Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Réunion du 17 juillet 2014 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CICE
  • TESE
  • commissaire
  • entrepreneur
  • préfinancement
  • utilisation

La réunion

Source

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

L'institution ordinale des experts-comptables et la Compagnie des commissaires aux comptes ont mis en place en mai dernier, avec le ministre du budget de l'époque Bernard Cazeneuve, le Conseil Sup'Services afin de communiquer aux entreprises et aux collaborateurs des cabinets des informations relatives au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et de leur fournir des modèles d'attestation. Nous avons également créé une hotline gratuite initialement destinée aux experts-comptable et qui, par la suite, a été ouverte aux organisations patronales et aux chambres consulaires. Le Conseil Sup'Services a enregistré à ce jour 132 000 interrogations portant sur le CICE.

Chacun peut désormais consulter ce site et obtenir des réponses à ses questions. Pour pouvoir répondre aux questions spécifiques, nous avons passé un accord avec la Direction générale des finances publiques et la Direction générale de la sécurité sociale. Toutes les entreprises sont concernées, y compris celles qui ne font appel ni à un expert- comptable ni à un commissaire aux comptes, ainsi que les grandes organisations comme le MEDEF, la CGPME, l'Union professionnelle artisanale (UPA), la FNSEA.

L'année dernière, lors d'une manifestation à la Chambre d'agriculture d'Alsace, un jeune agriculteur m'a confié que malheureusement il n'était pas concerné par le CICE. Or chaque été il emploie des travailleurs pour les récoltes. Il était donc concerné, mais ne le savait pas. Cette anecdote montre qu'il nous reste d'importants efforts de communication pour faire connaître le CICE.

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

C'est pourquoi nous avons organisé le 28 mai 2013 une conférence, en présence des experts comptables et commissaires aux comptes, du ministre délégué au budget Bernard Cazeneuve et du directeur de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).

Le 24 mai 2013, nous avions signé l'accord de place ayant pour objectif de faciliter le préfinancement. Cet accord de place a été signé par l'ordre des experts-comptables, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, l'État, les banques françaises ainsi que les banques étrangères implantées en France et membres de la Fédération française des banques, Bpifrance, le médiateur du crédit aux entreprises, le MEDEF, la CGPME.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Ensuite, nous avons organisé des réunions dans toutes les régions ordinales, auxquelles ont participé 15 000 experts-comptables, sur les 19 000 en exercice. Sachant que notre pays compte 14 000 cabinets, cela représente une personne par cabinet.

Sup'Services a connu un tel succès que nous l'avons généralisé à l'ensemble des opérations menées par les pouvoirs publics : le SEPA – l'espace unique de paiement en euros – le contrat de génération, ainsi que toutes les opérations et articles de loi qui concernent les entreprises. Et depuis peu, la hotline est accessible en permanence.

Nous avons l'intention de poursuivre sur cette voie. La profession d'expert- comptable est l'une des professions réglementées qui se trouvent en ce moment au coeur de l'actualité… Les professions réglementées sont légitimes dans la mesure où elles sont utiles.

Quelles actions de communication avons-nous développées ?

Nous sommes à l'origine d'une doctrine comptable. L'objectif du CICE est de permettre aux entreprises françaises de gagner en compétitivité par rapport aux entreprises de la sphère européenne, en particulier les entreprises allemandes dont la productivité est supérieure de 10 points. Grâce au CICE, nos entreprises devraient rattraper ce chiffre, au moins pour moitié. Les bilans des grandes entreprises françaises sont comparés à ceux de leurs homologues européens, voire mondiaux. Jusqu'à présent, les crédits d'impôt apparaissaient en déduction de l'impôt sur les sociétés. Après une longue discussion très doctrinale, il a été décidé que le CICE serait soustrait de la masse salariale car c'est sur ce poste que les comparaisons et les études statistiques doivent faire apparaître un gain de compétitivité. Nous avons beaucoup travaillé sur cette question avec l'Autorité des normes comptables (ANC), dont nous sommes membres.

Nous avons constaté une véritable amélioration de la compétitivité salariale dans les comptes annuels qui ont été présentés le 31 décembre 2013.

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Il n'est pas évident de distinguer dans les comptes le bénéfice du CICE, dont je rappelle que l'objectif était de diminuer les frais de personnel. L'Autorité des normes comptables a suivi la philosophie du Gouvernement, ce qui supposait de comptabiliser le crédit d'impôt dans les charges de personnel afin de les diminuer. C'est ce qu'ont choisi la plupart des entreprises.

D'autres entreprises, plus rares, ont choisi de comptabiliser le CICE sous forme de diminution des impôts – s'agissant des comptes individuels ou des comptes sociaux. Pour ce qui est des comptes consolidés, il n'y a pas eu de retraitement en général.

Les groupes plus importants, qui relèvent des normes internationales de la comptabilité, se réfèrent à deux normes IFRS (International Financial Reporting Standards) : la première, la norme IAS 20, impute le crédit d'impôt en déduction des charges de personnel, et la seconde, IAS 19, l'impute dans une rubrique « Autres produits ».

En bref, dans leur immense majorité, les entreprises ont choisi d'imputer le CICE en négatif dans les charges de personnel.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

C'est ce que nous avons fait dans le cabinet d'expertise comptable que j'anime. Le problème se pose pour les 1,5 million d'entreprises individuelles, car alors le CICE est un crédit personnel et, de ce fait, n'est pas constaté dans les bilans.

Il aurait été préférable de constater une diminution des charges de personnel et, pour neutraliser l'opération, d'ouvrir un crédit dans un compte de produits de classe 7. Mais l'ANC n'a pas accepté cette possibilité. Le CICE est constaté uniquement sur la déclaration 2042 qui porte sur l'ensemble des revenus de l'entrepreneur.

Certes, en matière de compétitivité, les comparaisons se basent essentiellement sur les grandes sociétés et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), mais, de fait, le bilan économique de notre pays ne prend pas en compte le crédit d'impôt pour toutes les entreprises puisque les entrepreneurs individuels ne le font apparaître que dans leur déclaration de revenus.

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N'est-ce pas le cas de certaines entreprises allemandes ?

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Vous avez raison, certaines entreprises allemandes bénéficient d'avantages fiscaux qui ne sont constatés que sur la déclaration d'ensemble des revenus. Nos deux instances, et l'ANC a conclu en ce sens, ont souhaité s'appuyer sur ce qui se passe dans d'autres pays de l'Union européenne qui estiment que certains crédits d'impôts sont des crédits personnels qui, à ce titre, ne sont attachés qu'à la personne.

Le même problème se pose dans les sociétés de personnes composées d'associés actifs et d'associés non actifs. Il a fallu procéder à de nombreux calculs puisque les associés non actifs, les sleeping partners, n'ayant pas travaillé dans l'entreprise, n'ont pas droit au crédit d'impôt. Nous avons dû établir des CICE au prorata du nombre d'associés actifs.

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Ce procédé relève-t-il de la doctrine fiscale ? Est-il inscrit dans la loi ?

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Olivier Salamito

Cette règle s'applique à tous les crédits d'impôt et pénalise les sociétés de personnes composées en partie d'associés passifs.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Nous aurions pu imaginer une autre façon de faire en affectant le crédit d'impôt dans son intégralité aux associés actifs, mais ce n'est pas l'option qui a été choisie. Dans une société qui compte un tiers d'associés passifs, le CICE est affecté aux 67 % d'associés actifs, alors qu'il aurait dû être réparti sur le nombre total des associés.

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Il aurait dû impacter l'ensemble des revenus distribués.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Ce n'est pas le cas. Le CICE n'est affecté qu'aux associés actifs, et qui plus est au prorata, ce qui conduit à la perte d'une partie de son bénéfice. C'est dommage car un certain nombre de structures françaises qui comportent parmi leurs membres des sleeping partners ont besoin de capitaux. Ce frein n'est pas sans conséquence dans la compétition internationale. Les entreprises françaises souffrent d'un mal endémique qu'est l'insuffisance de fonds propres. En Allemagne, les entreprises disposent de fonds propres plus importants car les délais de paiement sont très courts.

Je regrette que le CICE ne puisse soutenir des entreprises qui veulent aller de l'avant mais qui pour cela ont besoin de financements extérieurs.

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Les petites entreprises peuvent mobiliser la créance du CICE pour obtenir un crédit de la part d'un établissement bancaire. Les experts-comptables et commissaires aux comptes ont beaucoup travaillé pour obtenir des banques qu'elles accordent ces crédits en échange d'une attestation du montant prévisionnel du CICE.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

La mise en place du CICE a-t-elle eu un impact sur l'activité, donc sur le chiffre d'affaires, des experts-comptables et des commissaires aux comptes ?

Je peux vous rassurer sur ce point. Dans les TPE et PME, nous établissons les paies. Nous avons travaillé très en amont avec les éditeurs de logiciels de paie pour que le montant du CICE apparaisse automatiquement. Nos professions n'ont donc pas perçu de recettes supplémentaires. Comme nous en avions pris l'engagement auprès du ministre, nous avons demandé à tous les experts comptables et commissaires aux comptes de se montrer raisonnables et nous avons été entendus.

Dans les entreprises où nous établissons les comptes, nous devons faire preuve de diligence mais cela n'induit aucune augmentation de nos honoraires. En revanche, dans les entreprises en clôture différée, qui ne bénéficient du CICE que l'année suivante, il a naturellement fallu recalculer le CICE ainsi que le prorata, ce qui a naturellement généré des hausses, mais celles-ci ont été préalablement acceptées par nos clients.

Nos professions n'ont pas vocation à augmenter leurs tarifs du fait de la mise en place du CICE. Même si cela a généré un surcroît de travail, nous considérons qu'il nous appartient d'accompagner les entreprises lorsque des mesures intéressantes leur sont proposées, d'autant qu'en période de crise elles n'ont pas les moyens de verser des honoraires plus élevés à leur conseil.

En moyenne, le crédit d'impôt s'élève à 15 000 euros par an. Si tous les salariés ne perçoivent pas le SMIC, il faut appliquer le barème de 4 %, ce qui correspond à un préfinancement de 500 euros par personne. Or aucune entreprise individuelle ne lance une opération de préfinancement pour 500 euros ! Selon les représentants des banques que nous avons rencontrés, le seuil critique se situe entre 7 et 10 salariés, ce qui correspond à des avances de 4 à 5 000 euros.

Avons-nous observé des réticences de la part de certaines entreprises ?

Dans un premier temps, les entrepreneurs se sont montrés méfiants vis-à-vis du crédit d'impôt car pendant de nombreuses années ce mécanisme a été suivi d'un contrôle fiscal. Le directeur général des finances publiques, Bruno Bézard, avec lequel nous avions évoqué la question, avait donc officiellement déclaré aux entrepreneurs que le CICE n'induirait pas de contrôle fiscal car étant dédié à la compétitivité, il devait avant tout être utilisé par les entreprises. Nous avons rapporté ses propos aux 2,5 millions d'entreprises que nous assistons.

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Selon vous, cette orientation est-elle pérenne ?

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Je le pense en effet. Les chefs d'entreprise n'ont plus vocation à être des fraudeurs et ils ont tout intérêt à utiliser cet outil intéressant et surtout simple d'usage, comme l'a reconnu le président de la CGPME.

Nous avons donc recommandé aux entrepreneurs d'utiliser le CICE en 2014 et, après un bilan d'un an, nous allons pouvoir améliorer la question du préfinancement.

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Olivier Salamito

Les entrepreneurs s'attendaient à devoir engager une nouvelle dépense avant d'avoir droit à un avantage. Il a donc fallu faire preuve de pédagogie pour les convaincre que le CICE n'était pas uniquement réservé aux nouvelles embauches. Ils connaissaient le crédit d'impôt recherche (CIR) qui, lui, exigeait d'engager des dépenses avant de pouvoir bénéficier d'un crédit d'impôt. Mais le CICE est un crédit d'impôt d'un nouveau style qui commence par apporter une bouffée d'oxygène à l'entreprise, même si sa masse salariale est stable.

Si le crédit d'impôt recherche a été associé à un contrôle fiscal, c'est qu'il est plus difficile d'établir une dépense éligible au CIR que de calculer le montant des salaires.

Un certain nombre d'entrepreneurs craignaient de voir leur crédit d'impôt remis en cause a posteriori. Mais la souplesse des textes et de l'instruction administrative les a rassurés et je pense que l'effort de pédagogie que nous avons accompli en 2013 ne sera plus nécessaire en 2014.

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Malheureusement, nous ne disposons pas d'études statistiques fiables sur la manière dont les entreprises ont pris en compte le CICE, mais les cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes constatent que dans la très grande majorité des cas, le CICE a été comptabilisé sur le compte 649 en soustraction des charges de personnel. Cela s'explique en partie par le fait que la plupart des logiciels comptables sont paramétrés en ce sens. Cette information figure dans l'annexe des comptes de l'entreprise qui décrit les principes comptables, la manière de comptabiliser le CICE, et précise son impact sur les comptes de l'entreprise.

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Pas nécessairement.

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Ne serait-il pas prudent de l'inclure dans votre rapport annexe ?

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

La mention de l'usage du CICE dépend du logiciel utilisé.

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N'est-ce pas le travail du commissaire aux comptes que de protéger les tiers vis-à-vis de l'entreprise et l'entreprise vis-à-vis des tiers ? À ce titre, il serait utile que vous explicitiez en quelques phrases quel usage fait l'entreprise du CICE, surtout qu'elle doit communiquer cette information aux instances représentatives du personnel, conseil d'administration ou comité d'entreprise.

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Je comprends votre argument, mais il me semble que l'utilisation du CICE doit figurer non pas dans l'annexe mais dans le rapport de gestion.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Certains professionnels d'expertise comptable ont ouvert un compte de réserve dédiée. La réserve dédiée a été initiée en 1981 lors de l'entrée en vigueur de l'exonération de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui réinvestissaient. Nous avions proposé cette piste, mais elle n'a pas été suivie.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Si j'ai bien compris, certains ont estimé que cette disposition aurait rendu le CICE plus complexe, ce qui allait à l'encontre de son objectif, à savoir sa simplicité d'utilisation. Par ailleurs, elle aurait instauré une différenciation puisque les comptes de réserve sont utilisés dans les entreprises constituées sous forme de société. Enfin, le rapport sur les entreprises et les entrepreneurs individuels de Laurent Grandguillaume évoque la possibilité pour l'entrepreneur individuel de faire la distinction entre les fonds qu'il utilise et les fonds propres qu'il laisse dans l'entreprise.

Nos deux instances sont prêtes à mettre en place un groupe technique pour réfléchir à cette possibilité, en veillant à ne pas prendre une disposition qui dissuaderait les entrepreneurs d'utiliser le CICE.

Nous avons relevé un certain nombre de points susceptibles d'améliorer techniquement le CICE.

Tout d'abord, les entreprises qui clôturent leur exercice à une date qui ne correspond pas à l'année civile sont désavantagées. En effet, une entreprise qui clôture ses comptes au 30 juin 2014 et constate à cette date le CICE de l'année 2013 n'en profitera que lorsqu'elle aura déposé ses comptes, ce qui représente un décalage de six mois à un an par rapport aux exercices normaux. Certes, l'entreprise qui a choisi de décaler son exercice doit en assumer les conséquences, mais peut-être pouvons-nous trouver une solution technique pour éviter qu'elle soit financièrement pénalisée.

Il faut également simplifier les déclarations fiscales, qui restent trop complexes. À cet égard, nous avons décidé de créer avec la DGFiP et le Conseil supérieur de l'ordre un « groupe de place » qui nous permettra d'étudier tout ce qui pourrait faciliter les déclarations fiscales. Je rappelle que l'ordonnance de simplification actuellement examinée par le Parlement prévoit la possibilité pour les pouvoirs publics de prendre toute disposition propre à simplifier la déclaration fiscale.

Nous regrettons par ailleurs l'impossibilité d'imputer la créance de CICE non restituable sur les acomptes de l'impôt sur les sociétés (IS), et de diminuer ceux-ci. Cela aurait pu apporter une bouffée d'oxygène aux entreprises.

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Olivier Salamito

Le crédit d'impôt recherche, lui, peut être imputé sur les acomptes d'IS.

Il est difficile de suivre l'utilisation du crédit d'impôt dans les sociétés de personnes, en particulier les entreprises individuelles. Car si le crédit d'impôt est accordé à un associé, il peut l'utiliser comme bon lui semble puisque le crédit figure sur sa déclaration fiscale personnelle. Cela amène certains entrepreneurs à craindre que le crédit d'impôt qui leur a été alloué soit un jour remis en cause au motif qu'ils ne peuvent pas justifier de son utilisation. Nous avons posé la question à l'administration fiscale qui nous a assuré qu'elle regarderait de tels cas avec clémence.

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Vous avez évoqué la sous-utilisation du préfinancement. En avez-vous identifié les raisons ?

Comment se sont déroulées vos rencontres avec les organismes bancaires ? Nous avons auditionné les représentants de Bpifrance. À les entendre, tout va bien. Est-ce votre perception de la situation ? Avez-vous d'éventuelles améliorations à proposer ?

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

S'il est vrai qu'en matière de financement des PME les organismes bancaires ne jouent pas toujours leur rôle, je dois dire qu'en ce qui concerne le CICE, ils sont très demandeurs d'opérations de préfinancement – Bpifrance l'a confirmé lors des nombreuses réunions qui ont eu lieu dans les régions ordinales.

Le préfinancement a rencontré des difficultés au cours de la première année d'application car nous devions calculer un CICE de référence théorique basé sur l'année n-1. Avec le bilan définitif de 2013 et des règles stables et clairement établies, les opérations de préfinancement devraient se dérouler dans de meilleures conditions.

Imputer le CICE sur les acomptes d'IS serait aussi une sorte de préfinancement et c'est celui qu'attendent les entrepreneurs. Il ne serait pas choquant d'imputer un crédit d'impôt sur un acompte d'impôt. Cela correspond à une certaine logique et c'est la solution la plus simple, la plus logique et la plus immédiate.

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Sauf, peut-être, pour l'État qui s'endetterait à la place des entreprises.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Vous avez raison, monsieur le président, mais je vous dirai avec un peu d'humour que c'est la vocation d'un crédit d'impôt.

En outre, imputer le CICE sur les acomptes d'impôt sur les sociétés serait une mesure de simplification puisque cela éviterait d'ouvrir un dossier de financement.

Le CICE a été une source de difficultés dans les entreprises utilisant le titre emploi-service entreprise (TESE). Nous sommes très réticents quant au bien-fondé du TESE, mais pour d'autres raisons. Le montant de la masse salariale apparaît dans la DADS-U (Déclaration automatisée des données sociales unifiée), mais celle-ci ne prend pas en compte le TESE. Dans les entreprises en système mixte, une partie des salaires passe par la Direction des affaires sociales (DAS) et une autre par le TESE. Le montant du crédit d'impôt imputé est la compilation des deux. Mais l'administration fiscale, elle, n'est informée que par la DAS du montant de la masse salariale, qui ne comprend pas celle figurant sur le TESE. Elle a donc interrogé toutes les entreprises ayant un régime mixte sur le montant réel de leur masse salariale. Voilà encore une complexité à laquelle j'espère qu'il sera remédié.

Le TESE apporte une sécurité juridique qui est nécessaire, comme en témoignent les condamnations récentes de la Cour de cassation, mais il est facteur de complexité. J'espère que la future déclaration sociale nominative (DSN) amènera une réelle simplification. Quoi qu'il en soit, nous considérons que le TESE est un frein au développement du CICE.

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J'ai bien noté l'engagement des autorités de ne pas associer un contrôle fiscal à l'attribution du CICE, celui-ci étant un dispositif simple, universel et automatique, peu sujet aux détournements et aux fraudes. Mais s'il nous venait à l'idée de complexifier le système en distinguant certains secteurs – telle la grande distribution – ne faudrait-il pas en contrôler plus étroitement l'usage ?

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Savoir si certains secteurs sont des acteurs de la compétitivité, relève de la compétence des parlementaires. Si un certain nombre d'informations peut être récupéré automatiquement dans les bilans, quitte à créer une ligne spécifique, le dispositif ne sera pas plus complexe. En revanche, il le sera si nous créons une rubrique spécifique, devant être délivrée à un moment spécifique.

Si nous voulons faire évoluer le dispositif, il faut que les acteurs des comptes annuels, les parlementaires, la DGFiP et les professionnels de l'expertise comptable travaillent ensemble, sans ajouter la moindre complexité puisque la DAS transmet les informations, les logiciels de paie calculent automatiquement le plafonnement et appliquent le pourcentage du SMIC prévu par la loi. Quant à la masse salariale, étant publique, elle est facile à récupérer.

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Le dispositif sera forcément plus complexe si nous accentuons la conditionnalité, comme sont tentés de le faire un certain nombre de nos collègues.

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Si c'est possible juridiquement, nous pourrions appliquer à chaque secteur un taux différent.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Dans un système automatisé, les taux pourraient être différenciés, comme c'est le cas pour les charges sociales au sein d'une même entreprise. Ou pour la TVA. Il serait en revanche plus difficile d'avoir à rechercher des informations qui ne figurent pas dans les comptes.

Si vous estimez qu'il faut aller dans ce sens, mesdames et messieurs les parlementaires, faisons en sorte d'en assurer la simplicité.

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La référence au contrôle fiscal me choque. Certes, om n'y a pas plus de fraudeurs chez les entrepreneurs qu'ailleurs, mais ils ne doivent pas non plus bénéficier d'un régime à part. Pas de systématisation, mais pas d'exclusion. Ils seront contrôlés au titre du CICE dans le cadre d'un contrôle fiscal « normal ».

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

La DGFiP s'est engagée dans une opération de grande envergure, le fameux pacte de confiance. Le CICE ne doit surtout pas apparaître comme un objet de défiance. Les pouvoirs publics, avec le crédit d'impôt, tentent de renouer un lien constitutionnel qui est l'égalité devant l'impôt. La fraude fiscale doit être punie parce qu'elle est inéquitable : les bons élèves paient pour les autres. Le CICE, qui a permis d'inverser la vapeur par rapport au CIR, doit maintenir ce pacte de confiance. Les Directions des affaires sociales et des finances publiques effectuent les contrôles nécessaires, mais le rôle de l'État consiste à faire confiance a priori et à vérifier ensuite.

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J'ai adressé un courrier aux 6 232 entreprises de ma circonscription et j'ai reçu des réponses très encourageantes des chefs d'entreprise, ravis que l'on s'intéresse à eux et qu'on leur fasse confiance. Les responsables politiques prennent trop souvent des mesures à court terme. Je pense pour ma part que la réalité sociale dépend de la réalité économique et que nous avons besoin d'apaisement et de confiance.

Le monde de l'entreprise est-il prêt à embaucher ? Parviendrons-nous, selon vous, à stabiliser la masse salariale ? Un gouvernement de gauche parie sur l'entreprise. Sommes-nous dans le droit chemin ? Devons-nous conserver un plafond de 2,5 SMIC ou passer à 3,5 ? Je rappelle que la grande distribution représente quelque 700 000 emplois en France. Dans ma circonscription, 3 500 personnes sans aucune formation n'auraient pas d'emploi sans la grande distribution. Quel éclairage pouvez-vous apporter sur cette réalité ?

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Je suis parfaitement d'accord avec vous quant à l'importance de la confiance. Nous avons, nous aussi, pu constater les réactions très positives des entrepreneurs. Le CICE une mesure simple et efficace qui, je l'espère, sera pérennisée. Si nous parvenons à diminuer notre retard avec l'Allemagne de 4 points, nous aurons fait un tiers du chemin. Sans défendre une position politique, je me dois de saluer une décision qui améliore d'un tiers la compétitivité des entreprises françaises.

Tout le monde souhaite que ce dispositif soit pérenne. Pour ramener la compétitivité, il faut entrer dans un cercle vertueux : la confiance amène le crédit, et le crédit amène la croissance et l'emploi. Les entrepreneurs ont confiance. Mais s'ils embauchent un salarié en CDI, ils veulent être certains qu'ils ne seront pas obligés de le licencier l'année suivante parce que le dispositif n'est pas pérenne.

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Nous examinerons prochainement le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises dans lequel le Gouvernement prévoit d'étendre le TESE aux entreprises de 20 salariés, éventuellement par voie d'ordonnance. Que pensez-vous de cette extension ?

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Nous avons été auditionnés par l'Assemblée nationale la semaine dernière sur ce sujet. Nous sommes très sceptiques quant à l'efficacité du TESE. C'est également la position de l'URSSAF et de l'ACOSS, avec lesquelles nous sommes engagés dans cette importante opération commune qu'est la DSN.

Le TESE ne résout pas la complexité de la paie. Sur les 1,5 million d'entreprises qui embauchent, 30 000 seulement utilisent le TESE, en grande partie pour des emplois occasionnels.

L'extension du TESE de 2 à 9 salariés en 2008 n'a pas fait florès puisque le titre est utilisé à 95 % par des entreprises de une à deux personnes. La raison en est que l'utilisation du TESE génère un sentiment de précarité dans l'entreprise puisque tous les salariés ne sont pas dans le dispositif.

Par ailleurs, le TESE ne gère pas les conventions collectives et les obligations liées aux contrats de travail, ce qui génère d'importantes difficultés juridiques. L'entrepreneur de bonne foi considère que le TESE va le libérer de tout, or ce n'est pas le cas. Si le CESU fonctionne aussi bien, c'est qu'il ne gère qu'une seule convention collective.

Nous aurons cet après-midi une réunion de travail sur le thème du TESE en présence des pouvoirs publics et du patronat. Il est certain que nous devons trouver des solutions pour simplifier la paie, mais il faudrait déjà simplifier l'embauche. Nous donnerons des pistes en ce sens aux pouvoirs publics.

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Je souhaite revenir sur l'utilisation du CICE. Le projet de loi de finances rectificative de 2012 obligeait les entreprises à retracer l'utilisation du CICE dans leurs comptes. Comment traitez-vous cette question ? Avez-vous une réelle visibilité sur les comptes de 2013 ?

Quelle est la tendance au sein des entreprises ? Privilégient-elles le fonds de roulement, les investissements, l'emploi ou les salaires ?

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Retracer l'utilisation du CICE n'est pas un exercice facile. En diminuant les charges, il augmente la rentabilité de l'entreprise, ce qui se traduit dans la trésorerie générale. Pour que l'utilisation du CICE puisse être attestée, il faudrait définir une communication spécifique qui, selon moi, doit figurer dans le rapport de gestion plus que dans les comptes.

J'ai le sentiment que le CICE sert à renforcer le fonds de roulement et les marges de manoeuvre de l'entreprise pour lui permettre d'investir. Il renforce les fonds propres et revient peu dans l'escarcelle des actionnaires ou des chefs d'entreprise.

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Yves Nicolas, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

À mon avis, pas encore.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

À ce jour aucun professionnel ne dispose d'indications sur la manière de rendre compte de l'utilisation du CICE. Ce point ne figure pas dans la loi et nous travaillons actuellement avec les pouvoirs publics pour y remédier.

Jusqu'à présent, les crédits d'impôts apparaissaient dans une réserve dédiée, mais la question de l'utilisation du CICE n'a fait l'objet d'aucun arbitrage. Je rappelle qu'en 1981 la décision de ne pas affecter dans les trois ans les sommes portées à la réserve spéciale de participation en augmentation de capital rendait caduque l'exonération d'impôt. Certes, il faut une piste de suivi. Pourquoi pas en fonds propres ? Rappelons que le faire apparaître dans le capital en gèlerait le montant et génèrerait des charges financières si l'entreprise investit. Il est légitime de vouloir vérifier que le crédit d'impôt est bien utilisé pour améliorer la compétitivité des entreprises, mais il convient de trouver une technique qui ne pénalise pas celles qui décident d'investir.

J'ai l'impression que le CICE encourage peu à peu les entrepreneurs à embaucher, à condition qu'ils soient assurés que le dispositif est pérenne, au moins pour la durée de la mandature.

Il nous faut par ailleurs engager une réflexion sur les investissements, tout en sachant que certains ne créent pas d'emploi.

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Les investissements créent toujours des emplois, éventuellement dans d'autres secteurs.

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

En effet. On lit dans la presse que le premier utilisateur du CICE est La Poste, qui est une entreprise performante.

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La Poste est l'un des premiers groupes de distribution au monde, et elle évolue dans un environnement très compétitif !

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Joseph Zorgniotti, président de l'ordre des experts comptables

Nous cogérons le portail déclaratif de la profession, je peux donc témoigner que La Poste, via ses filiales, est une championne en matière d'innovation.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Réunion du jeudi 17 juillet 2014 à 10 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Yves Blein, M. Olivier Carré, M. Patrick Hetzel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Eva Sas, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Florent Boudié, M. Richard Ferrand, M. Joël Giraud, Mme Véronique Louwagie