 répond, une fois de plus, à un certain nombre de nos attentes même s’il ne nous comble pas totalement. Aussi, le groupe UDI votera les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des finances, mes chers collègues, le gouvernement actuel a affirmé à plusieurs reprises son attachement au développement économique et à l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens en outre-mer, avec des objectifs clairs : favoriser l’accès au logement, donner la priorité aux politiques en faveur de la jeunesse, soutenir l’activité économique. Le budget 2017 pour la mission « Outre-mer », à l’instar des quatre derniers budgets, illustre et respecte cet engagement.
Il est en effet stabilisé à quelque 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit environ 150 millions de plus par an que sous la précédente législature. Nous avons noté avec satisfaction qu’entre les ajouts des reports de crédits et le taux des dépenses fiscales pour 2017, fixées à 4 milliards d’euros, l’effort budgétaire et financier consenti par l’État en faveur de nos outre-mer est de 19,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement.
S’agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, l’exploitation du document de politique transversale révèle à nouveau cette année un bon budget, avec une augmentation des dépenses de l’État en autorisations d’engagement de plus de 9,5 millions d’euros. En pourcentage, cela correspond à une augmentation de la dépense de l’État dans notre archipel de plus de 8,5 %, qui vient s’ajouter à des augmentations systématiques tous les ans depuis cinq ans, c’est-à-dire depuis l’arrivée de la gauche au Gouvernement.
Cette intervention de l’État est particulièrement satisfaisante, car elle correspond à d’importantes dépenses d’investissement au service de l’avenir économique du territoire, notamment dans les domaines de l’énergie, des infrastructures de transport, de la vie culturelle et associative, de l’accès à l’emploi et du soutien aux collectivités territoriales. Nous pouvons véritablement nous féliciter de l’ampleur de ces investissements de l’État, année après année, au service de l’avenir de notre collectivité.
Je salue aussi le soutien en matière de développement économique lié à la mer, notamment d’infrastructures portuaires, annoncé par le Premier ministre Manuel Valls lors de sa visite dans l’archipel en octobre dernier, visite durant laquelle nous avons eu également l’honneur et le plaisir de vous accueillir, madame la ministre.
Pour en revenir au plan national, nous avons toutefois remarqué le transfert de crédits issus des missions « Travail et emploi » et « Enseignement scolaire », qui font en réalité et à périmètre constant baisser le taux de crédits ouverts pour la mission « Outre-mer ». Vous comprendrez, madame la ministre, après les excellents échanges et les engagements qui avaient pu être pris dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, adopté par la grande majorité des groupes parlementaires et évidemment soutenu par notre groupe, que nous regrettons cette baisse.
Grâce à l’outre-mer, la France est présente partout sur le globe. Plus de 80 % du domaine maritime français se situe dans les outre-mer. Le développement de la politique maritime et de la pêche en France est nécessaire, en ce que celles-ci représentent des sources de matières premières et des perspectives de développement des échanges commerciaux et de l’emploi pour nos outre-mer. Nous sommes satisfaits que le Gouvernement l’encourage dans ce budget pour 2017.
En matière de pêche, tout n’est pas question que de budget. Il faut aussi compter sur les négociations internationales, et je profite de cette tribune pour faire un aparté très bref mais important pour Saint-Pierre-et-Miquelon, en appelant la France à maintenir avec la plus grande fermeté sa position face au Canada dans les discussions sur les quotas de flétan blanc qui se déroulent actuellement au Portugal, en marge des réunions de l’ICCAT, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique.
Cette petite parenthèse refermée, j’en reviens à ce budget. Concernant LADOM, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, nous soutenons les trois volets de la continuité territoriale prévus par ses statuts, à savoir l’aide à la continuité territoriale de manière globale, l’aide à la mobilité territoriale des étudiants ultramarins et l’aide à la formation professionnelle. Nous sommes donc favorables à l’augmentation de ses moyens de 70 millions d’euros, dont plus de la moitié pour la formation professionnelle. Mais il apparaît aussi important d’encourager la mobilité retour en faveur des territoires ultramarins. En effet, s’il faut soutenir la mobilité vers l’Hexagone afin d’apporter les mêmes possibilités à l’ensemble des citoyens français, il est de notre responsabilité commune de trouver des dispositifs, notamment financiers et matériels, visant à encourager la mobilité retour. En ce sens, il semble important de faciliter l’accès des étudiants et travailleurs au droit spécifique des territoires ultramarins et de proposer des parcours de formation continue plus adaptés aux besoins locaux. Parallèlement, il nous apparaît nécessaire de renforcer la connaissance de l’outre-mer et de sa diversité auprès de l’ensemble des Français de l’Hexagone.
Par ailleurs, nous sommes très satisfaits par l’augmentation des crédits alloués au programme « Conditions de vie en outre-mer », l’accès au logement étant une question primordiale pour nos territoires et les habitants étant majoritairement locataires.
S’agissant des aides au logement relevant de la compétence de l’État, je me félicite de l’habilitation pour Saint-Pierre-et-Miquelon que nous avons inscrite ensemble dans le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. Il s’agit de la troisième habilitation législative à cette fin, mais la première sous un gouvernement de gauche. Aussi, je reste très confiant quant à notre capacité à mener ce projet à terme avec toute l’urgence qui s’impose.
S’agissant des aides au logement qui relèvent de la compétence de la collectivité territoriale en application de notre statut, je souhaiterais que l’État puisse se tenir à la disposition du conseil territorial afin de faciliter et d’accompagner l’introduction d’aides équivalentes dans notre archipel, dans la mesure où le conseil territorial le souhaiterait.
Enfin, nous vous soutenons dans votre volonté de mettre en place une fiscalité plus favorable permettant la relance de la consommation des ménages et la possibilité d’accorder des prêts à taux zéro aux collectivités territoriales d’outre-mer pour leur permettre un autofinancement.
Vous l’aurez donc compris, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe soutiendra le budget de cette mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Nous commençons par quatre questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme Huguette Bello.
Ma question concerne deux dispositifs mis en oeuvre depuis 2013 en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes de seize à vingt-cinq ans. Ils ne relèvent certes pas de la mission « Outre-mer », mais sont d’une importance capitale pour notre jeunesse.
Je souhaite d’abord parler des emplois d’avenir, créés par une loi votée au tout début de ce quinquennat et qui ont contribué à diminuer le chômage des jeunes. Les premiers contrats ont été signés dès 2013. D’une durée de trois ans, ils arrivent à échéance dans quelques semaines.
La question de la sortie du dispositif est essentielle pour les jeunes, mais aussi pour l’avenir du dispositif lui-même. L’article 51 de la loi Travail prévoit d’ailleurs d’étudier l’opportunité d’une prolongation du dispositif au-delà des trois années.
À La Réunion, environ 1 500 jeunes arrivent prochainement à la fin de leur contrat. La question du scénario de sortie se pose avec une acuité d’autant plus grande que le chômage des jeunes est massif et que le dispositif a fait l’objet d’adaptations importantes, étant ouvert aux diplômés et financé à 90 % par l’État dans le secteur non marchand.
Pour l’heure, la crainte de nombreux jeunes d’un retour à la case départ n’est pas dissipée. Pouvez-vous nous rassurer sur l’avenir des premiers signataires des emplois d’avenir ?
Le deuxième volet concerne la garantie jeunes, ouverte aux jeunes entre dix-huit et vingt-cinq ans sans ressources et qui ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation. Traduction française d’une initiative européenne, ce dispositif concerne déjà plus de 80 000 jeunes qui, pendant un an, bénéficient d’un accompagnement social et professionnel de missions locales et d’une allocation de 461 euros par mois.
La Réunion fait partie des dix territoires pilotes où l’expérimentation a été lancée en 2013. En janvier prochain, la garantie jeunes sera généralisée à l’ensemble du territoire national et devrait concerner 150 000 bénéficiaires potentiels. Cette généralisation sera-t-elle l’occasion de prendre en compte tous les enseignements tirés de la phase expérimentale, de manière à répondre au plus près aux besoins et aux attentes de nos jeunes les plus vulnérables ?
Le sujet de la sortie des jeunes gens et des jeunes filles qui ont bénéficié des contrats d’avenir dans nos territoires est en effet préoccupant, madame la députée, et il mobilise le Gouvernement. La solution ne saurait être simple et uniforme. Les réponses à apporter à ces jeunes sont multiples, et c’est là-dessus que nous concentrons notre attention.
L’objectif est en effet d’éviter qu’ils ne reviennent à la case départ, c’est-à-dire à la case chômage.
Parmi les sorties traditionnelles de ces dispositifs, il y a d’abord, vous l’avez dit, la possibilité de continuer sous la forme d’un contrat aidé, le CAE – contrat d’accompagnement dans l’emploi. Il est également possible de maintenir la personne dans les structures associatives. Les contrats de professionnalisation restent eux aussi un levier important pour ces jeunes gens. Le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer prévoit par ailleurs de faciliter le tutorat, en sorte qu’ils continuent de se trouver dans une phase de professionnalisation et d’insertion. Une autre possibilité est la mobilité formation professionnelle. Enfin, une sortie positive peut s’envisager dans le cadre du plan « 500 000 formations », qui est mobilisé sur nos territoires.
Sur ce sujet, je voudrais attirer l’attention des uns et des autres, y étant moi-même très attentive, sur la mise en oeuvre dans nos territoires du plan « 500 000 formations ». J’attire également votre attention sur la nécessité de veiller à ce que cette mise en oeuvre soit effective dans l’ensemble des territoires ultramarins.
À côté de ces solutions traditionnelles, nous devons absolument conforter et dynamiser la nouvelle dynamique de parcours professionnel. Je pense à l’aide à la première embauche que nous avons mise en place dans les TPE-PME. À la Réunion, par exemple, ce sont 8 000 jeunes qui bénéficient de cette aide leur permettant de poursuivre leur parcours professionnel en entreprise.
Les jeunes qui passent trois ans en entreprise dans le cadre d’un emploi d’avenir reçoivent une formation et disposent ainsi d’une expérience professionnelle qui améliore leur employabilité et facilite leur parcours professionnel.
S’agissant de la garantie jeunes, nous en sommes au stade de la généralisation. À la Réunion, l’expérience a porté ses fruits, puisque 4 000 jeunes en bénéficient. Nous allons continuer à mobiliser les fonds, et 144 millions d’euros supplémentaires concrétiseront en 2017 l’engagement de l’État à poursuivre la mise en oeuvre de la garantie jeunes.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot.
Je rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Madame la ministre, je tiens avant tout à vous remercier pour la rapidité avec laquelle vous avez mobilisé le fonds de secours pour aider les collectivités martiniquaises après le passage du cyclone Matthew.
Ma question ne porte pas tant sur le fonds de secours que sur le fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, qui, s’il est applicable aux agriculteurs de France hexagonale, ne bénéficie pas aux agriculteurs d’outre-mer. Ce n’est pas normal. Je vous sais attachée à l’égalité réelle, madame la ministre : elle doit aussi exister dans ce domaine.
Contrairement à leurs homologues métropolitains, les agriculteurs d’outre-mer ne peuvent en effet avoir recours au FNGRA pour l’indemnisation des maladies animales et végétales lorsque celles-ci sont liées à des calamités climatiques, et l’article L. 371-13 du code rural rend les agriculteurs d’outre-mer carrément inéligibles au fonds national de garantie des calamités agricoles.
J’ai déposé un amendement au projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer. Je veux supprimer cette injustice qui frappe de plein fouet les petites exploitations agricoles. Êtes-vous favorable à cette initiative qui mobilise les professionnels de la filière banane ?
Il existe peut-être d’autres pistes également indolores pour l’État sur le long terme. Je rappelle par exemple que le règlement du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, n’interdit pas l’utilisation de fonds pour des raisons climatiques. Chaque région, chaque collectivité territoriale pourrait donc inscrire dans son PDR – plan de développement régional – une ligne dédiée au fonds de secours pour les calamités agricoles, qui serait déclenché à partir de 30 % de pertes. Où en est votre réflexion en la matière ?
Je serai brève, pour rattraper le temps de parole que j’ai déjà utilisé… Votre réflexion est juste, monsieur le député, et nous allons travailler, dans le cadre du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, à la rédaction d’un amendement visant à ce que les agriculteurs puissent bénéficier d’une partie de ces fonds.
Répondre à la très forte demande de logements sociaux dans les outre-mer passe par une augmentation sensible du nombre des constructions, et nous saluons à cet égard la suppression de l’agrément fiscal ; cela passe également par la préservation des logements existants.
En effet, ne pas aggraver le déficit en logements rend urgentes la rénovation et la mise aux normes du parc social, dont la construction remonte parfois à plusieurs décennies.
Il s’agit d’un enjeu important, qui permet d’améliorer le cadre de vie, de réduire les factures d’énergie, mais aussi de créer rapidement de nombreux emplois.
À la Réunion, le nombre de logements à réhabiliter est évalué à environ 30 000, et l’on estime que la réhabilitation de 3 000 logements par an pourrait entraîner la création de 4 000 emplois.
Nous avons bien noté que dans la logique du plan Logement outre-mer en cours, le taux du crédit d’impôt et le montant de l’aide seront augmentés pour s’établir respectivement à 40 % et à 50 000 euros.
De même, nous avons noté que le budget porte à 15 millions d’euros l’enveloppe destinée à la réhabilitation.
Ces augmentations sont évidemment les bienvenues, mais elles risquent de rester en deçà des besoins. C’est pourquoi nous accordons également la plus grande attention au nouveau dispositif financier, doté de 2 milliards d’euros, que la Caisse des dépôts et consignations a prévu de consacrer à la réhabilitation du logement social.
En effet, pour peu que l’on prenne rapidement les bonnes décisions, la réhabilitation peut devenir un important gisement d’emplois pour les Réunionnais et l’activité du bâtiment et des travaux publics.
Quelles initiatives comptez-vous prendre pour favoriser la convergence des différents dispositifs et, plus largement, pour faire de la rénovation du logement social une filière à part entière ?
J’ajouterai, madame la députée, un dispositif que nous avons initié dans le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, qui améliore les avantages fiscaux accordés au titre de la réhabilitation d’un logement par le changement du taux et du coût total des travaux effectués dans ce cadre.
Vous l’avez dit, nous sommes engagés dans une démarche volontariste pour encourager le développement de l’activité de réhabilitation de logements sociaux à travers le dispositif que vous avez évoqué, celui que je viens de mentionner et la convention signée avec la Caisse des dépôts et consignations.
Dans le cadre du plan Logement outre-mer que nous avons signé en 2015, il s’agit pour nous de construire dans chaque territoire, sur la base de la convention et de l’ensemble de ces dispositifs, une véritable dynamique locale avec les bailleurs sociaux et les artisans. C’est ainsi que nous pourrons atteindre notre objectif, fixé à plus de 3 000 logements.
Les TPE et PME attendent notre mobilisation, au niveau local, pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Les outils législatifs existent et les conventions ont été signées par la Caisse des dépôts. Il s’agit de mettre en musique, si je puis dire, de coordonner et de mettre en cohérence, dans chaque territoire, cette dynamique de réhabilitation.
Madame la ministre, suite à l’assassinat d’un élu guyanais, notre collègue Gabriel Serville a dû rentrer précipitamment en Guyane. Si vous le voulez bien, je poserai donc la question qu’il aurait souhaité vous poser – mais je suis certain que vous accepterez.
L’ensemble des acteurs économiques de nos territoires d’outre-mer tirent constamment la sonnette d’alarme devant la tentation de supprimer aveuglément toutes les exonérations de charges sociales afin de réduire les déficits dans lesquels nous ont plongé une décennie de gestion budgétaire calamiteuse.
Chaque année, les spécificités de nos économies sont remises en question alors même qu’elles doivent composer avec des marchés exsangues ou des taux de croissance démographique galopants.
Pourtant, l’impact très négatif sur l’emploi dans les entreprises ultramarines des baisses d’exonérations, que démontre l’écart observé entre le taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises exonérées de cotisations sociales et le taux de croissance de l’emploi salarié outre-mer, doit nous faire prendre conscience de la nécessité de défendre, pour nos territoires, des régimes différenciés.
Nos travailleurs indépendants expriment aujourd’hui leur inquiétude face à la remise en cause de différents dispositifs de réduction de prélèvements sociaux dont ils bénéficiaient, ce qui risque de fragiliser un peu plus l’emploi dans nos territoires.
Madame la ministre, pouvez-vous les rassurer quant au sort réservé à leur régime d’exonération de charges sociales pour l’année 2017 ? Je vous remercie.
Monsieur le député, nous avons eu l’occasion de discuter en commission élargie du régime des artisans et professions libérales, qui se caractérise par une absence totale de plafonnement dans le cadre du dispositif d’exonération des charges sociales à hauteur de 100 % les deux premières années et 50 % à partir de la troisième année.
Concrètement, certains bénéficiaires, dont le niveau de revenus est élevé, voire très élevé, continuent de bénéficier d’un dispositif très avantageux tout au long de leur vie professionnelle.
Dans le contexte que vous avez décrit, j’ai validé le principe d’un plafonnement du dispositif dans les entreprises de taille intermédiaire. Il est désormais annulé lorsque le salaire dépasse les 2,5 PASS – plafond annuel de la Sécurité sociale – soit l’équivalent de 96 000 euros bruts par an.
Nous nous sommes ensuite posé la question de savoir comment rythmer la dégressivité de ce dispositif. Nous avons décidé de réduire le bénéfice de l’exonération, non pas à hauteur de 1,1 PASS comme le prévoyait la proposition de départ, ce qui correspond à un peu moins de 3 000 euros, mais à hauteur de 1,5 PASS. Le dispositif comporte donc des paliers.
Sans entrer dans les détails, ce que j’ai voulu mettre en place, c’est un dispositif juste, basé sur une dégressivité juste, un dispositif qui protège nos ETI et ne porte pas atteinte à ceux qui ont des revenus moyens, dont le niveau est acceptable pour tous. C’est dans un souci de justice que nous avons créé ce dispositif garant d’une plus grande solidarité.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Ibrahim Aboubacar.
Ma question porte sur les engagements que le Premier ministre a pris devant les élus de Mayotte le 26 avril dernier ; j’y associe mon collègue M. Said.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation financière des collectivités locales de Mayotte est particulièrement préoccupante. Vous le savez, cette année encore, pour des raisons tant conjoncturelles que structurelles, les budgets de plusieurs collectivités de l’île ont été arrêtés par le préfet. La Cour des comptes a largement rendu compte des raisons de cet état de fait dans son rapport du 11 janvier dernier ; je n’y reviendrai pas.
Les élus de Mayotte ont pu échanger sur ce sujet avec le Premier ministre lorsque celui-ci les a reçus le 26 avril 2016.
À cette occasion, dix engagements ont été pris par le chef du Gouvernement, parmi lesquels l’intégration d’un coefficient correcteur permettant de prendre en compte la croissance démographique dans le calcul des dotations des collectivités locales mahoraises, la revalorisation de la DGF pour le département de Mayotte via une prise en compte de ses compétences régionales, le règlement des créances fiscales croisées à l’occasion de la transition fiscale de 2014, la compensation de l’aide sociale à l’enfance, une modification de la répartition de l’octroi de mer entre les différentes collectivités territoriales mahoraises et les compensations consécutives, la révision du niveau des valeurs locatives servant à déterminer l’assiette et le recouvrement des taxes foncières locales et, in fine, la correction des distorsions fiscales résultant de l’ordonnance de novembre 2013 en vue de retrouver une pression fiscale juste et équitable dans le département.
Madame la ministre, où en sommes-nous dans la concrétisation de ces engagements dans le cadre des travaux budgétaires de cette fin d’année ? Je vous remercie.
Monsieur le député, je vais reprendre dans le détail et point par point les engagements du Premier ministre.
En ce qui concerne la prise en charge de l’aide sociale à l’enfance, vous le savez, nous avons signé la convention lors de ma visite à Mayotte. Nous avons rattrapé près de 42 millions d’euros correspondant au non-versement de l’aide depuis 2009, et une somme de 10 millions d’euros par an sera désormais attribuée au département de Mayotte.
Sur la dotation globale de fonctionnement régionale complémentaire, l’engagement est tenu à hauteur de 800 000 euros.
Par ailleurs, l’accroissement du taux de prise de 1,33 à 1,35 pour la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer, la DACOM, concerne non seulement Mayotte mais tous les départements d’outre-mer.
Un engagement a été pris sur le programme « Cadres avenir », qui nous a été inspiré par la Nouvelle-Calédonie. Il figure dans la loi pour l’égalité réelle outre-mer ; il est donc financé.
D’autres engagements sont en cours de finalisation. C’est le cas d’un dispositif destiné à prendre en compte la croissance démographique de Mayotte, qui a été voté hier, et de la réforme de la fiscalité directe locale, que nous souhaitons introduire prochainement dans le PLFR, pour rehausser le seuil de dégrèvement, afin de réduire le fossé entre le seuil légal et la capacité des Mahorais à acquitter la taxe.
Enfin, pour le traitement des créances fiscales, nous allons tenir notre engagement. Nous souhaitons en effet annuler cette créance dans le PLFR.
En ce qui concerne la mission de préfiguration de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, la démarche touche à sa fin : L’établissement sera créé dans quelques mois.
Vous le voyez : nous continuons à travailler pour tenir nos engagements. Tous sont tenus ou en passe de l’être. Nous poursuivons notre action. Les décrets seront publiés très rapidement. Lors de mon passage à Mayotte, je m’étais engagée à renforcer les services de l’État afin de redynamiser la commande publique. C’est désormais chose faite.
La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Madame la ministre, une des grandes difficultés de votre budget était d’éviter que la loi sur l’égalité réelle soit hors sol, c’est-à-dire qu’il n’y ait aucune adéquation entre les perspectives qu’elle ouvre et le budget que nous allons voter.
À cet égard, je vous félicite : vous avez remporté des arbitrages exceptionnels, dans un contexte de pénurie budgétaire et, contrairement à ce que j’ai entendu dire, vous avez pris des mesures incroyables.
Les mesures relatives à la migration et au retour de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, constituent un exploit. La relance du logement intermédiaire en est un autre, tout comme la réhabilitation du patrimoine de HLM et la prolongation de deux ans de la LODEOM, qui appelle à présent une traduction. Bravo !
J’ajoute qu’il s’agit de votre premier budget. La galanterie impose donc que l’on vous félicite avant de vous interroger.
Cependant, j’ai deux questions à vous poser.
La première concerne la réhabilitation du logement privé de plus de vingt ans. En adoptant un amendement de Victorin Lurel, nous avons rétabli une défiscalisation optimale, au titre de l’article 199 undecies A du code général des impôts. La mesure est désormais acquise, mais pour quelle durée ? Le dispositif a été prolongé jusqu’en 2020, mais il semble que les mesures de défiscalisation ne courent que jusqu’en 2017.
Deuxièmement, nous n’avons pas réglé le problème de l’article 199 undecies C, qui permet d’élargir l’assiette de la défiscalisation au foncier, aux terrains et aux travaux, ce qui est très important. Nous devons réhabiliter le logement en HLM, ainsi que le logement social et le logement intermédiaire. Mais nous avons surtout besoin de reconquérir le patrimoine ancien, en pleine dégradation, plus particulièrement dans les centres-bourgs. Que ce soit à La Réunion, à la Guadeloupe ou en Guyane, les centres urbains sont en pleine dégradation.
Comment réglerez-vous le problème du portage pendant les cinq ans durant lesquels ces logements peuvent être mis en location ? La défiscalisation liée à la réhabilitation de logement ancien de plus de vingt ans pourrait-elle bénéficier du même calendrier ? En d’autres termes, s’arrêtera-t-elle en 2018 ou s’étendra-t-elle jusqu’en 2020 ?
Le calendrier en vigueur est celui de la LODEOM. Le dispositif s’appliquera donc pendant deux années supplémentaires.
Par ailleurs, nous devons réfléchir sur le portage, et sur la manière d’inclure le foncier dans les programmes de réhabilitation du logement privé. À ce stade des travaux, je souhaite que nous puissions y réfléchir ensemble.
Madame la ministre, consciente du contexte budgétaire dans lequel s’inscrivent nos discussions, je me dois de saluer une nouvelle fois la stabilité de ce budget pour 2017, et de vous en remercier. Celle-ci témoigne du maintien de l’engagement du Gouvernement dans nos territoires d’outre-mer.
Mais consciente également de la situation de mon territoire, je souhaite vous parler de la sombre actualité, d’une réalité qui frappe la Guyane depuis bien trop longtemps et pousse aujourd’hui les Guyanais à exprimer une colère légitime.
En 2015, nous avons eu à déplorer trente-huit homicides. Pour 2016, nous en sommes déjà à trente-neuf. C’est beaucoup trop, madame la ministre, et c’est pour cela que je suis là ce soir, car il m’a semblé nécessaire, dans cette enceinte de la République, selon le mot de notre Président, et face à la représentation de la nation, de rappeler qu’il ne devrait pas être possible que l’on meure chez soi, devant ses enfants, à cause d’une arme à feu. C’est pourtant ce qui est arrivé à un homme politique, semblable à nous, Patrice Clet, inhumé cet après-midi dans sa ville chérie de Sinnamary.
Cette insécurité est amplifiée par une situation sociale, sanitaire et économique au bord de l’implosion, caractérisée par des hôpitaux dépassés, une économie à bout de souffle et une immigration incontrôlée.
Mes chers collègues, cette réalité est intolérable et insupportable ! Il m’est impossible, impossible pour les Guyanais, de se réjouir des futurs succès d’Ariane 6 sur fond de misère et de drames humains.
L’État doit assumer et réaffirmer sa souveraineté au travers de l’exercice de ses compétences régaliennes. C’est tout le sens du Pacte d’avenir pour la Guyane que j’ai exigé ici même, il y a trois ans, dans le cadre d’une mission budgétaire sur l’outre-mer.
Les escadrons de gendarmerie doivent être consolidés, mais pas que… L’ensemble de la chaîne judiciaire doit enfin disposer des moyens nécessaires et indispensables à la réalisation de ses missions. Des mesures éducatives de prévention de la délinquance juvénile doivent également être renforcées. Face à la prolifération et à la circulation des armes à feu, une mission interministérielle a remis un rapport, et insisté sur la nécessité de procéder rapidement à un recensement des armes et de leurs détenteurs.
Madame la ministre, le Gouvernement est-il décidé à mettre en place une réglementation sur le permis de port d’armes en Guyane et surtout à s’engager avec et pour les Guyanais contre toutes les formes d’insécurité ?
Madame la députée, à la veille de l’enterrement de M. Clet, nous partageons tous votre peine et celle des habitants de votre territoire. Nous adressons nos condoléances à la famille et aux proches du disparu.
Vous avez traité de la sécurité de manière très globale, en évoquant l’actualité immédiate, en posant la question du port d’armes, mais aussi en mentionnant la mobilisation sur l’éducation, l’insertion et l’accompagnement des jeunes. De fait, la violence est un sujet qui, en Guyane comme dans tous nos territoires, doit être abordé de manière globale.
Je salue votre combat pour qu’à terme nous puissions finaliser l’écriture, le partage et la matérialisation du Pacte d’avenir. Dans quelques jours, celui-ci sera signé. C’est un grand pas, que nous avons franchi grâce à beaucoup d’élus, mais surtout, madame la députée, grâce à votre détermination.
Cette signature est une bonne nouvelle, car ce texte opère un balayage global tant en termes d’infrastructures du territoire guyanais – car il concerne le logement et la mobilité – que d’éducation. Dieu sait que, sur ce territoire, nous avons besoin d’investir.
Ensuite, vous l’avez dit, il faut poser la question du port d’armes, auquel un rapport a été consacré. En la matière, on ne part donc pas de rien. Toutefois, en Guyane, la situation est particulière, puisque la réglementation nationale ne s’applique pas de la même façon à toutes les catégories d’armes.
Qu’avons-nous fait en matière de sécurité ? Je viens de demander au préfet de Guyane, de concert avec le ministre de l’intérieur, de faire pratiquer des contrôles accrus par la police et la gendarmerie pour permettre la saisine d’armes. Il faut que nous puissions démultiplier les contrôles et saisir des armes qui ne rentreraient pas dans le cadre légal. Vous le savez, l’escadron promis par le ministre de l’intérieur est arrivé aujourd’hui en Guyane.
J’ai demandé aussi d’organiser une concertation élargie avec les collectivités afin de mettre en oeuvre une réglementation permettant de traiter l’acquisition – en Guyane et ailleurs – et la détention d’armes d’une part, et leur utilisation d’autre part. Le rapport que vous avez évoqué et les suggestions que vous avez formulées pourront certainement servir de base à cette concertation.
Pour avancer sur la réglementation relative aux armes, il faut que la population soit associée à notre démarche et qu’elle soit volontaire. Or les gens de l’intérieur et ceux du littoral peuvent réagir différemment. À l’intérieur, en effet, la pratique de la chasse est plus répandue, ainsi que l’utilisation des armes.
Telle est notre mobilisation. Nous avons la volonté à court et à moyen terme d’avancer sur ce sujet.
Madame la ministre, dans le programme 123 de votre budget, vous attachez une importance particulière à l’amélioration des conditions de vie de nos compatriotes.
En mars 2015, un plan logement outre-mer a été lancé, dont l’objectif est de construire ou réhabiliter t 10 000 logements sociaux par an, pour relancer la politique du logement dans nos régions.
S’inscrivant dans le prolongement des engagements et actions de l’État, ce plan permettrait de répondre aux besoins de la population au regard des évolutions démographiques et économiques de nos territoires. Un an après le lancement de ce plan, êtes-vous en mesure d’en faire un bilan d’étape ?
Par ailleurs, dans le domaine du logement social, le Premier ministre a annoncé en mai 2016 la suppression de la procédure d’agrément pour le bénéfice du crédit d’impôt accordé pour la construction de logements sociaux dans les départements d’outre-mer.
Cette simplification proposée dans un souci de fluidification des financements du logement social s’est-elle traduite dans les faits ?
J’en profite pour appeler votre attention sur le logement évolutif social, en panne dans certains de nos territoires. Sur la base de la loi de 1984 sur la location-accession, un opérateur propose, en mobilisant le dispositif du prêt social location-accession, de créer un produit nouveau : le prêt social location-accession très social.
À travers ce contrat de location-accession, les accédants aux très faibles revenus acquièrent ainsi le droit de devenir propriétaires, ce qui les incite, en tant que locataires, à s’approprier et à respecter le logement.
Créer ce dispositif en accordant une subvention sur la ligne budgétaire unique, la LBU, en complément du crédit d’impôt, favoriserait l’accession à la propriété des plus défavorisés, réduirait les cas où il faut adopter une procédure de résorption de l’habitat insalubre – RHI –, le nombre de logements indignes, l’importance des copropriétés dégradées et de l’habitat informel.
J’irai dans le sens de notre collègue Berthelot : la violence est un peu partout sur nos territoires. En Guadeloupe, malgré la chasse aux armes, on tue, qui plus est gratuitement.
Madame la députée, le bilan est long, parce que l’action a été soutenue et rapidement engagée par ma prédécesseure. Nous poursuivons cette dynamique, en l’amplifiant sur certains points, dont le prêt social location-accession. C’est un vrai sujet. De fait, les titulaires de revenus modestes ont aussi envie de devenir propriétaires. Nous avons mis en place dans la loi sur l’égalité réelle outre-mer une mesure intéressante, qui va stimuler ce dispositif. Nous avons également installé un groupe de travail, actuellement en activité, pour protéger les personnes disposant de faibles revenus qui entrent dans le dispositif d’acquisition d’un logement et qui peuvent se trouver en situation difficile. C’est un sujet que nous avons pris à bras-le-corps, car c’est une véritable attente des populations.
J’en viens au bilan que nous pouvons dresser du plan logement outre-mer. Toutes les déclinaisons territoriales ont été signées et lancées. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les crédits d’impôt défiscalisation ont été prorogés. En complément de ma réponse à Mme Huguette Bello, j’ajoute que nous avons aussi interrogé la Caisse des dépôts et consignations sur la mobilisation qu’elle a engagée en matière de financement des hauts de bilan. En effet, la Caisse des dépôts et consignations doit intervenir pour stimuler la production de logements, soutenir les bailleurs sociaux dans l’accompagnement de leurs programmes. C’est chose faite ; nous avons eu la réponse de la Caisse. Par ailleurs, je l’ai dit, nous installerons bientôt l’établissement foncier à Mayotte, ce qui est très important, tout comme l’opération d’intérêt national qui se met en place en Guyane. Je ne reviendrai pas sur tous les dispositifs d’amélioration de l’habitat que nous instituons et qui seront bientôt effectifs.
Toutefois, le mécanisme qui a véritablement exercé un effet de levier est l’allégement, à la suite de la demande du Premier ministre, de la procédure d’agrément fiscal. Nous avons, grâce à cela, boosté la production de logements : la consommation des crédits de la LBU a augmenté de douze points. L’ensemble de ces mesures, et en particulier celle que je viens d’évoquer, montrent que nous sommes engagés dans une démarche très dynamique.
Nous en venons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme Maina Sage, pour poser sa première question.
Comme vous le savez, la COP22 se tient, jusqu’au 18 novembre, à Marrakech, dont je reviens. Cette COP, qui n’est pas encore terminée, révèle déjà les grands enjeux environnementaux auxquels les États signataires sont confrontés dans la mise en oeuvre de l’accord de Paris. Le financement est le nerf de la guerre, et apparaît comme l’un des sujets les plus délicats de ces discussions, qui portent à la fois sur les dispositifs d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ce phénomène. Vous le savez, les dispositifs de soutien aux politiques d’adaptation sont fondamentaux pour les territoires, notamment insulaires. Or, comme l’attestent les discussions engagées au sein de la COP, l’enveloppe dédiée à l’adaptation est en baisse – on était parti de 50-50 pour arriver à 20-80 –, au détriment de nos territoires.
Les territoires du Pacifique sont particulièrement vulnérables à ces changements. Cette vulnérabilité justifie des actions concrètes dans les deux domaines que sont l’atténuation et l’adaptation. À ce titre, la contribution de l’État à la CSPE – la contribution au service public de l’électricité – est aussi capitale pour la transition énergétique de nos territoires. Nous avions demandé un rapport à ce sujet ; vous nous aviez écrit ; nous en avions parlé au cours de l’examen du projet de loi sur l’égalité réelle outre-mer – ÉROM. Aussi je vous remercie de m’avoir fait parvenir ce rapport hier soir, même si je vous avoue ne pas encore avoir eu le temps de l’analyser en détail. Vous évoquez dans ce rapport des contrats de partenariat. Pouvez-nous préciser, madame la ministre, dans quels délais ces contrats pourront-ils voir le jour ? De fait, il est utile, aujourd’hui, de fixer les calendriers ; à défaut, nous risquons de traîner en longueur et de ne jamais obtenir de réponse concrète.
Par ailleurs, la construction des abris de survie est, à notre sens, une priorité dans le cadre des politiques d’adaptation au changement climatique. Le mécanisme de type « fonds vert », qui est proposé dans ce budget 2017, est certes très intéressant et encourageant, mais il n’est pas suffisant ; il ne permet pas de répondre à cette nécessité. Je vous interroge donc également – j’y reviendrai par voie d’amendement – sur la possibilité d’affecter directement des crédits à la construction de ces abris, qui, je le rappelle, sont de la compétence de l’État, car nous parlons ici de la sécurité des personnes vivant sur ces atolls.
Madame la députée, je suis très heureuse que le rapport vous ait été transmis, car c’est un sujet qui nous a mobilisés – j’étais à l’époque rapporteure du projet de loi sur l’égalité réelle outre-mer. Le rapport propose des avancées selon trois axes. Je crains que l’on ne puisse pas fixer un calendrier précis car, s’agissant de chacun de ces trois axes, il faudra que vous puissiez, ensemble, définir les outils qui doivent être mobilisés pour atteindre les objectifs fixés. Premier axe : permettre à des projets de transition énergétique portés par les collectivités polynésiennes d’être soutenus financièrement par le Fonds de financement de la transition énergétique. Le deuxième axe peut être suivi de façon concomitante et complémentaire : il a trait à la mise en oeuvre d’un programme d’assistance technique pour partager l’expertise de l’ensemble des organismes nationaux qui travaillent sur ces enjeux et accompagner les évolutions dans les domaines qui concourent à la transition énergétique, tels que le raccordement des énergies renouvelables ou le recours aux procédures d’appels d’offres. Le troisième axe consiste à associer davantage les territoires aux négociations internationales sur le climat. Vous l’avez dit en introduction : il est indispensable d’être présent et de participer à ces négociations. De fait, je le rappelle, vous faisiez partie de la délégation française lors de la COP21.
Les abris de survie ont été cofinancés par l’État et les collectivités. Un financement à trois bandes a permis de réaliser vingt-huit abris, mais il en reste encore vingt-cinq à bâtir. Ces abris, lorsqu’ils ne sont pas utilisés – et c’est heureux – pour faire face aux effets du changement climatique, sont employés par les collectivités pour abriter des services publics, tels que des écoles. Je sais que, sur ce sujet, nous avons quelques différences, mais je veux vous convaincre que ce que nous mettons en place avec l’équivalent fonds vert est un dispositif beaucoup plus avantageux que ce qui est proposé dans le cadre du financement international. De fait, nous offrons des prêts à taux zéro, qui ont un effet de levier important : un investissement de 20 millions d’euros a un retentissement global de 100 millions. Une subvention ou un prêt offert au niveau international ont des effets différents ; ce type de prêts, en effet, n’est pas à taux zéro. Le mécanisme que nous vous proposons dans ce projet de loi de finances produit donc des effets extrêmement positifs.
Madame la ministre, ma question porte sur la création d’un établissement public d’insertion de la défense en Nouvelle-Calédonie. Comme vous le savez, ces établissements, dénommés « EPIDE », ont été créés par une ordonnance de 2005. On en dénombre une vingtaine sur le territoire national. Ils accueillent 2 500 volontaires, ce qui est bien loin des objectifs initiaux. Ces établissements publics à encadrement militaire s’adressent plus particulièrement à une jeunesse en voie de marginalisation, en situation de décrochage scolaire. C’est pourquoi, d’ailleurs, ils les accueillent à partir de l’âge de 16 ans. On chiffre à 30 % la proportion des jeunes accueillis qui ont été placés en garde à vue ; 20 % ont déjà été jugés pour des faits de délinquance ; 20 % ont également fait une tentative de suicide. C’est dire que ce type d’établissements s’adressent à une jeunesse en proie à des difficultés particulières et à qui une main est tendue pour lui offrir une chance de reprendre le droit chemin.
S’il est un endroit où ce type d’établissement doit s’installer, c’est en Nouvelle-Calédonie. Vous le savez comme moi, madame la ministre, en Nouvelle-Calédonie, 60 % de la délinquance de proximité est le fait de mineurs, ce qui représente – il n’y a là aucun motif de fierté – le triple de la moyenne nationale. On recense en Nouvelle-Calédonie 50 % du total des violences avec arme sur les forces de sécurité commises dans l’ensemble de l’outre-mer. C’est également un titre dont on se passerait aisément. Enfin, 20 % du total national – je dis bien du total national – des procédures pour ivresse publique manifeste sont engagées en Nouvelle-Calédonie. Ces chiffres proviennent du dernier rapport rendu par les inspections générales de la police et de la gendarmerie, à l’initiative du Comité des signataires. Par ailleurs, on compte 600 décrocheurs scolaires par an, principalement d’origine kanake, qui sont le premier vivier de la délinquance de notre pays. Je dis tout cela pour vous convaincre que l’EPIDE n’est pas un caprice d’élu ultramarin, qui aurait envie d’avoir un établissement chez lui, pour faire joli. Cela correspond véritablement à un besoin fondamental. Si l’on pouvait récupérer une centaine de jeunes parmi ces 600, les placer dans un EPIDE – qui se caractérise, rappelons-le, par un règlement intérieur très strict, la vie en internat, une discipline solide – je suis sûr que l’on donnerait à beaucoup de jeunes du pays une chance de voir la vie autrement. Voilà pourquoi, madame la ministre, nous sommes très engagés pour que cet établissement public puisse voir le jour dans notre pays.
Monsieur le député, pour notre part, nous sommes très engagés pour démultiplier les solutions offertes à la jeunesse en difficulté sur le territoire de Nouvelle-Calédonie. Vous parlez de l’EPIDE, j’y reviendrai, mais il ne faut pas oublier – vous en avez parlé précédemment – le service militaire adapté, le SMA, pas plus que les contrats de développement, au profit desquels nous avons souhaité, avec vous, avec le territoire, réorienter une grande partie – 70 % – des budgets : 15 millions sont ainsi mobilisés en faveur d’un programme centré sur la jeunesse. De fait, comme vous l’avez dit, c’est absolument nécessaire.
Comme pour la Guyane, l’approche doit être globale. Vous nous avez proposé la solution de l’EPIDE, à laquelle vous êtes, à juste titre, attaché. Vous le savez – je réitère l’engagement que j’ai pris le 5 novembre dernier –, nous allons travailler pour expertiser, pour pouvoir répondre à toutes les questions juridiques et techniques qui se posent aujourd’hui concernant la création de l’EPIDE. Je ne parle pas de questions liées au fonctionnement normal de l’EPIDE – par exemple, comment fait-on pour accompagner les jeunes le week-end ? Au-delà de ces aspects, je vous confirme l’engagement que nous avons pris pour continuer ce processus et faire en sorte que nous ayons des réponses juridiques et techniques sur la création d’un EPIDE en Nouvelle-Calédonie.
Concernant la contribution au service public de l’électricité ou CSPE, je vous remercie de vos réponses, madame la ministre. Il me semble qu’on pourrait fixer un calendrier afin d’entériner les mesures que vous avez mentionnées et qui peuvent être complémentaires.
Je souhaite revenir sur la question du climat. Il faut prendre garde au fait que le prêt à taux zéro n’est intéressant que pour des projets à valeur économique. Lorsqu’on parle d’abris de survie, on parle de grands bâtiments publics qui peuvent être utilisés par des services publics ; cela a été chiffré au mètre carré. Le reste de la surface est réservé en hauteur aux abris pour l’ensemble des populations. Les petites collectivités qui doivent éventuellement en financer une partie n’ont donc pas grand intérêt à utiliser ce dispositif.
Par ailleurs, comment expliquez-vous cette situation ? Il est difficile de faire comprendre à une collectivité, à une population qui subira dorénavant des houles cycloniques de plus en plus fortes à cause du réchauffement climatique généré par la pollution des territoires du nord qu’elle doit contracter des emprunts pour se protéger. Un tel discours est difficile à entendre, et difficilement acceptable pour ces populations. Il s’agit bien de la sécurité des personnes, et nous parlons bien des premières victimes du changement climatique. Je demande donc à ce qu’on y réfléchisse afin de trouver des moyens exceptionnels de financement.
Enfin, madame la ministre, j’aimerais vous alerter sur la défiscalisation. J’ai entendu vos interventions sur le transport, mais ce n’est pas la seule question. Il y a aussi celle des télécommunications. Des projets privés n’attendent que d’être financés : c’est le cas des transports aériens et maritimes, ainsi que de beaucoup d’autres projets structurants pour nos territoires. Or nous sommes aujourd’hui face à une résistance organisée qui utilise tous les recours possibles pour retarder les réponses à accorder. L’horizon 2025 est une bonne chose, mais au vu du fonctionnement actuel, il n’y a pas de quoi s’enorgueillir de cette prorogation. J’ai encore rencontré récemment un professionnel qui a rempli toutes les demandes en respectant les délais et auquel on demande tous les deux ou trois mois des pièces complémentaires. Attaquons-nous donc au problème afin que ce que nous avons décidé ensemble ici à l’unanimité, à savoir proroger ce dispositif jusqu’en 2025, porte ses fruits sur le terrain.
Au sujet de la défiscalisation,…
C’est non seulement un bilan, mais aussi une mobilisation. Je tiens à vous dire que mes services et ceux de Bercy suivent pas à pas les dossiers présentés et que mon collègue et moi-même sommes complètement concentrés sur les projets. Nous avons effectué un premier travail de simplification, et il faut simplifier encore pour réduire des délais devenus insupportables pour les investisseurs sur nos territoires.
Ma question porte à nouveau sur les dossiers de défiscalisation, qui constituent toujours des leviers de développement économique majeurs pour nos territoires. J’évoquerai brièvement trois dossiers.
Concernant tout d’abord la défiscalisation des investissements productifs, que vient d’évoquer Maina Sage, un des rapporteurs de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2017 constatait dans son rapport l’allongement des délais d’instruction au fur et à mesure des années, le rabotage des bases éligibles, qui se fait de plus en plus substantiel, l’évolution des procédures dans un sens rendant difficile le traitement des dossiers dans des délais raisonnables, des niveaux de rejet jamais atteints depuis la création du dispositif il y a trente ans. Certes, tout ne relève pas du ministère de l’outre-mer, qui émet un avis sur l’ensemble des dossiers. Cependant, si le dispositif a été sauvé, certains tentent aujourd’hui de le saborder dans le dos de ceux qui ont oeuvré à son maintien.
Le deuxième dossier est celui de la défiscalisation du logement intermédiaire. Un excellent rapport a été rendu par M. Marc Laffineur, qui explique que le dispositif Duflot puis le dispositif Pinel, instaurés respectivement en 2013 puis 2014 pour favoriser le développement du logement intermédiaire sur nos territoires et dont le plafond a été revalorisé et fixé à 18 000 euros en 2015 n’ont hélas pas produit les fruits nécessaires, et n’ont pas permis de combler le retard en la matière et d’ouvrir à nos populations l’accès à un parcours résidentiel. Ce retard est estimé aujourd’hui à plus de 10 000 logements.
Certes, un amendement très opportun a été adopté en première lecture du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Il visait non pas à relever le plafond de défiscalisation mais à élargir le nombre et la qualité des investisseurs éligibles au crédit d’impôt. J’espère que ce texte finira son parcours et que ce dispositif sera adopté de manière définitive. Cela permettra de lancer une nouvelle dynamique de construction de logements intermédiaires dans nos pays.
Enfin, le dernier dossier concerne plus précisément les collectivités du Pacifique : il s’agit de la défiscalisation du logement social. Un excellent amendement de Victorin Lurel qui a reçu un accueil immédiatement favorable du Premier ministre visait à supprimer l’agrément préalable délivré par Bercy. Je salue les départements d’outre-mer pour être parvenus à casser ce joug. En matière d’habitat social, les dossiers aboutiront désormais plus rapidement. Le dispositif a malheureusement été maintenu en Nouvelle-Calédonie ; nous sommes donc aujourd’hui les seuls à passer sous les fourches caudines de Bercy. Le ministère n’ayant plus à s’occuper que de nous, vous imaginez les résultats qu’on peut constater.
Je conclus sur le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et le vote de la suppression de cet agrément préalable, et remercie l’ensemble des collègues qui m’ont soutenu sur ce sujet. J’espère que nous parviendrons au terme de la procédure parlementaire pour que la construction de logement social puisse être développée à la hauteur des besoins.
Sur la défiscalisation, les députés ont été combatifs et ont fait adopter votre amendement, monsieur Gomes. Nous prenons pour notre part l’engagement de veiller à ce que les procédures d’allégement soient respectées.
Vous avez laissé entendre à plusieurs reprises que le projet de loi de programmation pourrait ne pas parvenir au terme de la procédure parlementaire. Nous sommes en tout cas déterminés à ce que ce texte soit adopté avant la fin de la législature.
J’appelle les crédits de la mission « Outre-mer », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement no 679 .
Je vous propose par cet amendement de transférer des crédits de l’action no 2 du programme 138 vers l’action no 9 du programme 123 dont l’objet est de favoriser les investissements des acteurs publics par l’octroi de prêts à taux zéro en faveur notamment de la lutte contre les effets du changement climatique.
Ces 5 millions d’euros de crédits supplémentaires devront ouvrir aux acteurs publics l’accès à des subventions directes visant à lutter contre la montée des océans et les risques d’inondations marines catastrophiques qui menacent les populations des atolls.
Je vous rappelle que nous avons évoqué cette question avec vous, madame la ministre. Par cet amendement, je souhaite souligner le fait qu’il reste à construire la moitié du programme, soit environ une vingtaine d’abris pour lesquels sont prévus 8 milliards d’euros de crédits de paiement. La surface utilisée par la collectivité locale représente environ 30 % de la superficie de ces abris, les espaces restants étant dévolus à la sécurisation des personnes. En proportion, cela représente un peu plus de 6 milliards d’euros pour l’État et un peu plus d’1 milliard pour la Polynésie, étant entendu qu’il y aurait une participation des communes.
Je propose de ponctionner une partie des 23 millions d’euros dédiés au financement des prêts à taux zéro pour la subvention directe. Je vous interpelle donc ce soir pour voir comment nous pourrions procéder, étant entendu qu’on connaît à peu près le volume annuel des crédits alloués à ce prêt. Les dotations directes permettraient d’aider la collectivité à financer sa part, sachant que pour réaliser le programme de construction annoncé il nous faudra au minimum cinq ans. J’espère que vous viendrez en Polynésie pour comprendre à quel point il est fondamental que ce programme soit exécuté.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, suppléant M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Ma chère collègue, la commission des finances n’ayant pas examiné cet amendement, je m’exprimerai à titre personnel. M. Marc Laffineur, qui ne pouvait être présent ce soir, m’a demandé de le remplacer au pied levé.
Nous partageons tout d’abord votre préoccupation quant à l’exposition de la Polynésie française aux conséquences du réchauffement climatique.
Tous ces amendements sont gagés sur le programme 138, destiné à la formation et à des dépenses de guichet et quasiment intégralement exécuté. Ma fonction de vice-président de la commission des finances me permet d’affirmer qu’un gage de ce type n’en est pas tout à fait un. Une insuffisance de crédits sur les dépenses de guichet serait nécessairement comblée in fine. Puisqu’il s’agit du principal programme, je comprends néanmoins votre proposition, et je sais qu’il s’agit du support de notre débat.
Je rappelle que les crédits de l’action no 9 sont en nette augmentation dans le projet de loi de finances pour 2017 : en autorisations d’engagement, ils passent de 24,6 à 47,1 millions d’euros et de 11,7 à 13,2 millions d’euros en crédit de paiement. Les augmentations sont donc respectivement de 92 % et de 13 % et traduisent l’engagement du Gouvernement à mettre en place un équivalent Fonds vert qui permettra à l’Agence française de développement – AFD – d’octroyer des prêts à taux zéro. La ministre vous a d’ailleurs déjà répondu sur le sujet, vous qui préférez les subventions.
L’important est que les actions puissent être conduites. Je demanderai donc le retrait de cet amendement au bénéfice des explications de la ministre et des chiffres que je viens de donner. À défaut, l’avis sera défavorable.
Même avis.
Madame la députée, je le répète, une subvention est aujourd’hui prévue pour le Fonds vert pour le climat. Elle dépend toutefois du niveau de richesse des territoires, et bénéficie aux territoires les plus pauvres. Compte tenu des critères actuels, le PIB par habitant de la Nouvelle-Calédonie n’aurait pas permis à cette collectivité de bénéficier du dispositif existant.
Je comprends que vous perceviez comme une injustice le fait de subir les conséquences du réchauffement climatique et de devoir en même temps financer la protection contre ce risque. Je rappelle toutefois que nous amorçons l’aide avec des crédits. En outre, avec l’équivalent Fonds vert, les conditions sont celles du prêt à taux zéro, alors que dans l’autre dispositif il s’agit de prêts concessionnels pour lesquels des taux d’emprunt sont appliqués. Les conditions sont donc plus favorables. Enfin, je le répète, l’effet de levier est très important : il correspond à 150 millions d’euros pour 20 ou 25 millions d’euros au départ, ce qui représente une capacité d’investissement et d’injection de liquidités dans l’économie locale tout aussi importante.
Je soutiens totalement l’amendement déposé par Maina Sage.
Les territoires du Pacifique sont la terre des premiers réfugiés climatiques de la planète. Nous émettons 0,03 % des gaz à effet de serre dans le monde. Grâce à nos océans, nous sommes les puits de carbone de la planète. Aussi, il est extraordinaire que nous ne soyons pas admissibles à un certain nombre de dispositifs dont nous devrions être les premiers bénéficiaires !
J’ai entendu les explications de Mme la ministre, je les ai écoutées, mais je ne les approuve pas du tout. L’amendement de Maina Sage ne répond pas à la totalité du problème posé, mais il est tout à fait pertinent. Il a du sens !
Nous voulons simplement laisser échapper ce cri : en matière de changement climatique, on ne peut pas raisonner à partir du PIB par habitant, a fortiori dans notre région.
Monsieur le député, permettez-moi de préciser mes propos. Le dispositif international actuel permet aux territoires qui y sont éligibles de recevoir des subventions. Je parle bien du dispositif international, et non du dispositif national mis en place par le Gouvernement sur la ligne budgétaire du ministère des outre-mer pour pallier l’absence d’application du dispositif international sur nos territoires. En effet, les critères retenus pour bénéficier du Fonds vert, basés sur le PIB par habitant, excluent la Polynésie. C’est injuste, mais ce n’est pas nous qui l’avons décidé ! Ainsi, les Îles Fidji et les Maldives ont un PIB par habitant six, quatre ou deux fois inférieur à celui de la Polynésie, laquelle est donc exclue du dispositif international.
Face à cette situation, soit nous ne faisons rien, nous considérons que ce n’est plus notre problème et nous laissons la Polynésie en dehors du dispositif, soit nous faisons un effort financé par la ligne budgétaire du ministère des outre-mer. Cet effort est peut-être insatisfaisant, mais il vient réparer une injustice par le biais d’un effet de levier et surtout d’un prêt à taux zéro. Dans le dispositif international, si vous ne percevez pas de subvention, vous pouvez bénéficier d’un prêt, mais pas à taux zéro. Or notre prêt est à taux zéro. Je le répète : ce prêt vient corriger une injustice car, sans action de notre part, la Polynésie n’aurait rien obtenu. Je tenais à rappeler la démarche du ministère des outre-mer.
Merci, monsieur le président, de nous laisser un peu de temps sur ce sujet au coeur de l’actualité. Nous avons besoin d’en parler et, surtout, d’être unis.
Madame la ministre, il ne s’agit pas de pointer du doigt le nouveau dispositif que vous avez mis en place. Certes, il est insuffisant, mais il est tout à fait pertinent, comme je vous l’ai dit à plusieurs reprises. Je remercie le Gouvernement pour son ouverture sur ce sujet.
Je rappelle tout de même que le Président de la République, en visite dans notre collectivité, s’était engagé à ce que la Polynésie soit éligible au Fonds vert. Nous avons travaillé ensemble toute l’année pour trouver comment réaliser cette promesse. Cependant, nous nous sommes arrêtés à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Tous les communiqués de presse que vous avez envoyés et le rapport spécial publié aujourd’hui dans le cadre du projet de loi de finances évoquent un mécanisme de type Fonds vert, pour des programmes d’atténuation en faveur des énergies renouvelables, mais ne parlent pas des abris de survie.
Ces abris de survie renvoient à une tout autre réalité. Mes chers collègues, j’essaie de vous sensibiliser à cette question, parce qu’il est certain que ce qui se passe dans nos territoires va aussi se passer dans les vôtres… Certes, les atolls sont prioritaires, parce qu’ils ne comportent pas de montagnes et qu’ils sont menacés par l’acidification des océans. J’ai assisté à plus d’une vingtaine de conférences sur ce sujet : la désoxygénation de nos océans est une réalité, elle est mesurée par les scientifiques et s’aggrave de jour en jour. Des actions ont été mises en place en vue d’une déplastification des océans, car 30 % à 40 % des déchets qui s’y trouvent sont composés de matières plastiques. Aujourd’hui, les microparticules et nanoparticules de plastique sont en train de contaminer l’ensemble de nos océans. Les phénomènes d’inondation et de sécheresse s’intensifient, de même que les phénomènes cycloniques, qui génèrent des houles. Sur nos îles dépourvues de montagnes, ces houles touchent d’abord les populations : c’est pour cela que je vous parle des politiques d’adaptation.
Sur la mise en place d’un mécanisme de type Fonds vert, nous sommes d’accord, madame la ministre : nous soutenons ce dispositif exceptionnel et nous vous en remercions. Cependant, il ne traite pas de l’adaptation. Je ne voudrais pas qu’on fasse croire aux populations que ce dispositif permettra de construire des abris de survie. Cela n’aurait aucun sens !
Notre amendement permet d’apporter une solution à coût constant. J’ai bien entendu la remarque du représentant de la commission des finances, mais si nous avons choisi de prélever le programme « Emploi outre-mer », c’est aussi parce que les constructions d’abris de survie feront l’objet de chantiers publics qui généreront de l’emploi dans nos îles. Ainsi, indirectement, nous respecterons les objectifs de la mission « Outre-mer » en matière d’emploi.
L’amendement no 679 n’est pas adopté.
La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 142 .
Cet amendement concerne les chaînes privées locales de télévision.
Il y a très longtemps de cela, sous la présidence de François Mitterrand, l’État a autorisé les radios libres afin d’élargir le spectre démocratique de la diffusion radio. Parallèlement, un fonds de soutien aux radios a été mis en place. Depuis quelque temps, nous voyons se développer des télévisions locales privées, qui jouent un rôle de proximité extrêmement important – je pense à Canal 10 en Guadeloupe. Si nous ne les aidons pas, ces télévisions vont devoir fermer, et nous serons passés à côté d’une action de proximité extrêmement importante favorisant la construction citoyenne et surtout la pluralité des expressions démocratiques.
Cette mesure est d’autant plus importante, madame la ministre, que l’outre-mer souffre d’une double injustice, d’une inégalité à la fois quantitative et qualitative que l’arrivée de la télévision numérique terrestre – TNT – a encore accrue. Dans l’hexagone, soixante-dix chaînes sont accessibles gratuitement ; en outre-mer, seules huit à dix chaînes le sont. Par ailleurs, la haute définition – HD – n’est pas accessible à tous, puisque les émetteurs diffusant le multiplex ROM1 ne parviennent pas à atteindre des objectifs extrêmement précis.
Le fonds de soutien dont je demande la création poursuit deux objectifs. D’une part, il vise à soutenir ces petites chaînes. D’autre part, il vise à prévenir les conséquences néfastes de l’arrivée des nouvelles chaînes qui, dans les conditions actuelles, sont susceptibles d’entrer en concurrence avec les petites télévisions locales qu’elles pourraient alors détruire. Je ne cherche pas à engager une discussion d’apothicaires sur le montant dont devra être doté ce fonds – 100 000 euros, 500 000 euros ou 1,5 million d’euros… Je vous demande simplement, madame la ministre, de prendre la décision politique de créer ce fonds de soutien. Quelle que soit sa dotation, vous réglerez un problème en créant ce fonds.
La commission des finances n’a pas examiné cet amendement. J’ai déjà donné, à l’occasion de l’examen de l’amendement précédent, ma position de principe sur le gage : je n’y reviendrai pas, j’y suis plutôt défavorable. Pour autant, la nécessité de créer ce fonds est avérée. Au bénéfice des explications et de l’engagement que pourrait prendre la ministre, je vous demanderai, monsieur Letchimy, de retirer votre amendement.
Monsieur Letchimy, je partage totalement votre opinion sur ce sujet. D’abord, comme nous l’avons dit lors de la discussion du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, la TNT risque vraiment d’entraîner une concurrence destructrice pour nos chaînes privées de grande proximité. Par ailleurs, j’ai eu le plaisir de recevoir pendant plus d’une heure M. Laouchez, qui m’a expliqué la différence entre les chaînes privées traditionnelles et les petites chaînes privées de grande proximité : ce sont ces dernières qui font un travail de proximité dans les quartiers et qui jouent d’ailleurs un vrai rôle démocratique sur nos territoires. Il s’agit là d’un vrai problème.
Il y a urgence, car certaines de ces chaînes pourraient se trouver en grande difficulté et disparaître. Les situations sont très différentes selon les territoires, mais globalement nous avons un vrai souci.
Compte tenu du travail réalisé avec M. Laouchez, je m’engage à créer ce fonds, et surtout à poursuivre les discussions engagées par le ministère des outre-mer avec le ministère de la culture afin que ce sujet soit pleinement pris en compte.
Madame la ministre, vous avez pris dans cet hémicycle un engagement très important qui, bien que verbal, a force de loi ! Il figurera au compte rendu de nos débats. Je vais donc retirer mon amendement.
J’en profite pour préciser que j’ai voté en faveur de l’amendement no 679 de Maina Sage. Ce que ma collègue a exprimé tout à l’heure est extrêmement important et vaut aussi pour la Caraïbe et la Guadeloupe. Pour ma part, si vous le voulez bien, madame la ministre, je souhaite la création d’un groupe de travail pour réfléchir à cette question centrale et remédier à cette injustice qui frappe les îles d’une manière générale, et plus particulièrement la Polynésie.
Sourires
L’amendement no 142 est retiré.
Par cet amendement, je souhaite engager une discussion sur la continuité territoriale culturelle. Dans le cadre de l’élaboration du rapport de la commission nationale d’évaluation des politiques publiques outre-mer – CNEPEOM –, j’étais pilote pour la thématique culturelle, et j’avais formulé une proposition. Depuis Marrakech, j’ai appris, madame la ministre, que vous lui aviez apporté votre soutien lors de la remise officielle du rapport.
Il est nécessaire d’agir, mes chers collègues, car nous souffrons vraiment d’un déficit de mobilité et d’accès aux réseaux. Dans nos territoires, le monde de la culture est lésé. Il nous faut faciliter la mobilité des artistes : c’est pourquoi nous avons eu l’idée d’instaurer une continuité territoriale culturelle, proposition qui a été formulée lors de la présentation du rapport du CNEPEOM jeudi dernier.
Il s’agit plutôt d’un amendement d’appel qui nous permettra de savoir si nous allons pouvoir intégrer, dès l’an prochain, une continuité territoriale en faveur du monde de la culture à l’enveloppe globale de la continuité territoriale. Madame la ministre, prévoyez-vous d’amender le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer au Sénat pour que cette mesure soit réalisée dès 2017 ?
Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances. Cependant, sous réserve des explications que donnera la ministre, il me semble satisfait dans le cadre du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. J’en demanderai donc le retrait, si Mme la ministre confirme mes propos.
Lors de la présentation du rapport de la CNEPEOM, très fourni notamment dans sa partie consacrée à la culture, comme lors de la discussion du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, je me suis montrée très favorable à ce que nous puissions travailler non pas sur la mobilité culturelle, mais sur la continuité culturelle.
Tout à fait, madame Sage. Je vous rappelle les termes de nos débats lorsque nous avons examiné le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer : lorsque nous évoquions la continuité culturelle, nous parlions bien sûr de la mobilité des artistes et de la connaissance. Nous nous demandions aussi comment nous pouvions partager nos patrimoines, les collections de nos musées respectifs en Polynésie et à Paris, comment les enfants pouvaient voir tous les musées de France, y compris ceux qui se trouvent en Polynésie.
Le sujet est plus vaste. C’est pour cette raison que le projet de loi sur l’égalité réelle Outre-mer prévoit un rapport, dont l’un des axes porte sur la culture. Celui-ci offrira un cadre pour continuer la réflexion.
Deux fonds permettent de soutenir la mobilité : le fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif – FEBECS – aide à la prise en charge des échanges culturels ; le fonds d’aide aux échanges artistiques et culturels pour l’outre-mer – FEAC –, doté de 600 000 euros, subventionne la venue d’artistes. Nous consacrons également 10 millions d’euros à la Cité des Outre-mer, un projet qui nous tient toutes deux à coeur, madame la députée. J’espère que nous continuerons à oeuvrer ensemble pour fédérer le monde artistique autour de ce projet, utile à la continuité culturelle.
Votre amendement est satisfait, car les fonds, s’agissant de la mobilité culturelle, existent. Je vous prie donc de bien vouloir le retirer.
Je vous remercie de ces compléments d’information, même si le but de cet amendement, évidemment, était de vous inciter à augmenter les crédits dédiés à la mobilité culturelle. D’autres questions se posent : je pense notamment à l’exception culturelle – le prix du livre n’est pas le même dans les outre-mer que dans l’hexagone. Ce sont ces sujets que nous souhaitons approfondir via ce fonds de continuité territoriale, qui aurait pu servir, au-delà de la mobilité des personnes, à des aides au fret. Je retire l’amendement.
L’amendement no 685 est retiré.
Je termine sur un sujet qui provoque, malheureusement, notre déception sur ce budget. S’il est vrai que nous avons obtenu la sécurisation de la dotation globale d’autonomie – DGA –, après trois années de réductions – certes, dans un contexte général de baisse – nous constatons des coups de rabot ailleurs.
La question des autorisations d’engagement et des crédits de paiement sur le contrat de projets est cruciale pour la mise en oeuvre de ces projets. Or nous avons aussi subi des coupes sur les AE et les CP ces trois dernières années. Comme pour la défiscalisation pour le privé, c’est une question de visibilité qui se pose. Lorsqu’il n’y a pas de certitude sur l’obtention des crédits, pourtant décidés avec l’État lors de la signature du contrat, et qu’ils ne sont pas au rendez-vous dans le courant de l’année, la planification des engagements se trouve affectée, ce qui entraîne des difficultés sur le niveau d’exécution des contrats. Nous nous entendons dire alors que nous n’avons pas consommé tous les crédits, ce qui déclenche un nouveau coup de rabot. C’est un cercle vicieux.
Les propos de mon collègue sénateur, Nuihau Laurey, ont pu être virulents, mais il faut comprendre que le ministre en charge des finances de Polynésie n’a pas la tâche facile. Nous avons des budgets à faire passer. Le rétablissement d’une relation de confiance entre l’État et la Polynésie est crucial pour assurer le retour de la croissance. Nous avons besoin d’un maximum de visibilité. C’est pourquoi cet amendement, qui est davantage un amendement d’appel, vise à restaurer les CP et les AE sur notre contrat de projets. Madame la ministre, pouvez-vous, ce soir, garantir à la Polynésie, non pas qu’elle obtiendra des crédits supplémentaires, mais que l’État sera au rendez-vous et tiendra ses engagements ? Sur trois ans, nous avons perdu presque 30 millions d’euros d’AE !
La parole est à M. Dominique Lefebvre, suppléant M. Marc Laffineur, rapporteur spécial pour donner l’avis de la commission.
La commission n’a pas examiné cet amendement. Bien que réservé sur la diminution des crédits du programme 138, j’estime que cet amendement permet d’éclairer l’Assemblée sur les conditions d’exécution de ces contrats de projets. Du point de vue de la technique budgétaire, vous ne vous étonnerez pas que le vice-président de la commission des finances rappelle que les AE, et surtout les CP, sont fixés en fonction de ce qui doit être réalisé. Tout dépend de la façon dont les opérations s’échelonnent. On constate effectivement des baisses d’AE et de CP. Sur le précédent contrat 2008-2014, les taux d’exécution étaient de l’ordre de 65 % en 2015. La difficulté à exécuter dans des rythmes convenables – et que nous connaissons tous à des degrés divers dans nos collectivités ou au niveau de l’État – est réelle. J’ai une réserve sur le mode de financement de cet amendement, mais je pense qu’il a surtout vocation à donner à Mme la ministre l’occasion d’éclairer l’Assemblée sur l’exécution de ces contrats d’engagements, et sur ce que l’on pourrait faire pour qu’elle soit plus rapide. Il n’y a aucune raison que l’on n’y parvienne pas.
Sourires.
Je vais m’y efforcer. J’ai bien compris votre interpellation, madame la députée, sur le besoin de visibilité qu’éprouvent les acteurs pour se sentir rassurés. 22 millions en AE et 21,9 millions en CP sont programmés pour 2017 en faveur d’opérations définies dans le contrat de projets 2015-2020. En ce qui concerne les AE, les crédits prévus au titre de 2017 permettent à l’État d’honorer les engagements contractuels. Compte tenu de la nature des investissements, les CP viennent financer des opérations qui ont été engagées en fin de contrat précédent et au début de la nouvelle génération, à hauteur des besoins identifiés. La baisse est donc liée à un effet mécanique, à la chronique des paiements à effectuer et au cycle des contrats de développement. Nous nous efforçons de piloter ce budget en l’adaptant à l’exécution.
Je souhaite rappeler qu’à chaque fois que cela s’est avéré nécessaire durant la mandature, le Gouvernement a réabondé les projets en Polynésie – à hauteur de 7 millions d’euros en 2015. Nous pilotons le budget et abondons à chaque fois, dans une démarche de fongibilité, avec souplesse. J’ai entendu votre questionnement ; je vous réponds en expliquant ce que nous faisons : nous avons toujours répondu « présent » lorsqu’il s’est agi d’apporter les financements nécessaires à la Polynésie française, dans le cadre du contrat de développement.
Je ne doute pas de la bonne volonté des équipes et je sais que tout est fait pour libérer ces crédits. Malheureusement, je pourrais vous démontrer, chiffres à l’appui, exécution après exécution, que ce n’est pas le cas. La mécanique, les procédures posent certes problème. Mais c’est surtout le résultat qui compte. Or ces freins conduisent parfois à l’abandon de projets structurants, importants pour le territoire. Ainsi, à cause de ces retards, de ces allers-retours, nous avons dû retirer du contrat le pôle de santé mentale, un projet très important qui représentait presque tous les CP de l’année 2015. La Polynésie a décidé de financer par ses propres moyens ce projet, faute d’avoir réussi à s’entendre avec l’État – alors que nous étions d’accord sur le projet initial. Ce n’est pas le seul exemple.
Il est important que nous travaillions ensemble pour améliorer les procédures, afin que ce sur quoi nous nous engageons ensemble soit bien ce qui est exécuté. Lorsqu’il y a des difficultés de trésorerie, nous devons, comme avec tout partenaire, pouvoir en discuter. Cela apporte de la visibilité et conforte la confiance réciproque. Je retire l’amendement.
L’amendement no 610 est retiré.
Monsieur le président, comme vous le savez, le règlement prévoit que, tout comme le Premier ministre lors des questions au Gouvernement, le dernier orateur sur un texte n’est pas limité par le temps !
Sourires.
Cet amendement est important car il porte sur un dossier emblématique pour la Nouvelle-Calédonie, le financement du programme « Cadres avenir », anciennement appelé « 400 cadres ». Cette opération est née lors des Accords de Matignon, il y a bientôt trente ans, du souhait d’aboutir à un rééquilibrage et de permettre l’accès des Kanaks aux responsabilités. Les résultats sont là : 1 500 Calédoniens, dont 70 % d’origine kanake, ont été formés et exercent des responsabilités dans les associations, les entreprises ou les institutions de Nouvelle-Calédonie.
Hélas, les crédits affectés à cette opération sont en baisse constante depuis quelques années. Atteignant 6,2 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015, ils sont tombés à 5,9 millions d’euros en 2016. Dans le PLF pour 2017, ils sont certes affichés à 6,8 millions d’euros, mais ce chiffre recouvre la création de l’opération « Cadres avenir » à Mayotte. Le ministère des outre-mer m’a indiqué que la dotation pour la Nouvelle-Calédonie serait de 5,4 millions d’euros, le reste étant affecté à Mayotte, et, dans une moindre mesure, à Wallis-et-Futuna.
Cette baisse constante n’est pas sans poser des problèmes. Le Gouvernement, que j’ai interrogé lors des précédents examens, m’a répondu que la Nouvelle-Calédonie devait participer à l’effort collectif de redressement des finances publiques et qu’en conséquence, les crédits affectés à « Cadres avenirs » subiraient une coupe de 5 %. Je me suis aussi entendu dire que la formation d’un Calédonien coûtait 30 % plus cher que la formation d’un Guadeloupéen. Cela a été dit dans cette enceinte – faut-il rappeler que c’est l’État qui met en oeuvre ces crédits ? Voilà les explications hasardeuses qui m’ont été apportées.
Enfin, madame la ministre, j’aborderai un dernier élément. Le 11 octobre 2013, le comité des signataires de l’accord de Nouméa s’est réuni, sous la présidence du Premier ministre, à l’initiative du ministre des outre-mer de l’époque, Victorin Lurel. Il faut avoir de la mémoire pour se souvenir de tout ce qui s’est passé au cours de ce quinquennat !
Lors de cette réunion, il a été décidé d’ajouter 800 000 euros par an, afin que des Calédoniens puissent suivre des formations visant à obtenir un MBA – master of business administration, en français : maîtrise en administration des affaires – de façon complémentaire aux crédits du programme « Cadres avenir ». Si ce qui a été dit en 2013 était inscrit dans le projet de loi de finances 2017, à crédits inchangés, alors le montant total devrait s’élever à 6,2 millions d’euros plus 600 000 euros, soit quasiment 7 millions d’euros. Or ce montant est de 5,4 millions !
Les crédits qui ont été alloués au GIP « cadres avenir » – lequel n’est pas présidé par un élu local, mais par le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie – afin de financer des MBA se sont élevés à 100 000 euros la première année, 200 000 euros la deuxième année, et 300 000 euros la troisième année. Ces montants n’ont pas été limités par le nombre de propositions faites par les Calédoniens, comme l’a dit le ministère ; l’État a simplement alloué une dotation au GIP en lui disant : « Débrouillez-vous avec cela. »
J’interviens sur ce sujet, madame la ministre, car il est essentiel. Je suis désolé, car il est tard ; j’ennuie beaucoup de gens avec cette affaire : je leur présente mes excuses ; mais c’est une question essentielle pour notre pays. Je demande que les crédits soient en partie rétablis : c’est le sens de l’amendement no 716 .
La parole est à M. Dominique Lefebvre, suppléant M. Marc Laffineur, rapporteur spécial, pour donner l’avis de la commission.
La commission n’a pas non plus examiné cet amendement. Il s’agit du programme « cadres avenir », qui concerne la Nouvelle-Calédonie, mais aussi les îles Wallis et Futuna, et désormais Mayotte. Je n’interprète pas les documents budgétaires de la même manière que vous, monsieur le député. En effet, la dotation de ce programme passe de 5,9 à 6,8 millions d’euros ; comme vous l’avez dit vous-même, cela correspond, pour l’essentiel, à l’application de ce programme à Mayotte, ce qui est une très bonne chose, qu’il faut saluer.
Pour la commission des finances, les crédits qui concernent la Nouvelle-Calédonie sont maintenus à 5,4 millions d’euros. Votre amendement est donc satisfait : je vous demande de bien vouloir le retirer, sous réserve des explications de Mme la ministre – notamment à propos des formations MBA.
Je confirme le montant de 5,4 millions d’euros, qui seront consacrés au programme « Cadres d’avenir », et uniquement à lui. Mais outre « Cadres d’avenir », il y a deux autres programmes : celui des bourses inter-îles, à hauteur de 838 000 euros, et le programme consacré aux MBA. Il y avait, pour ce dernier, un engagement à hauteur de 800 000 euros. Il s’agissait jusqu’à présent d’un lancement à titre expérimental : voilà pourquoi le programme n’a jamais atteint 800 000 euros, mais s’est maintenu aux alentours de 300 000 euros. Je le répète : le montant sur lequel l’État s’est engagé est de 800 000 euros, donc le programme MBA est engagé pour des projets jusqu’à 800 000 euros.
Si l’on additionne tous ces montants, on ne doit pas être très loin de 7 millions d’euros.
Votre amendement est donc satisfait.
L’amendement no 716 est retiré.
Les crédits de la mission « Outre-mer » sont adoptés.
L’article 58 est adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 : articles non rattachés.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 17 novembre 2016, à minuit vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly