La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Le président a reçu de M. Xavier Bertrand, député de la deuxième circonscription de l’Aisne, une lettre l’informant qu’il démissionnait de son mandat de député à compter du 13 janvier. Acte est donné de cette démission qui sera notifiée au Premier ministre.
La conférence des présidents réunie ce matin a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour le mardi 2 et le mercredi 3 février :
Proposition de loi pour l’économie bleue ;
Nouvelle lecture de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel.
Il n’y a pas d’opposition ?
Il en est ainsi décidé.
L’ordre du jour appelle les questions sur la politique du Gouvernement en matière d’énergie.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
Nous commençons par des questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Franck Reynier.
Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Areva, fleuron de notre industrie nucléaire française, traverse depuis un peu plus d’un an une crise sans précédent. Cette crise a été provoquée par des décisions internes discutables, mais aussi par des choix politiques souvent déconnectés de nos véritables enjeux énergétiques.
On a fait appel à EDF. Malheureusement, la nouvelle organisation ne suffit pas à endiguer la crise que traverse Areva, dont l’endettement dépassait les 6 milliards d’euros mi-2015, et dont les besoins de financement sont évalués à 7 milliards d’ici à 2017.
Ce besoin de financement croissant est accentué par le gouffre financier que représentent les EPR de Flamanville et d’Olkiluoto en Finlande.
La mise en service de l’EPR de Finlande est désormais prévue fin 2018 et le contrat signé en 2003 s’apparente à une catastrophe financière pour Areva NP. La fin du chantier était initialement programmée pour 2009 mais, dans l’intervalle, la facture a explosé, passant de 3,5 à plus de 8 milliards d’euros. Même constat pour l’EPR de Flamanville, qui devrait finalement coûter 10,5 milliards, bien loin des 3 milliards du devis initial. En outre, le réacteur ne devrait pas démarrer avant fin 2018, avec près de sept ans de retard sur le calendrier prévu.
Ces aléas se sont répercutés de façon néfaste sur l’emploi. Les 28 000 salariés d’Areva en France sont inquiets et attendent des réponses précises.
Pour que ce type d’échec ne se reproduise pas, nous devons améliorer la compétitivité de notre filière nucléaire.
Nous devons poursuivre les progrès en matière de sûreté, de traçabilité et de performance, mais aussi mettre sur pied une nouvelle organisation et développer des synergies industrielles et économiques avec tous les acteurs, particulièrement EDF. Nous devons aussi préparer l’avenir du parc nucléaire français en lançant le remplacement de nos réacteurs les plus anciens par des réacteurs de nouvelle génération, du type EPR nouveau modèle ou ATMEA.
L’État détenant 87 % d’Areva, je vous demande de bien vouloir nous indiquer quelles mesures concrètes vous allez mettre en place, compte tenu de la situation critique dans laquelle se trouve le groupe.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le député, c’est précisément pour répondre au problème que vous soulevez que le Gouvernement a décidé, le 3 juin 2015, de rapprocher EDF et Areva pour les activités de conception, de gestion de projets et de commercialisation des réacteurs neufs, afin que la filière nucléaire soit plus solidaire, plus performante et plus compétitive, notamment à l’exportation.
Cette décision s’est concrétisée dès le 30 juillet 2015 par la signature d’un protocole entre EDF et Areva. Depuis, des avancées significatives ont été enregistrées sur le plan opérationnel, notamment en ce qui concerne le cycle du combustible nucléaire, avec des accords pour la conversion de l’uranium, le traitement et le recyclage.
La réorganisation permettra à la filière nucléaire française de repartir sur de bonnes bases. En France, la loi de transition énergétique que vous avez adoptée a confirmé que le nucléaire restera un pilier de notre mix énergétique, avec une part de 50 % dans la production d’électricité. Cela signifie que certains réacteurs devront fermer, que d’autres seront prolongés et que de nouveaux réacteurs seront construits sur le même lieu que les anciens. Cette activité va générer des investissements et des emplois, notamment dans toutes les nouvelles filières de formation professionnelle.
À l’exportation, Areva et EDF doivent bâtir ensemble une offre cohérente, compétitive, qui s’appuie sur le savoir-faire industriel français pour conquérir de nouveaux marchés, lesquels seront une des clés du redressement de la filière nucléaire française.
Évidemment, Areva, EDF et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives doivent s’engager pleinement dans la transition énergétique, investir dans les énergies renouvelables et dans l’efficacité énergétique, et par conséquent proposer aussi à l’international une offre mixte entre le nucléaire, le renouvelable et les services intelligents.
Areva a engagé par ailleurs un plan de performance ambitieux sur la question des personnels. Un accord avec les principaux syndicats a pu être signé le 19 octobre. Les départs se feront sur la base du volontariat. Je serai particulièrement attentive à ce que ce plan de compétitivité ne se réalise pas aux dépens de la sûreté. L’Autorité de sûreté nucléaire y veillera également.
Je souhaite à présent revenir sur les négociations de la COP21, qui se sont terminées le 12 décembre.
Début novembre, François Hollande a serré la main du Président de la République populaire de Chine pour sceller une déclaration commune qualifiée par beaucoup « d’accélérateur pour les négociations de la COP21 ».
Tous les pays membres souhaitaient un accord ambitieux et contraignant mais, si l’ONU avait salué l’effort et les résultats escomptés de la COP21, le bilan reste insuffisant. Il faut avouer que nous sommes malheureusement bien loin d’un accord juridiquement contraignant.
Il est indéniable que la Conférence a été un grand succès diplomatique, mais peut-on parler de succès climatique ? Les océans sont les grands oubliés de cette rencontre. Ils ne sont mentionnés qu’une fois dans le préambule, alors que les forêts le sont onze fois. Les transports aérien et maritime n’y trouvent pas plus de place. Il n’y a malheureusement qu’une seule référence aux énergies renouvelables qui doivent aider à l’électrification de l’Afrique – sujet qui, en tant que député UDI, me tient particulièrement à coeur, vous vous en doutez, madame la ministre. Contrairement à ce que réclamaient les ONG, le texte ne prévoit pas non plus de date pour le remplacement des énergies fossiles par les énergies renouvelables.
Le principal reproche fait à l’accord issu de la COP21 est de ne pas avoir de caractère contraignant. Certes, un accord a été trouvé de manière consensuelle entre les parties, mais sans signature, celle-ci devant intervenir lors d’une rencontre de l’Organisation des Nations unies, début 2016. C’est donc maintenant aux États d’adopter des lois afin de s’auto-contraindre, pour respecter l’accord issu de la COP21. Sur ce point pèsent de nombreux doutes.
Madame la ministre, quel cap énergétique comptez-vous prendre au niveau français et défendre au niveau européen et international ?
Il ne faut pas minimiser l’accord de Paris. Peut-être, monsieur le député, êtes-vous le seul à le faire. Contrairement à ce que vous prétendez, celui-ci est contraignant.
À cet accord équilibré et ambitieux s’ajoutent toutes les décisions figurant dans l’Agenda des solutions, notamment les soixante-dix coalitions qui se sont constituées pour engager des actions opérationnelles de transition énergétique. Ce sont par exemple les alliances mondiales sur le solaire, sur la géothermie, sur le prix du carbone ou sur le doublement des investissements dans les énergies renouvelables et dans l’efficacité énergétique. Il existe aussi une alliance sur le bâtiment, dont la France a eu l’initiative.
Ne vous en déplaise, monsieur le député, l’océan, trop souvent oublié des conférences climatiques, a été intégré pour la première fois aux discussions. À l’initiative de la France, un accord a été trouvé sur l’eau. Il existe également des initiatives concernant les forêts, la résilience, la prévention des risques, les alertes en cas d’inondation, l’avenir des États insulaires et aussi sur l’électrification de l’Afrique.
Je veux enfin mentionner l’engagement des entreprises, à travers le business dialogue et le global compact. Toutes les entreprises se sont coalisées, car elles ont enfin compris que relever le défi climatique était une chance pour l’économie et pour la croissance verte. Même le secteur financier, à travers les fonds d’investissement, s’est engagé dans la COP21, notamment avec des reportings verts. Il adopte ainsi la logique de la loi de transition énergétique. La France est en effet un des premiers pays à avoir voté un prix du carbone, une programmation pluriannuelle de l’énergie, contrôlée par le Parlement, et une obligation pour les entreprises cotées en Bourse de présenter à leurs actionnaires un rapport sur la dimension climatique de leur activité et la prévention des risques.
Vous le voyez, cet accord est très ambitieux. Nous avons maintenant la responsabilité de l’appliquer. Le 22 avril, les chefs d’État et de gouvernement seront invités à l’Organisation des Nations unies, le secrétaire général Ban Ki-moon, que j’ai rencontré hier, me l’a confirmé. Il restera ensuite à ratifier l’accord et à monter en puissance sur l’application des coalitions que je viens de détailler.
Ma question, madame la ministre, porte sur le développement de la méthanisation en France. C’est un enjeu stratégique qui se développe fortement en Alsace avec plusieurs projets, dont celui porté par la communauté d’agglomération de Mulhouse, M2A – Mulhouse Alsace agglomération.
Certaines avancées notables viennent d’être obtenues au niveau fiscal et tarifaire, notamment sur le rachat de gaz et d’électricité, mais les acteurs de la filière attendent également pour l’avenir des engagements forts de votre ministère sur des axes structurants pour eux.
Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie – PPE – présenté en novembre dernier et actuellement en discussion fixe des objectifs ambitieux, tels que l’injection du biométhane dans les réseaux de gaz naturel. Il s’agit d’un des débouchés potentiels de la méthanisation, puisqu’il est prévu d’injecter 6 à 8 térawattheures de biométhane à l’horizon 2023.
Il est important de disposer à l’avenir de mécanismes de soutien et d’outils réglementaires permettant l’essor de toutes les valorisations possibles du biogaz pour créer une dynamique dans cette branche. Le dispositif de soutien initialement prévu sous forme de complément de rémunération devrait être en place depuis le 1erjanvier 2016. S’il est confirmé par les pouvoirs publics, ce sera un véritable encouragement pour les acteurs de la filière.
Je souhaiterais connaître précisément vos intentions à ce sujet et, plus largement, les axes prioritaires que vous allez définir afin de favoriser l’essor et la structuration de la filière et d’en faire une filière d’excellence.
Je vous remercie de cette question, partagée par de nombreux autres parlementaires d’ailleurs. Nous devons faire des efforts pour faire monter en puissance la méthanisation, notamment en améliorant son modèle économique.
Pour avoir soutenu, dans ma région, un certain nombre de méthaniseurs, j’ai vu combien il est difficile de mettre en place un modèle économique performant. C’est pourquoi j’ai pris des décisions. Premièrement, j’ai mis en place le Comité national biogaz, qui est un lieu d’échange réunissant tous les acteurs chargé de tracer l’avenir de cette filière et de prendre des mesures concrètes.
Deuxièmement, dans le même esprit, j’ai publié le 30 octobre 2015 un arrêté qui revalorise le tarif de rachat de l’électricité produite par ces installations. Cet arrêté permettra d’améliorer l’équilibre économique des méthaniseurs, principalement ceux qui sont exploités par des agriculteurs, et de donner des bases solides au développement de cette filière. Les méthaniseurs de moins de 500 kilowatts seront soutenus par un tarif de rachat de l’électricité garanti pendant vingt ans et dont le niveau a été revalorisé. Ce nouveau tarif entrera en vigueur dès que l’Union européenne l’aura validé – le processus est en cours. Les méthaniseurs de plus de 500 kilowatts, quant à eux, seront soutenus dans le cadre d’appels d’offres ouvrant droit à un complément de rémunération garanti pendant vingt ans. Un premier appel d’offres, qui portera sur un volume annuel précisé, sera lancé dans les prochaines semaines, après une dernière consultation de la profession.
Mon objectif rejoint le vôtre : développer une filière industrielle française performante, sur la base des travaux du Comité national biogaz et avec le soutien de l’ADEME – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Cela se fera dans le cadre des appels à projets du plan Investissements d’avenir, notamment de son volet consacré à l’économie circulaire et aux déchets, pour lequel un nouvel appel d’offres sera lancé avant l’été.
Madame la ministre, je vous souhaite une bonne année, ainsi qu’à vos collaborateurs. Nous sommes heureux de vous retrouver sur les bancs de cette assemblée.
En avril dernier, vous annonciez le doublement du Fonds chaleur, qui doit ainsi passer à 420 millions d’euros d’ici 2017. Compte tenu de l’utilité de ce fonds, qui est un outil clé de la transition énergétique pour atteindre l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables en 2020 et 32 % en 2030 – vous voyez que nous avons bien retenu votre loi ! – nous ne pouvons que nous féliciter d’une telle annonce.
Mais cette annonce sera-t-elle effectivement concrétisée ? Rien n’est moins sûr. En effet, jusqu’à présent, le Gouvernement n’a pas été en mesure de nous expliquer clairement comment ce doublement sera réalisé.
J’espère donc, madame la ministre, obtenir ce soir des réponses claires à la question suivante : comment sera effectivement financé le doublement du Fonds chaleur ? Les crédits supplémentaires qui doivent l’abonder sont censés provenir du fonds spécial de financement de la transition énergétique, doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Comment sera abondé ce dernier fonds ? Cela reste un mystère… Pourriez-vous nous expliquer cette sorte de jeu de poupées russes budgétaires qui nous laisse perplexes ?
Par ailleurs, comment ces nouveaux crédits du Fonds chaleur seront-ils concrètement utilisés sur le terrain pour développer les réseaux de chaleur ? Il semble que l’ADEME ait des difficultés à se servir du fonds pour permettre aux trente-cinq grandes villes françaises de plus de 50 000 habitants qui sont sans réseau de s’équiper.
L’association AMORCE propose le lancement d’un appel à projets « éco-réseaux de chaleur », dont les lauréats bénéficieraient d’aides à l’investissement du Fonds chaleur bonifiées de 10 %, pour faire émerger de nouveaux projets structurants. Quelle est votre position sur cette suggestion ?
Le Fonds chaleur a pour vocation de soutenir la production de chaleur, comme vous l’avez abondamment développé dans votre question. Il contribue donc fortement à l’application de la loi de transition énergétique, qui a fixé un objectif de 38 % de chaleur renouvelable en 2030 et prévoit de multiplier par cinq la chaleur renouvelable livrée par les réseaux de chaleur à la même échéance.
Depuis sa création, le Fonds chaleur a permis de soutenir plus de 3 000 projets et 4 milliards d’euros d’investissements. Il est doté de 220 millions par an. Comme vous le savez, sa gestion est confiée à l’ADEME, qui intervient notamment dans les territoires à énergie positive pour la croissance verte. Le doublement de ce fonds est annoncé à l’horizon 2017, et cette augmentation a déjà permis de renforcer ses interventions : 20 millions d’euros ont ainsi été consacrés aux aides à la mobilisation de la biomasse. C’est le fonds de financement de la transition énergétique qui doublera le Fonds chaleur, qui atteindra ainsi 420 millions par an d’ici 2017.
Parallèlement, des appels à projets permettent de faire émerger des projets de valorisation de la biomasse. Cette montée en puissance sera également soutenue par la fiscalité sur le carbone. En tout état de cause, le développement des réseaux de chaleur est un axe très fort de la loi de transition énergétique, qui prévoit de les multiplier par cinq. Le Fonds chaleur soutient déjà ce développement. Vous avez raison : nous devons à présent réfléchir à la manière dont nous pourrons améliorer l’efficience des aides aux réseaux.
La structure AMORCE m’a en effet écrit aujourd’hui pour proposer certaines actions, dont l’appel à projets que vous évoquez. Mes services et l’ADEME examineront ces propositions, ainsi que d’autres, pour proposer des évolutions des modalités d’interventions du Fonds chaleur en 2016.
Je profite de cette intervention pour m’excuser auprès de M. Hillmeyer de lui avoir répondu tout à l’heure sans me tourner précisément vers lui.
Sourires.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste.
La parole est à M. Denis Baupin.
Madame la ministre, ma question porte sur le rôle de l’État en tant qu’actionnaire au sein de l’entreprise EDF. La programmation pluriannuelle de l’énergie, qui fait actuellement l’objet d’une concertation, prévoit de manière ambitieuse l’installation de 25 gigawatts supplémentaires d’énergie éolienne et solaire en France d’ici sept ans. Dans le même temps, l’entreprise EDF a annoncé qu’elle produira probablement 5 gigawatts supplémentaires d’énergie éolienne et solaire en quinze ans – soit une période deux fois plus longue. Cela signifie, au total, qu’EDF envisage de produire dix fois moins d’énergies renouvelables supplémentaires que ce qui est prévu par l’État dans sa programmation pluriannuelle.
Ce n’est pourtant pas un problème de rentabilité : de nombreux autres acteurs sont en train d’investir dans les énergies renouvelables en France. L’entreprise nucléaire chinoise CGN a par exemple prévu d’investir 1 milliard d’euros dans le solaire en France. L’entreprise canadienne Boralex, quant à elle, est en train d’investir dans 850 mégawatts d’énergie éolienne sur le territoire français.
Non : si EDF ne prévoit pas d’investir dans les énergies renouvelables, c’est tout simplement que cette entreprise, comme nous le savons bien, est frappée de « nucléarite » aiguë ! Elle veut investir 110 milliards d’euros dans le « grand carénage » du parc nucléaire, 35 milliards dans la centrale nucléaire de Hinkley Point et 2,5 milliards dans Areva. Il lui faudra par ailleurs provisionner 2 à 3 milliards supplémentaires pour couvrir les surcoûts du projet Cigéo, tout cela sans compter l’EPR de Flamanville ni la construction de trente à quarante EPR nouveau modèle que le PDG d’EDF a d’ores et déjà annoncée pour les décennies à venir !
Pourtant, à l’étranger comme en France, de nombreuses entreprises énergétiques sont en train de prendre le virage des énergies renouvelables. C’est le cas de la société E.ON, d’Enel ou d’Engie, qui est une entreprise française à capitaux publics. Toutes ces entreprises ont décidé de faire des énergies renouvelables l’axe de leur développement.
Ma question est simple, madame la ministre : pourquoi EDF raterait-elle le coche de la transition énergétique ? Pourquoi resterait-elle en dehors de l’alliance mondiale pour le solaire, pour laquelle vous vous êtes beaucoup battue et qui a vu le jour à l’occasion de la COP21 ?
Monsieur le député, EDF doit en effet être l’opérateur majeur de la transition énergétique, compte tenu du poids de l’État en son sein. Il faut quand même reconnaître que cette entreprise a fait beaucoup de progrès ces derniers temps. Elle a restructuré sa gouvernance pour donner plus de poids aux énergies renouvelables. Aujourd’hui, EDF contribue à hauteur de 10 % à 15 % à l’installation des énergies renouvelables. Elle pourrait aller beaucoup plus loin.
À cette fin, le dialogue se poursuit actuellement avec cette entreprise. Le projet Cap 2030 me sera présenté à la fin de cette semaine. Dans le cadre de ce dialogue, j’entends en effet demander à EDF d’augmenter ses efforts en faveur des énergies renouvelables, ce qui lui permettrait aussi de conquérir des marchés internationaux. Il faut en tout état de cause favoriser les convergences avec les autres opérateurs français, afin que le mix énergétique tende vers l’objectif fixé par la loi de transition énergétique. Enfin, bien évidemment, cette entreprise doit participer, vous avez raison, à l’alliance solaire internationale.
Il ne faut à aucun prix que EDF passe à côté de la transition énergétique. Ce n’est pour l’instant pas le cas : l’entreprise a beaucoup évolué, notamment avec son nouveau dirigeant, et, je le répète, elle a déjà réformé sa gouvernance interne. Certes, il faut faire beaucoup plus, mais je suis sûre qu’au cours de l’année à venir, qui sera l’année de l’application de la COP21, ce grand opérateur de l’énergie entrera plus volontairement, plus puissamment, dans la transition énergétique et dans les énergies renouvelables.
Madame la ministre, ma question portera sur l’Europe de l’énergie, qui revient de manière forte dans l’agenda politique, après la COP21 et au moment où les Pays-Bas prennent la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne.
En effet, la présidence néerlandaise juge insuffisants les objectifs climatiques de l’Union européenne. Elle estime que l’objectif de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 est louable mais déplore le fait qu’il ne soit pas contraignant, notamment en matière d’énergies renouvelables – domaine dans lequel la France n’est pas le pays le mieux classé – ou d’efficacité énergétique – où, au contraire, la France fait partie des bons élèves et a réalisé de belles avancées. Le caractère non contraignant de ces objectifs sera donc un facteur de blocage, y compris pour la question très sensible du marché du carbone, qui n’est toujours pas réglée.
Par ailleurs, la crise ukrainienne ainsi que les engagements climatiques devraient encourager la mise en place de l’Union de l’énergie, pour sécuriser les approvisionnements énergétiques de l’Union européenne. La Commission consulte à l’heure actuelle tous les gouvernements à propos de la gouvernance. Les parties prenantes ont jusqu’au 8 avril pour répondre à ces questions.
La Commission européenne envisage trois options. Première possibilité : adopter un nouveau texte législatif unique pour l’ensemble des politiques concernées, qu’il s’agisse du climat ou des questions énergétiques proprement dites. Deuxième possibilité : revoir les obligations prévues dans le cadre de la réforme de chaque législation sectorielle, ce qui serait, bien sûr, d’une moindre portée. Troisième possibilité : se limiter à des recommandations non contraignantes.
Madame la ministre, laquelle de ces trois options la France devrait-elle soutenir ?
Je vous remercie, madame la présidente de la commission des affaires européennes, d’avoir posé cette question sur l’Europe de l’énergie. Comme vous l’avez dit, l’Europe doit être à l’avant-garde. Elle doit continuer à ouvrir la voie. Pour cela, il faut afficher et réaliser son ambition en matière de transition énergétique.
Comme vous le savez, les contours du cadre européen ont été posés avec le paquet énergie-climat 2030, adopté par le Conseil européen en octobre dernier. Ce texte fixe les grands objectifs européens : réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, part de 27 % d’énergies renouvelables dans la production d’énergie, amélioration de 27 % de l’efficacité énergétique – ces chiffres pouvant être revus à la hausse.
Par la suite, la Commission européenne a proposé, en février 2015, la constitution d’une Union de l’énergie. Le Conseil des ministres de l’environnement a approuvé dans ses grandes lignes cette proposition.
L’année 2016 sera consacrée à la mise en oeuvre de ces orientations, avec de nombreux chantiers. Il s’agira tout d’abord de réviser la directive sur le marché européen du carbone, car il faut que le prix du carbone soit plus élevé : les entreprises le demandent elles-mêmes. J’entends agir dans cette direction. J’ai saisi la nouvelle présidence du Conseil – en l’occurrence, la ministre qui réunira prochainement les ministres de l’environnement et les ministres de l’énergie – pour qu’un travail soit réalisé à propos des prix du carbone, en liaison avec les entreprises. Celles-ci sont favorables, et c’est nouveau, à un prix du carbone plus élevé dans l’Union. De ce point de vue, la France doit servir d’exemple, de point de repère, pour les autres pays européens.
Par ailleurs, l’actualité législative sera intense dans le domaine de l’énergie. Je souhaite tout d’abord que l’objectif européen de 27 % d’énergies renouvelables soit revu à la hausse. S’agissant de la mise en oeuvre de cet objectif, des travaux ont déjà commencé, avec une proposition sur l’étiquetage énergétique. Nous soutiendrons la recherche d’un accord ambitieux, en trilogue, sur ce texte. La Commission européenne devrait en outre proposer, à l’automne prochain, un paquet efficacité énergétique qui réviserait les directives sur la performance énergétique des bâtiments et sur l’efficacité énergétique.
La sécurité de l’approvisionnement est une autre dimension importante de l’Union de l’énergie. La Commission européenne publiera au premier trimestre un paquet sécurité d’approvisionnement, qui inclura la révision du règlement sur la sécurité d’approvisionnement en gaz. Il sera utile de renforcer nos mécanismes de solidarité en cas de crise.
J’ai épuisé mon temps de réponse. Je suis obligée d’être brève, sur des sujets si importants. J’en suis désolée, madame Auroi. Si vous le souhaitez, je vous communiquerai par écrit des éléments de réponse complémentaires.
Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Dominique Orliac.
Madame la ministre, la mise en demeure de la Commission européenne à la France au sujet de l’ouverture à la concurrence du renouvellement des concessions hydrauliques suscite de vives et unanimes inquiétudes chez les élus, les acteurs économiques, les organisations syndicales et les personnels.
La loi relative à la transition énergétique prévoit la possibilité de prolongation des concessions hydroélectriques, ce qui permettrait de rassurer les concessionnaires et de déclencher immédiatement les programmes d’investissements. Cependant la Commission européenne a mis en demeure la France sur des dispositions adoptées dans cette loi, les jugeant incompatibles avec le droit européen de la concurrence.
À l’heure où des concessionnaires envisagent d’investir dans ces installations – c’est le cas dans mon département du Lot, où un concessionnaire ambitionne un lourd programme d’investissements, augmentant ainsi la capacité de production tout en s’inscrivant pleinement dans les objectifs de la transition énergétique fixés par la loi – une procédure de mise en concurrence des concessions ferait courir le risque de voir ces investissements différés, voire annulés.
Nous devons trouver une solution eurocompatible pour le renouvellement de ces concessions. Dans cette phase d’incertitude, leur prolongation pourrait être nécessaire pour donner aux concessionnaires historiques une visibilité à moyen terme. Cela leur permettrait de réaliser des investissements aux fortes retombées économiques, puisqu’ils génèrent des créations de richesses et d’emplois sur les territoires, renforcent le tissu des entreprises locales et la chaîne des sous-traitants locaux et apportent des ressources fiscales complémentaires pour les collectivités.
Cette problématique est d’autant plus importante que ces activités participent à la préservation et à la qualité des services publics en milieu rural, mais également à la gestion équilibrée de la ressource en eau.
Je souhaite donc connaître la position que la France envisage d’adopter suite à cette mise en demeure, afin de définir une vision stratégique de long terme et de garantir la pérennité des services publics de l’énergie.
Fin octobre 2015, la Commission européenne a en effet adressé une mise en demeure à la France au titre des articles 102 et 106 du traité de Lisbonne, qui définissent les principes de la libre concurrence ; j’y ai répondu en contestant fermement l’infraction à travers des réponses argumentées, et je continue de dialoguer avec la commissaire européenne chargée de la concurrence.
J’ai notamment fait valoir l’attachement de la France à plusieurs principes essentiels : le contrôle public de la gestion de l’eau, l’accélération du développement des énergies renouvelables, dont l’hydroélectricité est l’un des fleurons, la sécurité d’approvisionnement en électricité, la sûreté des barrages, la sécurité des personnes et, enfin, l’ancrage territorial des concessions, qui contribuent au développement économique local avec le maintien des compétences et des emplois dans les barrages et les usines.
Le régime de concession, vous venez de le rappeler, a été consolidé par la loi de transition énergétique : celle-ci garantit le respect des enjeux de service public, et le contrat de concession signé avec l’État permet de formuler des exigences et d’en contrôler la mise en oeuvre.
Mais les concessions dont les contrats sont échus, ou arrivent prochainement à échéance, doivent être renouvelées. La loi de transition énergétique a apporté des solutions concrètes, au terme de débats pointus à l’Assemblée et au Sénat, pour concilier les enjeux de concurrence mis en avant par la Commission européenne avec les principes auxquels je tiens tout particulièrement et que je viens de rappeler.
J’ai rencontré à plusieurs reprises la commissaire européenne à la concurrence, Mme Vestager, pour lui expliquer le sens des dispositions de la loi de transition énergétique, et je lui ai fait valoir les points suivants.
Premièrement, cette loi permet d’assurer une gestion cohérente des ouvrages en regroupant les concessions par vallées, ce qui est un élément important de protection de l’environnement. Deuxièmement, elle renforce le contrôle public des concessions grâce à des sociétés d’économie mixte associant des opérateurs, des collectivités locales et l’État. Troisièmement, elle permet de sélectionner les meilleurs projets énergétiques et environnementaux par une mise en concurrence des opérateurs industriels. Elle a institué des comités de gestion de l’usage de l’eau. Elle sécurise l’emploi en imposant le maintien du statut des industries électriques et gazières et la reprise des salariés lors des renouvellements. Enfin, elle permet de prolonger les concessions lorsque des investissements importants sont réalisés dans le cadre du droit européen des concessions.
Vous pouvez donc compter sur moi, madame la députée, pour continuer à argumenter auprès de la Commission afin d’obtenir gain de cause.
Madame la ministre, la loi de transition énergétique intègre un volet sur les énergies renouvelables afin d’équilibrer nos énergies et de valoriser les ressources de nos territoires. En 2014, 14 % de l’énergie était d’origine renouvelable, l’objectif étant d’atteindre 23 % en 2020 et 32 % en 2030.
Cette loi était très attendue par les territoires ruraux et les agriculteurs nourrissaient des espoirs importants concernant la méthanisation, d’autant que la France s’est inspirée de l’Allemagne, considérée comme un exemple en ce domaine. Nos voisins d’outre-Rhin comptent en effet 8 000 méthaniseurs.
Pourrions-nous dresser un premier bilan ? Le nombre de nouvelles unités étant passé de 70 à 40 en 2014, l’objectif des 1 000 méthaniseurs en 2020 pourra-t-il être atteint ? On peut identifier plusieurs difficultés, que vous connaissez, madame la ministre : la lourdeur administrative des dossiers, en dépit du permis de construire unique, les délais d’instruction, les exigences réglementaires croissantes et le fait que les normes françaises demeurent supérieures aux normes européennes.
Autre difficulté, signalée tout à l’heure : l’insuffisance des financements, qui rend ces investissements difficiles. Les politiques d’aide de l’ADEME pourraient à cet égard être différentes d’une région à l’autre.
Enfin, le manque de rentabilité des installations nécessiterait une revalorisation, une visibilité et une stabilité des tarifs, autant pour la méthanisation, d’ailleurs, que pour le photovoltaïque : cela encouragerait l’investissement. Une telle mesure profiterait surtout aux petites unités de méthanisation, et permettrait ainsi aux agriculteurs de diversifier leurs activités et de percevoir des revenus complémentaires plus stables et indépendants de la conjoncture, ainsi que des aides de la politique agricole commune, avec pour effet le maintien de l’élevage dans nos territoires – car, comme le disait Jean de La Fontaine dans la fable Le renard et le bouc, « en toute chose il faut considérer la fin ».
Comment comptez-vous donc prendre en considération les éléments que je viens d’évoquer, madame la ministre, pour favoriser le développement de la filière de la méthanisation ?
En complément de ce que j’ai déjà dit tout à l’heure sur le modèle économique des méthaniseurs, qu’il faut améliorer pour augmenter le nombre de chantiers en cours, je veux rappeler que les procédures ont été simplifiées, notamment avec le permis unique, d’abord expérimenté dans sept régions avant d’être généralisé sur l’ensemble du territoire en novembre 2015. D’autre part, la gestion des digestats a été simplifiée grâce à une ordonnance, adoptée avec le ministère de l’agriculture, portant sur leur homologation. Troisièmement, la loi qui renforce l’obligation de tri et de valorisation des déchets organiques facilite l’accès à ces derniers en vue d’un traitement en compostage ou en méthanisation.
L’articulation entre la simplification administrative, le soutien de l’ADEME et du fonds de financement de la transition énergétique et l’amélioration du modèle économique, notamment avec la revalorisation des tarifs de rachat, doit donc permettre la montée en puissance nécessaire à l’atteinte de l’objectif des 1 000 méthaniseurs d’ici à 2020 que j’ai fixé pour le territoire national.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Patrice Carvalho.
La France est le deuxième pays européen producteur d’hydroélectricité. Au sein de cette filière, nous comptons un peu plus de 2 000 petites centrales sur 250 000 kilomètres de rivières, représentant un peu plus de 10 % de la production hydroélectrique nationale, ce qui n’est pas négligeable.
Or cette activité subit aujourd’hui l’impact de l’application du principe de continuité écologique tel qu’il est défini dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques promulguée en 2006, dans le prolongement de la directive européenne sur l’eau.
Ainsi la France a-t-elle classé une grande partie de ses cours d’eau en liste 2 de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, au titre de la continuité écologique. Cet article prévoit que les ouvrages situés sur ces cours d’eau doivent être gérés, entretenus et équipés afin « d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs ».
Selon ce classement, de 10 000 à 20 000 seuils et barrages sont actuellement concernés par ce mode de gestion, qui implique soit une obligation d’équipement par des dispositifs de franchissement très onéreux pour les propriétaires ou les exploitants, soit une destruction. Compte tenu de ce coût substantiel, le scénario le plus probable est celui de la destruction, laquelle ne correspond cependant pas à un choix délibéré du propriétaire de l’ouvrage. Cette destruction représentera d’ailleurs elle-même un coût non négligeable supporté en majeure partie par la collectivité publique.
Le principe de continuité écologique répond à des impératifs environnementaux essentiels, mais son application trop rigide, telle que fixée par la loi sur l’eau sur des bases hydromorphologiques contestables, risque d’entraîner plusieurs conséquences préoccupantes pour le territoire : perte d’une partie de notre potentiel hydroélectrique, perte de la fonction de réserve des masses d’eau ou encore destruction d’un patrimoine hydraulique au détriment de l’intérêt paysager, touristique, économique et fiscal des territoires ruraux.
Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la ministre, pour rendre plus pertinente l’exécution de la loi ? Je pense notamment à la nomination d’une commission de travail ouverte à l’ensemble des parties prenantes pour définir les conditions d’une mise en oeuvre plus équilibrée de la continuité écologique.
Comme vous le savez, monsieur le député, les débats parlementaires ont permis de larges avancées sur la petite hydroélectricité, à laquelle je tiens tout particulièrement car elle contribue à donner aux territoires, notamment ruraux, la possibilité de développer les énergies renouvelables. C’est le sens de l’appel d’offres que j’ai préparé, l’objectif étant le développement de plus de 60 mégawatts de nouvelles capacités dans tous les champs de la petite hydroélectricité, qu’il s’agisse d’installations nouvelles, situées dans des zones propices et de puissance supérieure à 500 kilowatts, des équipements d’ouvrages existants mais ne produisant pas d’électricité – qui ont par exemple un usage de navigation ou d’alimentation en eau potable – à partir d’une puissance de 150 kilowatts, ou enfin de l’équipement de petits ouvrages existants, je pense notamment à la réhabilitation d’anciens moulins, pour une puissance comprise entre 36 et 150 kilowatts.
Cet appel d’offres vise à développer la micro et la petite hydroélectricité dans le respect des enjeux environnementaux, des milieux aquatiques et de la démarche « éviter, réduire et compenser ».
Pour éviter des impacts importants, les cours d’eau sensibles seront exclus. Ainsi, aucun ouvrage ne sera construit sur les cours d’eau classés en liste 1 ; d’autre part, l’équipement d’ouvrages existants sur les cours d’eau classés en liste 1 au titre de la présence de poissons amphihalins est strictement limité. Des mesures tendant à réduire l’impact des projets seront également prévues. En particulier, l’appel d’offres évaluera l’impact environnemental des projets, évaluation qui représentera une part significative de la note globale. Enfin les impacts résiduels des projets devront être compensés par les producteurs, conformément aux règles applicables en la matière, avec la définition d’un cahier des charges.
Cet appel d’offres, monsieur le député, répond donc à vos attentes. Il a fait l’objet de nombreuses consultations et il a fallu lever un certain nombre de réticences, mais un juste équilibre peut être trouvé, me semble-t-il, entre la production de petite hydroélectricité et la protection de l’environnement et des cours d’eau.
Suite à la baisse du cours du pétrole, l’année 2015 s’est achevée avec un prix du litre de diesel inférieur à 1 euro, ce qui n’était pas arrivé depuis l’été 2009. Depuis le 1er janvier 2016, le tarif a regrimpé au-dessus de cet euro symbolique en raison d’une augmentation de la taxation. Cette tendance est amenée à perdurer puisque l’objectif est de décourager les automobilistes de s’équiper de moteurs au diesel.
Cet objectif est un facteur d’injustice car il pénalise les familles des zones rurales ou semi-urbaines, aux revenus modestes, qui ont besoin de leur véhicule pour effectuer leurs déplacements quotidiens et qui se sont dotées du diesel parce que l’État, durant des décennies, les y a incitées. Leur rapport à l’État relève du gagnant-perdant puisque, de toute façon, ces familles n’ont pas les moyens, à court ou moyen terme, de changer de véhicule. Elles conserveront donc leur motorisation au diesel d’ancienne génération, qui est effectivement polluant.
En 2014, les véhicules au diesel représentaient 63,9 % des véhicules neufs achetés en France. Toutefois il n’y a pas qu’un diesel, mais deux : celui d’ancienne génération, que je viens d’évoquer, et le diesel moderne, sur lequel les constructeurs français sont en pointe avec le filtre à particules combiné à d’autres innovations, en particulier la catalyse des oxydes d’azote.
Le diesel se situe aujourd’hui au coeur de deux enjeux essentiels : le défi des économies d’énergie et celui de la baisse des émissions de gaz carbonique. Il serait donc plus efficace d’aider les consommateurs à remplacer leurs anciens véhicules diesel par des véhicules de nouvelle génération, sachant que les nouvelles technologies mettent entre dix et quinze ans pour se diffuser largement dans le parc automobile. Or nous alourdissons la taxation, réduisant ainsi la capacité des ménages à s’équiper de véhicules propres.
Le scandale Volkswagen est évidement venu obscurcir cette réalité. Il serait néanmoins contre-productif de ne pas voir que la technologie du diesel dispose encore de marges d’amélioration en matière d’économies d’énergie et de carburant propre. Il serait dommage, tant pour notre environnement que pour notre industrie automobile, de gâcher cette chance.
Madame la ministre, je rappelle enfin, au chapitre « deux poids deux mesures », que le kérosène, lui, est toujours exempt de taxes, alors que les avions en déversent quotidiennement au-dessus de nos têtes avant d’atterrir.
Monsieur le député, vous venez de souligner les questions que pose la baisse du prix des hydrocarbures. Il s’agit à la fois d’une menace et d’une opportunité. C’est une menace pour le réchauffement climatique parce que, bien évidemment, cette baisse des prix entraîne une augmentation de la consommation, pas seulement en France mais également à l’échelle planétaire. Mais c’est aussi une opportunité : puisque, après tout, elle emporte à la fois un gain de pouvoir d’achat et un gain de productivité dans certains secteurs, elle constitue une occasion de mettre fin aux subventions aux énergies fossiles et de développer un véritable marché, un véritable prix du carbone.
C’est donc cet enjeu que nous devons aujourd’hui prendre à bras-le-corps, en utilisant cette baisse du prix des énergies fossiles pour paradoxalement accentuer la transition énergétique en supprimant les subventions aux énergies fossiles.
Pour ce qui est de notre pays, le Gouvernement a, dans la loi de finances pour 2016, engagé un rééquilibrage de la fiscalité de l’essence et du gasoil. Nous avons d’abord reconduit la prime de 10 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique contre la mise à la casse d’une voiture diesel âgée non plus de quinze, mais de dix ans. C’est très important, car cela va orienter de nouveaux consommateurs vers l’achat de véhicules électriques.
En outre, la taxe sur les véhicules de société, initialement basée sur les émissions de CO2, a été élargie afin de prendre en compte les polluants atmosphériques qui ont un impact significatif sur la santé publique. Ainsi, les émissions de ces polluants servent à fixer le montant de cette taxe, en complément des émissions de dioxyde de carbone.
Par ailleurs, afin d’augmenter la part de la fiscalité écologique dans les prélèvements obligatoires, mais aussi de mieux tenir compte des émissions de carbone liées à la combustion des différentes énergies fossiles dans le cadre de la fiscalité énergétique, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, – TICPE – intègre depuis 2014 une part calculée en fonction des émissions de CO2 des produits taxés.
La part carbone est augmentée de façon progressive et proportionnée au contenu en CO2 de chaque produit. En 2014, l’augmentation a été limitée au gaz naturel, au fioul lourd et au charbon. En 2015, elle a été étendue à l’ensemble des produits, ce qui a notamment occasionné une augmentation plus importante pour le gasoil – 2 centimes d’euros par litre – que pour l’essence – 1,7 centime par litre.
Une hausse supplémentaire de la taxe de 2 centimes d’euros par litre, spécifique au gasoil, a par ailleurs été appliquée en 2015 afin de financer les investissements dans les transports propres. Au total, la hausse s’élève, pour le gasoil, à 4 centimes par litre. Cette évolution amorce une convergence entre la fiscalité du gasoil et celle de l’essence.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen. La parole est à M. Yves Blein.
Madame la ministre, la loi de transition énergétique définit des objectifs ambitieux en matière de réduction de la consommation d’énergies fossiles en France.
Il n’en reste pas moins que notre pays va rester durablement importateur de matières premières qui contribuent lourdement au déséquilibre de sa balance commerciale. À ce titre, même si elle est minime, la capacité nationale d’exploitation de gisements de gaz et d’hydrocarbures n’est donc pas à négliger, même si elle ne représente que 0,5 % de nos besoins pour les premiers et 1 % pour les seconds.
Les bassins sédimentaires propices aux recherches de gaz naturel et de pétrole couvrent, dans notre pays, 200 000 kilomètres carrés en mer et 70 000 kilomètres carrés à terre. Notre territoire fait actuellement l’objet de 54 permis de recherche actifs et plus de 160 demandes de permis sont en cours d’instruction.
Madame la ministre, pourriez-vous nous dire quelle est, dans l’ensemble, votre stratégie s’agissant de ces demandes ? La France souhaite-elle encourager l’exploitation de ses ressources ? Qu’en est-il des projets d’exploration en Guyane française et des permis afférents, ainsi que de ceux attendus dans le canal du Mozambique, notamment autour des îles Éparses ?
S’agissant toujours de l’exploitation de nos ressources conventionnelles, l’exploitation du gaz de houille semble offrir des potentialités intéressantes : l’évaluation, par exemple, du seul bassin sarro-lorrain, où sont conduites des évaluations, permet d’envisager la récupération de plusieurs centaines de milliards de mètres cube de gaz, soit l’équivalent de plus de sept années de consommation de gaz naturel en France. Pouvez-vous donc également nous préciser la stratégie du Gouvernement quant à l’exploitation de ces ressources ?
Monsieur le député, comme vous le savez, les activités d’exploration pétrolière ne sont autorisées que pour les hydrocarbures conventionnels. Comme la loi le prévoit, l’utilisation de la fracturation hydraulique demeure interdite.
Dans la mesure où il faut réduire la part des énergies fossiles, vous vous demandez pourquoi il faudrait continuer à accorder des autorisations de recherche d’hydrocarbures conventionnels. C’est précisément la position que j’ai prise : il ne faut plus délivrer de telles autorisations. Il faut au contraire inciter les groupes industriels qui s’engagent dans ce type d’activité à réorienter leurs investissements vers la production d’énergie renouvelable ou l’efficacité énergétique.
Ma réponse est donc extrêmement claire. C’est à la lumière de ces nouveaux choix, consolidés par la loi de transition énergétique, que le ministère refuse toute nouvelle demande d’autorisation de recherche d’hydrocarbures conventionnels.
Madame la ministre, comme deux de mes collègues précédemment, je souhaite consacrer mon intervention au développement de la méthanisation sur l’ensemble du territoire français. Vous avez rappelé tout à l’heure l’objectif ambitieux fixé par le Gouvernement de développer, à court terme, 1 000 méthaniseurs.
Le groupe d’études parlementaires consacré au développement de la méthanisation, que je préside depuis octobre 2014, a pu entendre l’ensemble des acteurs qui participent à la mise en oeuvre de cet objectif. Il a pu intervenir, à différentes reprises, pour accompagner les mesures facilitant le développement de la méthanisation, y compris en permettant aux unités qui fonctionnent déjà de surmonter un certain nombre de difficultés.
Il faut saluer la mise en place, que vous avez rappelée tout à l’heure, du Comité national biogaz. Il fédère en effet tous les acteurs de la filière et constitue aujourd’hui le lieu ressource pour en assurer le développement. Par ailleurs, à travers les lois de finances pour 2015 et pour 2016, des décisions ont été prises en termes d’exonérations fiscales afin d’aider les investissements réalisés ou en cours, y compris dans les installations pionnières. Enfin, pour ce qui concerne la production d’électricité, des mesures de réactualisation du prix d’achat ont été décidées, en particulier pour la cogénération. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir tout à l’heure dressé un premier bilan de ces différentes mesures, en réponse aux questions de mes collègues.
En revanche, s’agissant des futures installations, un nouvel appel à projets vient d’être lancé. Pouvez-vous nous en préciser le cadre et les différentes modalités ? Y aura-t-il des différences de procédures entre les unités de cogénération, qui doivent optimiser l’utilisation de la chaleur, et celles d’injection de gaz qui, elles, sont contraintes par les réseaux disponibles ?
Vous avez aussi évoqué la simplification des procédures d’autorisation, mais les problèmes liés à l’acceptabilité sociétale et à l’accès au financement demeurent.
Par ailleurs, il est nécessaire de créer une filière industrielle française afin de disposer de concepts adaptés à la ressource existante, notamment pour les effluents agricoles, et, le cas échéant, aux formes de cultures affectées. Cette évolution passe aussi par la recherche et l’innovation.
Enfin, pouvez-vous nous indiquer les modalités de gestion territoriale, tant en terme d’utilisation de la ressource que d’énergie produite, qui pourraient être mises en oeuvre afin d’atteindre cet objectif national de 1 000 méthaniseurs ? Je suis témoin du fait que vous avez déjà, dans le cadre de précédentes responsabilités, affiché votre volonté en la matière.
Merci tout d’abord, monsieur le député, d’animer le groupe d’études sur la méthanisation, qui formule des propositions. Vous l’avez dit, deux questions ont déjà été posées sur ce sujet. Je ne reviens donc pas sur les décisions qui viennent d’être prises afin d’améliorer le modèle économique des méthaniseurs ni sur les mesures de simplification administrative.
Je voudrais plutôt m’étendre sur les appels à projets que je viens de lancer. Un premier appel d’offre tri-annuel, commun aux deux filières méthanisation et bois-énergie, portera sur un volume de 10 mégawatts par an pour la première et de 50 mégawatts par an pour la seconde, dont 10 seront réservés à des petits projets de moins de 3 mégawatts. Cet appel d’offres est prêt et sera lancé dans les jours qui viennent. Il sera ouvert aux installations de bois-énergie ainsi qu’aux méthaniseurs.
Son objectif est de soutenir les projets exemplaires en matière de qualité de l’air et de valorisation de la chaleur fatale. Les projets qui mettront en oeuvre des solutions de financement participatif seront soutenus en priorité – comme le fait l’opération tout à fait exemplaire que nous avons lancée ensemble, monsieur le député, dans le nord des Deux-Sèvres.
Afin de minimiser l’impact des projets bois-énergie sur la ressource en biomasse et d’éviter les conflits d’usage, le cahier des charges impose la mise en oeuvre des technologies de cogénération à haut rendement, le respect d’un seuil minimal d’efficacité énergétique à 75 % ainsi que l’utilisation de bois issu de forêts gérées durablement.
Afin de mieux valoriser la ressource, le cahier des charges du lot relatif à la méthanisation restreint l’éligibilité aux projets ne créant pas de conflits d’usage notamment avec les terres agricoles. Il incite par ailleurs, dans une perspective d’économie circulaire, à l’utilisation d’effluents d’élevage.
En donnant aux industriels de la visibilité sur trois ans, cet appel d’offres facilitera les investissements et favorisera la création d’emplois. Un soutien financier sera apporté sous forme d’un complément de rémunération, afin d’améliorer l’intégration des installations au système électrique et de se conformer aux lignes directrices européennes en matière d’énergie et d’environnement.
Madame la ministre, je souhaite revenir sur un sujet qui me tient, vous le savez, particulièrement à coeur : la question du renouvellement des concessions hydroélectriques.
La mise en demeure adressée par la Commission européenne à la France le 22 octobre dernier et réclamant l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques suscite de fortes inquiétudes. Au-delà des industriels eux-mêmes et des agents, les élus et de nombreux citoyens nous font chaque jour part, sur le terrain, de leurs craintes et de leurs espoirs à propos de ce sujet vital pour nos vallées et porteur pour l’avenir de la transition énergétique. Si ce rappel juridique à la règle européenne était attendu, une réponse politique claire de notre pays est espérée.
Élue d’une circonscription de montagne qui compte de nombreux ouvrages hydroélectriques, et travaillant sur cette question depuis plusieurs années, je mesure, au quotidien, l’importance du rôle joué par l’hydroélectricité. Je fais partie, comme vous, de ceux qui pensent que l’énergie ne peut être considérée comme un bien comme les autres.
Pour ce qui concerne la sécurité des installations, le contrôle des prix pour l’usager, l’indépendance énergétique de notre pays mais aussi l’aménagement de nos territoires, la France ne doit et ne peut pas libéraliser ce secteur, renoncer au fruit de son histoire industrielle et se priver d’un outil central dans la réussite de la transition énergétique. Si la règle européenne est comprise, elle ne peut, en l’état, être acceptée.
Dans cette période particulièrement sensible, nous devons montrer que notre pays a, en défendant une vision claire du service public, encore prise sur ce formidable outil politique qu’est l’Union européenne. Une régression sur un tel sujet ne serait pas comprise et éloignerait encore de nombreux Français de l’idéal européen humaniste et social que nous portons.
La France a su démontrer, lors de la COP21, que sa voix porte et que, au-delà des strictes règles libérales, une vision politique d’avenir peut être défendue et entendue. Je crois cela nécessaire et surtout possible sur la question de l’hydroélectricité. Je milite pour que, compte tenu de sa place centrale et de son histoire, notre pays refuse la fatalité d’une règle aveugle qui ouvre ce secteur à la concurrence sans en mesurer toutes les conséquences. C’est ce que nous avons souhaité inscrire dans la loi de transition énergétique.
C’est pourquoi je me permets d’attirer à nouveau votre attention sur ce sujet sur lequel je vous sais très mobilisée et très engagée. Madame la ministre, pouvez-vous, ce soir, rassurer les élus et acteurs sur votre volonté de défendre ce bien public ?
Madame la députée, je vous remercie vraiment de votre grande implication sur cette question de l’hydroélectricité. Elle nous a permis, lors des débats relatifs à la loi de transition énergétique, de trouver des solutions originales, qui n’étaient au départ pas évidentes, afin de concilier les règles européennes de libre concurrence et la protection d’un service public de toute première importance, que j’ai déjà évoqué tout à l’heure.
J’ai rappelé les grands principes : l’affirmation du contrôle public de l’eau, l’accélération du développement des énergies renouvelables, et par conséquent la préservation de ce potentiel hydroélectrique qui en outre est la seule énergie renouvelable à avoir à ce jour réglé le problème de son stockage, la sécurité d’approvisionnement, la sûreté des barrages, l’emploi, l’ancrage territorial de ces équipements, le respect du savoir-faire et de l’histoire même de certains territoires liés à l’hydroélectricité.
Je ne vous cache pas que les discussions avec la Commission européenne et avec la commissaire en charge de cette question sont très serrées. Il nous faut bien expliquer ce que nous avons voulu faire au travers de la loi de transition énergétique et mettre en exergue le fait que nous n’avons pas, pour être très claire, placé EDF en situation de position dominante abusive, ce qui est le principal reproche qui nous est adressé, dans le système des marchés de gré à gré du secteur des concessions hydroélectriques.
Par conséquent, je dois rester très vigilante quant au renouvellement des concessions récemment arrivées à échéance, afin que le principe de libre concurrence s’applique dans le cadre des règles auxquelles je tiens et qui ont été inscrites dans la loi de transition énergétique. J’ai bon espoir d’obtenir gain de cause mais les discussions restent très serrées. Nous devons parvenir à respecter les règles européennes tout en protégeant le système français de production d’hydroélectricité.
Madame la ministre, avec l’accélération des énergies renouvelables en 2014, celles-ci représentent pour la première fois près de 20 % de la consommation électrique. La loi sur la transition énergétique prévoit l’accélération de leur développement pour atteindre 40 % de la production d’électricité en 2030. Cela supposera notamment des objectifs renforcés pour la filière photovoltaïque.
Dans le cadre des objectifs fixés par la directive européenne sur les énergies renouvelables, la France devait parvenir en 2020 à une capacité photovoltaïque installée de 5 400 mégawatts. Du fait du développement rapide de cette filière, notamment par la forte baisse des coûts sur la période 2009-2015, cet objectif a été atteint plus rapidement, ce dont je me félicite.
En cohérence avec cette dynamique d’accélération du déploiement de capacités solaires, le Gouvernement a annoncé cet été le doublement des appels d’offres pour les installations de moyenne et grande puissance. Ces démarches vont dans le bon sens.
Je souhaite néanmoins attirer votre attention sur la nécessité d’ancrer cette dynamique dans une politique de diversification des sources d’énergie dans l’ensemble des territoires. En effet, le critère du prix étant prépondérant dans la sélection des projets de parcs photovoltaïques par appel d’offres, le nord de la France est bien souvent désavantagé. Un critère de pondération géographique permettrait à ces territoires de prendre part à la transition.
Madame la ministre, je souhaiterais savoir si une telle initiative est à l’étude et connaître votre bilan sur le nombre et les capacités des nouveaux parcs créés.
Monsieur le député, le solaire est en effet une filière clé pour atteindre les objectifs de la loi de transition énergétique, d’autant plus qu’il peut être déployé rapidement et à grande échelle.
En outre, les coûts de production ont fortement baissé : cela a été beaucoup dit pendant la COP21, et tous les pays du monde l’ont constaté. Par conséquent, les centrales solaires font désormais partie des moyens de production d’électricité renouvelable parmi les moins chers : 70 euros par mégawattheure pour les meilleurs projets déposés aux derniers appels d’offres s’agissant de centrales solaires au sol.
L’objectif initial de la programmation pluriannuelle des investissements, qui était de 5 400 mégawatts de capacité solaire à l’horizon 2020, a été atteint dans le courant de 2014. Par un arrêté du 30 août 2015, je l’ai fait passer à 8 000 mégawatts. La puissance des installations photovoltaïques raccordées fin septembre 2015 est de 6 500 mégawatts et le rythme actuel de développement de la filière, qui est de 900 à 1 000 mégawatts par an, devrait être fortement augmenté dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
L’État soutient le développement de la filière par le biais de tarifs d’achat attractifs pour les petites installations photovoltaïques sur les bâtiments – je pense en particulier aux bâtiments agricoles – et par des appels d’offres pour les installations sur les bâtiments de plus grande taille et les centrales au sol.
J’ai accéléré le doublement de la filière en doublant les volumes des appels d’offres en cours d’instruction. Les lauréats de l’appel d’offres pour les installations de plus de 250 kilowatts crête au sol ont été désignés en décembre 2015. Les volumes appelés pour les lots de centrales au sol ont été triplés, portant le volume de l’appel d’offres à plus de 800 mégawatts. Les volumes de l’appel d’offres pour les installations sur les bâtiments de 100 à 250 kilowatts crête en cours d’instruction ont été doublés le 21 septembre et sont passés de 120 à 240 mégawatts. Enfin, un appel d’offres est en cours concernant les zones non interconnectées, portant sur un volume de 50 mégawatts.
Pour accélérer le développement de la filière, des simplifications des procédures d’appels d’offres vont également être mises en oeuvre pour raccourcir les délais de préparation, de candidature et d’instruction.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’avancement du travail d’élaboration de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
La PPE est l’un des deux outils structurants du pilotage de la transition énergétique, avec la stratégie nationale bas carbone. Elle va permettre de décliner de façon opérationnelle les orientations de la politique énergétique fixées par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a été adoptée en août 2015 et qui vous doit beaucoup.
Pour la première fois, l’ensemble des piliers de la politique énergétique – énergies renouvelables, sécurité d’approvisionnement, réseaux – et l’ensemble des énergies sont traités dans une seule et même stratégie, afin de tenir compte du lien fort entre les différentes dimensions de la politique énergétique et de développer une vision transversale de l’énergie.
Dans une approche pragmatique, les premières briques de cette PPE ont été soumises il y a quelques mois à la consultation des différentes parties prenantes, dans le cadre du comité de suivi de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Élus, organisations syndicales, entreprises du secteur de l’énergie, ONG, associations représentatives de collectivités ont ainsi pu être consultés sur les actions de maîtrise de la consommation d’énergie, le développement des énergies renouvelables et les enjeux de sécurité d’approvisionnement, de flexibilité des réseaux énergétiques et d’infrastructures énergétiques.
Ainsi, en fixant des priorités d’action claires, la PPE assurera la sécurité d’approvisionnement et la réduction de notre dépendance aux énergies d’origine fossile. Elle donnera une visibilité aux acteurs du monde économique et soutiendra ainsi l’investissement et la croissance du secteur. Elle contribuera à la création d’emplois dans les nouvelles filières de la transition énergétique et dans l’ensemble de l’économie. Elle préservera la santé humaine et l’environnement en luttant contre l’effet de serre et en améliorant la qualité de l’air. Elle garantira la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages.
Le 20 décembre dernier, un décret gouvernemental a été publié au Journal officiel, fixant la programmation pluriannuelle de l’énergie pour la Corse. Cette PPE vise un objectif de consommation finale d’énergie de 6 350 gigawattheures en 2023, contre 7 560 en 2014. Tous les experts qui ont examiné le texte ont salué la qualité du travail réalisé dans un calendrier extrêmement serré. Aussi, êtes-vous en mesure de nous indiquer à quel horizon sera publié le décret relatif à la PPE pour le territoire métropolitain continental ?
Je vous remercie vous aussi, monsieur Bouillon, pour votre participation à tous ces travaux extrêmement denses.
Comme vous le savez, j’ai présenté le 19 novembre dernier devant le comité de suivi, instance qui comprend les membres du Conseil national de la transition écologique et du Conseil supérieur de l’énergie, des premières orientations et actions, avec notamment des objectifs quantifiés concernant les énergies renouvelables et des priorités d’action claires. Les nouveaux objectifs de développement des énergies renouvelables sont fixés par secteurs – électricité, chaleur, biogaz, biocarburants.
La programmation pluriannuelle de l’énergie a ainsi pour objectif d’assurer la sécurité d’approvisionnement et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, de donner de la visibilité et même d’imposer des obligations aux acteurs du monde économique pour soutenir l’investissement et la croissance du secteur, de contribuer à la création d’emplois dans ces nouvelles filières de la transition énergétique, de nous permettre d’être performants sur le plan mondial, de préserver la santé humaine et l’environnement en luttant contre l’effet de serre et en améliorant la qualité de l’air, et de garantir une cohésion territoriale en articulation avec les territoires à énergie positive pour la croissance verte et pour le climat.
Le projet définitif de la PPE, y compris le volet annexé relatif à la stratégie de développement de la mobilité propre, sera présenté prochainement devant le comité de suivi pour recueillir ses observations avant d’engager les différentes consultations obligatoires. Il passera devant le Conseil supérieur de l’énergie, le comité d’experts, l’autorité environnementale, et sera soumis à la consultation du grand public.
Nous sommes donc dans la dernière ligne droite de la préparation de ce document. C’est un travail considérable mais nous avons accéléré les choses et sommes au bout de ce processus qui doit donner de la clarté, de l’ambition, de la visibilité et, surtout, des résultats.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Madame la ministre, la méthanisation agricole est un secteur d’avenir. En ces temps de transition énergétique et de baisse dramatique des revenus agricoles du fait des différentes crises agricoles, on souhaite voir se développer de tels projets. La méthanisation est en effet un outil privilégié de gestion des déjections animales et une source de revenu pour l’agriculture.
Votre gouvernement, qui aime les objectifs chiffrés, plus ou moins réalistes, en a fixé de très ambitieux en matière de méthanisation. Le ministre de l’agriculture a fixé l’objectif de 1 000 méthaniseurs en 2020 et 1 500 en 2025. Sachant que 40 méthaniseurs ont été créés en 2014, cet objectif semble bien lointain.
Comment expliquer ce faible succès par rapport à nos voisins allemands ? Il y a beaucoup plus de méthaniseurs en Allemagne. Les pouvoirs publics sont-ils suffisamment engagés dans le soutien à ces projets ?
Il y a dans notre pays de nombreuses contraintes et des carcans réglementaires qui découragent les porteurs de projet. Surtout, le prix du rachat du kilowatt est insuffisant, particulièrement pour les projets collectifs rassemblant des groupes d’agriculteurs-éleveurs. Pour ces installations, qui dépassent les 300 kilowattheures, le prix de rachat est inférieur à celui des projets individuels et elles sont défavorisées en matière de subventions.
Le Gouvernement multiplie les annonces depuis les manifestations agricoles, avec notamment un plan de soutien à l’élevage et des mesures fiscales. Nos agriculteurs en ont bien besoin. Mais ce que je constate dans mon département de la Mayenne, c’est qu’ils attendent plus pour se lancer dans des projets de méthanisation. Comment le Gouvernement compte-t-il favoriser les projets collectifs portés par les agriculteurs, projets qui ont, je le rappelle, une efficacité énergétique indéniable ?
Votre question, monsieur le député, rejoint les interrogations de plusieurs parlementaires sur tous les bancs.
Il faut effectivement débloquer le modèle économique des méthaniseurs, ce que je viens de faire par un arrêté en augmentant le tarif de rachat. Les méthaniseurs de moins de 500 kilowatts seront soutenus par un tarif d’achat de l’électricité garanti pendant vingt ans, dont le niveau a été revalorisé. Les méthaniseurs de plus de 500 kilowatts seront soutenus dans le cadre d’appels d’offres ouvrant droit à un complément de rémunération garanti pendant vingt ans. Un premier appel d’offres, qui portera sur un volume annuel de 1 000 mégawatts, sera lancé dans les prochaines semaines après une dernière consultation de la profession.
Il faut ensuite développer une filière industrielle française. C’est l’objectif du Comité national biogaz, qui rassemble l’ensemble des industriels de ce secteur et travaille sur le volet de l’adaptation des matériels au contexte français, la formation des professionnels ou le développement d’innovations qui ont le soutien de l’ADEME dans le cadre des appels à projets du plan Investissement d’avenir.
J’ai également simplifié les procédures. Le permis unique expérimenté dans sept régions a été étendu à l’ensemble des régions au 1er novembre 2015. S’il y a des difficultés administratives dans ce cadre, il faut me le signaler, car c’est là la principale différence avec l’Allemagne : le temps de réalisation, le problème des multiples recours à toutes les étapes du permis. Le permis unique doit permettre de raccourcir les délais et de sécuriser juridiquement les entreprises qui investissent dans les méthaniseurs.
Vous le savez, j’ai mis en place des moyens de financement pour 1 000 méthaniseurs à travers le territoire national. Il faut donc se saisir de cette opportunité pour que la France puisse rattraper son retard dans ce domaine. Je crois que c’est en bonne voie.
Madame la ministre, la France est un pays engagé sur la voie de l’exemplarité environnementale. Le changement climatique est une priorité du gouvernement français. Nous ne pouvons qu’encourager cette volonté moult fois rappelée dans cet hémicycle.
L’énergie étant au coeur des problématiques du développement durable dans ses trois piliers, économique, social et environnemental, la politique de la France dans ce domaine doit être sans cesse renforcée.
Cette volonté politique doit se déployer à tous les niveaux, régional, national mais aussi international. Ainsi, aucune ambition climatique ne peut aboutir sans une coopération internationale renforcée, cela a été rappelé à de multiples reprises lors de la COP21. La mise en place de cette solidarité internationale est primordiale pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique et pour assurer l’accès de tous à l’énergie durable.
À travers le Fonds français pour l’environnement mondial – FFEM – et l’Agence française de développement – AFD – la France a mis en place un dispositif d’aide publique en faveur des pays en développement et de l’outre-mer.
L’objectif est donc de gérer la menace d’un changement climatique généralisé, tout en assurant les besoins énergétiques des économies émergentes. Nous devons également soutenir les stratégies politiques nationales et les négociations internationales pour accompagner le développement de systèmes énergétiques efficaces et d’options de régulation des émissions.
Pour réaliser cette tâche complexe qui requiert la coopération d’un bon nombre de pays, j’aurais souhaité savoir la stratégie que le Gouvernement a mise en place. Quels sont les objectifs à court terme ? Les financements seront-ils garantis à moyen terme ?
Dans ma circonscription, surtout dans les pays émergents d’Asie, les besoins en termes d’énergie sont de plus en plus importants, tout comme les attentes. Nos entreprises sont aussi renommées que performantes. Si le Gouvernement développait une stratégie d’accompagnement, cela ne pourrait être qu’efficace, aussi bien pour elles que pour la protection de l’environnement.
Monsieur Mariani, vous avez eu raison de mettre l’accent sur l’articulation entre les politiques nationales et internationales. Cela a été l’objectif de la COP21. Celle-ci ne se résume pas à son accord final : parallèlement, un travail considérable a été mené pendant une année dans le cadre du Plan d’actions Lima-Paris. Il s’est conclu, au cours de la Conférence de Paris, par soixante-dix coalitions portant sur tous les aspects de la transition énergétique et écologique. De ce point de vue, les coalitions concernant les énergies renouvelables ont été les plus spectaculaires.
On peut ainsi citer la coalition pour l’électrification de l’Afrique, avec la mobilisation de moyens financiers très importants ; celle sur l’énergie solaire, avec l’engagement de l’Inde et de ses cent « smart cities » – la France a noué un partenariat avec trois d’entre elles ; celle sur la géothermie qui sera prochainement finalisée avec des pays de tous les continents. On peut également relever les engagements liés à l’utilisation de la biomasse et à la valorisation des forêts ; ceux sur le développement des énergies marines, avec l’intégration de la thématique de l’océan et de l’eau à la Conférence de Paris, qui permettent l’articulation entre protection de l’environnement et valorisation des productions des énergies marines. L’utilisation de ces nouvelles énergies représente un espoir considérable, notamment pour les États insulaires.
Vous le voyez, la France a été très offensive. Elle a également pris l’initiative s’agissant de la coalition concernant la performance énergétique des bâtiments. Nous allons réduire la durée entre la signature de ces coalitions et leur concrétisation, qui passe aussi par un appel aux filières économiques et aux entreprises. Ces dernières sont fortement impliquées et attendent beaucoup de l’engagement des différents pays. Il s’agit en effet de voir comment les INDC – Intended nationally determined contributions, les engagements nationaux – se traduiront concrètement en commandes, en marchés et en créations d’activités et d’emplois, c’est-à-dire en croissance verte sur tous les continents.
Madame la ministre, le 17 décembre dernier, la Vendée a été reconnue département le plus électromobile de France. J’ai eu le plaisir de me rendre à Bercy pour recevoir le trophée qui vient distinguer la politique menée par le syndicat d’énergie et l’ensemble des maires de Vendée. Preuve de la pertinence de son maillage territorial, les ventes de véhicules électriques en Vendée sont en forte hausse. À titre d’exemple, le concessionnaire du chef-lieu qui vend des véhicules « français », pour ne rien dire de plus, a enregistré en 2015 des chiffres exceptionnels, puisque près de 10 véhicules vendus sur 100 au cours de l’année étaient à 100 % électriques. Cet exemple le montre, nos concitoyens sont en train d’adopter le véhicule propre, qui est en outre tellement agréable et facile à conduire.
Nous ne sommes pas les seuls à déployer ces infrastructures : plus des deux tiers des départements français s’y sont également lancés. Mais les propriétaires de véhicules électriques s’irritent aujourd’hui de la lenteur avec laquelle l’interopérabilité se met en place, même si GIREVE – Groupement pour l’itinérance des recharges électriques de véhicules – semble avoir vocation à la mettre en oeuvre. L’absence de modèle tarifaire national, qui conduit à une grande disparité des tarifs pratiqués par les opérateurs publics et privés, mais aussi la question de la protection des données, les négociations infructueuses entre opérateurs monétiques… tout semble contribuer à freiner l’interopérabilité.
Il ne sert à rien de se féliciter de l’établissement de corridors internationaux alors que dans la plupart des cas la mobilité interdépartementale requiert une multiplicité de cartes d’accès et le paiement de droits tarifaires très hétérogènes. Le décret de modification des règles de fonctionnement des régies de recettes, rendant éligibles les opérateurs monétiques comme Sodetrel ou KiWhi, n’est toujours pas publié, en dépit d’une attente très forte de l’écosystème.
Madame la ministre, si nous voulons favoriser l’usage du véhicule électrique, il faut tout faire pour faciliter le déplacement de ses utilisateurs, et il faut le faire en urgence. Ma question est simple : quand l’interopérabilité deviendra-t-elle une réalité en France et en Europe ? Quelles dispositions pensez-vous prendre rapidement, madame la ministre, quelles incitations, pour atteindre cet objectif ?
La Vendée est en effet à l’avant-garde. Vous connaissez ma sensibilité au sujet des véhicules électriques. J’avais lancé et soutenu, il y a dix ans, un projet local de fabrication d’un véhicule électrique, non loin de votre département. Sans doute étions-nous trop en avance… Il est évident que si tous les territoires étaient aussi offensifs que le vôtre, la production industrielle française pourrait davantage monter en puissance.
La question de l’interopérabilité des bornes est fondamentale. J’en entends de plus en plus parler, non seulement à l’échelle nationale, mais également s’agissant des pays frontaliers. Il y a notamment de gros problèmes avec l’Allemagne, qui a conçu des bornes que les travailleurs frontaliers ne peuvent utiliser. Il faut donc assurer l’interopérabilité au niveau national, mais aussi au niveau européen. Une telle décision s’impose à l’Europe de l’énergie.
Par ailleurs, nous avons maintenu la prime de 10 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique en échange de la mise au rebut d’un véhicule diesel, âgé au surplus de dix ans seulement, contre quinze auparavant. Cette impulsion nouvelle donnée à l’achat des véhicules électriques doit s’accompagner d’un déploiement des bornes électriques et d’une garantie de compatibilité.
Un décret, vous l’avez dit, est en cours d’élaboration, sous la direction du préfet Francis Vuibert, chef de projet du plan industriel « Bornes électriques de recharge ». Pour faire suite à votre question, j’irai voir sans plus tarder où en est ce décret, et pourquoi nous n’avons toujours pas reçu de propositions. Des difficultés industrielles doivent se poser et des consultations être en cours. Il est évident que nous devons accélérer le processus, pour permettre la montée en puissance du réseau des bornes électriques de recharge et, partant, la libéralisation du marché du véhicule électrique.
Par ailleurs, j’ai lancé pendant la COP21 un appel à projet international sur la construction d’un véhicule électrique à moins de 7 000 euros, pour permettre aux industriels de se positionner sur une nouvelle génération de véhicules électriques accessibles à tous.
Madame la ministre, l’année 2015 a été riche en matière écologique. Outre le vote de la loi de transition énergétique, il y a eu la COP21, dont je salue les avancées significatives dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ces deux rendez-vous ont été l’occasion de réaffirmer la nécessité de développer les énergies renouvelables.
Je voudrais vous interroger sur l’avenir de l’énergie hydroélectrique, et plus précisément sur celui de deux barrages de la Sélune, Vezins et La Roche-qui-boit. Vous vous êtes rendue sur place et vous avez pu vous rendre compte de leur utilité, tant dans la production électrique que dans la régulation des crues et l’alimentation en eau. Dans le sud Manche et chez nos voisins bretons, il y a une certaine inquiétude concernant les réserves en eau, qui pourraient disparaître si le funeste projet d’arasement des barrages était maintenu. Ces deux barrages constituent en effet des réserves d’eau très importantes.
Madame la ministre, lors de votre visite, vous nous aviez demandé de trouver une société qui serait intéressée par la reprise de la concession des deux barrages. C’est désormais chose faite et vos collaborateurs et moi-même l’avons reçue. Tous les éléments sont donc réunis. Vous n’êtes pas non plus sans savoir qu’une consultation locale a été organisée par l’association des amis des barrages. Sur 20 000 participants dans le sud Manche, 99 % souhaitent le maintien des barrages de Vezins et de La Roche-qui-boit. Le problème est difficile, mais en vous appuyant sur la loi de transition énergétique et sur les conclusions de la COP21, le moment est sans doute venu de nous préciser vos intentions concernant les deux barrages de la Sélune.
Comme vous le savez, je suis allée sur place rencontrer les différents interlocuteurs sur ce sujet. Ce ne sont pas des décisions que l’on doit prendre à la légère. L’arasement des barrages causerait des perturbations très importantes sur les sites concernés. Nous nous sommes engagés au niveau européen à rétablir la liberté des cours d’eau, mais nous devons aussi maîtriser les risques que représenterait pour l’environnement un tel arasement, notamment en termes de pollution en aval.
J’ai demandé que l’on détermine très nettement les perturbations auxquelles la population serait exposée en cas d’arasement des barrages. Nous n’avons jamais eu l’occasion de voir, même virtuellement, quelles seraient ces modifications, notamment la baisse brutale du niveau de la vallée par rapport aux sites et aux villages environnants. Les riverains d’un territoire ont le droit de connaître les conséquences de décisions aussi lourdes.
J’avais aussi évoqué la possibilité d’étudier la capacité de ces barrages à produire de l’hydroélectricité. Il serait en effet paradoxal, au moment où nous développons les énergies renouvelables, d’abattre des équipements qui pourraient permettre d’en produire. Comme vous l’avez dit, vous avez identifié un industriel potentiellement intéressé par l’utilisation de ces ouvrages. Nous allons examiner ses propositions, tout en veillant aux questions de sécurité.
Une revue de sûreté doit en effet être réalisée d’ici à 2017. Une vidange des ouvrages, partielle ou définitive, sera faite par l’État assisté par EDF. Il faut concilier la sécurité de ces ouvrages très anciens – il n’est pas question qu’ils provoquent une catastrophe écologique en cédant sous le poids de l’eau – et leur exploitation potentielle. Nous devrons examiner toutes les solutions avant de prendre une décision définitive.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la micro-électricité, dont l’objectif est de produire de l’électricité avec de petites unités modulaires, faciles à déployer et donc rapidement évolutives. L’avantage de la micro-électricité serait sa compétitivité en termes de coût et le fait qu’elle libérerait peu, voire pas de carbone. Elle offre la possibilité à des individus, des communautés, des propriétaires d’immeubles ou de petits industriels de générer leur propre électricité.
Dans mon département, la Loire, le syndicat intercommunal d’énergies a décidé d’investir le champ de la micro-électricité. Le réseau d’adduction d’eau d’une petite ville a été équipé d’une turbine de 24 kilowatts. Cette option permet d’éviter l’opposition récurrente entre les problématiques de production d’énergie et de continuité écologique des milieux aquatiques. En parallèle, un ancien site industriel va être réhabilité pour construire une centrale de 80 kilowatts.
Sur le barrage de Lavalette, en Haute-Loire, une micro-centrale hydroélectrique a été installée. La ville de Saint-Étienne a investi 600 000 euros pour l’ouvrage, dont elle est propriétaire. Cet investissement devrait être rentabilisé assez rapidement compte tenu du revenu annuel lié à l’électricité produite.
De nombreuses collectivités investissent progressivement dans la micro-électricité, certaines dans l’hydroélectricité, d’autres dans la méthanisation ou encore le solaire, avec des objectifs environnementaux, sociaux et financiers. Ainsi, en Bretagne, l’installation d’une micro-station sur un site de carrières en fin d’exploitation permettra de maintenir une certaine activité et d’éviter qu’il ne devienne une friche.
Aujourd’hui, à travers de multiples initiatives, qu’elles soient publiques ou privées, la micro-électricité à partir d’énergies renouvelables et non polluantes se développe partout sur notre territoire. Cependant, dans de nombreux cas, les autorisations administratives ralentissent son essor, freinant les initiatives locales.
Aussi, madame la ministre, je souhaite connaître les projets de votre ministère en matière de micro-électricité et savoir comment vous comptez encourager les initiatives locales, publiques ou privées.
Je vous remercie, monsieur le député, d’évoquer la problématique très importante des petits équipements de production d’énergie renouvelable, qui a été bien prise en considération dans la loi de transition énergétique.
J’ai expliqué tout à l’heure comment la petite hydroélectricité allait pouvoir se déployer, notamment à travers les appels d’offre que j’ai lancés pour développer plus de 60 mégawatts de nouvelles capacités dans tous les champs de la petite hydroélectricité. Il y aura ainsi des installations nouvelles, dans les zones propices, de puissance supérieure à 500 kilowatts ; des ouvrage déjà existants mais ne produisant pas d’électricité, par exemple à usage de navigation ou d’alimentation, seront équipés ; et d’anciens moulins par exemple seront réhabilités, pour une puissance comprise entre 36 et 150 kilowatts. Par conséquent, il y aura là une possibilité de produire de l’énergie en proximité.
Il y a aussi tout le financement participatif maintenant mis en place par la loi de transition énergétique, les sociétés de tiers financement, qui permettent, elles aussi, de monter des opérations, et les appels à projet sur l’énergie solaire et l’énergie photovoltaïque, notamment pour la couverture des toits des bâtiments agricoles.
Il faut aussi d’aider les territoires à énergie positive qui se sont engagés dans une convention « territoire à énergie positive pour la croissance verte » à déployer sur le territoire, en fonction des potentialités, de petites productions d’énergie renouvelable, car elles sont à l’articulation entre l’efficacité énergétique, la citoyenneté et la démocratie énergétique, puisque c’est en proximité que les citoyens peuvent ainsi se réapproprier cette production.
Je conclus avec les facilités données à l’autoconsommation, très freinée jusqu’à présent, dans le cadre de ces équipements de proximité. Cela doit permettre de lancer une dynamique de construction et d’investissement locale.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Questions sur l’état d’urgence et la politique pénale.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly